CAIRN.INFO : Matières à réflexion
Nous sommes l’ancre qui rouille en vain dans le cœur des riches. Et nous allons échouer dans vos têtes jusqu’à ce qu’elles acceptent de nous accueillir, sans nous demander si nous sommes solvables, sans vérifier si nous sommes corvéables à merci, en se fondant seulement sur notre commune appartenance à l’espèce humaine.
Salim Jay [2]

1Depuis que l’Italie s’est alignée sur ses voisins européens en fermant ses frontières aux étrangers « extra-communautaires » et que la Côte d’Ivoire est passée à la chasse active des étrangers de la CEDEAO installés sur son territoire, à l’instar d’autres ressortissants subsahariens, les Burkinabè sont de plus en plus nombreux à s’intéresser aux possibilités qu’offre la Libye, ce pays pétrolier dirigé par un des chantres les plus convaincus de l’Union africaine qui est en voie de devenir une nouvelle porte d’entrée vers l’Europe du Sud pour les candidats à l’immigration. Si les relations entre la Jamahiriyya arabe libyenne socialiste et le Burkina Faso ont varié à mesure que les dirigeants burkinabè se sont succédé au pouvoir [Maïga, 1986] et que, plus globalement, la coopération arabo-africaine s’est transformée [Charbel, 1989], elles sont néanmoins demeurées excellentes sur la longue durée. Aujourd’hui, les liens privilégiés qu’entretient Mouammar Kadhafi avec son homologue burkinabè n’ont de secret pour personne : Blaise Compaore appuie largement la politique africaine du premier et est considéré, à juste titre, comme l’un des piliers de la construction de l’Union africaine [3].
Reste que le décalage est saisissant entre d’une part, les discours politiques prônant la fraternité africaine, l’ouverture à une main-d’œuvre subsaharienne et, d’autre part, l’hostilité récurrente des hôtes libyens et les accords passés avec les pays européens, lesquels débouchent sur des emprisonnements et des expulsions. Cette tension s’est exacerbée encore davantage une fois levés l’embargo onusien en 1999 et les sanctions de l’Union européenne concernant notamment, en octobre 2004, l’interdiction de livraison d’armes. Dans ce nouveau contexte où, en échange d’une reprise des relations diplomatiques et commerciales avec l’Europe, le gouvernement de Kadhafi accepte de jouer le rôle de « sentinelle avancée » pour les pays de l’Union européenne principalement préoccupés par la défense de leur « forteresse » nouvellement élargie, quelle place occupent désormais les migrants africains, et plus particulièrement les Burkinabè [4] ? De quelle latitude disposent-ils pour mettre à exécution leur projet migratoire ? Quelles peuvent-être, à présent, les modalités de leur insertion professionnelle et résidentielle dans les villes libyennes ? Dans quelle mesure cette nouvelle conjoncture influence-t-elle leurs relations avec la population locale ? Enfin, quelles sont les retombées au Burkina Faso à la fois de ces migrations et de ce changement de « politique migratoire » conduit aussi bien en Libye qu’en Europe ?

De l’ambiguïté et de la construction de la politique migratoire libyenne

2À la suite des attentats de Lockerbie contre un Boeing américain (1988) et d’un DC10 d’une compagnie française au-dessus du Ténéré (1989), des sanctions commerciales ont été imposées à la fois par les États-Unis et l’Union européenne en sus de l’embargo aérien de l’ONU en 1992. Le régime libyen a dû affronter une crise économique sans précédent, connaissant une inflation très forte assortie d’une dévaluation du dinar. Dans ce contexte tendu où le pays a notablement perdu de son attractivité pour les travailleurs maghrébins, le « guide » de la révolution libyenne a prospecté de nouveaux alliés sur le continent. Pour contrer l’embargo et sortir de son isolement forcé, il s’est efforcé de mobiliser les peuples autour de l’idée d’« Union africaine ». Il est ainsi à l’origine de la création et du financement de la communauté des États sahélo-sahariens (COMESSA) en 1998, cette organisation sous-régionale destinée à activer les échanges universitaires et commerciaux entre la Libye et les pays d’Afrique subsaharienne. Des accords de libre circulation et de libre échange ont été signés entre les États membres [5] et la Libye a procédé à la suppression du visa de travail pour les Africains souhaitant s’installer sur son territoire.
Mais, si la Libye est un vaste pays peu peuplé, dont les besoins en main-d’œuvre ont toujours été importants, son gouvernement alterne depuis longtemps entre une politique d’ouverture et de fermeture, au gré de ses intérêts géopolitiques. Les expulsions massives ou les reconductions à la frontière organisées notamment en 1995 à l’encontre de milliers de Palestiniens puis de Soudanais, victimes de la dégradation des relations diplomatiques entre les États ont conduit le dirigeant libyen à attirer de nouveaux migrants pour compenser le départ de ceux qui venaient d’être refoulés [Pliez, 2004a]. Et s’en est suivie une intense activité diplomatique sur le continent africain, au-delà des zones frontalières ; Kadhafi multipliant à l’envi ses discours panafricanistes enflammés – « Je me suis endormi à côté de quatre millions de Libyens, je me suis réveillé à côté de quatre cents millions d’Africains » – destinés à justifier la création du CEN-SAD. C’est alors que les contrôles aux frontières se relâchèrent sérieusement et ostensiblement.

Immigré, clandestin, terroriste : une confusion des genres en voie de disparition ?

3Au nom de l’unité africaine, pendant plusieurs années, les ressortissants de l’Afrique subsaharienne ont pu ainsi s’installer sur le territoire libyen sans que le visa ou la carte de séjour soient exigés. Ce qui ne veut pas dire que ces documents n’existaient pas. Des visas de visite pouvaient être accordés pour un mois, renouvelables deux autres mois [Grégoire, 2004]. Ibrahima [6], qui est arrivé en Libye en 1986 et qui travaille actuellement dans une usine de fabrication de boissons, explique qu’il a pu obtenir une carte de séjour grâce à des relations (à renouveler chaque année) ainsi qu’un contrat de travail. Mais, les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Libye n’étaient pas véritablement réglementées aux frontières. Les autorités exigeaient seulement un certificat médical rebaptisé « ticket sanitaire » par les migrants subsahariens. Ce document pouvait être obtenu sans difficulté à l’hôpital sitôt leur arrivée, même « clandestine » dans le pays. Certains juristes ont parlé d’un « vide juridique » pour qualifier la politique migratoire libyenne [Perrin, 2005]. Et cette absence de règles établissant les modalités ainsi que les conséquences de l’illégalité a conduit à moult reprises à un traitement arbitraire des situations [7]. La notion d’« étrangers en situation irrégulière » semble être convoquée par les autorités libyennes dès lors qu’il s’agit de cautionner une expulsion ou un acte xénophobe. C’est ainsi qu’à l’occasion du refoulement de 2000, le gouvernement a évoqué la présence « d’individus entrés illégalement en Libye » et expliqué que sur plus de deux millions et demi d’Africains habitant en Libye, 1700 seulement disposaient de cartes d’identité (AFP, le 1.11.2000). De la même manière, en juin 2003, à l’occasion de la visite d’amitié du président burkinabè à Syrte, le colonel Kadhafi rappelait que les expulsions massives de 2000 concernaient des étrangers en situation illégale : « Je suis vraiment désolé pour ce qui s’est passé. Mais il faut savoir que ce n’étaient pas des actes qui étaient spécialement dirigés contre les Burkinabè. Il y avait beaucoup de sans-papiers de toute origine et ça a touché par exemple un million d’Égyptiens qui étaient ici en Libye. Cela dit, il faut reconnaître que ce sont des gens qui sont entrés ici illégalement, sans papiers, sans travail, sans contrats et c’est ce qui a poussé certains de nos compatriotes à réagir comme on l’a vu... » [8]. Les dernières expulsions d’octobre 2004 de milliers d’Africains ont été également organisées au prétexte que ces derniers n’avaient pas de titre de séjour valable sur le territoire libyen. Un migrant burkinabè, expulsé de Libye depuis notre rencontre en février 2005, faisait remarquer : « Ils nous demandent des papiers sans créer les conditions qui puissent nous permettre de les établir sur place en Libye... ils demandent le visa mais pour l’obtenir il faut aller à Ouaga et on n’a pas l’argent du billet d’avion pour aller là-bas... Alors qu’est-ce qu’on peut faire ? » [9].

4Incomplète et soumise à la conjoncture géopolitique et économique, la législation libyenne en matière d’immigration est en voie de structuration depuis la suspension de l’embargo et les négociations conduites par Kadhafi dans le cadre du « 5 + 5 » avec ses partenaires européens et maghrébins ; elle devrait déboucher sur une véritable politique migratoire (Pliez, 2004b). Dès février 2004, alors que la pression européenne s’intensifie à l’endroit des « pays de transit » lesquels sont invités à devenir des « pays tiers sûrs », par effets d’entraînement, Tripoli durcit sa position à l’égard des ressortissants subsahariens, promulguant des lois plus restrictives et opérant des contrôles plus drastiques.

