CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« […] le territoire est un construit social, consolidé par l’histoire, qui contribue à le fonder comme un espace identifié, caractérisé par des pratiques et des représentations »  [1]

1 Offrir un panorama des imprimeries, des librairies, des cabinets de lecture et des sociétés littéraires comme expression de l’espace culturel de la ville de Mexico dans une période nouvelle, conduit nécessairement à proposer une série de réflexions sur le développement du marché éditorial et sur l’influence qu’exercèrent les imprimés dans la période où le Mexique devint une nation indépendante. Plus important encore est le fait que le pays vécut dans la première moitié du XIXe siècle un changement de nature qualitative, quantitative et formelle dans ce domaine  [2]. De nouvelles perspectives s’ouvrirent, qui n’étaient pas seulement liées à l’actualité politique mexicaine mais qui relevaient d’une problématique plus large encore, mondiale, concernant le commerce des imprimés qui se développa, se transforma et s’enrichit à cette époque.

2 C’est de cette étape nouvelle dans l’histoire de l’édition à Mexico que nous allons parler. Étape au cours de laquelle les références européennes et la présence d’étrangers dans le monde des publications mexicaines – en liaison avec les entrepreneurs culturels et les libraires – se mêlent, se développent et transmettent un souffle nouveau. Les librairies – à la fois lieux de vente des imprimés et centres de sociabilité – ainsi que les imprimeries, les sociétés littéraires, les collèges et autres lieux d’offre et de demande d’imprimés, permettront de visualiser le territoire culturel de la ville de Mexico  [3]. La géographie de ces lieux, à la fois culturels et commerciaux, concentrés dans des zones déterminées, répond, comme nous le verrons, à de multiples facteurs. Notre perspective sera d’interpréter les imprimés à la fois comme objets culturels et instruments d’acculturation, et comme agents de sociabilité.

LA SITUATION DE L’IMPRIMERIE À L’ÉPOQUE COLONIALE

3 Mexico-Tenochtitlan, centre du territoire des nahuatls, noyau de la Nouvelle-Espagne et du Mexique indépendant s’est construit depuis des époques très anciennes comme le centre d’attraction, le point de convergence des échanges commerciaux et culturels du haut plateau mexicain. La vieille capitale aztèque, même après sa destruction et sa reconstruction par les Espagnols, continue d’être la ville la plus dynamique et la plus peuplée des Amériques, non seulement par rapport aux villes espagnoles, mais aussi par rapport aux nouvelles villes fondées par les colons anglosaxons en Amérique du nord. Au début du XIXe siècle la grande métropole, centre commercial, politique et culturel, regroupe une population estimée entre 100 000 et 130 000 habitants et composée d’Espagnols, d’Indiens, de métis et de Créoles, ces derniers représentant la partie la plus cultivée de la population.

4 Au centre de ce centre, à l’époque coloniale, la Plaza Mayor – la Grand-Place – réunissait quotidiennement les habitants de la ville, puisque c’est autour de cette place que se trouvaient les endroits les plus importants du point de vue religieux, politique et culturel, et la majorité des commerces. L’est de la place, tout particulièrement sous les arcades et dans les ruelles, était le lieu d’une vie culturelle intense : c’est là que se trouvaient l’université, les séminaires, les collèges, les couvents, les églises, l’Académie des Beaux Arts, le jardin botanique, les imprimeurs et les libraires. Et c’est là aussi qu’exerçaient les « évangélistes », écrivains publics qui recueillaient à l’encre et sur le papier les illusions et les chagrins, les plaintes, les amours, les jalousies de chacun, jouant le rôle de savants dans le monde des illettrés. Il faut rappeler que, tout au long du XIXe siècle, le taux d’analphabétisation était d’environ 90 % et que la pauvreté frappait la majorité des habitants.

5 Pourtant c’est en plein cœur de la ville, en 1539, qu’est fondée la première imprimerie de toutes les Amériques, et c’est également là qu’en 1551 s’établit la première université. C’est ainsi que Mexico acquit un statut culturel bien distinct de celui des autres villes de la Nouvelle Espagne et même du reste de l’Amérique espagnole, les ateliers typographiques et les marchands de livres étant présents depuis les temps les plus anciens dans les zones les plus importantes de la capitale.

