CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« Le phénomène décisif ce sont les haines abstraites, les haines de quelque chose que l'on ne connaît pas et sur quoi on projette toutes les réserves de haine que les hommes semblent porter au fond d'eux-mêmes. »
Raymond Aron  [2]

1Au début du xxie siècle, en dépit du désenchantement du monde et de la sécularisation, censés avoir provoqué la disparition définitive de la pensée magique et de la croyance aux démons, nous devons toujours nous interroger sur ce mythe politique moderne qu'est le « complot juif mondial » qui, à travers de multiples avatars, n'a point cessé de réenchanter négativement notre monde  [3]. Nombreux sont aujourd'hui les indices attestant non seulement la survivance, mais encore la surprenante et inquiétante vitalité de ce mythe d'accusation redoutable, porté par un ensemble de peurs, d'obsessions et de haines inépuisables [1]. Il représente le fil continu reliant le vieil antisémitisme médiéval aux nouvelles formes de judéophobie, liées à la mythisation de l'« antisionisme ». Sa vitesse de circulation et sa force de pénétration dans les opinions permettent de mesurer la nouvelle vague planétaire de judéophobie. Il semble bien que la démythisation n'ait pu entamer la force symbolique de ce grand récit de fiction mettant en scène une prétendue surpuissance cachée, celle des « Juifs internationaux », du « sionisme mondial » ou de la « judéo-maçonnerie cosmopolite » (ou « mondialiste »).

2On sait que son principal véhicule textuel est constitué par un document apocryphe, les Protocoles des Sages de Sion, fabriqué à Paris au tout début du xxe siècle à l'initiative de la police secrète russe, l'Okhrana (le « service de la Sûreté politique »), sous la direction de Pierre Ivanovitch Ratchkovski [2]. Depuis l'été 1921, il est établi, sur la base d'une rigoureuse comparaison de textes due au journaliste britannique Philip Graves, que ce « document » supposé « révélateur » constitue un plagiat. Plus précisément, ce « document » est un faux fabriqué notamment avec d'autres faux : une compilation attribuée mensongèrement à des sources juives ou judéo-maçonniques. Il s'agit donc d'une mystification littéraire d'usage politique qui, en dépit d'une critique démystificatrice récurrente depuis 1920, a parfaitement réussi. Paradoxe tragique : le succès mondial du faux s'est confirmé à la fin du xxe siècle, porté par les mobilisations dites « antisionistes » et la propagande islamiste dénonçant le « sionisme mondial » ou le « complot américano-sioniste », alors même qu'en 1999, au terme du dépouillement de nouvelles archives trouvées en Russie, l'historien russe Mikhaïl Lepekhine pouvait enfin identifier le faussaire, Matthieu Golovinski  [1], et reconstruire son itinéraire paradoxal – de la police tsariste au bolchevisme ! La progression du mythe dans l'opinion mondiale est allée de pair avec les progrès de la critique rationnelle de la mystification.

I. Métamorphoses et nouveaux usages du mythe

3Après la Seconde Guerre mondiale et la création de l'État d'Israël (1948), dès le début des années 1950, aux lendemains de la crise de Suez mais surtout après la guerre des Six-Jours (juin 1967), le faux sera utilisé massivement pour dénoncer le « sionisme mondial » (entité mythique répulsive, et non pas réalité politique définissable) par la propagande de la plupart des pays arabes, et plus largement musulmans.

Usages « antisionistes » du faux dans le monde arabo-musulman

4Au cours de l'automne de 1951 paraît au Caire une traduction arabe (la première due à un musulman), faite par Muhammad Khalifa al-Tunsi, de l'une des versions anglaises des Protocoles (celle de Victor E. Marsden, publiée par le groupe antisémite « The Britons », Londres, 1921), Le Péril juif. Les Protocoles des Sages de Sion. Dans sa longue préface, le traducteur égyptien oriente ainsi ses lecteurs :

5Ce livre est le plus dangereux jamais publié dans le monde, comme ne peuvent s'en convaincre que ceux qui, familiers des lois de l'histoire et de celles de la sociologie, au fait de l'histoire des Juifs et des orientations du cours du monde, et avertis des secrets de l'esprit humain, ont étudié mot à mot, avec attention et minutie, le contenu de chacun des Protocoles en liant entre elles les différentes parties du plan qu'ils dessinent. C'est alors seulement qu'ils peuvent appréhender le complot infernal mis en œuvre par les Juifs pour corrompre le monde et le soumettre tout entier au service de leurs intérêts exclusifs.

6Le compte rendu admiratif que donne de cette édition des Protocoles l'écrivain égyptien très respecté Abbas Mahmoud al-Aqqad, dans Al-Asas le 23 novembre 1951, montre une totale absence de regard critique sur le document apocryphe :

7 La traduction arabe [...] a été établie avec le plus grand soin [...] par cet auteur compétent et savant qu'est Muhammad Khalifa al-Tunsi [...]. L'estimable traducteur a, de surcroît, fait précéder le texte de ce livre démoniaque d'une copieuse préface où il explique que les dirigeants sionistes ont tenu 23 congrès depuis 1897, le dernier en date étant celui qui s'est tenu, pour la première fois, à Jérusalem, le 14 août 1951, pour étudier [...] la question de l'émigration juive vers Israël et discuter de la question de ses frontières ! L'objectif commun de toutes ces réunions : étudier les plans de la mise en œuvre desquels sortira le royaume mondial de Sion. La première de ces réunions, à laquelle participèrent près de 300 dirigeants sionistes parmi les plus virulents, représentant plus de 50 organisations juives, s'était tenue à Bâle, en Suisse, en 1897, sous la présidence de Theodor Herzl. C'est au cours de cette réunion que fut mis au point un plan secret visant à asservir le monde et à le soumettre à un roi appartenant à la descendance de David [1].

8En avril 1957 sort au Caire une nouvelle édition arabe des Protocoles, rééditée en 1959 sous le titre Communisme et Sionisme. Les Presses islamiques, à Beyrouth, rééditent en novembre 1967 la version française des Protocoles publiée en 1921 chez Grasset, avec l'introduction de Roger Lambelin (royaliste proche de l'Action française) [2], précédée d'une préface de style conspirationniste et violemment « antisioniste » de Faëz Ajjaz. La première page de couverture donne à lire le message suivant dans le surtitre, en guise de réactualisation du « document » : « La vérité sur Israël, ses plans, ses visées, révélée par un document israélite [3] ». Dans sa préface datée du 5 novembre 1967, le journaliste et publiciste syrien Faëz Ajjaz (el-Ajjaz) [4], éclairé par sa lecture « naïve » des Protocoles, interprète le combat des Arabes et des musulmans contre Israël comme la légitime résistance des peuples agressés contre les « fils de Sion » poursuivant le rêve de domination mondiale de leurs ancêtres (« les Sages de Sion »), tout en voyant dans la guerre des Six-Jours une preuve irrécusable, voire la preuve décisive de l'authenticité des Protocoles :

9L'année 1967 fera date – sans doute – dans l'histoire du Moyen-Orient arabe en particulier, et dans l'histoire de l'humanité en général. Car c'est au cours de cette année, et plus précisément le 5 juin 1967, que le peuple de Sion confirma, pour la première fois dans son histoire, l'authenticité d'un document publié en 1905 et qui n'a cessé, depuis sa parution, de faire couler un flot d'encre et de soulever un ouragan de polémiques. En effet, c'est en déclenchant leur campagne d'expansion territoriale, expansion basée sur la violation de toutes les normes de la morale et du droit, que les fils de Sion ont donné la preuve matérielle qu'ils n'ont jamais oublié les « Protocols » de leurs Sages et les principes posés par ces Protocols pour la réalisation de leur rêve : la domination mondiale. Partis de l'idée qu'ils étaient le Peuple élu de Dieu, ils semblent avoir oublié que les Arabes ont toujours employé le qualificatif opposé à celui correspondant à la réalité des choses dans l'espoir d'adoucir l'amertume de la réalité  [1]. Car l'histoire juive est édifiante sur la place qu'accorde la divinité à cette petite communauté, maudite par le Ciel au point d'être un peuple éternellement errant  [2].

10Le propagandiste « antisioniste » reprend ensuite la grande accusation contre les Juifs lancée par les Protocoles – celle d'être une puissance de chaos –, la réinscrit dans la catégorie du Juif « ennemi du genre humain » et, pour finir, déplore l'aveuglement des Occidentaux chrétiens face à la terrible menace incarnée par Israël :

11Je n'entrerai pas ici dans le détail de l'histoire des fils de Sion et de la preuve qu'ils étaient toujours derrière chaque mouvement qui a essayé de saper-à travers l'histoire – les réformes spirituelles et morales entreprises au profit de l'humanité. Je voudrais simplement rappeler aux lecteurs de cet ouvrage l'attitude pro-juive et anti-arabe adoptée par la majorité des peuples de l'Europe et de la communauté chrétienne dans le monde au cours des événements de juin 1967, et les mettre à nouveau en présence du danger réel que représente Israël, non point pour les Arabes et les musulmans seuls, mais surtout pour les chrétiens et l'humanité tout entière. [...] Puisse la Divinité éclairer tous les chrétiens du monde à réaliser le danger, à unir leurs efforts aux nôtres pour le bien de la race humaine tout entière  [3].

12Derrière le discours de légitime résistance aux agresseurs et envahisseurs « sionistes », il convient de discerner un modèle interprétatif de la guerre contre Israël dérivé d'une vision du monde largement répandue dans le monde arabo-islamique : la guerre contre Israël, fondée sur le principe d'un rejet absolu de ce « corps étranger » (ou de ce « cancer »), n'est pas une guerre entre nations, mais une guerre légitimement conduite par les peuples arabes et musulmans contre ces dhimmis révoltés que sont les Juifs au Proche-Orient, afin de les chasser d'une terre arabo-musulmane qu'ils occupent illégitimement par la force, et, pour les idéologues fondamentalistes, de restaurer la loi islamique. Le système arabo-islamique traditionnel de gouvernement des peuples conquis (dhimmis) continue de définir la normalité politique dans l'imaginaire « antisioniste » : les dhimmis, Juifs ou chrétiens, ne sont tolérés sur une terre musulmane qu'à la condition qu'ils acceptent un statut spécifique de dominés, inférieurs, soumis et, à ce titre, protégés  [1]. En 1968, tandis que le frère du président Gamal Abdel Nasser édite au Caire un ouvrage titré Les Protocoles des Sages de Sion et les préceptes du Talmud [2], l'Institut islamique de Beyrouth publie 300 000 exemplaires des Protocoles en français, en italien, en espagnol et en arabe. Dans la préface de sa réédition « populaire » de 1968, Shauqi Abd al-Nasser s'adresse ainsi à son lecteur : « Tu te dois, ô compatriote, de répandre ce livre au plus grand nombre possible de tes frères et de tes amis. Tu te dois, ô compatriote, de lire le livre une fois, puis plusieurs fois, puis de l'analyser, jusqu'à ce que nous connaissions son programme satanique et ses méthodes de serpent, car la connaissance de l'ennemi est une partie de notre ligne d'action jusqu'à la victoire. » Le frère du président Nasser reprend dans cette même préface l'argument sophistique visant à prouver l'authenticité des Protocoles par « l'acharnement » des Juifs à la nier et à interdire l'accès au « document » : « Le livre que vous avez devant vous [les Protocoles] est un livre extrêmement rare [sic] dans le monde entier puisque les Juifs menacent d'assassinat ou de châtiments terribles toute personne qui en entreprendrait la traduction, la publication ou la diffusion. [...] Leur but est de racheter le livre et de s'efforcer de récupérer toute édition qui sort des presses dès son impression et avant qu'elle ne parvienne aux lecteurs, quel que soit le nombre d'exemplaires, les efforts à déployer et le coût en argent. »

13Deux décennies plus tard, en 1987, Wajih Abu-Zikri publie au Caire un livre « antisioniste » intitulé Les Premiers Terroristes. Nos nouveaux voisins, où la référence aux Protocoles, supposés authentiques, est jumelée avec la reprise des thèses négationnistes : « Les Juifs répètent que six millions d'entre eux ont été assassinés par les Nazis, mais c'est une invention de leur part. Cependant, les Juifs ont réussi à incruster ce mensonge dans les esprits du monde entier, et à le transformer en une réalité qu'il est difficile de démentir. [...] Les Protocoles des Sages de Sion font partie de l'héritage juif, et dictent leur conduite aux Juifs. [...] Les Protocoles se trouvent dans chaque synagogue juive [sic], et les rabbins les connaissent par cœur, et en expliquent des extraits aux fidèles le samedi sans dire explicitement qu'il s'agit des Protocoles. Les Protocoles sont un appel à la destruction du monde et à la domination juive universelle par tous les moyens possibles. » L'université n'est pas épargnée par le mythe du complot juif : en 1990, une thèse de doctorat intitulée sans fard « Les Protocoles des Sages de Sion et la menace [qu'ils représentent] pour la vocation islamique » est soutenue à l'université du Caire. La faculté décide de faire imprimer la thèse et d'en faire une matière de cours  [1]. Une nouvelle édition égyptienne mise à jour paraît au Caire en 1994, qui comporte un avertissement au lecteur précisant que les Juifs « dissimulent au monde leurs plans sataniques » et leur « conspiration contre nous », mais que ces plans sont « révélés dans toute leur abomination dans ce livre » (p. 6). Des exemplaires de cette édition, circulant dans la population arabe d'Israël, ont été découverts par les autorités israéliennes en 2002.

14En Jordanie, à Amman, les Protocoles sont réédités en 1984 avec une introduction de Ajjaj Nuwaihid (première édition : Beyrouth, 1967) qui présente le « document » comme « révélant la véritable nature de la “juiverie mondiale” » (p. 5), laquelle serait « une force satanique opérant comme une organisation secrète » (p. 6). Au Liban, à Beyrouth, une traduction des Protocoles due à Ihsan Haqfi est publiée en 1988, et rééditée en 1990 : dans l'un des trois textes introductifs du livre, l'autorité de Henry Ford est une fois de plus sollicitée (« Tout ce que les Protocoles racontent s'est réalisé »). La traduction de Shauqi Abd al-Nasser (1968) est rééditée à Beyrouth en 2000, sous son titre d'origine : Les Protocoles des Sages de Sion et les préceptes du Talmud. Des extraits de la traduction arabe de Muhammad Khalifa al-Tunsi sont publiés dans le mensuel palestinien Al-Shuhada (n° 44, novembre-décembre 2001), qui paraît dans la bande de Gaza. En 2001, le pamphlet antijuif attribué à Henry Ford, The International Jew (version abrégée), traduit en arabe par Ali al-Jawhari, est publié au Caire.

15Enfin, il faut relever le succès, dans le monde arabo-islamique, du feuilleton télévisé égyptien produit en 2001-2002 par le célèbre comédien Mohamed Sobhi, « Le Cavalier sans monture », qui y joue le rôle principal. Ce feuilleton prétend retracer l'histoire du Moyen-Orient de 1855 à 1917, vue par un Égyptien qui a combattu les occupants britanniques et le mouvement sioniste [1]. Diffusé durant le ramadan (à partir du 6 novembre 2002), afin de lui assurer une audience maximale, ce feuilleton s'inspire expressément des Protocoles, dont Sobhi – admirateur de Saddam Hussein et des actions terroristes du Hezbollah – déclare qu'ils « révèlent les plans sionistes pour s'emparer de la Palestine ». Le 17 novembre 2001, l'hebdomadaire égyptien Roz Al-Youssuf présentait ainsi la série : « Pour la première fois, l'auteur de la série aborde courageusement les 24 Protocoles des Sages de Sion, les dévoilant et montrant qu'ils représentent, jusqu'à ce jour, la politique d'Israël, l'origine de ses aspirations politiques et de son racisme [...]. La première scène de la série se situe en 1948, après le retrait des quatre armées arabes et l'invasion sioniste de la terre de Palestine. De là commence un flash-back qui place le spectateur au milieu du xixe siècle. » Sobhi précise dans ce même hebdomadaire : « Grâce à la série, je vais faire découvrir tous les Protocoles des Sages de Sion appliqués jusqu'à ce jour, de façon théâtrale, comique, historique, tragique, romantique et dans une optique nationale. » Le thème récurrent de la série est celui du complot sioniste pour s'approprier la terre arabe, qui permet de suggérer que les Protocoles sont un document authentique, ou en tout cas prophétique (la réalité historique paraissant confirmer, selon les producteurs du feuilleton, le plan de domination exposé dans les Protocoles). L'intrigue du « Cavalier sans monture » tourne autour de la figure du journaliste d'investigation Hafez Neguib, personnage joué par Sobhi, qui s'efforce de démontrer que les Protocoles ne sont pas un faux. Sobhi a déclaré sur la chaîne de télévision Al-Jazira que « le sionisme existe et contrôle le monde depuis l'aube de l'histoire », que de nombreuses prédictions des Protocoles se sont réalisées (19 sur 24, précise-t-il !), et qu'il serait « stupide » de ne pas envisager l'authenticité du document [1]. Sobhi ne cache pas qu'à l'origine de son feuilleton télévisé il y a la lecture qu'il a faite du livre de l'Égyptien Abbas Mahmoud al-Aqqad, Le Sionisme mondial (Le Caire, 1956) – contenant en appendice le texte des Protocoles –, dont il a retenu cette proposition : « [Pour savoir] si oui ou non les Protocoles des Sages de Sion sont une invention, comme ils [les Juifs] l'affirment, il suffit de remonter aux 24 Protocoles. Si nous nous apercevons que certains ont effectivement été appliqués, nous devrons nous attendre à ce qu'il en soit de même pour les autres. » D'où la fonction du « Cavalier sans monture », dans la perspective du comédien engagé Sobhi, devenu scénariste pour l'occasion. Le correspondant au Caire du quotidien Libération rapporte que « ceux qui prétendent avoir visionné la série affirment qu'elle est entièrement vouée à démontrer l'authenticité d'une conspiration juive pour dominer les États arabes  [2] ». Le premier épisode de ce feuilleton (qui en compterait 41  [3]) a été diffusé le 6 novembre 2002 sur la deuxième chaîne nationale égyptienne et le bouquet satellite privé Dream TV. La série a été parallèlement diffusée par la télévision irakienne et par Al-Manar, la chaîne de télévision du Hezbollah émettant à partir du Liban. La diffusion s'est poursuivie durant tout le mois du ramadan, non sans provoquer de violentes polémiques. Si la plupart des écrivains et des journalistes égyptiens ont soutenu la diffusion de la série, cette dernière a été dénoncée par des intellectuels et des éditorialistes du monde arabe. L'ampleur de la campagne antijuive déclenchée a été telle que le principal conseiller du président Moubarak, Ossama El-Baz, spécialiste de droit international, a dû publier dans Al-Ahram une longue mise au point historique et critique sur les Protocoles, la légende du meurtre rituel et d'autres rumeurs antijuives circulant dans le monde arabo-musulman  [4]. Mais Al-Ahram, le quotidien officiel du régime égyptien (600 000 exemplaires), n'en a pas moins encouragé ses lecteurs à suivre fidèlement le feuilleton, tandis que Hafez al-Barghouti, directeur (qu'on dit estimé) d'Al-Hayat Al-Jadida (le quotidien officiel de l'Autorité palestinienne), n'a pas hésité à écrire que voir « Le Cavalier sans monture », et plus particulièrement les derniers épisodes consacrés au « massacre des Palestiniens », était « une obligation pour chaque Arabe désireux de mieux connaître son histoire »  [1]. Un éditorial intitulé « Non au terrorisme idéologique », publié dans le quotidien égyptien officiel, Al-Akhbar (350 000 exemplaires), ironise sur « ceux qui mettent en doute l'authenticité des Protocoles des Sages de Sion » et ajoute : « La question de fond est la suivante : dans les faits, le sionisme ne cherche-t-il pas à conquérir le monde par l'argent, le meurtre, le sexe et d'autres moyens tout aussi méprisables, particulièrement à l'heure actuelle [2] ? » Dans le même sens, Sobhi a dénoncé « l'insistance de l'Amérique pour s'engager dans un néo-maccarthysme [3] ». Relayée par les chaînes du câble et du satellite, cette opération de propagande a fait le tour du monde, se transformant en mode d'endoctrinement des musulmans de tous les pays, et bien sûr des masses d'immigrés originaires du Maghreb ou du Proche-Orient, sensibilisés par les images « antisionistes » du conflit israélo-palestinien. Tous les épisodes de cette histoire régie par le conflit entre deux légitimités sont lus à travers les lunettes déformantes de l'antisionisme conspirationniste, qui revient à ériger les Palestiniens en victimes innocentes d'un « complot sioniste » ou « américano-sioniste ».

