CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Novembre 1969. Lacan, qui ne peut plus exercer son magistère à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm comme il s’était habitué à le faire depuis janvier 1964, dispose alors du grand amphithéâtre de la faculté de droit, place du Panthéon, toujours dans le cadre de son affiliation à l’École pratique des Hautes Études. La première séance inaugure un séminaire que Lacan intitule encore à ce moment-là « La psychanalyse à l’envers [1] ». Ce titre se verra modifié quelque temps plus tard, renversé même, à l’instar de la psychanalyse (à en croire le thème établi du séminaire), sous la forme : « L’envers de la psychanalyse », en référence à l’intrigant roman de Balzac, L’envers de l’histoire contemporaine, que Lacan évoque lors de la dernière séance, en commettant d’ailleurs un curieux lapsus où le mot « vie » remplace le terme « histoire ». Mais en réalité, c’est tout au long de l’année que le psychanalyste aura agité dans tous les sens, pour mieux « jouer » avec, cette notion d’envers au sens du renversement, du retournement, de la face cachée, de l’image négative ou positive, c’est selon, plus encore qu’au sens de l’inversion – l’essentiel étant pour Lacan de révéler, comme il ne s’est pas fait faute de l’indiquer le 21 janvier 1970, « ce que c’est qu’un envers », ainsi que de montrer à quel point – et sans doute d’abord pourquoi – « envers [est un mot qui] assone avec [celui de] vérité[2] ».

L’envers – la vérité

2L’en-vérité de l’un comme de l’autre, en même temps que leur envers à tous les deux : leur enver(s)ité.

3Donc : l’envers de la vérité et la vérité de l’envers. La vérité comme l’envers de ce qui se présente justement comme l’endroit, et qui n’est ainsi que dans la mesure où il se prévaut toujours d’un droit – le droit d’être ce qu’il est, le droit de s’avoir pour être. « M’être » est en effet le mot d’ordre du maître, du discours du maître ; « m’être » est l’expression même de la pensée du manche. Soyons reconnaissants à Lacan de l’avoir souligné.

4Or, comme il s’exprime depuis la faculté de droit et que le droit est supposé pouvoir conférer un statut, Lacan estime qu’il serait temps, et fort bienvenu, de dégager le statut du discours tenu par lui dans un tel lieu. Ce discours est-il conforme à ce lieu, je veux dire à ce que suppose, à ce qu’implique, voire à ce que prescrit l’université (puisqu’il s’agit de cela) ? Mais d’abord, qu’est-ce qu’un statut en général ? Un statut, n’est-ce pas précisément ce qui a toujours affaire avec la structure d’un discours ? Attention : le génitif employé ici n’est autre que subjectif ; il s’agit de ce que le discours lui-même structure. Car, et telle est bien la thèse que Lacan entend soumettre à l’appréciation de son nouvel auditoire, le discours ne structure rien de moins que le monde réel [3], au sens où c’est de lui et de lui seul que le monde se soutient. Parler donc de discours, c’est identifier la façon dont le monde se structure, c’est-à-dire dont le socius à la fois s’unifie dans la parole et fait lien entre les êtres parlants.

5Or il existe différents types de discours. C’est du moins ce que soutient la théorie dite « des quatre discours » de Lacan. Pour ce dernier, en effet, il existe le discours du maître, le discours de l’Université, le discours de l’hystérique, et le discours de l’analyste, chacun de ces discours constituant formellement (mathématiquement) un « quadripode » grâce aux quatre « éléments » qui le composent (éléments appelés aussi « termes » : $ = le sujet, les deux signifiants nécessaires pour représenter ce sujet : S1 = le signifiant-maître et S2 = le savoir comme trésor des signifiants, a = le plus-de-jouir, le reste de jouissance, l’objet cause de désir qui échappe à la capture du signifiant) et dont chacun se loge dans une place différente des trois autres (celle de l’agent, de l’autre, de la production et de la vérité), selon un ordre qui caractérise à chaque fois un type donné de discours. Et c’est ainsi que de discours, il n’en existe jamais que quatre ; pas un de plus [4]. Je précise cela parce que je me souviens d’avoir lu ici ou là qu’il pouvait y avoir seize discours (A. Leupin) ou vingt-quatre discours (B. This), selon certaines combinaisons ou permutations d’éléments. C’est là, en réalité, une aberration qui ne tient aucun compte de ce que Lacan dit expressément – à savoir que les quatre éléments « jouant » dans tout discours se distribuent dans le quadripode selon un ordre, et une logique de rotation des termes dans les places, que rien, jamais, ne saurait démentir et cela pour deux raisons au moins : parce que S2, en tant que chaîne des signifiants, ne peut que « suivre » S1, le signifiant-maître qui domine précisément la chaîne et l’ordonne ou l’organise comme telle (penser autrement, c’est ne rien comprendre à ce qui fonde dans son principe un « ordre symbolique ») ; et parce que, innovation proprement lacanienne, le lien social s’établit toujours à la faveur d’un double rapport de places et non de classes, rapport dont l’ordonnancement même des termes définit l’armature de toute « société » digne de ce nom : une société, ce n’est en effet rien de plus ni rien de moins que cet espace relationnel où l’Agent se soutient de la Vérité, et l’Autre de la Production [5].

