CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Dans une lettre à Edmond Lepelletier, le 22 août 1874, expédiée avec un post-scriptum au début du mois suivant, Verlaine adresse pour la première fois une copie des « Vieux Coppées », cent vers sous la forme de dix dizains numérotés que l’écrivain qualifie par ailleurs de « farces  [1] ». L’entreprise imitative et satirique ne devait sûrement pas échapper à son correspondant. Si Verlaine en souligne néanmoins les traits comiques voire grossiers et carnavalesques, c’est qu’une telle série prend place dans son recueil en train, Cellulairement, dont il livre l’ouverture et la conclusion dans le même envoi : « Au lecteur » et « Final ».

2 De sa prison où il purge sa peine après l’affaire de Bruxelles, rejeté par le milieu parnassien, Verlaine a suivi l’élaboration matérielle puis la publication de Romances sans paroles. Au cours de l’année 1873, l’unité du volume suivant se précise, et doit comprendre « quelques fantaisies » comme les quatre sonnets de « Mon almanach pour 1874 » mais aussi « des récits plus ou moins diaboliques  [2] » : L’Impénitence finale, La Grâce, Don Juan pipé, Crimen Amoris auxquels Verlaine ajoute en septembre 1874 Amoureuse du diable. La diversité et l’hétérogénéité, qui caractérisent la manière de Cellulairement, partagent en outre les textes entre le « vieux système  [3] » poétique, encore opératoire dans Romances, et le nouveau que cherche l’auteur depuis mai 1873 : un essai de réforme d’abord attaché au projet socialiste des Vaincus. Bien que ce volume ait été par la suite abandonné, une préface prévue à cet effet devait d’après Verlaine « tombe[r] tous les vers, y compris les [s]iens  [4] ».

3 Le titre « Vieux Coppées » n’est pas sans évoquer l’idée de « vieux système », et participe à cet égard d’une logique de mutation et de transition dans l’œuvre. Certes, Cellulairement n’a pas été publié mais démembré, et les dizains comme l’ensemble des autres pièces redistribués dans les recueils ultérieurs  [5]. Le contraste fait sens cependant dans l’instabilité qui gouverne l’organisation et le devenir des textes. D’une part, si l’on considère la lettre d’août/septembre 1874, à côté du « Final » qui nourrit la scène mystique de Sagesse, II, 4 « Mon Dieu m’a dit… », et de « Au lecteur » qui intègre Parallèlement sous l’espèce d’un « Prologue d’un livre dont il ne paraîtra que les extraits ci-après », le registre ludique de la séquence déroge au cadre axiologique du futur cycle chrétien dont, sans le savoir encore, Verlaine vient de disposer les principales bornes. Il relève du champ a priori plus marginal de la « parapoésie  [6] » qui va de l’Album zutique aux Dixains réalistes. D’autre part, si l’on observe l’ordre retenu en 1875, les « Vieux Coppées » s’enchâssent entre « Images d’un sou », des vers mêlés qui puisent dans la matière populaire, et « L’Art poétique » qui condense moins l’esthétique des Romances qu’il n’accomplit une parodie du genre invoqué  [7].

4 Dans chaque cas, les « Vieux Coppées » obéissent à un agencement concerté. Ils assurent la cohérence et l’articulation de plusieurs manières de l’auteur. Pourtant, ces textes sont primitivement destinés à un « pastiche infâme » qui prend pour cible déclarée la « lyre » (X, v. 8) de François Coppée. L’énoncé polyphonique anticipe sur un ton narquois l’accueil que réserveraient « tous gens de goût » (v. 9) à la contre-poétique que Verlaine tente ainsi d’instaurer. Autant d’audaces et de provocations qui seraient jugées viles et basses en ce qu’elles menacent la fama ou la renommée désormais acquise d’une figure éminente de la littérature contemporaine. Car l’œuvre « dûment appréciée » (v. 9), accumulant capital culturel et capital économique, est symboliquement usurpée. La rime pire : lyre (v. 8-9), antithèse exacte de délires : lyres dans « Ariettes oubliées, II », achève d’en faire le synonyme de la médiocrité, voire de la nullité.

5 Emblèmes (anti-) académiques, les « Vieux Coppées » conservent toutefois une certaine autonomie. Plusieurs pièces s’éloignent en partie de leur référent d’origine. Dans un cadre chronologique et narratif déterminé, elles engagent des fragments d’autobiographie, d’histoire et de politique qui sont l’occasion d’une réflexion sur l’art par-delà le domaine où s’exerce la voix de la raillerie. En vérité, ces deux perspectives demeurent intrinsèquement liées : écrire à la manière de n’empêche nullement d’avoir une manière personnelle [8], et même de puiser dans l’imitation et la contrefaçon de quoi la renouveler. Ainsi, tandis qu’elle motive une hypothèque radicale du modèle parnassien, dont la fonction séminale pour l’ensemble de l’œuvre est incontestable depuis Poëmes saturniens, la séquence des « Vieux Coppées » inaugure parallèlement une critique de la manière : une anti-manière (para-zutique et post-parnassienne) qui devient une manière critique propre à Verlaine.