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6 Malgré l’analphabétisme, les publications à caractère religieux, didactique ou législatif étaient nombreuses et faisaient partie de la vie quotidienne. Brochures et livrets, abécédaires, catéchismes, neuvaines, gazettes, almanachs et guides pour étrangers, feuilles volantes, affiches et placards, circulaient dans la ville grâce à de nombreux médiateurs : libraires, vendeurs ambulants, crieurs de journaux, colporteurs et camelots, prêtres et enseignants, et même simples lecteurs. Comme le dit Guillermo Prieto dans ses Mémoires qui évoquent son enfance au début du XIXe siècle :

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Les personnes dont j’étais le plus proche étaient ma mère, mes cousines et les servantes de la maison. Elles inventaient des jeux et récitaient des poèmes ; elles lisaient des textes intitulés Les Déceptions de la vie et Les Fleurs des saints et elles déclamaient des fragments de Lope de Vega et Calderón de la Barca que j’apprenais par cœur, ce qui me permit d’acquérir un prestige immense dans les veillées et les réunions féminines. Mon père, qui ne fréquentait que des commerçants et des travailleurs, avait sur ses étagères du blé et des pièces mécaniques pour le moulin, de l’encre et les listes de ses employés. Mais on pouvait y voir aussi des romans mexicains comme El Periquillo, Unas tardes de la granja, les Voyages de Gulliver et des poésies destinées aux cœurs ardents et amoureux.  [4]

8 Dans cette diffusion de l’information, les institutions jouaient un rôle évidemment important. Elles étaient situées surtout dans la partie orientale de la capitale : les collèges, l’université, la bibliothèque de la Cathédrale  [5], ainsi que l’Académie des beaux-arts qui portait le nom du saint patron du roi, l’Académie de San Carlos. Mais en dehors des collèges, de l’université, des libraires et des imprimeurs, les imprimés se répandent dans bien d’autres lieux au début du XIXe siècle : chez les barbiers et dans les auberges, dans les gargotes et dans les tavernes de « pulque », chez les chocolatiers et dans les cafés. Tous ces lieux constituaient des espaces privilégiés où la lecture pouvait être individuelle et silencieuse ou bien publique et collective, les textes étant alors lus et commentés à haute voix  [6]. Ajoutons que dans les rues du centre ville et à l’entrée des « vecindades », immeubles où s’entassaient des familles modestes vivant dans une seule pièce, sur les places et aux angles des rues  [7], les gens se réunissaient pour entendre ou pour lire ces imprimés : les autorités surveillaient tous ces lieux publics où l’on affichait aussi des placards et des annonces de toutes sortes. Quant aux cafés, qui se multiplient au XIXe siècle, ce sont – selon les dires d’un chroniqueur – des « lieux où se réunissent les écrivains, les militaires, les ecclésiastiques et en général des gens oisifs, qui s’y rendent pour boire ce liquide noir, mais aussi des gens plus tranquilles qui y vont pour manger des desserts et des friandises ; les moins vicieux pour jouer aux cartes ou y faire une manille ; et les hommes politiques pour y refaire le monde, pour lire et commenter les journaux et les gazettes à haute voix, adoptant parfois un ton enflammé »  [8].

9 Cet espace urbain correspondait, selon le tracé administratif de l’époque, aux premier et deuxième arrondissements de la ville où était concentré le monde du commerce et de la culture. C’est là aussi que vivaient les étrangers pour des raisons à la fois économiques, commerciales et culturelles : ils y faisaient leurs affaires et y possédaient des commerces. Je rappelle que Mexico comptait à cette époque huit arrondissements qui avaient été créés au XVIIIe siècle et que cette division administrative correspondait aux principales paroisses de la capitale. Le premier arrondissement en particulier, avait, à l’époque des guerres d’Indépendance, une densité démographique 54 % plus élevée que celle que l’on trouvait dans les zones environnantes. C’est aussi dans ce quartier que la population espagnole était la plus nombreuse et que les Créoles atteignaient 49,5 % du total. Les Indiens recensés ne représentaient que 18,3 % de la population et la majorité d’entre eux vivaient autour de la capitale, dans des masures  [9]. Par ailleurs le nord et le nord-est de la capitale, victimes du manque d’eau potable, frappés par les inondations et la peste, commencent, dès les années 1780, à se dépeupler. C’est en direction du sud que les ateliers et les institutions culturelles se concentrent progressivement et ce qui pendant longtemps était resté immuable se met à bouger.

