Depuis quelques années, un vent d’inquiétude souffle chez les professionnels du monde médical ou du médico-social lorsque surgit, dans les institutions, la question du religieux. À chaque fois, le spectre de la « radicalisation », souvent amalgamé avec le « terrorisme islamiste », est invoqué. On voit alors des praticiens, quelquefois expérimentés, perdre soudain leurs moyens, comme si l’étiquette « radicalisation » impliquait à elle seule de revoir de fond en comble l’ensemble des pratiques. Qu’y a-t-il de nouveau, sous le ciel institutionnel, depuis l’apparition de la radicalisation islamiste en tant qu’objet d’expertise ? Ce nouvel objet (s’il s’agit bien d’un phénomène nouveau) engage-t-il à revoir de fond en comble le traitement institutionnel des questions religieuses ? Ladite « radicalisation » nécessite-t-elle d’inventer de nouvelles pratiques psycho-éducatives ? Autrement dit, et c’est la demande implicite de nombreux professionnels : comment accompagner, en institution, les personnes radicalisées ? Ce travail procédera de deux thèses, à première vue contradictoires. La première – que l’on a développée ailleurs (Lamote, Askofaré, 2016) et qui ne sera ici effleurée que dans notre conclusion – est que nous avons vraisemblablement à faire, avec l’actuelle vague de radicalisation touchant des populations jeunes, à des phénomènes religieux inédits, nés dans des contextes culturels déterminés et suscités par un mouvement civilisationnel global nouveau. Mais pour autant – et ce sera notre seconde thèse –, ces phénomènes sociétaux et subjectifs inédits, tout en appelant une attention méticuleuse de la part des professionnels, ne nécessitent pas, en guise de traitement et d’accompagnement, d’en appeler à des pratiques éducatives et thérapeutiques radicalement nouvelles : lorsque l’on en situe correctement les coordonnées, on s’aperçoit rapidement qu’ils relèvent des pratiques et de la clinique ordinaires – celles qui organisent le quotidien des institutions…