CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Pour le lecteur, le catalogue qu’offre une maison d’édition se borne à recenser l’ensemble des titres publiés. Cette vision commode est pour le moins rapide. Car les éditeurs parfois omettent des livres qu’ils jugent peu flatteurs et ne précisent jamais les livres refusés ou avortés. En matière de catalogues, plus que jamais le pluriel s’impose – d’autant que cette pluralité des catalogues à naître permettra d’affiner la connaissance des pratiques culturelles.

2 Le catalogue d’un éditeur est un objet apparemment anodin. Il est aujourd’hui presque impossible de dater avec certitude l’apparition en France de cette mince plaquette. Est-ce, comme le suggère Nicole Felkay, aux alentours de 1820 que succèdent aux annonces insérées à la fin des livres, des prospectus « envoyés régulièrement aux correspondants des libraires ou confiés aux voyageurs de commerce avec tâche de vanter les livres comme ils le font pour d’autres produits [1] » ? Ou plus tôt, dès la fin du 18e siècle, comme le pense Jean-Dominique Mellot qui a retrouvé dans le fonds de la veuve Machuel des catalogues manuscrits de livres contrefaits et interdits remis aux libraires forains qui doivent les brûler à la première alerte [2] ?

3 Le catalogue de l’éditeur tel que nous le connaissons se présente comme la recension de l’ensemble des livres disponibles publiés par la maison d’édition. Il a donc apparemment une visée uniquement commerciale, présentant la liste de tous les titres qu’un acheteur peut se procurer auprès d’un libraire à un moment donné. À côté de ce catalogue, annuellement mis à jour, les éditeurs choisissent souvent de marquer certaines dates symboliques par la publication d’un livre catalogue rassemblant, non plus seulement les ouvrages disponibles, mais l’ensemble des livres publiés depuis la fondation de leur entreprise. Christian Bourgois et José Corti en 1988, Gallimard en 1991, Le Seuil en 1998, ont publié ce catalogue général qui est un catalogue de fonds d’éditeur. Ce livre des livres prend en compte une dimension essentielle de l’activité éditoriale, la durée, dessinant sur le long terme un portrait de l’éditeur parfois surprenant, dans la mesure où il révèle la publication de livres, d’auteurs, de collections auxquels on ne s’attendait pas.

4 Comparer la liste des collections publiée par Gallimard dans son catalogue du quatre-vingtième anniversaire de la fondation de la maison et celle reconstituée par André Dalmas et publiée dans la revue Commerce est une expérience suggestive. Les deux listes ne sont pas identiques : ni la collection « Cinéma romanesque » (1928), ni la collection « Du Bonheur » (1939), repérées par Dalmas [3], ne semblent avoir laissé de trace dans l’histoire officielle de la maison qui est la « banque centrale » de la littérature française (Philippe Sollers), celle dont le prestige littéraire, tant national qu’international, demeure, aujourd’hui encore, inégalé. Signaler les manques, repérer les oublis dans le catalogue de fonds, pourtant présenté comme exhaustif, c’est reconnaître que le catalogue qui intéresse l’histoire de l’édition ne s’identifie avec aucun des objets offerts habituellement sous ce nom. C’est un objet construit qui impose une autre vision de l’éditeur que celle généralement admise.

5 Un éditeur peut être considéré comme un intermédiaire culturel d’un genre particulier, un entrepreneur culturel, un « homme double » ainsi que l’entend Christophe Charles [4] ; dans la perspective d’une histoire de l’édition pensée à partir du catalogue, l’éditeur est d’abord un individu qui publie un certain type de livres. Autrement dit, le catalogue est un instrument dont l’intérêt n’apparaît pleinement que dans le cadre de microstructures éditoriales, où un nombre réduit d’individus, quand ce n’est pas un seul, opèrent des choix éditoriaux d’une grande cohérence tant sur le plan littéraire que politique.

? Le catalogue : une pratique éditoriale singulière

6 On ne sera pas particulièrement surpris de rencontrer les Surréalistes à l’origine d’une pratique du catalogue qui dépasse la simple mission informative d’un éventuel public pour devenir une véritable « présentation de soi » de la maison d’édition, de l’image qu’elle tient à donner d’elle-même et de ses orientations.

7 Le premier catalogue des Éditions surréalistes (1930-1938) est réalisé, en 1931, par le libraire José Corti. À chacun des douze portraits rassemblés dans cette brochure, correspond une page où apparaît le nom de l’auteur, suivi d’une liste de livres mentionnant l’éditeur et le prix. Des extraits de presse ou de critiques complètent certaines bibliographies et, imprimée en caractère gras, une autre revue de presse, relative au surréalisme des années 1925 à 1931, court à travers les pages consacrées aux auteurs. Ce véritable objet d’art, conçu par Éluard, Max Ernst et André Breton et conservé à la réserve de la Bibliothèque nationale, est resté célèbre pour ses deux dernières pages, qui, sous le titre « Lisez/Ne lisez pas » prescrivent ou interdisent certains auteurs (et non pas tel ou tel livre). « À lire » parmi les auteurs allemands : Hegel, Fichte, Marx et Engels. « À ne pas lire » : Kraft-Ebbing, Schiller, Hoffmann. En quoi cet objet catalogue est-il davantage qu’une curiosité ? Ainsi que l’écrit Georges Sebbag, « d’une part [ce catalogue] participe à la campagne de lancement des Éditions Surréalistes et permet de souder le groupe » : on ne mentionne pas les œuvres de Robert Desnos en rupture, alors que l’on tient le plus grand compte de Tristan Tzara avec qui les Surréalistes viennent de se réconcilier ; d’autre part, le catalogue « marque l’exigence d’un label surréaliste, limitant nécessairement l’étendue des éditions surréalistes. Objet surréaliste, théorique et visible, le catalogue est un exemple d’édition surréaliste » [5]. Un catalogue, s’il n’est pas chez tous les éditeurs aussi absolument œuvre d’art, revêt toujours un enjeu d’image.