16Sautant sur l'occasion, le 22 novembre 2002, Israël « Adam » Shamir mettait en ligne sur son site un long article intitulé « Les Sages de Sion et les maîtres du discours » dont la conclusion, écrite en langage « antisioniste », lançait un message proche de l'interprétation des Protocoles par Giovanni Preziosi ou Julius Evola (leur « vérité » selon l'esprit et le comportement juifs) : « En résumé, une grande partie (pas la totalité, toutefois) des projets prêtés aux Juifs par les Protocoles sont en effet les idées utiles ou nécessaires pour le bien-être communautaire des Juifs, sans qu'il soit besoin d'une quelconque haine extrême à l'encontre des Gentils ni/ou de la supervision d'on ne sait quels Sages de Sion. Il ne faut aller chercher plus loin le succès jamais démenti des Protocoles. Paradoxalement, c'est l'apartheid israélien qui met ces faits en lumière. Sans lui, sans cet apartheid israélien voyant, ces faits resteraient invisibles pour les communautés humaines qui abritent des Juifs en leur sein [1]. » À l'appui de sa lecture des Protocoles, Shamir n'hésite pas à citer Henry Ford, qui déclarait dans une interview publiée le 17 février 1921 dans le New York World : « Le seul jugement que je porterai sur les Protocoles, c'est qu'ils s'appliquent parfaitement à ce qui est en train de se passer [2]. »

17Les réseaux islamistes internationaux, depuis les années 1990, constituent le principal vecteur de la diffusion mondiale des Protocoles et des textes conspirationnistes associés ou dérivés. Des « islamikazes » ont mentionné le « document » comme une preuve du « complot juif » ou ont été trouvés en possession d'exemplaires des Protocoles[3]. Aujourd'hui, la référence aux Protocoles est présente dans tous les discours islamistes, du FIS algérien au Hamas palestinien, en passant par la propagande d'État de la République islamique iranienne et la presse d'Arabie Saoudite. C'est en tant qu'instrument de lutte idéologique contre Israël que les Protocoles sont indéfiniment réédités en Irak, en Syrie, en Lybie, voire en Tunisie  [4]. Le « sionisme » est mythologisé comme surpuissance mondiale ou empire invisible du mal. L'article 32 de « La Charte d'Allah », la Charte du mouvement Hamas (publiée le 18 août 1988), témoigne de cette retraduction islamiste du mythe du complot juif mondial :

18La conspiration sioniste n'a pas de limites, et après la Palestine elle voudra s'étendre du Nil jusqu 'à l'Euphrate [...]. Leur projet a été énoncé dans les Protocoles des Sages de Sion, et leur conduite actuelle en est la meilleure preuve [...]. Nous n'avons d'autre choix que d'unir toutes nos forces et nos énergies afin de faire face à cette méprisable invasion nazie-tartare [sic]. [...] Au sein du cercle du conflit contre le sionisme mondial, le Hamas se considère comme le fer de lance et l'avant-garde  [1].

II. Vue d'ensemble sur la diffusion du faux : vagues et aires

19L'internationalisation du thème du « complot judéo-bolchevique », adaptation contextuelle du mythe conspirationniste antijuif, est donc culturellement visible à partir de 1920, lorsque les Protocoles, sortant de leur première histoire russo-tsariste, sont traduits dans presque toutes les langues européennes (d'abord en allemand  [2], puis en anglais). Ils sont aussi traduits en arabe, à Damas, en réaction contre la déclaration Balfour, non par des musulmans mais par des chrétiens arabes (1921), on les trouve en circulation vers 1925-1926 en Palestine et en Syrie, et une traduction arabe est éditée au Caire en 1927. Mais c'est seulement en 1951 que le musulman Muhammad Khalifa al-Tunsi, au Caire, en publie une version savante, commentée et précédée d'une longue introduction, où il résume en gros la thèse désormais courante, ordinaire et reçue dans le monde arabe sur l'origine « sioniste » des Protocoles (la troisième édition, publiée au Caire en 1961, comporte, en guise de présentation, le compte rendu très bienveillant de la 1re édition dû à Abbas Mahmoud al-Aqqad).

Récapitulation : les trois vagues de l'internationalisation des Protocoles

20Il y a eu, en fait, trois internationalisations des Protocoles. Première internationalisation : dès 1918-1921, les Protocoles commencent à fonctionner comme une machine de guerre contre le « judéo-bolchevisme », diffusés inlassablement par les armées blanches contre-révolutionnaires, dont les activités de propagande produisent une imprégnation conspirationniste des esprits au-delà des terrains de combat. Les Protocoles sont ainsi traduits dès 1924 en japonais, sous le titre Le Péril juif [3], par le commandant puis colonel Yasue Norihiro (1888-1950) [1], qui avait fait partie de l'état-major du général Grigorii Mikhaïlovitch Semenov en Sibérie (1919-1922) [2], lequel avait fait distribuer à chaque soldat de l'armée blanche qu'il dirigeait un exemplaire des Protocoles[3]. En mai 1921, le baron Ungern-Sternberg, général russe de l'armée blanche, écrivait au général Moltchanov : « Votre excellence, c'est avec admiration et surprise que j'ai toujours suivi vos activités et approuvé vos idées sur le terrible fléau que sont les Juifs, ces parasites qui corrompent le monde [4]. » L'image du « Juif conspirateur », responsable de la Révolution bolchevique et plus largement de toute révolution sanglante, s'est introduite à cette époque au Japon, comme au Proche-Orient. Cet usage anti-judéo-bolchevique des Protocoles a fait tradition, de telle sorte que la référence fondatrice au « document » pouvait être oubliée par les propagandistes antijuifs qui en reprenaient le motif polémique. C'est ainsi qu'en 1966, le programme du Parti de l'unité nationale du Canada, dont Adrien Arcand est alors le « chef national », commence par ce développement conspirationniste :

21Lorsque la Troisième Internationale (communiste) du Juif Léon Trotsky et du demi-Juif Lénine fut fondée, à la faveur de la Première Guerre mondiale, en 1917, ce fut le signal de la grande Révolution mondiale préparée dans la coulisse depuis deux siècles. Cette révolution, qui avait pour but de détruire la Culture chrétienne et sa Civilisation occidentale, avait choisi la Russie comme base d'opération et centre mondial d'activité, parce que la Russie couvre l'Europe, le Proche-Orient, l'Orient et l'Extrême-Orient jusqu'au détroit de Behring, donc le pays le mieux situé stratégiquement. [...] La provocation internationaliste du judéo-communisme amena, par voie de cause à effet, un soulèvement nationaliste chez presque tous les peuples occidentaux [...]  [1].

22Deuxième internationalisation : instrumentalisés comme tels par la propagande nazie dès les débuts de la NSDAP (qui acquiert en 1929 les droits de la traduction de Gottfried zur Beek), légitimés comme document « révélateur » aussi bien par Adolf Hitler que par Alfred Rosenberg, les Protocoles deviennent, après la prise du pouvoir par les nazis, le texte antijuif le plus cité, le plus exporté, le plus imité, et bien sûr le plus exploité par les services de la propagande sous la direction de Joseph Goebbels. Hors d'Allemagne, les antisémites engagés multiplient les brochures de propagande et les pamphlets, exposant sous tel ou tel aspect les accusations véhiculées par les Protocoles. Il en va ainsi du pamphlet d'Arnold S. Leese, Bolshevism Is Jewish, rédigé par le leader de l'Imperial Fascist League en 1939 et depuis indéfiniment réédité [2] : « Le bolchevisme représente l'une des étapes finales dans le programme juif prémédité de domination du monde. Le bolchevisme est juif. Son objet est de conquérir le contrôle du monde pour les Juifs, à travers les forces alliées et combinées de la finance juive et du marxisme juif. En Russie, la vengeance a été le facteur déterminant. » Dans le même sens, en 1938, le philosophe traditionaliste italien Julius Evola, compagnon de route du fascisme et admirateur de la dimension ésotérique du nazisme, écrit dans son introduction à la réédition de l'édition des Protocoles due à l'idéologue fasciste Preziosi : « Des regroupements de forces décisifs se préparent. Ce sont exactement les phases préfinales du plan des Protocoles. En fait, prendre comme base les idées-mères de cet écrit “apocryphe”, c'est aussi posséder un fil conducteur sûr pour découvrir le sens unitaire le plus profond de tous les plus importants bouleversements de ces derniers temps  [1]. » La mise en équivalence des mots « Juifs » et « communistes » est au principe du discours de propagande de tous les groupements antisémites des années 1930 en Europe, notamment en Pologne, en Hongrie et en Roumanie. En 1936, dans l'un de ses opuscules, Corneliu Zelea Codreanu, le chef charismatique de la Garde de Fer (le Mouvement légionnaire roumain), précisait : « Quand je dis communiste, je veux dire Juif [1]. » Mais l'amalgame portait sur d'autres figures supposées du « péril juif » : démocratie, capitalisme, ploutocratie, communisme et partis de gauche [2]. En Pologne, dans l'entre-deux-guerres [3], l'amalgame entre Juifs et communistes fait partie de l'antisémitisme ordinaire, composante de la culture catholique nationale [4]. Le prêtre catholique Stanislaw Trzeciak colporte la thématique conspirationniste issue des Protocoles [5], tout en s'efforçant de défendre la thèse de l'authenticité du « document », dans un contexte où les lecteurs de la presse généraliste et de celle de l'Église y apprennent à « faire rimer le mot “Juif” avec “bolchevique”, “franc-maçon”, “libéral” et “capitaliste international” »  [6]. Aux États-Unis, le père Charles Coughlin, prédicateur antisémite doté d'un redoutable sens démagogique, ne cessait de répéter que les mots « Juif » et « communiste » étaient interchangeables [7]. Ce prêtre catholique commença à publier des extraits des Protocoles dans son journal Social Justice en juillet 1938, dans une perspective à la fois antijuive et anticommuniste [8]. La dénonciation du « judéo-bochevisme » fait l'objet d'infinies variations par Céline en 1937, dans Bagatelles pour un massacre, où il explique ainsi l'exception stalinienne (Staline n'étant pas juif) :

23[...] Staline n'est qu'un exécutant des basses-œuvres, très docile, comme Roosevelt, ou Lebrun, exactement, en cruauté. La révolution bolchevique est une autre histoire ! infiniment complexe ! tout en abîmes, en coulisses. Et dans ces coulisses ce sont les Juifs qui commandent, maîtres absolus. Staline n'est qu'une frime, comme Lebrun, comme Roosevelt, comme Clemenceau. Le triomphe de la révolution bolchevique, ne se conçoit à très longue portée, qu'avec les Juifs, pour les Juifs et par les Juifs  [1].

24Les phalangistes espagnols rééditent les Protocoles en décembre 1939, dont on peut entendre un écho dans le discours prononcé par Franco pour le nouvel an, dans lequel il dénonce les Juifs et les francs-maçons. Les antisémites latino-américains ne sont pas en reste : les synthèses de littérature anti-talmudique et du mythe conspirationniste se multiplient. En 1936, en Argentine, Julio Meinvielle publie El judio en el misterio de la historia (« Les Juifs dans le mystère de l'histoire »  [2]), où il accuse les Juifs de haine pour le genre humain et de volonté de domination du monde. La référence au Talmud permet à l'antisémite argentin de présenter l'humanophobie qu'il prête aux Juifs comme une prescription religieuse qui serait propre à ce peuple :

25Ce qu'il importe de savoir, c'est que le Juif réalise cette loi qui est la sienne, comme quelqu'un qui s'acquitte d'une mission. Parce que cette loi contenue dans le Talmud qui régit le Juif, lui commande en effet de mépriser et de haïr tous les peuples, en particulier les chrétiens, et de n'avoir de cesse qu'il ne les domine et les assujettisse comme des esclaves  [3].

26Dans le prologue de son essai, paraphrasant les préfaces répétitives des Protocoles, Meinvielle présente d'abord les Juifs comme mus par une irrésistible puissance de domination :

27[...] La domination de ce peuple, ici et partout, devient chaque jour plus effective. [...] Les Juifs dominent nos gouvernements comme les créanciers leurs débiteurs. Et cette domination se fait sentir dans la politique internationale des peuples, dans la politique interne des partis, dans l'orientation économique des pays ; cette domination se fait sentir dans les ministères d'Instruction publique, dans les plans d'enseignement, dans la formation des maîtres, dans la mentalité des universitaires ; la domination juive s'exerce sur la banque et sur les consortiums financiers, et tout le mécanisme complexe de l'or. des devises, des paiements, se déroule irrémédiablement sous cette puissante emprise [...]. Où ne domine pas le Juif ? [...] Buenos Aires, cette grande Babylone, nous en offre un exemple typique. Chaque jour son essor est plus grand, chaque jour aussi y est plus grande la puissance judaïque. Les Juifs contrôlent ici notre argent, notre blé, notre maïs, notre lin, nos viandes, notre pain, notre lait, nos industries naissantes, autant que cela peut rapporter utilement, et en même temps ce sont eux qui sèment et fomentent la haine entre patrons et ouvriers chrétiens, entre bourgeois et prolétaires ; ce sont eux les agents les plus passionnés du socialisme et du communisme ; ce sont eux les capitalistes les plus puissants de ce qu'il peut y avoir de dancings et de cabarets à infecter la ville  [1].

28Pour dramatiser sa description de la conquête juive, Meinvielle présente le « peuple proscrit » comme prêt à réaliser la dernière étape de son programme de domination mondiale :

29Et ce que nous observons ici s'observe en tout lieu et en tout temps.

30Toujours le Juif, emporté par la frénésie de la domination mondiale, rafle les richesses des peuples et sème la désolation. Voici deux mille ans qu'il apporte à cette tâche la ténacité de sa race, et maintenant, il est sur le point d'atteindre à une effective domination du monde  [2].

31L'interprétation apocalyptique de l'époque de bouleversements ouverte par la révolution bolchevique est réaffirmée par Emmanuel Malynski et Léon de Poncins dans les dernières lignes de leur livre paru en 1936, La Guerre occulte :

32Au soir du 8 novembre 1917, dans Petrograd balayé par l'émeute et la révolution, l'insurrection communiste triompha. [...] Jeudi 8 novembre. Le jour se leva sur une ville au comble de l'excitation et du désarroi, sur une nation soulevée tout entière en une formidable tempête. Une nouvelle époque de l'histoire du Monde commençait. Elle ouvre l'ère des Finalités apocalyptiques  [3].

