CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Depuis les années 1980, les travaux féministes montrent le rôle des différences de genre dans l’organisation des sociétés, et l’importance du corps dans la production et la reproduction de ces différences entre les sexes [1]. Il s’agit d’appréhender le concept de genre comme l’ensemble des pratiques et des rôles masculins et féminins socialement construits [2]. Les activités physiques et sportives, en mettant en jeu le corps, constituent un terrain d’analyse privilégié des comportements de genre. De nombreux travaux insistent sur le rôle du sport dans la formation des normes sexuées et la reproduction de la hiérarchie entre les sexes [3]. Les modes de mise en scène médiatique des sportifs et sportives participent largement à ce processus [4]. Le Vélo Tout Terrain (VTT) occupe une place intéressante dans l’analyse de la construction du genre au sein de l’espace des sports. Considéré comme une pratique « nouvelle », il propose des mises en jeu du corps différentes des activités typiques de la masculinité hégémonique (sports collectifs et sports de combat) et des stéréotypes féminins (danse et gymnastique). Favorise-t-il pour autant la diffusion de nouveaux modèles de genre ?

2Cet article répond partiellement à cette question en étudiant les représentations médiatiques des hommes et des femmes dans le milieu du VTT. Plus précisément, l’objectif consiste à identifier les modèles de genre diffusés par la revue Vélo vert, en position dominante dans le sous champ « vététiste ». Forme de socialisation particulièrement efficace, les médias constituent en effet un support idéal pour ce travail, en jouant un rôle prépondérant dans la construction du genre [5].

I – Le corps comme emblème de classe et de genre

3Evoquer les rapports sociaux de sexe ne peut se faire sans envisager le corps comme un emblème de classe et de genre. Construites socialement, les différences entre les pratiques des hommes et des femmes conduisent à un rapport hiérarchique entre les sexes [6]. Ces deux groupes antagonistes [7] se caractérisent par des hexis corporelles distinctes, manières corporelles de se tenir et d’exercer son corps socialement interprétées comme féminines ou masculines [8]. Le corps se situe donc au cœur de la production et la reproduction des différences entre les sexes et institue les pratiques physiques et sportives en analyseurs privilégiés des comportements de genre [9].

4Les rapports sociaux de sexe, transversaux à l’ensemble des sphères sociales, s’articulent avec d’autres rapports sociaux et notamment de classe. Dans cette perspective, l’accès à la complexité des « comportements de genre » (genderisms) [10] ne peut se faire sans une étude croisée des rapports sociaux de sexe et de classe. Ainsi, le primat de la force et de la virilité [11] caractérise les modèles masculins populaires, alors que la conformité corporelle et le rôle maternel constituent les éléments saillants du « féminin » dans les mêmes groupes sociaux. Les classes supérieures, globalement plus critiques à l’égard de la division traditionnelle des rôles, acceptent plus aisément une certaine mixité des comportements et des pratiques [12].

5Ces usages sociaux différenciés du corps se retrouvent dans les activités physiques : l’écart entre les taux de pratique féminine et masculine atteint une valeur maximum dans les catégories populaires, pour se réduire dans les catégories les plus favorisées [13]. Cependant, les pratiques plus récentes comme les sports dits de glisse, au sein desquels nous pouvons classer le VTT, qui attirent les pratiquants des classes favorisées, sont majoritairement investies par des hommes.

6Malgré une pratique sportive féminine a priori moins problématique dans les classes dominantes, les modalités d’exercice restent partiellement différentes pour les unes et les autres [14]. Cet article s’intéresse notamment à la manière dont les pratiques des hommes et celles des femmes sont mises en scène dans une revue spécialisée de VTT. Par ailleurs, même si le VTT concerne plutôt des sportifs issus des classes favorisées, certaines modalités de pratique attirent un public plus populaire. Dans cette perspective, l’objectif consiste à étudier les effets croisés du sexe et de l’origine sociale des pratiquants présentés sur les modes de mise en scène privilégiés par le magazine.

a – Le VTT comme régime de genre

7Dans ce travail, le VTT est assimilé à ce que Robert Connell [15] appelle un « régime de genre » ou « régime sexuel ». Un « régime de genre » désigne l’état des rapports sociaux de sexe dans un contexte donné et comporte quatre composantes : les symboles, les rapports de pouvoir, la division sexuée du travail et les modalités concrètes d’interaction.

8Ce travail étudie plus spécifiquement le niveau symbolique des régimes de genre, dont les productions médiatiques constituent une bonne illustration. Ces formes symboliques, mode de « socialisation par inculcation idéologique » [16], regroupent les images du féminin et du masculin telles que l’on peut les repérer dans les discours politiques et les images médiatiques. Elles participent également à l’incorporation d’habitudes et de croyances qui produisent, renforcent ou modifient l’ordre de genre. En ce sens, elles constituent un objet d’étude intéressant, peu exploré pour le moment dans la sociologie du sport de langue française, pour analyser la construction du genre dans le monde sportif.

9Pour Connell [17], le sport incarne « l’apparente supériorité » des hommes sur les femmes et constitue un symbole évident de la masculinité hégémonique. Cette forme culturellement idéalisée du caractère masculin met l’accent sur les liens existant entre la masculinité et la rudesse, l’esprit de compétition, la subordination des femmes et la marginalisation des gays [18]. Dans cette relation de domination, Connell [19] estime qu’il ne peut exister de forme hégémonique de la féminité, les femmes étant toujours subordonnées à la masculinité hégémonique. Il reconnaît cependant l’existence d’une forme culturellement idéalisée qu’il désigne par l’expression « emphasized feminity ». Cette forme de féminité, en acceptant la subordination et en correspondant aux désirs et aux intérêts des hommes, serait complice de la masculinité hégémonique [20]. L’auteur identifie également une forme de féminité « résistante » (expression anglaise), et des masculinités subordonnées, ou des formes « locales » de masculinités hégémoniques, correspondant notamment aux modèles masculins populaires [21]. L’enjeu du travail consiste à analyser comment le processus de médiatisation présente, renforce et/ou transforme ces modèles de genre hiérarchisés.

b – Médiatisation et construction du genre

10Les études de Fabien Ohl [22] attestent d’un journalisme sportif qui s’inscrit en marge des quotidiens classiques. Les relations très étroites entretenues avec le monde fédéral, impliquent en effet un pacte de lecture implicite [23]. En ce sens, la presse sportive dépend fortement de ses sources, son lectorat se définissant par ailleurs par l’appartenance à une communauté sportive. Ce type de journalisme tend à sélectionner et à mettre en scène les personnages et les événements qui valorisent ce sentiment d’appartenance, et inversement à passer sous silence tout ce qui ne rentre pas dans la « culture » de ce lectorat très spécifique. A cet égard, les médias sportifs reproduisent les positions de pouvoir liées au genre [24], à l’image de celles s’exerçant au sein des fédérations et du monde sportif en général [25].

11La médiatisation du sport apparaît ainsi comme un secteur clef qui contribue à alimenter les inégalités d’ordre social et de genre. Parce qu’elle véhicule et perpétue les stéréotypes sexués dominants, la presse sportive structure les inégalités de genre et offre aux lecteurs des images en accord permanent avec les normes sexuées traditionnelles, basées sur l’idée d’une infériorité féminine et une supériorité masculine [26]. Si les médias sportifs renforcent les stéréotypes « féminins », ils mettent également en scène une forme très exacerbée de la virilité masculine et initient les hommes aux formes diverses de la masculinité hégémonique. L’exaltation de la violence au travers de la démonstration de blessures [27] et l’exacerbation de la performance permettent de présenter les corps masculins comme des objets scientifiques engagés dans le dépassement des performances humaines. Au-delà de cette image fantasmatique de la perfection masculine [28], le sport reste l’un des rares domaines dans les médias où le corps des hommes est plus largement montré et dans une diversité d’activités beaucoup plus importante que celui des femmes.

12L’invisibilité médiatique constitue en effet un trait récurrent de la mise en scène des sportives. Le fort pourcentage de journalistes masculins au sein des rédactions [29] explique en partie cette relative absence des femmes dans les médias sportifs. A ce titre, cette hégémonie masculine est particulièrement forte dans la revue Vélo vert, la rédaction ne comptant qu’une seule femme. Cette journaliste s’occupe uniquement de la rubrique « planète verte », qui traite des problèmes liés à la pratique du VTT par les femmes, comme si ces dernières ne pouvaient pas comprendre et analyser les conseils dispensés dans la revue elle-même.

