Chapitre
La philosophie est méditation de la vie, et non de la mort. Spinoza aura toujours raison : on ne peut parler, en philosophie comme ailleurs, que de ce que l’on connaît. Or tant que nous sommes vivants, de la mort, nous ignorons tout, sinon nos craintes ou nos espérances. Selon les uns, être mort, c’est n’être plus : la mort n’est donc rien pour nous, et nous ne pouvons que nous taire à son propos. La contradiction qu’il y a à vouloir penser l’absence de pensées, à vouloir ressentir l’absence de ressenti, à vouloir éprouver ce que c’est que de ne plus être présent à soi confirme que nous touchons là, en effet, à une expérience-limite, et plus exactement à une non-expérience. En toute rigueur, on ne peut même pas identifier la mort au néant puisque nommer le néant, c’est déjà le chosifier mentalement, en faire au moins un concept, ce qu’il n’est même pas. Mais cet abîme comme fin de soi, comme fin de tout, y compris du néant, éclaire en retour l’existence d’une lumière crue : avec la mort, jamais la vie ne peut être totalisée. Mourir, c’est renoncer à avoir le dernier mot, c’est partir en laissant la dernière phrase de sa vie inachevée : on n’est tout simplement plus là pour mettre le point final, ni même pour le regretter. Ce sont les autres qui nous fermeront les yeux.
D’autres, au contraire, estiment que mourir est un passage : être mort, c’est être autrement. Cet « autrement » est toutefois radical, inconcevable : l’après auquel nous serions promis ne renvoie en effet à aucune expérience dans l’avant…
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Auteur
- Mis en ligne sur Cairn.info le 04/12/2020
- https://doi.org/10.3917/dunod.centr.2020.01.0830
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