10 À l’époque coloniale, seuls quelques imprimeurs de la Nouvelle Espagne possédaient le privilège royal. Les ateliers typographiques, au nombre d’une douzaine, étaient situés principalement dans les rues Empedradillo, Puente del Palacio, Alcaicería, Plazuela del Volador, Acequia, Puent del Espíritu Santo, Monterilla, Tiburcio, Capuchinas, Palma, Santo Domingo, Tacuba et San Bernardo, véritables lieux de références, au XVIIIe siècle, pour les habitants de Mexico. Ces imprimeurs, également libraires, avaient tissé pendant la période coloniale des liens familiaux et commerciaux qui, du fait des héritages et de la création de véritables dynasties familiales, constituaient un réseau solide et stable de production et de vente des imprimés. Je citerai seulement les noms de Bernardo Calderón, de Francisco Robledo, de Diego de Ribera, et de Francisco Rodríguez Lupercio  [10]. Ces établissements vont cependant être peu à peu mis à l’écart au XIXe siècle, ne pouvant s’adapter aux temps nouveaux de l’Indépendance, à l’esprit de liberté qui s’instaure et à l’arrivée sur le marché éditorial de nouveaux venus.

LA LIBRAIRIE MEXICAINE À L’HEURE DE L’INDÉPENDANCE

11 Il faut rappeler que pendant la Colonie, l’impression et la vente se faisaient dans un même lieu alors qu’après l’Indépendance une distinction s’établit progressivement et conduisit à une spécification en deux espaces distincts. Ainsi les imprimeries se mirent-elles à produire les publications nationales alors que les librairies promouvaient les ouvrages mexicains et ceux qui venaient de l’étranger, essentiellement de France, d’Espagne et d’Angleterre.

12 Après l’Indépendance, proclamée en 1821, la restructuration des forces politiques devient une réalité, et les imprimeurs vont jouer un rôle essentiel dans la mesure où ils sont capables de s’adapter à la situation nouvelle : c’est à travers les imprimés en effet que les opposants s’affrontent ; c’est à travers les imprimés que circulent les projets politiques et culturels de la nouvelle nation.

13 Grâce aux droits et aux libertés garantis par la Constitution libérale de 1824 – inspirée de la Constitution dite « de Cadix » –, un véritable marché éditorial s’ouvre, offrant emplois et nouvelles perspectives à la population urbaine. On assiste ainsi à une multiplication d’ateliers typographiques et de petites échoppes étalant des livres. Il devenait facile d’ouvrir une imprimerie ou une librairie dans la capitale, et ces nouveaux lieux de commerce et de culture correspondaient assez bien aux attentes et aux intérêts de la nouvelle génération. Si en 1820 on trouve neuf imprimeries à Mexico, trois ans plus tard on en compte quatorze. En effet apparaissent alors de jeunes entrepreneurs, tous nés au XIXe siècle, au moment même où se crée la nouvelle nation, qui sont porteurs des projets modernisateurs du Mexique indépendant. Or ces imprimeurs et ces libraires conquièrent de nouveaux espaces dans la ville. Ils se déplacent vers l’ouest de la Plaza Mayor et s’installent dans un bien plus grand nombre de rues que pendant la période coloniale : sous les arcades et dans les rues proches de la Plaza Mayor, telles que la rue Cadena, le Portal de Mercaderes y Agustinos, le Portal del Águila ou du Teatro Principal. Ils fondent aussi des cabinets de lecture, situés dans les rues Cadena, Espíritu Santo y San Francisco, San José del Real ou Correo Mayor, où l’on peut consulter et emprunter des ouvrages  [11]. Dès 1823 le célèbre homme de lettres Lucas Alaman, alors ministre « des affaires intérieures et extérieures », propose la fondation de cabinets de lecture comme moyen de « diffuser les Lumières et de développer la culture intellectuelle ». Ouverts pendant une grande partie de la journée – le cabinet de lecture situé à l’angle des rues de San Francisco et Espíritu Santo ouvrait, par exemple, de huit heures du matin jusqu’à dix heures du soir –, ils étaient d’importants lieux de sociabilité  [12]. Le cabinet de lecture de San José del Real proposait environ 600 romans, parmi lesquels on trouvait les œuvres de Walter Scott, de Balzac, d’Alexandre Dumas et d’Eugène Sue. Les droits d’inscription mensuels étaient de deux pesos, une somme relativement importante. Certains de ces cabinets de lecture avaient été créés par des Français. Isidore Devaux, par exemple, ne voulait pas exclure de son cabinet de lecture les artisans et les pauvres, et il avait décidé d’en rendre l’accès gratuit les dimanches et jours fériés de 10h à midi.