8 Un catalogue n’est pas un livre clos, mais un livre ouvert qui, sur le long terme, s’enrichit sans cesse de nouvelles œuvres, mais aussi s’épure, dans le mouvement qui conduit un éditeur à ne pas réimprimer certains titres, alors même qu’il en maintient d’autres, pas toujours les plus rentables, disponibles. Le catalogue des Éditions du Sagittaire, par exemple, l’éditeur des grands textes surréalistes [6], que dirige Léon Pierre-Quint, est épuré en fonction des interdictions édictées par les listes Otto publiées, avec l’accord du Syndicat des éditeurs, par l’occupant allemand à l’automne 1940. Figurent sur la liste Otto des « ouvrages retirés de la vente » : Pierre Buk, La Tragédie tchécoslovaque 1938-1939 et L’Expérience Blum. Un an de Front Populaire. L’éditeur se voit donc dans l’obligation de les effacer de son catalogue, mais, en revanche, c’est de sa propre initiative qu’il fait disparaître L’Histoire de France d’Albert Bayet, anticipant la censure à cause de la préface d’Édouard Herriot, une des grandes figures politiques de la Troisième République, régime honni par le régime de Vichy [7]. L’intervention de la censure politique a le mérite de la clarté. Comment, en revanche, interpréter la censure que l’éditeur impose de sa propre initiative à sa propre production en décidant de faire littéralement disparaître certains titres qu’il a pourtant choisi librement de publier ? C’est en travaillant les versions successives du catalogue de l’éditeur afin de récupérer les textes rejetés qu’on peut essayer de comprendre quelle image l’éditeur entend donner de lui-même.

? Jérôme Lindon et François Maspero : deux experts en catalogue

9 Il existe, aux Éditions de Minuit, une collection qui n’a jamais eu les honneurs du catalogue, et qui a pourtant mobilisé une grande énergie éditoriale à l’époque de son lancement : la collection des « Grandes réussites françaises » lancée au printemps 1952 par Jérôme Lindon. Les Éditions de Minuit, alors dans une passe financière particulièrement difficile, décident d’occuper le créneau du livre dit populaire et de publier des titres à gros tirages (10 000 à 20 000 exemplaires) sur des « sujets de culture générale », allant, dans le programme initial de la collection, des fromages à, en passant par la Légion étrangère, la bataille d’Austerlitz, et l’histoire du premier grand magasin parisien, Le Bon Marché. L’idée d’une collection de livres inédits à bas prix n’est pas en elle-même absurde, puisque très exactement contemporaine du lancement du Livre de poche par Henri Filipacchi chez Hachette (février 1953). La mise sur pied d’un projet de cette nature nécessite d’importants capitaux – que les Éditions de Minuit n’ont pas – et un savoir-faire éditorial a priori étranger à une maison d’édition littéraire d’avant-garde : Jérôme Lindon ne s’émeut pas outre mesure de ces difficultés et décide de faire appel aux auteurs désargentés qui gravitent autour des Éditions. C’est ainsi que Marcel Bisiaux, écrivain et animateur, avec Henri Thomas et Georges Lambrichs, de la revue littéraire 84, rédige des biographies de champions, « ensuite un livre sur les images d’Épinal. Ensuite une histoire de la bicyclette ». On retrouve également le romancier Paul Gegauff, futur scénariste de Claude Chabrol et éminence grise des Cahiers du Cinéma, aux prises avec l’histoire du « Bon Marché ». Huit titres paraîtront entre 1954 et 1955, tous signés de soi-disant spécialistes, parfaitement inconnus, et pour cause [8]… Pourquoi dès lors cette collection ne figure-t-elle pas au catalogue général que les Éditions de Minuit publient en 1956 ? Est-ce parce qu’il s’agit d’un projet sans avenir ? Mais la fonction d’un catalogue d’éditeur n’est-elle pas de dresser l’inventaire des livres publiés ? La simple mention de l’existence de cette collection, absolument étrangère à l’esprit d’une maison affichant son autonomie vis-à-vis du marché, détonnerait et brouillerait l’image de « pur éditeur d’avant garde » que les Éditions de Minuit, éditeur de Samuel Beckett, de Georges Bataille et de Pierre Klossowski, entendent incarner. La disparition du catalogue des livres et des collections les plus commerciales des éditeurs littéraires offre une illustration supplémentaire du rôle fondamental que joue le désintéressement dans l’économie des biens symboliques [9]. Dans les années 1950, les individus, s’ils veulent tirer profit à long terme de leur investissement en littérature, doivent dénier la dimension économique de leur activité tout comme les maisons d’édition qui tiennent à apparaître comme littéraires. Seul un éditeur affichant son désintéressement peut prétendre être un « auteur d’auteur [10] », et constituer à terme un catalogue de référence, autrement dit être un éditeur et non un commerçant des lettres.

10 Cet oubli des « Grandes réussites françaises » au catalogue 1956 des Éditions de Minuit apparaît d’autant plus significatif lorsqu’on le rapproche de la mise en catalogue de la guerre d’Algérie faite deux ans plus tard, en 1958, alors que les Éditions ont publié le livre événement dans la dénonciation de la torture pratiquée par l’armée française, La Question d’Henri Alleg. Le catalogue 1958 de la maison offre tous les signes extérieurs de la subversion. Préfacé par Jérôme Lindon qui assume sa « réputation de cinglé », pourfend « l’hostilité d’une majorité de libraires » et revendique « d’être inculpé pour attentat aux institutions », ce catalogue contient une pleine page dévolue à Henri Alleg et à son livre – désormais interdit – La Question, fournissant cette précision supplémentaire : « L’ouvrage a fait l’objet de multiples éditions clandestines », suivie de la liste des traductions dans les pays étrangers. La censure politique est impuissante à s’opposer à la marche de la vérité, et l’éditeur entend bien continuer, par tous les moyens, et malgré l’intimidation judiciaire dont il est l’objet – « information ouverte contre X pour démoralisation de l’armée » – à rendre publiques les informations contenues dans l’ouvrage. Ultime provocation : l’« Adresse solennelle à M. le président de la République », signée par trois prix Nobel de littérature et Jean-Paul Sartre, protestant contre la saisie de La Question en avril 1958, sert de quatrième de couverture au catalogue.