LE MODÈLE ET SES STÉRÉOTYPES

6 Sans doute imiter les dizains de Coppée est un geste d’époque et une formule collective. La manie supplante dans bien des cas la manière. En effet, ces tics obsèdent à un degré comparable Cros, Valade, Rimbaud ou Nouveau. Ils occupent sur un mode plus anecdotique et circonstanciel les échanges épistolaires entre Verlaine et Delahaye de 1875 à 1880. Le coppée qui est le nom métonymique d’une forme s’apparente alors à un genre.

7 Estimant d’ailleurs que de tels procédés « ont fait leur temps », l’auteur est tenté par la suite de leur substituer de « Vieux-Verlaines  [9] », et d’ouvrir la voie à une expression assez rare et singulière : l’auto-pastiche. Le genre prépare un ensemble de pratiques qui inclut aussi bien la section « À la manière de plusieurs » qu’une pièce comme « À la manière de Paul Verlaine ». Après s’être réapproprié l’œuvre d’un autre, il s’agit maintenant de « déverlainiser  [10] » sa propre écriture.

8 Car le dizain est malgré tout porteur d’une signature, et il l’est déjà chez Coppée en 1875 dans Promenades et intérieurs dont dix-huit pièces avaient été réunies dans le deuxième Parnasse contemporain (1869-1871). Entre Baudelaire et Hugo, la « flâneuse Muse » (XVI) du poète se plaît à évoquer les « gens du peuple » (VI) des faubourgs parisiens aux banlieues, en privilégiant types et… stéréotypes : les collégiens (X), le charretier (XIII), les noceurs (XVI), la sœur de charité (XVIII), la veuve et l’épicier (XX), les bourgeois et les mères de famille (XXIV), le militaire invalide (XXIX), l’aiguilleur (XXXV).

9 De ce que l’instance semble régulièrement vouée à l’« impression » et à l’« instant » (XXXIX), les vers donnent sens aux « riens » (I) qui trament l’existence de chacun. Ils rattachent l’incident ou l’accident à une dominante réaliste. De fait, le genre des « Coppées » se révèle inséparable de l’ordinaire. Catégorie politique, c’est l’ordinaire qui règle le modèle discursif du poème : en « conter » au lecteur, et « causer » ainsi qu’il est permis entre « deux paisibles amis » (I). Synthèse d’un lien familier et spontané, c’est là une écriture sans conflits.

10 De nature métatextuelle, les deux fragments disposés à l’ouverture et en clôture des « Vieux Coppées » en reproduisent et détournent aussitôt le pacte esthétique : « Tout désir un peu sot, toute idée un peu bête/Et tout ressouvenir stupide » (I, v. 5-6). À la quantité nulle, substantivée et essentialisée (riens), répond l’indéfini tout qui distribue les éléments d’une totalité, vidant la matière poétique jusqu’à l’insignifiance.

11 La séquence semble inversement dépeuplée et, loin de convoquer des types censément représentatifs de la société, met à nu les ressorts de la communication écrite et littéraire, en se recentrant sur ses principaux acteurs : le locuteur je assimilé à l’auteur, « Paul V… » (V, v. 2), le « lecteur » ou la « lectrice » (X, v. 2), mais aussi « les éditeurs » (V, v. 3), les « protes » (X, v. 7) et le « libraire » (V, v. 10).

12 Quant au diptyque, « promenades » et « intérieurs », il se trouve réduit ou dégradé. La campagne de « Saint-Denis » est « bête et sale » (III, v. 1) et n’offre comme « décor » (v. 8) que les « désastres » de la guerre de 1870. Loin du confort bourgeois, où il est possible de méditer et de rêver, le sujet est ensuite astreint à l’exiguïté des « cellules » (VIII, v. 3) comme à « la paille humide des cachots » (II, v. 10).

LE NOMBRE ET LE SAUCISSON

13 De ces « dizains chastes » (I, v. 2), il ne subsiste plus chez Verlaine qu’un « saucisson » (v. 3). La comparaison culinaire, sur laquelle on reviendra, donne ici une traduction triviale du réalisme coppéen. Dans ce poème de poèmes, les morceaux de charcuterie soutiennent une représentation dérisoire de l’essai de composition : au-delà c’est l’agencement maîtrisé du recueil post-romantique qui est visé, celui que Verlaine suivait lui-même avant Fêtes galantes [11].