6Cette précision faite, je poserai donc la question : à quel type de discours, parmi les quatre discours que découvre Lacan, l’enseignement de ce dernier appartient-il [6] ?

7* * *

8Le discours d’« enseignant » de Lacan repose sur une tactique de la prise de parole ou, plutôt, s’il y va bien d’une stratégie à long terme, sur plusieurs tactiques. J’en vois surtout deux, dont je me propose de présenter les caractéristiques en prenant appui sur un texte de Pierre Macherey intitulé « Lacan et le discours universitaire [7] ». Le regard de Macherey me paraît d’autant plus intéressant qu’il oscille entre une grande lucidité et un aveuglement total quant à la pratique et aux motivations de Lacan.

9La première tactique relève de ce que la parole du psychanalyste, comme l’explique le philosophe, « s’est systématiquement déroulée en mettant en œuvre une rhétorique de la rupture [je souligne] pour laquelle les moyens les plus inattendus, incongruités, coqs à l’âne, calembours burlesques, assertions que leur gratuité rend impénétrables, allusions dilatoires, digressions, interruptions, interpellations provocatrices, pièges en tout genre, sont bons ». Et le philosophe de poursuivre en précisant que « ce qui rend particulièrement difficile la transcription de cette parole d’un type si singulier [une parole que pour ma part, on l’aura compris, je qualifie d’ironiste], c’est qu’il est impossible de restituer les silences [je souligne encore] dont elle est truffée, non en vue de s’ouvrir vers un ineffable, c’est-à-dire un au-delà de ce qui peut être énoncé avec des mots, mais en vue de produire cette suspension de communication [je souligne enfin] qui donne accès à un autre type de rapport à la vérité, peut-être pourrait-on parler à cet égard d’un rapport “réel”, et comme tel à tous les sens du mot impossible, en tout cas exceptionnel, à la vérité [8] ».

10Ce n’est bien sûr pas du tout un hasard si cette description – juste et fidèle – de la tactique oratoire de Lacan (car, j’y insiste, l’oratoire, chez lui, est tactique, essentiellement tactique, comme l’est d’ailleurs l’écriture, mais d’une tout autre façon, même si l’oral et l’écrit ont tous les deux un même dessein : « suspendre la communication » au profit du choc, de la rupture, grâce à quoi l’épochè du sujet de l’énoncé qui en résulte ouvre l’espace de la vérité au sujet de l’énonciation) – nul hasard, donc, si cette description rappelle la manière dont Kierkegaard se représentait Socrate. Pour Kierkegaard, en effet, Socrate représentait en lui-même un « trait suspensif [9] » – un silence. Non seulement, comme l’explique Monique Dixsaut dans une étude remarquable sur l’ironie de Socrate, parce que ce dernier a réussi à « faire taire l’étourdissante parole des sophistes », mais aussi, et surtout, « parce qu’il a ruiné – ironiquement – toute conception positive, encyclopédique, du savoir, toute identification de la science à une somme ou à un système de connaissance [10] ». Et l’on ne s’étonnera donc pas que Macherey, à quelques lignes de distance du texte que je viens de citer de lui, évoque « la torpille Socrate », en soulignant même à cet égard qu’« aux faux prestiges de la communication [et j’ajouterai : de la transmission du savoir], Lacan substitue une maïeutique exigeante dont le mot d’ordre pourrait être “Faites-le vous-même !”, donc : arrangez-vous pour donner par vous-même librement un semblant de cohérence à ce que j’énonce sous la forme d’un message qui, pour être efficace, ne peut se permettre de circuler comme une lettre à la poste [11] ».

11Mais cette maïeutique intentionnelle qui s’adosse sur une rhétorique de la rupture serait un exercice d’une rare vanité si elle ne se soutenait d’une deuxième tactique, bien plus complexe que l’autre. Et c’est précisément cette deuxième tactique qui fait de Lacan un ironiste, au sens que je vais à présent expliquer, alors que le ton de son discours ne se sera jamais voulu systématiquement ironique. Il s’agit de la tactique à laquelle Macherey renvoie quand il parle de cette versatilité de formes autant que de contenus, qui permet au discours de Lacan d’échapper à toute « prise directe [12] ». Il faut cependant se garder d’en conclure qu’en agissant ainsi Lacan brouille « la netteté des frontières qu’il a lui-même établies entre les différents types de discours ». La netteté de ces frontières n’est justement pas en cause. Et elle l’est d’autant moins que c’est grâce à elle précisément que les conditions de ce que j’appellerais un « enseignement véritable » peuvent être dûment remplies – j’y reviendrai. Certes, on ne contestera pas que Lacan se comporte comme s’il tenait en main « un jeu de cartes dont il distribue les donnes sans avoir à en respecter les règles », mais ce n’est pas là une licence qu’il se donne arbitrairement, un caprice dont il s’amuse, et encore moins une manipulation éhontée des règles du discours. Tout ce qu’il fait en se jouant des quatre discours repose sur une considération dans leur logique respective. Et c’est bien pour cela que la mise en lumière de la deuxième tactique permet de répondre à la question posée au commencement : à quel mode de discursivité se rattache la « parole enseignante » de Lacan ?