11 Autre exemple de cette utilisation stratégique du catalogue, celui conçu par François Maspero [11], en janvier 1971. Édité « dans un but de bibliographie et de documentation », ce catalogue donne la liste complète des ouvrages publiés depuis la fondation de la maison en 1959, accompagnés du chiffre exact de leur tirage. Il fournit aussi le nombre des inculpations dont l’éditeur est la victime : seize depuis dix ans, et pour la seule année 1970, six procès en correctionnelle. Maspero communique également le compte d’exploitation de l’exercice écoulé, qui se solde par un déficit global de 74 000 francs. Les extraits de presse publiés sont singuliers : c’est un florilège de toutes les insultes auxquelles Maspero a été en butte depuis qu’il a débuté dans le métier d’éditeur. Ce catalogue, qui rompt avec les pratiques d’un milieu extrêmement méfiant en particulier quant à la divulgation des chiffres – les premières statistiques de l’édition française communiquées à la presse datent de 1970 –, contribue à renforcer l’image révolutionnaire de Maspero : les extraits de presse qui émanent pour la plupart de journaux ou revues de droite et d’extrême droite, révèlent à quel point son activité est indésirable aux yeux des « bien-pensants ».

12 Les Surréalistes, Jérôme Lindon et François Maspero sont des éditeurs qui ont fait de leur catalogue une arme politique. Affichant la cohérence de leur choix, revendiquant leur engagement, ils ont fait du catalogue autre chose qu’un inventaire incomplet et anodin de leurs publications à usage bibliographique. Le livre des livres leur doit d’être devenu le livre de l’éditeur.

? La théorie du catalogue de François Maspero

13 Dans un entretien filmé datant de 1971, François Maspero confiait au réalisateur Chris Marker : « Un éditeur, ça se définit d’abord par son catalogue. » Peut-être eût-il mieux valu dire « par ses catalogues », car, toujours selon François Maspero, le catalogue de l’éditeur est un objet en trois dimensions, puisqu’il rassemble : le catalogue des livres publiés, le catalogue des livres non-publiés (projets avortés ou refus explicites) et, enfin, le catalogue des livres « que l’on a fait paraître chez d’autres éditeurs du fait de sa seule existence [12] ». On peut nommer autrement les différents catalogues, enrichir la typologie, l’essentiel est-là, dans ce que dit Maspero : le catalogue n’est pas un objet matériel mais un outil permettant à l’éditeur de penser sa pratique. Ce n’est probablement pas un hasard si les premiers à avoir testé le potentiel heuristique du catalogue sont deux éditeurs libraires, Alain Gheerbrant et Léon Aichelbaum. Retraçant l’histoire de K éditeur, une petite maison d’édition dans la mouvance surréaliste lancée en 1946 par Gheerbrant, les deux auteurs ont consacré une annexe à la bibliographie des « projets non réalisés », faisant ainsi apparaître ce « catalogue des livres non publiés », auquel personne avant eux, et à ma connaissance, n’avait songé à donner une existence autre que fantasmatique [13].

14 Faire appel à la notion de catalogue telle que l’entend François Maspero c’est poser en préalable l’accès à une source d’information essentielle : les archives de l’éditeur qui seules permettent de reconstituer le « catalogue des livres publiés » qu’on aurait tort, on l’a vu, de confondre avec le « catalogue des livres disponibles », le seul auquel le grand public a accès. Partant des propos de François Maspero, il est loisible d’identifier cinq catalogues : « le catalogue des livres publiés » ; « le catalogue des livres refusés » ; « le catalogue des livres inventés par l’éditeur » ; « le catalogue des livres initiés chez d’autres éditeurs » ; « le catalogue des livres non-réalisés » [14]. Comment les construire et comment les exploiter dans une perspective d’histoire littéraire ?

? Les catalogues de l’éditeur

15 Le « catalogue des livres publiés » est à construire à partir des fiches de dépôt légal. En France, l’éditeur doit déposer plusieurs exemplaires de chacun des livres qu’il publie auprès de la Bibliothèque nationale et du ministère de l’Intérieur [15]. Une fiche descriptive est établie pour chaque ouvrage sur laquelle figure le chiffre exact du tirage initial du livre et la date de sa mise en vente. Cet aspect chronologique n’est pas le moins intéressant, car le plus négligé par une histoire littéraire qui ne prend généralement en considération que l’année de publication des livres : la reconstitution du catalogue des livres publiés permet, elle, de promouvoir une chronologie beaucoup plus fine. Qu’est-ce qui est fondamental : l’année de publication d’un titre, qui figure dans toutes les bibliographies, ou le mois de sa mise en vente, le moment précis où un livre se trouve en librairie et touche le lecteur ? L’intérêt, pour l’histoire culturelle, est d’analyser ce qu’un éditeur donne à lire et à quel moment il le donne à lire. C’est en reconstituant, à partir des fiches du dépôt légal, trois années du catalogue des Éditions de Minuit, entre 1957 et 1960, que je me suis rendu compte à quel point les livres relatifs à la dénonciation de la torture pendant la guerre d’Algérie « contaminaient » politiquement les ouvrages du Nouveau Roman, publiés en même temps [16] : un contemporain de 1958 lit Moderato Cantabile de Marguerite Duras le même mois, et sous la même couverture, que La Question d’Henri Alleg. Cette immixtion du politique dans la littérature, sciemment organisée par l’éditeur, rend impossible le rejet du Nouveau roman vers la droite du champ littéraire. Publié aux Éditions de Minuit pendant la guerre d’Algérie, le Nouveau Roman est une « littérature engagée », selon d’autres critères que ceux théorisés par Jean-Paul Sartre et qui dominent la littérature française depuis la fin de la seconde guerre mondiale [17]. Une « littérature engagée » non par ses thèmes, mais par l’écriture qu’elle promeut (l’écriture blanche), et par la dissociation simultanée des genres qu’opère l’éditeur, intercalant dans son programme de publications les Documents traitant de la guerre d’Algérie et les Nouveau Roman consacrés à la littérature pure. Le catalogue des livres publiés en faisant apparaître une chronologie fine des publications, met en réseau des titres que seule la contemporanéité de leur publication rapproche les uns des autres, et oblige ainsi à faire sens les uns par rapport aux autres. Il existe un effet catalogue qui radicalise ou, au contraire, « académise » les livres publiés. On le voit bien à travers les saisies à répétition (onze entre 1958 et 1962) qui frappent les Éditions de Minuit : il suffit qu’un livre publié par elles ait pour sujet la guerre d’Algérie pour qu’aussitôt il devienne suspect aux yeux des autorités politiques [18].