33Troisième internationalisation des Protocoles : aussitôt après la création de l'État d'Israël, ils sont devenus, d'abord et surtout dans le monde arabo-musulman, une machine de guerre anti-israélienne et plus largement « antisioniste », permettant de fonder et de nourrir ce qu'il convient d'appeler l'antisionisme démonologique, reformulant le mythe du « complot juif international » comme mythe du « complot sioniste mondial », cet « antisionisme » devant être distingué bien sûr des légitimes critiques de la politique de l'État d'Israël ou même du projet sioniste dans son ensemble. Après la guerre des Six-Jours (juin 1967), le faux et d'autres textes conspirationnistes antijuifs, tel The International Jew de Henry Ford, sont massivement réédités dans les pays arabes, en tant qu'instruments privilégiés de la propagande « antisioniste ». Cette nouvelle vague de rééditions inclut la publication de pamphlets dénonçant les pratiques (imaginaires) de meurtre rituel chez les Juifs ou les « sionistes ». On doit aussi relever, depuis les années 1970, la multiplication de textes conspirationnistes/antisionistes dérivés des Protocoles, comportant une argumentation de type négationniste. Dans cette catégorie, on trouve par exemple l'ouvrage posthume de Douglas Reed, The Controversy of Zion [1], ou l'essai d'Ivor Benson, The Zionist Factor [2] Dans les années 1990, les Protocoles sont diffusés ou réédités en Égypte, en Iran, en Irak, en Lybie, en Arabie Saoudite et en Syrie  [3]. Dans le monde occidental, les Protocoles continuent d'être régulièrement réédités en Grande-Bretagne (en 1972, la traduction de Marsden par les Britons en est à sa 85e édition  [4] !), aux États-Unis (par de multiples maisons d'édition d'extrême droite, qu'il s'agissent des chrétiens fondamentalistes  [1] ou des néonazis  [2], qui publient également The International Jew de Ford) [3], en Australie (1994), en France (1965, 1989, deux en 1990, puis 1993), en Italie (1971, 1972, 1976), en Espagne (1963, 1972, 1975), en Colombie (1990), au Mexique (la traduction de la version Nilus d'après Mgr Jouin en est à sa 9e édition en 1975, et la 5e édition de El judio Internacional paraît en 1977) et en Argentine (1972, 1976, 1989) [4] Des rééditions paraissent en hongrois (1974), en serbe (1988), en slovène (1989), en grec (1976, et de nombreuses autres dans les années 1970 et 1980), en roumain (dans les années 1990), en croate (1996  [1]). Une nouvelle traduction polonaise est publiée en 1991, après les rééditions de 1967-1968, 1983 et de la fin des années 1980. En 1974, ils sont publiés à Bombay sous le titre Complot international contre les Indiens, et réédités en Iran à partir de 1978 (puis 1979, 1981, 1985, 1994, 1998-1999). Une nouvelle traduction japonaise paraît en 1987 (la première avait été publiée en 1924) [2], et, en Russie, l'association Pamiat, après en avoir fait circuler la thématique à partir de 1985  [3], réédite le faux en 1992, dans la version de Nilus. D'autres rééditions suivront en Russie ou en Ukraine, qui furent précédées, de 1967 à la fin des années 1980, de plus de 150 publications « antisionistes » qui s'inspiraient, pour la plupart d'entre elles, de la thématique conspirationniste des Protocoles[4], revue et corrigée par l'« antifascisme » et l'« anti-impérialisme » à la mode soviétique. En Bulgarie, un texte dérivé des Protocoles paraît en 1994 : Maçons, Juifs et Révolutions. Comment ces forces sataniques préparent la fin de genre humain. Dans la plupart des milieux négationnistes (lesquels se disent « révisionnistes »), qui se sont constitués depuis le début des années 1980 en réseau international, la référence aux Protocoles s'est banalisée, et certains auteurs négationnistes rééditent le faux, tel S.E. Castan au Brésil en 1989 [5], ou le diffusent dans diverses langues sur leur site web, tel l'islamiste et négationniste marocain Ahmed Rami depuis 1997  [6]. Depuis la fin des années 1990, la librairie en ligne américaine Amazon vend sur la toile les Protocoles des Sages de Sion[7]. En outre, aux États-Unis, sur fond de tensions entre Noirs et Juifs, le leader charismatique de la « Nation de l'Islam », Louis Farrakhan  [1], exploite de diverses manières les thèmes d'accusation véhiculés par les Protocoles, comme lors de la « One Million March » de Washington, en octobre 1995, où les centaines de milliers de manifestants ont été arrosés de brochures et de tracts antijuifs, parmi lesquelles les Protocoles figuraient en bonne place. Les Protocoles et d'autres textes conspirationnistes antijuifs  [2] sont vendus dans les librairies liées à ce mouvement nationaliste négro-américain  [3]. En septembre 2001 sort la première traduction française, publiée en Suisse, de The International Jew de Henry Ford, en version abrégée, avec en annexe un éloge de Ford par Henry Coston : « Un milliardaire anticapitaliste  [4] ».

Séduction du faux, persistance du mythe : nazis, islamistes, néonazis, « antisionistes » radicaux

34Dans ses conversations avec Hitler, qui eurent lieu vraisemblablement en 1933 et furent ultérieurement reconstruites pour être publiées en 1939 sous le titre Hitler m'a dit, le nazi repenti Hermann Rauschning fournit un précieux éclairage sur l'état d'esprit de ce lecteur fasciné des Protocoles qu'était le Führer :

35Quand j'ai lu, il y a longtemps, les Protocoles des Sages de Sion, j'en ai été bouleversé. Cette dissimulation dangereuse de l'ennemi, cette ubiquité ! J'ai compris tout de suite qu'il fallait faire comme eux, à notre façon bien entendu. Représentez-vous ces hommes éternellement mouvants et nous-mêmes avec notre nouvelle croyance au mouvement éternel. Comme ils nous ressemblent et à d'autres égards comme ils sont différents ! Quelle lutte s'engage entre eux et nous ! L'enjeu est tout simplement la destinée du monde. [...] Que le document soit authentique ou non. au sens historique du mot, que m'importe ? [...] Nous devons battre le Juif avec ses propres armes. J'en ai eu la certitude après avoir lu ce livre. [...] [Les Protocoles] m'ont guidé jusqu'au moindre détail. J'ai appris énormément de choses dans ces Protocoles. J'ai toujours appris beaucoup de mes adversaires. J'ai étudié la technique révolutionnaire dans Lénine, Trotski et les autres marxistes. [...] [Mais qu'avez-vous donc pris dans les Protocoles des Sages de Sion ? demandai-je.] – L'intrigue politique, la technique, la conspiration, la désagrégation révolutionnaire, l'art de déguiser, de tromper, l'organisation. Est-ce que ce n'est pas assez  [1] ?

36Dans ce passage de l'entretien avec Rauschning, Hitler construit l'interaction imaginaire de ceux de son camp avec « le Juif » sur le modèle de la rivalité mimétique. Situation paradoxale, s'il est vrai que les plus ressemblants sont en même temps les plus différents : « Le Juif offre le plus extrême contraste avec l'Aryen », lit-on dans Mein Kampf [2]. C'est par sa dimension antisémite que la conception raciste du monde, chez Hitler et ses proches (Goebbels et Himmler notamment), fonctionne comme un manichéisme. La vision hitlérienne du combat décisif entre la « race supérieure » (l'Aryen) et l'antirace juive (Gegen-Rasse) est planétaire : Aryens et Juifs sont engagés dans la lutte pour la domination du monde. Mais les Aryens, selon Hitler, ont beaucoup à apprendre chez leurs ennemis absolus, dont les ruses et les stratégies cachées sont heureusement dévoilées par la publication des Protocoles. C'est en ce sens que Hitler a été présenté par certains de ses contemporains comme un « élève des Sages de Sion »  [3].

37En 1985, dans l'Iran de l'ayatollah Khomeyni, l'Organisation pour la propagande islamique publie à Téhéran une réimpression de l'édition libanaise des Protocoles (Beyrouth, Les Presses islamiques, novembre 1967), sous le même titre : « Protocols » des Sages de Sion. Texte complet conforme à l'original adopté par le Congrès sioniste à Bâle (Suisse) en 1897 (simple reprise de l'édition française de Roger Lambelin, parue chez Grasset en 1921). La première page de couverture porte en surtitre : La vérité sur les plans d'Israël révélée par un document Israélite, ce qui résume clairement l'interprétation islamiste (à la mode chiite/iranienne) du document. La lecture de l'introduction de l'éditeur (le Bureau des relations internationales de l'Organisation pour la Propagande islamique), intitulée « Au Nom de Dieu, Clément et Miséricordieux », permet de mieux comprendre les objectifs de guerre idéologique que remplit la diffusion des Protocoles aux yeux des islamistes iraniens :

38Les crimes et les violations contre l'islam et les musulmans sont connus de tous. Le Coran fait clairement allusion à cette réalité au verset 82 de la sourate V « La Table servie » : « Tu constateras que les hommes les plus hostiles aux croyants sont les Juifs et les Polythéistes. » L'occupation et l'expansion avides, conformément à la logique « du Nil à l'Euphrate », sont propres à ces criminels professionnels de l'histoire qui, depuis 35 ans, avec la coopération des superpuissances, s'approchent progressivement, pas à pas, à [sic] leur satanique objectif. [...] Non seulement la collaboration des superpuissances a renforcé cette tumeur cancéreuse au cœur du Moyen-Orient islamique, mais bien plus, le silence des peuples arabes musulmans et des dirigeants réactionnaires de la région a aplani la voie à la continuation des agressions et à l'influence accrue des sionistes. [...] L'apparition de la Révolution islamique de l'Iran dans la région représente, aujourd'hui et demain, le plus grand danger pour Israël. [...] Depuis plus de 20 ans, à ce jour, l'Imam Khomeyni, guide de la Révolution iranienne, n'a cessé de rappeler le danger que représente cet ennemi destructeur. La phrase : « Si chaque musulman tenait à la main un seau plein d'eau et en faisait couler le contenu vers Israël, ces criminels seraient balayés », est l'une des plus anciennes et des plus significatives du grand fondateur de la République islamique. Quoi qu'il en soit, il faut dire énergiquement et fermement que la région ne pourra jouir du calme et de la paix tant que cette tumeur cancéreuse n'aura pas été arrachée. [...] C'est sous ce rapport que nous réimprimons, tel quel, et sans exprimer notre opinion [sic], l'ouvrage présent, d'après l'édition libanaise, afin d'exposer la vraie nature de ce dangereux ennemi. Nous espérons avoir fait un pas en avant de plus, tant pour l'information des musulmans et pour faire connaître la nature de ces envahisseurs, instigateurs de trouble, que pour extirper les racines de la corruption, de l'iniquité et du crime sur toute la surface de la terre.

39Le négationniste Alain Guionnet est connu pour avoir publié en 1991 un Manifeste antijuif et avoir lancé en 1989 une revue dite « post-révisionniste », où il mêle les motifs faurissoniens aux thèmes d'accusation hérités des Protocoles et de la littérature conspirationniste dérivée (Urbain Gohier, etc.). Après avoir réédité en feuilleton les Protocoles (version de Boutmi) dans sa revue Revision, de mai à septembre 1989  [1], Guionnet publie en décembre 1990 un éditorial dénonçant la « guerre apocalyptique » contre l'Irak attribuée aux « Sages de Sion », les grands maîtres de la manipulation :

40La guerre apocalyptique en Irak, c'est pour demain. L'enjeu ? Un nouvel ordre mondial, l'ordre juif Si tel est le cas, il n'y aura plus d'espoir, plus la moindre possibilité d'action. Ce sera le règne du despotisme oriental [...]. Le mieux est d'anticiper, d imaginer les scénarios possibles du déroulement de l'affrontement mondial, avec la guerre contre l'Irak dans un premier temps. [...] [Après avoir imaginé les deux premières phases de la guerre : « bombardements massifs » puis offensive terrestre, Guionnet poursuit : ] On peut imaginer une troisième phase, celle de la solution finale : l'aviation israélienne larguant des bombes atomiques sur Bagdad et Bassora. Ainsi, non seulement ce conflit tournerait nécessairement à l'avantage des Israélo-Américains, mais aussi ce serait Israël qui finirait parfaire la différence, en ridiculisant du même coup l'ensemble des armées qui sont à sa solde [...]. Au moindre coût, Israël sera alors sacré roi de l'univers, car étant la seule force capable de faire la différence, d'unir artificiellement toutes les parties du monde, désormais rassemblées sous un seul et même drapeau. Alors, sous l'étoile de David ce sera la nuit noire, la fin de l'histoire. [...] Au nom des droits de l'homme, de la fraternité, leur presse aura beau jeu de dénoncer les actes de résistance, dont certains seront manipulés et mis en scène. Ainsi, l'ennemi du genre humain, le Juif, se présentera comme sauveur de l'espèce humaine. [...] Pour assurer à tout jamais son hégémonie, le système rabbinique s'appuiera sur une politique concentrationnaire jusqu 'à présent inconnue dans l'histoire. [...] Ce sera enfin le règne, tant attendu par les sages de Sion, de la fraternité universelle. [...] Voilà pourquoi, camarades, ouvriers, Français, nous autres révisionnistes goys ou « durs », appelons à préparer l'insurrection  [2].

41Lors de la « Conférence révisionniste internationale » organisée à Trieste les 6 et 7 octobre 2001, l'islamiste marocain Ahmed Rami prononce un discours sur le thème : « La libération de la Palestine passe par la libération de l'Occident [1] ! », où il dénonce violemment la « domination juive » sur le monde, en adaptant aux normes « antisionistes » et/ou propalestiniennes le code culturel antijuif dont les Protocoles constituent un aide-mémoire :

42Les Juifs dominent aujourd'hui – par la corruption – le monde entier et surtout les USA : économiquement, culturellement et médiatiquement. [...] Si les Juifs ne revendiquaient que la Palestine, on aurait pu arriver à un compromis, mais les Juifs ont transformé le monde entier en une « grande Palestine » occupée et exercent effectivement – ou revendiquent – leur domination sur tous les pays du monde ! [...] Les Juifs se croient [sic] « le peuple élu » qui a reçu de son « Dieu » le droit de s'emparer d'une terre qui appartient au peuple palestinien et le droit à l'extermination de ce peuple. Les Juifs estiment – selon leur « religion »– que – eux seuls – sont des êtres humains, tandis que les autres seraient des « Goyim » (des animaux). Toutes leurs fêtes religieuses [...] sont célébrées pour fêter des exterminations barbares perpétrées par les Juifs contre d'autres peuples. [...] Le pouvoir juif est essentiellement fondé sur une escroquerie intellectuelle légalisée et sur le bluff de l'Holocauste, que nous tous, ensemble, devons et pouvons dégonfler. [...] Maintenant nous sommes tous dominés par la mafia juive qui exerce une occupation « chimique » en Occident et une occupation « mécanique » en Palestine ! Je peux même affirmer sans exagération que la libération de la Palestine doit d'abord passer par la libération des USA et de l'Europe  [2] !

43L'islamo-négationniste Ahmed Rami est un infatigable dénonciateur du « ZOG » (« Zionist Occupation Government ») à l'instar des néonazis américains ou britanniques [3]. En professant cet « antisionisme » magique, disons l'anti-ZOGisme, les militants de la plupart des mouvances d'extrême droite peuvent se reconnaître les uns les autres : le « ZOG » amalgame en effet, à l'instar de l'expression chère à Ben Laden (les « judéo-croisés »), les deux figures principales de l'ennemi absolu, Israël et les États-Unis, le « sionisme mondial » et le « nouvel ordre mondial » incarné par l'Amérique. Dans le discours des milieux de la droite radicale aux États-Unis, l'acronyme « ZOG » est ordinairement utilisé pour stigmatiser le gouvernement fédéral, censé être dans les mains des « sionistes ». L'extrême droite chrétienne et « suprématiste » dénonce les « complots » du « ZOG » pour « détruire la race aryenne et l'héritage aryen », principalement à travers la vente de drogues et le droit d'avorter  [1]. Mais le « ZOG » peut aussi désigner tout gouvernement supposé dirigé en secret par le « sionisme mondial » : manière de décrypter magiquement le « nouvel ordre mondial ». On relèvera comme un fait idéologico-politique significatif que le néonazi britannique David William Myatt (né en 1952), leader du groupe néonazi Combat 18 et chef d'une secte raciste appelée Reichsfolk (dont le journal est Das Reich), sataniste en lutte contre le « système ZOG » et créateur d'une nouvelle élite aryenne, « La Légion d'Adolf Hitler », s'est récemment converti à l'islam (d'obédience wahhabite-salafiste), comme s'il s'agissait d'une conclusion logique pour qui veut engager la lutte finale contre le « nouvel ordre mondial ». Pour celui qui signe désormais Abdul-Aziz Ibn Myatt ou Abdul Aziz, devenir musulman, c'était rejoindre le combat d'Oussama Ben Laden contre les « judéo-croisés ». En tant que chef de file du « satanisme nazi » en Grande-Bretagne, Myatt a notamment publié Diablerie : Revelations of a Satanist (Shrewsbury, Royaume-Uni, Thormynd Press, 1991 sous le pseudonyme de Anton Long) ; Cosmic Reich : The Life and Thoughts of David Myatt (Paraparaumu Beach, Nouvelle-Zélande, Renaissance Press, 1995) [2]. Quant à Abdul-Aziz Ibn Myatt, on lui doit de multiples articles aux titres annonçant la couleur, tels que « The Crusader War Against Islam », « Palestine, Islam, the West, and the Zionist Quest for World Domination », « The War Between Imaan and Kufr Will Continue », « Why America Can Not Win It's Declared War Against Islam » (tous en ligne sur son site : davidmyatt.portland.co.uk) [1]. Il ne s'agit pas de la conversion individuelle d'un militant néonazi à l'islam, mais d'un cas exemplaire illustrant le tournant islamophile de la droite radicale dans la période de l'après 1989 : l'ennemi absolu n'est plus le communisme, mais l'Amérique, le « nouvel ordre mondial », entité mythique répulsive où se mêlent l'« impérialisme », le « capitalisme » et le « sionisme mondial ». La « défense de l'Occident » (ou de la « race blanche ») s'est retournée en une guerre contre l'Occident « américano-sioniste ». Certains y ajoutent une thématique empruntée à la Nouvelle droite (le GRECE et son idéologue Alain de Benoist) : celle de l'alliance entre l'Europe et le monde arabo-musulman (ou plus largement le tiers-monde). Cette nouvelle islamophilie d'extrême droite se nourrit de la fascination exercée par le wahhabisme salafiste (à la Ben Laden) mais aussi de l'admiration pour tout dictateur du monde arabo-musulman « résistant » à « l'impérialisme américain ». D'où la célébration de Saddam Hussein par ces milieux islamo-nazis ou islamo-fascistes. L'homologue français (à certains égards) de David Myatt, qui signe sous le pseudonyme de Tahir de la Nive, est un ancien militant d'extrême droite (du type « nationaliste révolutionnaire ») converti à l'islam, devenu l'un des plus actifs propagandistes américanophobes en langue française, comme l'atteste son pamphlet Les Croisés de l'oncle Sam[2], où il s'attaque aux « islamophobes » et définit « la nature du véritable ennemi de l'Europe : l'hegemon états-unien ». C'est pourquoi l'intervention anglo-américaine pour renverser le régime de Saddam Hussein, en mars-avril 2003, a été aussi violemment condamnée par tant de représentants de la droite radicale, dénonçant la « stratégie américano-sioniste d'hégémonie en Eurasie et par voie de conséquence sur la terre entière », stratégie visant notamment à « réaliser le rêve américain de toujours : la domination du monde  [1] ».

