CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 « La spécificité de la formation politique et culturelle moderne que j’appellerai l’Atlantique noir peut être définie à travers ce désir de dépasser à la fois la structure de l’État nation et les contraintes de l’ethnicité et de la particularité nationale » [Gilroy, 1993, p. 19]. Pour Gilroy, cette « diaspora noire » qu’il définit aussi comme hybride, créole, métisse, dépasserait l’opposition binaire entre les perspectives nationale et diasporique [1993, p. 29], privilégierait l’ « impureté » contre les « absolutismes ethniques » [1993, p. 29], irait au-delà des « cadres d’analyse nationaux et ethnocentrés » [1993, p. 30] auxquels les chercheurs seraient habitués  [1]. Si les travaux de Gilroy ont renouvelé la réflexion sur ces « Amériques noires » évoquées un demi-siècle plus tôt par Roger Bastide, on peut également se demander si la notion de diaspora qu’il utilise, issue d’un environnement historique, politique, social, culturel, propre, certes, à l’Atlantique noir, mais aussi à l’Atlantique anglophone, est pertinent pour l’étude d’autres contextes. Certains lecteurs francophones de Gilroy ont mis en lumière l’ancrage de son approche théorique dans un cadre scientifique marqué par la post-modernité, au point de s’interroger sur la confusion entre projet épistémologique et objet de recherche [Chivallon, 2002, 2004 ; Dufoix, 2003]. La diaspora correspond-elle à l’expérience des personnes dispersées ou répond-elle aux enjeux théoriques du champ de la recherche ? Cet article se propose de prolonger ces réflexions en interrogeant l’utilité de ce nouveau modèle sur un autre terrain, celui de l’Amérique latine  [2]. De fait, alors que Gilroy critique l’absolutisme ethnique et nationaliste de la culture politique noire [1993, p. 5], l’Amérique latine n’a que très récemment concilié ethnicité et nation en mettant en place des politiques multiculturelles, depuis la fin des années 1980, concernant notamment les populations noires [voir par exemple Guimarães, 2002, Véran, 2003, pour le Brésil ; Barrow et Priestley, 2003, pour le Panamá ; Charier, 2000, pour le Venezuela]. De plus, alors que Gilroy en appelle à la créolisation et à l’hybridité pour décrire l’originalité de la « diaspora noire », l’idéologie du métissage a fortement marqué l’histoire du monde politique et culturel latino-américain [Pierson, 1967 ; Solaún et Kronus, 1973 ; Bernand et Gruzinski, 1993]. Rappelons par exemple que, dans le cas du Brésil, Livio Sansone [2003] s’interroge, non pas sur un hypothétique absolutisme ethnique, mais au contraire sur l’absence de mobilisation ethnique, en dépit de la discrimination raciale dont les populations noires et métissées sont victimes. Je centrerai ici mon propos sur la Colombie, qui a adopté en 1991 une Constitution affirmant le caractère pluriethnique et multiculturel de la nation ; depuis lors, le « noir » sort de l’ « invisibilité » [Friedemann, 1992] et se transforme en « afrocolombien », revendiquant une ethnicité qui lui donne accès à un statut et des droits nouveaux. Ces mécanismes ont été largement décrits [Wade, 1997 ; Pardo, 2001 ; Restrepo, 2002 ; Agudelo, 2004 ; Barbary et Urrea, 2004 ; Cunin, 2004 ; Hoffmann, 2004], je n’y reviendrai donc pas. Mais j’insisterai néanmoins sur le fait que les phénomènes de globalisation de l’ethnicité auxquels s’intéressera cet article naissent dans un contexte – la Colombie et, au-delà, l’Amérique latine – dans lequel l’ethnicité afroaméricaine n’est reconnue que dans les années 1990 et constitue une catégorie non seulement récente, mais aussi extrêmement malléable, ambiguë, inachevée. D’autre part, en Amérique latine, la référence au « métissage », sous ses différentes appellations, loin de constituer un horizon politique ou idéologique, renvoie à une logique d’homogénéisation – cachant bien souvent des mécanismes de blanchiment – avec laquelle les politiques multiculturelles doivent rompre. En d’autres termes, les notions d’ « ethnicité », de « nationalité », d’ « hybridité » n’ont pas, en Amérique latine, le sens que leur donne Gilroy dans l’univers de référence anglo-saxon. Comment, dès lors, y analyser l’émergence d’une « diaspora noire » ?

2 « Nous sommes arrivés à Santiago en tant que noirs, nous en sommes repartis en tant qu’afrodescendants ». Cette phrase, maintes fois répétée par les leaders latino-américains ayant participé aux conférences internationales contre le racisme (notamment Santiago en décembre 2000 et Durban en août-septembre 2001), résume leur engagement pour passer d’une catégorie d’identification héritée de l’époque coloniale, renvoyant à une qualification raciale, imposée par le système esclavagiste, à une catégorie faisant référence à une origine commune, dans une logique d’auto-définition, et incarnant une revalorisation politique et culturelle. Le terme « noir » est le produit d’une globalisation ancienne qui a touché le continent américain ; il légitimait alors – et légitime encore – un monde hiérarchique marqué par la traite et l’esclavage, donnant naissance, dans les Amériques, à des formes d’équivalence entre appartenances sociale et raciale [Fanon, 1952 ; Hoetink, 1967 ; Bonniol, 1990]. Aujourd’hui, l’enjeu de l’introduction d’un nouveau vocable n’est pas seulement sémantique : il s’agit bel et bien, pour les nouveaux acteurs ethniques, d’inverser un rapport de domination, de réécrire l’histoire, de s’approprier une identité. En d’autres termes, faire de l’ethnicité un passeport vers la reconnaissance de la différence au-delà des frontières nationales et échapper à une assignation raciale, marquée par la naturalisation et la marginalisation.

3 Sans doute la « Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée », organisée à Durban par l’ONU du 31août au 8septembre 2001, a-t-elle connu de nombreux points d’achoppement, en particulier la question des réparations, qui implique la mise en accusation des sociétés européennes (voire africaines)  [3]. Mais la conférence de Durban a finalement adopté une mesure, certes avant tout symbolique, la reconnaissance de la traite et de l’esclavage comme crimes contre l’humanité, et une série d’orientations rassemblées sous le titre « Déclaration et Programme d’action » [ONU, 2002]. De ce premier pas naîtra le Groupe de Travail sur les Afrodescendants, dépendant de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU, qui marque une étape fondamentale dans le développement d’un espace ethnique globalisé. Avec Durban, le terme « afrodescendant » dépasse le cadre de quelques experts ou leaders ethniques et fait son entrée dans le langage international, véhiculé par de multiples acteurs : agences internationales, ONG, médias, gouvernements, etc. L’esclavage et la traite sont considérés comme des « tragédies effroyables de l’histoire de l’humanité » et constituent un « crime contre l’humanité » [ONU, 2002, p. 17] ; la déclaration estime « essentiel que tous les pays de la région des Amériques et toutes les régions où se trouve la diaspora africaine tiennent compte de l’existence des populations d’ascendance africaine qui vivent en leur sein et de l’apport culturel, économique, politique et scientifique de ces populations et reconnaissent la persistance, à l’égard de celles-ci en particulier, du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée » [ONU, 2002, p. 23] ; le programme d’action « invite instamment les États à faciliter la participation des personnes d’ascendance africaine à tous les aspects – politiques, économiques, sociaux, culturels – de la vie sociale et à l’avancement et au développement économique de leurs pays, et à faire mieux connaître et respecter leur patrimoine traditionnel et leur culture » [ONU, 2002, p. 52].