16 Le « catalogue des livres refusés » doit, lui, être élaboré à partir du cahier d’enregistrement des manuscrits. Chaque manuscrit adressé par la poste à une maison d’édition, fait l’objet d’un enregistrement, et se voit attribuer un numéro. Cette source offre le seul accès possible à la production culturelle brute d’une époque – l’offre spontanée de manuscrits faite aux éditeurs étant beaucoup plus indifférenciée que l’on ne l’imagine spontanément. À l’exception de certains refus qui deviennent des causes célèbres [19], la grande masse de la production culturelle brute d’une époque est éliminée en silence. Ne subsiste d’elle le plus souvent qu’une mince trace : la mention d’un titre, d’un auteur, et d’une adresse encore récemment portés sur un cahier d’écolier aux Éditions de Minuit. Les statistiques sont féroces : au moins 90 % de ces manuscrits sont évacués lors de ce que l’on appelle la « lecture au tri », ce travail ingrat de lecture rapide, le plus souvent fait par des femmes dans les grandes maisons d’édition littéraires françaises. 10 % seulement de cette production fera l’objet d’une fiche de lecture rédigée par des lecteurs ayant des compétences spécifiques, voire par un membre d’un des prestigieux Comités de lecture [20]. Aucun éditeur ne conserve les manuscrits par lui refusés : leurs rédacteurs sont engagés à venir les reprendre, ou à se les faire retourner par la poste contre remboursement. Et personne n’a jamais songé à réaliser cette jolie idée de Jean Paulhan, le patron du service littéraire de Gallimard :

17

« […] J’avais songé à publier de temps en temps, sur papier bible évidemment, un recueil de tous les manuscrits refusés de l’année.
– En somme, il n’y a pas, il n’existe pas un livre complètement détestable, complètement inutile ?
– Je n’en ai jamais lu […] Il me semble qu’il y a toujours quelque chose à prendre dans un livre [21]. »

18 En revanche, chaque éditeur conserve précieusement les fiches de lecture qui offrent un résumé analytique de l’ouvrage toujours assorti d’un avis du lecteur, favorable ou non à la publication. Ces fiches de lecture sont, en règle générale, strictement confidentielles – autrement dit, les chercheurs n’y ont pas, ou exceptionnellement, accès. Les 650 fiches de lecture rédigées par Alain Robbe-Grillet entre 1955 et 1959, alors qu’il est directeur littéraire, sinon en titre, du moins en fait, des Éditions de Minuit [22], peuvent aussi être lues comme un « livre des refusés ». Sur 650 fiches, deux auteurs publiés, Robert Pinget et Jean Thibaudeau. Les 648 refus offrent un bon échantillon de la littérature brute de l’époque, celle qu’il n’est jamais possible d’analyser puisque par définition elle ne franchit pas la barrière de la lecture éditoriale et ne parvient qu’exceptionnellement sur le marché, le plus souvent sous la forme du compte d’auteur. La prise en considération du refus de l’éditeur, outre sa valeur informative dans le cadre de la biographie de certains auteurs, contribue à la réflexion sur la valeur littéraire. Ce qui fait qu’un livre est, ou non, publié, ce n’est pas tant qu’il est bon ou mauvais, que parce qu’il est jugé publiable par l’éditeur. Roland Barthes suggérait d’abandonner l’évaluation esthétique de l’œuvre au profit de l’analyse des critères de « publiabilité [23] ». La formule lapidaire qu’invente Robbe-Grillet pour refuser un manuscrit aux Éditions de Minuit est, de ce point de vue, significative : « pas dans le cadre » (abréviation de « pas dans le cadre de nos collections » ou « pas dans le cadre de nos recherches romanesques »). Cette formule aide à comprendre que la visibilité d’une rupture esthétique, et la conquête à terme du marché qui permettra la survie de l’éditeur, impose de rejeter hors du « cadre », dans le flou de l’indifférencié, des œuvres qui, à un autre moment de l’histoire de la maison en train de lancer le Nouveau Roman, auraient peut-être eu une chance d’être publiées.

19 L’intérêt pour l’histoire littéraire du refus éditorial est multiple. Certains manuscrits sont refusés pour des raisons politiques, tel La Question d’Henri Alleg (Éditions de Minuit, 1958), dénonçant la torture pratiquée par l’armée française durant la guerre d’Algérie, que René Julliard adresse à Jérôme Lindon le jugeant trop « subversif » pour être publié aux Éditions René Julliard [24]. Le refus éditorial renseigne aussi sur ce qu’est un auteur. Le refus est une étape obligée de la carrière littéraire. On ne devient pas écrivain quand on est publié pour la première fois [25], mais lorsque l’on a publié au moins trois livres, lorsque l’on est parvenu à surmonter l’épreuve du second manuscrit refusé, fatale à nombre de jeunes écrivains. Lorsqu’un éditeur a accepté non pas un mais trois livres d’un écrivain, il sait avoir investi non pas dans un scripteur éphémère, mais dans un auteur susceptible de produire une œuvre dont le temps confirmera (ou pas) la valeur. Mais quel que soit le verdict, l’éditeur littéraire sait avoir choisi non pas le livre isolé lui permettant d’obtenir un succès, mais d’assurer le développement à moyen terme de sa maison d’édition. En d’autres termes, il sait avoir accompli sa « mission [26] ».