III. Dernières nouvelles judéophobes du Proche-Orient

44Au début de 2003 paraît en Égypte, aux éditions Al-Akhbar, un pamphlet antijuif intitulé Kahila, les dessous des massacres perpétrés par les sionistes, signé par un journaliste et publiciste égyptien célèbre, Fathi al-Ibyari [2]. Ce livre, qui prétend révéler l'histoire secrète et inquiétante des Juifs, est élogieusement présenté par le journal populaire Akher Saha comme « une des études les plus profondes, précises, et surtout révélatrices sur les Juifs à travers le monde et l'Histoire ». La réalité textuelle est plus simple : ce pamphlet « antisioniste », dont la publication a été autorisée par les services gouvernementaux, est fabriqué à partir de matériaux empruntés à la littérature anti-talmudique et aux Protocoles, ingurgités avec leurs préfaces et leurs gloses, dont on sait qu'elles reprennent les mêmes motifs d'accusation et citent les mêmes fragments falsifiés ou surinterprétés. L'auteur commence son pamphlet par une série de questions rhétoriques : « Qui a tué les Prophètes ? », « Qui a attisé les guerres ? », « Qui répand larmes et sang ? », et bien sûr : « Qui sont les ennemis de l'humanité ? ». La réponse était attendue : « Ne sont-ce pas les Juifs, les sionistes et leurs sympathisants ? » L'objectif de l'ouvrage est de dévoiler la vérité sur l'organisation secrète des Juifs, « Kahila [3] », espèce de cerveau collectif « diabolique » qui serait composé de « 300 démons ». Ces 300 membres secrets (on reconnaît l'emprunt à la formule de Rathenau)  [1], censés représenter les plus importantes organisations juives (le B'nai B'rith, le Conseil central des Rabbins américains, etc.), auraient pour but, dans un premier temps, d'amasser tout l'or du monde, afin d'acquérir la puissance requise pour exécuter des plans pervers. La superorganisation « Kahila » serait présente depuis que Dieu a créé la race juive, instrument d'anéantissement de l'univers. Si elle s'inspire du Talmud, c'est parce que celui-ci est la « charte du terrorisme ». Pour Fathi al-Ibyari, le « sionisme mondial » vise à s'emparer du territoire compris entre le Nil et l'Euphrate. Quant au « judaïsme mondial », son objectif est d'accomplir la promesse falsifiée de la Torah, justification de son projet de conquérir et de dominer le monde. Division du travail : le « sionisme mondial » cherche à écraser les musulmans, le « judaïsme mondial » cherche à assujettir les chrétiens et les autres goyim. Le journaliste égyptien explique que le mot « Kahila » vient du mot hébreu « Kahal », qui signifie selon lui « gouvernement secret », un gouvernement invisible qui organise la vie des Juifs à travers le monde et leur permet d'infiltrer et de dominer tous les centres d'influence. Derrière la plupart des grands événements de l'histoire mondiale, al-Ibyari prétend voir la main cachée de « Kahila » (de l'assassinat du président Kennedy à l'effondrement de l'Union soviétique, en passant par les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki, les guerres en Afrique, en Asie, etc.). Le journaliste affirme encore que les dirigeants israéliens ne font qu'appliquer à la lettre les instructions secrètes de « Kahila » dont la branche principale se trouverait en Israël. Enfin, selon al-Ibyari, c'est en opérant à travers les « cercles maçonniques » et autres « sociétés secrètes » que la superorganisation « Kahila » a réussi à maîtriser les centres vitaux américains. Deux organisations juives travailleraient dans l'ombre pour « Kahila » : le Conseil juif américain et surtout « Kahila-New York », la plus secrète et la plus puissante, qui, en infiltrant la vie politique américaine jusqu'au sommet de la pyramide, se serait constituée en « gouvernement dans le gouvernement ». Voilà donc la « vérité » sur les agissements secrets et coupables des Juifs et/ou des « sionistes », par l'inventeur égyptien du centre mondial mythique nommé « Kahila » : celui-ci planifierait l'avenir des Juifs du monde entier conformément aux textes « déformés » de la Torah, à ceux du Talmud et des Protocoles des Sages de Sion. Au début du troisième millénaire, dans un pays arabo-musulman en paix avec Israël, le conspirationnisme antijuif se porte bien.

45Passons de l'Égypte aux territoires palestiniens. Al-Manar, la chaîne de télévision du Hezbollah, présente en novembre 2003, durant le mois du ramadan (commencé le 27 octobre), « Al Shatat » (« Diaspora »), une série syrienne dont on peut dire qu'elle est une grande fresque antisémite  [1], à l'instar de la production égyptienne « Le Cavalier sans monture », diffusée lors du ramadan de l'automne 2002. Cette série est composée de trente épisodes qui, à coups de clichés et de stéréotypes antijuifs, prétendent retracer l'histoire du sionisme de 1812 (date de la mort de Meyer Amschel Rothschild) jusqu'à la création de l'État d'Israël. Le refrain conspirationniste que fait entendre ce feuilleton syrien de propagande « antisioniste » est également emprunté à la littérature dérivée des Protocoles : « Les Juifs dominent et contrôlent le monde ». Dès le premier épisode, diffusé le 27 octobre 2003, le décor est planté et l'orientation de la série clairement définie : il s'agit de présenter le « gouvernement juif mondial » aux xixe et xxe siècles, comme le fruit d'un projet secret de la famille Rothschild. Cet épisode est introduit par le raccourci suivant, synthèse d'accusations délirantes en tout genre : « Il y a deux mille ans, les sages juifs instaurèrent un gouvernement mondial ayant pour objectif de diriger le monde, de le soumettre aux préceptes du Talmud, et de séparer complètement les Juifs des autres peuples. Ensuite, les Juifs entreprirent de provoquer des guerres et des conflits civils, récoltant la condamnation des [différents] pays [2]. Ils se firent passer pour persécutés, attendant que leur sauveur, le “Messie”, achève de les venger des “gentils”, vengeance entamée par leur Dieu Jéhovah. Au début du xixe siècle, le gouvernement juif mondial a décidé d'intensifier ses complots. Il s'est dissous pour faire place au nouveau gouvernement juif mondial secret, dirigé par Amschel Rothschild. » La suite du texte apparaît sur l'écran tandis que l'hymne israélien, l'Hatikva, est entonné en musique de fond : « Le contenu de ce programme se fonde sur plus de 250 documents juifs et sionistes historiques authentiques, sans aucun rapport avec les Protocoles des Sages de Sion. Parmi ces sources se trouvent : la Torah, le Talmud, les mémoires de Theodor Herzl, l'anthr pologie juive, le Talmud de Babylone, La Religion de Sion, L'État juif de Herzl, L'Histoire du peuple d'Israël, Les Premiers Israéliens, Les Nouveaux Israéliens, Lettre aux païens, la mine d'or qu'est la loi talmudique, et Le Débat sur Sion. » On notera la prise de distance vis-à-vis des Protocoles, traités comme un document dont l'authenticité reste douteuse : ce geste rhétorique couvre une reprise du contenu essentiel du faux, à savoir l'attribution aux dirigeants du peuple juif d'un programme de domination mondiale en cours de réalisation. Après cette énumération de références censées établir le sérieux de la série commence la première scène qui, située à Francfort en 1812, raconte les derniers instants du patriarche de la famille Rothschild, Amschel, étendu sur son lit de mort. Le vieil homme ordonne à son fils « illégitime » d'appeler ses quatre frères et, tandis que celui-ci s'absente pour exécuter cet ordre, une voix off se fait entendre, qui lance un message dénué d'ambiguïté : « Tuez les meilleurs des non-Juifs, détruisez leur religion, saccagez leurs terres. Israël ne survivra pas si les peuples étrangers survivent. Les Juifs descendent de Dieu comme l'enfant descend de son père. De même que l'homme domine [sur les animaux], les Juifs sont supérieurs à tous les peuples du monde, car la semence des étrangers est semblable à celle des ânes. Le messie rédempteur ne viendra pas tant que les peuples non-juifs ne se seront pas éteints et que les Juifs ne détiendront pas seuls le pouvoir  [1]. » Les cinq fils d'Amschel Rothschild entrent ensuite dans la chambre et, entourant leur père agonisant, écoutent celui-ci prononcer ses dernières paroles : « Les nations non juives – elles descendent toutes de la répugnante semence de l'âne. Régnez sur elles en secret et en public, par la force et par la répression, par la tromperie et par la ruse. Ne laissez aucune nation partager le pouvoir sur le monde avec vous... Dieu nous a honorés, nous Juifs, de la mission de dominer le monde par l'argent, la connaissance, la politique, le crime, le sexe – par tous les moyens... Dieu nous a promis qu'Il se vengerait de ceux qui nous envoient en exil, qu'Il triompherait d'eux, nous ordonnant de créer un État juif [...]. Il m'a fait l'honneur d'être l'homme le plus important de ce gouvernement [juif]. La mission du gouvernement est de préserver la religion juive et de diriger le monde, grâce à de fidèles agents qui infiltreront les gouvernements étrangers pour y asseoir leurs opinions  [2]. » En avisé Sage de Sion, Amschel Rothschild ajoute quelques conseils tactico-stratégiques à l'intention de ses fils : « Ma tâche se termine, et c'est à vous de prendre la relève. L'Europe ne sera pas une proie facile ; vous devez donc tous coopérer pour frapper pays après pays, terre après terre. L'Europe doit être brûlée par les guerres et les conflits civils... J'ai laissé à chacun d'entre vous une somme d'argent grâce à laquelle vous ferez partie des hommes les plus riches du monde. Chacun d'entre vous doit apprendre à exploiter les circonstances et les événements, ainsi que les points faibles d'autrui, en ayant recours aux méthodes les plus perverses. Ainsi, vous pourrez régner sur le monde... » Puis le vieux patriarche entreprend de répartir entre ses fils les responsabilités dans l'entreprise de destruction de l'Europe. À Anselme, il déclare : « Tu es chargé de l'Allemagne. Je veux que tu ne laisses terminer une guerre que pour entrer dans une autre guerre. » À Solomon, il lance : « Tu es chargé de l'Autriche. » À Nathan, il dit : « Je t'ai laissé le plus méprisable des pays : la Grande-Bretagne. » À Karl, il précise : « Je veux que tu mobilises tout ton génie pour harceler le Pape et pour détruire Rome sur sa tête. » À James, il ordonne : « Tu dois régner sur la France plus que son propre roi. » Et à eux tous, il dit : « Je veux que vous juriez sur la Torah que vous exécuterez la volonté de Dieu. » Après que tous ses fils ont prêté serment sur la Torah, le vieux Rothschild prononce ses dernières paroles : « La direction secrète a décidé que l'un de vous prendra ma place en tant que leader général de tous les Juifs du monde. Bien sûr, cela ne se fera que lorsque vous aurez rempli les missions que je vous ai confiées. » Dans la scène suivante, nous sommes transportés à Paris, en 1894, pour assister à une réunion du « gouvernement juif secret ». Après avoir décidé et ordonné l'exécution du tsar Alexandre III, les dirigeants juifs complotent pour envoyer Alfred Dreyfus infiltrer le gouvernement français en vue d'empêcher le rapprochement entre la France et la Russie. Puis l'on voit Dreyfus et Theodor Herzl se croiser dans un bordel, et celui-ci discuter avec la tenancière de son projet d'un État juif. Tel est l'essentiel du prétendu testament laissé par le « Juif capitaliste » paradigmatique, le patriarche Amschel Rothschild, dont la leçon tient en une phrase : les Juifs sont mus par un irrépressible désir de destruction et une volonté illimitée de conquête et, pour ces humains inhumains, tous les moyens sont bons pour arriver à leurs fins. Le message antijuif sera entendu par des dizaines de milliers de jeunes Arabes des territoires palestiniens, les incitant à convertir leur « antisionisme » passionnel en une haine idéologisée des Juifs.

IV. Fonctions du mythe conspirationniste

46Comment expliquer cette persistance de la séduction des Protocoles, comment un texte dont il a été démontré qu'il n'était qu'un plagiat relativement grossier a-t-il pu continuer sa course jusqu'au début du xxie siècle ? Et ce, à travers des contextualisations multiples et inattendues ? Comment expliquer une telle puissance de recyclage historique, et cette singulière adaptabilité à diverses conjonctures, dans des espaces culturels extrêmement différents ? Mon hypothèse est que cette résistance à la pensée critique est l'indice que nous nous trouvons en présence d'une configuration mythique. C'est dans cette perspective que l'on peut distinguer cinq fonctions du mythe de la conspiration juive mondiale, qui sont satisfaites par les Protocoles à travers les mutiples formes de leur réception depuis un siècle.

Dénoncer le « complot juif mondial » : schéma des cinq fonctions

Première fonction : la fonction d'explication

47Le mythe satisfait à bon compte le besoin de savoir, en donnant du sens au mouvement chaotique de l'histoire et en simplifiant la réalité sociopolitique indéchiffrable. Par la leçon des Protocoles, tout s'éclaire, le complexe devient simple, l'opaque devient transparent. La condition d'une telle réception des Protocoles est qu'il existe un groupe de croyants caractérisés par leur commune conviction que le « document » est authentique et, partant, « révélateur ». En ce sens, l'on peut supposer que le contenu conspirationniste des Protocoles exprime un certain état de l'opinion dans une société donnée, et contribue en même temps à structurer la doxa. La fonction d'explication présuppose la fonction élémentaire d'expression, quelle que soit la définition de ce qui est exprimé : des croyances de groupe, le consensus de base existant dans une société, des évidences flottant dans l'opinion, voire des structures mentales « profondes ». Les Protocoles produisent ainsi l'illusion de comprendre l'essentiel, supposé caché, à travers la démonisation d'un éternel ennemi du genre humain. Le « document » supposé authentique ou prophétique vient renforcer, organiser ou confirmer des croyances déjà là. Le mythe du complot juif mondial apparaît comme un mythe démonologique, en ce qu'il fait connaître le principe transhistorique du mal, sur fond de réductionnisme monocausal. Ce mythe fonctionne comme une clé de l'histoire. Les non-Juifs lecteurs des Protocoles sont conduits à conclure : tous nos malheurs proviennent d'un seul coupable, absolument haïssable. Principe transhistorique et métahistorique : les « fils de Satan » n'ont jamais cessé d'être au travail, contre leurs ennemis. Les Juifs, « la source de tous nos maux ». Telle est la fonction cognitive du mythe conspirationniste spécifié par une orientation judéophobe. Après avoir dénoncé, en 1941, le complot polymorphe organisé par les Juifs et leurs alliés (Giudaismo – Bolscevismo – Plutocrazia – Massoneria[1]), l'antisémite italien Giovanni Preziosi, en 1942, publie un opuscule où il reprend, après Hitler [1], le thème d'accusation pseudo-pacifiste ressassé après la Première Guerre mondiale comme après 1940 : « Les Juifs ont voulu la guerre [2] ». Actualisation de cette imputation magique, en janvier 1991, à propos de la guerre contre l'Irak : « Le véritable enjeu de la guerre est l'affirmation de l'hégémonie mondiale des Sages de Sion, les alliés se mettant au service de l'Alliance israélite  [3]. » La dénonciation du « complot américano-sioniste » qui serait à l'origine de la seconde guerre d'Irak, en mars-avril 2003  [4], illustre la même logique, simulacre d'une explication par les « causes profondes », confondues avec les « responsabilités cachées ».