14 « Je veux, durant cent vers + coupés en dizains chastes » : à la relation arithmétique 10 × 10 s’adjoint la division, « cent vers », et la subdivision, la césure intervenant juste avant le participe adjectivé « coupés ». Or la stratégie de l’enjambement réapparaît à la fin du texte : « À l’instar de Monsieur + Coppée et des cigales » (v. 10). Alors que le mode imitatif est explicitement revendiqué (à l’instar de…), le rythme entretient une équivoque verbale coupés/Coppée, déjà exploitée par Eugène Vermersch dans « La Grève des poètes », réécriture de La Grève des forgerons signée « François Coupé » et publiée dans La Parodie d’André Gill en novembre 1869  [12].

15 Les « ronds égaux » (v. 3) de la viande appellent les « notes bien égales » (v. 9) du chant. L’esprit mathématique soustrait donc au poème sa force. La valeur n’a plus ni motivation ni nécessité. La quadrature des ronds (10 x 10), à laquelle manque seulement l’usage du décasyllabe, est l’expression continue d’une identité, assemblant répétition et monotonie. Cette égalité, prévisible et décevante, est peut-être une allusion au caractère astrophique du dizain, qui remonte à Musset et à Barbier  [13] : les finales d’alexandrins se suivent (aabbccddee) au lieu de se combiner comme, par exemple, dans cette formule ababbccdcd employée chez Marot et Scève.

16 L’harmonique, métrique et musicale, qui en ressort toutefois entrave l’émergence d’une conception plurielle et individuante du rythme, mêlant identité et altérité et non seulement régularité et irrégularité. Le genre « Coppée » s’appuie plutôt sur un « “rrhythme” équilistant » (X, v. 6). Le redoublement du r (roulé ?) suppose une prononciation expressive et maniérée, marque humoristique que valide l’écho inversé (/Ri/ et /iR/) entre « rrhythme », « pire » et « lyre ».

17 Quel sens accorder aux guillemets ? Portent-ils sur l’emphase phonétique ? Ou mettent-ils en doute l’idée même de rhythme ? Le mot-valise qui l’accompagne, équilistant, sature comiquement l’énigme ainsi proposée à la sagacité du lecteur. On y a vu la syncrèse entre équidistant et équilatéral[14] mais un jeu entre équidistant/équilibrant n’est pas exclu non plus. Le point capital reste la substitution du /l/ au /d/ en ce qu’elle occulte et révèle à la fois le nombre : équi-dis-tant est relatif à une distance toujours égale à dix /dis/…

LA CUISINE ET LA MUSIQUE

18 L’ironie dont se chargent les cent vers de Verlaine tient au fait qu’ils se placent sous le signe de la cuisine et de la musique. Car l’habileté à couper ne donne pas en soi de statut artistique aux textes. Ce serait prendre une esthétique du poème pour une poétique, confusion entretenue auprès du public, et qui a servi vraisemblablement le succès mondain et institutionnel de certains parnassiens. La rime grotesque qui lie « saucisson » (I, v. 3) et « façon » (v. 4) ne vise qu’à dissiper par le rire l’ambiguïté. En effet, la façon se distingue de la facture, elle renvoie à une activité discursive plutôt qu’aux procédés et à leurs résultats. Au cœur de l’imitation, elle est l’expression privilégiée pour Verlaine d’une manière qui prend, en l’occurrence, les traits d’une contrefaçon. Néanmoins, le « plat » qu’entend « servir » (v. 4) l’écrivain ne s’explique pas sans la trame prosodique qui relie « un même saucisson » à « ma façon » : il présuppose une capacité constante à la singularisation, à créer un je dont le modèle répété (et en soi déjà répétitif) se montre structurellement dépourvu.

19 Si l’auteur fait appel aux « connaisseurs » (v. 4), c’est que la manière est contiguë à la notion de « goût » (X, v. 10) qu’il tient pour suspecte. Le « menu » qu’il faut « licher » (I, v. 7) est bien la métaphore de cette science du sensible à laquelle Verlaine oppose justement l’activité critique du poème. Encore faut-il rappeler que l’expression en cause n’échappe pas elle-même à la satire. Les connaisseurs dont on excite l’appétit et aiguise la gourmandise renvoient dans un premier temps aux amateurs de Coppée. Mais l’hypallage « fier menu » démontre par avance que l’écrivain n’investit pas ici dans la ressemblance et la conformité vis-à-vis du référent admiré. Dans cette optique, les connaisseurs ne désignent plus un public sensible mais averti qui, s’il a reconnu Coppée, apprend à connaître, c’est-à-dire à découvrir une façon particulière à Verlaine. Aptes à écarter l’esthétique et ses canons, ils sont disposés à accueillir du nouveau. En minorité face aux « gens de goût » (de bon goût), ils pratiquent une éthique de la lecture.