20 Le « catalogue des livres inventés par l’éditeur » peut quant à lui être constitué à partir des collections lancées par l’éditeur. Isabelle Olivero a montré que si l’éditeur Gervais Charpentier au 19e siècle est à l’origine d’une révolution éditoriale ce n’est peut-être pas tant parce qu’il réussit à imposer un nouveau format – l4 in-18 plus connu sous le nom de « format Charpentier », que parce qu’il invente « un nouveau genre éditorial, la « Bibliothèque » qui porte son nom et qui préfigure la collection moderne [27] ». Destinée à rassembler « les productions les plus remarquables de l’esprit humain, sans exception de genre et de système », la « Bibliothèque » qu’il inaugure en 1841 ambitionne de « fournir à l’histoire littéraire ses classiques modernes », d’opérer un tri dans la production littéraire de l’époque, d’offrir à ses lecteurs des œuvres durables, celles des romantiques [28]. Peut-on concevoir un genre littéraire qui ne soit pas aussi un genre éditorial ? Est-il possible d’envisager une rupture esthétique durable et visible qui ne soit pas assumée par un éditeur qui accepte, initialement, d’investir à perte dans des jeunes écrivains inconnus ? Que serait-il advenu des écrivains naturalistes sans le soutien de l’éditeur Georges Charpentier, le fils du précédent ? Émile Zola sera le premier à le rappeler : « Il a eu l’audace de nous grouper au moment où les portes se fermaient devant nous. Je parle surtout pour moi, qui étais repoussé de partout. Vous me forcez à traiter la question boutique, traitons-là. Aujourd’hui après une vente très difficile, l’affaire devient bonne. Nous en sommes ravis, d’autant plus ravis que la maison X*** en paraît consternée. Qu’y a-t-il d’étonnant à ce que je trouve mes auteurs favoris chez un éditeur qui a pris la peine d’aller les chercher un à un, risquant sa fortune sur leur talent discuté ? Il faut bien qu’ils soient quelque part, et ils sont là, parce que c’est là qu’il y a le plus de liberté et le plus d’intelligence littéraire [29]. » Alain Robbe-Grillet eût pu signer un hommage similaire à Jérôme Lindon. Une fois les empoignades théoriques dissipées, les fausses déplorations de l’hétérogénéité des esthétiques des écrivains du Nouveau Roman, que reste-t-il ? Un constat à faire : le Nouveau Roman est le club très fermé que forment des écrivains publiés aux Éditions de Minuit entre 1951 et 1957. Autrement dit un Jean Cayrol qui, avec « le romanesque lazaréen », met au centre de l’interrogation littéraire la question de l’Histoire – « comment écrire après les camps d’extermination ? » –, socle sur lequel se développert les avant-gardes françaises jusqu’au début des années 1980 [30], ne sera jamais considéré comme « nouveau romancier », handicapé, entre autres, par son lien avec les Éditions du Seuil qui diffusent de lui l’image d’un écrivain catholique.

21 Les genres éditoriaux ont une importance centrale dans l’histoire littéraire comme en témoigne l’histoire de la collection « Documents » que lancent les Éditions de Minuit dès 1949, collection où seront publiés tous les textes dénonçant la guerre d’Algérie. Qu’est-ce qu’un « Document » ? Ce n’est ni un essai, le genre existentialiste par excellence selon Alain Robbe-Grillet, ni un récit autobiographique, ni un reportage, mais un témoignage attestant des comportements délictueux de l’armée française, un acte d’accusation que son auteur signe et dont il assume la pleine responsabilité. En réalité, le « Document » est un genre éditorial aussi sophistiqué que le Nouveau Roman. Si la dénonciation de la torture a obtenu l’écho immédiat qui fut le sien au sein de l’opinion publique française pendant la guerre d’Algérie (La Question d’Henri Alleg est vendue à 70 000 exemplaires avant d’être saisie cinq semaines après sa parution ; La Gangrène atteint plus de 20 000 exemplaires en 1959), n’est-ce pas aussi imputable à l’invention d’une stratégie discursive originale ? En imposant à la narration de témoignages, pour certains insoutenables, une « écriture neutre [31] », ignorant délibérément le style pour dire l’horreur de la situation historique, le « Document » accomplit une « démoralisation » du politique et universalise la dénonciation dont il est porteur.

22 On pourrait, pour continuer à explorer la richesse de la problématique du genre éditorial, mentionner la collection « Archives » que lance Pierre Nora en 1964 aux éditions Julliard : « La collection Archives est née à un moment singulier dans l’histoire de l’édition française : l’année même de l’explosion du livre de poche de non-fiction. C’est alors que j’ai eu l’idée de publier tels quels des documents d’archives montés par des historiens et rendus accessibles au grand public […] le principe même de la collection m’obligeait à travailler le livre dans toutes ses dimensions, intellectuelle, matérielle et commerciale [32]. » C’est cette triple dimension – intellectuelle, matérielle et commerciale – du livre, que permettrait de mettre en évidence une histoire des lettres françaises qui s’attacherait à retracer l’évolution des genres éditoriaux.

23 Le « catalogue des livres initiés chez un autre éditeur » est à préparer à partir du croisement des catalogues publiés, comme le montrent les exemples suivants. « La Pléiade », œuvre la plus complète d’un auteur dans le plus petit format, collection inventée par Jacques Schiffrin en 1931, est une idée reprise et exploitée par les Éditions Gallimard en 1933 [33], démocratisée par Robert Laffont qui, en 1979, lance « Bouquins », « la Pléiade bon marché », puis revient chez Gallimard avec la collection « Quarto » (1996) [34]. Les « Poètes d’aujourd’hui », lancés par Pierre Seghers en 1944, rassemblent des éléments biographiques et des extraits de l’œuvre du poète concerné ; cette formule est retenue par Le Seuil qui, avec « Écrivains de toujours » (1951), l’exploite dans le domaine de la prose. La collection « Que-sais-je ? », tout savoir sur une question particulière en 128 pages, inventée par les Presses Universitaires de France donne, recentrée autour de sujets d’actualité, la collection « Repères » aux Éditions de La Découverte. En suivant les initiatives éditoriales et leurs imitations, on fait apparaître des configurations éditoriales inhabituelles, et surtout les figures des vrais novateurs.

