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Préambule à la question mouride en migration

1De nombreux chercheurs [1] ont souligné la capacité des migrants sénégalais, membres de la confrérie mouride, à user de solidarités religieuses pour faire fonctionner un réseau économique international. Outre la solidarité économique que le mouridisme génère, c’est tout un dispositif religieux que ces migrants transnationaux organisent au-delà, et en réseau, avec la ville sainte de Touba, au Sénégal. La circulation des taalibés[2] mourides induit des délocalisations et des renégociations du dispositif religieux mouride [Bava, 2002]. Les disciples transportent leur religion dans chaque ville de migration, fondent des dahiras[3], et organisent de nombreuses manifestations. Si cette religion migrante a suivi des hommes et transgressé ses frontières initiales, les taalibés demeurent, quant à eux, fortement fidèles à la matrice originelle, par le biais de leur attachement à des lieux saints et, plus particulièrement, à la ville de Touba, mais aussi par la reconstruction permanente d’un ethos mouride [Bava, 2004] entre plusieurs territoires. Généralement, ce sont les disciples qui ont négocié leur religion dans la migration, devenant ainsi les véritables entrepreneurs de la confrérie à l’étranger. Afin d’illustrer les capacités qu’ont les Sénégalais mourides à installer et faire vivre leur dahira dans les lieux d’immigration ou de transit, nous considérerons trois espaces religieux déployés autour de figures de migrants aux parcours distincts [4]. Ces trois espaces pourraient correspondre à des étapes dans l’histoire des migrations mourides : Marseille, une ancienne porte coloniale qui accueille depuis plus d’un siècle des commerçants africains ; Niamey, une ville africaine qui porte le souvenir des migrations intra-africaines et qui joue aujourd’hui le rôle de ville de transit dans la migration des populations subsahariennes les plus pauvres ; Le Caire, capitale du monde arabe attachée à l’espace religieux musulman mais également à un public de migrants désigné comme « élite musulmane ». Il s’agira avant tout de privilégier une approche en terme de compétences, [Berry-Chikhaoui, Deboulet, 2000] afin d’examiner dans chaque situation ce qui lie les parcours migratoires et les formes d’expressions religieuses convoquées, aux ré-appropriations d’espaces urbains observées dans des contextes sociaux différents. L’hypothèse retenue tend à considérer les espaces religieux musulmans (confréries, associations religieuses, universités) qui se déploient sur les routes migratoires comme des « espaces ressources », voire des supports de réseaux pour les migrations subsahariennes.

Le dahira commerçant de Marseille ou la fondation d’un nouveau territoire religieux mouride dans une ville d’immigration

2Le mouridisme n’est pas un mouvement religieux qui, stratégiquement, décentraliserait son culte vers d’autres pays, poursuivant ainsi une logique prosélyte. Ce sont les commerçants mourides dans la migration qui ont impulsé le développement de lieux de cultes à l’étranger ainsi que l’élaboration de rituels délocalisés. Même si l’autorité confrérique est constamment interpellée, l’initiative première est venue des migrants et de la nécessité de maintenir et d’inventer un lien spirituel et matériel avec la ville sainte de Touba. L’organisation d’un dispositif religieux mouride dans la migration est une manière, pour certains, de reconstruire le mouridisme dans le lieu où ils vivent. Parfois seulement pour quelques années ou pour quelques heures occasionnellement ; l’essentiel étant de pouvoir ré-agencer l’ensemble des éléments symboliques qui composent le mouridisme dans une combinaison pratique et légitimante de leur condition de migrant. Des formes de bricolage [Mary, 2000] sont mises en œuvre. Tout d’abord, des aménagements rituels contextuels qui ne ré-interrogent pas encore directement le contenu ni le sens des rites et des symboles, puis d’autres formes de ré-agencement et de ré-interprétations qui permettent déjà à certains groupes d’acteurs d’opérer, grâce à la migration, des transformations dans le contenu historique du mouridisme, et par la même occasion de re-symboliser certains traits de la pensée mouride.

3Entreprise essentiellement rurale à l’origine, le dahira inaugure la création d’une dynamique urbaine mouride. D’abord africain, puis exporté par les commerçants dans chaque ville de migration, il correspond à un mode d’implantation urbaine des membres de la confrérie. Il peut être considéré comme la forme urbaine du daara, cette communauté agricole maraboutique. Formé au départ par des Cheikhs, puis progressivement par les taalibés, le mouvement des dahiras débute vers 1945 quand les premiers mourides quittent le monde rural pour rejoindre les villes sénégalaises avec pour objectif de « reconstruire en ville les bases de l’unité et de la solidarité villageoise » [Diop, 1982, p. 80], d’apprendre le Coran, d’organiser des chants religieux et de venir en aide aux populations en difficulté [Cruise O’Brien, 1971, p. 253]. À Dakar, les migrants mourides ne possédaient pas de quartier spécifique si bien que le dahira servait aussi de lieu de rencontre. Ces espaces permettent aux disciples ayant fait allégeance au même marabout, ou tout simplement vivant ou travaillant dans un site proche, de se regrouper pour des séances de dhikr[5], de récitation des qassaïdes[6] et de discussion. Ces cheikh-s sont aussi missionnés pour réunir l’argent nécessaire à l’organisation des événements religieux (magal[7], ziyara[8] aux cheikhs) ou encore pour participer à l’élaboration d’infrastructures dans la ville sainte de Touba (hôpitaux, assainissement, requalification de la grande mosquée).

4Néanmoins, si les mourides sont restés fidèles à leur marabout, si leur éloignement a sûrement relancé la dynamique confrérique et contribué activement au développement de la ville sainte de Touba, ce sont d’autres formes de rapports et de collaborations entre la confrérie et ses taalibés qui se dégagent au sein des différents types de dahiras.

5À Marseille, des liens sacrés unissaient déjà la ville au Sénégal. La cité phocéenne était une étape du Massalia, un bateau qui reliait le Sénégal à La Mecque jusqu’à la fin des années 1970. Ainsi, régulièrement, des cheikhs musulmans sénégalais et des pèlerins transitaient par le port français et les taalibés installés dans la ville en profitaient pour les accueillir, pour faire des ziyaras, pour verser l’hadiyya[9], mais également pour leur procurer la marchandise qu’ils désiraient rapporter au Sénégal.

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Ca a été un peu l’époque des pèlerins, parce que le bateau, il faisait Marseille avant d’aller seulement sur l’Arabie Saoudite. Arrivés donc à Marseille, tous les passagers, surtout les Sénégalais à l’époque, débarquaient pour acheter en fait des marmites, des sonos, des trucs comme ça. C’est là donc qu’on commençait à côtoyer les vieux Sénégalais [10] qui nous dirigeaient dans les rues, la rue Nationale, le cours Belsunce qui était en fait un marché, la rue Petit Saint-Jean, la rue des Baignoirs. Donc ils se faisaient accompagner par ces gens-là (Nda : on parle ici des anciens et nouveaux migrants) pour faire le marché, et donc quand on a vu qu’il y avait un intérêt, on a commencé nous aussi, à partir des années 60-70, à prendre la marchandise pour la vendre directement à Dakar [11].

