Société en transition, société mettant en contact des éléments étrangers, un centre comme celui de Poto-Poto est chargé de conflits et antagonismes plus ou moins manifestes. Lorsque ces derniers s’actualisent jusqu’à devenir une dérogation évidente à l’ordre établi, un délit, ils donnent lieu à une procédure judiciaire dont la trace figure souvent dans les registres tenus par le tribunal coutumier. C’est donc en premier lieu à l’analyse de ces documents que nous nous sommes attachés ; ils donnent de précieuses indications quant à la nature des conflits ; ils apportent dans une certaine mesure des points de repère quant au degré de « moralité » caractérisant la société urbaine.
Le tribunal dit « coutumier » connaît, au premier degré, les affaires des matières civile et commerciale ; en fait, donc, la plus grande partie des affaires. Nous avons pu dépouiller les registres correspondant aux années 1948-1949-1950, et à titre de comparaison, dans les limites permises par l’état des archives, les registres établis durant les années 1935 et 1936.
La confrontation des deux séries ne manque pas d’être significative. Durant la période de mars 1935 à mars 1936, le tribunal n’a rendu que 80 jugements dont près d’un tiers concernant des infractions aux règlements administratifs : commerce ou culture de « chanvre à fumer », fabrication d’alcool, etc. Tandis qu’il a rendu 550 jugements d’avril 1948 à fin juillet 1950 ; sans compter les jugements dits « supplétifs », actions purement administratives permettant d’établir un acte de notoriété qui tient lieu d’acte de naissanc…