24 Retracer l’histoire de l’innovation éditoriale pourrait être l’occasion d’organiser le champ éditorial selon une autre logique que celle du cycle de rentabilité du capital proposée par le sociologue Pierre Bourdieu qui répartit les maisons d’éditions françaises selon un axe allant du profit immédiat attendu de la production (pôle grand public) à l’investissement différé dans une production d’avant-garde invendable à court terme (pôle de production autonome) [35]. Philippe Maumy [36] fait remarquer qu’au sein même de chaque entreprise coexiste, en réalité, une production à court et à long terme. Autrement dit que la logique commerciale, celle de la rentabilité immédiate, n’est jamais absente des soucis de l’éditeur d’avant-garde ; qu’inversement, l’éditeur le plus commercial est susceptible d’investir dans des projets de prestige qu’il sait, dès l’origine, devoir être longtemps déficitaires. Il n’en reste pas moins que, si l’activité éditoriale est régie par une logique mixte, mêlant recherche de l’autonomie par rapport au marché et espoir de profits immédiats, c’est à des degrés divers selon les éditeurs. On pourrait peut-être faire le même constat en termes d’innovation : plutôt que de tracer une ligne de clivage entre les éditeurs qui innovent et ceux qui récupèrent et transforment, se réappropriant les auteurs et les idées des autres, art dans lequel les Éditions Gallimard sont passées maître, la reconstitution du catalogue des livres initiés permettrait de montrer que tout éditeur innove et copie, étant selon les moments et les domaines, tour à tour créateur et conservateur de formes.

25 Enfin, le « catalogue des livres non-réalisés », est à bâtir à partir des dossiers de correspondance des auteurs, des contrats enregistrés par l’éditeur mais aussi des informations recueillies dans la page du « Même auteur » qui dresse, à chaque nouveau livre, le rappel de la bibliographie de l’auteur, annonçant parfois ses livres à venir. Le « catalogue des livres non-réalisés » comprend au moins deux autres catalogues : le « catalogue des livres potentiels », ceux que l’auteur évoque avec son éditeur ou d’autres correspondants, et qu’il n’écrira pas et le « catalogue des livres projetés », ceux pour lesquels un contrat a été signé avec l’éditeur, un titre provisoire décidé, mais qui, pour des raisons diverses, ne paraîtront finalement pas.

26 Tout porterait à considérer que la collection « L’Usage des richesses », que dirige Georges Bataille à partir de 1947 aux Éditions de Minuit, est un échec. Deux titres seulement y furent publiés : l’un de Bataille lui-même, La Part maudite (1949) ; l’autre de son beau-frère, Jean Piel, La Fortune américaine et son destin (1948). Limiter à ces deux ouvrages parus le travail de directeur de collection accompli par Georges Bataille méconnaît une part essentielle de son activité. Sa correspondance révèle la diversité de ses préoccupations et de ses centres d’intérêt dans le cadre d’une maison qui n’a ni les moyens, ni, souvent, la volonté de les réaliser. Pour la seule année 1948, Bataille envisage la traduction de La Morale protestante et la naissance du capitalisme de Max Weber par Pierre Klossowski, celle du Rapport Kinsey et du livre de John-Maynard Keynes, How to pay for the war, mais aussi la publication de lettres inédites de Sade par Gilbert Lely et un livre de Dumézil. Le fait que l’ensemble de ces textes ait été publié ailleurs révèle que Georges Bataille se trompait peu dans ses choix, et l’on se prend à imaginer que les Éditions de Minuit l’eussent appuyé, devenant ainsi avant l’heure, dès les années 1950, un éditeur important de sciences humaines.

27 Penser histoire de l’édition à partir du catalogue revient à remettre le texte au centre des préoccupations de l’histoire. Mais le texte, dans tous ses états, du manuscrit brut, mis en fiche, refusé une ou plusieurs fois, jusqu’au livre publié. Cette intervention de l’éditeur littéraire à tous les stades de l’objet-livre lui confère une fonction « auctoriale », rarement prise en compte, et pourtant essentielle. « Qu’est-ce qu’un auteur ? » à cette question rendue célèbre par une conférence de Michel Foucault [37], l’histoire de l’édition permet d’apporter une réponse différente : un « auteur » c’est aussi la rencontre d’un écrivain et d’un éditeur. Devenir « auteur » c’est d’abord entrer dans le catalogue des livres publiés, souvent après avoir transité par le catalogue des livres refusés.

28 Faire apparaître les catalogues virtuels de l’éditeur que sont principalement le catalogue des livres refusés et le catalogue des livres non-réalisés n’est pas céder à un « souci moderne pour les déchets de l’écriture », l’œuvre inaboutie ou virtuelle comblant de satisfaction « un certain romantisme de la faillite ». C’est bien plutôt s’interroger sur la frontière qui sépare ce qui est littérature et ce qui ne l’est pas, frontière qui n’apparaît qu’en faisant surgir les textes refoulés par les éditeurs ; c’est aussi travailler l’histoire de la littérature à partir de la vision du monde des éditeurs mais aussi des écrivains, tel Blaise Cendrars s’étonnant que « personne n’ait encore eu l’idée de dresser l’inventaire de tous les projets de livres avortés dont Balzac parle et qui pullulent dans sa correspondance […]. Un tel inventaire, un catalogue méthodique et raisonné, un atlas, un panorama qui pourrait s’étendre à l’ensemble des auteurs contemporains et que j’intitulerais volontiers Manuel de la Bibliographie des livres jamais publiés ni même écrits ouvrirait des horizons nouveaux sur la chose littéraire en fixant pour chaque auteur “ses” thèmes interdits […] » ; révèlerait pour chaque éditeur les tendances littéraires, les engagements politiques qu’il a choisi de ne pas suivre [38].