4 Sur la scène internationale, les populations noires/afrodescendantes n’ont pas les mêmes ressources matérielles et symboliques que les populations indiennes : elles n’incarnent pas les préoccupations de la société globale en termes de respect de l’environnement, de développement durable, de protection des droits de l’homme, de maintien de savoirs concernant l’humanité entière [Recherches Amérindiennes au Québec, 2001 ; Ulloa, 2004]. Au contraire, l’esclavage, acte de naissance de la « diaspora noire », est problématique, pour les acteurs qui s’en réclament mais aussi pour les sociétés américaines, européennes et africaines. De fait, le discours afrodescendant naissant a longtemps oscillé entre deux logiques, celle de l’accusation et celle de la victimisation, interdisant tout dialogue avec les gouvernements et les agences internationales. Pourtant, les populations noires, au moins en Amérique latine, connaissent aussi des processus sociaux communs : revendication de la propriété des terres, accès aux droits sociaux et économiques, récits nationaux excluants, racisme latent, pratiques culturelles, etc. De fait, dans les années 1980-90, l’adoption simultanée de politiques multiculturelles dans plusieurs pays d’Amérique latine a bien montré que des problématiques semblables traversaient de multiples sociétés et que des solutions proches avaient été préconisées.

5 Quels sont dès lors les mécanismes de ce processus de traduction en un discours unique d’un ensemble hétérogène de revendications ? Quel rapprochement possible au-delà de la référence à une catégorie honnie, la « race », à un événement traumatique, l’esclavage ? Comment construire une identité posée comme commune entre des populations situées dans des contextes politiques, sociaux, économiques, culturels extrêmement variés, du Nord au Sud du continent ? En d’autres termes, quelle est cette ethnicité qui s’inscrit, non plus dans des spécificités identitaires localisées, mais dans une logique d’extension et de déterritorialisation ? La transgression des frontières ethniques traditionnellement définies au niveau régional ou national renvoie-t-elle, comme le suggère Homi Bhabha [1994], au mécanisme central du processus d’hybridation et donc de dépassement de catégories d’appartenance rigides et stables ? Ou bien, pour reprendre les propos de Frederick Barth [1969], voit-on apparaître de nouvelles frontières ethniques, entre un « nous » et un « eux », de plus en plus englobants et déterritorialisés ? Bref, dans quelle mesure la remise en cause des frontières liée à la globalisation signifie-t-elle la fin de l’ethnicité [Anthias, 2001, p. 622] ?

6 Afin de contribuer aux travaux sur la notion de « diaspora noire », cet article  [4] s’interrogera sur l’émergence de la catégorie « afrodescendant », en analysant son utilisation et sa portée pratique auprès de militants colombiens, déjà engagés dans la promotion de l’ethnicité au niveau national. J’aborderai le thème de la globalisation de l’ethnicité comme un processus qui, tout à la fois, complète et transforme des mécanismes d’affirmation identitaire plus anciens, ancrés dans un contexte national, sans que l’on puisse parler ni de succession, ni de dépassement de l’un par l’autre, mais plutôt d’un renforcement mutuel. Plus qu’aux contenus culturels, qui semblent caractériser les analyses contemporaines [Anthias, 2001, p.626 ; Yelvington, 2001, p. 237], c’est à la dimension politique que je m’intéresserai, à l’inégale distribution du pouvoir, à la hiérarchisation des lieux de la globalisation, à la difficulté de l’accès aux ressources matérielles, etc. Il s’agira d’étudier la dimension relationnelle de l’ethnicité, en se plaçant à différents niveaux d’élaboration d’une frontière ethnique, où sont à l’œuvre les mécanismes de va-et-vient entre normes d’action mobilisées sur les scènes locale, nationale et internationale. Je retiendrai ainsi trois espaces de confrontation : une conférence internationale organisée à Cartagena, sur la côte Caraïbe colombienne, en 2003, sous le double patronage du président de la république et des acteurs internationaux ; la mise en place de réseaux ethniques continentaux initiée par les agences internationales et ses effets dans la ville de Cali et sur les organisations afrocolombiennes ; les réunions du Groupe de Travail sur les Afrodescendants à l’ONU, à Genève, et la présence des militants afrocolombiens.

L’étape nationale : apprentissage politique et adaptation aux attentes internationales

7 La qualification raciale issue de l’esclavage ne s’est pas transformée du jour au lendemain en appartenance ethnique ou en mobilisation diasporique à l’échelle planétaire. L’exemple colombien nous montre à quel point, les années 1980-90, marquées par l’adoption, en Amérique latine, de politiques multiculturelles ayant permis l’apparition d’acteurs ethniques et la redéfinition des principes fondateurs de la nationalité, ont constitué une étape fondamentale vers l’émergence de logiques transnationales. Ce n’est qu’après avoir été reconnus sur la scène nationale – dans un processus à la fois complexe et inachevé – que les acteurs ont eu les ressources, politiques, économiques, symboliques, cognitives, leur permettant d’effectuer le changement d’échelle. En d’autres termes, les leaders furent afrocolombiens avant d’être afrodescendants. L’extension des revendications hors des frontières nationales s’inscrit dans un double cadre : d’une part, celui des avancées du modèle multiculturel national qui ont, incontestablement, permis l’affirmation d’une « identité ethnique », dont il faut souligner le caractère changeant, contextuel, ambigu (bref, hybride…) ; d’autre part, celui des impasses de ce même modèle, liées à l’intervention des acteurs armés, au désintérêt du gouvernement actuel pour les questions ethniques, aux contradictions des politiques mises en place. L’émergence d’une dimension transnationale doit être avant tout considérée comme une évolution progressive, liée aussi bien à des facteurs internes (réussites et épuisement du multiculturalisme, disparition d’espaces ethniques, acquisition de compétences, conflit armé) qu’externes (exemple du mouvement autochtone, agences et programmes internationaux). La Primera Conferencia Institucional de Fortalecimiento Afrocolombiano (Première Conférence Institutionnelle de Consolidation Afrocolombienne), à Cartagena, nous donne un exemple de cette logique de va-et-vient entre différentes échelles, d’adaptation des discours nationaux aux attentes supposées des agences internationales ou des leaders ethniques nord-américains mais aussi d’utilisation de la légitimation internationale pour donner plus de force aux revendications locales. Car la globalisation ne signifie pas le dépassement de l’ancrage national ; bien au contraire, les différents nivaux se croisent et s’alimentent mutuellement. La référence à une « diaspora noire » se construit dans le mouvement d’adaptation et d’interaction entre leaders ethniques afrocolombiens et acteurs internationaux (agences, représentants latino-américains et nord-américains).