Deuxième fonction : la défense contre la menace

48Révéler les secrets des ennemis est le moyen le plus efficace de combattre les ennemis secrets : axiome de méthode polémique. Les Protocoles constituent un dispositif de combat qui se présente comme une arme d'autodéfense, ils incarnent une défense magique ; on lutte contre les comploteurs en les désignant comme tels sur un mode indirect, en les faisant parler de leur ténébreux programme de domination totale. La lecture des Protocoles a un effet cathartique, elle provoque apaisement et consolation chez ceux que l'inquiétude saisissait de savoir vaguement qu'existaient des ennemis redoutables sans pouvoir les nommer. La connaissance du principe censé engendrer les malheurs du monde vaut comme méthode d'auto-immunisation. En 1922, justifiant la publication de son livre, The International Jew, Henry Ford s'adressait ainsi au public américain : « Notre livre ne prétend pas avoir dit le dernier mot sur les Juifs en Amérique. Il ne fait que relater leur impact présent dans ce pays. Il suffit que les gens apprennent à identifier l'origine et la nature des influences qui évoluent autour d'eux. Que le peuple américain comprenne une bonne fois qu'il n'y a pas de dégénérescence naturelle, mais une subversion préméditée qui nous meurtrit : dès lors, il sera sauf [1]. » Révéler des secrets d'une « secte » redoutable, c'est commencer déjà à entreprendre l'anéantissement de celle-ci par un acte de magie défensive. La priver de ses mécanismes de défense. Et, en même temps, se donner les moyens de lancer une contre-offensive, en suivant les règles d'action secrètes de l'ennemi lui-même. Dans la préface de la première des rééditions de la version Nilus des Protocoles, en 1918, par l'avocat Ismaïlov et le lieutenant-colonel Rodionov, le « document » est célébré comme une arme : « Pour nous qui sommes les témoins de cette catastrophe [la révolution bolchevique], pour nous qui espérons la résurrection de la Russie, ce document est d'autant plus significatif qu'il révèle les moyens employés par les ennemis de la chrétienté pour nous réduire en esclavage. Une fois que nous aurons appris à bien connaître ces moyens, nous pourrons combattre avec succès les ennemis du Christ et de la civilisation chrétienne  [2]. »

Troisième fonction : la légitimation, en tant que rationalisation ethnocentrique

49La publication des Protocoles (ainsi que de textes précurseurs ou dérivés) a d'abord fonctionné comme moyen de justifier les pogroms ; on incite aux pogroms au nom de la légitime défense contre les comploteurs cyniques et cruels, on engage à l'action contre eux, puis on la justifie après coup par les mêmes raisons. C'est dans cette perspective que les Protocoles et le Discours du Rabbin ont été publiés par le « pogromiste » Krouchevan, respectivement en août-septembre 1903 et en janvier 1904, quelques mois donc après le pogrom de Kichinev (avril 1903). Comment pourrait-on prendre la défense de « l'ennemi du genre humain » ? Autre exemple : l'usage légitimatoire des Protocoles après la création de l'État d'Israël et durant toute l'histoire des guerres israélo-arabes – mais surtout après la guerre des Six-Jours. Par le mythe conspirationniste antijuif adapté à la conjoncture (la dénonciation du « complot sioniste mondial »), les défaites militaires des pays arabes s'expliquent de façon satisfaisante pour l'ethnocentrisme des vaincus. Car il s'agit, pour des musulmans convaincus d'être les meilleurs des humains, d'échapper au sentiment d'humiliation qu'ils éprouvent infailliblement devant le spectacle d'anciens « dhimmis »– peuples non musulmans conquis traités comme des inférieurs protégés  [1] –, les Juifs, en révolte contre leurs maîtres légitimes, vivant sur une terre supposée arabe et islamique (la « Palestine »), et surtout victorieux au terme de tous les affrontements israélo-arabes qui ont eu lieu. Si les fiers et valeureux Arabes ont été vaincus par les Juifs « lâches » et « fourbes », c'est en raison de la surpuissance mondiale cachée des « sionistes ». Dans cette perspective, les pays arabes n'ont pas été vaincus par une armée juive visible, celle d'un petit État-nation « artificiel », mais par l'effet d'un complot international des forces occultes organisées par les « sionistes ». Il s'agit là d'une rationalisation par recours à l'irrationnel. Derrière le « sionisme », on voit à l'œuvre « l'impérialisme » (américain ou occidental) ou l'internationalisme communiste. Par cette rationalisation après coup, les vaincus se transforment en victimes, et en victimes héroïques. L'honneur est sauf. Les vainqueurs, intrinsèquement injustes, sont des méchants, les vaincus sont des bons et des justes humiliés, agressés, spoliés, persécutés. Bref, les meilleurs, bien que vaincus, demeurent les meilleurs. Le narcissisme de masse n'est pas trop entamé. Le mythe contemporain du « bon Palestinien » a été fabriqué à partir de ces matériaux idéologiques et rhétoriques, avec une forte insufflation d'innocence christique. Le discours de propagande antisioniste de type démonologique peut ainsi assimiler des représentations victimaires qui déclenchent la compassion (le pauvre, l'opprimé, le colonisé, etc.), et favorisent la démonisation des agresseurs ou des bourreaux désignés (les « sionistes impérialistes »).

Quatrième fonction : une fonction politique, voire mytho-politique, de désignation de l'ennemi et de mobilisation contre lui

50Les Protocoles constituent une machine à fabriquer l'ennemi absolu, à construire l'étranger absolument haïssable contre lequel tout est permis. Ils représentent non seulement un appel à la ségrégation, à l'isolement des ennemis diaboliques, mais encore et surtout un appel au meurtre, à l'éradication, à l'élimination définitive de ce qui est censé être le principe des malheurs des hommes. Les Protocoles accomplissent en ce sens, de façon optimale, un acte ordinaire de tout discours de propagande xénophobe, la réduction des ennemis au même, à l'identique. L'ennemi synthétique unique et démonisé est ainsi doté d'une multitude de visages qui s'entre-symbolisent : le libéralisme ou le capitalisme, le communisme, le monde moderne et sa politique démocratique, etc. ; nos malheurs sont censés être le produit d'un complot juif, franc-maçon, révolutionnaire, socialiste, anarchiste, communiste, ploutocratique, capitaliste, républicain, sioniste, impérialiste, cosmopolite, américain, etc. La lecture orientée et canalisée des Protocoles, censés révéler les scandaleux secrets d'une « secte » redoutable, fournit de nobles motivations et de respectables raisons d'agir, ainsi que des objectifs louables : ne s'agit-il pas d'éradiquer le Mal et de garantir une paix définitive ?

Cinquième fonction : la fonction affectivo-imaginaire de réenchantement négatif du monde

51Si le texte des Protocoles fonctionne aussi bien, s'il peut être aussi facilement recyclé, et indéfiniment recontextualisé, c'est en raison de sa relative indétermination historique. Cette indétermination constitue un avantage symbolique : le texte est suffisamment décontextualisé pour être optimalement contextualisable. Les Protocoles s'adaptent en principe à tous les contextes de crise où le sens des événements est flottant, indéterminable. Ils leur donnent une base de réduction ; le sens de ce qui arrive ne s'éclaire qu'en référence au complot juif international en vue de dominer le monde. Le sens attribué déchaîne les inquiétudes, la clarification fictive nourrit l'angoisse. Et l'angoisse nourrit une vigilance de tous les instants, une vigilance magique. Cette fonction permet d'expliquer la puissance de séduction récurrente du faux, une fois qu'il a été démonté et démontré comme faux. C'est une fonction affectivo-imaginaire de réenchantement négatif du monde, relevant du fantastique qui agresse, viole ou transgresse les lois de la nature. Voilà qui fait frémir, en donnant accès à un inframonde terrifiant que voile le monde ordinaire, soumis à la rationalité instrumentale. Crainte et frémissement d'horreur, provoquant une jouissance spécifique. Les Protocoles annoncent que les démons sont partout et révèlent que le diable, sous ses multiples visages, mène le monde. Manière de reconduire un stéréotype antijuif largement diffusé par la littérature raciste de type nazi : le Juif comme « contre-race » ou « antirace » (Gegen-Rasse), être indistinct situé hors de la nature, étranger aux espèces et aux variétés naturelles, autant qu'il est étranger au genre humain, mais surtout ennemi absolu. Dans l'antisémitisme hitlérien, « le Juif » n'est pas un simple représentant de Satan, il est Satan en personne  [1]. L'imaginaire antijuif est structuré par une analogie fondamentale : « le Juif » comme antirace est à la « race aryenne » ce que Satan est à Dieu. Mais cette racialisation de l'imaginaire démonologique ne fait guère qu'ajouter une réinterprétation au dualisme manichéen. La littérature conspirationniste tend à s'inclure dans la littérature sataniste  [I]. À la séduction de l'invisible et du secret, du secret révélé bien sûr, s'ajoute ainsi la fascination inquiétante du mal, avec un gain symbolique supplémentaire : l'autopurification des lecteurs convaincus par le document, opérant par ce seul geste leur auto-classement parmi les purs face aux forces ténébreuses. Quoi qu'il en soit, le mythe du complot juif mondial fournit des motifs de rêver, mais le monde des rêves qu'il fait surgir n'est peuplé que de cauchemars. L'homme qui croit au complot est en état de cauchemar éveillé. Mais il se satisfait de croire qu'il détient les clés de l'évolution du monde, passée, présente et à venir.

Pensée magique et manichéisme politique

52La surprenante carrière internationale de ce « best-seller » devenu « long-seller » que sont les Protocoles des Sages de Sion tient à ce que ce document apocryphe mêle l'irrationnel au plus haut degré (d'inspiration démonologique) et la rationalité instrumentale, mise en scène dans la psychologie prêtée aux « Sages de Sion » autant que mise en œuvre dans les usages tactico-stratégiques du faux. La pensée magique s'y noue avec la pensée rationnelle, pour répondre à des attentes et à des exigences extrêmement différentes. Le secret et la conspiration règnent dans le monde dont les Protocoles donnent une image terrifiante. Par-delà son message antijuif, ce document apocryphe suggère une vision du genre humain susceptible de satisfaire, en raison même de son pessimisme radical, un grand nombre d'esprits : le monde est gouverné par la haine et le genre humain hanté par les intentions mauvaises. Inquiétante et fascinante affirmation de style gnostique : les haines abstraites et les projets criminels constituent le véritable moteur de l'Histoire. L'horizon des adeptes du complot satanique est constellé de bouleversements, de catastrophes, de séismes. Le champ d'attente des visionnaires conspirationnistes est peuplé de représentations eschatologiques. Mais le sentiment apocalyptique ne fait pas qu'engendrer la terreur, il transporte tout autant. Il transporte au-delà de la vie ordinaire, par la même raison qu'il terrifie. Les prophéties de malheur posséderaient-elles une puissance de séduction plus grande que les promesses de bonheur ? La rediabolisation des bas-fonds du monde et des envers de l'Histoire semble exercer une irrépressible attraction. S'agit-il d'une régression regrettable mais surmontable, ou bien du dévoilement d'une invariance gênante dans les structures de l'imaginaire humain ? Faut-il voir dans la croyance aux démons une constante dans le croire humain ? Ou croire qu'un surplus de lumières permettra d'effacer à jamais Satan et ses fils de leur ultime refuge, l'histoire et la politique mondiales ? Quoi qu'il en soit, il n'est pas du tout sûr que l'on puisse jamais se débarrasser du diable, comme le suggérait Leszek Kolakowski. ajoutant non sans mélancolie : « Des régressions culturelles décisives ne sont nullement impossibles, car il n'existe aucune loi naturelle qui garantisse le progrès ininterrompu de l'humanité  [1]. »

53Le récent retour du mythe des « Sages de Sion » sur la scène de l'histoire mondiale est l'un des signes indiquant que nous sommes les témoins largement impuissants d'une formidable « régression culturelle », où la pensée manichéenne et les délires apocalyptiques règnent en maîtres. Peut-être faut-il cesser de penser la sécularisation comme un processus linéaire, continu, irréversible. La vie humaine sous le règne exclusif de la raison reste un idéal inaccessible, qu'on le conçoive comme une idée régulatrice ou comme une utopie relevant du « Principe Espérance ». L'extension planétaire de la sécularisation, impliquant une rationalisation croissante de certains aspects de la vie sociale, n'exclut nullement des phénomènes de « désécularisation ». Pour le dire à la manière d'un penseur rationaliste comme Spinoza, « la crainte fait délirer les hommes ». La peur et les formes immodérées du désir, attisées par l'incertitude et la violence, nourrissent la superstition. Quant aux passions fondamentales, la nature humaine n'a donc point changé : « La cause d'où naît la superstition, qui la conserve et l'alimente, c'est [...] la crainte [2]. » Toujours dans l'admirable préface de son Tractatus theologico-politicus, Spinoza écrit, au tout début :

54Si les hommes pouvaient diriger toutes leurs affaires suivant un dessein arrêté, ou si le hasard leur était toujours favorable, ils ne seraient soumis à aucune superstition. Mais comme ils sont souvent traqués à un point tel qu'ils ne peuvent rien décider ; comme la plupart du temps leur désir sans mesure des faveurs incertaines du hasard les condamne à flotter presque sans répit entre l'espérance et la crainte, leur âme est prête à croire n'importe quoi [3].

55Ce qui met de l'ordre dans le chaos mondial, en dehors de la sphère des technologies incarnant la rationalité instrumentale, c'est le dualisme manichéen. Opposition absolue de deux absolus, dans l'ordre moral (Bien et Mal, Juste et Injuste, etc.). Ce dualisme moral chasse toutes les distinctions relevant d'autres ordres de la pensée, et engendre la croyance à l'unicité de la Cause pure, qui justifie tout parce qu'elle est absolument juste. Si l'on croit qu'il existe réellement des êtres inhumains et démoniaques, suprêmement menaçants, alors l'évidence s'impose que tout est permis pour les faire disparaître. Se défendre contre la menace, c'est purifier le monde. Croisade, guerre sainte, violence révolutionnaire, djihad... L'éradication du mal est à ce prix. Ceux qui croient à cette clé de l'Histoire qu'est la vision du complot mondial inventent malgré eux un ordre planétaire fondé sur l'opposition entre les conspirateurs et leurs victimes potentielles, étant entendu que ceux qui conspirent le font en vue de dominer le monde. D'où l'opposition elle-même manichéenne entre dominateurs et dominés (actuels ou virtuels). Ordre convulsif, parce qu'intrinsèquement conflictuel. Imprévisible donc. Échappant à la volonté de maîtrise rationnelle. Soumis au couple de la haine et de la crainte, dont dérivent suspicion et ressentiment. Car si la menace est diffuse, inlocalisable, chaque individu devient un suspect. L'ennemi est censé être représenté par tout membre du grand complot pour la domination du monde. Mais c'est un propre du complot que de rester secret. Dès lors, les ennemis sont invisibles, ils ne peuvent être que supposés, et la distinction entre amis et ennemis perd sa clarté fonctionnelle. On ne sait plus qui combattre, ni si ceux qu'on combat sont des ennemis réels. C'est pourquoi les hommes continuent de combattre pour leur servitude [1], en s'imaginant assurer ainsi leur salut, ou plus simplement leur sécurité.

56Ceux qui croient aux « vérités » que les Protocoles prétendent dévoiler ne croient pas à la démocratie, ils ne peuvent croire ni à la réalité ni même à la possibilité de la démocratie libérale/pluraliste. Le régime démocratique moderne est, sous leur regard suspicieux, réduit à un vaste décor, à un système d'apparences trompeuses, dans lequel la manipulation est omniprésente et toute-puissante. Depuis sa première diffusion, ce faux a fonctionné comme une redoutable machine antidémocratique. C'est pourquoi les Protocoles sont devenus, au xxe siècle, le bréviaire de tant d'autocrates et de tyrans, et le drapeau d'une si grande variété de mouvements totalitaires – des Centuries noires aux nazis. Cette histoire se poursuit au xxie siècle. Mais c'est surtout dans le monde musulman que le mythe diabolisateur exerce désormais sa puissance de mobilisation. Le monde chrétien, après avoir fabriqué et exploité la judéophobie conspirationniste, a su trouver les moyens de s'immuniser contre cette passion toujours menaçante. L'existence de contrepoisons disponibles n'abolit certes pas la réalité du poison. Mais elle en limite considérablement les effets. Il n'en va pas de même dans le vaste monde musulman, où les représentations antijuives se sont diffusées à grande vitesse à partir du Proche-Orient, berceau de l'« antisionisme » conspirationniste et démonologique. Cette extension du champ des haines et des mythes d'accusation est l'un des effets pervers de la globalisation communicationnelle. Le plus petit dénominateur commun des pays musulmans, si divers et hétérogènes par ailleurs, c'est la haine et le ressentiment visant les Juifs, désormais couplés avec les Américains dans la démonisation. Depuis la fin du xxe siècle, dans l'histoire des avatars planétaires du mythe de la « conspiration juive », le monde islamique a pris le relais. Comme l'antijudaïsme et l'antisémitisme dans le monde chrétien, la judéophobie islamisée est surtout portée par des minorités actives. Mais des leaders politiques de premier plan n'hésitent pas à y recourir, à l'instar du célèbre Premier ministre malaisien, Mahathir Mohamad, qui a ouvert le sommet de l'Organisation de la conférence islamique, le 16 octobre 2003, par un long discours où, parlant au nom de « l'islam », il a accusé « les Juifs » de « diriger le monde par procuration ». Un mois plus tard, le 18 novembre 2003, paraissait un éditorial signé Tahar Selmi dans Tunis Hebdo, sous le titre « Racisme » : « Les “Protocols” des Sages de Sion, publiés par Serguei A. Nylus [sic] au début du siècle dernier (1905), conservent leur “fraîcheur” et leur actualité intactes. Aucune ride. Aucune corrosion. Aucune trace d'oxyde  [1]. » Dans l'éditorial engagé de cet hebdomadaire tunisien en langue française (portant en épigraphe : « Je cherche la vérité » !), le « racisme » dénoncé se limite à celui des « sionistes », dont le programme « raciste » serait, depuis le premier Congrès sioniste (Bâle, 1897), de chasser ou d'exterminer par tous les moyens les non-Juifs, en particulier les Arabes palestiniens. Qu'ils soient ou non cités expressément, les Protocoles continuent d'orienter l'interprétation de la marche du monde. Non sans paradoxe : les plus judéophobes des conspirationnistes pensent dans l'espace d'une conception judéocentrique du monde. Involontaire hommage de la haine à son objet privilégié.