29 ?

Notes

  • [1]
    Nicole Felkay, Balzac et ses éditeurs 1822-1837. Essai sur la librairie romantique, Paris, Promodis-Cercle de la Librairie, 1987, p. 61-63.
  • [2]
    Jean-Dominique Mellot, « La librairie française au 18e siècle », exposé au séminaire de Jean-Yves Mollier, université de Saint-Quentin en Yvelines, 1984.
  • [3]
    André Dalmas, « Treize prolégomènes à un discours sur la NRF », Le Nouveau Commerce, 47-48, printemps 1980, p. 33-57 et « Les collections de la NRF », ibid, p. 58-59.
  • [4]
    « Ils sont à la fois des représentants (au sens politique) du social au sein de la sphère culturelle et inversement des représentants de la culture vis-à-vis de la société globale. Ils sont donc à la fois indispensables, incontournables […] et peuvent toujours être remis en cause comme superflus et artificiels […]. », in Christophe Charle, « Le temps des hommes doubles », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 39-1, janvier-mars 1992, p. 75.
  • [5]
    Georges Sebbag, Les Éditions surréalistes 1926-1968, Paris, IMEC Éditions, 1993, p. 199-200.
  • [6]
    Notice François Laurent, « Sagittaire. Éditions du » (1919-1976), in Dictionnaire des lettres françaises. Le xx e siècle, Paris, Le Livre de Poche, 1998, p. 988-989. Les Éditions du Sagittaire sont fondées à Paris par Simon Kra en 1919. Elles s’adjoindront des collaborateurs prestigieux tels Philippe Soupault et Léon Pierre-Quint, dès 1923. Elles publient notamment Le Manifeste du Surréalisme d’André Breton et lancent des collections littéraires comme les « Panoramas » de littératures étrangères. Les Éditions du Sagittaire rencontrent d’importantes difficultés financières dans les années 1930. Entre avril 1940 et janvier 1941, anticipant les lois d’aryanisation des entreprises, les administrateurs juifs cèdent leurs parts du capital ; les éditions s’installent alors à Marseille. Elles reprendront leur activité après la seconde guerre mondiale, mais seront rachetées par les Éditions de Minuit en 1950, pour être revendues en 1954 au Club Français du Livre. Cf. aussi François Laurent et Béatrice Mousli, Les Éditions du Sagittaire 1919-1979, Paris, IMEC Éditions, 2003.
  • [7]
    Le catalogue des Éditions du Sagittaire est consultable à la Bibliothèque nationale (fonds Q10).
  • [8]
    Pour de plus amples développements cf. Anne Simonin, Les Éditions de Minuit, le devoir d’insoumission 1942-1955, Paris, IMEC Éditions, 2002, p. 370-372.
  • [9]
    Pierre Bourdieu, « La production de la croyance. Contribution à une économie des biens symboliques », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 13, 1977, p. 3-45. Texte repris et actualisé in Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Le Seuil, 1992, p. 201-237.
  • [10]
    L’expression est de Régis Debray, Le Pouvoir intellectuel en France, Paris, Ramsay, 1979.
  • [11]
    Sur les éditions Maspero cf. Julien Hage, Une aventure éditoriale militante. Les éditions Maspero 1959-1974, maîtrise d’histoire contemporaine sous la direction de Jean-Yves Mollier, université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines, 1999, 244 p. Le catalogue des éditions Maspero de 1971 est consultable à la Bibliothèque nationale (fonds Q 10).
  • [12]
    Chris Marker et le collectif Sion : « On vous parle. Magazine de contre-information », interview de François Maspero, « Les mots ont un sens », 5, 1970, documentaire noir et blanc, 19 minutes, vidéothèque de la Ville de Paris.
  • [13]
    « Annexe 2. Bibliographie des projets non réalisés » établie par Léon Aichelbaum et Josué-Raymond Seckel, in Alain Gheerbrant et Léon Aichelbaum, K éditeur, Cognac, Le Temps qu’il fait, 1991, p. 82-89.
  • [14]
    Jean-Yves Mollier lors d’un exposé en séminaire d’histoire de l’édition à l’université de Caen, le 26 mars 2001, a suggéré la dénomination « catalogue des livres initiés » reprise ici.
  • [15]
    Le régime du dépôt légal a été institué en France par la loi du 19 mai 1925. Une nouvelle loi sera promulguée accompagnée d’un décret instituant un dépôt obligatoire, par l’éditeur, d’un exemplaire au ministère de l’Intérieur et de quatre à la Bibliothèque nationale, in Pascal Fouché, L’Édition française sous l’occupation, t. 1, Paris, BLFC, 1987, p. 258.
  • [16]
    Cf. « Les mises en vente aux Éditions de Minuit, 1957-1960 », in Anne Simonin, « La littérature saisie par l’histoire. Nouveau Roman et Guerre d’Algérie aux Éditions de Minuit », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 111-112, mars 1996, p. 61.
  • [17]
    Anna Boschetti, Sartre et les Temps Modernes, Paris, Éditions de Minuit, 1985.
  • [18]
    Sur la spécificité de la censure politique pratiquée en France, cf. Jean-Yves Mollier, « La survie de la censure d’État 1881-1949 », in Pascal Ory (dir.), La Censure en France à l’ère démocratique, Bruxelles, Éditions Complexe, 1997, p. 77-86.
  • [19]
    Je pense notamment aux refus de Marcel Proust par André Gide chez Gallimard, de Samuel Beckett par André Camus, chez le même éditeur, qui font partie de la légende de l’histoire littéraire.
  • [20]
    Anne Simonin et Pascal Fouché, « Comment on a refusé certains de mes livres », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 126-127, mars 1999, p. 103-115.
  • [21]
    Marguerite Duras, « Les recalés de l’écriture », Le Nouvel Observateur, 22 avril 1965.
  • [22]
    Anne Simonin, « La mise à l’épreuve du Nouveau Roman. Six cent cinquante fiches de lecture d’Alain Robbe-Grillet (1955-1959) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2, mars-avril 2000, p. 415-437.
  • [23]
    Roland Barthes, « Délibération », in Le Bruissement de la langue. Essais critiques 4, Paris, Le Seuil, 1984, p. 410.
  • [24]
    Témoignage de Jérôme Lindon.
  • [25]
    Nathalie Heinich, Être écrivain. Création et identité, Paris, La Découverte, 2000, p. 70-76.
  • [26]
    Siegfried Unseld, Der Autor und sein verlager, Frankfurt am Main, Suhrkamp Verlag, 1978, L‘Auteur et son éditeur, Paris, Gallimard, 1983, p. 31.
  • [27]
    Isabelle Olivero, L’Invention de la collection, Paris, Éditions de l’IMEC, 1999, p. 49.
  • [28]
    Isabelle Olivero, L’Invention de la collection, op. cit., p. 57.
  • [29]
    Émile Zola dans le journal Le Voltaire du 31 décembre 1878, cité in Colette Becker, 30 années d’amitié. Lettres de l’éditeur Georges Charpentier à Émile Zola 1872-1902, Paris, PUF, 1980, p. 10.
  • [30]
    Jean-Pierre Salgas. « 1985. Shoah ou la disparition », in Denis Hollier (dir.), De la littérature française, Paris, Bordas, 1993, p. 1005-1013.
  • [31]
    Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture, Paris, Le Seuil, 1953, coll. « Point-Essai », 1972, p. 56.
  • [32]
    « Pierre Nora éditeur », Entreprises et histoire, 24, juin 2000, p. 10.
  • [33]
    Pierre Assouline, Gaston Gallimard. Un demi-siècle d’édition française, Paris, Balland, 1984, p. 173-174.
  • [34]
    Massin, « Le graphisme dans l’édition », in Pascal Fouché (dir.), L’Édition française depuis 1945, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 1998, p. 512. « De l’aveu même de ses promoteurs, c’est l’audience et le succès de la collection “Bouquins” qui ont entraîné la création de “Quarto”, de la même manière, au reste, que “Bouquins” emprunte une part de son catalogue à celui de la “Bibliothèque de la Pléiade” ».
  • [35]
    Pierre Bourdieu, « La production de la croyance. Contribution à une économie des biens symboliques », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 13, 1977, art. cité.
  • [36]
    Philippe Maumy, Sociologie de l’édition française 1945-1978. Problèmes, analyses des discours et des pratiques, doctorat de troisième cycle sous la direction de Louis-Vincent Thomas, Paris 5, 1982.
  • [37]
    Michel Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? » (1969), in Dits et écrits 1, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2001, p. 817-849.
  • [38]
    Claude Leroy, « Manuel de la bibliographie des livres jamais publiés ni même écrits par Cendrars », Europe, 566, juin 1976, p. 155.
  • [*]
    Chargée de recherche au CNRS-CRHQ (Caen), Anne Simonin a notamment publié Les Éditions de Minuit. 1942-1955, Paris, IMEC Éditions, 2002. Outre ses recherches sur le monde de l’édition, elle poursuit aujourd’hui une réflexion sur l’épuration. Elle a notamment publié « L’indignité nationale : un châtiment républicain », in Marc Olivier Baruch (dir.), Une poignée de misérables, Paris, Fayard, 2003 et « Pourquoi certains crimes doivent rester impunis. Les travailleurs volontaires en Allemagne devant les Chambres civiques de la Seine », in La main-d’œuvre française exploitée par le IIIe Reich, Actes du colloque international sous la direction de Bernard Garnier et Jean Quellien (Caen, 2003).
Français