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The General People’s Congress approved laws to restrict immigration and to expatriate African and other migrants who live in Libya but have no steady jobs. In addition, foreign workers including Sudanese are required to obtain a health certificate, showing they have passed successfully a series of clinical health tests, including HIV10. The certificate must be renewed every six months for restaurant workers and every year for others… Failing the test risks forfeits of identity papers, prisons and deportation. A health certificate and proper identity papers are required of any migrant worker.
[Couteaudier et alii, 2005]

6Selon les autorités burkinabè [10], depuis l’automne 2004, pour être en règle, les ressortissants désirant s’installer en terre libyenne doivent faire viser leur passeport auprès de l’ambassade de Libye à Ouagadougou puis se faire établir un contrat de travail auprès d’un employeur libyen à partir du Burkina et, enfin, se faire enregistrer au niveau de l’administration libyenne. L’ambassade du Mali à Tripoli a également confirmé l’obligation d’une carte de séjour depuis la fin 2004 pour les ressortissants ouest-africains sans être, pour autant, en mesure de se référer à un dispositif juridique particulier [11]. En juillet 2004, les 26 ambassades africaines présentes à Tripoli ont été informées du projet de rapatrier dans leurs pays respectifs tous ceux qui étaient entrés illégalement sur le territoire libyen. Or la majorité des migrants africains sont arrivés en Libye librement, au titre des accords de circulation du CENSAD mais aussi, clandestinement, c’est-à-dire en traversant les frontières terrestres à l’insu des autorités douanières.
Le mois suivant alors que la procédure d’expulsion était amorcée, reprenant à son compte la rhétorique agitée par les autorités italiennes sur l’invasion et la criminalité des migrants africains traversant le canal de Sicile [12], le ministre libyen des affaires étrangères évoquait de son côté « l’invasion » des immigrés : « Ils sont plus d’un million. S’ils restent encore dix ou quinze ans, la Libye nesera plus la même. Dans certains quartiers, ils imposent leur loi… On ne sait plus s’ils viennent vivre et travailler ou si ce sont des terroristes » [13]. Si les discours européen et libyen s’accordent sur la menace que représentent les migrants, nouveaux envahisseurs des temps modernes, ils divergent sur un point : les migrants ne peuvent être tout à la fois des milliers à se fixer en Libye et des milliers à traverser la Méditerranée… Une fois de plus en Libye, ceux qui avaient été accueillis à bras ouverts en période d’embargo, deviennent persona non grata dès lors que la stratégie politique du guide de la révolution le commande et sans qu’aucune véritable législation entérine cette décision. Aujourd’hui, M. Kadhafi est disposé à soutenir l’Europe dans sa démarche sécuritaire en échange d’une relance des accords commerciaux et s’appuie notamment sur l’Italie pour organiser le rapatriement des migrants africains dans leurs pays d’origine. La situation s’est donc encore durcie pour les Africains subsahariens installés en Libye, sans que les ONG nationales ou les organismes internationaux en charge de la protection des migrants interviennent rapidement : « Depuis quatre mois [octobre 2004] il y a de plus en plus de rafles. Et ceux qui sont emprisonnés ne peuvent plus être libérés comme avant en échange d’arrangements. Avant ils étaient rejetés dans le désert mais depuis que le Niger a passé des accords avec la Libye, seuls les Nigériens peuvent regagner leur pays par la route. Les autres, ils doivent attendre d’être rapatriés volontaires » [14]. En même temps que la Libye, supportée financièrement par l’Italie [15], expulsait par cargos des milliers d’Africains avec parmi eux des individus reconnus comme réfugiés par le HCR [16], un pont aérien était organisé à partir de Lampedusa assurant l’évacuation sur Tripoli de centaines d’autres ressortissants africains sans non plus leur garantir une protection internationale.

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Afriqiyah, la compagnie aérienne lybienne, Tripoli (O. Pliez, 2005)

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Afriqiyah, la compagnie aérienne lybienne, Tripoli (O. Pliez, 2005)

7Une fois les dispositifs juridiques mis en lumière, à quoi ressemble, en définitive, la migration burkinabè en Libye sachant qu’elle s’est construite sur 25 ans et qu’elle est à la fois le reflet de la recomposition des relations diplomatiques entre l’Europe et les pays du Maghreb, entre la Libye et l’Afrique noire mais aussi des turbulences politiques qui se jouent encore plus au Sud, du côté notamment de la Côte d’Ivoire.

Libye : une direction nouvelle ou un épiphénomène ?

L’université de Tripoli : un lieu d’études pour des étudiants musulmans

8À l’instar d’autres États arabes, la Libye du colonel Kadhafi a utilisé l’islam et la promotion de la culture arabo-islamique dans la perspective d’un rapprochement avec les pays d’Afrique subsaharienne ; la religion musulmane devenant un puissant moyen d’expression de résistance dirigée à l’endroit du capitalisme et de la corruption occidentaux. Non seulement elle a développé un enseignement arabisé en Afrique, finançant l’installation de medersas, de centres culturels islamiques ou encore la diffusion d’émissions religieuses sur les ondes nationales et fournissant le personnel enseignant nécessaire [Cisse, 1990]. Mais encore, elle a attribué des bourses aux étudiants africains désirant approfondir leur formation en théologie et en droit islamique sur le sol libyen. À la fin des années 1970, plus de 800 étudiants ressortissants de l’Afrique subsaharienne avaient pu bénéficier de ce soutien [Otayek, 1977]. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’une soixantaine. Les premiers étudiants voltaïques sont arrivés à Tripoli durant cette période. Longtemps perçue comme un bastion de l’animisme et du christianisme, l’ancienne Haute-Volta a connu sur son territoire une évolution sensible de l’islam ; elle a renforcé progressivement ses relations avec l’Égypte, la Libye, l’Algérie, la Tunisie, le Soudan, l’Arabie Saoudite et le Koweit, pays qui entendaient bien faire œuvre missionnaire en jetant les bases d’un développement ultérieur de religion musulmane dans ce pays africain alors fortement christianisé.

9Au milieu des années 1980, des liens entre la révolution sankhariste et la Jamahiriyya socialiste se tissent. Dans le même temps que l’Ambassade du Burkina est installée à Tripoli, des accords de coopération culturelle entre les deux pays permettent à une quarantaine de lycéens et d’étudiants de répondre à l’appel islamique. Ayant fréquenté les écoles franco-arabes de Bobo Dioulasso ou de Ouagadougou, ces derniers pour l’essentiel Mossi ou Dioula viennent poursuivre, en tant que boursiers, leur cursus théologique à Benghazi, Al Beyda et Tripoli à la faculté Daawa Islamiya. Quelques-uns ont complété sur place cette formation initiale par un cursus d’agronome ou de médecine avant de rentrer au pays, les mêmes ou d’autres occupent aujourd’hui des postes importants au Burkina. L’un notamment est directeur de l’école centrale de la communauté musulmane de Ouagadougou. Plus rares encore sont ceux à être restés en Libye, intégrant les ambassades africaines ou les instances régionales en tant qu’interprètes et traducteurs [17]. D’autres enfin, qui avaient étudié l’Islam en Libye mais aussi en Syrie, en Arabie Saoudite ou au Koweït, ont décidé de poursuivre leur route vers l’Italie où ils ont été repérés dans les plantations de tomates à la fin des années 1980 [18].

Tripoli et ses environs en 1985 : une aubaine ou une prison pour des travailleurs migrants à la recherche d’une mobilité professionnelle ?

10Mais au milieu des années 1980, les travailleurs burkinabè sont quelques-uns à entrevoir l’intérêt financier qu’il y a à s’installer, pour un temps, en Libye. Durant les années 1970, les revenus pétroliers ont augmenté de manière spectaculaire transformant fondamentalement la société libyenne, déclenchant une sédentarisation des nomades, un exode rural massif ainsi qu’une importante migration interurbaine. À l’instar d’autres ressortissants d’Afrique subsaharienne, des Burkinabè – mossi et dioula comme leurs compatriotes étudiants – viennent s’enrichir sur les sites pétroliers. Fréjus explique comment il a préféré travailler pour la compagnie Total à Tripoli gagnant 300 dollars par mois, nourri et logé, sous l’œil avisé d’un patron français plutôt que de poursuivre la route « … Il y a des gens qui vont de Libye en Italie ; c’est 1000 dollars par tête. Les Libyens organisent, ils donnent un bateau…, les gens voyagent sans rien, sans colis. Beaucoup meurent. Je n’ai pas voulu… » [19]. D’autres encore, partis aussi à l’« aventure » sans bagage solide, profitent de la croissance spectaculaire du pays pour asseoir leur position en Libye ou pour se former. Mais la récession pétrolière tout comme le conflit avec le Tchad ont rendu parfois leur installation délicate et précaire comme nous le faisait remarquer Daouda, actuellement bien installé en Libye, carte de séjour en poche : « J’ai fait la route, je suis un aventurier. Quand je suis arrivé en Libye c’était difficile car il y avait un conflit avec le Tchad alors à l’époque c’était pas bon d’être Noir ; Il fallait vivre caché… Mais dans les garages où j’ai travaillé, les patrons libyens cachaient leurs employés noirs quand il y avait des contrôles de police » [20].