13L’érotisation des corps des sportives et la naturalisation des différences entre les sexes caractérisent également la mise en scène des sportives. En utilisant les femmes comme objet sexuel par la mise en scène de postures largement érotisées, les articles renforcent les conceptions idéales typiques de la féminité [30]. Cette hyper féminité paraît particulièrement prégnante pour les sportives engagées dans des sports traditionnellement définis comme masculins, comme si ce processus s’avérait nécessaire pour compenser la rupture symbolique forte que suggère l’expression de la puissance et de la violence physique pour une femme.

14Cette érotisation du corps s’accompagne, notamment dans les commentaires journalistiques, d’une forte reproduction de la hiérarchie entre les sexes. La conformité sexuée de la sportive apparaît primordiale par rapport à la performance réalisée, avec un rappel constant du statut de femme, accompagné de commentaires sur l’apparence physique, alors que le palmarès est bien souvent passé sous silence. A l’inverse, les hommes bénéficient d’un large questionnement sur leurs compétences et leurs résultats. Rarement représentées en mouvement, les femmes sont généralement entourées de leur compagnon et/ou de leurs enfants [31], à l’inverse des hommes photographiés seuls et en action

15Si ces représentations médiatiques des athlètes féminines restent largement dominantes, elles semblent néanmoins évoluer vers un modèle qui laisse entrevoir un certain accomplissement de performances. Cette mutation relative s’observe également à propos du modèle « puissance et performance » du sport masculin [32], sans toutefois abandonner son caractère culturellement dominant. L’émergence de pratiques sportives et de modalités de pratique privilégiant le plaisir, la participation, le partage, au détriment de la compétition, semble favoriser la diffusion de modèles de genre plus égalitaires [33]. Ces contextes moins hiérarchiques sont donc susceptibles de proposer des modèles sexués moins stéréotypés, s’apparentant par exemple à une « forme appauvrie de masculinité hégémonique » [34].

16L’enquête vise à déterminer si le VTT, activité de loisirs relativement jeune, pratiquée par des cyclistes d’origines sociales différentes, s’inscrit dans cette perspective. La revue Vélo vert propose-t-elle des modèles de genre « masculins » et « féminins » novateurs ou favorise-t-elle la reproduction de stéréotypes sexués ? Comment s’articulent les effets liés aux rapports sociaux de sexe et de classe dans le processus de médiatisation ?

II – Une étude sur corpus : la revue Vélo vert

17Le vélo tout terrain fait partie de ces nouvelles activités dites « libres », caractérisées par un faible nombre de licenciés et des modes de pratique très diversifiés. Si la fédération française ne s’occupe que de quelques activités compétitives (cross country, descente), d’autres modalités se développent en marge , généralement pratiquées dans la nature (randonnée, free-ride) ou en ville (street, dirt).

18Parmi la dizaine de revues consacrées au VTT, la revue Vélo vert se caractérise par sa position dominante dans le sous-champ des revues vététistes. Elle regroupe le lectorat le plus nombreux et, sans doute, le plus diversifié, parce qu’elle s’intéresse à toutes les pratiques, contrairement à ses concurrentes, plus spécialisées. Le choix d’étudier un média spécialisé se justifie également par la faible présence de la discipline dans la presse sportive généraliste (journal L’Equipe). Avec 28.000 exemplaires vendus et 150.000 lecteurs [35], le magazine Vélo vert s’impose comme la référence en matière de VTT. Son lectorat est quasi exclusivement masculin, le nombre de lectrices ne dépassant pas 1 % [36].

19Chaque modalité de pratique présente des spécificités en terme social, générationnel et de genre. Le cross country reste l’activité la plus populaire ; la randonnée demeure l’apanage des classes favorisées, des 40/50 ans et des femmes. La descente compte de plus en plus de femmes, notamment depuis les nombreuses victoires sur la scène internationale de la championne Anne-Caroline Chausson. Les autres pratiques (plus « fun ») concernent essentiellement les jeunes, voire les très jeunes (12/30 ans), hommes, plutôt issus des classes favorisées. La revue Vélo vert diffuse des informations relatives à l’ensemble de ces pratiques, et occupe de ce fait une position particulièrement intéressante à analyser.

20Ce travail s’appuie sur une étude qualitative et quantitative des textes et des photographies présentés dans 20 numéros de Vélo vert (2005-2006). L’analyse qualitative des photos reprend les rubriques mises au point par Buysse et Embser-Herbert, en les détaillant en sous rubriques [37].

Analyse quantitative :
Des textes :
– 102 articles étudiés sur des personnalités du monde du vélo
– Nombre de dossiers, d’articles, d’encarts traitant spécifiquement des femmes en VTT par rapport à ceux traitant spécifiquement des hommes. Cependant, la plupart des articles parlent de technique (sportive et de matériel), sans faire référence à un genre plutôt qu’un autre
– Nombre de pages prévues pour ces dossiers : femmes versus hommes
– Fréquence d’apparition selon les numéros
Des photos :
– Nombre de photos mettant en scène les femmes (tout statut confondu) par rapport au nombre de photos mettant en scène des hommes
– Apparence physique
tableau im1
HOMMES 499 PHOTOS FEMMES 73 PHOTOS ENTIEREMENT NU 2 4 DENUDE 2 14 EN ACTION (en pratique VTT) 317 25 SUR UN VELO (érotisation) 0 10 EN TENUE VTT (à côté du vélo) 42 3 FORMAT IDENTITE 82 29 DANS L’ATELIER 48 4 COUVERTURE DU MAGAZINE 7 1 TOTAL PHOTOS 572
Analyse qualitative :
Des textes :
– Types de mots ou expressions utilisés dans les titres
– Types de mots ou expressions associés au compétiteur ou compétitrice interviewé
– Sujet général de l’article
– Type d’article : dossier, rubrique permanente, article
– Présence ou absence des références aux performances et résultats
– Présence ou absence des références à la vie familiale hors VTT
Des photos :
– Mise en scène de la personne photographiée :
tableau im2
– En mouvement sur un vélo – Habillé(e) en vététiste à côté du vélo – Habillé(e) en civil à côté du vélo – Sans vélo – Présence du conjoint(e) ou de la famille – Décors de la photo – Nue

a – Invisibilité relative de la pratique féminine et érotisation du corps des sportives

21 Le double processus d’invisibilité [38] et d’érotisation des corps [39] caractérise la médiatisation du sport féminin. Les articles, souvent peu nombreux, apparaissent très ponctuellement sous la forme de dossier, et mettent en scène une féminité exacerbée, proche de la pornographie douce. Conformément à ce constat, sur les vingt numéros de notre corpus, 499 photographies d’hommes sont recensées pour seulement 73 photographies de femmes. En terme d’articles, la tendance reste la même avec 82 sujets portant sur des cyclistes masculins contre 20 pour les sportives. Cette invisibilité de la pratique féminine se double d’une forte érotisation des corps. Les photographies témoignent de cette tendance : les clichés présentant des corps nus ou fortement dénudés concernent essentiellement des femmes (28 clichés de femmes pour seulement 4 d’hommes).

22Lorsqu’ils portent sur des cyclistes féminines, les articles sont écrits sous la forme de dossiers ponctuels. Tous concernent des championnes, à l’inverse des hommes où de simples pratiquants peuvent être présentés. Peu d’interviews rendent compte des pratiquantes non compétitrices de haut niveau. Lorsqu’elles existent, il s’agit d’encarts insérés dans un dossier plus large, ou d’entretiens rapides avec un journaliste (une page maximum). Cette omniprésence masculine s’observe dans toute la revue, depuis « le courrier des lecteurs », jusqu’aux « découvertes (voyages) » en passant par « les essais (matériel) », alors que les très rares sujets consacrés aux sportives s’inscrivent dans les rubriques « people » et « interview ».

23Le titre donné aux articles rappelle également constamment le statut de femme des championnes et commente leur physique : « Lisa Lefroy, une descendeuse sexy, une pilote glamour » [40], « Céline Gueury, une femme dans l’atelier » [41].

24Ce primat de l’apparence, associé à une définition des femmes par leur corps, objet sexuel [42], se traduit chez les sportifs par une référence permanente à la force et à la performance : « Damien Spagnolo, espoir de la descente mondiale, la force tranquille » [43], « Fabien Bourly, affûté comme jamais » [44]. Ce constat effectué à propos des titres d’articles illustre parfaitement la masculinité hégémonique.