8 Dans le hall du Centre de Conventions, forteresse moderne plantée au milieu de la baie de Cartagena, les traditionnelles affiches promotionnelles vantant les mérites d’une marque d’alcool ou les sous-vêtements portés par une célèbre présentatrice de télévision sont remplacées par une série de portraits des héros incarnant la lutte pour les droits des populations noires : W. E. B. Du Bois, Malcom X, Martin Luther King, Nelson Mandela, Toussaint l’Ouverture. À leurs côtés, une affiche de l’ONU annonçant : « l’ONU travaille pour mettre fin au racisme ». Arrivés dans la salle de conférences, les participants sont accueillis au son des tambours qui, aucun doute, sont bien « authentiquement africains » puisqu’ils proviennent d’un reportage, projeté sur écran géant, consacré aux danses africaines, dans le meilleur style folkloriste de l’UNESCO des années 1970. Prenant la parole, le président de l’Association des maires afroaméricains des États-Unis insiste, en anglais, sur le lien qui unit les participants : « Bonsoir, mes frères et mes sœurs, membres de la diaspora africaine, descendants des rois et des reines de l’empire africain » (1er août 2003).

9 Car le Centre de Conventions est le siège, du 31 juillet au 2 août 2003, de la Primera Conferencia Institucional de Fortalecimiento Afrocolombiano, titre quelque peu intrigant dont les termes correspondent néanmoins parfaitement au langage des organisations internationales, invitées d’honneur de cette réunion, en raison de leur intérêt grandissant pour les minorités ethniques, en particulier « afrodescendantes ». À la tribune, les leaders afrocolombiens sont entourés des représentants de la Banque Mondiale, de la Banque Interaméricaine de Développement, du PNUD, de US Aid  [5], mais aussi de leurs homologues nord-américains (président de l’association des maires noirs des États-Unis, membres du Black Caucus du Congrès) et des principaux acteurs d’un « mouvement afrodescendant globalisé » (Gay Mc Dougall, directrice de Human Right Law Group, Romero Rodríguez, responsable de la Alianza Estratégica Afrolatinoamericana, Carlos Rosero, membre du Proceso de Cominudades Negras). L’initiateur de cette rencontre est un personnage bien connu du monde afrocolombien : Oscar Gamboa, directeur international de la Federación de Municipios del Pacífico, candidat à l’Assemblée Nationale au titre de la Circonscription Nationale Spéciale  [6] lors des élections de mars 2002. Pour Oscar Gamboa, l’État colombien n’est pas en mesure de satisfaire les attentes des organisations noires, il est donc nécessaire de frapper à d’autres portes : « l’État nous a rejetés à la marge, il nous tourne le dos. Nous n’obtiendrons rien si nous n’allons pas nous-mêmes le chercher. C’est pour cela que nous sommes sortis du pays, c’est à nous de nous libérer, avec des revendications très concrètes à des entités comme US Aid, la BID, la Banque mondiale, qui sont tout à fait disposées à nous aider »  [7]. Et les choses sont encore plus claires en privé : « le Palais de Nariño [siège de la présidence de la République] ne m’écoute pas, mais il retient ce que dit Washington »  [8]. En écho à ces paroles, il faut d’ailleurs souligner que le président colombien, Alvaro Uribe, conclura en personne les débats de la conférence. Annoncée dans la matinée de la seconde journée, sa venue tiendra en haleine organisateurs et participants, provocant une rumeur dans toute la salle à chaque nouvelle alerte sur son arrivée imminente. Finalement, il n’apparaîtra qu’en toute fin de journée, accompagné d’un rapide remaniement à la tribune afin de mettre en scène une représentation équilibrée entre membres des agences internationales, leaders noirs colombiens et nord-américains et membres du gouvernement colombien. Salué par Oscar Gamboa et déclaré lui aussi afrocolombien, le président Uribe se livrera alors à un exercice bien rodé de questions/réponses dans lequel il excelle, entre autoritarisme technocratique et illusion démocratique. À la tribune, entre deux étirements, un paquet de cacahouètes à la main, il donne la parole, interrompt brutalement les interventions jugées trop longues, fait un commentaire élogieux à telle personne vêtue d’une tenue africaine ; pendant près de deux heures, Alvaro Uribe acceptera ainsi toutes les questions et ne répondra à aucune, renvoyant à des considérations politiques générales ou à ses ministres et conseillers présents, appelant directement les absents par téléphone. Finalement, avant de se livrer à un bain de foule sous la protection de gardes du corps et miliaires en grand nombre, le président Uribe résumera ainsi son rapport avec ses concitoyens afrocolombiens : « toutes vos demandes sont parfaitement justifiées ».

10 Ces bonnes paroles du président colombien ne manquent pas de surprendre au moment où la mise en place de politiques multiculturelles initiée par la Constitution de 1991 connaît un certain essoufflement. Mais s’il est un domaine où le multiculturalisme colombien n’a pas fléchi, c’est au niveau international. La Primera Conferencia Institucional de Fortalecimiento Afrocolombiano, à Cartagena, symbolise le passage d’une demande d’intégration nationale dans le respect des différences à une recherche de nouveaux espaces et de nouvelles ressources au niveau international, tant dans l’espoir d’accéder à cette scène ethnique émergeante à l’échelle mondiale que pour se confronter, avec une légitimité et des ressources accrues, à l’État colombien.

11 Or, la rencontre avec les responsables des organismes internationaux et les leaders ethniques nord-américains est loin d’être évidente et immédiate ; elle implique de fait certains changements dans les discours et les logiques d’action des leaders afrocolombiens ayant convoqué la réunion. C’est ainsi que l’on peut interpréter la localisation même de cette conférence. Ce choix s’explique avant tout par un principe sécuritaire : Cartagena, située sur la côte Caraïbe, ville touristique à la compétence reconnue dans l’organisation de congrès internationaux, est relativement protégée de la violence qui touche le reste du pays. Car personne n’est dupe : ce n’est pas un critère ethnique qui a présidé à cette décision, le mouvement afrocolombien étant bien davantage associé à la région du Pacifique. Néanmoins, les organisateurs ne manqueront pas de donner à ce choix strictement stratégique une connotation politique en introduisant la notion de « dépacification » (en référence à la concentration de la mobilisation dans la région du Pacifique) des revendications ethniques, passant par la promotion soudaine de l’ « identité noire » de la ville caribéenne et l’affirmation de l’envergue nationale de la mobilisation afrocolombienne, révélatrice d’une conception fluctuante des frontières de l’ethnicité. Ni le contenu des débats, ni les conclusions du colloque, ni même le degré de participation des habitants de la ville (largement absents) ne viendront confirmer un tel discours ; mais l’extension, au moins symbolique, de la mobilisation ethnique à la région Caraïbe et, au-delà, à l’ensemble du pays, montre à quel point les organisateurs de la réunion de Cartagena se sont sentis obligés de séduire leurs invités internationaux, peu informés des divergences inter et intra-régionales.