11Oumarou quant à lui, fait partie de ces migrants qui après avoir passé plus de vingt ans en Libye compte y retourner cette fois-ci dans l’intention de poursuivre la route vers l’Italie. Son itinéraire relève en quelque sorte du contre-exemple ou à tout le moins donne à voir la complexité des comportements ou « carrières » migratoires et renseigne sur la redéfinition permanente du projet migratoire. Alors qu’il était bien installé en Libye, il repart au pays pour y réinvestir. Mais à peine trois ans plus tard, alors qu’il a ouvert une boutique et un « célibaterium » [21] dans la capitale burkinabè, qu’il enseigne dans une école de la place et qu’il s’apprête à ouvrir une école franco-arabe dans son village d’origine, il compte tenter sa chance en Italie, laissant derrière lui deux femmes et six enfants. « Quand j’étais en Libye, je voulais partir en Europe, précisément en Italie, pour travailler dans les champs de tomates mais la crise est venue mettre fin à cela… Je compte repartir dans six mois en Libye pour chercher de l’argent et essayer de continuer en Europe » [22].

12Son parcours est aussi l’illustration de la manière dont le migrant peut se jouer des statuts, cumuler des fonctions, accumuler des expériences, transcendant les frontières sociales, politiques et culturelles édictées par d’autres. Loin d’être la victime de la société d’accueil, il devient alors acteur déployant à plein son énergie. Parti dès 1978 en Libye, il s’est mis sur les rangs des « rapatriés volontaires » en 2002 pour rentrer au pays, sans avoir essuyer d’agressions particulières.

13

Avant mon départ, j’étais à l’époque commerçant et c’est au marché à Ouagadougou que les gens parlaient qu’en Libye c’était très bien. J’ai donc décidé de m’aventurier avec d’autres personnes surtout que j’avais fait la franco-arabe. Pour moi partir c’était faute de trouver du travail… À Tripoli, j’étais manœuvre dans la construction, je faisais presque tout mais ça ne durait pas plus de dix jours chaque fois, j’ai fait ça environ deux, trois ans. Après j’ai été boy de maison et puis jardinier pendant 8 à 10 ans… Mais à la longue, je suis devenu commerçant en 2000. En plus je suivais des cours de franco-arabe… À l’ambassade un Burkinabè a payé mes études jusqu’à mon Bac ; j’ai un I’adadi [23]. C’est avec ça que j’étais enseignant à l’école franco-arabe dans le foyer des Burkinabè et dans certaines zones du pays où j’avais fait des études franco-arabe… J’étais parti aventurier et voilà que la Libye a fait de moi un enseignant niveau Bac + 2 ; je me suis trop battu pour ça…

14En revanche, l’itinéraire d’Issouf renseigne sur des formes migratoires encore en acte bien que semblant relever d’une autre époque. Recruté directement à Ouagadougou comme tailleur par la femme d’un agent de banque libyen qui était sa cliente, Issouf ne pouvait imaginer le sort qui lui serait réservé.

15

En 1989, je suis allé en Libye, à Tripoli, j’ai fait la couture. Au moment de la guerre avec l’Irak, avec l’embargo, ça m’a fait partir. J’ai fait deux ans… Je suis tapissier. Je faisais du travail pour la femme d’un banquier. Elle m’a dit « tu peux partir en Libye ». Le monsieur m’a accompagné là-bas… Ceux qui m’ont amené avaient pris mon passeport ; ils l’ont gardé pendant le séjour. Ils ont coupé le billet… Je travaille beaucoup de 7 heures à 23 heures dans l’atelier, j’ai failli devenir fou. On sait ce que veut dire esclavage aujourd’hui, on est des gens intelligents aussi. Ils revendaient ce que je faisais… Les Libyens avec mon travail, ils ont acheté voiture, machine… Tu es surveillé ; y avait des commandants là-bas qui venaient à la maison voir ce que je fais… J’avais pas le droit de rencontrer les Européens. J’ai essayé un peu de parler français avec des Tunisiens qui venaient pour coudre des habits… Ils avaient peur que je rencontre d’autres qui m’aident… [24].

16Avant de quitter le Burkina, Issouf gagnait 25000 francs CFA par semaine à Ouagadougou comme tailleur à son compte ; de ses patrons libyens, il a reçu, une fois de retour au Burkina, 300000 francs CFA pour deux ans de travail et avant dévaluation du franc CFA.
Les migrants qui accompagnent leur patron en Libye ne vivent pas tous le même enfer. Fatou [25], jeune fille de 22 ans, est employée depuis deux ans comme bonne auprès d’une vieille dame à Tripoli avec laquelle elle entretient d’excellentes relations. Logée et nourrie, elle touche un salaire de 50000 francs CFA directement versé sur un compte à la BIB de Ouagadougou. Autrement dit, en trois mois elle gagne ce qu’a reçu Issouf en un an. Avec l’argent économisé en moins de deux ans, elle a pu ouvrir un télécentre et une boutique de produits de beauté dans la capitale burkinabè à son premier retour. Quand nous l’avons rencontré, elle s’apprêtait à repartir à Tripoli : « J’attends mes résultats du test de VIH pour partir. Sinon mon patron a déjà coupé mon billet retour [le fils de la vieille femme qui occupe une fonction importante dans une structure pétrolière a lui même recruté Fatou et l’accompagne dans son voyage]… Personnellement, je dirais que la Libye est bien car je n’ai aucune difficulté là-bas. Je suis bien traitée et rémunérée ». Mais Fatou, comme tant d’autres, aspire à partir en Italie une fois qu’elle aura suffisamment économisée à Tripoli.

1995, la côte libyenne : une étape sur le chemin de l’Italie

17À l’inverse d’Oumarou ou de Fatou, d’autre ressortissants burkinabè font étape en Libye, dès le milieu des années 1990, avec le projet immédiat et non différé, de traverser le canal de Sicile pour rejoindre la péninsule italienne où nombre de leurs compatriotes sont déjà installés. C’est là qu’entrent en scène les Bissa, originaires du Boulgou, province du sud frontalière avec le Togo et le Ghana. Jusqu’à présent, les Burkinabè installés en Libye étaient Mossi ou Dioula majoritairement. Lorsque l’Italie a rendu obligatoire le visa [26] pour les Burkinabè, les réseaux de passeurs, qui orchestraient l’organisation des départs d’une population principalement bissa [Blion, 1996] à partir d’Abidjan puis de Ouagadougou par voie aérienne, ont dû se restructurer. Les stratégies de contournement des législations européennes sont de plus en plus difficiles à mettre en œuvre. Les risques ont sérieusement augmenté de même que les tarifs proposés par les convoyeurs. Si bien que les ressortissants de la province du Boulgou doivent aussi réadapter leur itinéraire.

18Et c’est alors que l’idée a germé de reprendre la voie terrestre à l’exemple des premiers aventuriers pour gagner clandestinement l’Europe. On peut faire l’hypothèse que les ex-étudiants burkinabè, nouvellement installés en Italie après avoir séjourné en Libye, ont joué un rôle moteur dans la construction de cette route migratoire à moins qu’ils aient été précédés dans leur démarche par des migrants sénégalais lesquels avaient été confrontés plus tôt encore que les Burkinabè à l’instauration des visas pour l’Italie [Blion, Bredeloup, 1997]. Ceux-là avaient donc déjà renoué avec la traversée du Sahara et des détroits pour atteindre la botte italienne [27].

19Aussi pendant une quinzaine d’années, des migrants burkinabè ont fait escale en Libye dans la perspective de poursuivre leur route jusqu’en Italie où des membres de leur famille ou de leur village les attendaient notamment dans la zone agricole napolitaine [Schmidt di Friedberg, 1995]. Chez les Bissa, la solidarité familiale continue à jouer un rôle déterminant dans la prise en charge du migrant ; on ne peut d’ailleurs parler de migration individuelle, les aînés étant tenus de soutenir leurs cadets dans leurs démarches [Bagré, 2005]. D’autres encore s’introduisent à Malte pour ensuite prendre un avion en partance pour la péninsule italienne.
Mais, face aux difficultés croissantes de rallier l’Europe par voies terrestre et maritime et, plutôt que de rebrousser chemin, une nouvelle génération de migrants burkinabè se met à étudier les possibilités d’embauche dans les villes et les campagnes libyennes.

La Libye est-elle encore une terre d’accueil à la fin des années 1990 ?

20« Ils avaient l’habitude de traverser la Libye pour d’autres cieux comme l’Italie, l’Allemagne et la Belgique. Ils se sont rendus compte qu’ils pouvaient aussi travailler en Libye » faisait remarquer le secrétaire général du Ministère burkinabè de l’Action sociale et de la solidarité nationale, en 2002, à la suite du rapatriement de plusieurs centaines d’entre eux [28]. Progressivement, l’étape sur la route européenne se transforme à nouveau en installation provisoire.

21Au moment où l’embargo onusien est levé, le nombre de migrants subsahariens sur le sol libyen est estimé à 1,5 million voire 2,5 millions [Pliez, 2004a] pour une population totale de 6 millions. Au-delà de la diversité des nationalités représentées, les Tchadiens, Soudanais et Nigériens constituent les contingents les plus importants. La présence des Burkinabè demeure en revanche très discrète, n’atteignant pas le millier d’individus regroupés dans les grandes villes libyennes ou dans les campagnes alentour.