25La revue Vélo vert, qui s’adresse à un lectorat majoritairement masculin, participe ainsi à la reproduction des stéréotypes sexués. Néanmoins, une pluralité de modèles de genre, tant féminins que masculins, coexistent au sein d’un même numéro. Le principe de variation de ces modes de mise en scène diffère cependant pour les hommes et pour les femmes. La diversité des modèles de genre « féminins », présentés dans un premier temps, renvoie à leur statut au sein de la pratique (championne, pratiquante, femme de pratiquant, mannequin des publicités), tandis que les modèles « masculins », exposés dans un deuxième temps, varient en fonction de l’appartenance sociale des pratiquants.

b – La cycliste féminine : des modèles de genre différents selon son statut

26Au-delà des tendances lourdes repérées précédemment, notamment au sujet de l’invisibilité médiatique, le processus d’érotisation des corps des sportives s’avère plus ou moins prépondérant en fonction du statut des femmes dans la discipline. Quatre types de traitement du féminin se dégagent du magazine : celui associé à la championne, à la pratiquante, à la femme de pratiquant et aux mannequins posant pour les publicités. A chacun de ces statuts correspond un modèle de genre spécifique, certains reproduisant le modèle hyper-érotisé tandis que d’autres se rapprochent du modèle athlétique et de performance généralement attribué aux hommes.

La championne, entre assimilation et différenciation

27Le premier sous modèle, qualifié de « partiellement érotisé », met en évidence une description traditionnelle des sportives, même si un mode de présentation moins sexué et plus ou moins novateur peut lui être juxtaposé. L’importance de l’apparence et la primauté du statut de femme restent présents dans les commentaires, mais laissent néanmoins la place à des représentations moins stéréotypées, illustrées par exemple par des photographies en action, sur le vélo, avec casque et armure de descente. L’entretien de Lisa Lefroy est typique de ce mode de traitement, majoritairement observé dans le cas des championnes .

28L’importance de l’apparence s’objective dans l’intérêt marqué des journalistes à l’égard du physique des sportives. Les questions posées portent très souvent sur leur goût pour la mode et les soins apportés à leur corps. Dans le cas du dossier sur Lisa Lefroy, cette primauté du paraître se constate dès l’introduction, avec des allusions à son physique avantageux et un questionnement très stéréotypé renforçant l’aspect futile et superficiel de l’ensemble de l’entretien :

« Lisa Lefroy, une descendeuse sexy, une pilote glamour ».
« Laissez le charme agir. Princesse Lisa…Née à Whistler (Canada) et élevée snowboard aux pieds, Lisa a découvert le VTT tardivement. Désormais, elle vit en Andorre et roule pour Commençal. Découverte d’une des pilotes les plus glamour du milieu… ».
« Parle-nous un peu plus de toi, aimes-tu faire du shopping ? ».

29Si le thème du VTT reste souvent absent des entretiens, les photographies choisies en illustration renforcent l’importance du physique des championnes. Elles mettent en scène une érotisation partielle du corps des femmes par des poses langoureuses, voire pornographiques pour certaines, ou copiant celles des mannequins des magazines de mode. Néanmoins, à côté de ces images fortement stéréotypées, les articles proposent des clichés de la championne en action et en tenue de cycliste. Dans le dossier consacré à Lisa Lefroy, cinq photographies la présentent d’une façon érotisée, et deux en plein pilotage sur un parcours de descente, casquée et habillée d’une armure de protection. La primauté du statut de femme, seconde caractéristique des entretiens consacrés aux championnes, se traduit par les questions des journalistes à propos de la capacité des sportives à rester féminines dans un univers masculin. De la même manière, une partie importante de l’entretien porte sur la vie privée et familiale de la championne, son compagnon et les tâches ménagères. Dans l’interview de Lisa Lefroy, la phrase d’introduction rappelle d’emblée son appartenance de sexe. Sa technique de pilotage, pourtant originale et efficace, ne peut être commentée sans un rappel de son statut :

« Entre deux sessions de North Shore sur son rigide, elle se fait remarquer des free-riders par son pilotage et sa féminité. Fière d’être une femme, elle revendique sa féminité sans complexe, dans un milieu pourtant très masculin ».

30Ces stéréotypes attribués aux femmes sont renforcés par des passages systématiques consacrés à la maternité, au désir d’enfants et ce, dans une perspective d’incompatibilité avec la compétition. Ce rapport à la vie quotidienne, au foyer et à la maternité, rappelle la mise en scène des femmes politiques étudiée par Erik Neveu et Christine Guionnet, caractérisée par des allusions constantes au domaine familial, et des photographies prises avec conjoint et enfants. Cette primauté du statut de femme est particulièrement prégnante dans l’entretien de Lisa Lefroy où, sur 49 questions posées, seulement 9 traitent du monde du VTT, le reste concernant sa vie privée et son compagnon :

« Est ce qu’il est un bon french lover ? » (En parlant de Cédric GRACIA, le compagnon de Lisa Lefroy).
« Quels sont tes rêves de femme ? Veux tu te marier, avoir des enfants ? ».
« On m’a dit que tu cuisines bien ».
« Et j’imagine que c’est toi qui cuisines tout le temps ».

31Le traitement journalistique de la championne met en évidence une pluralité de modèles, plus ou moins stéréotypés du point de vue du genre. Il correspond parfaitement aux caractéristiques de la médiatisation des sportives, basée sur une exacerbation des caractères féminins. La mise en scène du corps, fortement érotisée, les questions ayant trait à sa vie privée et familiale, et l’absence de rappel du palmarès, constituent les éléments clefs d’une « emphasized feminity » prégnante. Néanmoins, la présence de quelques photographies en action, les remarques sur des compétences techniques, permettent de nuancer cette tendance lourde et de conclure en faveur d’une juxtaposition de modèles stéréotypés et d’autres, plus novateurs.

32Si la primauté de l’apparence et le statut de femme constituent des éléments importants de la médiatisation des championnes de VTT, certaines sportives bénéficient d’un traitement proche de leurs homologues masculins. Le premier modèle, qualifié de partiellement érotisé, étudié précédemment, en jouxte un second, moins fréquent, où le statut sportif domine, sans jamais néanmoins abandonner la référence à celui de femme.

33L’assimilation au modèle masculin se manifeste dans ce cas par un rappel du palmarès et des succès de la championne, dès le titre et l’introduction de l’article. Les journalistes orientent les questions sur le monde du VTT, le matériel et le circuit professionnel, mais jamais sur le physique, la maternité ou une éventuelle vie de couple. L’entretien de Julie Pesenti illustre bien ce second modèle :

« Julie PESENTI, une trajectoire insolite ».
A force d’acharnement, elle est devenue l’une de meilleures pilotes mondiales, faisant fi des embûches et des frustrations. Un parcours atypique pour une personnalité singulière, qui a beaucoup de choses à dire. Explications et confidences ».
« Et tu as fait le bon choix puisque les titres ont vite suivi…Parle nous un peu de ton parcours ».

34Le statut sportif dominant se concrétise également dans le choix des photographies, qui présentent les championnes la plupart du temps en action. Lorsqu’elles sont mises en scène sans leur vélo, leur allure reste sportive, les vêtements et les postures jamais indécents. Les photographies qui illustrent le dossier sur Julie Pesenti montrent ainsi la championne en action sur son vélo (9 sur 11), ou en « civil » mais habillée du maillot de l’équipe de France.

35Si l’assimilation au modèle masculin peut être observée dans certains cas par une médiatisation orientée vers des caractéristiques sportives, des différences subsistent néanmoins par rapport aux hommes. En effet, les questions techniques et de matériel sont peu abordées et portent essentiellement sur l’adaptation de la pratique VTT aux femmes. Les caractéristiques de pilotage (gestion d’une course, technique de descente), thème incontournable des articles consacrés aux hommes, ne font pas non plus l’objet d’un questionnement pour les sportives.

36L’article présentant Julie Pesenti, malgré un traitement journalistique relativement proche de celui des cyclistes masculins, rappelle aux lecteurs dès l’introduction son statut de femme. Le questionnement porte sur la place occupée par les sportives dans un univers masculin et sur la façon de gérer cette situation.

