La croissance économique ne fait qu’aggraver les tensions sur une ressource devenue déjà fort rare vu les fortes densités de population : la terre. Cela se traduit par une pression sur le foncier accélérée par la spéculation immobilière, et par des problèmes environnementaux croissants, dont les composantes sont écologiques mais aussi sociales et politiques. Mais la terre, c’est aussi du territoire, chargé d’identité, différencié par des catégorisations de communauté, de classe ou de sexe. Segmentés et pourtant souvent poreux, les « territoires du quotidien » illustrent les ambiguïtés des structures sociales indiennes.
L’anthropologue Louis Dumont affirmait qu’en dépit de nombreux indicateurs (dieux de village, rivalités pour la terre, segmentation spatiale des castes), la notion de territoire était peu pertinente pour comprendre la société indienne : la parenté et l’idéologie étaient des composantes plus essentielles de l’organisation sociale. Depuis, des géographes bien sûr, mais aussi d’autres anthropologues [Berti et Tarabout, 2009] ont remis la dimension territoriale au premier plan. La notion de territoire doit être revue à l’aune de la société indienne. En particulier, les catégories d’espace public et privé doivent être réinterrogées dans le contexte indien, où de surcroît rapports sociaux de classe et de sexe contribuent à définir des territorialités fortes.
Le territoire du quotidien est en premier lieu la maison ou l’appartement. Espace privé, c’est là que, paradoxalement, les règles sociales « traditionnelles » sont les plus strictement suivies : on se déchausse avant d’entrer, y fume rarement, on n’y mange souvent pas de viande même si l’on n’est pas végétarien à l’extérieur, et le petit autel aux dieux est tous les matins entretenu par un…