12 Plus généralement, l’orientation vers l’international nécessite l’adoption d’un nouveau langage qui satisfasse aux normes internationales – réelles ou imaginaires – tournées vers la réalisation d’objectifs globaux au sein desquels la dimension ethnique n’est parfois qu’un moyen. D’un côté, les agences internationales visent chacune à mettre en place leurs grands programmes, autour des « objectifs du nouveau millénaire » pour l’ONU, de l’inclusion sociale pour la Banque interaméricaine de développement, du renforcement de la démocratie pour US Aid ; de l’autre, les représentants (démocrates) du congrès américain, s’opposant à la politique extérieure de leur gouvernement, ont notamment fait de la dénonciation du Plan Colombie (programme de lutte contre la production de drogue lancé en janvier 2000 et soutenu militairement et financièrement par les États-Unis) un de leur cheval de bataille. Dans les deux cas, les afrocolombiens apparaissent comme une cible privilégiée. Le directeur d’US Aid en Colombie l’annonce immédiatement : il a un « point de vue extérieur à cet événement », que son organisme finance pourtant largement. Il se présente ainsi comme le responsable du programme de soutien à la démocratie et rappelle ses objectifs : « nous travaillons au renforcement de la démocratie et du développement social du pays, nous veillons à l’intégration de toutes les populations et de toutes les régions, en particulier des populations les plus vulnérables comme les indiens et les afrocolombiens. C’est pourquoi nous soutenons des événements comme celui-ci, nous avons des programmes de formation, de renforcement des organisations » (discours, 31 juillet 2003). En aparté, il confiera que s’il assiste à la réunion colombienne, c’est parce qu’il a autrefois travaillé au Mozambique, comme s’il avait acquis ainsi une compétence auprès de toutes les populations d’origine africaine, censées incarner ainsi une communauté transnationale…

13 Brefs, les invités internationaux voient en la Colombie, qui cumule conflit armé, narcotrafic, corruption, pauvreté, un laboratoire pour la mise en place de leurs programmes et une zone prioritaire d’action. Les organisateurs de la rencontre l’ont bien compris, qui tendent à assimiler systématiquement les catégories « afro » et « déplacé » (desplazado), laissant parfois entendre que la majorité des déplacés sont afrocolombiens et que les afrocolombiens sont en grand nombre des déplacés. De fait, la première journée du colloque fut dominée par la présentation d’un reportage sur l’explosion d’une bombe artisanale, envoyée « par erreur » par la guérilla des FARC sur l’église d’un village du département du Chocó, à forte population noire, quelques semaines auparavant. Tuant plus de cent civils, ce nouveau fait d’arme aveugle, connu sous le nom de « massacre de Bojayá », a provoqué une forte mobilisation nationale et internationale. Dans le contexte de la réunion de Cartagena, la référence aux événements tragiques de Bojayá ne manque pas d’être révélatrice : s’appuyant sur une logique de victimisation [9], elle tend à assimiler, dans un pays où le conflit touche pratiquement l’ensemble du territoire, population déplacée et population noire, appréhendée sur le mode exclusif de la communauté rurale, sous-développée socio-économiquement, isolée géographiquement. En d’autres termes, cette auto-présentation de soi correspond parfaitement aux critères de définition et aux normes d’action des agences internationales. Les thèmes des déplacés, de la violence, des droits de l’homme, de la résolution des conflits se substituent à la problématique de la titularisation des terres, de l’ethnoéducation ou de la place des populations noires dans l’histoire nationale qui constituaient jusqu’alors les référents dominants des discours ethniques colombiens. Il s’agit désormais de se situer dans une logique de lutte contre la pauvreté  [10], de développement institutionnel  [11], de conquête de pouvoir politique [12], de développement humain durable, en mobilisant ainsi les concepts des agences internationales.

L’ethnicité en partage : des réseaux agissant ici et là-bas

14 En m’arrêtant sur la mise en place de réseaux ethniques à l’échelle continentale, je souhaite montrer que si la rhétorique des agences internationales a bien contribué à initier et structurer des formes d’organisation transnationales, elle n’a eu d’efficacité que dans la mesure où elle a été réappropriée et réinterprétée localement. Mieux même : les logiques venues d’ailleurs ou d’ « en haut » ne prennent sens que dans le contexte des enjeux nationaux ou régionaux des organisations afrocolombiennes. En d’autres termes, comme le suggère Floya Anthias, au-delà du discours abstrait sur la « diaspora noire », il s’agit d’insister sur les relations sociales concrètes de production de l’altérité, d’une part, et sur les rivalités pour les ressources (nationales ou internationales), d’autre part [Anthias, 2001].

15 Il existe aujourd’hui deux réseaux se revendiquant d’une ethnicité présentée comme globale : Afroamérica 21 et la Alianza Estratégica Afrolatinoamericana. Cette dualité rend compte des rivalités entre les organisations dans la course à l’incarnation légitime de l’ « afrodescendance ». Elle illustre aussi comment la globalisation de l’ethnicité répond à une logique de confrontation/évitement sur la scène ethnique globale – des associations, mais aussi des agences internationales –, qui donnera naissance à des pratiques et des discours propres à chacun des deux réseaux.

16 Afroamérica 21 est né de l’action de la Banque interaméricaine de développement (BID) et de son appui à la formation de plusieurs associations afroaméricaines, amenées à suivre un même modèle et à collaborer entre elles. La BID se proposait en effet, dans la première moitié des années 1990, de faire émerger des « leaders latino-américains » dans neuf pays (Honduras, Nicaragua, Costa Rica, Colombie, Venezuela, Équateur, Pérou, Uruguay, Argentine) afin de réaliser un rapport sur le thème de la pauvreté, dans lequel un accent tout particulier serait accordé à la place des « minorités ». Ce programme avait deux objectifs principaux : réduire la pauvreté à travers la génération de ressources (et, notamment, la création de micro-entreprises), renforcer institutionnellement les organisations de base. Michael Franklin, canadien d’origine jamaïcaine, président de l’Organisation des Africains dans les Amériques (OAA), fut mandaté par la BID pour prendre contact avec de potentiels leaders noirs dans les neuf pays d’Amérique latine concernés par le programme et soutenir la création d’organisations viables, réunies sous le nom d’Afroamérica 21. Au terme de plusieurs rencontres binationales et internationales (à Washington, à Cartagena, à La Ceiba), un rapport sur « la pauvreté et la race » sera remis à la BID en novembre 1996 ; qualifié par la suite de « Déclaration Afroamérica 21 », il se présente comme le « premier rapport continental qui fait un diagnostic et propose des remèdes aux conditions de vie des populations noires dans chacun de nos pays » [BID, 1996]. Cette initiative favorisera la consolidation d’une grande partie des organisations noires naissantes, qui jouent aujourd’hui un rôle de premier plan au niveau national et international.