« Julie PESENTI aurait pu continuer à briller en cross country, mais elle a fait le choix du cœur et de la difficulté en se consacrant pleinement au trial. […] Pas banal pour une fille ». « Pourquoi le VTT est-il une discipline aussi marginale surtout chez les femmes ? ».
« Parle-nous de ton vélo, un modèle perso ? En trial, le matériel est-il vraiment adapté aux femmes ? ».

37Le traitement journalistique de Julie Pesenti illustre néanmoins une forme de résistance vis-à-vis du modèle de genre féminin véhiculé traditionnellement par les articles sur les sportives féminines. L’absence d’une érotisation de son corps, le rappel de son palmarès, les photographies en action sur son vélo, attestent d’une réelle évolution de la définition des catégories de sexe. Cependant, la référence continuelle dans l’interview à son statut de femme, témoigne de la permanence de l’asymétrie entre les sexes [45].

La championne, un modèle contrasté

38Si la médiatisation des championnes en VTT s’inscrit globalement dans la tendance à l’accentuation des caractères « féminins », certaines évolutions nuancent néanmoins ce processus [46]. Cette orientation des dossiers vers un processus plus ou moins marqué d’hyper féminisation/érotisation dépend en partie des routines professionnelles du journaliste [47], de son parcours personnel et de ses relations étroites avec le milieu du VTT. La proximité des journalistes sportifs avec les institutions sportives dont ils sont souvent issus (ou encore membres à titre amateur) pose en effet la question de l’objectivité de l’information [48]. Ainsi, le choix des photos, des titres et du questionnement utilisés dans un article sur une championne résultent et conduisent à une relative standardisation des représentations de la figure de la sportive dans le monde du VTT, plutôt basée sur une forte érotisation. Si le cas de Lisa Lefroy illustre parfaitement ce processus, celui Julie Pesenti renvoie manifestement à d’autres modèles plus novateurs.

39Il serait néanmoins réducteur d’attribuer l’orientation des articles sur les championnes vers l’un ou l’autre des modèles aux seuls choix des journalistes. L’hexis corporelle de la jeune fille interrogée, et ses demandes explicites en matière de déroulement de l’entretien sont également à prendre en compte. Le physique de Lisa Lefroy, très avantageux, constitue manifestement pour elle, une source de fierté. Elle n’hésite pas à le valoriser, et à commenter son souci de rester féminine, malgré sa pratique d’un sport traditionnellement masculin. Le journaliste relate à ce propos l’implication de la championne dans le choix de clichés quasi pornographiques illustrant son interview.

« J’ai toujours roulé avec deux copines. On est très fortes et en même temps, nous sommes de vraies filles, pas des garçons manqués. Alors, on a monté une petite équipe qui s’appelle The Dirty Girls ».
« Jamais la dernière pour plaisanter, Lisa nous a gratifiés de plusieurs poses sensuelles… Just for the fun ! ».

40Julie Pesenti se présente sous des traits très différents (cheveux courts, pantalon large), « look plutôt masculin ». Ses principales préoccupations pour l’entretien semblent être la promotion du trial féminin, afin d’amener cette discipline très marginale dans le monde du VTT à des performances proches de celles des hommes :

« Il faut être claire. Il faut dire que si une jeune fille veut s’y mettre (au trial), elle ne pourra compter que sur elle ».

41L’orientation de l’entretien vers un modèle plus ou moins érotisé et hyper féminisé, résulte donc d’un double jeu entre les représentations des catégories de sexe du journaliste et le modèle de genre intériorisé par la championne au cours de sa trajectoire sociale [49].

La pratiquante : de l’incompétence à la performance

42Seules deux rubriques mettent en scène les pratiquantes : « La Verte du mois » et « Planète verte ». Ces rubriques donnent à voir deux figures différentes de la pratiquante, allant de la performance assumée et revendiquée, à une éternelle débutante, plus soucieuse de son apparence que de son activité. La rubrique « Planète verte » propose une image de la pratiquante basée sur une certaine incompétence technique et un souci permanent du paraître. Présente au sein de chaque numéro, elle reprend des points abordés dans le reste de la revue, avec une vision soit-disant féminine, qui se révèle être une simplification à l’extrême d’un problème technique, matériel ou vestimentaire :

« Femmes, choisir un VTT adapté ».
« Et si tu t’étirais ? VTT et gros mollets ce n’est pas une fatalité… »

43L’existence de ce type d’article montre bien le statut qu’occupe la pratiquante dans le milieu du VTT. Tolérée, elle reste assimilée à une éternelle débutante, nécessitant de ce fait, une adaptation de la pratique, du langage technique et des explications.

44La comparaison entre deux thèmes identiques, traités pour l’un dans « Planète verte » et pour l’autre dans une rubrique « Pilotage », démontre parfaitement cette infériorité. Alors que « Guide pilotage » aborde des problèmes techniques pointus (« Négocier une grande courbe ») [50], « Planète verte » se contente de sujets très généraux (« Comment bien grimper ») [51] :

« Négocier une grande courbe. Geste élémentaire à vélo, négocier un virage n’en est pas moins très critique en VTT, car cela nécessite de concilier adhérence, trajectoire et position du corps. Si en plus on joue le chrono, il faut s’appliquer. »
« Comment bien grimper ? Tu veux du grip dans les montées, arriver au bout de la petite côte… Tu veux grimper telle un cabri, mais souvent ton vélo refuse d’aller au bout ? Comment régler les petits problèmes qui t’empêchent d’avancer comme tu le souhaiterais ? »

45De la même manière, les sujets sur le matériel sont relativement rares et concernent surtout la tenue. L’aspect esthétique domine nettement au détriment des descriptions technologiques sur les vêtements spécialisés [52] :

« Dur dur de rouler avec les mecs. Nous sommes nombreuses à vouloir assortir notre casque aux grips. »

46« Planète verte » dépeint donc une cycliste futile, incapable de comprendre des problèmes techniques pointus et soucieuse de son apparence. A l’instar du football féminin [53] les pratiquantes sont assimilées à des néophytes, quel que soit leur niveau de pratique. Au travers de cette rubrique, particulièrement dévalorisante pour les femmes, la revue Vélo Vert reproduit parfaitement la hiérarchie entre les sexes et contribue à véhiculer des modèles de genre basés sur l’infériorité technique et intellectuelle.

47Cependant, à l’inverse de « Planète verte », la rubrique « Verte du mois », alimentée par les pratiquantes elles-mêmes, met en scène des sportives performantes. Cette rubrique permet en effet aux pratiquant(e)s d’envoyer la photographie d’une fille avec un VTT, accompagnée d’un commentaire, pour gagner six mois d’abonnement au magazine (en cas de parution dans un numéro). Deux cas de figure se présentent, proposant deux modèles de genre différents : soit un abonné propose le cliché de sa copine en compagnie de son propre vélo, soit une pratiquante fait paraître sa propre photo.

48Lorsqu’il s’agit d’une initiative de la pratiquante, l’image n’est jamais pornographique et met en scène les jeunes filles en action, ou en tenue cycliste. Le texte qui accompagne la photo souligne leur capacité à rouler et à suivre les cyclistes masculins [54] :

« Bonjour à tous les accros de VTT !
Cet été, mon cher et tendre m’a entraînée avec lui sur les circuits des Portes du Soleil, soi-disant pour mettre à l’épreuve mon nouveau Commençal Méta 5. 20 fraîchement sorti du magasin… A maintes reprises, il a bien tenté de me semer dans les nombreuses montées, ou bien encore de me perdre en pleine forêt, accusant la signalétique d’être m…Mais rien à faire… je suis coriace ! Et je ne me suis pas laissée distancer ! Alors j’espère que vous voudrez bien récompenser mes efforts en me nommant « verte du mois » et ainsi contribuer à « rattraper » la casquette d’or de Septembre ! »
Sandrine, Bry-sur-Marne (94).

49Si les pratiquantes ne subissent pas, à l’instar de certaines championnes, une érotisation marquée de leur corps, elles restent soumises à un double modèle. Perçues comme d’éternelles débutantes futiles, elles se revendiquent néanmoins comme performantes, capables de suivre les hommes. Cette analyse montre bien le décalage important existant entre la façon dont la rédaction s’imagine les préoccupations des pratiquantes et le mode de présentation privilégié par les cyclistes elles-mêmes.

50Le fait que la journaliste de « planète verte » soit une femme (Claire Poisson) témoigne de la participation de ces dernières à leur propre domination [55] et renforce l’idée d’une absence de consensus entre les femmes au sujet des modèles de genre [56].