7Si Marseille n’est plus le carrefour économique et religieux d’antan pour les mourides, elle reste encore très bien située dans le parcours des marabouts qui viennent rendre visite à leurs disciples.

8À la fin des années 70, à Marseille, G. Salem évoque l’isolement comme le caractère commun de ces jeunes commerçants sénégalais : « Aucune “structure relais” ne semble venir compenser la faiblesse de l’organisation familiale : ces jeunes, livrés à eux-mêmes, ne comptent sur personne pour régler leurs problèmes » [Salem, 1981, p. 107]. Quelques-uns de ces jeunes fondent le premier dahira à Marseille, en 1983. Si on évoque déjà le réseau confrérique mouride dans les années 1980, on parle encore peu de l’organisation religieuse des migrants. En revanche, on observe l’aménagement de moments mourides originaux comme le grand magal de Touba dans les appartements des taalibés ou dans les salles de restaurants [Bava, Gueye, 2001]. Les premières manifestations religieuses liées à la mémoire collective du groupe se tiennent précisément au moment où les migrants mourides auraient aimé être présents dans la ville sainte.
Le dahira Touba-Marseille s’installe dans un appartement du 1er arrondissement, au centre de ce petit îlot de Belsunce que les Sénégalais appelaient dans les années 1980, le « Darou Salam » de Marseille, en référence à la première fondation villageoise de Cheikh Ahmadou Bamba, en 1884, du même nom. Les taalibés de Marseille, dans la lignée de la constitution de lieux mourides, ont aussi leur récit de fondation, leur version de l’histoire. On doit l’existence du dahira Touba-Marseille à un groupe de commerçants mourides soucieux d’avoir plus qu’un lieu pour prier, un lieu pour se retrouver, organiser des débats et des rencontres, des séances de dhikr, recevoir les marabouts de passage, et échanger biens de salut et biens matériels. En 1984, le dahira est déclaré sous le régime associatif de la loi 1901 [12] et Fallou, tailleur, en prend la direction pour cinq ans. Entre temps, il écrit à Sérigne Mourtada Mbacké, fils de Cheikh Ahmadou Bamba, pour officialiser aux yeux de la confrérie le dahira « Marseille-Touba ». À partir de ce moment, les réunions du dahira ont lieu le dimanche à 18 heures, dans cet appartement transformé pour l’occasion en salle de prière. Dans le contexte de la migration, l’évocation des poèmes de Sérigne Touba s’apparente à une charte morale d’action dans un monde qui exclut certaines pratiques et en appuient d’autres, notamment la doctrine du travail chère au mouridisme. Le dahira prend en charge les problèmes matériels que rencontrent les migrants tout en s’impliquant dans la gestion du quotidien [13]. Quelques années plus tard, les mourides marseillais s’organisent pour refaire entièrement une salle dans un appartement à la hauteur de leurs ambitions religieuses : photos des différents khalifes et Cheikh-s sur les murs, moquette au sol et objets de décoration. S’il apparaît que l’inscription dans l’espace d’une communauté religieuse peut se lire comme un phénomène de stabilisation ou d’intégration [Halbwachs, 1941], comme certains chercheurs [Kepel, 1987 ; Diop, 1982] l’analysent dans les années 1980, cette territorialisation religieuse peut aussi répondre, paradoxalement, à un besoin de mobilité.

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Visite de Sérigne Mourtala dans un gymnase à Marseille, fils de Cheikh Ahmadou Bamba et « marabout des migrants » (© S. Pagano, agence Reportages, 2001)

9Après quelques conflits de générations qui remettent en cause tant leur mobilité que leur insertion locale, le groupe de jeunes commerçants à l’origine de la création du dahira cède la gestion du dahira « Touba-Marseille » aux aînés qui se pensent plus légitimes. Progressivement, les débats qui animent les premières réunions transforment le dahira en un lieu plus individualiste où chacun vient réciter ses prières et lire les qassaïdes. À partir de la fin des années 1990, le dahira n’attire plus autant de monde : une trentaine de taalibés seulement pour près de cent à ses débuts. Seules les grandes cérémonies de la confrérie rassemblent l’ensemble des disciples. Le dahira se recentre vers les affaires religieuses et, mise à part l’accueil des nouveaux, n’assume plus concrètement son rôle social. L’essentiel de ses actions est dirigé vers le financement des infrastruc-tures de la ville sainte. Les disciples les plus sédentarisés remettent en question ce fonctionnement ; ils désirent que l’argent récolté soit réinvesti dans la location d’un nouveau local à Marseille où pourrait être enseigné le Coran aux enfants de migrants. Soutenu par des étudiants qui assistent les enfants dans leur initiation coranique, ce projet serait géré à partir d’une « Maison Sérigne Touba », comme il en existe déjà à Paris, en Italie et aux États-Unis. Ces maisons financées par la confrérie sont ouvertes à tous les musulmans et sont gérées par le dahira local. Elles font office de lieu de prière, de bibliothèque, de centre ressource et accueillent les personnes en transit, marabouts ou autre taalibés. Toutefois, les conflits au sein de la communauté mouride marseillaise, entre les vieux, les familles et les jeunes étudiants ou Sénégalais français, bloquent l’installation de cette maison [Bava, 2002b]. Le fait d’organiser le mouridisme dans la migration n’est pas seulement un choix identitaire, il révèle une inscription du vécu des migrants sur le territoire marseillais, mais il signifie aussi une prise de position par rapport à la société locale et aux autres migrants musulmans. Cette affirmation est peut-être le signe d’un ancrage, mais un ancrage comme condition indispensable pour accepter la mobilité.
La requalification du centre-ville de Marseille a conduit au déménagement du dahira ; il se situe aujourd’hui dans le quartier de Noailles, de l’autre côté de la Canebière. Comme en Italie [Schmidt di Fridberg, 1994 ; Riccio, 2000] ou à New York [Ebin, 1993], les mourides, sans couper le lien ombilical avec la matrice de Touba, sont devenus de véritables entrepreneurs de leur religion en migration. Ces circuits mourides en migration permettent aux taalibés de participer à l’expansion du mouridisme à travers le rayonnement de Touba, mais ce dispositif confrérique, qu’ils organisent et font valoir, leur offre avant tout les moyens de participer à l’économie et à la vie sociale de leur pays. Tous ces jeunes qui, au Sénégal, sont déconnectés des activités productrices, contribuent par le développement d’un commerce transnational et de la circulation de biens religieux mourides, à produire du symbole, de la valeur religieuse et économique vers leur pays. Les taalibés reversent sous forme d’hadiya de l’argent à leurs Cheikhs. Cette richesse qui circule est la preuve de la réussite commerciale des membres de la confrérie mais atteste également de la force spirituelle (Baraka) du Cheikh. Dans la migration vers les pays du Nord, l’argent et sa circulation sont investis de sens religieux et aujourd’hui, l’éthique du travail – base du mouridisme – est progressivement remplacée par une éthique de l’argent et de la réussite [Bava, 2004]. La gestion du dahira est aujourd’hui partagée entre la légitimité religieuse de certains, la réussite économique de quelques autres et l’insertion locale des derniers.