14 Ce déplacement vers l’ouest de la ville conduit à une réorientation de l’espace de la culture imprimée. Les nouvelles imprimeries et librairies sont en effet proches des lieux publics et des lieux de consommation associés à la vie quotidienne : le bazar de El Parián où l’on trouve des fruits et des fleurs, les boutiques de vêtements et de tissus, les échoppes où l’on achète les instruments de musique, les tavernes aux noms évocateurs de Las Delicias, Les Délices, de La Bella Unión, La Belle Union, ou encore El Moro de Venecia, Le Maure de Venise, les cafés – El Progreso, La Gran Sociedad – les grands théâtres, les hôtels, les bains publics ou près des centres d’enseignements privés  [13]. Ces lieux fréquentés à la fois par les habitants de la ville et par les voyageurs étaient, pour une majorité d’entre eux, les lieux de sociabilité d’une classe aisée où les imprimés étaient lus, commentés ou discutés, et circulaient de main en main. Dans cette nouvelle géographie urbaine, l’implantation des imprimeries et des librairies répond à une logique différente de celle du passé : au lieu d’être proches de l’université et des collèges, elles préfèrent la proximité des commerces.

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15 Dans cet espace qui se parcourait essentiellement à pied, le passant n’échappait ni aux nouvelles annoncées par les crieurs de journaux ni aux étalages des échoppes de livres qui envahissaient les trottoirs, marchandises bien en vue et mises à portée de main (et d’achat ! )… Les échoppes se trouvaient dans les endroits stratégiques, sous les arcades autour de la Plaza Mayor par exemple. Elles vendaient les imprimés les plus populaires comme les calendriers, les Exercices de dévotion et les images des saints, ainsi que des objets plus courants et familiers comme des jouets, des cahiers et des crayons. Ces lieux n’avaient évidemment pas la solennité des librairies  [14]. Gazettes, livres et journaux, calendriers et petits romans, cahiers à rayures pour y tenir ses comptes, toutes ces marchandises différencient le simple acheteur de l’érudit, du lettré, du professeur ou de l’étudiant, lesquels se dirigent plus volontiers chez les imprimeurs et chez les libraires proprement dits, qui leur offraient une plus grande variété et une meilleure qualité d’imprimés. Nous voyons ainsi deux types d’acteurs sociaux, en fonction des lieux de lecture et de vente des livres : il y a les lieux pour lettrés et d’autres moins spécialisés où se mélangent les marchandises pour un public plus large.

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16 Cependant les librairies, malgré leur dimension culturelle, étaient aussi, bien souvent, de véritables boutiques commerciales. Si les livres et les imprimés de toutes sortes étaient, bien entendu, les principaux objets de vente, on pouvait y trouver également bien d’autres marchandises, depuis les peignes et les crèmes jusqu’à la « liqueur pour nettoyer les dents », du « vrai liquide des Antilles pour nettoyer les vestes » jusqu’à « l’huile pour faire pousser les cheveux »  [15], produits qui n’étaient pas du tout liés à la culture imprimée mais qui étaient là parce qu’ils faisaient partie de la vie quotidienne et qu’ils étaient parmi les porduits les plus demandés. Cette juxtaposition de textes imprimés et de produits indispensables témoigne du caractère hybride de ces établissements qui, précisément pour cette raison, attiraient dans un même espace des publics différents. En plus du public lettré qui fréquentait naturellement les librairies, il existait toutes sortes de gens qui entraient dans une librairie pour acheter autre chose que des livres et qui se familiarisaient à cette occasion avec un univers culturel différent du leur.

