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La rivière Salween coule du plateau tibétain dans la mer d’Andaman. Cet étroit bassin sépare la Chine de l’Inde depuis des siècles. Son cours supérieur a également contribué à dessiner la frontière mouvante entre les provinces infectées et non infectées par la peste bubonique depuis le xive siècle. Lorsqu’une révolte a éclaté dans les années 1850 dans la province du Yunnan, les troupes chinoises ont traversé le Salween à gué pour réprimer les insurgés. Ignorant la présence de la bactérie Yersinia pestis, les soldats ont été contaminés et ont propagé la maladie de l’autre côté du fleuve. Lorsque les troupes sont rentrées chez elles ou ont été redéployées par les autorités Qing dans l’intention de réprimer la révolte de Taiping et chasser les agents européens de la guerre de l’opium, le pestis s’est répandu dans tout l’empire du Milieu. Alors que les Qing s’efforçaient d’éteindre les feux de la sédition, ils étaient impuissants face aux flambées de l’épidémie de peste. Dans les années 1890, celle-ci avait infecté les ports conventionnés. En 1894, les colonies européennes de Canton et de Hong Kong ont paniqué devant les bubons enflés et les éruptions de pus. En 1898, la peste a atteint Bombay, exterminant six millions d’Indiens. Puis il y a eu Aden, Mogadiscio, Le Caire, et la crainte que Rome et Marseille soient les prochaines victimes de la pandémie. La peste s’est manifestée à San Francisco en 1900.
Le tissu de l’intégration mondiale semblait bien être en jeu ; la crainte d’une nouvelle peste noire devançait l’arrivée d…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 05/01/2021
- https://doi.org/10.3917/cite.084.0067
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