Le « dahira-caravansérail » de Niamey : quand les symboles racontent l’exil

10Qu’en est-il alors des espaces religieux musulmans au Niger, plaque tournante des migrations de l’Afrique Subsaharienne vers l’Europe ? Par sa position géographique, l’étude du cas nigérien peut permettre de comprendre comment se construisent les itinéraires religieux des migrants sénégalais en transit entre le pays de départ et le pays d’immigration. On peut se demander si les routes tracées entre les espaces religieux n’influent pas sur les trajectoires migratoires et si ces espaces se reconfigurent pour faire face à l’afflux important de migrants et, par voie de conséquence, à la nouvelle demande d’islam. Ainsi, le voyage entrepris par les migrants peut-il se métamorphoser et l’expérience migratoire se mêler à l’expérience religieuse. Dans l’univers religieux, la notion de voyage renvoie à celles d’initiation et d’extase, à un parcours semé d’épreuves et de rites à accomplir. À partir du dahira mouride de Niamey, aujourd’hui dahira de transit, dans quelle mesure l’expérience migratoire prend-elle le sens d’un voyage mystique et s’enveloppe-t-elle d’une épaisseur religieuse ?

11Le Niger se situe sur un axe qui relie l’Afrique subsaharienne et le monde arabe et Niamey accueille des migrants sénégalais depuis plus d’une cinquantaine d’années. Depuis les migrations internes à l’AOF, les Sénégalais ont continué, après l’indépendance, à immigrer au Niger ou à y transiter pour tenter de rejoindre le Maghreb puis l’Europe. Les anciennes routes du commerce caravanier transsaharien, de l’esclavage mais aussi du pèlerinage à la Mecque semblaient avoir été délaissé ces vingt dernières années par les ressortissants ouest-africains. Aujourd’hui, les routes migratoires en Afrique redeviennent bien souvent terrestres, et les migrants, comme auparavant dans les années 50-60, multiplient les escales sur le continent africain avant de gagner l’Europe ou l’Amérique. En situation précaire, ils ne bénéficient plus ou peu des réseaux qui ont contribué au développement des mobilités entre le Sénégal et les pays occidentaux ; les structures d’accueil dans les pays africains s’essoufflent (Ba, 1995). Le rôle des marabouts mourides jouant sur des complicités administratives dans l’aide à l’obtention de visas pour l’Europe et les États-Unis a permis à des milliers de taalibés de partir. L’organisation même des disciples dans les grandes villes, la préparation au départ, l’apprentissage du commerce et la connaissance des filières et des lois, sont aussi des facteurs qui ont facilité ces circulations. Aujourd’hui, les migrants sénégalais rejoignent la ville de Niamey après quelques étapes plus ou moins courtes en fonction de leur capital financier de départ. Ceux qui viennent de Dakar ou du Sénégal oriental transitent souvent par Bamako, Ouagadougou et Niamey, empruntant des trains ou des cars rapides. Ceux qui viennent du centre du Sénégal et de la région du fleuve se dirigent plutôt vers Kayes, Mopti, Gao puis Niamey avant de rejoindre Agadez, dernière escale avant de tenter la grande traversée du Sahara en direction de Tamanrasset, Djirkou et Bilma. À court d’argent, certains travaillent en chemin, souvent dans l’agriculture ou la méca-nique, mais la plupart arrive directement à Niamey, sans ressources, au terme d’une semaine de voyage. Le consul honoraire du Sénégal à Niamey, Alioune Gueye, écrit en août 2003, dans un rapport adressé à l’ambassadeur du Sénégal en Côte d’Ivoire et aux ministres sénégalais de l’Intérieur et des Affaires étrangères :

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On constate ces derniers temps, un mouvement incessant de beaucoup de nos compatriotes qui convergent vers des pays lointains via le Niger. Malheureusement à leur arrivée à Niamey (c’est d’ailleurs un cas fréquent), beaucoup se retrouvent déjà sans ressources et sont obligés d’y rester en attendant que leur famille au Sénégal leur envoie de l’argent qui leur permet de poursuivre leur voyage souvent vers l’inconnu. Il faut aussi noter l’importance des « Dahiras » mouride et tidjane, qui servent de lieu d’hébergement pour ceux qui arrivent et qui ne connaissent personne, le temps qu’il faut et les assistent à la fois (soins sanitaires et nourriture). Il y a lieu de citer le cas de l’exemple frappant de Niamey où l’on retrouve nos compatriotes très nombreux répartis dans les « Dahiras mouride et Tidjane » [14].

13Les jeunes interrogés [15] partent avec un capital globalement estimé entre 25 000 et 50 000 CFA (entre 40 et 80 €) mais les transports et multiples barrages policiers les laissent sans ressources. La migration est une manne financière intéressante pour les transporteurs et les policiers. C’est donc généralement sans un sou en poche que ces jeunes « aventuriers » [16], qui ont entre 25 et 30 ans, débarquent à Niamey à la recherche d’un petit travail et de quoi survivre. Très vite, dès la gare routière, les populations locales les orientent vers les endroits où ils peuvent trouver des compatriotes, soit le consulat du Sénégal, soit les bijoutiers et commerçants du centre-ville, soit directement vers les dahiras mourides et tidjanes. À Niamey, on trouve un dahira mouride mais également de nombreux tidjanes, membres de la confrérie la plus représentée au Niger [Gray, 1998 ; Kane, 1989].
Parmi les migrants sénégalais déjà installés au Niger, environ 1500 personnes sur l’ensemble du territoire ont conservé leur nationalité (les jeunes migrants en transit n’étant pas comptabilisés). Au sein de ce groupe, on peut distinguer au moins trois catégories :