12Dans sa fameuse thèse sur l’ironie, Kierkegaard dit de Socrate que « sa situation dans la vie est réfractaire à tout prédicat [13] » et qu’il en va de même du discours qu’il tient. Je ne sais si, par sa situation dans la vie, Lacan doit être considéré comme réfractaire à tout prédicat, mais une chose me paraît sûre : c’est que son discours oral – son enseignement – l’était. Les médecins de Sainte-Anne reprochaient à Lacan sa bouffonnerie. Mais ne confondaient-ils pas bouffonnerie et ironie ? Leur différence, Aristote avait pourtant bien pris soin de la graver dans la cire de ses tablettes : « L’ironie, disait-il dans la Rhétorique, est une chose plus libre que la bouffonnerie ; car c’est pour lui-même que [l’ironiste] rend la chose risible [14]. » Toutefois, poser la question : le discours de Lacan est-il sérieux (digne d’être enseigné) ou pas sérieux (indigne d’être enseigné), cela présuppose, dans les deux cas, de pouvoir le ranger dans une catégorie et d’en faire, le cas échéant, le sujet d’un prédicat. Or telle est justement la parole que Lacan prononce au cours du Séminaire – je ne parle donc pas des Écrits, qui sont précisément écrits, c’est-à-dire, si l’on en croit Lacan, qui ne sont pas faits pour être lus [15] – qu’elle a pour modèle premier celle de Socrate – lequel, comme Lacan, n’a pas voulu écrire ce qu’il a constamment cherché à dire –, ce même Socrate qui fut un maître ironiste, mais aussi celle de Kierkegaard, pour autant que ce dernier a voulu indexer, comme Lacan, sa propre prise de parole sur une méfiance absolue vis-à-vis de tout ce qui relève de la « communication directe », ce même Kierkegaard qui se sera préoccupé d’expliquer que le concept d’ironie doit être constamment rapporté à Socrate si l’on désire le concevoir dans toute son ampleur et son authenticité. Est-ce à dire que la parole d’« enseignant » de Lacan, prenant modèle sinon sur le Socrate historique, du moins sur le Socrate de Kierkegaard, se sera rendue volontairement réfractaire à tout prédicat ? Je le crois d’autant plus qu’elle n’a pas cessé, cette parole, et je vais tâcher de le montrer ici, de faire entendre sa partition proprement ininterprétable sur le registre démultiplié des quatre discours mis au jour par Lacan, et ce au gré d’une transformation quasi imperceptible, que l’on ne peut que qualifier de savante, ou du moins de très habile.

13Je tiens aussi que, comme le discours tenu par Socrate, la parole du psychanalyste se sera rendue réfractaire jusqu’au prédicat « ironique » lui-même ! Ainsi que nous le fait remarquer Monique Dixsaut dans son étude déjà citée, « seuls le verbe [ironiser] et l’adverbe [ironiquement] sont employés par Platon dans le portrait qu’il prête à Alcibiade [dans Le Banquet] : Socrate ironise, il fait l’ironiste, il n’est pas ironique. […] L’ironie n’est pas le prédicat, la particularité de Socrate, Socrate est l’incarnation du concept d’ironie, de l’ironie comme acte dévorant et corrosif [16] ». Il en va exactement de même avec Lacan – du moins si l’on s’en tient à son enseignement. Dans cet enseignement, en effet, et parce qu’il s’agit là d’un enseignement véritable, c’est-à-dire d’un enseignement dont la particularité insigne est qu’il refuse en s’exerçant de se placer sous la tutelle, sous la domination, de son propre savoir, de ce savoir qu’il se voue pourtant à formuler, à formaliser et surtout à délivrer à l’endroit de tout autre, Lacan fait l’ironiste, ce qui ne veut pas dire (surtout pas dire) qu’il est ironique dans le ton qu’il adopte (ironique, il ne l’est d’ailleurs que très rarement, seulement à l’occasion, et ponctuellement, c’est-à-dire sans jamais chercher à ce que l’ironie imprègne l’ensemble de son discours).