22Mais à mesure que la situation se détériore en Côte d’Ivoire et que le dirigeant libyen multiplie ses discours panafricanistes à l’occasion des grands sommets de l’OUA ou du CEN-SAD, des Burkinabè installés en Côte d’Ivoire entrevoient une alternative possible. Au sud du Burkina, des rumeurs circulent selon lesquelles « le colonel Kadhafi a demandé au président Compaoré au moins 2000 personnes pour travailler sur les champs pétrolifères » ; en avril 2002, à Ouargaye, dans la province du Koulpélogo, à 240 kilomètres au Sud-Est de Ouagadougou, selon le mensuel burkinabè L’Événement, des haut-parleurs auraient même été utilisés pour diffuser l’information. D’autres ont pu également se rendre compte par eux-mêmes en rentrant dans leurs villages qu’un séjour en Libye pouvait permettre un enrichissement certain. « Des jeunes de Garango [province du Boulgou] étaient partis en aventure en Libye et on a vu qu’à leur retour ils ont construit des maisons au village. Alors ça nous a donné l’idée d’y aller » [29].

23Les caractéristiques des migrants burkinabè en Libye ont encore changé au fil des années. La majorité d’entre eux sont, à la fin des années 1990, originaires des provinces du sud-est (Boulgou, Koulpélogo, Kouritenga). Le 30 octobre 2000, outre les 80 Ivoiriens, sur les 210 Burkinabè rapatriés par la Libye sur le sol ouagalais, 45 provenaient du Boulgou, une trentaine de la province du Kadiago, une trentaine de celle du Yatenga et une trentaine encore de la province du Houët [30]. Plus récemment encore, nombre de jeunes et moins jeunes Bissa, sévèrement inquiétés dans les villes ou dans les campagnes ivoiriennes, ont préféré changer de cap, espérant s’installer pour quelques années à Sebha ou dans les fermes voisines plutôt que de retourner les mains vides au pays [31].

24L’ambassade du Burkina Faso à Tripoli a d’ailleurs enregistré une croissance notable du nombre de ses ressortissants en septembre 2002, deux mois seulement après que des cargos libyens aient expulsé à trois reprises entre 200 et 300 Burkinabè de Sebha. « Ceux qui étaient arrivés en 2000 avaient trop embelli la situation. Il y a eu un rush en 2002, mais ce débordement inhabituel à Sebha de migrants arrivant par la route n’était pas spécifique aux Burkinabè ; il concernait tous les autres Africains aussi » [32]. Ceux qui se sont fait expulser de Sebha les 30 et 31 juillet 2002 étaient originaires majoritairement des provinces de l’Est (Boulgou et Kourittenga) et étaient arrivés dans la ville moyenne libyenne depuis quelques mois seulement [33]. Les événements tragiques de septembre 2002 en Côte d’Ivoire ont encore précipité les départs ainsi que les « réémigrations » vers la Libye. Moussa comme Samba rencontrés à Sebha [34] ont fui la terre ivoirienne à ce moment-là alors que les parents du premier étaient tués et que la propre vie du second était menacée. Moussa avait travaillé moins d’un an comme docker au port de San Pédro tandis que Samba était arrivé à Abidjan en 1982 où il avait fait son apprentissage de tailleur puis sa place dans le quartier de Marcory. L’un s’est arrêté quelques jours à Garango, l’autre deux mois à Béguédo, la bourgade voisine en pays bissa avant de prendre la route pour la Libye. Mais Samba a pris le temps de confier sa machine à coudre à un ami resté à Abidjan tandis que Moussa n’a rien pu accumuler. Samba a rapidement trouvé du travail à Sebha comme tailleur, partageant une machine avec un Sénégalais ; Moussa travaille quant à lui, au jour le jour, en fonction d’une demande qui se fait rare. Il vient d’obtenir un « laissez-passer », papier qui conditionne son inscription sur les listes de l’ambassade du Burkina pour être porté volontaire au rapatriement. Il attend qu’un avion soit affrété par le gouvernement libyen pour rentrer au pays. Mais ce document officiel ne le protège en aucune manière des rafles et il lui faut encore subvenir aux besoins élémentaires.
En lien aussi avec le durcissement des contrôles aux frontières, la traversée du Sahara s’opère dans conditions de plus en plus extrêmes. Les migrants quittent les pistes pour échapper aux contrôles des autorités frontalières du Niger et de la Libye et pour éviter les « coupeurs de route » ou autres brigands. Ils traversent l’erg du Ténéré, franchissent à pied les montagnes de sable à l’extrême sud-est algérien avant de repiquer sur Ghat où ils entrent en Libye. Ils sont très mal préparés à cette entreprise qui ne ressemble en rien à leur installation ivoirienne appuyée par leur réseau familial, ignorant tout du parcours, du climat des zones qu’ils traversent et du type de relations qu’il faut entretenir avec les passeurs pour éviter certaines mésaventures et ils sont déjà bien éprouvés par leur expérience ivoirienne.

Une insertion professionnelle problématique

Avant et pendant l’embargo

25Au début de l’embargo, la situation était délicate pour les premiers « aven-turiers » qui devaient se cacher des autorités libyennes pour travailler :

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À partir du Niger, on nous avait donné une adresse ; on s’est retrouvé dans un grand garage où travaillait un Béninois. On est arrivé en pleine rafle, on pouvait pas sortir. Pendant deux ans, j’avais pas de travail, c’était n’importe quel travail. Le manger là, c’est rien, un peu, un peu pour vivre… Un jour j’ai dit, j’en ai assez, je veux sortir, si on m’attrape tant pis. Un Libyen m’a pris, il faisait des maisons. Il a fait le Niger où il a sympathisé avec les Noirs. C’est un Nigérien qui me l’a fait rencontré. On s’est croisé dans un marché ; il m’a dit je fais le bâtiment d’un Libyen, ils aiment le décor. Au Burkina, y a pas de peintures mamauresques. J’ai appris au Liban un peu. Les Arabes, ils viennent regarder ton travail. Si c’est bien, ils te disent, j’ai du travail. C’est bon… [35]

27Dans nombre d’entretiens, il apparaît que les employeurs se recrutent le plus souvent parmi des Libyens ayant déjà voyagé sur le continent et ayant pu développer une certaine familiarité avec la population subsaharienne.

28À la fin des années 1990, la plupart des migrants burkinabè sont employés dans le bâtiment, la mécanique, la menuiserie ou la couture, autrement dit dans des secteurs d’activité qui avaient déjà été accaparés par d’autres ressortissants étrangers. Alors que les Libyens avaient, de leur côté, largement investi les sociétés d’État en tant que fonctionnaires ainsi que le secteur tertiaire commercial, atteignant l’un des plus hauts niveaux de vie du continent africain [Fontaine, 2004].

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Les Libyens ne font pas la couture. D’abord c’étaient des Marocains employés dans des structures d’État mais comme ils n’ont pas été payés [c’est l’époque où le dinar a été dévalué] alors ils sont donc repartis ; il y avait aussi quelques Africains employés dans ces structures ; aujourd’hui à Sebha, il y a quelques Africains propriétaires d’ateliers, deux ou trois Sénégalais, un Gambien… [36]

30Des tailleurs burkinabè louent des ateliers pour 150 dinars le mois à des propriétaires libyens qu’ils partagent avec d’autres ressortissants ouest-africains, sénégalais, togolais et nigérians. Les plus anciennement installés s’achètent des machines à coudre ; les autres les louent ou les empruntent à des « frères » africains, travaillant en alternance. Si leur clientèle est parfois libyenne, elle reste pour l’essentiel subsaharienne. Les couturiers vivent de cette économie de transit qui se développe dans toutes les villes libyennes, au fur et à mesure de l’afflux migratoire et parviennent à gagner jusqu’à 500 dinars par mois. Entre 1995 et 2000, le nombre de migrants d’Afrique subsaharienne a explosé. Pour répondre aux besoins de cette population essentiellement masculine en voie d’expansion, des petits restaurants communautaires se développent à l’initiative des quelques femmes qui ont entrepris le voyage. C’est ainsi qu’à Sebha, dans le quartier de Sukra, au centre commerçant de la ville où se concentrait déjà une forte population migrante, une Burkinabè proposait à ses compatriotes, à toute heure de la journée, le , ce plat national revisité à l’aune des ingrédients disponibles. En 2004, la restauratrice a suivi son mari qui travaillait dans une ferme dans un village voisin. Le local qui comprend quelques tables, des chambres et une télévision branchée en permanence sur les émissions maliennes via le satellite a été repris par une jeune ivoirienne interrompue dans ses études de criminologie à l’Université d’Abidjan et nouvellement « réfugiée » dans le Fezzan libyen.

31Au seuil des années 2000, d’autres restaurants avaient été ouverts dans la rue Quarante, quartier en pleine effervescence et lieu central pour les Africains en transit [Pliez, 2003]. De nombreux garages implantés de part et d’autre de l’artère et encombrés de gros porteurs attestaient de l’intensité du passage des migrants et des commerçants ainsi que du trafic de marchandises. Une myriade de petits métiers s’était développée en complément pour satisfaire les besoins. Des « agences de voyage », des commerces proposant boissons, plats préparés ou bidons d’eau, des ateliers de coiffure, des entrepôts s’étaient rapidement implantés dans le périmètre.