17 De fait, Afroamérica 21 a servi de point de départ à la constitution d’un autre réseau, la Alianza Estratégica Afrolatinoamericana, dont la plupart des responsables actuels ont été contactés, avec plus ou moins de succès, par Michael Franklin. Dès décembre 1995, à Montevideo, la Alianza se forme sous le nom de Red Continental de Organizaciones Afroamericanas, à l’initiative de Mundo Afro, association uruguayenne dirigée par Romero Rodriguez, lors du « 1er séminaire continental racisme et xénophobie »  [13]. Tous les thèmes abordés sont placés sous le signe de l’ancrage continental : il s’agit de former un réseau de communication interaméricain, de produire des études comparatives sur la diaspora, de mettre en place la formation de leaders afroaméricains, etc. Si l’initiative est lancée par les leaders ethniques eux-mêmes, cette fois, c’est une autre agence internationale qui va contribuer à sa reconnaissance ultérieure : l’ONU et la perspective de la « Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée », à Durban, du 31 août au 8 septembre 2001. Il est intéressant de noter que les deux réseaux, Afroamérica 21 et Alianza Estratégica Afrolatinoamericana, vont entretenir une relation privilégiée avec une institution (la BID pour le premier, l’ONU pour le second), et une ville (Washington et Genève), évitant ainsi toute confrontation et adoptant par la même occasion des pratiques et des discours spécifiques  [14]. En d’autres termes, l’une des formes prises par la « diaspora noire », la mise en réseau, reproduit les rivalités nationales et inscrit les ONG dans des sphères d’action parfaitement délimitées.

18 De fait, ces expériences ont-elles véritablement permis le passage d’une logique qui restait jusqu’alors largement binationale à la mise en place d’un réseau transnational, comme l’espéraient ses initiateurs ? Le processus d’émergence de réseaux s’appuie sur l’intervention d’un petit nombre de personnes (Jésus García pour le Venezuela, Romero Rodríguez en Uruguay, Jorge Ramírez au Pérou, Carlos Rosero et Alfonso Cassiani en Colombie, Celeo Alvarez du Honduras), réunies au sein de la Alianza Estratégica Afrolatinoamericana, circulant entre les différentes capitales mondiales, désormais plus à l’aise dans les bureaux des organismes internationaux que dans les réunions des associations qu’elles représentent. À leurs côtés, on retrouve une poignée d’individus mandatés par les organisations internationales : Michael Franklin (avant sa disparition complète de la scène publique) pour la Banque Interaméricaine de Développement, Gay Mc Dougall pour Human Right Law Group, Josefina Stubbs pour la Banque Mondiale, Luiz Barcelos et Tianna Paschel pour InterAmerican Dialogue. Et des passeurs, vivant à Washington ou à Genève pour des raisons personnelles, proches des milieux associatifs et/ou politiques, facilitant la mise en contact des leaders afroaméricains et des fonctionnaires ou politiques en Suisse et aux États-Unis. En définitive, au-delà de la représentation d’une globalisation sans visage ou d’une « diaspora noire » touchant une large population, on observe le rôle central joué par les actions individuelles et les rencontres entre quelques personnages clés de ce processus.

19 D’autre part, si les différentes branches d’Afroamérica 21, divisé en « chapitres » nationaux, partagent toutes une origine commune, le seul lien entre elles passe, de façon indirecte, par la médiation d’une personne, Michael Franklin, personnage controversé, aujourd’hui disparu de la scène publique afroaméricaine – et remplacé, à la tête d’Afroamérica 21, par le hondurien Roy Guevarra –, et d’une association, l’Organisation des Africains dans les Amériques. Ce « réseau » s’apparente avant tout à la coexistence d’une multitude d’organisations, ayant suivi un cheminement propre à chaque contexte national. En Colombie, Afroamérica 21 s’est implanté à Cali, en raison principalement du rôle joué par Agustin Valencia, contacté par Michael Franklin alors qu’il était sénateur (entre 1994 et 1998), élu sur un des deux postes réservés aux communautés noires. L’accès à l’international se situe dans une logique bi-nationale, entre chaque branche d’Afroamérica 21 et le bureau situé aux États-Unis, et est loin de répondre à une mise en réseau avec des organisations « sœurs » sur tout le continent. Pour le représentant du « chapitre Colombie », il n’a jamais existé de contact entre les différentes organisations nationales d’Afroamérica 21 à l’échelle continentale (entretien, 20 septembre 2003). C’est ainsi que la branche colombienne d’Afroamérica 21 a obtenu un important partenariat avec une fondation nord-américaine, la National Endowment for Democracy, dont l’objectif est la consolidation de la démocratie dans le monde, qui passe également par un rapprochement avec l’une des plus prestigieuses universités du pays, l’Universidad de los Andes, à Bogotá, chargée de la gestion de ce programme. Le réseau transnational semble ainsi davantage se limiter à des relations bilatérales, reproduisant un schéma classique centre-périphérie alors que la solidarité entre les associations ethniques latino-américaines se réduit à l’instrumentalisation d’un label donnant accès à l’international. De fait, la référence à Afroamérica 21 est aujourd’hui partagée par plusieurs personnes ou groupes, qui s’en réclament sans s’identifier complètement au réseau : d’Agustin Valencia, à la carrière politique déclinante, qui joue ainsi sur ses premiers contacts avec Michael Franklin, à l’association Afrolider, née d’une scission au sein de la branche colombienne d’Afroamérica 21. Finalement, même les représentants « officiels » d’Afroamérica 21 n’en conservent que le nom, « pour des questions de marketing et parce qu’il est plus facile d’aller frapper aux portes, aux États Unis » (entretien, 20 septembre 2003).

20 Le développement d’Afroamérica 21 ou de la Alianza Estratégica Afrolatinoamericana s’appuie finalement sur l’articulation entre trois échelles d’intervention, chaque niveau contribuant, avec ses ressources propres, à légitimer les autres : une nébuleuse de petites associations locales à la durée de vie incertaine et aux objectifs limités, une représentation dans les instances du pouvoir national (Assemblée, espaces ethniques), la présence de quelques leaders ethniques sur la sphère internationale. De fait, la forte individualisation de l’accès à Washington ou à Genève, des déplacements sur tout le continent, n’empêche pas la mise en place de structures plus denses aux niveaux national et régional. Si le réseau transnational reste limité, il s’apparente avant tout à une sorte de réseau de réseaux, chaque nœud présent sur la scène internationale s’appuyant sur une multitude d’associations n’ayant, elles, pas directement accès aux ressources de la globalisation. De cette asymétrie, les porte-parole tirent leur légitimité à se positionner sur la scène globale, au nom des activités menées sur le terrain par d’autres, alors que les associations locales en attendent des retombées financières, un accès facilité aux instances administratives, un gain en termes d’image. Et la « diaspora noire » combine ainsi ces différentes échelles, signifiant à la fois développement d’un programme d’ethnoéducation dans une école de quartier de Cali ou lutte pour l’accès au soin des femmes noires d’un village des alentours, campagne de soutien à un candidat afrocolombien pour les élections législatives ou échanges avec les agences internationales et les organisations noires nord-américaines.