Résumé

Les chercheurs en histoire de l’édition contemporaine n’ignorent pas les difficultés rencontrées pour avoir accès aux sources, ces archives que les éditeurs n’acceptent en règle générale d’ouvrir que de façon limitée. Or, il existe une source d’information majeure sur l’activité éditoriale, facilement accessible : le catalogue de l’éditeur. Au début des années 1970, François Maspero donnait cette définition lapidaire de l’éditeur : « Un éditeur, ça se définit d’abord par son catalogue ». Par « ses » catalogues eut été plus juste, puisque Maspero, à côté du traditionnel « catalogue des livres publiés » par l’éditeur, construisait deux catalogues virtuels : le « catalogue des livres refusés » et le « catalogue des ouvrages initiés » par l’éditeur chez d’autres éditeurs. À cette typologie initiale, cet article ajoute deux autres catalogues : le « catalogue des livres inventés » et le « catalogue des livres non-réalisés » par l’éditeur. Construit dans ses cinq dimensions, le catalogue permet de penser le champ éditorial à partir de la circulation des textes, et lie ainsi plus étroitement l’histoire de l’édition à l’histoire de la littérature.

Anne Simonin [*]
  • [*]
    Chargée de recherche au CNRS-CRHQ (Caen), Anne Simonin a notamment publié Les Éditions de Minuit. 1942-1955, Paris, IMEC Éditions, 2002. Outre ses recherches sur le monde de l’édition, elle poursuit aujourd’hui une réflexion sur l’épuration. Elle a notamment publié « L’indignité nationale : un châtiment républicain », in Marc Olivier Baruch (dir.), Une poignée de misérables, Paris, Fayard, 2003 et « Pourquoi certains crimes doivent rester impunis. Les travailleurs volontaires en Allemagne devant les Chambres civiques de la Seine », in La main-d’œuvre française exploitée par le IIIe Reich, Actes du colloque international sous la direction de Bernard Garnier et Jean Quellien (Caen, 2003).
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2006
https://doi.org/10.3917/ving.081.0119
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