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  1. les bijoutiers, tailleurs et restaurateurs, généralement fondateurs des dahiras mouride et tidjanes qui constituent le groupe majoritaire en incluant leur famille.
  2. les cadres, diplomates et étudiants sénégalais venus travailler au sein de sociétés nigériennes ou étudier dans les grandes écoles et universités [17].
  3. quelques fidèles de passage ou installés à Kiota, petite zawiya de la branche Niassene de la Tidjaniyya de Kaolack au Sénégal, à une centaine de kilomètres à l’est de Niamey.
Les premiers migrants s’installent au Niger et forment dans les années 1960, avec les cadres d’entreprise, une communauté estimée à près de 10000 individus [18]. Les fonctionnaires coloniaux qui forment la majorité du contingent sénégalais au Niger ne feront pas tous les mêmes choix aux moment des indépendances. Une fois les colons partis, et en fonction des opportunités liées à leur statut, une partie s’intègre dans l’administration nigérienne et prend la nationalité ou encore gagne la Côte d’Ivoire, ou rentre au Sénégal. D’autres investissent dans le commerce au Niger et sont rejoints par leurs proches. Des femmes sénégalaises ouvrent des restaurants et des salons de coiffures. Aujourd’hui encore, on trouve quelques-uns de leurs commerces en plein cœur de l’ancienne ville, preuve d’une installation ancienne à Niamey. Pourtant dès les années 1980, la conjoncture devient moins favorable ; les bijoutiers subissent la concurrence de l’or de la Mecque et sont de plus en plus taxés par les gouvernements successifs. Ils cherchent alors à diversifier leur activité, n’hésitant pas à se rendre au Nigeria, aux États-Unis ou en France pour vendre leurs produits ainsi que des articles touaregs. Au retour, ils écoulent à Niamey des produits occidentaux. Ce scénario s’appuie sur le réseau des commerçants mourides et chacun peut évoquer un frère, un fils ou un cousin en Europe ou aux États-Unis. Niamey, comme d’autres villes, a trouvé sa place dans le dispositif mouride. Aujour-d’hui [19], la présence sénégalaise dans la capitale nigérienne a fortement régressé. Les femmes et les plus jeunes enfants sont rentrés au pays, n’ayant plus suffisamment d’opportunités de travail et les hommes ont repris la route pour leur commerce afin d’assurer l’avenir des enfants.

15Parmi les anciens établis à Niamey, Diop, comme Gueye ou Thiam et bien d’autres sont arrivés à l’aventure au milieu des années 50-60, à Zinder et à Maradi dans un premier temps, avant de rejoindre Niamey. D’origine forgeronne [20], les uns inaugurent la « bijouterie moderne » dans cette partie de l’Afrique où la population ne travaillait pas l’or. D’autres, les tailleurs, connaissent un succès grâce à la qualité de leurs broderies et de leurs coutures. Ces quelques commerçants circulant entre le Sénégal et le Niger, et à l’affût de transactions internationales, qui ont connu alternativement succès et crise de leur entreprise, vont devenir pour les jeunes migrants internationaux de passage de véritables personnes ressources qui marqueront leurs parcours migratoire et modifieront leur rapport au religieux.

16Dans les premiers temps de la migration, les mourides de Niamey se réunissaient chez les uns et les autres pour prier et chanter les qassaïdes mais depuis une dizaine d’années, ils louent une concession leur permettant de se réunir, de célébrer les fêtes musulmanes et mourides et de recevoir les Cheikhs et autres membres de la confrérie de passage, comme les jeunes migrants de plus en plus nombreux. Le dahira se situe dans le 2e arrondissement de Niamey, quartier populaire dans la partie orientale de la ville qui accueille déjà les concessions de nombreux Sénégalais installés. Passée l’entrée de la parcelle où aucun signe de dévotion au mouridisme ne transparaît, le dahira, ce petit territoire mouride délocalisé, se dévoile. Autour d’une cour bâchée sous laquelle de nombreux tapis sont déroulés, les murs couverts de peintures évoquent les miracles de Cheikh Ahmadou Bamba et un poster géant rassemble les cinq khalifes de la confrérie. L’iconographie est une pratique prépondérante dans la vie de la confrérie et les images pieuses abondent sur ce marché particulier des biens religieux (Roberts et Nooter Roberts, 1998). Entourant la cour, quelques pièces permettent d’accueillir le gardien du dahira et les jeunes « aventuriers » de passage. Si quelques migrants sont mourides, la majorité, originaire de la vallée du fleuve Sénégal ou du Sénégal oriental, ne l’est pas. Par les discussions avec les anciens et les poèmes récités le dimanche, ceux-là apprennent au dahira ce qu’est le mouridisme et qui est Sérigne Touba. En octobre 2003, ils étaient environ une trentaine de passage au dahira mouride de Niamey. Les uns avaient été refoulés d’Algérie, de Libye ou même du Maroc ; d’autres étaient arrivés à Niamey depuis quelques semaines et s’efforçaient de gagner de l’argent pour traverser le désert. Quelques-uns enfin, malades, attendaient un mandat de leur famille pour repartir au Sénégal. En septembre 2003, un groupe de 20 personnes a quitté le dahira en direction d’Arlit dans le nord du pays.

17La présence croissante des jeunes migrants sénégalais mais aussi guinéens et maliens au dahira mouride justifie encore davantage les réunions hebdomadaires du dahira. Les dimanches, la salle est comble (environ 50 personnes) et, comparativement aux réunions dominicales du dahira de Marseille, on peut s’étonner d’une telle popularité. Les réunions sont des moments d’échanges entre les quelques vieux, partis à l’aventure il y a quarante, voire cinquante ans, qui relatent leurs parcours, les différents pays traversés, métiers exercés et les plus jeunes sur le départ. Prier collectivement, parler de Cheikh Ahmadou Bamba, de ses exils et de ses miracles, renforce la cohésion du groupe mais surtout donne la force de continuer la route pour ceux dont c’est le projet. Car même si les vieux les mettent en garde [21], leur racontent les décès, les informent sur les convois au Sahara qui abandonnent régulièrement des migrants, ou encore leur parlent des pillages dont ils sont victimes, ils sont aussi là pour témoigner, par le seul fait de leur présence à l’étranger, qu’il faut partir pour s’en sortir.

