Le père de Démosthène possédait une fabrique d’armements. Si certains de nos collègues avaient vécu à l’époque, ils y auraient sans doute vu la cause réelle des appels à la résistance contre Philippe de Macédoine lancés par son fils. Mais les mêmes collègues pourraient y voir, de façon peut-être plus justifiée, la date de naissance du complexe militaro-industriel . En fait il s’agit d’une notion complexe, et changeante. L’origine même de l’expression est loin d’être simple.
La formule elle-même est entrée dans le langage courant à la suite du discours d’adieu du Président Eisenhower, le 17 janvier 1961 : « Nous devons être en garde contre l’influence indue du complexe militaro-industriel, qu’elle soit voulue ou pas… de façon à ce que la sécurité et la liberté soient assurés ensemble . » En fait il semble que les rédacteurs de son discours aient hésité : d’autres formules paraissent avoir été envisagées, puis finalement écartées : « complexe militaro-industriel-parlementaire » (incluant donc le Congrès, qui vote les crédits d’équipement en n’oubliant jamais dans quel État de l’Union sont situés les usines d’armements concernées…) ; « complexe militaro-scientifico-industriel » ; « complexe militaro-universitaro-industriel » . Toutes dénominations d’ailleurs admissibles, nous allons le voir.
La question des liens entre gouvernements, militaires et industriels de l’armement ne s’est vraiment posée qu’à partir des années 1860, quand les principaux États ne se sont plus contentés des arsenaux traditionnels pour équiper leurs armées mais ont fait appel à l’industrie privée, beaucoup plus capable de produire les armes nombreuses et sophistiquées correspondant à la révolution industrielle et à l’accroissement des effectifs permis par le service universel…