Depuis que la Libye a accepté son rôle de sentinelle avancée de l’Europe

32Mais, les récentes négociations conduites entre la Libye et l’Europe ont débouché sur un renforcement des contrôles aux frontières et dans le pays. En 2005, alors que le rythme des traversées s’est considérablement ralenti en lien avec la multiplication des emprisonnements dans le camp de Katib Rashia et des expulsions, la rue Quarante a notablement perdu de son attractivité. Dans le seul « garage » encore ouvert, des Nigériens [37] ayant perdu tout espoir de s’enrichir en Libye ou de poursuivre la route vers l’Europe s’apprêtent, dans des camions lourdement chargés, à traverser le Sahara dans l’autre sens, en direction de leur pays d’origine. Le dépit transpire de leurs discours. « Kadhafi n’a plus besoin des Africains maintenant qu’il s’est rapproché des Européens » [38]. La peur de retraverser le désert semble aussi forte que la honte de rentrer sans ressources.
Contrairement à d’autres africains, la plupart des migrants burkinabè [39] rencontrés ne semblent pas disposer de relations qui leur permettraient de se convertir dans le commerce et de s’installer dans les souks, à l’exemple des Togolais, des Ghanéens et des Nigérians. Ou, à tout le moins, ils ne semblent pas décider à activer ce capital social. Sur le « marché africain » de Tripoli qui regroupe plus de 300 stands tenus essentiellement par des migrants subsahariens, nous n’avons recensé aucun vendeur burkinabè en février 2005. Rappelons qu’en Côte d’Ivoire, la majorité de la main-d’œuvre burkinabè a travaillé dans les plantations et a d’ailleurs largement contribué à l’enrichissement du pays quand elle n’exerce pas comme employée de maison chez des particuliers ou dans la restauration [Zongo, 2003]. En Italie, elle est également présente dans les exploitations de tomates et d’abricots au sud de la péninsule mais aussi, depuis les mesures de régularisation des migrants clandestins, dans les usines situées au Nord du pays. En Libye, les migrants burkinabè travaillent dans les grandes exploitations agricoles au côté des Nigériens et des Maliens. Mais ceux qui trouvaient aisément une embauche dans les propriétés de la région de Sebha, exploitant la tomate, la fraise ou encore les arbres fruitiers au temps de l’embargo, sont aujourd’hui également désemparés. Profitant de la dégradation de la situation, leurs employeurs révisent à la baisse leur salaire ou encore refusent de les payer au prétexte qu’ils travaillent mal. Dans ces zones agricoles, quelques-uns avaient développé l’activité de boulanger et se rendaient une fois par semaine en ville pour écouler leur production. Par temps de contrôles renforcés et de rafles répétées, ils ne prennent plus ce risque. D’autres encore sont agents de ménage ou de sécurité dans les familles libyennes ou expatriées. Quand ces activités ne leur permettent plus de subvenir à leurs besoins, ils s’installent dans la précarité, proposant leurs bras pour nettoyer, porter ou déménager.

L’attente au « Tchad »

33À partir de la fin des années 1990 s’est développée une économie informelle avec emploi de la main-d’œuvre subsaharienne dans les principales villes libyennes. Le marché de la construction était florissant ; nombre de villas élégantes ont été édifiées dans les quartiers haut standing de Tripoli au même titre que des rési-dences secondaires dans tout le pays. Comme dans les villes du sud de l’Algérie [Spiga, 2002], les migrants se regroupent le plus souvent pas nationalités et prennent place aux carrefours très tôt le matin, utilisant le mobilier urbain – les murets, les trottoirs – pour s’asseoir dans l’attente d’une embauche ponctuelle. Certains usent de signes extérieurs pour faciliter la tâche de l’employeur dans sa quête. C’est ainsi que les électriciens tiennent avec ostentation des ampoules électriques dans les mains alors que les peintres en bâtiment portent des salopettes barbouillées de peinture et brandissent des rouleaux. Leur visibilité est alors très forte autant à Sebha, Koufra, Benghazi qu’à Tripoli. Les élus s’engouffrent dans les véhicules qui les transportent le plus souvent sur des chantiers à moins qu’ils ne soient recrutés pour des travaux domestiques ou de manutention tels des prolétaires nomades [Boulier-Moutang, 1998]. Ils sont payés à la tâche jusqu’à 25 dinars la journée au début des années 1990 et parfois sont recrutés plusieurs semaines d’affilée, passant de chantiers en chantiers. Les migrants, sans qualification particulière, se rendent ainsi quotidiennement dans ces espaces publics à la recherche de leur gagne-pain. C’est ce qu’ils appellent « aller au Tchad », en référence très certainement aux premiers Tchadiens qui ont initié cette démarche dans les villes libyennes.

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Un « tchad » devant un ancien magasin d’État

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Un « tchad » devant un ancien magasin d’État

34Mais ces lieux sont aujourd’hui en partie désertés. Kadhafi a l’habitude depuis sa prise de pouvoir en 1969 de s’adresser à la population libyenne par le biais des médias, édictant des pratiques qui bien souvent ont force de loi. Or ses dernières déclarations à la télévision, indexant ceux qui emploient illégalement des travailleurs étrangers, ont produit leur effet. En outre, depuis le démantèlement des sociétés d’État exerçant dans le domaine du bâtiment, le secteur privé n’a pas eu le temps de prendre le relais et l’offre d’embauche est moins importante que par le passé. Les mentalités seraient également en évolution si on en croit le discours des employés africains : « Les Libyens ne travaillaient pas mais la vie est de plus en plus dure et ils deviennent plus intelligents. Ils se mettent à travailler. Avant les Libyens laissaient leurs bagages par terre et c’est les autres qui les portaient. C’est en train de changer » [40]. Cependant, le travail sous-rémunéré existe encore et nombre d’entrepreneurs se mettent à ruser pour recruter un personnel de plus en plus précarisé. À Sebha, les chauffeurs qui s’arrêtent encore aux carrefours pressent les migrants de monter à bord et les négociations ne se font plus vraiment ou alors très rapidement. À Tripoli, pour gagner en discrétion, les employeurs recrutent directement dans les foyers où logent les migrants. Les travaux semblent de plus en plus ponctuels – plonge dans un restaurant, ramassage d’ordures, jardinage, déménagement d’une maison, ménage – n’occupant parfois le migrant que quelques heures pour un salaire dérisoire. Quelques-uns quittent « le Tchad » le soir sans rien avoir gagné mais en ayant pris le risque de se faire arrêter par la police. Les migrants rencontrés au « Tchad » de Sebha en 2004 sont payés 2000 francs CFA pour une journée, soit environ 5 dinards. À Tripoli, ils se plaignent des Égyptiens « qui cassent les prix », acceptant de travailler pour 1,5 dinars la journée. Il arrive aussi que les employeurs se montrent agressifs au moment de les payer. Les migrants nouvellement arrivés en Libye ne peuvent pas économiser pour se préparer un avenir ; ils se retrouvent en situation de survie, prêts à renouer avec l’errance. « Vous ne pouvez pas marcher pour revenir ; c’est trop loin. Alors vous devenez très vite un cas social » [41]. Et ni l’association des Burkinabè de Libye ni les quelques familles implantées depuis de longue date dans le pays ne disposent de moyens suffisants pour soutenir cette population de plus en plus flottante.

Les foyers, les « ghettos »

35Les premiers migrants burkinabè qui sont arrivés en Libye résidaient le plus souvent sur leur lieu de travail : « Là où j’étais, il y avait des frères qui étaient dans des garages, ils logeaient sur place, ils travaillent la mécanique, l’électricité. On se rendait visite… Après j’ai logé dans une villa avec quatre chambres. Mais là-bas c’est interdit de louer. Ils font comme ça. C’est un Libyen le propriétaire, ça faisait 50000 francs CFA par personne et par mois ». Par la suite, ils ont partagé des maisons avec des frères africains, souvent de même nationalité. Mais ces espaces, rebaptisés « foyers » ou « enclos » par les migrants francophones et « ghettos » par leurs collègues anglophones, traduction d’une urbanité autrement plus violente, ont pu rassembler dans les années fastes jusqu’à une centaine de personnes chacun ; les transporteurs connaissaient les lieux et y dirigeaient spontanément les nouveaux arrivants. Bien organisés, les migrants s’occupent à tour de rôle de l’approvisionnement en denrées alimentaires pour toute la communauté et de la préparation des repas comme dans la plupart des espaces migratoires. En 2004, ceux qui en ont les moyens paient chacun mensuellement 15 dinars pour le loyer. Tripoli ne compte plus que six foyers d’une trentaine de personnes chacun, essaimés dans les quartiers périphériques de la ville. Les uns sont à Gourji, zone résidentielle aisée largement investie par les ambassades lesquelles recrutent parfois du personnel de maison étranger. Les plus nombreux sont à Suq jomaa et Suq talaat, des quartiers plus modestes, proches des voies rapides où stationnent les journaliers en quête d’un emploi ponctuel. À Sebha, les trois derniers foyers en activité se concentrent à Sukra, au centre-ville ainsi qu’à Jedid. Cette medina très ancienne regroupe essentiellement des maisons en terre pour partie détruites et abandonnées ainsi qu’une vaste cité de logements collectifs où ont été installés les rapatriés du Tchad dans les années 1980. Ceux qui exercent les métiers de tailleur et de mécanicien parviennent à se regrouper pour partager le loyer à l’instar de Samba qui cohabite avec un Togolais, un Ghanéen, un Sénégalais et une Nigériane dans une petite maison du quartier Sukra pour un loyer mensuel de 150 dinars. Seuls quelques Burkinabè ayant tenté l’aventure libyenne il y a plusieurs décennies ont pu s’installer durablement et faire venir leurs familles. Ceux-là jouent un rôle majeur au sein de la communauté remplissant les fonctions de médiateurs auprès des autorités, visitant notamment leurs compatriotes détenus en prison. À Sebha, l’un d’entre eux a aménagé trois classes dans sa concession et sa femme assure une partie des cours de manière à ce que les enfants originaires d’Afrique francophone puissent suivre une scolarité en français et être mieux armés quand ils rentreront au pays. Pour ceux-là aussi, la Libye est envisagée comme un espace d’accueil et de travail transitoire. Ils ne cultivent pas leurs différences mais les maintiennent et les valorisent à l’intérieur de la sphère privée.