20 Au dernier fragment de la série, le lien sarcastique qui se tisse entre « goût » (v. 9) et « guimbarde » (v. 3) récuse l’esthétique par la distorsion. En 1866, sous les traits d’une communauté de parias, « Grotesques », le sujet évoquait déjà d’« aigres guitares ». La dissonance que Verlaine introduit dans l’harmonique monocorde de la lyre parnassienne ne se limite pas cette fois au réalisme coppéen. L’écho vertical qui unit guimbarde et barde (v. 4) anamorphose l’univers épique du « Maître » (II, v.5) : Leconte de Lisle jadis pastiché par le « Prologue » des Poëmes saturniens. Quant à l’auteur du Reliquaire et des Intimités, le « ut le plus léger » (I, v. 8) suffit. Certes, l’invocation de la Muse s’accorde alors avec le genre de l’imitation et de la contrefaçon, son absence de gravité. Mais la note qui commence la « gamme » (v. 9) transpose d’abord au superlatif l’indigence de Coppée. Elle prend enfin à revers l’utopie musicale de Verlaine lui-même qui, du drame wagnérien aux romances populaires, trouvait là une modélisation possible du continu du sujet dans l’écriture.

« À PART MOI » : AUTOBIOGRAPHIE ET POÉSIE

21 Ce sujet s’invente comme instance sui generis du texte, toujours en quête d’elle-même. Cependant, elle s’actualise aussi par référence à l’individualité empirique de l’écrivain, déposant au long de la séquence des éléments de nature autobiographique. Or dans la lettre à Lepelletier en 1874, « Au lecteur » suivait en guise de post-scriptum les « Vieux Coppées » : Verlaine y reprend l’adresse liminaire des Essais de Michel de Montaigne. Il accrédite le discours de sa « bonne foy » (v. 17) tout en se dérobant aux lieux communs du portrait : « Vous n’aurez ni mes traits ni mon âge, /Ni le vrai mal secret de mon cœur » (v. 7-8). L’aveu contenu malgré tout dans les écrits de prison ne classe pas l’auteur parmi les « expansifs » (v. 12). Verlaine aspire à l’économie d’une parole intime, oblique et suggestive.

22 Dans les « Vieux Coppées », lorsqu’il se présente « pur et simple », c’est tel que son nom apparaît, pour partie tronqué, dans les dédicaces de l’époque : « Paul V… » (V, v. 2). Allusion spéciale à D. Quichotte que lui avait consacré son ami Valade dans son volume À mi-côte. Le désignateur ancre assurément les textes dans la sphère privée ; mais il exhibe surtout la résistance d’une identité contre ceux qui voudraient l’« éliminer » (v. 4). En effet, le retour du nom s’explique par la condition tragique du poète, mis au ban de la communauté littéraire pour deux faits aggravants : l’adhésion politique aux événements de mars 1871, ses mœurs homosexuelles avec Rimbaud. En ce sens, l’entreprise mimétique et satirique des textes n’est pas dissociable d’un nouvel essai de signature. Les points de suspension qui en signalent l’incomplétude mesurent l’oubli ou l’effacement du nom à la célébrité de Coppée.

23 Or si la façon a le pouvoir de consacrer à nouveau cette signature, elle se fonde sur la dynamique du « ressouvenir » (I, v. 6). Elle manifeste l’insistance du passé, et articule la séquence parodique aux deux modes d’énonciation histoire/discours. D’un côté, la parole se recentre au présent sur les différents états du moi : « Je veux » (I, v. 2), « Je gémis » (II, v. 10), « je suis » (VII, v. 1). De l’autre, elle prend acte d’une rupture irréversible : « Jours enfuis ! » (II, v. 6). En évoquant les « passages Choiseul aux odeurs de jadis » (v. 1), siège de l’éditeur Alphonse Lemerre qui fédérait les parnassiens, le regret et la mélancolie nuancent néanmoins la tentation élégiaque de quelque ironie. L’usage du passé simple consomme la coupure avec d’autres faits, plus personnels, comme la promenade symbolique de Saint-Denis : « C’est pourtant là qu’un jour j’emmenai ma compagne » (III, v. 2). Ainsi la relation au temps se révèle centrale, presque obsessionnelle.