14Lacan n’est pas souvent ironique – mais il est toujours ironiste : qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Cela veut dire qu’il donne rarement à ses énoncés un ton ironique, au sens rhétorique du mot, mais que pour nous faire échapper à toute positivité du sens – car c’est bien devant notre éternelle soif de sens, à nous, êtres de faiblesse, qui ne cessons de demander au sens de tenir le réel à distance, que Lacan se plaît toujours, je veux dire sans relâche, à retirer son eau –, autrement dit pour nous arracher à l’illusion que la réalité du sens participe du réel (alors qu’il n’en est rien, puisque le sens s’établit à l’intersection des registres de l’imaginaire et du symbolique), Lacan ne cesse de changer de discours, de type de discours, comme nous le faisons d’ailleurs tous, à tout moment, sans nous en apercevoir. Lacan, lui, le fait en toute connaissance de cause, et s’il le fait aussi volontairement, aussi délibérément, c’est surtout parce que ce changement de discours (qui n’a rien à voir avec un simple changement de ton) lui est dicté par l’éthique qui fonde son action, éthique qu’il s’efforce de respecter, non dans le cadre de sa pratique analytique mais dans celle de son enseignement. Enseigner, pour Lacan, c’est agir de façon caractérisée : cela exige que la place de l’agent ne soit occupé exclusivement et définitivement ni par le signifiant-maître, ni par le savoir, ni par le sujet divisé, ni par l’objet cause de désir. Autant dire que, pour Lacan, le discours d’enseignant qui est le sien dans le cadre du Séminaire ne saurait se ranger du seul côté du discours du Maître, ni du seul côté du discours de l’Université, ni du seul côté du discours de l’Hystérique, ni du seul côté du discours de l’Analyste. En d’autres termes, dans son enseignement, on ne saurait dire que Lacan est un maître, un universitaire, un analyste, ou un sujet supposé savoir ou ne pas savoir. Car il y est tout cela en même temps ou, plutôt, il està chaque fois quelque chose à tour de rôle, selon ce qu’il lui revient de dire. L’enseignement est pour lui l’occasion d’un jeu de rôles, grâce auquel Lacan en vient à occuper quatre positions différentes : celle du maître, du savant, de l’hystérique, parfois même de l’analyste. Et il serait bien difficile de dire quand il fait le maître, et quand il fait l’hystérique. Il convient donc d’accentuer une fois de plus les adverbes, tant il s’agit de donner toute son importance à la modalité de la pratique ici en question (« l’enseignement ») : on dira alors qu’il est inutile de vouloir assimiler le discours d’enseignant de Lacan à l’un des quatre discours exclusivement ou définitivement. Et cela, je le répète, pour des raisons que je ne peux faire autrement que qualifier d’« éthiques ». Rien à voir, cependant, avec ce que Lacan comprend lui-même sous le titre : l’éthique de la psychanalyse. Car les raisons éthiques dont je parle n’ont cours, et n’ont elles-mêmes de raison d’être, que dans le contexte d’un enseignement, je dirais même plus : d’un enseignement véritable, qui sait ce qu’il fait et pourquoi il le fait. On appellera donc cela : l’éthique du Séminaire. Ainsi, au nom de cette éthique non formulée, Lacan refuse de considérer que son enseignement ait pour fonction exclusive et définitive de produire des « esclaves », des « élèves » ou de « disciples » ; il se refuse tout autant à s’adresser à des sujets qui, à l’écoute de sa propre « élucubration de savoir », pourraient ne pas s’y reconnaître, je veux dire par là : ne pas savoir reconnaître les maîtres-signifiants qui dominent le savoir qui leur est dispensé. Ce n’est pas dire que son auditoire ne soit pas tout cela, qu’il n’existe pas dans la salle d’esclaves, de disciples, de sujets manipulés et aliénés (comme on sait, il y en avait même énormément), mais du point de vue de l’agent du discours, de celui qui occupe cette place, aucun être parlant mis à la place de l’autre ne saurait être ni ceci ni cela de manière essentielle, substantielle, et une bonne fois pour toutes, mais seulement au gré d’un changement à chaque fois déceptif, à la faveur duquel « l’autre » se trouve, du fait de la parole qui lui est enseignée et dont il est, de fait, ici et maintenant, à l’écoute, dans l’impossibilité absolue de s’identifier à la jouissance qu’il en retire. Je pourrais le dire encore autrement : à la différence du Maître ou de l’Analyste, l’Enseignant ne vise à produire ni identification ($ —> S1) ni transfert (a —> $).

15Il faut le dire positivement : l’Enseignant vise quelque chose, il vise à désamorcer dans le discours et par lui les effets qu’il entraîne. Il entend donc déjouer, avant même qu’ils ne se produisent, l’identification et le transfert que provoque chez « l’autre » la seule position d’agent dans le discours (c’est-à-dire peu importe que cette position soit occupée par $, S1, S2, a). Mais comment ? Telle est mon hypothèse : en faisant l’ironiste.

16Car il appartient à l’ironiste, ainsi que nous l’apprend encore Monique Dixsaut, de « substitue[r] l’interrogatif à l’assertorique [17] ». Ce que Lacan savait du reste fort bien, puisqu’il remarquait lors la deuxième séance du Séminaire portant sur La relation d’objet (Livre IV) que « l’ironie n’est pas une réaction agressive, l’ironie est avant tout une façon de questionner, un mode de question ; [et que] s’il y a un élément agressif, c’est secondairement à la structure de l’élément de question qu’il y a dans l’ironie [18] ».