17 Univers culturel rendu particulièrement séduisant grâce aux nouveautés éditoriales, ouvrages luxueux, joliment illustrés et en couleur, que les éditeurs proposaient à l’imitation de ce qui se faisait en Europe. Car on remarque au XIXe siècle une diversification des contenus et une amélioration dans la présentation des imprimés : les formats deviennent plus variés, le nombre des pages augmente, on ajoute des gravures et des lithographies, on utilise la couleur, on recompose les pages avec un véritable travail graphique : on assiste en un mot à une véritable révolution éditoriale et typographique qui vient du reste de l’Europe. Tous ces phénomènes, ainsi que l’occupation de ces nouveaux espaces dans la ville de Mexico ont une conséquence très importante : le livre devient une marchandise.

LIBRAIRIE, SOCIABILITÉ ET VIE INTELLECTUELLE AU XIXe SIÈCLE

18 C’est également dans les librairies que se réunissaient les fameuses « tertulias », sociétés littéraires regroupant des acteurs de la vie politique et culturelle comme chez José Justo Gómez de la Cortina, dans la rue Juan Manuel, ou chez Francisco Ortega, à las Escalerillas 2.

19 La croissance et la concentration du territoire culturel pendant les premières décennies du XIXe siècle mène ainsi à l’ouverture de nouveaux lieux de sociabilité. À l’intérieur des librairies se réunissait tout un monde de journalistes, militaires, députés et sénateurs, conseillers et poètes, « tout animal vivant ayant une langue pour parler »  [16] – comme l’écrivit un journal de l’époque… On y commente les actualités, on y feuillette, parcourt ou achète les nouveautés éditoriales, on y murmure au sujet de l’instabilité de la situation politique, on y prépare des pronunciamientos ou, ce qui est le plus important pour notre propos, on y élabore des projets culturels…

20 C’est, par exemple chez le libraire Andrade que le projet du Dictionnaire universel d’Histoire et de Géographie [17] est conçu : cette œuvre colossale en dix volumes de grand format va réunir les meilleurs représentants de l’intelligentsia mexicaine sur deux générations : d’abord celle de Lucas Alamán et plus tard celle de Manuel Orozco y Berra ; et représenter ses deux courants de pensée : la pensée conservatrice et la pensée libérale. Dans un monde politique instable, aux changements constants, la vie culturelle de l’élite permet de faire face aux difficultés du quotidien. Visiter les librairies, participer aux sociétés littéraires, se rendre dans les cabinets de lecture, assister aux cours organisés dans les académies, se rendre dans les ateliers de reliure : autant d’activités dans des lieux de production et de diffusion de culture reconnus par les citoyens.

21 Il existait également des salons littéraires dans des institutions d’enseignement comme le collège de Letrán, dont l’Académie, la Academia de Letrán, deviendra célèbre et sera reconnue plus tard comme le lieu où prit naissance une littérature nationale. Le Lycée mexicain artistique et littéraire, la Grande société philharmonique et le Conservatoire mexicain des Sciences et des Beaux-Arts, sont de bons exemples des lieux où se développe la vie culturelle de la jeune nation. Certaines institutions fondées pendant l’époque coloniale furent ainsi capables de trouver un second souffle  [18].

22 Dans le monde des libraires de Mexico, la présence d’Espagnols, de Français, d’Anglais et de Nord-Américains ouvre de nouvelles perspectives. À partir des années 1830, en effet, ces libraires, qui conservent des liens avec leurs pays d’origine, développent les échanges et élargissent l’horizon du monde des imprimés. Si, pendant l’époque coloniale, le commerce d’ouvrages est contrôlé par un nombre restreint d’individus, souvent les imprimeurs eux-mêmes, après l’Indépendance on retrouve des libraires, aussi bien mexicains que d’origine étrangère  [19] qui, en associant production éditoriale et commercialisation des ouvrages, de façon plus professionnelle, vont dominer le secteur : Mariano Galván, Antonio et Cristóbal de la Torre, Juan R. Navarro, Ackermann, Andrade et les propriétaires de la Librería Mexicana, pour ne citer que les exemples les plus caractéristiques.

23 Enfin les ateliers d’imprimerie sont également des lieux où se réunissent auteurs et imprimeurs pour diffuser la culture éclairée du Mexique de l’Indépendance. Il faut souligner que les ateliers typographiques et les librairies de l’époque coloniale ne disparurent pas tous après l’Indépendance. La coexistence des ateliers typographiques d’autrefois et des nouveaux espaces va donc multiplier l’offre culturelle dont disposent les habitants de la grande capitale. Par ailleurs de nouvelles institutions éducatives, fondées par l’État ou par des particuliers, vont s’ouvrir dans l’ouest de la ville, rue Espíritu Santo 4, et le Collège Français au numéro 11 de la rue de Cadena. Ces établissements se mêlent à d’autres entreprises, plutôt commerciales.

