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Le Tribunal révolutionnaire est l’une des institutions les plus célèbres de la Révolution, devenue le symbole de l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques. D’où les qualificatifs « odieux tribunal », « sinistre instrument » que l’on trouve, par exemple, sous la plume de l’historien républicain conservateur Henri Wallon (1888-1900), auteur incontournable, qui, avec Émile Campardon (1866) et Lenotre (1908), naturaliseront, auprès d’un large public, documents à l’appui, la vision d’un Tribunal révolutionnaire instrument docile d’une justice politique arbitraire et sanglante, restée dans l’histoire sous le nom de « Terreur ».
Pourtant, aux lendemains des 9 et 10 thermidor (27-28 juillet 1794), de la chute de Robespierre et des robespierristes donc, l’idée de dissoudre le Tribunal révolutionnaire effleure mais n’emporte pas l’adhésion de la Convention. La nécessité d’une juridiction d’exception dans la jeune République n’est, en réalité, pas contestée. Dans le pamphlet le plus célèbre contre le Tribunal révolutionnaire, Jean-Baptiste Sirey n’écrivait-il pas, au début de 1795 : « Il est des crimes révolutionnaires : donc il faut des peines révolutionnaires : donc il faut des tribunaux révolutionnaires » ?
« Je viens, au nom de vos comités de législation, de salut public et de sûreté générale, vous parler de l’organisation nouvelle du Tribunal révolutionnaire. J’avertis d’avance l’aristocratie que ce n’est pas pour détruire cette institution mais pour l’améliorer » dira l’un des plus grands juristes de la Révolution qui préside alors la Convention, Philippe-Antoine Merlin de Douai (1754-1838)…

Français

En l’an iii, le tribunal révolutionnaire ne serait plus que l’ombre de lui-même. Or, cette juridiction est à l’origine d’une révolution dans la Révolution passée trop inaperçue. Sur plus de 1 000 personnes jugées, 85 % sont, par elle, acquittées et/ou mises en liberté pour des crimes qui, un mois plus tôt, étaient passibles de la peine de mort. Comment expliquer ce revirement de jurisprudence ? L’audience publique est détrônée par une nouvelle arène judiciaire, la chambre du conseil, justice de juges qui siègent à huis clos, et mettent en liberté en évitant les acquittements trop souvent objets de scandale. En l’an iii, la grande affaire du Tribunal révolutionnaire semble être « surtout ne plus juger ». Un principe nouveau – l’opportunité des poursuites – et une décision judiciaire – l’arrêt de non-lieu– sont nés.

  • chambre du conseil
  • opportunité des poursuites
  • non-lieu
  • intention criminelle
  • intention contre-révolutionnaire
English

The Revolutionary Tribunal of the Year iii (August 1794-May 1795). Justice on the agenda every day

By the Year iii, the Revolutionary Tribunal was no longer but a shadow of its former self. And yet this court brought about a revolution within the Revolution which has not been given the attention it deserves. Out of over 1,000 persons judged, 85 % were acquitted or released for crimes that one month before would have incurred the death penalty. How can this departure from precedent be explained ? Public hearings were replaced by a new judicial arena, the « chambre du conseil », where eight judges met in camera and were able to release prisoners whilst avoiding acquittals that all too often caused a scandal. In the Year iii the main concern of the Revolutionary Tribunal seemed to be « above all no longer to judge ». A new principle — of discretionary prosecution (opportunité des poursuites) — and a new judicial decision — discharge for lack of evidence (arrêt de non-lieu) — were born.

  • chambre du conseil (session in camera)
  • opportunité des poursuites (principle of discretionary prosecution)
  • non-lieu (discharge for lack of evidence)
  • culpable intent
  • counter-revolutionary intent
Anne Simonin
CNRS, CESPRA-EHESS
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Mis en ligne sur Cairn.info le 24/11/2021
https://doi.org/10.3917/rhj.032.0017
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