17Ce déplacement de sens ou, plutôt, cette fixation d’un sens prioritaire rattaché à l’ironie explique que l’on puisse être ironiste – c’est-à-dire que l’on cherche à substituer l’interrogatif à l’assertorique – sans pour autant pratiquer l’ironie comme « façon de parler », comme forme rhétorique du discours tenu. S’il y a quelqu’un qui a tôt fait de comprendre que « la dimension ironique constitue l’insaisissable de tout énoncé [19] », c’est bien Lacan – cet insaisissable inhérent à tout énoncé étant, de son point de vue, le sujet de l’énonciation lui-même, lequel se glisse inévitablement (sauf forclusion) sous le sujet de l’énoncé. Rappelons-nous ce que Lacan écrivait au sujet de la transcription du Séminaire dans la postface du premier publié : « Mais j’ai encore à rendre à l’auteur de ce travail [l’auteur de ce travail de transcription et d’édition est J.-A. Miller] de m’avoir convaincu – de m’en témoigner son cours durant –, que ce qui se lit de ce que je dis, ne se lit pas moins de ce que je le dise. L’accent à mettre étant sur le dire, car le je peut encore courir [20]. » D’où la fonction non pas de l’ironie, mais de l’ironiste : faire surgir le dire dans le dit (dans ce qu’il dit lui-même) afin de libérer le Je qui lui donne d’être. Toute l’éthique du discours d’enseignant de Lacan est là : là où est le dire – à savoir dans le dit –, il s’agit de faire advenir le Je. Le faire advenir, le faire affleurer à même le dit, afin d’ouvrir l’espace de jeu (du Je) où le semblant peut enfin être pris en défaut. L’ironiste est un maître du discours, la chose ne fait pas de doute, mais sa maîtrise consiste en ce qu’au milieu de l’énoncé, il montre sans le dire l’énonciation qui préside à son établissement, monstration qui a pour conséquence directe de rappeler au destinataire de l’énoncé qu’il n’y a pas d’énoncé qui ne se soutienne d’un désir.

18L’ironiste n’a qu’une idée, une obsession : réduire à néant une prétention[21], la prétention de la chaîne signifiante, autrement dit d’un savoir, convaincue de mener le jeu à l’intérieur du discours. Mais comment faire ? On s’efforcera, tel Socrate, de « se déprendre de tout contenu, de toute positivité empirique ou idéelle [22] », comme l’indique Monique Dixsaut. Mais encore ? Cette déprise elle-même, sous quelle forme se réalise-t-elle ?

19L’enseignement de Lacan forme un discours au sens lacanien du mot, c’est-à-dire qu’il répond à un montage « quadripodique ». En effet, ce discours a affaire à S1, au signifiant-maître, à S2, au savoir, à a comme objet cause de désir et à $, au sujet qui pâtit du signifiant. Certes, le discours d’enseignant de Lacan est un discours de « savoir », mais dire cela s’avère des plus insuffisants s’il est vrai qu’il faut encore situer le savoir (S2) dans l’ordre du discours, c’est-à-dire par rapport à S1, $ et a. Or tout, ici, laisse à penser que l’enseignement oral de Lacan – le « savoir » qu’il y dispense – repose en fait sur les quatre caractéristiques suivantes :

201. Ce savoir (S2) est en principe subordonné, mis au travail, en position d’autre, par un agent qui tient du signifiant-maître (« retour à Freud », ou autre, comme « antiphilosophie », par exemple), et ce S1 qui le domine sert à le justifier en même temps qu’il l’unifie en lui-même ; c’est par là, en tout cas, qu’il acquiert sa portée véritable (discours du Maître).

212. Mais ce savoir a lui-même tendance à passer en position d’agent dans le quadripode, c’est-à-dire à vouloir mener le jeu en prenant la place du signifiant-maître qu’il occulte dès lors et par là même (discours de l’Université).

223. Et cependant, par la façon dont l’enseignement se déroule et qui a été décrite plus haut (je pense surtout à ce dont il a été dit qu’il répond au nom de « première tactique »), le savoir dispensé y est constamment mis en demeure de s’expliquer et ainsi de produire plus de savoir encore. Le savoir, de séminaire en séminaire, voire séance après séance, se déplace ainsi pour occuper la position allouée dans le quadripode à la production, à la chose produite (discours de l’hystérique).

234. Mais l’essentiel, en vérité, se situe encore ailleurs. Car le savoir qui ne laisse pas de se faire représenter dans le déroulement même de l’enseignement, occupe également, et surtout, la place de la vérité (discours de l’analyste). Néanmoins, les rapports entre savoir et vérité sont des rapports de non-recouvrement mutuel, d’excédence de la vérité sur tout savoir. Si bien que quand le savoir occupe le lieu de la vérité, il reste alors une part de non-dit. D’où la conclusion qu’en tire Lacan, à savoir que la vérité, l’on ne peut jamais que la « mi-dire ». C’est de cette excédence de la vérité sur le savoir que Lacan a toujours voulu témoigner dans son enseignement, et c’est cela même qui explique que le Séminaire ait eu de tout autres effets sur l’assistance que le discours universitaire n’en a généralement sur une assistance composée d’étudiants, venus « simplement » apprendre ou devenir « unité de valeur », comme Lacan le dit, certes avec humour, mais avec beaucoup de pertinence.

24Ces caractéristiques de l’enseignement oral de Lacan, qui font, hors de toute considération pour le ton employé, se modifier imperceptiblement la fonction de sa parole, renvoient, chacune respectivement, aux quatre discours qui spécifient la structure formelle de tout discours digne de ce nom. On demandera alors : comment se peut-il qu’une même parole participe des quatre discours caractérisés ? Que l’on se souvienne ici que le discours, en règle générale, est constitué de telle façon qu’il suffise que chacun des quatre éléments qui en forment la structure se déplace, dans la position qu’il occupe, d’un cran, pour que le type de discours change. C’est pourquoi le fait que l’enseignement de Lacan rassemble les quatre types de discours veut dire qu’il ne cesse, lui, en discourant, de faire pivoter la machine discursive, ou l’appareil langagier, comme il préfère le dire, passant ainsi du discours du Maître au discours de l’Université, et du discours de l’Université au discours de l’Analyste, et du discours de l’Analyste au discours de l’Hystérique, et du discours de l’Hystérique au discours du Maître. Et c’est pourquoi aussi il sera toujours extrêmement difficile d’arrêter la roue du discours d’enseignant de Lacan sur l’une de ses quatre positions possibles (l’une de ses « figures ») si l’on désire donner une « image » exacte de la nature discursive de son enseignement.