Relations avec la société libyenne ou « conflits d’appropriation » [42] ?

Quand l’hostilité alterne avec le laisser-faire

36À l’instar des autres migrants africains qui arrivent en Libye, les Burkinabè découvrent rapidement l’altérité. « Les Burkinabè ne viennent pas pour s’installer définitivement. L’Afrique du Nord rassemble des pays arabes. Il y a une très grande différence dans les modes de vie. Il y a aussi le problème de la langue. C’est un grand dépaysement » [43]. Ils semblent choqués d’avoir été contraints à changer de nom, à prendre une nouvelle identité et en parlent spontanément. Bien que majoritairement musulmans, ils ne partagent pas les positions de leurs hôtes libyens sur la lecture du Coran et semblent perturbés par les conduites que suscitent les interdictions répétées, là ou d’autres, plus pragmatiques, pourraient mettre en place des négoces parallèles. On ne peut pas en conclure pour autant à une spécificité dans les modes d’insertion des Burkinabè en Libye dans la mesure où le moment, les conditions de l’installation en Libye, le contexte politique et la « carrière » passée du migrant sont des variables aussi déterminantes dans la compréhension des comportements que la culture, elle-même largement réinterprétée par chaque individu.

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Est-ce que la Libye fait partie de l’Afrique ? Ils sont des Maghrébins, pas des Africains… Là-bas c’est la charia. Tu es surveillé… L’ambiance est limitée ; 22 heures, là-bas c’est fini. Ici, tu vis, tu manges… Là-bas, y a la drogue qui circule comme les arachides, les enfants ont des revolvers. Les gens boivent jusqu’à matin, mais cachés. Ils boivent alcool pur. Nous, on peut pas boire ce qu’ils boivent tellement ils boivent… Ils disent, il faut tuer pour aller au paradis, égorger les chrétiens là ; ça c’est drôle de religion. C’était pendant la guerre d’Irak. Tout ça, ça salit le nom de musulman [44].

38Tous les migrants subsahariens sont confrontés au quotidien à des attaques xénophobes dont ils n’avaient pas envisagé l’ampleur. « Les Libyens sont sauvages, ils te frappent, ils te chicotent et te lapident si tu es seul dans un coin… Ils t’appellent « sales » « esclaves »… Si les Africains approchent les femmes, les Libyens ils tapent » [45]. Les Noirs africains se plaignent d’être assimilés à des pauvres (surnommés « Miskinis »), à des fainéants, à des sidéens ou encore à des trafiquants de drogue et d’alcool. Ils se sentent traités comme des immigrants de seconde zone auxquels on ne reconnaît pas l’apport culturel. Ce qui ne les empêche pas, à leur niveau, de produire d’autres catégories aussi stigmatisantes, estimant notamment que les migrants d’Afrique anglophones sont responsables de tous les trafics, se désolidarisant ainsi du collectif « Noir étranger » dans lequel ils sont bien souvent classés.

39Ce ressentiment envers les travailleurs étrangers tient en partie à l’insatisfaction de la population libyenne qui considère que la redistribution des richesses issues des revenus du pétrole national s’opère trop largement au profit des immigrés. Cette rancœur semble s’être exacerbée à mesure que les arrivées des ressortissants subsahariens se sont accrues en terre libyenne et que la situation économique tardait à s’améliorer pour l’ensemble de la population :

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Avant dans les années 1990, quand il y avait des contrôles de police dans les garages où on travaillait, les patrons libyens cachaient les employés noirs ; mais aujourd’hui ce n’est plus la même chose, quand il y a des perquisitions de la police dans les maisons et que les compatriotes sont raflés, les voisins volent les effets [les vêtements] ; ça c’est nouveau [46].

41Néanmoins, certains employeurs ou logeurs libyens continuent d’assurer une protection de leurs obligés, démarchant parfois auprès de l’administration pour régulariser leur situation. La population libyenne semble opérer une distinction entre ceux qu’elles nomment « les travailleurs journaliers » et les « passagers » accordant son soutien aux premiers, lesquels apportent une plus-value sur le territoire libyen, et accusant les seconds, ceux qui veulent gagner l’Europe, de tous les maux. En l’absence de « réciprocité de perspectives », ces derniers ne peuvent en effet qu’être exclus de l’horizon que se construisent les Libyens.
L’ambiguïté des relations que la population autochtone entretient avec les travailleurs africains peut se comprendre à la lumière des positions radicales prises par les autorités libyennes qui désignent implicitement un bouc émissaire. Parce que les Tripolitains refusaient de ramasser les ordures dans la capitale, Kadhafi s’est emporté et a décidé de confier cette tâche exclusivement à des ressortissants de l’Afrique subsaharienne contre une rémunération comparable à celle que touchent les professeurs de lycée. Au-delà donc de l’expression confuse d’un ressentiment global, le seul fait que des activités telles que le ramassage des ordures ménagères puissent être confisquées ou appropriées par un migrant, de surcroît étranger, est de nature à dégrader la valeur de cette activité. Dit autrement, « on fait de mon travail, un travail pour étranger ». Outre la dépossession matérielle, ce « conflit d’appropriation », pour reprendre les termes de V. Bergogno, a donc aussi une valeur symbolique et provoque le déclassement de l’autochtone.

Les événements de Zawiya

42Les attaques racistes se sont multipliées en septembre 2000 se transformant en violences meurtrières. À Zawiya, des jeunes Libyens s’en sont pris à des travailleurs d’origine subsaharienne et ces lynchages se sont étendus dans d’autres villes de la Jamahiriyya. Officiellement six personnes ont été tuées alors que de nombreux témoignages ont fait état d’au moins cent trente victimes, ressortissantes d’Afrique noire pour la majorité d’entre elles. Ces mouvements xénophobes ont débouché sur l’exode de milliers de migrants subsahariens alors que deux mois plus tôt, à la tribune du sommet de l’OUA à Lomé, le colonel Kadhafi rappelait que « ses frères immigrés en terre libyenne quelle que soit par ailleurs leur condition sociale jouissent des mêmes avantages que les Libyens de souche » [San Finna, n° 282, octobre 2004]. Un décalage édifiant existe entre les discours panafricanistes de leur dirigeant et les mouvements de xénophobie de la population libyenne à l’encontre des ressortissants de l’Afrique subsaharienne. Pour la Commission libyenne des Droits de l’Homme en exil, ces événements dramatiques doivent être imputés au régime en place et non à une attitude raciste du peuple libyen. En théorie seulement, tout Libyen appartenant à un Congrès populaire local participe à la vie politique. Dans la réalité, le pouvoir exécutif est assuré par un cercle restreint d’hommes fidèles à M. Kadhafi et le peuple n’est que spectateur des décisions prises. Autrement dit, la simple présence des ressortissants de l’Afrique au Sud du Sahara sur le sol libyen serait devenue la concrétisation du projet d’Union africaine défendu par M. Kadhafi, projet que le Libyen de la rue, rarement consulté en tant que citoyen et lui-même de plus en plus soumis à la précarité, condamne fermement. On peut penser également que le conflit qui oppose les autochtones aux étrangers ne relève pas d’un refus de la différence, d’un rejet fondé sur une évaluation négative de l’Autre culturellement différent mais plutôt serait de l’ordre d’un déni de citoyenneté. Dans ces violences infligées aux ressortissants subsahariens, une frange de la population libyenne trouve ainsi une issue quasiment licite. Elle juge ces attaques légitimes et elle s’estime en droit d’être raciste parce que la violence prend sa source dans ce que la population croit être une injustice sociale flagrante : donner du travail aux étrangers alors que tous les Libyens n’en ont pas.
Le dirigeant libyen avait promis une enquête relative aux exactions commises à Zawiya. En mai 2001, la justice condamnait à la peine capitale sept personnes dont deux Libyens, quatre Nigérians et un Ghanéen. Ce verdict accrédite l’idée de « responsabilité partagée » défendue par Tripoli et permet opportunément aux autorités d’évacuer le spectre d’un racisme anti-Noirs Africains.

Le « rapatriement volontaire » ou la nouvelle procédure idéal-typique par temps de précarité extrême ?

