CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Quel diagnostic faut-il porter sur cette crise majeure du capitalisme ? De quoi cette crise est-elle réellement le nom ? Nommer correctement les choses est un acte essentiel : un préalable indispensable à toute compréhension honnête du monde. La philosophie occidentale nous l’enseigne à satiété depuis des siècles : les événements n’émergent dans leur vérité que par le truchement de leur exacte qualification. Le mot juste dévoile le monde, le mot inexact le masque.
Or que nous dit la doxa sur cette crise majeure du capitalisme, la plus importante depuis 1929 ? Qu’il s’agit d’un simple « dysfonctionnement des marchés », d’un « cycle du capitalisme ». Tout doit donc rentrer dans l’ordre quand la mécanique aura été réparée. En substance : la machine est saine, il convient juste d’en supprimer les frottements. Ce diagnostic plutôt technique est commode pour qui souhaite un retour rapide à la normale, c’est-à-dire aux habitudes passées. Puisque le business doit reprendre le plus vite possible, le diagnostic sur les causes profondes ne doit surtout pas se révéler trop stigmatisant. Il est indispensable de rester confiné dans les explications bienséantes et convenues, celles ne pouvant provoquer aucune introspection dérangeante.
La tache est d’autant plus facile que ceux qui parlent aujourd’hui de la crise, ceux qui nous en imposent un récit supportable, sont déjà ceux qui hier expliquaient combien ce système était vertueux. Il est cardinal que le débat sur l’origine de la crise demeure circonscrit, tel un feu inquiétant, dans le lieu clos des théories économiques et des explications conformes …

Français

De quoi cette crise est-elle réellement le nom ? D’un simple dysfonctionnement des marchés ? D’un retournement classique de cycle économique ? En réalité, cette crise représente en grande partie une malversation systémique. Mais ce diagnostic criminel est encore largement occulté. Faute de qualifier correctement la nature profonde de cette crise, on se condamne à une rechute. Peut-on soigner un malade dont on se refuse à nommer la maladie ? Derrière ce refus de dire, se dissimule à peine la volonté de ne pas sanctionner les fraudeurs. Or l’impunité est toujours une puissante incitation à la récidive.

English

What is really the name of this crisis? Is it just a markets dysfunctional? A reversal of traditional business cycle? In reality, this crisis is largely a systemic malfeasance. But this criminal diagnosis is still largely hidden. Failing to qualify properly the profound nature of this crisis, it is doomed to relapse. Can we treat a patient without knowing the disease’s name? Behind this refusal to speak, barely conceals the desire not to punish the fraudsters. But impunity is still a powerful incentive to recidivism.

Jean-François Gayraud
Auteur de La Grande Fraude. Crime, subprimes et crises financières (Odile Jacob, 2011). Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques (CSFRS).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 21/10/2013
https://doi.org/10.3917/secug.016.0043
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