25Mais il ne s’agit pas d’un constat négatif : la « critique » de Macherey n’a pas lieu d’être, car il n’a jamais été dans les intentions de Lacan d’inscrire son propre discours d’enseignant dans l’une des catégories nettement délimitées par lui, mais de les mettre en œuvre, de les laisser opérer, en les faisant justement se délimiter elles-mêmes les unes par les autres. Et sans doute épousera-t-on le point de vue de Macherey tant que l’on n’aura pas compris que ce qui, dans l’enseignement oral de Lacan, agit en sous-œuvre pour faire tourner la roue de son discours, c’est l’enjeu ironiste qui préside à sa prise de parole. C’est donc avec beaucoup de précaution que j’affirmerai : ce qui fait tourner la roue du discours, c’est l’ironie de Lacan. Car tout dépend en vérité de ce que l’on entend par ironie. Or l’ironie, chez Lacan, se définit précisément comme cette capacité, propre à l’agent du discours, de jouer sur tous les tableaux à la fois, parce qu’il maîtrise (là est la force de l’ironiste) la mobilité de la structure de tout discours. Plutôt que de saluer ou d’attaquer la « virtuosité du prestidigitateur », il faut savoir reconnaître la maestria, la pétulance et le talent oratoire de celui qui a su faire avec le fait que le discours de l’homme est doté, dans son être même, d’une structure mobile et que les éléments qui font fonctionner cette structure, si ordonnés qu’ils soient selon un certain ordre, peuvent toujours changer de position et modifier le type de discours en conséquence.

26* * *

27Si Lacan avait été ironiste pour des raisons extrinsèques à sa pratique d’analyste, à coup sûr il aurait ressemblé non au Socrate de Kierkegaard, mais au Socrate que se représentaient ses contemporains tels que Thrasymaque, Calliclès, ou les Athéniens en général. C’est-à-dire qu’on aurait eu raison d’interpréter son ironie comme une variante de l’attitude exprimée par le sens ancien (présocratique) du mot eirôneia, à savoir la feinte ignorance ou la fausse naïveté des choses, que l’on manifeste pour mieux dissimuler le savoir positif que l’on détient en réalité et que l’on pourrait très bien formuler si l’on devait cesser de jouer à ce jeu contrariant [23]… Or le moins que l’on puisse dire est que « l’ironie » pratiquée par Socrate, incarnée même par lui, a changé de sens grâce à lui. Socrate ironisait précisément parce qu’il « savait qu’il ne savait rien » et donc qu’il n’avait aucun savoir positif à dissimuler ou à délivrer le cas échéant.

28Si bien qu’il n’y avait chez lui ni feinte ignorance ni fausse naïveté. Il n’y avait même pas un désir de savoir. Une seule chose le caractérisait : un besoin de questionner et de ne jamais prendre les réponses envisagées pour des « vérités éternelles ».

29C’est dans le droit fil de cette antique attitude que Lacan enseigne, une attitude, faut-il le rappeler, qui ne confine nullement au scepticisme. Mais il ne s’agit pas là de donner corps à l’idée selon laquelle « le discours analytique est le seul qui ne se prend pas lui-même pour vérité ». Il s’agit de l’ek-sistence même de la vérité, c’est-à-dire du fait qu’elle ne peut que se tenir et se maintenir en dehors de tout discours, s’il est vrai qu’elle relève tout entière et comme telle du désir. Et c’est bien alors dans la mesure exacte où elle relève du désir que tout discours qui prétendrait la maîtriser n’est rien de moins que supercherie, qu’imposture. On comprend mieux, dans ces conditions, qu’en faisant l’ironiste Lacan ait permis, tout en demeurant fidèle au savoir discursif, de retourner, de renverser la maîtrise de la vérité, cette prétention extravagante, en tout cas de la rabattre je ne dirai pas sur son contraire (ce serait faire profession de scepticisme) mais sur son envers. Il appartient en effet à cet envers-là d’abriter seul la mesure du « savoir » psychanalytique.

30Tout comme « le déplacement (le virement de la signification que la métonymie démontre) est le moyen de l’inconscient le plus propre à déjouer la censure », ainsi que le stipule Lacan quelque part dans ses Écrits[24], le « trait suspensif » que l’ironie est en mesure d’accomplir est le moyen du discours le plus propre à déjouer l’occupation de la place de la vérité par le signifiant-maître (S1) ou par le savoir (S2) – ou bien encore de cette part de jouissance qui échappe à la capture du signifiant (a). Ç’aura été la grande leçon de Socrate en butte à la mystification sophistique et faisant en conséquence profession de philosophie, afin d’éviter la maîtrise du discours dont les sophistes se rendent coupables à ses yeux ; mais ç’aura été aussi celle de Lacan en butte à la mystification philosophique, et faisant en conséquence profession d’antiphilosophie afin d’éviter « l’hystérisation du discours [25] » dont les philosophes se rendent coupables à ses yeux.