La femme de pratiquant : « la maman » et « la putain »

51De toutes les figures féminines, la femme de pratiquant reste la moins représentée. Elle n’apparaît dans aucune rubrique en particulier, et fait l’objet de quelques remarques par l’intermédiaire de son mari ou compagnon vététiste. Deux traitements journalistiques, correspondant à deux sous modèles semblables à ceux repérés par Anne Saouter [57] dans son étude sur le rugby, caractérisent cette femme de pratiquant.

52L’auteur constate que les modèles de genre « féminins » varient selon le statut des femmes évoluant aux côtés des joueurs. Le modèle de la « groupie », fortement érotisée, est similaire à celui des jeunes filles présentées dans les publicités pour le matériel de VTT et, dans une moindre mesure, à celui des amies (jeunes) des pratiquants. Le modèle de la « maman », centré sur le rôle maternel, renvoie dans Vélo vert à l’image de la femme mariée, attendant le retour de son mari cycliste.

53La « copine » jeune du pratiquant fait l’objet d’une mise en scène particulièrement pornographique. Présentée dans la rubrique « Planète verte » quand un vététiste envoie la photographie de sa compagne accompagnée de son VTT, elle apparaît très dénudée (bikini, sandales à talons aiguilles), voire complètement nue, avec des poses plus que lascives : à côté du vélo, le pied sur la pédale. Les textes accompagnant les photos font tous référence à la fierté du cycliste d’exhiber sa compagne, tout autant que la belle mécanique de son vélo. L’exemple de ce jeune couple Laëtitia et Xavier [58], candidats à l’élection de la verte du mois, est particulièrement révélateur de ce phénomène :

« Salut les verts,
Je t’envoie 3 ou 4 photos pour la verte du mois avec différents degrés de dénudage, selon ce que vous autorisez ou pas dans le magazine. Pour notre part, nous serions ravis de découvrir Laetitia complètement dénudée dans vos pages. La photo reste, bien entendu très soft et non vulgaire, ce qui est le plus important. On voit bien le vélo, que j’ai monté moi-même et dont je suis fier, je serais donc doublement fier de découvrir ma moitié et mon spad dans mon mag’ préféré. Nos motivations : Xavier, très content de son vélo et amoureux de la plastique de Laëtitia et fier d’exhiber les deux devant ses collègues verts (et devant ses amis qui seront surpris). Laëtitia qui veut faire plaisir à Xavier, est ravie de se montrer ainsi à son avantage… Enfin, une grosse envie de montrer qu’il n’y a pas qu’aux US qu’on peut faire de la DH et profiter de jolies nanas (pas refaites) dans le milieu ! »
Xav et Laëti, Levallois, 92.

54L’exhibition conjointe du corps féminin et la technologie élaborée du vélo, renvoie la compagne du cycliste au statut d’objet sexuel [59].

55Cette mise en scène ne concerne pas les femmes mariées et encore moins les mères de famille. Sur les 20 numéros étudiés, toutes les représentations quasi pornographiques publiées dans « la verte du mois », sont le fait de jeunes couples, sans enfants. Le statut de mère semble donc incompatible avec une représentation érotisée et entraîne plutôt au sein de la revue la présentation de stéréotypes traditionnels et caricaturaux de la mère au foyer. Dessinées ou décrites comme attendant le retour de leur mari à la maison, occupées à réaliser des travaux ménagers, elles ne participent pas au monde du VTT et ne disposent pas d’activités propres.

56Une illustration présente ainsi une femme faisant la vaisselle pendant que son mari rentre de sa sortie VTT du Dimanche. Les rôles attribués au féminin et au masculin sont ici consciencieusement respectés et exacerbés : à l’homme la sphère publique, le dehors, le monde du loisir représenté par le vélo, à la femme la sphère privée, le foyer, l’intérieur, illustré par une mise en scène « domestique » [60].

Les publicités des modèles de pornographie « dure »

57Si le corps de la compagne de pratiquant fait l’objet d’un double traitement médiatique plus ou moins érotisé selon son statut de femme ou de copine, les publicités mettent en scène des mannequins dans des postures proches de la pornographie « dure ». Les photographies exposent des corps partiellement ou totalement dénudés. Les poses prises par les jeunes filles font clairement référence à l’acte sexuel : corps huilés, reins cambrés, ou mannequins tenant à deux mains les deux bras d’une fourche (publicité Marzocchi). Le recours au nu intégral sur le vélo est assez courant, notamment dans les publicités pour les selles ou les tiges de selle (publicité pour le cadre S-Road) [61]. Les images les plus caricaturales sont généralement reprises dans la rubrique « fuites brèves et indiscrétions » de la revue, et font l’objet d’un commentaire de l’auteur (Celsius), qui relève leur caractère pornographique :

« GGG Bikes est une firme taïwanaise qui s’est fait une spécialité des vélos singuliers avec transmission façon stepper ou encore cadre spectaculaire, à l’image du S-Road, qui a récemment eu les honneurs du magazine Play-boy aux USA. Ce n’est pourtant assurément pas le plus sexy des VTT ».

58Dans ce cas, les publicités changent de statut et deviennent des photographies répertoriées dans une rubrique spécifique. Le fait qu’elles soient triées, légendées et donc choisies, vient renforcer l’hypothèse d’une image hyper érotisée des femmes, correspondant aux attentes supposées d’un certain nombre de lecteurs, mais aussi, indéniablement, des journalistes de la revue.

III – Modèles de genre féminins et nature des sources

59L’étude des modèles de genre féminins véhiculés par la revue Vélo vert démontre la présence d’une « emphasized feminity » très forte, basée notamment sur une érotisation des corps, une assimilation récurrente à la mère ou à une éventuelle charge de famille, ainsi qu’une infériorisation des compétences techniques et compétitives. Néanmoins, pour chaque statut (championnes, pratiquantes, femmes de pratiquants), plusieurs figures journalistiques coexistent, attestant d’une certaine pluralité de modèles de genre. S’ils ne mobilisent pas tous les stéréotypes attribués à la féminité, ils ne semblent pas, pour autant, altérer les caractéristiques de « l’emphasized feminity » et notamment le rappel constant du statut de femme.

60Cette diversité des modèles de genre, relative aux différents statuts des femmes dans l’activité, entraîne inévitablement un questionnement sur le poids des routines journalistiques. Les journalistes, influencés par les figures disponibles dans les représentations collectives, tout autant que par leurs trajectoires personnelles et leurs liens très forts avec le milieu du VTT, orientent leurs articles vers ce qui leur paraît être consensuel en matière de modèles de genre féminins. Cependant, l’interview de Julie Pesenti, ou certains extraits de « La verte du mois » prouvent que les sportives disposent d’une certaine liberté quant à la façon de se mettre en scène. La nature des sources utilisées pour rédiger l’article joue ainsi un rôle central dans la définition des modèles de genre présentés. Quand les femmes se mettent en scène (ou quand elles influencent le travail du journaliste), elles peuvent (éventuellement) proposer des modèles de genre novateurs. Quand les hommes (journalistes ou pratiquants) sont à l’origine des informations, l’érotisation des corps des sportives s’avère quasi systématique. Cependant, dans certains cas, des femmes (comme Lisa Lefroy ou la journaliste de « Planète verte ») valorisent également les stéréotypes féminins. La diversité des modèles de genre mis en scène par des femmes contraste en ce sens avec la prédilection des hommes pour des modes de présentation plus homogènes

a – Les modèles de genre masculins : de « l’artisan » à « l’ingénieur ».

61Si les femmes paraissent peu présentes dans Vélo vert, les hommes occupent quant à eux toute la revue, jusqu’au lectorat, principalement masculin. Ce constat contribue à renforcer la thèse de Jim Mac Kay, Mickael Messner et Don Sabo [62], qui désignent le sport comme l’un des terrains privilégiés de l’élaboration des idéologies de la suprématie masculine. Cette forte domination s’accompagne d’une mise en scène de la masculinité basée sur la puissance, la performance et parfois même la violence, caractéristiques de « la masculinité hégémonique » [63]. Les formes de masculinités hégémoniques ne sont cependant pas homogènes et présentent des spécificités selon les contextes et les caractéristiques sociales des acteurs. Connell et Messerschmidt [64] qualifient ainsi de masculinité hégémonique « locale », la forme de masculinité très virile qui caractérise les hommes des milieux populaires.