Le Groupe de Travail sur les Afrodescendants

21 Les critiques sont nombreuses concernant les instances de l’ONU, notamment la Commission des Droits de l’Homme, et n’ont pas manqué de se faire entendre au lendemain de la Conférence de Durban. Ainsi Jean-Claude Buhrer et Claude Levenson [2003], journalistes au Monde, mettent-ils en avant trois limites : le décalage entre législation et réalité, l’instrumentalisation des Droits de l’Homme par des États cyniques, le verbiage diplomatique et les batailles de mots qui n’ont pas de portée « réelle ». Et pourtant, pourrait-on dire, des militants du monde entier viennent, au prix bien souvent de sacrifices financiers et personnels considérables. Les instances de l’ONU peuvent également être considérées comme un lieu où se jouent l’existence et la définition même de la « diaspora noire ». De fait, il apparaît nécessaire de déconstruire les évidences véhiculées par les médias, d’interroger les stéréotypes sur l’inefficacité de l’ONU, d’analyser un discours qui est de l’ordre de l’imposition idéologique. S’il est devenu courant de dénoncer l’univers factice des assemblées internationales, on peut à l’inverse s’intéresser à ces apparences qui produisent une certaine réalité, à ce rituel créateur de normes sociales, non seulement dans les salons du Palais des Nations, à Genève, mais aussi dans les lieux les plus divers de la planète.

22 Ce sont les différentes étapes de la préparation de la conférence de Durban (négociations avec les gouvernements nationaux, rencontres entre leaders noirs, intervention des organismes internationaux, mobilisation de la Alianza Estratégica Afrolatinoamericana) qui obligeront les acteurs à s’accorder sur un discours commun et, au-delà, à s’inscrire dans une logique d’action planétaire. Car la question des réparations, cheval de bataille des militants les plus radicaux – notamment nord-américains –, se heurte à l’hostilité des gouvernements occidentaux à aborder le thème ; de même, la définition des populations « afrodescendantes » pose problème, les gouvernements africains souhaitant l’étendre aux migrants économiques d’origine africaine du XXe siècle. Le choix des termes utilisés pour désigner cette nouvelle catégorie de population est porteur de ces ambiguïtés. Les uns, notamment les Brésiliens, auraient préféré conserver le terme « noir » pour mieux en inverser le sens au nom du slogan : « en tant que noirs nous avons été esclavisés, en tant que noirs nous nous libérerons » ; certains revendiquent le maintien d’une dimension nationale (afrocolombien, afropéruvien, afromexicain, etc.), effacée par la référence à une ascendance commune ; d’autres, enfin, se font les avocats de termes aux connotations plus revendicatives : « renaissants », « esclavisés ». C’est finalement le terme afrodescendant qui sera retenu, en dépit – ou en raison – de ses ambiguïtés.

23 Le Groupe de Travail sur les Afrodescendants est l’incarnation matérielle des mesures adoptées à Durban ; inspiré du modèle plus ancien des Groupes de Travail sur les Autochtones et sur les Minorités, il est le cadre, une fois par an, d’échanges entre fonctionnaires de l’ONU, experts internationaux, représentants des gouvernements, membres des agences internationales, acteurs des ONG et leaders ethniques  [15]. De fait, même l’apprenti leader afrodescendant, qui n’a pas encore accès aux membres du gouvernement ou aux fonctionnaires de l’ONU, repartira avec un carnet d’adresses bien rempli, de nombreux « trucs » pour un prochain séjour et une valise pleine de documents officiels en différentes langues, de rapports des séances du Groupe de Travail, de brochures de présentation d’ONG. Car la participation au Groupe de Travail permet la mise en commun des problèmes et des solutions, la publicisation d’une situation particulière, la constitution de réseaux, la familiarisation avec les règlements et textes internationaux. Et, au retour dans le pays d’origine, l’acquisition d’un nouveau statut, auréolé d’un label international.

24 Les leaders afrocolombiens fréquentant les couloirs du Palais des Nations sont militants d’une des principales organisations colombiennes, le Proceso de Comunidades Negras, tout en étant rattachés à l’Alianza Estratégica Afrolatinoamericana. Ils sont devenus de véritables professionnels des arènes internationales et ont appris à connaître et maîtriser les codes et les ressources du Palais des Nations (prises de parole parfaitement programmées, nombreuses rencontres avec les fonctionnaires de l’ONU, les représentants des gouvernements, les membres d’autres ONG, utilisation de la bibliothèque et des accès Internet) et de la ville (fréquentation des lieux d’activités culturelles et politiques, connaissance des associations de migrants ou alter-mondialistes, réseau d’hébergements gratuits). L’un deux, Alfonso Cassiani, jouera ainsi rapidement un rôle de passeur auprès des autres membres d’ONG, lors de la réunion annuelle du 25 octobre au 5 novembre 2004, grâce à sa connaissance des mécanismes onusiens et à son expérience des réunions internationales, révélant ainsi un processus de hiérarchisation implicite entre les organisations. Au terme de plusieurs réunions informelles, les ONG afrodescendantes aboutiront même à un texte commun, présenté en séance plénière, dénonçant en particulier l’absence de spécificité ethnique des communications des experts invités et la permanence d’un racisme institutionnalisé. Si elle a quelque peu bouleversé le langage diplomatique habituel, cette déclaration n’en a pas moins gardé la forme et le ton propres aux débats de l’ONU. En aparté, Alfonso confiera, confirmant ainsi sa pratique des règles du jeu onusien : « ils ont au moins écouté nos deux premières recommandations. Cela nous est utile pour aller parler avec le président maintenant » (entretien, 3 novembre 2004). Néanmoins, sa présence à Genève n’empêche pas un ancrage national fort et multiple de ses activités de militance ethnique, sa parfaite maîtrise du rôle d’ « afrodescendant » doit être comprise comme une forme d’appartenance intermittente et conditionnelle. Il est également, en Colombie, ancien membre de la Commission Consultative des populations noires de la région Atlantique, militant actif du Proceso de Comunidades Negras à Cali, historien, diplômé de l’Université Javeriana à Bogotá, spécialiste du marronnage [Cassiani, 2003]. De fait, en novembre 1997, lors de notre première rencontre, Alfonso Cassiani circulait déjà, à l’échelle de la côte Caraïbe colombienne, entre réunions politiques dans les administrations locales, soutien aux ONG afrocolombiennes naissantes et mobilisation autour de Palenque de San Basilio, son village d’origine, aujourd’hui classé au titre de patrimoine mondial par l’UNESCO. En ce sens, l’ONU représente moins, pour lui, un univers déterritorialisé qu’un lieu, parmi d’autres, d’engagement multiforme.

