L’art n’est pas un objet d’étude traditionnel des relations internationales. Cette affirmation doit immédiatement être relativisée car depuis quelques années maintenant l’art, ses productions, ses ressources, ses formes d’expression et ses vecteurs de diffusion, jusque-là absents ou abordés à la marge, intéressent de plus en plus la discipline qui a connu un « tournant esthétique » (voir Bleiker 2006a, p.297-321 ; 2012 ; 2015). Ce tournant s’inscrit dans la continuité des travaux menés en science politique sur l’importance qu’occupe l’art dans les rapports politiques comme objet de propagande, de rhétorique, d’identification des acteurs, comme source de violence (voir Von Beyme 1996, Rancière 2006, Rockhill & Watts 2009 ; Love & Mattern 2013 ; Edkins 2015). Ainsi, ce « tournant esthétique » a ouvert plusieurs pistes de réflexion qui abordent l’art comme forme de représentation de la réalité internationale (Van Alphen 2005 ; Demaria & Wright 2006 ; Sherman & Nardin 2006 ; Hansen 2015), comme un outil au service de la diplomatie (Eudes 1982, Bidaud 2012 ; Ahrendt et al 2014), comme un objet de sécurité (McSweeney 1999 ; Williams 2003 ; Campbell & Shapiro 2007 ; Möller 2009 ; Hansen 2011 ; Heck & Schlag 2013), comme une forme de discours sur la violence (Reynolds 2000 ; Costello & Willsdon 2008 ; Hyvärinen & Muszynski 2008 ; Möller 2013 ;), plus spécifiquement sur la guerre (Brothers 1997 ; Perlmutter 1999 ; Campbell 2003 ; Danchev 2009 ; Butler 2010 ; Mitchell 2011 ; Wilkes, Will, Zelt 2012 ; Kennedy & Patrick 2013), sur les traumatismes subis lors des conflits armés (Bennett 2005 ; Kaplan 2005 ; Bisschoff & Peer 2013 ; Lindroos & Möller 2017), comme expression des souffrances vécues (Sontag 2003 ; Reinhardt 2007, 2012), ou encore comme produit culturel vecteur de violence, une arm…