18Les difficultés que les anciens aventuriers évoquent aujourd’hui, semblent pour les plus jeunes bien insignifiantes au regard de la situation qu’ils vivaient au Sénégal avant le départ. Par ailleurs, l’ambiance du dahira, les prières et les récits mourides contribuent à alimenter leur foi et à donner du sens à leur voyage. C’est ainsi que l’on s’entend répondre régulièrement à la question du grand départ : « il n’y a que la mort qui m’arrêtera et de toute façon c’est Dieu qui décide » résume Mamadou [22], originaire de la région de Kolda au Sénégal. Il est parti de Kolda à Dakar avec deux amis du même village. À Dakar, un autre jeune aventurier, Saliou, s’est joint à leur petit convoi et ils ont traversé le Fouta avant d’atteindre le Mali. Au Mali, leur argent épuisé, ils ont entrepris des travaux agricoles, pendant trois mois, avant de repartir pour Niamey. Depuis trois mois, installés au dahira, ils sont en quête d’argent pour continuer leur route vers la Libye puis l’Europe. Ces jeunes, malgré leur fatigue et leurs soucis matériels, sont très positifs. « On quitte notre pays car on se rend compte qu’on a un manque quelque part. Puis on rencontre des obstacles, le chemin est toujours semé d’embûches, alors arriver au dahira c’est une chose extraordinaire, on se sent chez nous. On est rappelé à l’ordre par les anciens qui nous guident en nous enseignant les qassaïdes » [23]. Les propos tenus par Alioune s’imprègnent de valeurs religieuses, celles du martyre et de la souffrance. L’épreuve se déclare et prend sens.
Les vieux du dahira ne se laissent pas déborder par l’arrivée de ces jeunes et même s’ils ne font pas de distinction entre mourides et non mourides, les règles sont les mêmes pour tous « si tu veux suivre la loi tu es chez toi, sinon dehors » [24], la loi c’est la même que celle de Touba, précisent-ils : ne pas fumer, ne pas voler, ne pas faire venir de filles au dahira, bref se tenir tranquille. Ceux qui respectent ces consignes sont nourris et logés. Reprenant les groupes de qassaïdes laissés par les anciens, les jeunes chantent les louanges et les poèmes du Cheikh la nuit du jeudi au vendredi. Les jeunes aventuriers, malgré les soucis financiers et administratifs qu’ils occasionnent aux anciens, apportent une nouvelle dynamique au sein du dahira, redonnent un sens à l’activité religieuse quotidienne. Le dahira fonctionne également comme un fond de solidarité pour les dépenses exceptionnelles comme le rapatriement des corps des jeunes sénégalais ou encore l’hospitalisation de certains. Face à ces situations de plus en plus courantes, et compte tenu du coût que représente l’accueil de ces jeunes en cette période de récession économique pour les Sénégalais installés à Niamey, la gestion du religieux implique de nouvelles responsabilités et l’État sénégalais est sollicité en plus de la solidarité confrérique. En effet, l’Association des Ressortissants Sénégalais au Niger a alerté l’État sénégalais en 2003, par le biais du nouveau consul, des situations difficiles de plus en plus fréquentes rencontrées par les jeunes migrants au cours de leurs pérégrinations. Elle a sollicité une aide financière et logistique pour assumer cet accueil.
Les taalibés de Niamey, agents religieux dans ce petit Touba délocalisé, territoire de transit au croisement des réseaux transfrontaliers de la migration, ont réaménagé l’espace du dahira et des rituels en fonction de cette nouvelle situation. Lieu ressource communautaire, le dahira devient un moyen d’ancrer sa foi avant le grand départ et de vaincre la peur par la pratique religieuse. Il s’agit de re-symboliser cette aventure pour la rendre supportable. De plus, le dahira se voit investi d’une fonction hôtelière, tel un « dahira-caravansérail », il permet aux aventuriers fatigués de se reposer, de prier et de reprendre courage avant de poursuivre leur chemin. Il est vrai que cette hospitalité (téranga au Sénégal) est bien connue et que les dahiras mourides ou les maisons Sérigne Touba en migration fonctionnent sur le même registre. Ce qui est nouveau, ce sont les conditions dans lesquelles se trouvent les migrants. Niamey n’est que le début de la route et le dahira, une des dernières « bornes mourides » avant l’Europe. C’est le lieu où il faut prier, se ressourcer et commencer à donner un sens à son exil. Opportunément, les grandes peintures pieuses accrochées aux murs de la cour du dahira représentent les scènes de Cheikh Ahmadou Bamba en exil. Le parcours de Cheikh Ahmadou Bamba, comme plus tard celui de sa descendance, est ponctué de miracles. Lors de ses exils, Sérigne Touba pria sur les eaux alors que les colons voulaient l’en empêcher sur le navire qui le menait au Gabon ; il réussit également à endormir un lion, que les colons lui avaient envoyé dans sa cellule à Saint-Louis, en lui récitant des prières. Reconstruire le mythe de l’exil dans ce lieu particulier, c’est en quelque sorte repartir symboliquement sur les traces du fondateur du mouridisme et aussi sur celles du prophète Mahomet. Les mourides sont dans l’imitation des actes du prophète via l’imitation de ceux de Cheikh Ahmadou Bamba. L’idéologie de l’exil, faite d’épreuves et de miracles, qui tend vers un retour glorifié, est en cours de fabrication. Ces constructions symboliques particulières émergent au regard des situations migratoires, mais également parce que dans l’islam et, souligné dans le mouridisme, l’exode volontaire ou contraint est une épreuve nécessaire à la réalisation du parcours de taalibé. L’exil, pour les musulmans, se construit en référence à celui de Médine qui dura dix ans et qui peut être envisagé comme un moyen de se ressourcer et de s’instruire. L’exil reste toutefois transitoire, sorte d’épreuve temporaire pour renforcer sa foi. Il y a une pensée méritoire derrière l’exil musulman qui est effectivement souvent réinterprétée en ces termes dans le discours que les migrants tiennent sur leur propre migration [Masud, 1990]. Dans le mouridisme, et principalement dans les textes de Cheikh Ahmadou Bamba, l’exil est présenté comme un bienfait. Cheikh Ahmadou Bamba, exilé lui aussi plus de dix ans, a été grandi par ces épreuves et son départ en exil est fêté chaque année, c’est la fête la plus importante dans la confrérie, le grand magal de Touba qui réunit des millions de personnes à Touba et dans chaque ville de migration. Dans ce contexte, Ibra Gueye, bijoutier, rappelle aux jeunes que « Cheikh Ahmadou Bamba a toujours poussé ses enfants, ses proches et ses taalibés, à vivre ailleurs, à affronter l’inconnu pour se former et devenir meilleur » [25].
Ainsi à Niamey, le passage des jeunes migrants internationaux relance-t-il et transforme-t-il le dahira. Lieu de prière et lieu communautaire pour les anciens commerçants, il devient aujourd’hui un espace ressource, spirituel et matériel dans la migration, un « dahira-caravansérail » sur la route de l’exil. Cette transformation s’observe par les formes de légitimation religieuse mises en œuvre par les taalibé-s pour soutenir au mieux ces jeunes, mais également par le travail de ces migrants qui s’investissent au sein du dahira comme au sein d’une famille, le temps de leur transit.

Le dahira des étudiants mourides au Caire : quel destin pour les étudiants d’Al Azhar ?

