Une mafia est d’abord une société secrète. Plus qu’aucun autre critère, le secret peut à lui seul résumer l’essence d’une mafia. Or de telles sociétés ont des caractéristiques communes, quels que soient le lieu ou l’époque de leur apparition. Les études comparatives mettent en exergue ces traits communs : rites initiatiques, serment, origine légendaire, loyauté, idéologie de l’honneur et, le plus souvent, exclusion des femmes.
Ces sociétés secrètes se contentent généralement de vouloir dissimuler leur contenu, c’est-à-dire leur activité, le nom de leurs membres et leur mode de fonctionnement (rites, lois, etc.). La société secrète de type mafia vise un enfouissement plus profond encore. Ici le secret tente d’envelopper non seulement le contenu mais le contenant : l’occultation doit toucher l’existence même de la société secrète. Et, trop souvent, cette invisibilité a conduit à présumer l’inexistence des mafias. Les yakuza japonais font ici exception, signe probablement de leur haut niveau d’acceptation sociale et politique, du moins au Japon. La sociologie des sociétés secrètes s’avère donc un outil indispensable pour comprendre l’âme des mafias. Saisir l’originalité profonde d’une mafia impose ainsi une évolution intellectuelle consistant à passer du monde spécifiquement criminel (la dimension association criminelle et crime organisé) à celui, moins étudié et assurément plus mystérieux, des sociétés secrètes. L’essence d’une mafia réside plus dans son mécanisme organisateur, son horlogerie sociale, le secret, que dans s…