57Dans le monde musulman en crise  [2], les plus redoutables porteurs du flambeau sont les islamistes radicaux, appelant explicitement au djihad contre « les Juifs et les Croisés », accusés de « comploter contre l'islam », d'être « en guerre contre l'islam » et de vouloir « détruire l'islam ». La conviction idéologique fondamentale, irrationnelle certes mais toute-puissante, est ici que l'islam est menacé d'anéantissement, et que les musulmans sont menacés de mort par leurs ennemis impitoyables. Le fantasme de l'ennemi intrinsèquement diabolique, comploteur et destructeur, est au centre de la vision wahhabite-salafiste du monde, expression d'un dualisme manichéen dont la charge affectivo-imaginaire est aujourd'hui sans équivalent. Voilà qui permet de comprendre, en le prenant au sérieux, ce singulier mélange de haine et de peur qu'on trouve régulièrement dans les déclarations des dirigeants d'un réseau islamo-terroriste tel que Al-Qaida. Une peur travaillée par la hantise d'une « dévoration » par l'ennemi, supposé adepte du « meurtre rituel ». La conclusion pratique en découle logiquement : si l'on est convaincu d'avoir de terribles ennemis, on n'a de chances de les vaincre qu'en devenant plus terrible encore. Avec l'aide de Dieu, bien entendu. Ce discours démonologique, de style apocalyptique, présente de nombreuses analogies avec celui des Centuries noires ainsi qu'avec celui des théoriciens nationaux-socialistes du « péril juif ». Dans une longue interview d'Oussama Ben Laden réalisée en septembre 1998 par le journaliste palestinien Jamal Ismaïl pour la chaîne de télévision Al-Jazira, le leader de l'islamo-terrorisme mondial déclare notamment, dévoilant sa vision fantasmatique d'un islam victime d'agressions et de complots dus aux « judéo-croisés » diaboliques :

58Je dis qu'il existe deux parties dans cette lutte : la croisade mondiale alliée au judaïsme sioniste conduite par l'Amérique, la Grande-Bretagne et Israël, et l'autre partie : le monde musulman. [...] Nous sommes convaincus que la Communauté [umma] est capable aujourd'hui [...] de mener le combat contre les ennemis de l'islam et plus particulièrement contre le plus grand ennemi : l'alliance judéo-croisée. [...] Malheureusement, les Démons parmi les Humains et les Djinns, et particulièrement les Croisés, ont réussi à entraîner les États [...] dans des problèmes régionaux. [...] J'affirme que le monde [occidental] a décidé unanimement de dévorer ce monde musulman. Le monde croisé a décidé unanimement de nous dévorer. Les nations [du monde] se sont liguées contre nous. [...] Et aujourd'hui, les gouvernants arabes s'allient ouvertement aux Juifs et aux chrétiens. Et les gens continuent de faire l'éloge des ennemis de l'islam et des musulmans [...]. Seigneur ! Donne-nous la victoire sur les Américains, sur Israël et sur ceux qui s'y sont alliés  [1] !

59Plongeons une dernière fois dans le chaudron de sorcière qu'est l'univers imaginaire des Protocoles. Ce qui peut encore être prédit, dans le cadre de ces croyances travaillées par la peur et la haine, c'est une lutte finale entre les conspirateurs et les autres, entre les dominateurs et le reste du genre humain. Ce combat paraît engager la fin de l'homme et celle de l'Histoire, par où il prend une dimension eschatologique. La lutte finale contre les démons à face humaine devient l'unique lutte fatale. Cette attente eschatique  [1] favorise la diffusion de représentations apocalyptiques. Tel est le nouvel ordre du monde, saisi dans sa dimension affectivo-imaginaire. Le manichéisme y règne. Cet ordre immaîtrisable n'est guère qu'un désordre enténébré. Du labyrinthe d'un tel désordre obscur, pouvons-nous espérer sortir un jour ? L'espérance ne doit pas nous éloigner de l'action immédiate, celle de la tâche modeste à laquelle nous, intellectuels, pourrions consacrer nos efforts en tentant de démystifier les manichéens  [2].