31Ne procédant ni à l’absolutisation du Savoir, ni à la relativisation de la Vérité, le Lacan enseignant, donc ironiste, en faisant tourner sans arrêt – sans arrêt sur image – l’ensemble des quadripodes discursifs, dans l’ordre qui est le leur, avec toutes les permutations d’éléments qu’une telle rotation suppose, espérait déjouer ainsi l’identification du Savoir et de la totalité telle qu’elle se produit aussi bien sous la forme d’un savoir totalisé que sous la forme d’un tout-savoir.

32Le savoir de l’ironiste n’est pas un savoir qui ne se saurait pas, car tel est en règle générale l’apanage de S2. Non, l’ironiste a bien plutôt un savoir qui se sait, mais comme à la fois savoir non totalisable et pas-tout savoir.

33Lacan affirme dans L’envers de la psychanalyse : « Le ventre de l’Autre, du grand A, […] est celui qui donne, tel un cheval de Troie monstrueux, l’assise du fantasme d’un savoir-totalité. Il est pourtant clair que sa fonction implique que quelque chose y vienne frapper du dehors sans quoi jamais rien ne sortira et Troie ne sera jamais prise [26]. »

34Mais qu’est-ce qui viendrait frapper du dehors le ventre du grand Autre ? Qu’est-ce qui provoquerait enfin la prise de Troie ? Réponse : le surgissement du réel, comme ce qui ne se laisse en aucun cas digérer par le grand Autre. Or qu’est-ce que l’ironie, précisément, si ce n’est, comme l’a remarquablement défini Kierkegaard, « ce jeu infiniment léger avec le rien [27] » ? Et ce rien, dont Kierkegaard dit aussi qu’il « dévore tout », qu’il est « quelque chose impossible à saisir, qui est et qui n’est pas tout à la fois [28] », ce rien avec lequel l’ironiste joue à un jeu infiniment léger, qu’est-il donc, dans le cas de Lacan, sinon ce rien de signifiant comme quoi il définit le réel ? L’ironie comme jeu infiniment léger, voilà donc ce à quoi la « science du réel » – du réel comme ce qui échappe au semblant, comme ce que le signifiant est en tout cas dans l’impossibilité de saisir – qu’est la psychanalyse accule son propre discours à prendre en compte, et ce à quoi, par conséquent, à chaque séance de Séminaire, Lacan aura joué en ironiste patenté. J’ajouterais même que ce jeu, Lacan l’aura joué aussi ironiquement : en dissimulant qu’il y jouait en qualité d’ironiste.

35Ce n’est pas qu’il a fait semblant de dire la vérité ou de mettre le savoir à la place de la vérité, c’est qu’il n’a jamais dit – et c’est bien là que réside sa suprême ironie – que l’ironie était probablement, dans l’ordre du discours, la meilleure façon de mi-dire la vérité, ainsi que le prescrit l’éthique du Bien-Dire dont se réclame toute psychanalyse qui se respecte.

36Revenant sur les ambiguïtés de son Séminaire précédent sur L’envers de la psychanalyse, Lacan assure en janvier 1971, lors d’une séance du Séminaire D’un discours qui ne serait pas du semblant, que « le discours du maître n’est pas l’envers de la psychanalyse, il est où se démontre la torsion propre, dirais-je, du discours de la psychanalyse [29] ». S’il est une maîtrise à imputer à Lacan, ce n’est pas tant celle du discours de la psychanalyse que celle de la torsion propre dont est susceptible d’opérer à tout moment le discours de la psychanalyse. C’est cette maîtrise-là qui aura fait de lui un maître-ironiste.

37On ne peut pas définir le discours d’« enseignant » de Lacan comme un discours du maître ni comme un discours de l’analyste – exclusivement. Mais du discours du maître il n’est pas plus « l’envers » que « l’endroit ». En revanche, il en est le revers. Le discours ironiste de Lacan – ironiste, et non pas ironique – est le revers du discours du maître dont Lacan, « enseignant », sait qu’il revêt le rôle inévitablement. Si je parle de revers, on l’aura peut-être compris, c’est au sens où l’on parle d’« infliger un revers » à qui s’est arrogé une place qui n’est pas censée être la sienne. Or tel est précisément ce qui guette le savoir, fût-il nommé psychanalytique, quand surviennent deux événements : l’universalisation et l’hystérisation du discours, deux menaces que Lacan a cherché à tout prix (mais pas toujours avec bonheur) à éviter dans la pratique du Séminaire. En effet, dans le premier cas (discours de l’Université), le savoir se trouve situé en position d’agent sans égard pour le sujet qu’il produit comme sujet de la connaissance, tandis que dans le second cas (discours de l’Hystérique), le savoir se trouve produit dans l’occultation de la jouissance dont le sujet se soutient dans son désir de connaissance.

