L’un des traits caractéristiques de la pensée française est le rapport entre sociologie et philosophie qui, suivant les revendications contraires de l’identification et du rejet, la traverse continûment. Soit qu’on admette que nulle sociologie n’est possible qui ne soit complètement libérée de la philosophie, soit qu’on définisse l’accomplissement du projet philosophique par sa convergence finale avec l’approche sociologique, un mode de pensée est à l’œuvre qui a sa cohérence et son unité, au titre d’arrière-plan théorique où s’accusent les divergences et se détachent les positions singulières. À ce niveau souterrain, un substantif pèse de tout son poids dont l’emploi et le rayonnement n’ont d’évidence qu’en France : le social. Parler du social, c’est admettre implicitement que les phénomènes sociaux relèvent d’un genre commun, et qu’à la possibilité de ressaisir en elle-même cette réalité générique demeure suspendue leur pleine compréhension. De cela, il serait imprudent de conclure qu’il n’y a de sociologie que philosophiquement fondée ; à moins de concevoir cette fondation à l’inverse d’un acte inaugural, distancié et serein, et de la présenter comme une reformulation complète de la pensée philosophique – reformulation qui peut la conduire à se dire sociale au premier chef, et à rencontrer finalement le point de conversion où c’est au contraire le nom de sociologie qui paraît mieux lui convenir. Or n’est-ce pas précisément à ce mouvement que l’on assiste dans la pensée durkheimienne …