24 Si les lieux de production et de vente des imprimés investissent d’autres lieux que ceux qui se trouvent autour de la Plaza Mayor, en revanche, les collèges et l’Université restent dans les mêmes espaces après l’Indépendance, même s’il y a quelques modifications au moment de la première réforme libérale, en 1833. On peut y voir le signe d’une continuité culturelle avec la période coloniale. Pourtant deux de ces institutions fondées pendant cette période, le Colegio de San Juan de Letrán et le Colegio Mayor de Santa María de Todos los Santos, furent des lieux où s’élaborèrent les projets culturels des nouvelles générations nées après l’Indépendance. Quant au déplacement des points de vente des imprimés, il suit l’évolution du lectorat au XIXe siècle et l’arrivée sur scène de nouveaux lecteurs comme les femmes, les artisans, les enfants.

25 Rappelons une fois encore la distribution spatiale de la capitale : à l’ouest se concentrent les imprimeurs, les libraires, les sociétés littéraires et les théâtres, de manière parallèle et complémentaire avec l’activité intellectuelle plus ancienne qui se situe à l’est de la ville. En quelque sorte, la Plaza Mayor sert de ligne de partage entre deux zones : à l’est le monde des collèges, des écoles traditionnelles et de l’université, à l’ouest un nombre croissant de nouveaux centres de sociabilité et de diffusion de la culture, en rapport direct avec le monde de la librairie et les commerces.

26 La spécialisation dans les métiers du livre que l’on voit apparaître pendant les premières décennies du XIXe siècle transforme également les espaces urbains consacrés à la promotion de l’imprimé : il existe alors des lieux expressément consacrés à la production, d’autres à la vente, d’autres enfin à la lecture comme les cabinets de lecture. En même temps les imprimeurs et les libraires se spécialisent eux-mêmes. On sait désormais où aller si l’on veut trouver une édition de luxe, une partition de musique, un calendrier, un atlas ou des textes de médecine. Par exemple Ackerman vendait des livres d’art et des fournitures pour les peintres, Murguía des partitions de musique, Galván des almanachs, alors que Cumplido s’était spécialisé dans les nouveautés de luxe.

27 Les imprimeurs étaient marqués aussi par des sensibilités et des orientations politiques différentes : l’atelier de José Mariano Fernández de Lara, au n° 4 de la rue de la Palma, ou celui du Catalan Rafael de Rafael, sont liés aux partisans de la pensée conservatrice, alors que chez Ignacio Cumplido, à Cadena 12, ou chez Vicente García Torres, rue de l’Espíritu Santo 3, on retrouve plutôt les idées libérales. Ces différenciations se retrouvent dans la répartition des journaux qui connaissent un grand développement dans la ville de Mexico au XIXe siècle. Lara publie El Tiempo, le grand journal conservateur, et Cumplido El Siglo XIX le grand journal libéral. Grâce à tous ces imprimeurs-éditeurs, grâce aux libraires et aux maisons d’édition, toutes les artères du centre de Mexico deviennent célèbres, à cause de l’association qui se crée dans la mémoire et dans l’imaginaire des lecteurs entre le nom de l’éditeur et la rue où il se trouve : calle de la Palma 4 avec Lara, Espíritu Santo 3 avec García Torres et Calle de los Rebeldes N° 2 avec Ignacio Cumplido.

28 La ville de Mexico qui, pendant des siècles, reste identique à elle-même redéfinit au XIXe siècle sa géographie commerciale et ses stratégies éditoriales. Ces espaces urbains se recomposent non pas nécessairement par la construction de nouveaux immeubles mais par l’usage différent attribué aux bâtiments déjà existants qui se transforment en autant de lieux culturels, auparavant concentrés, dans leur quasi-totalité, dans des espaces que nous pourrions appeler des espaces de sacralité culturelle comme les universités, collèges, séminaires, églises. La dynamique qui, au XIXe siècle, permet le développement de l’ouest de la ville, supplantant peu à peu sa partie est, aboutit à une redéfinition et à une appropriation des territoires culturels grâce à des itinéraires nouveaux de consommation. Elle contribue à la formation de groupes idéologiques bien identifiés, qui se réunissent autour de projets éditoriaux comme ceux de El Siglo XIX ou de El Tiempo, et elle entraîne également la transformation d’espaces privés en espaces publics dans la mesure où les salons de certaines maisons privées accueillent les tertulias.