24 Les dates associées au toponyme après le dixième fragment mêlent à dessein la composition des textes au plan du vécu : « Mons – 1874, Janvier, Février, Mars et passim. » L’écriture du diariste ressemble à celle qui est pratiquée dans Romances sans paroles. Cela étant, dans Cellulairement, Verlaine remanie avantageusement la chronologie, provoquant des coïncidences avec la matière biographique. En déroulant ce calendrier, la séquence contribue inversement à une reconfiguration fictionnelle de l’instance. Elle laisse enfin entendre une évolution intérieure. « Depuis un an et plus » (IX, v. 1) : si le poète écrit « durant cent vers coupés en dizains » (I, v. 2), c’est que chaque fragment doit scander les différentes étapes de sa peine en prison. L’ensemble dessine une trajectoire où de républicain et parnassien l’auteur s’interroge désormais sur les « raisons » de son « être éternel et divin » (VIII, v. 6), considérant l’expérience métaphysique et religieuse de juin 74 : sa conversion. Plus largement, cette généalogie du sujet fixe les réorientations à venir de sa poétique. « Via dolorosa », « Bouquet à Marie », « Final » figureront dans Sagesse et Amour. Elle ébauche par conséquent les différentes périodicités de l’œuvre, le passage d’une manière à une autre. L’historicité du sujet implique l’historicité du dire et vice versa.

25 À l’adverbe « jadis » (II, v. 1) répond le passé composé des dernières pièces : « Ô Belgique qui m’as valu ce dur loisir » (VIII, v. 1). Jadis et… naguère. L’heure est au bilan et à une libération prochaine, « Ouvre enfin » (VIII, v. 10), avant le retour normal à la société et au pays : « Depuis un an et plus, je n’ai pas vu la queue/D’un journal » (IX, v. 1-2). Car le champ politique et collectif interfère sans cesse avec l’histoire intime. Après le « bon Badingue » (II, v. 3) défilent « la Commune » (II, v. 8), le « Siège » (III, v. 6) de Paris puis les débuts de la Troisième République : « Gambettards » (IV, v. 1), « Badingue Quatre, Orléans et sa poire » (v. 8) ainsi que « Chambord » (v. 9). Des fragments V à X, les événements refluent cependant. Le sujet accepte sa solitude, et s’énonce sur le mode réflexif : « à part moi » (IX, v. 3). Il n’éprouve plus qu’un « plaisir patriotique » (v. 7), se détournant du « siècle assassin » (v. 8) dans lequel il vit. Au moment de renaître, le divorce est paradoxalement complet avec la nation : « Cette agonie épou + vantable de la France » (v. 10). La césure qui traverse l’adjectif n’a plus rien en commun avec le procédé humoristique autrefois utilisé dans Fêtes galantes[15]. Elle charge au contraire la parole de terreur et de révolte, et annonce les accents pamphlétaires de Voyage en France par un français et Sagesse.

26 Les mutations conjuguées du sujet et de la manière s’achèvent donc par une réorientation idéologique des textes : celui qui mettait encore en scène au fragment IV une diatribe du Père Duchêne, la voix très populaire de l’organe communard, est devenu écrivain de droite.

L’AILE DU SILENCE

27 Le projet des « Vieux Coppées » n’en ressort que mieux : parvenir à « charmer » les « ennuis » de ce « Temps qui nous dévaste[s] » (I, v. 1). Le pronom nous constituerait une amplification lyrique du je, en lien avec la tonalité paradoxalement baudelairienne de l’apostrophe. S’il est déjà décalé et comique, ce segment libère toutefois deux lectures possibles.

28 Écrire des dizains, ce serait conjurer trivialement l’absence à soi-même, le vide d’une existence dénuée d’occupations. L’art d’imiter et de contrefaire relèverait de la pure distraction. L’acception classique d’ennuis (tourment, tristesse, dégoût) n’est pourtant pas exclue, et dans cette hypothèse la manière aurait trait plutôt à un acte de purgation. Sur ce point, la séquence est loin d’être univoque.

29 En effet, le « huis clos têtu » (VIII, v. 9) avec les austères cellules belges implique un parcours au terme duquel le sujet s’en remet au « silence doux et blanc » (v. 3). Dans le même texte, la rime loisir/saisir (v. 1-2) montre combien la dépense à la fois contrainte et illimitée du temps sert positivement une reprise du moi par lui-même. La réconciliation se décline sur le mode de la transparence : « les cases de fin cristal » (v. 8). Elle ouvre ensuite sur une réinvention de soi dans l’ordre et la paix, ainsi que le suggère cet autre doublet musée (v. 7) et pensée (v. 8).

30 Le monologue qui s’amorce dans le neuvième fragment n’a rien d’un soliloque. La voix se théâtralise jouant de l’autodérision : « L’eusses-tu cru ? » (v. 3). Réplique de benêt, qui rappelle peut-être le compère Lustucru des chansons populaires  [16], mis en scène dans « Ariettes oubliées, VI ». De quoi se déniaiser. Le régime vocatif change à son tour. Au « vous » (II, v. 3), qui interpellait directement les anciens camarades du cénacle parnassien, se substituent d’improbables « lecteur » et « lectrice » (X, v. 2) que l’auteur congédie aussitôt.