25 Soulignons également l’importance des personnes d’origine latino-américaine installées à Genève, qui servent de médiateurs entre l’Amérique latine et l’Europe, entre les organisations afrodescendantes et les structures onusiennes. Ainsi Mercedes Moya, ancienne militante du Proceso de Comunidades Negras en Colombie, réfugiée politique à Genève, est-elle devenue une véritable experte du fonctionnement parfois obscur de l’ONU, accueillant et orientant les leaders lors de leurs séjours, diffusant informations, agendas et rapports. Elle a bien compris que, pour faire pression sur les gouvernements, pour participer à l’élaboration de nouvelles normes internationales, il fallait être au cœur de ces lieux de production d’une ethnicité globalisée. « Il faut être à l’intérieur des Nations Unies. Au niveau local, cela permet aux représentants des ONG de négocier avec leur gouvernement. Si tu sais cela et de quelle façon le gouvernement respecte ses engagements ou pas, tu as une capacité plus forte de négociation. Maintenant, je sais ce qu’eux savent, je sais ce qui se passe à l’intérieur. Ainsi, je peux réorienter mes actions à l’extérieur et avoir un appui à l’intérieur » (entretien, 15 mai 2003). Depuis 1994, Mercedes a également créé sa propre association, Espacio Afroamericano, dont les objectifs montrent bien le croisement et l’articulation de différentes logiques, locale et globale : l’ONG, dans son rôle d’intermédiaire, œuvre en effet à la reconnaissance des communautés noires au sein de l’ONU, se constituant en centre de documentation et de diffusion d’informations. Mais elle agit également de façon plus autonome au titre de la défense de la biodiversité et des contacts avec d’autres cultures, en cherchant à s’inscrire dans le courant des associations alter-mondialistes. Enfin, son ancrage genevois l’amène à s’adresser aux habitants de la ville à travers une sensibilisation de l’opinion publique au problème de la discrimination raciale et une réflexion, menée avec des migrants africains, sur le lien entre Amérique et Afrique.

26 Finalement, la diversité des statuts et des attentes des acteurs qui se rendent à Genève (du militant nord-américain professionnel, financé par des associations afrocentristes, maniant un discours racialisant à la jeune avocate brésilienne, découvrant l’Europe, dénonçant la domination sexuelle plus que le racisme) ne permet pas véritablement de parler d’une communauté identitaire mais bien plutôt d’une communauté d’action et d’intérêt. Comme le suggère Rogers Brubaker, il s’agit de « dé-substantialiser » la diaspora, en la « considérant comme une catégorie de pratique, de projet, de revendication, de position, plus que comme un groupe délimité » [Brubaker, 2005, p. 13].

Conclusion

27 Pour reprendre les propos de Paul Gilroy cités en introduction, la référence à une « diaspora noire », telle qu’on peut l’observer à partir de la Colombie, ne se fait pas contre l’ancrage national et ethnique. Bien au contraire, elle s’appuie sur la rencontre entre le national et l’ethnique dans l’Amérique latine des années 1980-90, liée à l’adoption de politiques multiculturelles. D’autre part, l’utilisation de la notion d’hybridation ne peut pas être limitée à la seule dimension transnationale : elle est déjà présente, à l’échelle nationale, dans une ethnicité en construction et redéfinition perpétuelles, qui ne fait pas seulement référence à une « pureté » (culturelle, d’ascendance africaine) mais repose de fait sur un bricolage identitaire qui emprunte à différents registres, notamment les allers et retours entre le local et le global. Plus que le dépassement de l’ethnicité, la globalisation signifie ici affirmation d’une ethnicité qui combine différents niveaux de localisation et capacité à redéfinir et remobiliser les frontières selon les contextes. En opposition à une assignation extérieure associée à une connotation raciale, l’ethnicité en vient à représenter, de façon simultanée et non contradictoire, une multiplicité de formes et degrés d’identification. À chaque fois, le terme « afrodescendant » est suffisamment indéfini pour inclure différentes activités et significations et suffisamment précis pour rassembler autour de pratiques et d’attentes communes, plus que d’une appartenance partagée. De plus, il ne se substitue pas aux catégories d’appartenance plus anciennes, « noir » et « afrocolombien » principalement, mais s’ajoute à elles dans une logique de coexistence entre critères d’identification et ressources d’action.

28 S’il est difficile de reprendre les catégories d’analyse proposées par Gilroy dans l’étude des contextes latino-américains, il semble tout aussi incertain de suivre Pierre Bourdieu et Loïc Wacquant [1998] dans l’analyse qu’ils font de l’apparition de discours ethniques au Brésil. Dans un texte qui a fait grand bruit [Fry, 2000 ; Theory, Culture and Society, 2000], ils considèrent en effet que celle-ci ne serait que le résultat de l’imposition, facilitée et accélérée dans un contexte de globalisation, de la logique racialisante dichotomique des États-Unis. La revendication d’une appartenance ethnique, au Brésil et en Amérique latine, constituerait alors un nouvel avatar de la « raison impérialiste » qui contribuerait au renforcement des hiérarchies, politiques et scientifiques, existantes, tant dans les sociétés nationales qu’à l’échelle planétaire. Néanmoins, si la globalisation de l’ethnicité renvoie bien à la circulation, de plus en plus rapide, des catégories d’appartenance, en particulier celles qui sont produites aux États-Unis et véhiculées par les agences internationales, elle n’en repose pas moins sur une convergence entre une multitude d’initiatives localisées, n’ayant que des liens indirects entre elles et aboutissant à une même mobilisation de l’identification ethnique.

29 Avec Gilroy, les processus de globalisation permettraient de dépasser les frontières rigides de l’ethnicité et du nationalisme dans une diaspora rhizomorphique et fractale [Gilroy, 1993, p. 4] ; avec Bourdieu et Wacquant, l’introduction de politiques multiculturelles en Amérique latine serait le résultat de l’importation d’un discours qui, sous couvert de globalisation, ne ferait que reproduire un langage scientifique hégémonique venu des États-Unis. Qu’elles se placent en amont ou en aval, à l’origine ou dans l’au-delà de l’ethnicité, ces analyses en termes d’impérialisme ou de diaspora en oublient finalement l’échelon intermédiaire de l’ancrage national, où se jouent la (re) définition, la signification et la mobilisation des catégories d’appartenance.

