Chapitre
L’expansion des puissances du Vieux Monde vers le Nouveau Monde a eu pour effet de placer l’espagnol, le portugais, l’anglais et la langue française à la fois dans des nouveaux paysages et des rapports sociaux inédits, mais aussi de les confronter aux nécessités conjuguées de former des États nations et de résister à des hégémonies. Le projet colonial, sous les apparats civilisateurs et humanistes des puissances du Vieux Monde, aura couvert les pires exactions, et se sera en effet inscrit dans les équilibres mouvants d’un système-monde avec ses hiérarchies successives de domination et de dépendance. C’est donc à l’intérieur de ce système-monde qu’a pris forme et s’est développée ce que l’on désigne depuis un bon moment par « la société québécoise », la langue française ayant largement contribué à l’élaboration d’une identité franco-canadienne confrontée aux effets de la conquête britannique et à la nécessité d’une résistance qui ne s’est pas démentie depuis.
Au moment où Jacques Cartier plante symboliquement une croix à Gaspé en 1534 ou, un peu plus tard lorsque Samuel de Champlain fonde la ville de Québec en 1608, la langue française était bien loin d’être stabilisée en son lieu d’origine : ce n’est la langue officielle de l’administration que depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), et nous sommes, pour la langue savante et écrite, encore avec la langue bariolée d’un Montaigne, avant le classicisme, et plus largement dans une multiplicité de patois. Cette langue va donc d’abord évoluer dans de nouveaux paysages, rudes et immenses, souvent blanchis par la neige, occupés par des peuplades autochtones éparses, et une socialité plus horizontale, éloignée des usages distinctifs de la société d’Ancien Régime…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 07/02/2022
- https://doi.org/10.3917/puf.zarka.2020.01.0305
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