29 Les imprimés ou plutôt la culture en général réussissent à se développer parce que leurs agents – hommes politiques, écrivains, imprimeurs/ éditeurs, libraires – participent de ce moment de changement en répondant aux besoins d’une société marquée par l’esprit des Lumières, qui cherche à promouvoir l’éducation, la science et la technique. Tout en reconnaissant la religion comme une de ses parties constitutives, et en diffusant les nouveaux textes de lois et les manifestes des différentes factions politiques, cette culture imprimée cherche en effet à répondre avant tout aux besoins du nouveau citoyen. Il est ainsi possible de saisir et visualiser la Cité dans cette période de transition que représentent les premiers moments de l’Indépendance avec l’implantation des nouvelles imprimeries, des librairies, des cabinets de lecture et l’exercice de nouveaux droits (les libertés de la presse et du travail). Dans certaines rues se concentrent les lieux de diffusion de la culture qui deviennent d’incontournables centres de sociabilité. Culture et commerce s’entrecroisent alors dans l’espace urbain. Comme de nos jours au XXIe siècle, où les échanges les plus importants dans la ville sont bien la conversation, l’information et la rumeur, pendant le XIXe les libraires et les typographes, les cabinets de lecture et les sociétés savantes vont faire circuler les imprimés, toutes ces marchandises « culturelles » qui sont avant tout des produits de consommation qui animent et encouragent la sociabilité. Culture et commerce s’entrecroisent alors dans l’espace urbain, confirmant ce qu’écrit Borja dans son ouvrage sur « l’espace public » : « ville, culture et commerce, sont des termes étymologiquement et historiquement liés »  [20].

30 Traduction de Lise Andries

Notes

  • [1]
    Y. Jean et C. Calenge, « Introduction », 2003, p. 12. Pour les références complètes, voir la section « source utilisées » en fin d’article.
  • [2]
    D’un point de vue qualitatif, la production imprimée se diversifie et améliore sa présentation. Sur le plan quantitatif, on assiste à une augmentation du nombre d’ouvrages mis en circulation. En ce qui concerne les aspects formels, on peut dire que l’édition mexicaine appartient maintenant aux temps nouveaux. Les pages s’agrandissent ou se réduisent, sont oblongues ou verticales, incluent des gravures et des lithographies variées, mélangent les lettres et les images, renouvelant le panorama éditorial de multiples façons.
  • [3]
    Il existe d’autres lieux de sociabilité comme les théâtres qui n’ont pas nécessairement un lien direct avec la lecture ou la production et la vente des imprimés.
  • [4]
    Prieto, Memorias, t. I, p. 29. Le texte original est en espagnol.
  • [5]
    La Bibliothèque de la cathédrale est publique et se trouve dans le même bâtiment. On y entre par la rue Empedradillo. Voir le numéro de l’Espectador, 7 février 1846.
  • [6]
    Voir Laurence Coudart, « Difusión », 2001, p. 343-356.
  • [7]
    Les places et les angles de rues jouaient un rôle stratégique du point de vue des Autorités : c’était là qu’étaient affichés les papiers publics, arrêts, règlements et autres, et que se rassemblait le public pour lire ces feuilles ou en écouter la lecture.
  • [8]
    Voir González Obregón, México, 1979, p. 21
  • [9]
    Voir Miño/Pérez Toledo, Población, p. 151. Tadeo Ortiz signale que vers 1822 la ville de Mexico comptait 165 000 habitants. T. Ortiz, Resumen, 1968 ; A. Pi-Suñer, México, 2000, vol. I, p. 76.
  • [10]
    Aux noms connus de Bernardo Calderón, Francisco Robledo, Diego de Ribera, Francisco Rodríguez Lupercio, Juan de Ribera, José Bernardo de Hogal, Cristóbal Zúñiga, il faudrait ajouter les centres de vente de María Fernández de Jáuregui, de Manuel Cueto, Domingo Sáenz, Antonio Espinosa, Francisco Rico, Miguel del Valle, Pedro Bezares, Agustín Dherbe, ainsi que la Librairie de l’Arquillo et de la Gaceta, et d’autres de moindre importance.
  • [11]
    Voir Lilia Guiot de la Garza, « Competido », 2003, p. 437-510.
  • [12]
    Voir Diario, 30 mai 1845.
  • [13]
    Voir Carrera, Planos, 1949.
  • [14]
    Il faut dire qu’avant et pendant la guerre d’indépendance, ces lieux étaient déjà célèbres. C’est là que se vendaient la Gaceta et le Diario, premiers quotidiens publiés au Mexique, les réimpressions des textes politiques venus d’Espagne, ainsi que les dernières nouvelles imprimées concernant la guerre. On vendait aussi des caricatures grotesques et enluminées représentant Napoléon et sa Cour, ou « Pepe Botella », l’usurpateur.
  • [15]
    Tous ces produits se vendaient, par exemple, dans la Librairie de Recio et à La Mexicana, à l’angle des Portes de Mercaderes et Agustinos. Voir le numéro de La Hesperia, Mexico, 5 avril 1840.
  • [16]
    Le garde-manger », Boletín, 21 décembre 1844. La tertulia la plus célèbre était celle qui devint la Librairie de Galván.
  • [17]
    C’est Artemio del Valle Arizpe qui mentionne cela. Voir Pi-Suñer, ouvr. cité, p. VII-X.
  • [18]
    Romero, Biografía, 1934, p. 33. Voir aussi Perales, Asociaciones, 2000.
  • [19]
    On peut citer par exemple les noms de Jules Rosa, Juan Eschenburg, Hipólito Brun, George Ackermann, Juan Federico Merche, Juan Jacobo Kienast, José et Esther Pujol, Juan Buxó et José Morales, Pedro Guillet, Agustin Bossange, Ernest Masson. Voir Reyna, « Impresores », p. 259-272 et Lilia Guiot de la Garza, « Competido », p. 437-510.
  • [20]
    J. Borja et Z. Muxí, Espacio, 2003, p. 30.
Français