62Dans cette perspective, les modèles de genre masculins repérés dans la revue Vélo vert ne sont pas homogènes, malgré une forte présence de la masculinité hégémonique. Si les représentations du féminin dépendent du statut de la sportive au sein de l’activité, le mode de mise en scène des hommes varie selon l’appartenance sociale des cyclistes présentés. Cette différenciation homme/femme renvoie à la question de l’asymétrie entre les sexes, les dominants (les hommes) étant considérés comme des individus, dont on précise les caractéristiques (classes sociales), tandis que les dominées sont assimilées à une catégorie spécifique : « les femmes » [65].

63Deux modèles de genre masculins coexistent ainsi au sein du magazine étudié, correspondant au cycliste des classes populaires pour l’un et des classes favorisées pour l’autre. Néanmoins, ces deux modèles ne sont pas toujours identifiables et restent soumis à l’influence de la masculinité hégémonique, basées dans la revue Vélo vert sur la puissance, la performance, et la violence.

Le modèle puissance, performance, violence dans le VTT masculin

64Ces stéréotypes sont particulièrement bien illustrés dans le magazine au travers de deux rubriques : « La gamelle d’or » et « Le cunu du mois », qui mettent en scène deux traits idéal-typiques de la masculinité : une exaltation de la violence et une valorisation de la « musculinité ».

65Le cas de « La gamelle d’or » illustre le rôle prépondérant de la médiatisation du sport dans la légitimation et l’exaltation de la violence, par une glorification des chutes et des blessures [66]. Cette rubrique incite les cyclistes à envoyer leur photo après une chute violente. L’image s’accompagne d’un petit texte expliquant les conditions et conséquences de l’accident et exposant généralement la fierté d’avoir vécu un accident aussi traumatisant. Le gagnant (celui dont la chute est la plus spectaculaire et qui propose une photo montrant les plaies et les bosses) se voit offrir six mois d’abonnement.

66L’exposition de blessures et leur valorisation démontre que les vététistes possèdent bien tous les attributs d’une masculinité virile. Cette mise en scène de la violence semble nécessaire dans une activité où la lutte reste symbolique, orientée vers un défi physique avec soi-même ou contre un adversaire. Cette glorification de la résistance à la douleur, caractéristique du monde sportif masculin [67], témoigne bien de l’existence au sein de la revue Vélo vert de modèles de genre très éloignés de ce que Christian Pociello [68] nomme « la grâce masculine ». Pour cet auteur, les Activités Physiques de Pleine Nature (APPN) révéleraient des caractéristiques masculines non plus orientées vers la violence mais au contraire centrées sur une certaine esthétique de l’action. La rubrique « Gamelle d’or » prouve que la médiatisation du vététiste masculin ne peut se faire sans une mise en scène caractéristique de la masculinité hégémonique, à l’opposé de cette « esthétique de l’action ».

67La rubrique le « Cunu du mois » participe également à cette mise en scène caractéristique du corps masculin, basée sur la comparaison avec les objets scientifiques, dépassant les performances humaines, à l’opposé de l’observation « voyeuriste » des sportives [69]. Dans ces encarts, glissés entre deux entretiens, un fabricant de VTT américain est par exemple montré nu dans son atelier. A l’inverse de « La verte du mois », le journaliste ne commente pas la mise en scène des photographies et la nudité du sujet.

68A l’instar de la féminité stéréotypée de certaines jeunes femmes élues « Vertes du mois », le « Cunu du mois » véhicule lui aussi une forme idéale typique de la masculinité, où la nudité n’est plus utilisée comme un instrument de pornographie douce, mais comme une démonstration de puissance. Le lieu des prises de vue (l’atelier), l’utilisation d’outils, et le recours à des poses faisant ressortir la force de l’homme (bien ancré dans le sol, de dos, mains sur les hanches, jambes écartées), renforcent ce modèle masculin de puissance.

69Les deux rubriques « La gamelle d’or » et « Le cunu du mois » attestent de l’importance de l’exaltation de la force physique dans la construction de la masculinité hégémonique [70]. Néanmoins, le magazine présente des formes de masculinités locales, qui varient selon les classes sociales d’origine des sportifs.

Un artisan performant : le cycliste des classes populaires

70Qu’il soit champion ou simple pratiquant, la mise en scène du cycliste issu des classes populaires, présente des caractéristiques spécifiques basées sur la violence, la puissance, et l’image de « l’artisan », du travailleur manuel bricolant son vélo. Cette référence à la violence et à la performance se repère dès le titre des articles, par les termes utilisés (« ça va saigner », « affûté comme jamais »), les allusions à la maîtrise technique du vélo et aux caractéristiques de pilotage. Les entretiens de Damien Spagnolo [71] et de Fabien Bourly [72] révèlent bien ce processus :

« Damien Spagnolo, espoir de la descente mondiale, la force tranquille. »
« Damien Spagnolo, ça va saigner. »
« Fabien Bourly, affûté comme jamais, performant sans avoir accédé à la notoriété. »
« Fabien Bourly, rencontre avec un crosseur qui maîtrise l’affûtage comme personne. »

71Les photographies qui illustrent les dossiers, participent également à cette démonstration de « l’artisan performant » en mettant en scène les cyclistes des classes populaires.

72Représenté à la fois dans son atelier, en train de bricoler son vélo, outils à la main, mais aussi en pleine action spectaculaire de pilotage, le cycliste des classes populaires correspond à l’image de l’artisan compétant. Son traitement médiatique reste celui d’un corps-outils, d’un savoir-faire manuel, typique des représentations du corps dans les milieux populaires. Homme d’action, le cycliste des classes populaires présente toutes les caractéristiques de la masculinité hégémonique [73]. La mise en scène de la violence résulte d’illustrations très spécifiques, comme celle de Damien Spagnolo, représenté en double page avec une tronçonneuse à la main (d’où le titre « Damien Spagnolo, ça va saigner »).

Le cycliste des classes favorisée : « l’ingénieur » du vélo

73Si le cycliste issu des classes populaires est présenté dans un environnement de « techniques manuelles », la mise en scène du cycliste des classes favorisées le situe dans un environnement technologique. Souvent représenté dans un bureau d’étude, environné d’ordinateurs, les termes utilisés pour le décrire font référence à la création, au « côté intellectuel » du vélo et mettent en avant les innovations technologiques réalisées par le cycliste. Les photographies en action sont nettement moins nombreuses et n’exposent pas la démonstration de puissance et le côté spectaculaire de la prise de risque, contrairement à celles illustrant les entretiens des cyclistes des classes populaires.

« Keith Bontrager, l’ingénieur. »
« Keith Bontrager la roue tourne… Bontrager, voilà un nom indissociable du Mountain Bike. Mais, avant d’être une marque reconnue et aujourd’hui liée à Trek, c’est d’abord un homme, un puits d’idées novatrices et une histoire encore en marche. »
« Gary Fisher, le créateur. »
« Gary Fisher. Plus que le charismatique représentant de la marque qui porte son nom, Gary Fisher est l’un des plus grands noms du Mountain Bike. Une omniprésence dans l’histoire de notre passion qui frise le surnaturel. »

74Le statut d’ingénieur, de chef d’entreprise est rappelé dès le titre de l’article, comme le démontre les dossiers sur Keith Bontrager [74] et Gary Fisher [75].

75Pour les jeunes sportifs qui ne travaillent pas encore, la référence à la trajectoire scolaire et universitaire remplace les allusions à la position socio professionnelle. Les titres, sous-titres et introductions louent les capacités de réflexion et le talent des pilotes, plus que les exploits techniques de pilotage, à l’inverse du traitement des cyclistes des classes populaires.

« Pierre-Charles Georges un surdoué qui s’ignore.
Jeune et talentueux, il est d’un naturel discret sur les courses et dans la vie. Une bonne raison d’aller le rencontrer chez lui, dans les Vosges, pour en savoir plus sur ce descendeur qui monte. Stylé et talentueux sur un vélo, Pierre Charles Georges a la fougue et la candeur de la jeunesse. »

76Le pratiquant des classes favorisées s’apparente ainsi à la figure de l’ingénieur. Représenté dans un bureau, environné d’ordinateurs, les titres des articles font référence à des « qualités intellectuelles » d’invention et de création. Moins représentés en mouvement, ils sont plus souvent conviés à donner leur avis sur le monde du vélo, les évolutions en matière de règlement ou de technologie. Le cycliste des classes favorisées s’impose avant tout comme un homme de réflexion [76] valorisant une certaine esthétique de la pratique. En effet, le dossier consacré à Pierre-Charles Georges [77], qualifié de « stylé et talentueux », permet d’identifier certains traits de cette « grâce masculine » définie par Pociello [78], qui atteste de la relative distance aux modèles de virilité des classes populaires [79]. Néanmoins, la domination masculine perdure sous des formes plus subtiles [80].