31 La tentation du silence, loin des « roseaux bavards d’un monde vain » (VIII, v. 5), est un réflexe ascétique, et prépare l’attitude mystique de Sagesse, II, 3 et II, 4. Elle révoque en doute le genre discursif du journal, « l’esprit ! » (IX, v. 6) qui l’anime, proche à bien des égards pourtant des facéties du pasticheur. Elle s’accorde pleinement, en revanche, avec les élans nocturnes et oniriques du sujet. Les perceptions notamment auditives autorisent une forme d’évasion dont l’intensité est cette fois offerte en partage : « Vous n’imaginez pas comme… » (v. 6).

32 L’étouffante localisation du sujet amorce une fuite et un voyage qui rappellent le monde de La Bonne chanson et des « Paysages belges » : « L’aile où je suis donnant juste sur la gare » (VII, v. 1). Bien qu’il se rapporte à une partie du bâtiment carcéral, le mot du début attire prosodiquement le mot de la fin : « Ô ces wagons qui vont dévaler dans la plaine ! » (v. 10). Ce rêve d’étendue en active la polysémie, de sorte que les « machines » (v. 3) se télescopent avec le règne animal : « nids répercutés » (v. 3), « cela gazouille » (v. 6), « efforts d’oiselets » (v. 7), « vols tout prochains » (v. 8).

33 La métaphore filée qui organise l’entier du texte croise un paradigme d’échos consonantiques qui en unit la signifiance. En liant « vraiment » (v. 4), « verre » (v. 5), « vous » (v. 6), « vers des vols » (v. 8), « cieux violets » (v. 8), « éveille à peine » (v. 9), il sature la ligne finale : wagons – vont – dévaler. Les murs tombent enfin et déplient l’espace tandis que le vertige de la vitesse transfigure un instant le réel.

L’ÉTHIQUE DE LA FAUTE

34 La parole comique est sérieusement hantée par le silence. Elle ne l’est pas moins par le chant, comme en atteste la réécriture de « La Cigale et la Fourmi » de La Fontaine. Le recours à la fable est à double entente, et Verlaine en extrait une morale notoirement différente. D’un côté, il s’agit d’imiter « Monsieur Coppée » et les « cigales » (I, v. 10), l’insecte enchanteur ne livre alors qu’une mélodie pauvre et lancinante. De l’autre, l’instance y projette son double : « moi, qui chantais aux temps chauds » (II, v. 9). L’été a laissé place à une saison plus révolutionnaire qui a vu se séparer les anciens amis du Parnasse contemporain en raison de divergences idéologiques. Il n’est pas difficile de deviner qui est la fourmi : entre autres, Leconte de Lisle « décoré comme une/Châsse » alors qu’il n’a pas « encor digéré la Commune » (v. 7-8). Animal besogneux, le poète fourmi a reçu la légion d’honneur en août 1870, avant la défaite de Sedan… Il engrange les biens symboliques, et sait protéger les intérêts de sa carrière.

35 Si la fourmi est sanctifiée, la cigale est maudite au contraire. Après les purges versaillaises et le procès de Bruxelles, elle se trouve délaissée par ses anciennes connaissances, peu généreuses : il est vrai que c’est là leur moindre défaut. À l’évidence, le rire devient vindicatif, et développe une charge contre l’époque et le milieu. Ce faisant, il articule une poétique de la manière à une anthropologie des manières : « On avait ce tour un peu cuistre qui distingue/Le Maître, et l’on faisait chacun son acte en vers » (v. 4-5). Au-delà de l’allusion plausible au Passant de Coppée, qui, en janvier 1869, devait rencontrer au théâtre de l’Odéon un franc succès, c’est évidemment l’idée de tour qui importe. Car elle ne s’applique plus à l’écriture mais ressortit à une logique sociale, stigmatisant en particulier le snobisme des hommes de lettres. La rime Badingue : distingue rapporte ces manières aux cadres de la vie culturelle assignés par le pouvoir impérial. C’est pourquoi Verlaine se refuse absolument à imiter l’auteur des Poésies barbares, ancien quarante-huitard bénéficiaire, comme cela fut révélé après la guerre, d’une pension accordée par Napoléon III.

36 « Quels autrans passèrent à travers/La montagne ? » (v. 6-7). La plaisanterie double l’accusation. L’épenthèse change les vents orageux et impétueux (autans), métaphore de l’Histoire, en une allusion à Joseph Autran. Élu en 1868 à l’Académie française, devant Théophile Gautier, c’est un poète et dramaturge médiocre qui devient l’emblème d’une génération ralliée aux puissants et aux vainqueurs. Car la question de Verlaine ironise sur l’opportunisme et le conformisme des auteurs de son temps soumis à l’épreuve de « la montagne ». Le rejet externe met en évidence le sens politique de la dénomination : le camp des Danton, Marat et Robespierre. À l’instar de Coppée, s’attaquant en avril 1871 au « drapeau rouge » et aux « enragés  [17] », les parnassiens ressemblent plutôt à des « Laréveillère » (IV, v. 10), député de la Convention passé au bonapartisme avant de rejoindre l’opposition. Ce sont des « bourgeois vessards » (v. 4) sans foi ni loi.