Dès le XVIe siècle, des imprimeries, ateliers typographiques et librairies s’installent dans Mexico autour de la Plaza Mayor – la Grand-Place. Pendant toute la période coloniale, c’est dans ce quartier que la population d’origine espagnole est la plus nombreuse, alors que les Indiens sont rejetés en majorité à l’extérieur de la ville. Après l’Indépendance, proclamée en 1821, la restructuration des forces politiques devient une réalité, et les imprimeurs vont jouer un rôle essentiel : c’est à travers les imprimés en effet que les opposants s’affrontent et que circulent les projets politiques et culturels de la nouvelle nation. Grâce aux droits et aux libertés garantis par la nouvelle Constitution libérale, le marché éditorial se développe. Dans cette nouvelle géographie urbaine, l’implantation des imprimeries et des librairies répond à une logique différente de celle du passé : au lieu d’être proches de l’université et des collèges, elles préfèrent la proximité des commerces et se déplacent vers l’ouest de la ville. La Plaza Mayor devient alors la ligne de partage entre deux zones : à l’est le monde des collèges, des écoles traditionnelles et de l’université, à l’ouest un nombre croissant de nouveaux centres de sociabilité et de diffusion de la culture, en rapport direct avec le monde de la librairie et les commerces.

English

Since the sixteenth century, printers, typographers and booksellers have settled in Mexico around the Plaza Mayor. All along the colonial period, the majority of the Spanish and Creole population was living in that area, whereas Indians were expelled to the surroundings of the city. After the Independence in 1821, new political forces appeared and printers started to play an essential part in the country : it was through the press that political parties opposed to one another and that the political and cultural projects of the new nation were circulated. Thanks to the rights established by the new liberal Constitution, the publishing market expanded and the cultural geography of the city of Mexico started to be modified. Instead of settling close to the university and colleges as in the past, printers and booksellers shifted to the western part of the city and to the commercial district. The Plaza Mayor became the boundary line between two zones : in the East were the colleges, the traditional schools and university, in the West a growing number of new cultural centres, directly linked with the printing world and the shop market.

SOURCES UTILISÉES

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laura SUÁREZ DE LA TORRE
Instituto Mora, México
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/rom.143.0149
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