Notes

  • [1]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XVII (1969-1970), L’envers de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Le Seuil, 1991, p. 10.
  • [2]
    Ibid., p. 69.
  • [3]
    Ibid., p. 17.
  • [4]
    Le discours dit « capitaliste », qu’évoque parfois Lacan, est une variante paroxystique du discours du maître, un aménagement particulier de sa structure. Lacan dit, son « fin mot ». « Le discours du capitaliste, copulant avec la science, est le fin mot du discours du maître » (ibid., p. 126). Plus précisément, c’est le discours du maître, mais en tant qu’il est devenu non repérable, en raison de la prolifération des signifiants-maîtres qui lui donnent consistance.
  • [5]
    Étudier ces deux rapports, leurs éléments constitutifs et leur logique interne nous entraînerait trop loin ; aussi remettons-nous leur analyse à plus tard.
  • [6]
    Précisons encore. La question n’est pas : de quelle façon le monde réel se trouve-t-il soutenu par le discours d’enseignant de Lacan ? Cette question énorme, disproportionnée, est une question à laquelle, je crois, personne n’a les moyens de répondre. En revanche, il est permis de s’interroger pour savoir de quel type de discours cet enseignement relève intrinsèquement. C’est à cette question-là que je m’attache donc ici.
  • [7]
    Cf. http://philolarge.hypotheses.org/87. Je signale qu’une version plus courte de ce texte a été insérée dans l’ouvrage de P. Macherey, La parole universitaire, Paris, La Fabrique, 2011.
  • [8]
    P. Macherey, « Lacan et le discours universitaire (1) », op. cit.
  • [9]
    S. Kierkegaard, Le concept d’ironie constamment rapporté à Socrate, dans Œuvres complètes, tome II, trad. P.-H. Tisseau et E.-M. Jacquet-Tisseau, Paris, Éditions de l’Orante, 1975, p. 180.
  • [10]
    M. Dixsaut, « Thalès ou Socrate : qui commence ? Ou : de l’ironie », dans Platon et la question de la pensée. Études platoniciennes I, Paris, Vrin, 2000, p. 25.
  • [11]
    P. Macherey, « Lacan et le discours universitaire (1) », op. cit.
  • [12]
    Macherey écrit en effet : « Avec la virtuosité d’un prestidigitateur, Lacan passe d’une modalité du discours à une autre, en vue de brouiller les pistes, et l’entreprise d’élucidation qu’il a en principe initiée débouche sur une plus grande obscurité que celle qui était installée au départ. En effet, en pratiquant une versatilité qui lui permet d’échapper à une prise directe, Lacan installe un doute quant à la netteté des frontières qu’il a lui-même établies entre les différents types de discours : il donne l’impression d’avoir en main un jeu de cartes dont il distribue les donnes sans avoir à en respecter les règles, des règles dont il s’affranchit avec une vertigineuse aisance pour pouvoir mieux exécuter ses tours. En d’autres termes, pour reprendre la référence sur laquelle il revient lui-même constamment, il reste prisonnier de la relation maître-esclave dont il fait à la fois un champ de bataille et un terrain de jeu, en tentant d’en détourner les contradictions à son profit » (P. Macherey, « Lacan et le discours universitaire (2) » – cf. http://philolarge.hypotheses.org/101.).
  • [13]
    S. Kierkegaard, Le concept d’ironie constamment rapporté à Socrate, p. 164.
  • [14]
    Aristote, Rhétorique, III, 1419 b 8-9.
  • [15]
    « En écrivant Écrits sur l’enveloppe du recueil, c’est ce que j’entendais moi-même m’en promettre : un écrit à mon sens est fait pour ne pas se lire » (J. Lacan, Le Séminaire, Livre XI (1963-1964), Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Le Seuil, 1973, p. 251).
  • [16]
    M. Dixsaut, op. cit., p. 37.
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre IV (1956-1957), La relation d’objet, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Le Seuil, 1994, p. 30.
  • [19]
    M. Dixsaut, op. cit., p. 37.
  • [20]
    J. Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, op. cit., p. 251.
  • [21]
    L’expression est de M. Dixsaut, op. cit., p. 41.
  • [22]
    Ibid., p. 19.
  • [23]
    Voir, sur tout cela, M. Dixsaut, op. cit., p. 34.
  • [24]
    J. Lacan, Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 511.
  • [25]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XVII (1969-1970), L’envers de la psychanalyse, op. cit., p. 35.
  • [26]
    Ibid.
  • [27]
    S. Kierkegaard, op. cit., p. 243.
  • [28]
    Ibid., p. 120.
  • [29]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XVIII (1970-1971), D’un discours qui ne serait pas du semblant, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Le Seuil, 2007, p. 9.
Français

Quel est le régime du discours que tient Lacan dans le Séminaire ? Suffit-il de le décrire comme un discours d’analysant pour en définir la teneur ? Ne participe-t-il pas, selon une modalité qui reste évidemment à préciser, des quatre discours dégagés par Lacan et réputés par lui être les seuls possibles ? En se posant ces questions, l’on pourrait peut-être commencer à comprendre quelle est la position éthique qui, aux yeux de Lacan lui-même, préside à la dispensation de son enseignement.

Mots-clés

  • Lacan
  • Séminaire
  • ironie
  • discours
  • enseignement
Paul Audi
Paul Audi, normalien, agrégé de philosophie, docteur en philosophie.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 15/03/2013
https://doi.org/10.3917/sc.016.0094
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