43En dépit de la dégradation des conditions de séjours dans les pays d’accueil, les émigrés envisagent difficilement un retour au pays sans économies et tentent toujours de « rattraper l’échec » par un changement de destination. Rentrer bredouille est synonyme de honte non seulement pour l’émigré mais aussi pour sa famille qui a parfois contribué à financer le voyage. Celui qui rentre par ses propres moyens les mains vides est généralement qualifié de paresseux ou d’incapable. « Si c’est vraiment difficile, pourquoi certains ont réussi ? » s’interrogent les familles qui, dans le Boulgou, vivent en grande partie de la rente migratoire. La migration vers les pays pétroliers, à cause des quelques cas de réussite, est effectivement considérée par la population comme une alternative facile et rapide à l’absence de perspective à l’échelle nationale. Plus spécifiquement au Faso, la Libye jouit d’une réputation d’un pays extrêmement riche qui souffre d’une absence de main-d’œuvre. Cette renommée a été construite à partir des années 1980 ; elle est sous-tendue par les actes de générosité ostentatoires du Colonel Kadhafi à l’occasion de ses voyages au Burkina ainsi que par les nombreux investissements libyens qui marquent notablement l’espace ouagalais. Un complexe commercial de 28 milliards de francs CFA se construit dans le quartier de Ouaga 2000 à proximité du Lybia, l’un des nouveaux hôtels 5 étoiles de Ouagadougou ; le siège de la banque commerciale du Burkina – ex banque arabe libyenne burkinabé – a également été financé par la Libye (un milliard de francs CFA) au même titre que la Banque Saharienne d’Investissement Commercial, outil du CENSAD. Au cours d’une de ses visites au Burkina en 2000, le dirigeant libyen réaffirmait avec une certaine frénésie sa volonté de collaboration : « Il y aura de futurs investissements libyens au Burkina Faso, ils vont concerner notamment l’énergie, les infrastructures, les routes, l’agriculture, les banques,… Nous serons avec le Burkina avec nos finances, avec nos cœurs, avec tous nos moyens. Et nous avons tous les moyens possibles » (L’Observateur, le 6.07.2000). Ces propos contribuent à cautionner la rumeur selon laquelle depuis la révolution, le Burkina serait devenu l’instrument de la politique libyenne en Afrique de l’Ouest [47].

44À l’instar de Youssouf, dont l’avenir étant sans issue dans une famille tripolitaine, quelques-uns ont pu s’appuyer sur leur ambassade pour trouver une porte de sortie :

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Un jour, j’ai dit il faut que j’aille voir mon ambassade, j’ai cherché… Ils [son employeur] ont préféré m’emmener à l’ambassade que j’y vienne tout seul. L’ambassade m’a demandé. J’ai dit « je ne peux pas vivre, je me sens en prison ». Ils m’ont dit : « reste tranquille, on s’en occupe ». Ils m’ont téléphoné ; la famille dit « y a pas de Burkinabè ici ». L’ambassade est venue dans la boutique où je travaille… J’ai dit je veux partir. Ils m’ont dit de patienter car Air Libye allait venir ramasser les Burkinabè. Ils ont eu peur, ils m’ont laissé partir… [48]

46Le rapatriement officiel constitue pour l’émigré en difficulté la seule alternative d’être entendu par les siens et de conserver son honneur et sa crédibilité au sein de la communauté ; ce qui explique l’inscription de certains d’entre eux sur la liste des « départs volontaires ». Les images et les témoignages diffusés par la presse nationale relatifs aux conditions de voyage, d’accueil et séjour mais aussi et surtout les propos des expulsés sur la réalité des conditions de travail en Libye interrogent sur la nature réelle des rapports entre les deux pays et poussent certaines familles ainsi que des transporteurs à venir en aide à ceux qui souhaitent rentrer.

47En l’espace de quatre ans, plusieurs cargos libyens ont débarqué 952 « rapatriés volontaires » à l’aéroport de Ouagadougou. Ce qui paraît un chiffre important en proportion du nombre de Burkinabè évalués dans ce pays aujour-d’hui entre 200 et 300 personnes. En dépit des interrogations que suscitent le traitement discriminatoire et la multiplication des expulsions de ses ressortissants, le gouvernement burkinabè continue de défendre sa politique libyenne et invite ses ressortissants à respecter les conditions d’entrée et de séjour des pays de destination. Les expulsions de Libye n’ont jamais déclenché de protestations, ni débouché sur une condamnation officielle. Dans l’ensemble, les gouvernements africains se sont montrés peu concernés par les violences commises à l’endroit de leurs ressortissants notamment en 2000.
La politique de rapatriement est même présentée comme une action des autorités libyennes et du colonel Kadhafi en faveur des « migrants illégaux » dans la mesure où le Burkina ne dispose pas de moyens suffisants pour le financer. À chaque évacuation, les autorités du Faso ont essayé de montrer à la population qu’elles contrôlaient la situation, déclarant mener les opérations « conjointe-ment » avec la Libye. Des dispositions ont effectivement été prises par le Ministère de l’Action Sociale et de la Solidarité Nationale à travers le Comité national de secours d’urgence (CONASUR). En 2002, dix millions de FCFA et des vivres avaient été envoyés pour aider sur place des Burkinabè en difficulté et une équipe médicale avait été dépêchée à Tripoli. En revanche, la CONASUR, seule structure habilitée à venir en aide aux migrants rapatriés, ne disposait d’aucune information sur les caractéristiques des migrants ni sur ce qu’ils étaient devenus après leur retour au pays [49]. À l’exemple de nombreux pays d’émigration et en dépit d’un remaniement total des flux migratoires au départ du Burkina au lendemain de la crise ivoirienne, le pays qui n’a toujours pas accordé le droit de vote à ses ressortissants émigrés, ne s’est pas encore décidé à mettre en place une véritable politique migratoire et de protection de ses ressortissants. Les mesures timides prises depuis deux ans portent essentiellement sur l’amélioration des transferts financiers des migrants en direction du Burkina [Bertoncello, 2005 ; Bredeloup, 2005].

Pour conclure

48La présence de Burkinabè en Libye traduit la réorientation des axes migratoires qui s’est opérée en lien avec la mutation des contextes économique et socio-politique dans la sous-région ouest-africaine et plus particulièrement en Côte d’Ivoire, le pays de destination privilégiée des migrants burkinabè. Si la Libye n’était au départ qu’une étape parmi d’autres sur la route de l’Europe, elle tend à devenir un lieu de repli depuis que les politiques de contrôle des flux migratoires se sont systématisées dans l’espace Schengen. L’activité politique du leader libyen sur le plan continental ainsi que les relations particulières qu’il entretient avec son homologue burkinabè ont aussi largement contribué à l’installation provisoire en terre libyenne des migrants africains. Mais la donne semble avoir encore changé. Tout récemment, le gouvernement libyen a pu négocier sa réintégration dans le système de coopération internationale et la levée totale de l’embargo en échange d’une implication plus soutenue dans le contrôle et la gestion des migrants. Non seulement, il a accepté que se mette en place un pont aérien entre Lampedusa et Tripoli mais il a également autorisé la construction de trois « centres d’accueil » financés par le gouvernement italien ainsi que l’organisation de patrouilles communes le long des côtes libyennes. On peut s’interroger sur l’avenir des Africains subsahariens en déroute à Tripoli ou Sebha. Devront-ils attendre que l’Union européenne prenne le relais de l’Italie et finance les rapatriements « volontaires » pour reconsidérer leur projet migratoire ? La désillusion des migrants burkinabé provoquée d’abord par l’hostilité des populations autochtones puis par le nouveau statut de surveillant de l’espace Schengen que vient de s’attribuer la Libye traduit bien le hiatus existant entre les relations au sommet des États et la réalité des constructions des ensembles politiques aussi bien sur le plan bilatéral, sous-régional que continental. Cette situation en rappelle une autre : déjà au lendemain des Indépendances, la qualité des relations personnelles qui prévalaient entre le président ivoirien Félix Houphouët Boigny et Maurice Yaméogo, son homologue voltaïque de l’époque, avait contribué à la réorientation du flux migratoire vers la Côte d’Ivoire au détriment du Ghana et, par ailleurs, suscité la tentative (avortée) de l’instauration d’une double nationalité pour les populations des deux pays… Quelques décennies plus tard, ils y sont présentés comme des prédateurs ou des envahisseurs.

