Et si les voyous étaient les meilleurs élèves de ce système économique qu’ils exècrent ? Et s’ils surfaient, mieux que quiconque, sur la mondialisation et l’argent roi ? Métro-boulot-dodo, on le sait, ce n’est pas le truc de ceux qui font carrière, si l’on ose dire, dans le banditisme. Plutôt mourir que se plier aux règles des gens « ordinaires ». La vie idéale, celle qui mérite à leurs yeux d’être vécue, se rapproche d’un triptyque plus sexy : calibres-bagnoles-gonzesses. Une vie sans limitation de vitesse, les yeux braqués sur la nuit qui vient plus que sur l’épargne-retraite. Et si possible au soleil. Une vie loin des horaires, des cadences, des petits chefs et même des banques – sauf, à l’occasion, pour les braquer. Bref, une vie comme dans ces dépliants que les publicitaires se plaisent à faire miroiter sous nos yeux, où les filles sont forcément jolies, la mer forcément bleue, la villa forcément luxueuse et l’argent évidemment facile...
Quand on regarde au-delà de l’évidente fracture, quand on dépasse le point de vue strictement moral, on s’aperçoit que les points de convergence sont plus nombreux qu’on ne le croit entre le grand banditisme et ce système capitaliste que les voyous affirment détester. À bien des égards, même, ces hors-la-loi ne dépareraient pas dans une classe libérale dont ils singent finalement tous les travers. Quoi de plus compétitif qu’un trafiquant ? Quel marché plus ouvert que celui de la drogue ? Quelle concentration des moyens de production plus accomplie que celle offerte par le « gratin » du banditisme …