Notes

  • [1]
    Ce texte est extrait de la troisième partie de l'ouvrage intitulé Prêcheurs de haine. Traversée de la judéophohie planétaire, à paraître fin février 2004 aux Éditions Mille et une nuits/Fayard. Il est reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur et de la direction des Éditions Mille et une nuits. Qu'ils en soient ici vivement remerciés.
  • [2]
    Raymond Aron, « La haine, ses origines religieuses et sociales » (24 novembre 1955), Évidences, 7e année, n° 53, décembre 1955, p. 46.
  • [3]
    La présente étude historique et critique prolonge, en les complétant et en les corrigeant sur certains points, les analyses développées dans mon livre sur les Protocoles des Sages de Sion, publié au début de 1992 (Pierre-André Taguieff, 1992, t. I et II). Pour les références de base (sources secondaires) et les références complètes des ouvrages mentionnés dans ces notes voir la bibliographie sélective placée à la fin de cette étude, où les ouvrages et les articles sont respectivement mentionnés suivant l'ordre chronologique de leur publication. Pour les sources primaires, voir la bibliographie contenue dans le tome I de mon livre sur les Protocoles (1992, p. 365-381 ; nouvelle édition augmentée, 2004).
  • [1]
    Je rejoins les auteurs qui placent la haine (plutôt que la peur ou le mépris) au cœur de toutes les formes de judéophobie et supposent que la haine antijuive possède un haut degré de spécificité, justifiant qu'on puisse lui accorder un caractère d'unicité ou d'incomparabilité (laquelle est bien sûr toujours relative). À bien des égards, le statut de « peuple élu » est, dans l'imaginaire judéophobe, inversé en statut de peuple maudit, diabolisé ou satanisé. L'élection devient malédiction : manière d'essentialiser négativement l'ensemble de ceux qui sont perçus comme Juifs ou désignés comme tels par leurs ennemis. Ce qui est conservé à travers cette inversion du jugement de valeur, c'est la thèse de l'unicité. Voir notamment Dennis Prager et Joseph Telushkin, 2003, p. 3-29.
  • [2]
    Ratchkovski, à la fin du règne d'Alexandre II, en 1879, était déjà attaché à la police politique, en qualité d'agent secret de la 3e section de la chancellerie particulière du tsar. Puis, à partir de 1884, il occupa le poste de chef de l'Okhrana à l'étranger. À la fin de 1902, il fut révoqué de ses fonctions à Paris par Plehve. Voir général Guérassimov, p. 42. Ratchkovski avait su en 1902 que Plehve préparait sa révocation en le qualifiant de « judéo-franc-maçon » ( !), ce qui avait fait de lui un ennemi implacable du ministre de l'Intérieur. Il suggère aussitôt à l'agent Azev de préparer son assassinat, imputable aux socialistes révolutionnaires dont l'Organisation de combat était infiltrée et manipulée par l'Okhrana. Le 15 juin 1904, Plehve était tué par la bombe d'un terroriste de l'Organisation de combat, un nommé Sazokhov. Voir Michel Tansky, Quatre siècles de police secrète russe, Paris, Éditions Colbert, 1968, p. 88-89. NDLR : Selon d'autres sources citées par certains contributeurs de cette livraison, la rédaction des Protocoles se situerait plutôt vers 1898.
  • [1]
    Voir Victor Loupan, 1999 ; Éric Conan, 1999. Dans le deuxième tome de son imposant ouvrage historique, Deux siècles ensemble 1795-1995, Alexandre Soljénitsyne, sans citer sur ce point précis ses sources, présente Matthieu Golovinski comme le « principal artisan » de la fabrication des Protocoles et désigne Ratchkovski comme le « commanditaire » du faux (Deux siècles ensemble 1917-1972, t. Il : Juifs et Russes pendant la période soviétique, éd. originale 2002, trad. fr. Anne Kichilov, Georges Phihppenko et Nikita Struve, Paris, Fayard, 2003. p. 191).
  • [1]
    Voir Pierre-André Taguieff (dir.), 1992, t. II, p. 671. On reconnaît la formule falsifiée de Rathenau.
  • [2]
    « Protocols » des Sages de Sion, traduits directement du russe et précédés d'une introduction de Roger Lambelin, Paris, Éditions Bernard Grasset, 1921 ; 2e éd. augmentée d'une préface, 1925 ; dans l'édition achevée d'imprimer le 13 mai 1937, il est précisé qu'elle correspond au 11e tirage.
  • [3]
    « Les Protocols » des Sages de Sion, texte intégral publié en 1905 par Serguei A. Nylus conservé au British Museum Library, Beyrouth, Presses islamiques, 30 novembre 1967 [je cite tel quel].
  • [4]
    Dans leur enquête sur les relations entre milieux nazis (et néonazis) et monde arabo-islamique, Roger Faligot et Rémi Kauffer signalent les « liens étroits entre Paul Latinus, le “Maréchal” des mouvements néofascistes [en Belgique] Front de la jeunesse et Wesland New Post mort mystérieusement en avril 1984, et le journaliste syrien Faez el-Ajjaz » (Le Croissant et la croix gammée. Les secrets de l'alliance entre l'Islam et le nazisme d'Hitler à nos jours, Paris, Albin Michel, 1990, p. 247).
  • [1]
    Le préfacier ajoute ici une note : « C'est ainsi qu'on dit d'un aveugle “le clairvoyant” et de celui qui a été mordu par un serpent “le guéri”. » (p. Il, note 1).
  • [2]
    Faëz Ajjaz, ibid., p. II-III.
  • [3]
    Faëz Ajjaz, ibid., p. I-II.
  • [1]
    Sur le système politique appelé « dhimmitude », voir les travaux de Bat Yeor, Le Dhimmi, Paris, Anthropos, 1980 ; Les Chrétientés d'Orient entre jihâd et dhimmitude, Paris, le Cerf, 1991 : Juifs et chrétiens sous l'islam. Les dhimmis face au défi intégriste, Paris, Berg International, 1994 ; Islam and Dhimmitude : Where Civilizations Collide, Cransbury, N.J. et Londres, Associated University Presses, 2001.
  • [2]
    Voir Bernard Lewis, 1987, p. 270 ; Pierre-André Taguieff, 1992, t. I, p. 379-380.
  • [1]
    Pour d'autres exemples, voir Yehoshafat Harkabi, 1972 (extraits dans Pierre-André Taguieff (dir.), 1992, t. Il, p. 327-340) ; Renée Neher-Bemheim, 1987 (et 1992, in Pierre-André Taguieff (dir.), ibid., p. 367-416) ; Bernard Lewis, 1987, p. 257-258, 270-282 ; Rivka Yadlin, 1989 et 1993 ; Hadassa Ben-Itto, 2001, p. 412-421 ; Meïr Waintrater, 2001 ; Robert S. Wistrich, 2002 (NDLR : traduit dans ce numéro) ; Abraham H. Foxman. 2003, p. 214-218.
  • [1]
    Voir la note du MEMRI : « Ramadan TV Special : The Protocols of the Elders of Zion », Special Dispatch Series, n° 309, 6 décembre 2001 (http://www.memri.org) ; Marwan Haddad, « Bilan du “Cavalier sans monture” dans la presse égyptienne : un mois d'abjections antisémites », http://www.proche-orient.info, 10 décembre 2002 ; Henri Pasternak, « Antisionisme et antisémitisme à la télévision égyptienne : les réactions de la presse locale », L'Arche, n° 539-540, janvier-février 2003, p. 106-109. Pour situer l'opération dans son contexte, voir Phylllis Chesler, The New Antisemitism : The Current Crisis and What We Must Do About It, San Francisco, Jossey-Bass, 2003, p. 91, 220 ; Dennis Praeger et Joseph Telushkin, 2003, p. 111-112.
  • [1]
    Mohamed Sobhi, cité par Daniel J. Wakin dans le New York Times, 26 octobre 2002
  • [2]
    Claude Guibal, « Ondes nauséabondes sur le petit écran égyptien », Libération, 5 novembre 2002, p. 11. Voir aussi Tristan Mendès-France, « Un faux antisémite » (propos recueillis par Didier Pasamonik, 24 janvier 2003, http://www.e-tvdata.com).
  • [3]
    Les articles de presse sur la question oscillent entre 30 (ou 31) et 41 épisodes !
  • [4]
    Voir Chmouel Engelmayer, « L'antisémitisme arabe moderne », en ligne sur le site www.col.fr (31 avril 2003).
  • [1]
    Il convient cependant de noter la prise de position d'un consultant palestinien de Ramallah, Qais S. Saleh, qui rappelle (ou apprend) aux Palestiniens et plus largement aux Arabes susceptibles de suivre le feuilleton que celui-ci se fonde en grande partie sur un « vieux faux fabriqué par la Russie tsariste », et déplore cette « importation du fanatisme antisémite » (« A Horseless Rider, the Protocols of the Elders of Zion & Imported Bigotry », 12 novembre 2002, http://www.counterpunch.com).
  • [2]
    Passage cité par Jean-Marie Allafort (« journaliste chrétien en Terre Sainte »), mai 2003, www.nuitdorient.com (d'après MEMRI).
  • [3]
    Mohamed Sobhi. cité par Leela Jacinto, « Pandora's Box : The Battle Lines Are Drawn Over a Controversial Egyptian TV Series ». 21 novembre 2002, http://abcnews.go.com
  • [1]
    Israël Shamir, « Les Sages de Sion et les maîtres du discours », 22 novembre 2002, http://www.israelshamir.net ; ce texte délirant est repris dans un recueil d'articles signé Israël Adam Shamir, L'Autre Visage d'Israël (trad. fr. Marcel Charbonnier, texte établi par Maria Poumier, Paris, Éditions Balland/Éditions Blanche, 2003 [septembre], p. 270-285), mis en vente le 9 octobre 2003, puis, devant la menace de poursuites, retiré de la vente quelques semaines plus tard par les Éditions Balland.
  • [2]
    Israël Adam Shamir, op. cit., p. 280. Ce passage de l'interview de Ford, quasi sloganisé, est régulièrement cité par les propagandistes antijuifs depuis 1921.
  • [3]
    Voir Hadassa Ben-Itto, 1998b, p. 338-339 (2001, p. 420-421) ; Reuven Ehrlich (éd.), « “Hate Industry” : Anti-Semitic, Anti-Zionist and Anti-Jewish Literature in the Arab and Muslim World (Part 1) », Intelligence and Terrorism Information Center at the Center for Special Studies (CSS), Information Bulletin, n° 4. septembre 2002, p. 5.
  • [4]
    Daniel Pipes, 1998, p. 309 sq. ; Stephen Eric Bronner. 2000, p. 136.
  • [1]
    La « Charte d'Allah » constitue la plate-forme du Mouvement de la résistance islamique (Hamas), qui se présente comme « l'une des branches des Frères musulmans en Palestine » (article 2). Pour le texte complet, voir « The Covenant of the Islamic Resistance Movement (Hamas) (18 août 1988) », http://www.us-israel.org ; voir aussi La Charte du Hamas, traduction française annotée de larges extraits de ladite « Charte », brochure tirée d'un dossier publié dans la revue L'Arche, n° 524-525, octobre-novembre 2001, 7 p.
  • [2]
    Sur la transmission des Protocoles de Russie en Allemagne, voir Henri Rollin, 1939, rééd. 1991, p. 602-607 ; Konrad Heiden, Der Fuehrer : Hitler's Rise to Power, Boston, Houghton Mifflin, 1944, p. 18-22 ; Walter Laqueur, 1965b, p. 111-121 ; Norman Cohn, 1967, p. 131-152.
  • [3]
    Voir David G. Goodman et Masanori Miyazawa, Jews in the Japanese Mind..., op. cit., p. 76 sq., Stephen Eric Bronner, 2000, p. 118.
  • [1]
    Le colonel Yasue, issu d'une famille de samouraïs, éminent spécialiste des langues slaves, se transforma en diffuseur quasi professionnel des Protocoles, avec l'officier de marine Inuzuka Koreshige (1890-1965). Ces deux jeunes officiers avaient l'un et l'autre la trentaine au début des années 1920. En 1922, au ministère de la Marine, Inuzuka « s'entoura d'officiers sympathisants pour se lancer dans une étude approfondie de la conspiration juive tandis qu'au Bureau des Renseignements de l'Armée, Yasue commençait une traduction japonaise des Protocoles. » (Marvin Tokayer et Mary Swartz, op. cit., p. 51). Voir aussi Pierre Lavelle, 1993, p. 160. Il n'est pas sans intérêt, pour marquer la spécificité culturelle du rapport aux Juifs au Japon, de préciser que Inuzuka, antisémite actif jusqu'à la fin des années 1940, se métamorphosera en « ami des Juifs » au début des années 1950 : en 1952, il fonde plusieurs organisations « projuives », dont l'Association Japon-Israël, qu'il dirigera jusqu'à sa mort en 1965. Voir David G. Goodman, « Anti-Semitism in Japan... », in Frank Dikötter (éd.), op. cit., p. 186.
  • [2]
    Voir Clarence A. Manning, The Siberian Fiasco, New York, Library Publishers, 1952, p. 135-137 ; Russell E. Snow, The Bolsheviks in Siberia, 1917-1918, Cransbury, N.J. et Londres, Associated University Presses, 1977, p. 216-218.
  • [3]
    Voir Hadassa Ben-Itto, 2001, p. 395. Entre 1919 et 1921, soixante-quinze mille soldats japonais combattirent avec les armées blanches en Sibérie (Marvin Tokayer et Mary Swartz, op. cit., p. 50). L'ataman Semenov (né en 1890), vieil ami du baron Ungern-Sternberg, autre général de l'année blanche et antisémite délirant (fusillé par les rouges en 1921), commandait un régiment de cavalerie mongolo-bouriate dont l'emblème était le swastika. Voir Léonid Youzéfovitch, Le Baron Ungern. Khan des steppes, Paris, Éditions des Syrtes, 2001, p. 71, note 3. Quant au baron Ungem, converti au bouddhisme, il professait une judéophobie mystique, fondée sur un dualisme manichéen : les Juifs incarnaient pour lui le principe satanique, les Mongols le principe divin (ibid., p. 32-33). Chaque avancée du baron s'accompagnait de massacres de Juifs (ibid., p. 159 sq.). À ses yeux, les bolcheviks étaient l'incarnation de l'Antéchrist (ibid., p. 195).
  • [4]
    Cité par Léonid Youzefovitch, op. cit., p. 151. Sur l'amiral Koltchak et l'ataman Semenov, voir le témoignage du Dr Georges Montandon, ancien chef de la « Mission en Sibérie » du Comité international de la Croix-Rouge : Deux ans chez Koltchak et chez les bolcheviques pour la Croix-Rouge de Genève (1919-1921), 2e éd., Paris, Félix Alcan, 1923, passim. Montandon était alors un sympathisant du bolchevisme (on sait qu'il finira, sous l'occupation allemande, dans les milieux du collaborationnisme parisien). Ce que Montandon rapporte des activités ordinaires du baron Ungern-Sternberg est proprement terrifiant : « Dans un [...] village, Ungern voit une jolie jeune juive. Ungern offre mille roubles en or à qui lui en apportera la tête. La tête fut apportée et payée » (p. 223).
  • [1]
    « Nationalisme », in Programme du Parti de l'unité nationale du Canada, édition 1966, Montréal, p. 15-16.
  • [2]
    Je cite ce pamphlet d'après sa réédition américaine (s. d.) par The Liberty Bell, qui réédite du même Leese le pamphlet intitulé Freemasonry (Londres, 1935), qui s'inspire aussi de la littérature dérivée des Protocoles. Précisons que Leese était un admirateur de Julius Streicher et croyait fermement au mythe des crimes rituels juifs. Voir Arnold S. Leese, My Irrelevant Defence : Meditations Inside Gaol and Out on Jewish Ritual Murder, Londres, Imperial Fascist League, 1938.
  • [1]
    Extrait de Julius Evola, introduction à Sergyei Nilus, L'Intemazionale ebraica. Protocolli dei « Savi Anziani » di Sion, Rome, La Vita Italiana, 1938 ; rééd. : Claudio Mutti (éd.), Ebraicità ed ebraismo. I Protocolli dei Savi di Sion, Padoue, Edizioni di Ar, 1976, p. 47-63. Voir Pierre-André Taguieff (dir.), 1992, t. II, p. 650. Voir aussi Julius Evola, Il mito del sangue. Genesi del razzismo, Milan, Hoepli, 1937 ; réédition, Padoue, Edizioni di Ar, 1978, p. 213-218. Les Edizioni di Ar ont été fondées en 1963 par Franco Freda (né en 1941), dit Giorgio Freda, chef de file des « traditionalistes-révolutionnaires » en Italie depuis la fin des années 1960. Dans les armées 1970 et 1980, Claudio Mutti, qui dirige l'association Europa-Islam, est l'un des plus proches compagnons de lutte de Freda, classé parmi les leaders de la « droite radicale » italienne. L'un et l'autre se présentent comme des disciples d'Evola (dont plusieurs livres racistes et antisémites sont réédités par les Edizioni di Ar). Voir Giorgio Freda, La Désintégration du système, éd. originale 1969, trad. fr. Éric Houllefort, Paris, supplément au n° 9 de Totalité, mars 1980 (avec un appareil critique dû à Claudio Mutti) ; dans ce manifeste politique, le « nazi-maoïste » Freda exprime son rejet radical du « système ». En 1979, Mutti traduit en italien, préface et publie dans sa propre maison d'édition un extrait (le chap. 10) du livre de la célèbre publiciste nazie d'origine française Savitri Devi, Souvenirs et réflexions d'une aryenne (chez l'auteur, New Delhi, 1976), sous le titre : L'India e il Nazismo (Parme, Edizioni all'insegna del Veltro). Mutti déplore, dans sa préface, que « la dimension spirituelle du nazisme ait été ignorée en Occident ». Sur Claudio Mutti, universitaire d'extrême droite proche de Franco (dit « Giorgio ») Freda (« nazi-maoïste » dans les années 1970 et 1980), disciple de René Guénon et de Julius Evola, converti à l'islam et militant islamo-fondamentaliste, voir Nicholas Goodrick-Clarke, Hitler's Priestess, op. cit., p. 217-218 ; id., Black Sun : Aryan Cults, Esoteric Nazism and the Politics of Identity, New York et Londres, New York University Press, 2002, p. 104-105. Sur la conversion à l'islam de ce « nationaliste européen », disciple de Jean Thiriart et admirateur de la Garde de Fer roumaine, voir son témoignage publié dans la revue de la Nouvelle droite : « Pourquoi j'ai choisi l'islam », Éléments, n° 53, printemps 1985, p. 37-39. De Claudio Mutti, voir notamment : « La renaissance islamique et le danger moderniste » (trad. fr. Eric Houllefort), Totalité (revue évolienne française), 2e année, n°9, septembre-octobre 1979, p. 40-49 ; « Spiritualité légionnaire » (trad. fr. Gérard Boulanger ; sur Codreanu et la Garde de Fer), Totalité, n° 18/19, été 1984, p. 204-208 ; « Julius Evola et l'islam », L'Âge d'Or, n° 4, été 1985, p. 92-115 ; Les Plumes de l'Archange. Quatre intellectuels roumains face à la Garde de Fer : Nae Ionescu, Mircea Eliade. Emil Cioran, Constantin Noica, trad. fr. Philippe Baillet, Châlon-sur-Saône, Éditions Hérode, 1993, puis Montreuil-sous-Bois, Association « Les Deux Étendards », 2000.
  • [1]
    Corneliu Z. Codreanu, Pentru Legionari, Sibiu, Editura Totul pentru Tara, 1936, p. 352 (cité par Bela Vago, The Shadow of the Swastika : The Rise of Fascism and Anti-Semitism in the Danube Basin, 1936-1939, Westmead, Famborough, Hants (England), Saxon House et The Institute of Jewish Affairs, 1975, p. 56).
  • [2]
    Corneliu Z. Codreanu, op. cit., p. 385-387 (Bela Vago, ibid.). Voir aussi, dans la traduction française (anonyme) de l'ouvrage, La Garde de Fer (Pour les Légionnaires) (Paris, Éditions Prométhée, 1938), le développement intitulé « Les plans du judaïsme contre la nation roumaine » (p. 102-107). Dans son article intitulé « L'assassinat de Codreanu » (Je Suis Partout, 9 décembre 1938), Lucien Rebatet, admirateur du chef de la Garde de Fer, le présentait comme « une victime du judaïsme universel » (article repris dans L. Rebatet, Codreanu et la Garde de Fer. Choses vues et entendues en Roumanie, Paris, Éditions de l'Extrême, s.d. [2003], p. 54).
  • [3]
    Voir Pawel Korzec, Juifs en Pologne. La question juive pendant l'entre-deux-guerres, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1980, en particulier p. 110 sq., 215 sq., 277.
  • [4]
    Pour de nombreux exemples, voir Ronald Modras, The Catholic Church and Antisemitism : Poland, 1933-1939, Chur (Suisse), Harwood Press, 1994.
  • [5]
    Paul Zawadzki, 1992, p. 298-300.
  • [6]
    Michael Phayer, L'Église et les nazis, 1930-1965, éd. originale 2000, trad. fr. Claude Bonnafont, Paris, Liana Levi, 2001, p. 30-31.
  • [7]
    Voir Michael Phayer, op. cit., p. 43-44. L'historien américain renvoie à Leonard Dinnerstein, « Antisemitism in the United States, 1918-1945 », in Remembering for the Future, Oxford, Pergamon. 1988, I, p. 321 ; Charles R. Gallagher, « Patriot Bishop : The Public Career of Archbishop Joseph R. Hurley, 1937-1967 », thèse de doctorat, Marquette University, 1997, p. 140. Sur les activités de Charles E. Coughlin, habile utilisateur de la radio (à Detroit) pour endoctriner les foules (il s'adressait en moyenne, dans ses émissions du dimanche, à trois millions et demi d'auditeurs !), voir Norman Cohn, 1967, p. 231-237 ; Michael Kazin, The Populist Persuasion : An American History, New York, BasicBooks (A Division of HarperCollins Publishers), 1995, p. 109-133, 166 sq.
  • [8]
    Michael Kazin, op. cit., p. 131. Le tirage de Social Justice s'élevait à un million d'exemplaires (Norman Cohn, 1967, p. 232). À la fin de 1938, Coughlin faisait distribuer les Protocoles par son réseau de propagandistes.
  • [1]
    Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre, Paris, Denoël, 1937, p. 50 (je respecte les graphies céliniennes).
  • [2]
    Julio Meinvielle, Les Juifs dans le mystère de l'histoire, trad. fr. (anonyme, d'après la 3e édition espagnole, Buenos Aires, Ediciones Theoria, 1959), Saint-Cénéré, Éditions Saint-Michel, 1965 (numéro spécial de la revue Documents-Paternité, n° 107-108, janvier-février 1965).
  • [3]
    Julio Meinvielle, op. cit., p. 30.
  • [1]
    Ibid., p. XII-XIII.
  • [2]
    Ibid., p. XIII.
  • [3]
    E. Malynski, Léon de Poncins, La Guerre occulte. Juifs et francs-maçons à la conquête du monde, nouvelle édition (hors commerce), 1940, p. 275-276.
  • [1]
    Douglas Reed, The Controversy of Zion, préface d'Ivor Benson, Durban, Dolphin Press, 1978, 587 p. ; rééd., Legion for the Survival of Freedom, 1985, 1987. Né en 1895 en Grande-Bretagne, Douglas Reed devint journaliste au Times de Londres en 1925, et fut notamment correspondant du quotidien britannique, dans les années 1930, à Berlin, à Vienne et à Budapest. Dans son livre Far and Wide (Londres, Jonathan Cape, 1951, p. 307-312), il rejoint les thèses des premiers négationnistes (« Aucune preuve ne peut être donnée que six millions de Juifs ont péri »). Le négationniste Ernst Zündel diffuse sur son site, depuis le 9 mai 2001, une élogieuse esquisse biographique de Douglas Reed, due à Mark Weber, de l'Institute for Historical Review (novembre-décembre 2000), qui commence par mentionner l'hommage rendu à l'écrivain antisémite par le journaliste égyptien Mohamed Heikal, dans son avant-propos à l'édition arabe du livre de Roger Garaudy, Les Mythes fondateurs de la politique israélienne.
  • [2]
    Ivor Benson, The Zionist Factor : The Jewish Impact on Twentieth Century History, nouvelle édition revue, Cosa Mesa (États-Unis), 1992 (1re éd., 1986), 205 p. Ivor Benson est un ancien journaliste politique, d'origine britannique, qui vécut en Afrique du Sud et fut, entre 1964 et 1966, ministre de l'Information dans le gouvernement de Ian Smith en Rhodésie. Fondateur du magazine Behind the News, en Afrique du Sud, il a régulièrement collaboré aux activités négationnistes de l'Institute for Historical Review.
  • [3]
    John George et Laird Wilcox, American Extremists : Militia, Supremacists, Klansmen, Communists, and Others, New York, Prometheus Books, 1996, p. 410.
  • [4]
    En 1999, aux États-Unis, est rééditée par Paul Tice (mouvance « New Age » et « Deep Ecology ») la traduction de Victor E. Marsden (celle qui fut publiée en 1934 à Chicago par The Patriotic Publishing Co.), The Protocols of the Meetings of the Learned Elders of Zion, avec préface et notes explicatives, Escondido, CA, The Book Tree, 299 p.
  • [1]
    Sur les milieux de l'extrême droite chrétienne-fondamentaliste aux États-Unis et leurs usages de la littérature conspirationniste antijuive, voir Michael Barkun, Religion and the Racist Right : The Origins of the Christian Identity Movement, Chapel Hill et Londres, The University of North Carolina Press, 1994, p. 121-196 ; Martin Durham, The Christian Right, the Far Right and the Boundaries of American Conservatism, Manchester et New York, Manchester University Press, 2000, p. 115-138. L'édition anglaise des Protocoles, due à Victor E. Marsden, est en ligne sur le site de l'association « Church of True Israel » (« For God, Race and Country Identity Information Center »). On y trouve aussi The International Jew de Henry Ford, The Passing of the Great Race de Madison Grant, des textes de Julius Streicher, Arnold Leese, Lothrop Stoddard, Ivor Benson, etc.
  • [2]
    Voir Nicholas Goodrick-Clarke, Black Sun, op. cit. L'opuscule posthume de Dietrich Eckart (1924) est traduit par le néonazi William L. Pierce au milieu des années 1960, et publié par « The World Union of National Socialists » (la WUNS) : Bolshevism from Moses to Lenin : A Dialogue Between Adolf Hitler and Me, Arlington, Virginia, National Socialist World, n° 2, automne 1966. Voir Neil Baldwin, 2001, p. 341, 377 (note 12). Pierce a créé ensuite, au début des années 1970, la National Alliance (Kevin Coogan, Dreamer of the Day, op. cit., p. 518, 523, 538 (note 16) ; Nicholas Goodrick-Clarke, op. cit., p. 20-21).
  • [3]
    Parmi les organisations ou les maisons d'édition qui publient de la littérature conspirationniste antijuive aux États-Unis, on relève tout particulièrement : the National States Rights Party, Christian Defense League, Sons of Liberty, Christian National Crusade, the John Birch Society, Liberty Bell Publications, The Noontide Press, The American Focus Publishing Company. Après la Seconde Guerre mondiale, le propagandiste antisémite et anticommuniste Gerald L.K. Smith (mort en 1976) n'a cessé de rééditer The International Jew, dans une version abrégée. Sur cet ancien proche du démagogue populiste Huey Long, devenu l'un des chefs de la Christian Nationalist Crusade, la plus importante des organisations nord-américaines d'extrême droite dans les années qui suivent 1945, voir Michael Barkun, Religion and the Racist Right, op. cit., p. 54-67 ; Howard M. Sachar, op. cit., p. 319, 620-621. 624 ; Kevin Coogan, op. cit., p. 220-222, 385, 421, 468, 508 ; Marvin Perry et Frederick M. Schweitzer, 2002, p. 77-78, 151, 173. Smith, dans les années 1950, est en relations avec les milieux pronazis et anticommunistes du Caire, où siège l'organisation créée par le Grand Mufti de Jérusalem, Haj Amin al-Husseini (K. Coogan, ibid., p. 385).
  • [4]
    Voir Richard S. Levy, in Benjamin B. Segel, 1995, p. 35, qui mentionne douze éditions argentines des Protocoles ou du Juif international depuis 1945. L'historien américain relève le fait que de nouvelles éditions du faux ont été publiées depuis 1945 en Équateur, au Brésil, au Mexique, au Chili, au Panama et au Salvador (ibid.).
  • [1]
    Cette réédition, publiée à Zagreb en 1996, était destinée à accuser les Juifs d'être responsables de la guerre en Croatie (Hadassa Ben-Itto, 2001, p. 421).
  • [2]
    Voir David G. Goodman et Masanori Miyazawa, Jews in the Japanese Mind : The History and Uses of a Cultural Stereotype, New York, The Free Press, 1995, p. 76 sq. ; Stephen Eric Bronner, 2000, p. 118.
  • [3]
    Voir Pierre-André Taguieff, 1992, t. I, p. 235250 ; William Korey, 1995, p. 126-139.
  • [4]
    Richard S. Levy, ibid., p. 34.
  • [5]
    Le publiciste antisémite et négationniste brésilien S.E. Castan est l'auteur de la postface (p. 169-172) de la réédition de la version portugaise des Protocoles (Sao Paulo, 1936) due à Gustavo Barroso (1888-1959) : Os Protocolos dos Sábios de Sião, Porto Alegre, Revisão Editoria Ltda., 1989. Pour une traduction française de ces « observations finales », voir Pierre-André Taguieff (dir.), 1992, t. II, p. 685-690.
  • [6]
    Le cas Rami est hautement symbolique : ce propagandiste antijuif est à la fois un théoricien conspirationniste, un négationniste militant et un « antisioniste » palestinophile fanatique. Sur son site (Radio Islam), il manifeste aussi sa vive sympathie à l'égard de Jean-Marie Le Pen et de Saddam Hussein. Sur les affinités entre conspirationnisme et négationnisme, voir Michael Shermer et Alex Grobman, Denying History : Who Says the Holocaust Never Happened and Why Do they Say It ?, foreword by Arthur Hertzberg, Berkeley, Los Angeles, Londres, University of California Press, 2000, puis 2002, p. 80-84.
  • [7]
    Sous la pression de l'Anti-Defamation League, amazon.com accompagne l'ouvrage, depuis le 24 mars 2000, d'un « avertissement » : « Veuillez noter qu'Amazon.com n'approuve pas les vues exprimées ci-dessous, ni celles de l'éditeur, publiées dans la présentation du livre. » Voir Nicolas Gurgand, « Nouveau dérapage chez Amazon », 6 avril 2000 (en ligne sur le site transfert.net).
  • [1]
    Pour situer Nation of Islam dans le contexte politico-religieux américain, voir Françoise Clary, « Les communautés islamiques afro-américaines : vers une américanisation de l'Islam ? », Revue française d'études américaines, n° 95, février 2003, p. 30-53.
  • [2]
    Par exemple : Vicomte Leon de Poncins, Freemasonry and Judaism : Secret Powers Behind Revolution, Brooklyn, New York, A & B Books Publishers, 1994 ; il s'agit là de la réédition de la traduction anglaise (1929) du livre de Léon de Poncins, Les Forces secrètes de la Révolution. Franc-maçonnerie et judaïsme, Paris, Bossard, 1928 (nouvelle édition revue, 1929). Outre les Protocoles, les réseaux de « Nation of Islam » diffusent The International Jew de Henry Ford, The Jews and Their Lies de Martin Luther, et le texte négationniste signé Arthur R. Butz, The Hoax of the Twentieth Century (Marvin Perry et Frederick M. Schweitzer, 2002, p. 251).
  • [3]
    Voir Richard S. Levy, 1995, p. 38-39. Sur la mythologie antijuive de la « Nation de l'Islam », voir l'étude fouillée de Marvin Perry et Frederick M. Schweitzer, 2002, p. 213-257 (chap. 6).
  • [4]
    Henry Ford, Le Juif international. Le plus grand problème du monde, version abrégée, traduit de l'anglais par l'Association Vérité et Justice (CH – 1618 Châtel-Saint-Denis), septembre 2001, 207 p. Le volume comporte une introduction signée René-Louis Berclaz, secrétaire général de l'Association Vérité et Justice (p. 1 -7) et, en annexe, un extrait du livre d'Henry Coston, Les Financiers qui mènent le monde (Paris, La Librairie française, 1955, chap. 35, p. 315-323 : « Un milliardaire anticapitaliste : Ford » ; rééd., Paris, Publications H.-C., 1989), repris sous le titre « Un milliardaire anticapitaliste » (p. 197-207).
  • [1]
    Hermann Rauschning, Hitler m'a dit, trad. fr. Albert Lehman, nouvelle édition revue et complétée, avant-propos et notes de Raoul Girardet, Paris, Librairie Générale Française, coll. « Pluriel », 1979, chapitre XV, p. 317-321. Voir Alexander Stein, Adolf Hitler, Schüler der « Weisen von Zion », Karlsbad, Verlangstalt « Graphia », 1936. Voir aussi les remarques de Hannah Arendt sur la mentalité conspirationniste et les usages des Protocoles, dans The Origins of Totalitarianism (San Diego, CA, Harcourt Brace, 1951), première partie : Antisemitism, trad. fr. Micheline Pouteau : Sur l'antisémitisme, Paris, Calmann-Lévy, 1973, p. 19, 31, 207-208 ; IIIe partie : Le Système totalitaire, trad. fr. Jean-Loup Bourget et al., Paris, Le Seuil, 1972, p. 25-26, 58-59, 85-87, 103-110, 258-260 (notes 41-50).
  • [2]
    Hitler, Mein Kampf, trad. fr. (légèrement modifiée), op. cit., livre I, chap. 11, p. 299 ; éd. all., 1942, p. 329 : « Den gewaltigsten Gegensatz zum Arier bildet der Jude. »
  • [3]
    Voir Alexander Stein, op. cit. Sur la portée et les limites de cette interprétation, voir Hannah Arendt. Le Système totalitaire, op. cit., p. 85-86, 258-259 (notes 41-43).
  • [1]
    Voir Revision (et non pas Révision), n° 3, mai 1989, p. 13-16 ; n° 4, juin 1989, p. 15- 19 ; n° 5-6, juillet-août 1989, p. 24-30 ; n° 7, septembre 1989, p. 17-21.
  • [2]
    « Goys, camarades, ouvriers, Français ! », Revision, n° 22, décembre 1990, p. 2 (éditorial ; reproduction intégrale dans Pierre-André Taguieff, 1992, t. Il, p. 532).
  • [1]
    Conférence organisée par l'association « culturelle » italienne Nuovo Ordine Nazionale, à laquelle participèrent notamment les négationnistes Robert Countess et Russ Granata (États-Unis), Vincent Reynouard (France) et Jürgen Graf (Suisse). Countess, Granata et Graf sont des habitués des colloques organisés par l'Institute for Historical Review, dont The Journal of Historical Review est l'organe. Voir Michael Shermer et Alex Grobman, op. cit., p. 42.
  • [2]
    Extraits d'un article paru dans le quotidien italien Trieste Oggi, 9 octobre 2001, en ligne sur le site de Radio Islam (fondé et dirigé par Ahmed Rami).
  • [3]
    L'une des sources de cette représentation « antisioniste » très répandue dans les milieux de l'extrême droite américaine est le best-seller The Turner Diaries, publié en 1978 (National Vanguard Press) par le leader de l'organisation suprémaciste (ou néonazie) National Alliance, William L. Pierce, sous le pseudonyme d'Andrew Macdonald (2e éd., Arlington, Va., National Vanguard Books, 1980). Dans ce récit, Pierce (mort le 23 juillet 2003) met en scène le renversement violent du gouvernement fédéral par une armée secrète de suprémacistes blancs, visant à provoquer une « révolution blanche » ou « aryenne », en commençant par faire exploser le quartier général du FBI.
    Le roman de Pierce a nourri l'imaginaire de ceux qui dénoncent inlassablement le gouvernement fédéral américain comme un « Zionist Occupation Government », en particulier les membres d'organisations extrémistes telles que The Order, the Aryan Republican Army, The New Order, et a directement influencé le terroriste Timothy McVeigh, jeune militant « patriote » incarnant le type du « milicien » d'extrême droite en lutte contre le « Nouvel ordre mondial », auteur de l'attentat à l'explosif contre l'immeuble fédéral à Oklahoma City, le 19 avril 1995, qui fit 168 morts et 500 blessés. Voir Nicholas Goodrick-Clarke, Black Sun, op. cit., p. 22-27,41, 198, 211,264, 279, 282, 290. ; « The Turner Diaries », article en ligne sur le site de l'ADL (« Extremism in America », http://www.adl.org). Voir aussi Stephen Eric Bronner, 2000, p. 136 (qui attribue à tort le roman néonazi à un certain Norman Phillips).
  • [1]
    Michael Barkun, Religion and the Racist Right, op. cit., p. 111 ; voir aussi p. 228. Pour de nombreux exemples, voir Nicholas Goodrick-Clarke, Black Sun, op. cit., p. 19, 24-26, 45-50, 222-223, 235, 245-247, 272-274.
  • [2]
    Sur ce représentant du « satanisme nazi » contemporain, voir Nicholas Goodrick-Clarke, Hitler's Priestess, op. cit., p. 215-216, 225 ; id., Black Sun, op. cit., p. 216-225, 342-343 (notes 8-37).
  • [1]
    Voir « David Myatt Biographical Information : The Life and Times of David Myatt » (article mis à jour le 7 septembre 2003, en ligne sur le site geocities.com).
  • [2]
    Tahir de la Nive, Les Croisés de l'oncle Sam. Une réponse européenne à Guillaume Faye et aux islamophobes, Kildare (Irlande), avataréditions, 2003. Chez le même éditeur, voir aussi Jacques Borde, Pourquoi l'Amérique ? 11 septembre 2001 (en coédition avec Dualpha éditions, 2001) ; père Jean-Marie Valentin, Irak, avant-poste de l'Eurasie, entretien réalisé par Tiberio Graziani, avant-propos d'Enrico Galoppini, suivi de l'essai L'« axe » et l'anaconda, l'Irak face à la conquête de l'Eurasie, de Carlo Terracciano, traduction et adaptation française par Christian Bouchet (Les Cahiers de la radicalité, n° 1, 2003 ; 1ère éd. italienne, Edizioni all'insegna del Veltro, 2002). Tiberio Graziani est un publiciste italien d'extrême droite. Le père Benjamin, prêtre italien proche des milieux d'extrême droite (il fut ordonné en 1991), est le secrétaire général de la Fondation Beato Angelico ainsi que le président du « Benjamin Committe for Iraq », dont le siège est en Italie (à Santa Maria des Anges [Assise], Ombrie).
  • [1]
    Carlo Terracciano, in Père Jean-Marie Valentin, op. cit., p. 103. Carlo Terracciano est un disciple italien de Jean Thiriart, qui fait aujourd'hui partie de la mouvance « néo-eurasiste », dont le Russe Alexandre Douguine est le chef de file. Voir Carlo Terracciano, « Jean Thiriart : prophète et militant » (Archivio Eurasia, http://utenti.tripod.it) ; anonyme (A. Douguin ?), « Le mouvement “Eurasia” » (http://utenti.lycos.it).
  • [2]
    Voir Magda Millet, « Égypte. Un nouveau brûlot antisémite », http://www.procheorient.info, 2 mars 2003.
  • [3]
    Cette représentation dérive de la littérature d'accompagnement des Protocoles, s'inspirant lointainement des livres de Jacob Brafman sur le « Kahal ». C'est vraisemblablement le recueil d'articles attribués à Henry Ford, The International Jew, notamment dans sa version réduite en un volume, qui a largement diffusé cette représentation mythique. Voir The International Jew, vol. I, novembre 1920, op. cit., p. 163-174 (chap. 15 : « Is the Jewish “Kahal” the Modem “Soviet” ? ») ; vol. Il, avril 1921, op. cit., p. 137-148 (chap. 33 : « Rule of the Jewish Kellillah Grips New York »). Sur la « Kehillah » interprétée dans une perspective conspirationniste, voir également Lesley Fry, Le Retour des flots vers l'Orient, op. cit., p. 18-30, 62, 86. Dans le vocabulaire utilisé par les Juifs américains, le mot « Kehillah » est en réalité un strict équivalent de « Jewish Community » : la Kehillah de New York est simplement la « communauté juive » de New York. Mais, il est vrai, le terme perd ainsi son mystère (NDLR : Kehillah, en hébreu, signifie communauté).
  • [1]
    Le cliché des « 300 » avait été mis en circulation par le compte rendu de l'écrivain Abbas Mahmoud al-Aqqad, dans Al-Asas (23 novembre 1951), de la traduction arabe des Protocoles due à Muhammad Khalifa al-Tunsi (Le Caire, 1951). Voir supra.
  • [1]
    « Syrian Ramadan TV Series on Hizbullah's Al-Manar : Diaspora, Episode I », MEMRI, Special Dispatch Series, n° 598, 29 octobre 2003 ; ainsi que les notes n° 623 (8 décembre) et n° 627 (12 décembre) (http://www.memri.org). Voir aussi Tewfik Hakem, « Un feuilleton d'Al-Manar TV accusé d'antisémitisme », Le Monde Télévision, 6 décembre 2003. Le 11 novembre 2003, on pouvait lire dans le journal Syrian Times : « Ce feuilleton syrien retrace l'histoire criminelle du sionisme. »
  • [2]
    « Chaque guerre, chaque révolution chaque ébranlement politique ou religieux arrivé dans le monde chrétien, rapprochent le moment où nous atteindrons le but suprême vers lequel nous tendons. [...] Notre unique but : celui de régner sur la terre, comme cela a été promis à notre père Abraham. » (Discours du Rabbin, in Kalixt de Wolski, La Russie juive, op. cit., p. 11-12, 19).
  • [1]
    Suite d'extraits des nombreuses brochures anti-talmudiques dérivées du livre d'August Rohling (1871), dont l'édition française la plus complète a été préfacée par Édouard Drumont (Le Juif selon le Talmud, Paris, Albert Savine, 1889 ; voir notamment p. 103 sq., 145 sq.).
  • [2]
    Compilation de passages extraits du Discours du Rabbin et des Protocoles (Protoc. 1, 2, 5, 7, 9, etc.).
  • [1]
    Milan, Mondadori, 1941, 401 p.
  • [1]
    Hitler est souvent revenu, pendant la Seconde Guerre mondiale, sur cette « prophétie » qu'il avait énoncée dans son discours au Reichstag du 30 janvier 1939, donc avant l'entrée en guerre : « S'il devait arriver que la finance juive internationale réussisse encore une fois à précipiter les peuples dans une nouvelle guerre mondiale, cela n'aurait pas pour effet d'amener la bolchevisation du globe et le triomphe des Juifs mais bien au contraire l'anéantissement [Vernichtung] de la race juive en Europe ! » (passage reproduit dans Walther Hofer (sous la dir. de), Der Nationalsozialismus. Dokumente 1933-1945, Frankurt/Main, Fischer, 1957, rééd. 1981, p. 277 ; document n° 155). Le 21 mars 1943, Hitler relance l'accusation en ces termes : « Une guerre sans merci ni pitié nous a été imposée par la juiverie éternelle [...] » (déclaration citée par Arno Mayer, La « Solution finale » dans l'histoire, op. cit., p. 389). Voir supra.
  • [2]
    Giovanni Preziosi, Gli ebrei hanno voluto la guerra, Rome, 1942, 45 p.
  • [3]
    Attila Lemage (pseudonyme d'Alain Guionnet), Revision, n° 23, janvier 1991, p. 18.
  • [4]
    Voir supra, IIe partie.
  • [1]
    Henry Ford (en collaboration avec Samuel Crowther), My Life and Work, New York, Doubleday, Page and Company, 1922 ; cité par René-Louis Berclaz, introduction à Henry Ford, Le Juif international, trad. fr. collective (association Vérité et Justice), Châtel-Saint-Denis (Suisse), septembre 2001, p. 4.
  • [2]
    Les Protocoles sionistes. Le plan de conquête mondiale des judéomaçons, Novotcherkassk, imprimerie de l'armée des Cosaques du Don, 1918 (en russe ; cité par Norman Cohn, 1967, p. 123).
  • [1]
    Voir Bat Yeor, Juifs et chrétiens sous l'islam. Les dhimmis face au défi intégriste, op. cit. ; « L'antisionisme euro-arabe », in collectif, [Nouveaux] visages de l'antisémitisme. Haine-passion ou haine historique ?, Paris, NM7 Éditions, 2001, p. 23-70.
  • [1]
    Voir Uriel Tal, « Forms of Pseudo-Religion... », art. cit., 1974, p. 72.
  • [I]
    On peut en trouver une illustration saisissante dans une récente édition commentée (symboliquement « décodée » !) des Protocoles, publiée aux États-Unis : Doc Marquis, The (Decoded) Illuminati's Protocols of the Learned Elders of Zion, The American Focus Publishing Company, South Plainfield, N.J., en cooperation avec The National Clearinghouse on Stanic Crime in America, South Orange, N.J., s. d. (1995, 2000).
  • [1]
    Leszek Kolakowski, L'Esprit révolutionnaire, éd. originale 1972, trad. fr. Jacques Dewitte, Bruxelles, Complexe, 1978, p. 22.
  • [2]
    Spinoza, Traité théologico-politique, éd. originale 1670, préface, trad. fr. Charles Appuhn (légèrement modifiée), Paris, Garnier-Flammarion, 1965, p. 20.
  • [3]
    Ibid., p. 19.
  • [1]
    Ibid., p. 21.
  • [1]
    Tunis Hebdo, « Premier hebdomadaire tunisien », 18 novembre 2003 (http://www.tunishebdo.com.tu).
  • [2]
    Voir Bernard Lewis, L'Islam en crise, trad. fr. Jacqueline Carnaud, Paris, Gallimard, 2003, en particulier p. 121-135, 151-176.
  • [1]
    Oussama Ben Laden, interview par Jamal Ismaïl (septembre 1998, diffusée après le 11 septembre 2001), in Le Spectre du terrorisme. Déclarations, interviews, témoignages sur Oussama Ben Laden, Paris, Les Éditions Sfar, 2001 (décembre), p. 109, 117, 125, 130-131, 132.
  • [1]
    Je réserve l'emploi du mot « eschatologique » pour désigner le champ des discours sur les fins dernières, et j'use du néologisme « eschatique » pour qualifier toute attitude orientée vers une certaine idée de la fin (eschatos : fin, sommet, abîme).
  • [2]
    Voir mon livre Les Fins de l'antiracisme, op. cit., p. 427-516. Voir aussi Tzvetan Todorov, « Un nouveau moralisme », Le Débat, n° 107, novembre-décembre 1999, p. 154 ; id., Mémoire du mal, tentation du bien. Enquête sur le siècle, Paris, Robert Laffont, 2000, p. 214 : « Combattre [...] non le diable mais ce qui le rend possible : la pensée manichéenne elle-même. »
  • [1]
    Traduction française dans le présent numéro : « L'antisémitisme musulman : un danger très actuel ».
English