37 Un dernier paradoxe y répond chez Verlaine, qui n’est pas moins railleur. La manière résume, on vient de le voir, une valeur inséparablement poétique et politique. C’est pour cette raison qu’à peine esquissée la déploration se retourne contre les adversaires : « Las ! je suis à l’Index » (V, v. 1). Victime d’une « excommunication », l’écrivain en « vénère » (v. 6) finalement les effets, et lui donne deux solutions consécutives. Le poète renoue d’abord sur le mode irréel avec la figure romantique, et peut-être les Jeunes-France  [18]. Il endosse un costume et de plus authentiques manières : « frac très étroit » (VI, v.2), « barbe en pointe » mais… « cheveux en brosse » (v. 3), variante parodique des cheveux longs ( ?). Assez rapidement, il travestit donc son modèle, y glissant un motif érotique : « l’œil idoine à l’œillade » (v. 5). En se comparant à « un infant scrofuleux » (v. 9), il ajoute une pathologie de nature syphilitique. Toutefois, si le mot évoque des lésions sur la peau, il est étymologiquement lié au porc. Aussi n’est-il pas impossible d’y voir une référence oblique à l’homosexualité, à sa représentation sociale et aux réactions de dégoût qu’elle aurait suscitées. Rien n’indique, du moins, que les « beautés mises à mal » (v. 6) soient uniment féminines, à en croire par ailleurs l’insistance avec laquelle l’auteur détaille la virilité du personnage, « barbe en pointe » et « cœur d’homme » (v. 7).

38 Plus important, le sujet se prête des allures d’étranger : « hablant español » (v. 4). Acquittant sa dette envers Gautier, il mêle la morphologie de deux langues. De ce fait, il déforme d’abord le français tout en créant un nouveau participe, technique du gauchissement en rapport étroit avec la maladie et les humeurs : « pâle et jaune » (v. 8). Bien qu’elle soit fantasmée, cette difformité est inhérente à l’identité du sujet. En contraste immédiat avec la Belgique, une telle transposition dans le contexte hispanique sert aussi bien entendu l’antiphrase finale contenue à la rimeEscurial/loyal. Lorsqu’on songe que, depuis « La Mort de Philippe II », le palais est l’expression d’un art soumis au despotisme pour Verlaine, et que l’allégorie du texte s’applique en 1866 à la société française  [19], l’écart s’aggrave d’autant avec le milieu parnassien. Mais le portrait imaginaire et sarcastique n’est à ce point capital que parce qu’il fonde d’abord l’acte d’imiter et de contrefaire. Celui qui défigure la langue commet aussi dans le vers « des fautes de quantité » (V, v. 7), en plus des jonctifs, polysyllabes ou clitiques à la césure, et l’explique précisément par son exclusion en dehors de la collectivité.

39 L’idée de fautes appartient au métalangage de la grammaire, articulé au double principe de correctivité et de normativité. Elle désigne ici l’éthique de la manière. « Au lecteur » en renouvelle l’avertissement : « Je compte parmi les maladroits » (v. 28). On peut y voir une casuistique, et le moyen de décharger une conscience, pour rendre compte du désastre présent : « J’ai perdu ma vie et je sais bien/Que tout blâme sur moi s’en va fondre » (v. 29-30). Il n’en reste pas moins vrai que, dans l’ordre comique, la façon qui se réalise comme contrefaçon s’achève en malfaçon. Et Verlaine n’a de cesse de grossir et de détourner les qualités « dûment appréciée[s] » (X, v. 9) de Coppée au moyen de ses propres défauts. C’est ce qui lui permet de rejeter le (bon) goût.

40 De nature linguistique et littéraire, la notion de faute devient ensuite idéologique et sociale. Elle trouve à partir de Sagesse une version théologique. Auteur d’un « pastiche infâme » (v. 8) dans « Vieux Coppées », Verlaine est avant tout un malfaiteur. Après s’être donné la voix d’un étranger, il s’autorise une syntaxe parlée, convoque des registres familiers, emprunte des idiomatismes, mime des prononciations dialectales. Il recourt enfin à l’argot, cette langue des criminels et des marginaux. Autant d’éléments hybrides qui féconderont sa poétique des années 1880 et 1890, loin de « l’éternelle jeunesse de certains Parnassiens qui ne peut reproduire que ce qu’elle a lu et dans la forme où elle l’a lu  [20] ».