19« Notre présence ici est en relation avec la religion car les gens vont à Al Azhar pour la religion et parce qu’il y a une bourse pour encourager la religion » nous dit S. Mbacké, jeune étudiant mouride d’Al Azhar, arrière petit fils de Sérigne Touba. Le dahira des mourides du Caire n’a pas d’implantation précise. Il est composé à 95 % d’étudiants azharistes ou de licenciés d’Al Azhar qui ont choisi de faire un troisième cycle dans une autre université du Caire. Outre les cérémonies importantes qui ont lieu dans des salles prêtées pour l’occasion par les imams des mosquées de quartier, ils se réunissent généralement chez le président du dahira, Moustafa MBacké qui habite dans un appartement plutôt chic dans le quartier central de Mouhandissin. C’est d’ailleurs la première question que l’on se pose : comment des étudiants boursiers d’Al Azhar [26] peuvent-ils louer un appartement si luxueux alors que nos premières enquêtes révèlent une forte présence des étudiants africains à la Cité Universitaire d’Al Azhar (cité des bu’ûth) et dans les quartiers plus populaires d’Ain chams, de Médinat Nars ou de Doqqi ? Quittant la communauté musulmane pluriethnique d’Al Azhar, les étudiants rejoignent souvent des migrants africains déjà établis dans ces quartiers et s’appuient sur leur réseau de relation ou sur leur nom pour partager un appartement. Ce sont souvent des réfugiés originaires du Soudan, du Ghana, de Nigeria et d’Éthiopie, titulaires d’une carte de réfugié leur permettant de louer ces appartements à leur nom et d’en sous-louer des pièces à des migrants. L’histoire de la migration africaine dans ces quartiers sert l’ancrage des étudiants originaires d’Afrique de l’Ouest dans la ville. La plupart des membres du dahira que nous avons rencontrés louent des chambres dans ces quartiers et y exercent une activité économique de manière informelle.

20Le bureau du dahira regroupe les arrières et arrières-arrières petits-fils du fondateur de la confrérie. Dans la lignée des savants et théoriciens musulmans, ils vont étudier à Al Azhar, une université musulmane qui est restée très prestigieuse aux yeux des musulmans originaires d’Afrique de l’Ouest. Les premiers à être venu étudier à au Caire sont des petits-fils de Sérigne Touba en 1966, date d’ouverture de la nouvelle université d’Al Azhar. Espace de transmission de savoir [Zeghal, 1996], mais également une des bornes indispensables qui relient historiquement les itinéraires de diffusion de l’islam au sein du monde musulman, l’Université Al Azhar s’associe pour tous les musulmans à un lieu mémoire sur la question du savoir islamique. Le dahira mouride existe quant à lui depuis 1975 et compte aujourd’hui quatre vint dix taalibés. À la différence d’autres dahiras dans la migration, il n’y pas d’anciens taalibés car le dahira se renouvelle avec l’accueil chaque année des nouveaux étudiants. Les autres repartent après leurs études au Sénégal, au Maghreb ou en Europe car leur statut ne leur permet pas de travailler en Égypte. Au Caire, la gestion de l’activité religieuse du dahira est confiée principalement aux descendants de Cheikh Ahmadou Bamba. Le lignage traditionnel assure la gestion du dahira, les autres n’en sont que membres. Ici, il n’y a apparemment pas de conflit, cette organisation est admise par tous les jeunes mourides azharistes. Autrefois, quelques grands marabouts s’arrêtaient au Caire à l’exemple de Sérigne Mourtada, qui y effectua sa dernière visite en 1989. Le Caire était alors une étape sur la route de l’Europe, mais aujourd’hui les grands Cheikhs s’y rendent directement par voie aérienne. Quant à ceux qui vont à La Mecque, ils s’arrêtent parfois au dahira. Cependant ici, au milieu des héritiers légitimes de la mémoire mouride, les membres du dahira n’ont pas besoin de la même reconnaissance qu’ailleurs. Les étudiants mourides d’Al Azhar se donnent pour mission de faire connaître Cheikh Ahmadou Bamba. Mais dans ce pays à majorité musulmane, la tâche est rude. Le dahira se définit comme une structure fondée par les anciens étudiants sénégalais d’Al Azhar, qui propose d’enseigner les fondements de la pensée de Cheikh Ahmadou Bamba. Aujourd’hui, les activités du dahira sont surtout socioculturelles, et lors des événements marquants comme les cérémonies mourides, tous les ressortissants ouest-africains présents au Caire sont conviés [27]. À la différence de Niamey ou de Marseille, la ville accueille les étudiants de passage mais jusqu’à des temps plus récent elle n’était pas une ville de transit des migrations subsahariennes. Cependant, tout indique aujourd’hui qu’elle est en phase de le devenir en s’appuyant sur une migration africaine plus ancienne dans la ville, celle des Soudanais et des Éthiopiens.

21La problématique du dahira du Caire paraît à première vue différente des deux autres. Le dahira installé dans la capitale égyptienne ressemble à une émanation de la hiérarchie mouride, une « élite musulmane » sénégalaise étudiante à l’étranger. Pourtant comme tous les autres étudiants africains rencontrés au Caire [28], les étudiants mourides recherchent souvent un visa pour les pays du Nord. Loin de la vision romantique qui associe les voyages des étudiants musulmans africains à une quête historique et bénéfique du savoir au sein des grands centres d’enseignements de l’Islam dans les pays arabes, la réalité à Al Azhar est plus proche des migrations économiques observées sur d’autres territoires, même si l’appartenance à Al Azhar reste plus prestigieuse. Sur le chemin de leurs ancêtres, qui circulaient entre les différents centres religieux d’Afrique pour parfaire leur connaissance islamique avec la bénédiction de leur communauté, ces musulmans que l’on qualifie hâtivement d’élite musulmane ne sont ni plus ni moins dans la majorité des cas, que des jeunes désirant quitter leur pays et tenter leur chance plus au Nord. Une inscription à Al Azhar combinée à une petite bourse peut offrir cette possibilité de « sortir » [29] de chez soi. Sous le « vernis » d’Al Azhar se devinent les mêmes interrogations, les mêmes craintes et la même inventivité que peuvent connaître tous les migrants africains. Ces lieux d’enseignement religieux où sont formées les élites musulmanes pourraient donc également être à l’origine de carrières migratoires ou, a minima, le support de stratégies migratoires. Ces recherches engagées à l’Université Al Azhar au Caire, et auprès du dahira mouride, permettent de mieux comprendre la manière dont certains étudiants vont mobiliser leurs ressources religieuses pour construire leur parcours migratoire à travers un « projet éducatif ». C’est en ce sens que le dahira mouride du Caire n’est peut être pas si différent des autres. Certes, il s’agit d’un dahira étudiant, mais les jeunes qui y participent veulent souvent rentabiliser leur séjour au Caire et continuer leur route. Une fois les présentations formelles passées, les discours sur l’ascendance religieuse de leur parcours, les membres du dahira évoquent leur itinéraire et leur désir de se rendre en France, à Genève ou dans une université européenne. Ces étudiants mourides, sur le modèle des entrepreneurs religieux transnationaux que sont quelques grands cheikhs mourides qui franchissent les frontières pour rejoindre leurs disciples et conclure des affaires, vont apprendre à circuler et à mobiliser des ressources autant traditionnelles que juridiques. Si la majorité formule sa présence au Caire comme une étape vers l’Europe, d’autres désirent rentrer au Sénégal après leurs études, afin d’enseigner dans les instituts Al Azhar [30], établissements où ils ont été eux-mêmes formés au Sénégal.
Comment comparer la situation des étudiants au Caire aujourd’hui à celle des fils de Cheikhs mourides et autres étudiants mourides venus en Europe et aux États-Unis dans les années 80, dans l’idée de diffuser le message de Cheikh Ahmadou Bamba ? V. Ebin rappelle le cas de Mustafa Mbacké, fils de Gainde Fatma, missionnaire arrivé à New York en 1981 pour créer une école mouride, qui rencontra très vite un public afro-américain [Ebin, 1993]. Les études en France [Diop, 1990] présentent également le cas des étudiants mourides, souvent initiateurs des premiers dahiras étudiants dans les universités dakaroises, qui en France se mobilisent pour faire connaître la pensée de Cheikh Ahmadou Bamba, pour convertir et prendre place auprès de la communauté musulmane [31]. Si les fils de Cheikh-s mourides et leur enseignement sont plutôt bien accueillis par la communauté mouride migrante, et encore avec certaines limites [Ebin, 1990], les étudiants eux n’ont pas trouvé l’écho souhaité auprès des migrants commerçants en France [Bava, 2004]. La comparaison s’arrête donc là, le dahira mouride du Caire est rattaché à une longue et prestigieuse histoire religieuse, il est en terre musulmane et accueille les fils de la hiérarchie confrérique. Les étudiants mobilisent cette symbolique glorieuse mais sont avant tout confrontés à la réalité et à la dureté de la migration. Qualifiés « d’élite musulmane », ni parmi les plus pauvres, ni parmi les notables, ces étudiants sont aujourd’hui les figures intermédiaires de la migration.