Des modèles de genre masculins hiérarchisés.

77L’étude des modèles de genre masculins véhiculés par la revue Vélo vert confirme la prégnance de la « masculinité hégémonique ». Les rubriques comme « La gamelle d’or » (résistance à la souffrance) ou « le cunu du mois » (exacerbation de la puissance) illustrent de manière idéale typique les effets caractéristiques de cette forme de masculinité dominante.

78Néanmoins, cette « masculinité hégémonique » présente de multiples visages. Dans la revue Vélo vert, elle se traduit par une différenciation en fonction des classes sociales, résumée par l’opposition entre réflexion et action, où les cyclistes des classes favorisées occupent une position dominante, à l’image de l’ingénieur dans l’entreprise. Ainsi, comme le suggèrent Connell et Messerschmidt [81], des formes locales de masculinités hégémoniques, relatives à l’appartenance de classe et hiérarchisées, coexistent avec un modèle plus global, perceptible dans les rubriques « Gamelle d’or » et « Cunu du mois ». Les classes sociales des sportifs interrogés influencent le traitement médiatique dont ils font l’objet et nuancent le processus d’exacerbation des caractéristiques « masculines » : violence, performance, puissance, résistance à la douleur. Les rapports sociaux de sexe entretiennent bien, de ce fait, des relations consubstantielles avec les rapports sociaux de classe [82].

Conclusion

79L’étude des modèles de genre féminins et masculins identifiés dans la revue Vélo vert atteste de la force des « genderisms » associés à chaque sexe [83], tout en permettant l’émergence de formes plus localisées, présentant des caractéristiques différenciées. Les stéréotypes masculins, basés sur la puissance (le « Cunu du mois »), l’exacerbation de la violence (la « Gamelle d’or ») et la performance (rappel constant du palmarès des sportifs dans les articles), concourent à l’élaboration de la masculinité hégémonique [84]. La forte érotisation du corps de la sportive, le rappel constant de son statut de femme, les références à la vie privée, démontrent la présence d’une « emphasized feminity » prégnante. La nudité, présente au sein du magazine pour les deux sexes, apparaît avec une fréquence beaucoup plus importante chez les sportives et reste exposée dans des mises en scène pornographiques (« douces » ou « dures » selon le statut de la sportive dans l’activité). A l’inverse, le nu est source de puissance pour les cyclistes masculins (rubrique « cunu du mois ») notamment par l’exposition d’une certaine musculature.

80La permanence de ces deux modèles « typiques » de genre se combine avec des formes de « masculinités » et de « féminités » plus « localisées ». Dans le cas des hommes, l’appartenance sociale module le processus d’assimilation aux traits récurrents de la masculinité hégémonique. Si l’exacerbation de la « puissance » et de la « débrouille » [85] domine le modèle de masculinité hégémonique populaire, synthétisé sous les traits de l’artisan performant, la valorisation de la réflexion et de la compétence technologique associée aux cyclistes des classes favorisées, atténue la référence aux aspects les plus virils du modèle hégémonique. Dans les deux cas, la référence à la technique ou la technologie et la présentation d’outils ou d’ordinateurs rappelle que ces éléments jouent un rôle central dans la reproduction des différences entre les sexes [86].

81En ce qui concerne les femmes, les modèles de genre varient selon le statut des sportives dans le monde du VTT (championnes, pratiquantes, femmes de pratiquants, mannequins pour les publicités). Ainsi, si le processus d’érotisation s’avère relativement permanent, il peut être plus ou moins marqué, « hard » ou « soft », et s’accompagner par ailleurs de modes de présentation plus novateurs. En effet, la présentation des championnes se rapproche parfois de celle des hommes et les pratiquantes revendiquent également un statut semblable à celui de leurs homologues masculins. La mise en scène des sportives dans la revue Vélo vert combine des éléments très contrastés. « L’emphasized feminity » semble globalement peu questionnée, mais elle se juxtapose avec des formes de « féminité » plus « résistantes » [87], qui contribuent à renouveler l’image de la sportive dans les représentations collectives.

82Cette étude démontre parfaitement le contraste existant entre l’importance des stéréotypes sexués et certaines représentations collectives de la pratique comme activité « fun », plutôt investie par les classes dominantes, et a priori distante à l’égard des modèles diffusés par des sports plus traditionnels (sports collectifs et de combat par exemple). Ce constat suggère un questionnement des stratégies éditoriales des journalistes et de leurs routines, qui n’expliquent cependant pas à elles seules l’exacerbation de la masculinité hégémonique et de « l’emphasized feminity ». Si la proximité des rédacteurs avec le monde du VTT les incite à reproduire ces deux « modèles typiques » de genre, dominants chez les pratiquants, il convient également de s’interroger sur le positionnement de la revue dans l’espace des magazines vététistes. La concurrence avec les revues qui valorisent davantage les pratiques de loisir dans un espace naturel, attirant ainsi un lectorat sans doute plus favorisé, peut inciter les journalistes de Vélo vert à s’adapter plus spécifiquement aux attentes supposées des milieux plus populaires. La comparaison avec les autres magazines du sous-champ et l’analyse du processus de fabrication médiatique permettraient de répondre à cette hypothèse.