Notes

  • [*]
    Socio-anthropologue, Institut de recherche pour le développement, Laboratoire Population, Environnement et Développement, sylvie.bredeloup@up.univ-mrs.fr.
  • [**]
    Sociologue, Département de Sociologie, Université de Ouagadougou, zongomahamadou@yahoo.fr.
  • [1]
    La Libye a été rebaptisée officiellement « Jamahiriyya arabe libyenne socialiste » ou grande Jamahiriyya par M. Kadhafi. La petite Jamahiriyya est le nom donné au Burkina Faso par ceux qui ironisent sur la forte complicité nouée entre Blaise Compaore, le président burkinabè et son homologue libyen.
  • [2]
    Tu ne traverseras pas le détroit, 2001, Paris, Mille et une nuits.
  • [3]
    Le Burkina Faso fait partie avec la Libye, le Tchad, le Niger et le Mali des pays fondateurs du CEN-SAD, ce regroupement régional prônant notamment la circulation des biens et des personnes entre les États membres.
  • [4]
    13 récits de vie ont été recueillis, en février 2005, auprès de migrants burkinabè installés à Sebha et à Tripoli, sur leurs lieux professionnels, résidentiels et dans les espaces publics. Ceux-là ont été contactés selon des modalités différentes de manière à rendre compte de l’hétérogénéité de ces populations à la fois au plan de leurs projets migratoires et de leur ancienneté d’installation en Libye. Ces biographies rétrospectives ont été complétées par des entretiens (20) réalisés à Ouagadougou en septembre 2004 et octobre 2005 auprès de migrants, de retour provisoire ou définitif au Burkina, conservant cette même volonté de repérer la diversité des parcours. En Libye, les Burkinabè ont été interrogés au même titre que d’autres migrants africains (une soixantaine) de façon à mieux pouvoir situer leurs trajectoires respectives. Il nous semblait nécessaire d’aborder les situations migratoires à partir d’une mise en comparaison [Green, 2002]. Après avoir comparé au milieu des années 1990, les pratiques de migrants burkinabè et sénégalais, installés en Côte d’Ivoire [Blion, Bredeloup, 1997] et en Italie [Schmidt di Friedberg, 1995], il semblait intéressant de mettre en perspective les pratiques de migrants provenant d’horizons différents et installés dans le même lieu d’immigration en Libye. La prise en compte de la conjoncture économique et politique au moment de l’installation des migrants permet de nuancer des explications culturalistes et de relativiser l’importance du bagage importé.
  • [5]
    La COMESSA s’est transformée en CEN-SAD, communauté qui regroupe actuellement 23 États africains.
  • [6]
    Entretien à Sebha, le 4.02.2005.
  • [7]
    Rappelons que la Libye est le seul pays du Maghreb à ne pas avoir signé la convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés et que le HCR ne dispose pas d’un statut officiel lui permettant d’assurer son rôle de protection à l’endroit des réfugiés même s’il a une représentation à Tripoli (Entretien à Tripoli avec le responsable du HCR, le 10.02.2005).
  • [8]
    L’Observateur Paalga, 16.06.2003.
  • [9]
    Entretien à Sebha avec Idrissa, le 3.02.2005.
  • [10]
    Entretien à Tripoli avec le 1er secrétaire de l’Ambassade du Burkina Faso, le 11.02.2005.
  • [11]
    Entretien à Tripoli avec le 1er conseiller de l’Ambassade du Mali, le 9.02.2005.
  • [12]
    En juillet 2004, l’association Cap Anamur, qui avait procédé au sauvetage de migrants en péril dans le canal de Sicile au titre de l’« urgence humanitaire », a été accusée d’organisation criminelle par les autorités italiennes. Quant aux rescapés qui ont sollicité le statut de réfugié, ils ont été considérés comme des terroristes potentiels.
  • [13]
    Dans un entretien à la Stampa rapporté par Le Monde, le 11 août 2004.
  • [14]
    Entretien à Sebha avec le représentant de l’Association des Ressortissants Burkinabè de Libye, le 2.02.2005.
  • [15]
    Selon des sources officielles, l’Italie a financé à partir de Tripoli le rapatriement de 5600 Africains entre juillet 2003 et novembre 2004 dont 1800 Nigérians, 1650 Ghanéens, 1600 Égyptiens et 360 Maliens.
  • [16]
    Le HCR a dénoncé en octobre 2004 (Entretien, op. cit.) puis en mars 2005 le renvoi de 180 personnes dans leur pays, expulsées de Tripoli vers l’Érythrée pour les premières, refoulées de Lampedusa vers Tripoli pour les secondes. Certains de ces migrants africains auraient dû pouvoir bénéficier du statut de « réfugié ». Le HCR soulignait le 17 mars 2005 que la Libye « ne saurait être considérée comme une terre d’asile sûre ».
  • [17]
    Entretiens à Tripoli avec deux interprètes (ayant des liens de parenté) les 7 et 8 février 2005.
  • [18]
    Information communiquée par le Premier conseiller de l’Ambassade du Burkina Faso à Abidjan lors d’un entretien réalisé par R. Blion en août 1993.
  • [19]
    Entretien à Ouagadougou avec Fréjus, le 13.09.2005.
  • [20]
    Entretien à Sebha avec Daouda, le 6.02.2005.
  • [21]
    Logement pour célibataires.
  • [22]
    Entretien à Ouagadougou avec Oumarou, le 7.10.2005.
  • [23]
    Niveau d’enseignement préparatoire.
  • [24]
    Entretien Issouf, op. cit.
  • [25]
    Entretien à Ouagadougou, le 8.10.2005.
  • [26]
    Le visa a été rendu obligatoire en septembre 1993 pour les Burkinabè alors que les deux-tiers des départs vers l’Italie avaient eu lieu entre 1990 et 1993 [Blion, op. cit.].
  • [27]
    Discussions à Sebha et Tripoli avec des migrants burkinabè et sénégalais.
  • [28]
    L’Observateur Paalga, du 2 au 5 août 2002.
  • [29]
    Entretien à Ouagadougou avec Boureima, 15.09.2004.
  • [30]
    Source CONASUR et l’Observateur Paalga du 15 novembre 2000.
  • [31]
    Le même scénario se répète également pour des Nigériens, Mauritaniens et Maliens rencontrés à Tripoli et Sebha. Les plus riches comme ce Mauritanien, qui tenait une boutique depuis une quinzaine d’années dans la commune de Yopougon (Abidjan), ont pu, sans difficultés, installer une nouvelle boutique à Sebha dès 2000 profitant des capitaux et de l’entregent de la parentèle pour écouler des cigarettes de contrebande en provenance du Yunnan (Chine). D’autres comme ce vieux Nigérien, originaire de Tahoua, qui avait travaillé plus de vingt ans dans une plantation de cacao, du côté de Tabou, comme manœuvre jusqu’en 2003, ont préféré reprendre un camion à Sebha – direction Niamey – car ne disposant ni de moyens financiers ou relationnels suffisants pour vivre décemment en Libyen, en plein durcissement politique.
  • [32]
    Entretien avec le premier secrétaire de l’Ambassade du Burkina, op. cit.
  • [33]
    Source CONASUR et l’Observateur Paalga du 2 au 5 août 2002.
  • [34]
    Entretiens du 3.02.2005.
  • [35]
    Entretien Fréjus, op. cit.
  • [36]
    Entretien à Sebha avec Samba, le 3.02.2005.
  • [37]
    Désormais, les ressortissants du Niger sont les seuls à être autorisés à retourner par la voie terrestre dans leur pays (frontalier avec la Libye). Ce qui n’empêche pas de « faux nigériens » particulièrement éprouvés de prendre place dans les camions pour s’approcher de chez eux. Observations conduites avec O. Pliez à Sebha.
  • [38]
    Entretiens conduits à Sebha, le 4.02.2005.
  • [39]
    On a vu plus haut qu’Oumarou qui, était déjà commerçant à Ouagadougou, a pu le redevenir beaucoup plus tard à Tripoli en même temps qu’il enseignait l’Arabe.
  • [40]
    Entretien à Tripoli, le 9.02.2005 avec un responsable d’une association de ressortissants maliens.
  • [41]
    Entretien avec le 1er secrétaire de l’Ambassade du Burkina Faso, op. cit.
  • [42]
    En référence à la grille de lecture proposée par Bergogno dans ses travaux sur l’analyse du discours populaire sur l’immigration en Europe.
  • [43]
    Entretien avec un traducteur interprète burkinabè à Tripoli, le 8.02.2005.
  • [44]
    Entretien Issouf, op. cit.
  • [45]
    Entretien Fréjus, op. cit.
  • [46]
    Entretien avec le responsable de l’association des Burkinabè de Lybie à Sebha, le 2.02.2005.
  • [47]
    Avant même la tentative de putsch en Mauritanie en août 2004, le Burkina a été accusé de constituer le bras armé de la Libye en Afrique de l’Ouest, acceptant que transite sur son territoire l’armement destiné à alimenter les foyers de tension dans la sous-région (Libéria, Sierra Léone, Guinée et la Côte d’Ivoire).
  • [48]
    Entretien Issouf, op. cit.
  • [49]
    Entretien réalisé à la CONASUR en septembre 2004.
Français

Résumé

Sensibles aux appels réitérés du dirigeant de la grande Jamahiriya – le nouveau chantre de l’Union africaine –, quelques Burkinabè n’ont pas hésité à s’engager dans la périlleuse traversée des déserts sahariens au cours de la dernière décennie. Les uns espéraient améliorer notablement leurs conditions de vie en trouvant un emploi ponctuel mais rémunérateur à Tripoli ou Sebha ; les autres, plus aventureux, envisageaient de poursuivre leur chemin vers l’Europe à partir de cette porte d’entrée. D’autres enfin, plus récemment, ont fui le conflit ivoirien sans prendre le temps de reconfigurer leur projet migratoire, emboîtant le pas à des compatriotes avertis.
Alors que de nouvelles relations diplomatiques s’instaurent entre la Libye et les pays européens, d’autres stratégies migratoires émergent. Alors que l’embargo a été levé, le gouvernement de M. Kadhafi accepte de jouer le rôle de « sentinelle avancée » pour les États de Schengen principalement préoccupés par la défense de la « forteresse Europe », contribuant à la diffusion de l’amalgame bien souvent réalisé entre clandestinité et criminalité mais aussi à la précarisation extrême des migrants dernièrement arrivés.

Mots-clés

  • Libye
  • Burkina Faso
  • migrations transsahariennes
  • politique migratoire

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Sylvie Bredeloup [*]
  • [*]
    Socio-anthropologue, Institut de recherche pour le développement, Laboratoire Population, Environnement et Développement, sylvie.bredeloup@up.univ-mrs.fr.
Mahamadou Zongo [**]
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2011
https://doi.org/10.3917/autr.036.0123
Pour citer cet article
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