Notes

  • [1]
    À Lepelletier, 8 septembre 1874, Correspondance générale, t. I, édition établie par M. Pakenham, Paris, Fayard, 2005, p. 372.
  • [2]
    À Lepelletier, 22 novembre 1873, Correspondance générale, op. cit., p. 357.
  • [3]
    À Lepelletier, octobre 1873, Correspondance générale, p. 351.
  • [4]
    À Lepelletier, mai 1873, Correspondance générale, p. 313.
  • [5]
    Sur la genèse et la reconstitution de ce dossier charnière, on se reportera à Olivier Bivort, « Editer Cellulairement », Revue Verlaine, 7-8, Charleville-Mézières, 2002, p. 31-58 ainsi qu’à son édition qui servira ici de référence, Romances sans paroles suivi de Cellulairement, Paris, Le Livre de Poche, 2002.
  • [6]
    Steve Murphy, Marges du premier Verlaine, Paris, Honoré Champion, 2003, p. 160.
  • [7]
    Arnaud Bernadet, « La voix comme je-ne-sais-quoi. “De la musique avant toute chose” ? », Revue Verlaine, 10, 2007, p. 105-110.
  • [8]
    Sur cette double application du concept, voir Gérard Dessons, L’Art et la manière. Art, littérature, langage, Paris, Honoré Champion, 2004.
  • [9]
    À Ernest Delahaye, 20 novembre 1875, Correspondance générale, p. 454.
  • [10]
    Philippe Hamon, L’Ironie littéraire, Paris, Hachette, 1996, p. 54.
  • [11]
    Sur cette question, voir Arnaud Bernadet, « La ponctuation de livre chez Verlaine », Champs du signe, 20, Toulouse, Éditions universitaires du Sud, 2005, p. 115-130.
  • [12]
    Cité par Steve Murphy, Marges du premier Verlaine, op. cit., p. 236-239.
  • [13]
    Jean-Louis Aroui : « Quand Verlaine écrit des dizains : les “Coppées” », L’École des Lettres, 14, Paris, 1996, p. 137-150.
  • [14]
    Ernest Dupuy, « Étude critique sur le texte d’un manuscrit de P. Verlaine », Revue d’histoire littéraire de la France, Paris, 1913, p. 502.
  • [15]
    « Et la tigresse épou + vantable d’Hyrcanie » (« Dans la grotte », v. 3).
  • [16]
    O. Bivort (éd.), Cellulairement, éd. cit., n. 4 p. 188.
  • [17]
    François Coppée, Plus de sang !, Poésies (1869-1874), Paris, Lemerre, s. d., p. 93-94.
  • [18]
    Jacques Robichez (éd.), Paul Verlaine, Œuvres poétiques, Paris, Classiques Garnier, 1995, n. 2 p. 633. Dans Jadis et naguère, le fragment 6 des « Vieux Coppées » est rebaptisé « Dizain mil huit cent trente ».
  • [19]
    Sur le parallèle entre Philippe II et Napoléon III, voir Arnaud Bernadet, L’Exil et l’Utopie. Politiques de Verlaine, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2007, p. 53-79.
  • [20]
    Verlaine, « Critique des “Poèmes saturniens” », Œuvres en prose complètes, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1972, p. 720-721.
Français

Composés en 1874, les « Vieux Coppées » de Verlaine sont d’abord insérés dans Cellulairement, recueil par la suite démembré par l’auteur, avant d’être redistribués dans Jadis et naguère (1884), Parallèlement (1889) ou Invectives (1896). Inséparable de la forme du dizain, et d’une entreprise post-zutique qui prend pour cible l’œuvre à succès de François Coppée, cette séquence établit en même temps l’histoire et le bilan d’une manière : c’est avec sa propre poétique que Verlaine entend également rompre, de Poëmes saturniens à Romances sans paroles. Articulant autobiographie et poésie, ces dix textes retracent le parcours intime d’un sujet, et mêlent la satire du milieu parnassien à la question de l’engagement politique, en revenant aux « temps chauds » de la Commune de Paris.

English

« Vieux Coppées » was written by Verlaine in 1874, and first inserted in the collection of poems called Cellulairement before the author gave it up and put its pieces in other books like Jadis et naguère (1884), Parallèlement (1889) or Invectives (1896). This set of texts is linked to the metric form of “dizain” (ten-line poem) and matchs up to the poetics of the Album zutique. It applies to parody François Coppée’s very successful works. But according to Verlaine it is also a way of breaking with his own lyrical inspiration, from Poëmes saturniens to Romances sans paroles. It is then an opportunity to think about the genesis of his “manière” as he calls it. The ten pieces join poetry and autobiography, that’s why the author can stage the secrete story of the subjectivity. He finally satirizes the Parnassian circle and remembers his political commitments during the bloody episodes of the “Commune de Paris”.

Arnaud BERNADET
(Université de Franche-Comté / POLART)
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 26/06/2010
https://doi.org/10.3917/rom.148.0091
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