CAIRN.INFO : Matières à réflexion

La France a longtemps aimé à se penser comme une nation où l’humour dominait, ainsi que la gaieté, le pays de Panurge ou de Figaro, se moquant des dogmes et des puissants. N’a-t-elle pas été la première monarchie d’Europe à avoir aboli en 1791 le délit de blasphème ? Le jésuite Joseph-Antoine Cerutti affirmait dans une Lettre sur les avantages et l’origine de la gaieté française (1761) que la gaieté serait le propre du génie français. En France, tout ne finit-il pas « par des chansons », comme le prétendait Beaumarchais ? On a vu en 1793-1794, sous la Terreur, ce qu’il en était. Germaine de Staël, dans De la littérature, soulignait en 1800 qu’on ne pouvait pas tout avoir. L’humour était le propre de la monarchie et d’une société de cour. L’esprit républicain imposait plus de sérieux : « L’âge de la plaisanterie perpétuelle est passé ! Figaro deviendra grave. » Heureusement, la République a su s’approprier un rire gaulois, celui des caricaturistes et des chansonniers. Et Henri Bergson, dans son célèbre essai sur Le Rire, a pu à nouveau en faire le propre d’une nation qui aime à persifler. Depuis, chacun s’était mis à chercher, comme le philosophe, « quelle est l’intention de la société quand elle rit ». Et de distinguer entre le rire des anges et le rire du diable. Car l’humour n’est jamais neutre et, comme le rappelait Bergson, « c’est une anesthésie momentanée du cœur, pendant laquelle l’émotion ou l’affection est mise de côté ; il s’adresse à l’intelligence pure ». Baudelaire n’hésitait pas à en faire même quelque chose flirtan…

Jacques de Saint Victor
Jacques de Saint Victor est historien du droit et des idées politiques, professeur des universités (Paris XIII, Sciences Po-Paris) et chroniqueur littéraire (Revue des Deux Mondes, Figaro littéraire). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire du pouvoir, dont Histoire de la République en France des origines à la Ve République, avec Thomas Branthome (Paris, Economica, 2018), Blasphème. Brève histoire d’un crime imaginaire (Paris, Gallimard, 2016, prix du livre d’histoire du Sénat), Un pouvoir invisible. Les mafias et la société démocratique (Paris, Gallimard, 2012, prix de l’essai de l’Académie française et prix des Ambassadeurs). Il est aussi l’auteur de plusieurs romans, dont dernièrement Casa Bianca (Paris, Les Équateurs, 2019).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 07/02/2022
https://doi.org/10.3917/puf.zarka.2020.01.0291
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