Notes

  • [*]
    Sociologue, IRD, UR107 « Constructions identitaires et mondialisation », e-mail : Elisabeth. Cunin@bondy.ird.fr
  • [1]
    Voir également Stuart Hall : « l’expérience de la diaspora telle que je la comprends ici est définie, non par son essence ou sa pureté, mais par la reconnaissance d’une nécessaire hétérogénéité et diversité, par une conception de l’ “identité” qui existe par et à travers, et non en dépit, de la différence, par l’hybridité » [Hall, 1993, p. 401-402].
  • [2]
    Notons par ailleurs que les analyses portant plus spécifiquement sur l’Amérique latine se sont avant tout intéressées à la dimension culturelle de la diaspora ou des phénomènes transnationaux, autour de la religion ou de la musique [voir notamment Civilisations, 2004 ; Carvalho, 2005].
  • [3]
    À cette difficile reconnaissance, il faut ajouter les tensions avec les pays africains qui, loin de soutenir l’initiative des représentants du continent américain, revendiquaient l’adoption de mesures concernant tous les descendants d’africains dans le monde, incluant donc les migrations contemporaines. Par ailleurs, la rencontre a été dominée par la polémique autour de la situation de la Palestine, à l’origine du retrait des délégations nord-américaine et israélienne [Buhrer et Levenson, 2003]. La conférence de Durban sera par la suite éclipsée par les attentats du 11 septembre qui suivirent de quelques jours la clôture des débats.
  • [4]
    Ce texte reprend certains éléments d’une communication orale présentée lors du séminaire de l’UR 107, à l’IRD, du 20 au 22 octobre 2003, qui avait alors bénéficié des échanges avec Carlos Agudelo, Odile Hoffmann et Sandrine Revet. Il s’appuie sur des terrains réalisés à Cartagena, Bogotá et Cali (Colombie), à Genève (ONU) et Washington (Banque Mondiale, Banque Interaméricaine de Développement et Inter-American Dialogue).
  • [5]
    L’intérêt des organisations internationales pour les questions ethniques, en particulier des populations d’ascendance africaine, n’est pas nouveau : en 1971, l’ONU déclare une année internationale de lutte contre le racisme et la discrimination raciale avant d’ouvrir, deux ans plus tard, un cycle de trois décennies placées sous ce signe. L’UNESCO et, en particulier, son programme « la Route de l’Esclave » (dont l’ancien responsable, Doudou Diène, occupe actuellement la fonction de Rapporteur Spécial de l’ONU contre le racisme), lancé en septembre 1994, a joué un rôle considérable dans la visibilisation et dans l’émergence d’un groupe d’intellectuels qui sera à l’origine d’un grand nombre d’écrits, dans les années 1980-90 : Nina de Friedemann et Jaime Arocha en Colombie, Jésus García au Venezuela, Luz María Martínez Montiel au Mexique, etc. Les agences internationales, en appliquant des programmes communs à l’ensemble de la région latino-américaine, y ont introduit les mêmes recettes et principes, certes adaptés dans chaque pays, visant notamment à accorder un rôle de gestionnaire aux régions et aux communautés, désormais définies comme « ethniques », en tant que nouveaux interlocuteurs de l’État [Escobar, 1999 ; Rivas, 2003 ; Agudelo, 2005].
  • [6]
    Il s’agit d’une des mesures adoptées dans le cadre des politiques multiculturelles mises en place à partir de la Constitution de 1991 et, surtout, de la loi 70 de 1993 : deux postes sont réservés à l’Assemblée à des représentants des populations afrocolombiennes [Cunin, 2003].
  • [7]
    Discours inaugural, 31 juillet 2003.
  • [8]
    Entretien, 21 septembre 2003, Cali.
  • [9]
    Logique partagée tant par les partisans de la politique de fermeté de l’actuel président colombien, Alvaro Uribe, que par ses principaux opposants, qui font des populations noires les doubles victimes, de la violence des groupes armés et du gouvernement.
  • [10]
    « Le principal problème de noir, c’est la pauvreté, c’est pour cela qu’il n’a pas de représentants », (entretien avec Oscar Gamboa, 21 septembre 2003).
  • [11]
    « Nous devons faire des propositions en termes sociaux, de droits de l’homme, de territoire et sur la possibilité de nous organiser. Il faut construire un grand projet pour tous (…) Nous sommes fatigués des discussions et voulons des propositions. Nous devons être des leaders » (entretien avec Oscar Gamboa, 21 septembre 2003). La rencontre donnera d’ailleurs naissance à un document final intitulé le « Consensus de Cartagena ».
  • [12]
    « Notre grand problème, c’est que nous n’avons pas de pouvoir politique pour générer des changements dans la politique. Le pouvoir est là, en haut, et nous n’y sommes pas, il faut que nous arrivions là-bas » (entretien avec Oscar Gamboa, 21 septembre 2003).
  • [13]
    Il est difficile – et sans doute peu pertinent – de chercher à donner un point d’ancrage bien établi à un processus non linéaire et aux multiples ramifications ; il faudrait par exemple souligner l’influence des mobilisations autour de la célébration de la découverte/rencontre du continent américain (la Campaña Continental 500 años de resistencia Indígena y Popular à Bogotá en 1989, puis à Quetzaltenango en 1991, sous le nom désormais de 500 años de resistencia Indígena, Negra y Popular) ou la réalisation de réunions se réclamant d’une dimension noire continentale (par exemple, le Congresso continental dos Povos Negros das Américas à São Paolo, du 21 au 25 novembre 1995). Retenons simplement que, dans l’historiographie officielle auto-produite par l’Alianza (entretiens, brochures), la réunion des 10 et 11 décembre 1995, à Montevideo, est présentée comme la date de naissance de ce réseau transnational.
  • [14]
    Soulignons également que l’initiative de la Primera Conferencia Institucional de Fortalecimiento Afrocolombiano, lancée par Oscar Gamboa en août 2003, s’est appuyée sur un autre partenaire : le Black Caucus du Congrès nord-américain et l’association des maires noirs des États-Unis.
  • [15]
    Au Groupe de Travail sur les Afrodescendants, coordonné par un diplomate et universitaire camerounais, Pierre Sob, il faut ajouter, au sein de l’ONU, deux espaces associés (le Groupe Intergouvernemental et le Groupe de Personnes Éminentes), une structure supplémentaire (le CERD, Comité pour l’Élimination du Racisme et de la Discrimination) et l’existence du poste de Rapporteur spécial pour le racisme. Le Groupe de Travail sur les Afrodescendants dépend directement de la Commission des Droits de l’Homme alors que les Groupes de Travail sur les Autochtones et les Minorités sont rattachés à la Sous-Commission. Si ce statut prestigieux rend compte de l’intérêt accordé aux afrodescendants, il est aussi, au dire des acteurs onusiens, porteur de tensions et d’enjeux qui, tout en dépassant la problématique afrodescendante, risquent de paralyser le fonctionnement du Groupe.
Français

La notion de « diaspora noire » est aujourd’hui mobilisée pour décrire une communauté dispersée caractérisée par la diversité, la déterritorialisation et la mobilité. Or elle s’inscrit dans un contexte scientifique, politique, culturel, celui des Amériques noires anglo-saxonnes, qui oriente le regard des chercheurs et contribue à la construction de leur objet : dans quelle mesure est-il pertinent de transposer ce concept à une autre situation, celle de l’Amérique latine ? Cet article se propose d’interroger la « diaspora noire » à partir de la Colombie, en étudiant le développement de discours et de pratiques globalisés, qui s’expriment notamment à travers l’émergence et l’utilisation de la catégorie d’ « afrodescendant ». L’extension des frontières identitaires sera replacée dans un cadre national qui a favorisé, avec l’introduction de politiques multiculturelles au début des années 1990, un processus, complexe et inachevé, d’ethnicisation de la société et de redéfinition du modèle de reconnaissance de la différence. En suivant les militants ethniques colombiens dans leurs confrontations multiples, en divers lieux, aux acteurs de la globalisation (organisations internationales principalement), on verra que la « diaspora noire » renvoie moins à une communauté d’appartenance qu’aux mécanismes de va-et-vient entre normes d’action mobilisées sur les scènes locale, nationale et internationale.

Mots-clés

  • ethnicité
  • globalisation
  • nation
  • diaspora–noir–afrodescendant–multiculturalisme
  • Colombie

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Élisabeth Cunin [*]
  • [*]
    Sociologue, IRD, UR107 « Constructions identitaires et mondialisation », e-mail : Elisabeth. Cunin@bondy.ird.fr
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2010
https://doi.org/10.3917/autr.038.0135
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