Conclusion : l’espace religieux comme support à la question migratoire

22À Marseille, à Niamey ou au Caire, les dispositifs rituels du mouridisme se sont exportés, se sont délocalisés. Ils ont dû être réinventés pour s’adapter au mieux à leur fonction de « dispositif religieux migrant ». Chaque nouvelle situation migratoire suppose une gestion particulière du religieux et une adaptation intelligente qui permet d’entrelacer la mémoire mouride à la mémoire et au présent de ces migrations. Il n’y a pas d’un côté un mouridisme pur, traditionnel et de l’autre un mouridisme « bricolé » de la migration mais plutôt une recette religieuse combinant les ingrédients des sociétés locales traversées, combinaisons qui, en retour, transforment le mouridisme actuel. Les symboles même, comme l’exil, le travail, la légitimité religieuse entre autres, sont réinterprétés dans la migration et investis de sens nouveaux. Les mourides dans la migration ne rentrent pas en conflit avec les tenants de la hiérarchie religieuse mais n’hésitent pas à les questionner sur leurs projets, sur leurs doutes et leur situation dans le pays d’accueil. En prônant une adaptation en douceur, ils « manient subtilement la continuité et la discontinuité en matière de changement culturel » [Mary, 2000, p. 33] tant dans la gestion de symboles que dans la gestion de l’espace religieux. De la sorte, il est juste d’envisager ces espaces religieux comme des nouveaux sites de productions religieuses qui fonctionnent sans que la hiérarchie religieuse de Touba ne se sente spoliée. Au-delà du symbolisme dont on voit les représentations les plus évidentes, c’est tout un mode de gestion qui s’adapte : dans ces dahiras, la question migratoire est au cœur du dialogue religieux. Il faut souligner l’adaptation du matériel symbolique mouride dans ces nouveaux contextes : un matériel qui appuie l’importance de l’exil et permet aux non-mourides de rejoindre facilement la confrérie, comme c’est le cas à Niamey ; alors qu’à Marseille ou à New York les propos seront recentrés autour de la doctrine du travail, réputée chez les mourides, qui tend d’ailleurs à se transformer en une véritable doctrine de l’argent. À Marseille, ces négociations, ces conflits n’en montrent pas moins la constitution et la légitimation d’un “entre-deux” religieux s’appuyant sur des événements particuliers comme les visites des cheikhs mourides ou le grand magal de Touba. Au dahira mouride de Niamey, l’ascétisme, le respect et l’appréhension de l’exil sont les bases de l’enseignement quotidien. Au Caire, les jeunes « élites musulmanes », étudiants d’Al Azhar, endossent la posture du croyant en quête de connaissance mais n’en utilisent pas moins le dahira comme un lieu ressource dans la migration et comme un tremplin pour partir plus au Nord.
Ces variations autour de trois dahiras montrent que le savoir et l’expérience religieuse sont des compétences mobilisables dans toutes les migrations sénégalaises, que ce soit pour les premiers commerçants installés à Marseille, pour les migrants pauvres issus de milieux ruraux en route vers le Sahara, à Niamey, ou encore pour ces nouveaux migrants, plus instruits, issus de milieux sociaux plus favorisés, eux aussi à la recherche d’une vie meilleure.