Notes

  • [1]
    Guillaumin, Colette. 1992. Sexe, race et pratique du pouvoir, Paris, Côté Femmes Editions.
  • [2]
    Delphy, Christine. 1991. « Penser le genre », in Hurtig, Marie Claude ; Kail, Michèle ; Rouch, Hélène (Dir.). Sexe et genre, de la hiérarchie entre les sexes, Paris, CNRS éditions, p. 89-101.
  • [3]
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  • [4]
    Messner, Mikael A ; Duncan, Margaret C ; Wachs, Faye L. 1996. « The gender of Audience Building: Televised Coverage of Women’s and Men’s NCAA basketball », Sociology Inquiry, vol. LXVI, n° 5, p. 422-439 ; Mikosza, Janine M. ; Philipps, Murray G. 1999. « Gender, sport and the body politic », International review for the sociology of sport, vol. XXXIV, n° 1, p. 5-16 ; Wrigt, Jan ; Clarke, Gill. 1999. « Sport, the media and the construction of compulsory heterosexuality », International Review for the Sociology of Sport, vol. XXIV, n° 3, p. 227-245.
  • [5]
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  • [6]
    Mathieu, Nicole-Claude. 1991. L’anatomie politique : catégorisation et idéologies du sexe, Paris, Côté-femmes éditions ; Kergoat, Danielle. 1992. « A propos des rapports sociaux de sexe », Revue M, Avril-Mai, n° 53-54, p. 16-19 ; Guillaumin, Colette. 1992. Op. cit.
  • [7]
    Mathieu, Nicole-Claude. 1991. Op. cit. ; Kergoat, Danielle. 1992. Op. cit.
  • [8]
    Bourdieu, Pierre. 1998. La domination masculine, Paris, Seuil.
  • [9]
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  • [10]
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  • [11]
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  • [12]
    Ferrand, Michèle. 2004. Masculin, Féminin, Paris, La Découverte.
  • [13]
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  • [14]
    Louveau, Catherine. 2000. « sexuation du travail sportif et construction de la féminité », Cahiers du genre, n° 36, p. 163-183.
  • [15]
    Connell, Robert W. 1983. Which way is up? Essays on sex, class and culture, Sydney, Allen and Unwin, p. 183-188.
  • [16]
    Lahire, Bernard. 2000. « Héritages sexués, incorporation des habitudes et des croyances », in BLOSS, Thierry (Dir.). La dialectique des rapports hommes femmes, Paris, PUF, p. 9-25.
  • [17]
    Connell, Robert W. 1995. Masculinities, Sydney, Allen et Unwin.
  • [18]
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  • [19]
    Connell, Robert W. 1995. Op. cit.
  • [20]
    Connell, Robert W. 1995. Op. cit.
  • [21]
    Connell, Robert W. ; Messershmidt, James W. 2005. « Hegemonic masculinity, rethinking the Concept », in Gender and Society, vol. XIX, n° 6, Décembre, p. 829-859.
  • [22]
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  • [23]
    Neveu, Erik. 2001. Sociologie du journalisme, Paris, La Découverte, p. 31-34.
  • [24]
    Brocard, Corinne. 2000. « Performances sportives et différenciations sexuelles dans les commentaires journalistiques : l’exemple des championnats du monde d’athlétisme », Regards sociologiques, n° 20, p. 127-142.
  • [25]
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  • [26]
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  • [27]
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  • [28]
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  • [29]
    Dargelos, Bertrand ; Marchetti, Dominique. 2000. « Les professionnels de l’information sportive : entre exigences professionnelles et contraintes économiques », Regards sociologiques, n° 20, p. 67-87.
  • [30]
    Morse, Margaret. 1983. Op. cit. ; Davis, Laurel R. 1997. The Swimsuit Issue and Sport. Hegemonic Masculinity in Sports Illustrated, Albany, Suny Press ; Mennesson, Christine. 2005. Op. cit.
  • [31]
    Brocard, Corinne. 2000. Art. cit.
  • [32]
    Coaklay, Jay. 2004 [1981]. Sport and Society : Issues and Controversies, New York, Macgrew Hill.
  • [33]
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  • [35]
    Chiffres obtenus auprès du directeur de la rédaction : Daniel COSTE, après contrôle de l’OJD (Office de Justification de la Diffusion).
  • [36]
    Etude sur 150.000 lecteurs. Source : Didier Coste, responsable de la rédaction de la revue Vélo vert.
  • [37]
    Buysse, Jo Ann ; Embser-Herbert, Melissa Sheridan. 2004. Art. cit.
    Buysse et Embser-Herbert identifient 4 types de mise en scène des athlètes féminines dans les revues spécialisées : les « portraits sur le terrain », les « portraits en uniforme », les « poses » et les « thèmes de la couverture ».
  • [38]
    Lemieux, Cyrille. 2000. « Les blocages sociaux dans l’accès de la pratique des femmes aux médias, l’exemple du rugby », Paris, INSEP/MJS.
  • [39]
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  • [40]
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  • [41]
    Poisson, Claire. 2005. « Céline Gueury », Vélo vert, n° 173, Décembre, p. 58
  • [42]
    Guillaumin, Colette. 1992. Op. cit. Bourdieu, Pierre. 1998. Op. cit.
  • [43]
    Orel. 2006. « Damien Spagnolo, ça va saigner », Vélo vert, n° 176, Avril, p. 55.
  • [44]
    Carradini, Sébastien. 2006. « Fabien Bourly, affûté comme jamais », Vélo vert, n° 176, Avril, p. 80.
  • [45]
    Mathieu, Nicole-Claude. 1991. Op. cit.
    Guillaumin, Colette. 1992. Op. cit.
  • [46]
    Kane, Mary Jo ; Buysse Jo Ann. 2005. « intercollagiate media guide as contested terrain : a longitudinale analysis », Sociology of sport journal, n° 22, p. 214-238
  • [47]
    Neveu, Erik. 2001. Op. cit.
  • [48]
    Dargelos, Bertrand ; Marchetti, Dominique. 2000. Op. cit.
  • [49]
    Les données recueillies ne permettent pas d’approfondir cette hypothèse
  • [50]
    Barel, Fabien. 2006. « Négocier une grande courbe », Vélo vert, n° 161, Novembre, p. 74-75.
  • [51]
    Poisson, Claire. 2006. « Femmes, comment bien grimper », Vélo vert, n° 178, Juin, p. 130.
  • [52]
    Poisson, Claire. 2006. « Dur dur de rouler avec les mecs, la minette du groupe, c’est grave ? » Vélo Vert, n° 181, Septembre, p. 86.
  • [53]
    Mennesson, Christine. 2005. Op. cit.
  • [54]
    Celsius. 2006. « La verte du mois », Vélo vert, n° 184, Décembre, p. 16.
  • [55]
    Bourdieu, Pierre. 1998. Op. cit.
  • [56]
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  • [57]
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  • [58]
    Celsius. 2006. « la verte du mois », Vélo vert, n° 182, Octobre, p. 16.
  • [59]
    Bourdieu, Pierre. 1998. Op. cit. Guillaumin, Colette. 1992. Op. cit.
  • [60]
    Guionnet, Christine ; Neveu, Erik. 2004. Féminins/Masculins, sociologie du genre, Paris, Armand Colin, p. 153-179.
  • [61]
    Celsius. 2006. « Fuites, brèves et indiscrétions », Vélo vert, n° 183, Novembre, p. 12.
  • [62]
    Mac Kay, Jim ; Messner, Mikael A ; Sabo, S (Dir.). 2000. Masculinities Gender Relations and sport, London, Sage.
  • [63]
    Connell, Robert W. 1983. Op. cit.
  • [64]
    Connell, Robert W ; Messershmidt, James W. 2005. Art. cit.
  • [65]
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    Guillaumin, Colette. 1992. Op. cit.
  • [66]
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  • [67]
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  • [68]
    Pociello, Christian. 1981. Op. cit.
  • [69]
    Morse, M. 1983. Op. cit.
  • [70]
    Sabo, Don. ; Panepinto, Joe. 1990. Op. cit.
    Messner, Mikael A ; Duncan, Margaret C ; Wachs, Faye L. 1996. Art. cit. Connell, Robert W. 1987. Op. cit.
  • [71]
    Orel. 2006. « Damien Spagnolo, ça va saigner », Vélo vert, n° 176, avril, p. 55-63.
  • [72]
    Orel. 2006. Art. cit., p. 80-82.
  • [73]
    Bourdieu, Pierre. 1979. La distinction, critique sociale du jugement, Paris, Minuit. SCHWARZ, Olivier. 1990. Op. cit.
  • [74]
    Simon, Thibaut ; Jobic, Christophe. 2006. « Trip Colorado », Vélo vert, n° 182, Octobre, p. 74-78.
  • [75]
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  • [76]
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  • [78]
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  • [79]
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  • [80]
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  • [81]
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  • [82]
    Kergoat, Danielle. 1992. Op. cit.
  • [83]
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  • [84]
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  • [85]
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  • [86]
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  • [87]
    Connell Robert W. 1995. Op. cit.
Français

Résumé

Cet article se propose d’étudier les représentations médiatiques des hommes et des femmes dans le milieu du VTT. Plus précisément, l’objectif consiste à identifier les modèles de genre diffusés par la revue « Vélo Vert », en position dominante dans le sous champ « vététiste ».
Les premiers résultats attestent de la force des « genderisms » associés à chaque sexe. Les stéréotypes masculins, s’appuyant sur la puissance, l’exacerbation de la violence, et la performance, concourent à l’élaboration de la masculinité hégémonique. La forte érotisation du corps de la sportive, le rappel constant de son statut de femme, les références à la vie privée, démontrent la présence d’une « emphasized feminity » prégnante. Néanmoins, la permanence de ces deux modèles « typiques » de genre se combine avec des formes de « masculinités » et de « féminités » plus « localisées », basées sur les classes sociales pour les sportifs et le statut (championnes, pratiquantes, femmes de pratiquants, mannequins pour les publicités) pour les sportives.

English

Hegemonic masculinity and femininities. The gender models in a mountain-bike magazine

Hegemonic masculinity and femininities. The gender models in a mountain-bike magazine

The present article aims at studying the media representations of men and women in the field of Mountain-biking. More precisely, the goal is to identify gender models as they are spread by the “Vélo Vert” magazine which holds a dominating position in the mountain-bikers’ specific press.
The first results testify to the power of the gender classification associated with each sex. The male stereotypes, based on power, violence exacerbation, and performance contribute to the elaboration of a male hegemony. The marking of the sportswoman’s body with strong eroticism, the constant reminder of her status as a female, the references to her private life, demonstrate the overwhelming existence of some “emphasized femininity”. Nonetheless, the persistence of these two “typical” models of gender combines with forms of manhood and womanhood which are more “localised”, based as they are on social classes for the sportsman and, for the sportswoman, on her status (champion, player, player’s wife, fashion-model in adverts).

Mélie Fraysse
Fraysse, Mélie (doctorante) : UFRSTAPS Toulouse III - Laboratoire Sport Organisation Identités (S.O.I) EA 3690
Christine Mennesson
Mennesson Christine (MCU- HDR) : UFRSTAPS Toulouse III - Laboratoire Sport Organisation Identités (S.O.I) EA 3690
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
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Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2012
https://doi.org/10.3917/rsss.002.0025
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