Notes

  • [*]
    Socio-anthropologue, chercheur associé au LAMES (Laboratoire Méditerranéen de Sociologie) à la MMSH d’Aix-en-Provence, sophiebava@yahoo.fr.
  • [1]
    Se reporter aux travaux de Cruise O’Brien [1971, 1988], Copans [1980], Diop [1980, 1981], Salem [1981], Diop [1985], Ebin [1990, 1993, 1996], Schmidt di Fridberg [1994], Tall [2000], Bava [2000, 2002].
  • [2]
    Taalibé : disciple, élève. Les mots en italique dans le texte sont des termes wolof, ce sont des mots relatifs à l’Islam et retranscrits de l’arabe.
  • [3]
    Dahira : association religieuse et culturelle.
  • [4]
    Ces recherches ont été menées dans le cadre de mon travail de doctorat mais également à l’occasion de ma participation à plusieurs programmes de recherches dont principalement : l’ACI Espace et Territoires « Territorialités sahariennes. Nouvelles configurations urbaines et circulations migratoires entre les deux rives du Sahara », coordonné par O. Pliez (CNRS /CEDEJ Le Caire), le programme PRIPODE (Ministère des Affaires étrangères) « Circulations migratoires entre l’Afrique noire et le monde arabe et nouvelles configurations urbaines » coordonné par S. Sassia (Université d’Annaba, Algérie, LRNA), le programme CIMAMA « Les migrants africains : des acteurs invisibles du développement urbain durable ? », cordonné par S. Bredeloup (IRD/LPED) en réponse à un appel d’offre du ministère de l’environnement et du développement durable, le programme de l’IFRA Ibadan. « Réseaux religieux et nouveaux acteurs en Afrique de l’Ouest » coordonné par L. Fourchard et André Mary et enfin le programme de la DGXII. « Les économies de bazar dans les métropoles euro-méditerranéennes : activités marchandes informelles, réseaux migrants transfrontaliers, centralités commerciales et codes d’honneur », coordonné par M. Péraldi (CNRS/LAMES MMSH) et S. Bredeloup (IRD/LPED). Ces recherches ont été effectuées grâce à des missions longues et répétées dans les villes interrogées entre 1995 et 2005.
  • [5]
    Dhikr : en arabe, le mot dhikr signifie « rappel, souvenir ». Il désigne, en pratique, une méthode spirituelle basée sur l’invocation et la répétition de formules, de phrases généralement extraites du Coran et des noms d’Allah.
  • [6]
    Qassaïdes Rhassaïdes : vient de l’arabe Qasida, poèmes. Ces poèmes écrit par Cheikh Ahmadou Bamba, posent les bases de l’enseignement mouride, des valeurs à respecter, du sens de certains versets coraniques, etc. La tradition rapporte que Cheikh Ahmadou Bamba aurait ainsi produit 7 tonnes d’ouvrages, traductions du Coran et autres pamphlets comparables aux poèmes des grands maîtres soufis.
  • [7]
    Magal : célébration organisée pour l’anniversaire de naissance ou de décès d’un cheikh. Le magal le plus spectaculaire est le grand Magal de Touba organisé pour célébrer le départ en exil du fondateur de la confrérie, Cheikh Ahmadou Bamba. Ces célébrations donnent lieu à des pèlerinages.
  • [8]
    Ziyara : visites pieuses.
  • [9]
    Hadiyya : dons aux marabouts (sens premier en arabe : cadeau, présent).
  • [10]
    Par « vieux sénégalais » il entend, les anciens tirailleurs ou marins installés à Marseille depuis de nombreuses années, qui souvent tenaient des restaurants ou des bars dans le quartier Belsunce et qui permirent aux nouveaux de prendre place dans la ville [Bertoncello, Bredeloup, 2004].
  • [11]
    Entretien avec C. Dakar, 1999.
  • [12]
    Les associations créées par les étrangers ont pu rentrer dans le régime juridique de la loi 1901 depuis la loi du 9 octobre 1981.
  • [13]
    Au printemps 1986, des jeunes Sénégalais sont impliqués dans des trafics de stupéfiants et le dahira se mobilise pour prendre la défense de ses membres accusés [Bava, 2000].
  • [14]
    Tidjanes : membres de la Tidjaniyya, confrérie musulmane fondée par Cheikh Ahmed Al Tidjani au xviiie siècle et très développée en Afrique de l’Ouest ; rapport d’octobre 2003.
  • [15]
    Une trentaine d’entretiens ont été menés.
  • [16]
    Le terme d’aventurier est le nom par lequel ils se désignent entre eux, ce n’est pas celui qui leur est attribué par les populations locales qui les appellent « étrangers ».
  • [17]
    Plus précisément on les retrouve à l’École Africaine de la Météorologie et de l’Aviation Civile (EAMAC), L’École des Mines et de la Géologie (EMIG), Le Centre Régional de l’Agriculture (AGRHYMET), l’Université Islamique de Say et les organismes internationaux. L’université musulmane de Say accueille une cinquantaine d’étudiants sénégalais.
  • [18]
    Entretien avec Madame Gueye Ndaye Diop, femme de l’ancien consul honoraire du Sénégal lequel avait travaillé comme comptable pour la Société du Niger Français dès 1943 avant d’être nommé consul par Abdou Diouf en 1987. À sa mort en 1997, le remplace sa femme.
  • [19]
    Enquêtes effectuées en septembre et octobre 2003.
  • [20]
    Dans la société wolof, société segmentée, les gens de métiers occupent une place intermédiaire, les nobles et les anciens captifs. Des liens sont à établir entre migration et groupes statutaires [Diop, 1985 ; Manchuelle, 2004].
  • [21]
    D’après Alioune Gueye « Sur 100 jeunes qui s’organisent pour partir en Europe, seuls 5 y arrivent, les autres disparaissent, meurent ou retournent », Niamey, le 21 septembre 2003.
  • [22]
    Entretien réalisé le 25 septembre 2003 au dahira mouride de Niamey.
  • [23]
    Entretien réalisé le 24 septembre 2003 au dahira mouride de Niamey.
  • [24]
    Discussion avec Diop, le président du Dahira mouride, Niamey, le 24 septembre 2003.
  • [25]
    Discussion entre anciens et nouveaux taalibés au dahira mouride de Niamey, le dimanche 21 septembre 2003.
  • [26]
    La bourse d’Al Azhar varie entre de 18 et 25 euros mensuels si l’étudiant réside ou non à la cité universitaire.
  • [27]
    On estimait en 2004 à près de 3000, les étudiants africains inscrits à la seule Université d’Al Azhar. À ce nombre, il faut ajouter les Africains travaillant dans les organisations internationales, les consulats et les ambassades.
  • [28]
    Premier terrain réalisé en novembre 2004.
  • [29]
    « Sortir » est le terme employé par ces jeunes migrants francophones.
  • [30]
    Ces Instituts destinés à l’enseignement de l’Islam et du mouridisme, ont été fondé par Sérigne Mourtada Mbacké, fils de Cheikh Ahmadou Bamba, grand marabout des migrants, décédé en 2004. Il existe plus de 300 instituts Al Azhar à travers le monde dont la majorité est au Sénégal.
  • [31]
    En référence aux membres du MIME : Mouvement International des mourides en Europe, initiateurs de la revue Ndigël.
Français

Résumé

Ce texte interroge les espaces religieux sur les routes migratoires Afrique subsaharienne/Monde arabe/Europe comme des espaces ressources ou autres supports de réseau migratoire. À partir de trois dahiras (associations et espaces religieux) sénégalais mourides à Marseille, Niamey et au Caire, nous présenterons leur histoire à travers une approche sociologique des migrations. S’il y a un lien entre les logiques migratoires et la constitution de ces espaces religieux dans un lieu et un temps donné, quelles sont les compétences mobilisées par les migrants pour intégrer le projet religieux au projet migratoire ?

Mots-clés

  • migration
  • espaces religieux
  • Islam
  • mouridisme
  • compétences
  • circulation

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Sophie Bava [*]
  • [*]
    Socio-anthropologue, chercheur associé au LAMES (Laboratoire Méditerranéen de Sociologie) à la MMSH d’Aix-en-Provence, sophiebava@yahoo.fr.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2011
https://doi.org/10.3917/autr.036.0105
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