Invention and Reinvention of the Myth of the ‘Learned Elders of Zion'. From the ‘Jewish conspiracy' to the ‘worldwide Zionist plot' in the Arab-Muslim world

Fabricated by the Tsarist Okhrana, the anti-Semitic falsehood known under the name of the Protocols of the Learned Elders of Zion notably reached its peak after 1917, in particular in the Western world. Correlated at the time with the Balfour Declaration (2 November 1917) and above all with the Bolshevik Revolution (7 November 1917), this falsehood acted as a support for an unabashed and aberrant anti-Semitism, which in tum used it to crystallise fear. It was this very belief in the notion of a plot, paradoxically reassuring in itself, which was thus able to assuage a world shaken by the upheaval brought about by and ensuing from the Great War.
If after the Shoah, this anti-Semitic falsehood no longer found much favour in the West, it was the Arab-Muslim world, where the Protocols had already been translated as early as 1928, which would take up the baton. The creation of the State of Israel in 1948 gave new impetus to the myth. The demonisation of the Jewish State, which was widespread until 1967, was exacerbated from this date onwards, marked by the Israeli victory in the Six Day War. It seemed that the inconceivable victory of the Dhimmis over their Arab masters had rekindled expressions of outrage against the existence of a Jewish State, built up and led to victory by those who had formerly been mere subjects, a victory that, what is more, had occurred on land viewed exclusively as Arab-Muslim. The Protocols then served to break up the preposterous Jewish victory, thereby avenging the ‘insult' sustained and the notion of Arab power, until then held to ridicule, again acquired meaning. In the 1990s, Islamic networks took over from an Arab nationalism in a state of crisis. Propagated at the highest levels, the spreading of the falsehood gave rise to its appearance in countless reincarnations, which, extending from Beirut to Cairo and from the Persian Gulf to Damascus and Baghdad, underlie a project that is almost genocidal in nature, emerging against the backdrop of an indifferent world.

Bibliographie sélective sur les Protocoles des Sages de Sion

  • Parmi les études de référence sur les Protocoles des Sages de Sion et le mythe du complot juif mondial, ses origines et ses développements, voir notamment, par ordre chronologique de parution :
  • Ouvrages

    • Philip P. Graves, The Truth About the Protocols : À Literary Forgery, Londres, Printing House, 1921 ; Lucien Wolf, The Myth of the Jewish Menace in World Affairs : The Truth About the Forged Protocols of the Elders of Zion, New York, Macmillan, 1921 ; Herman Bernstein, The History of a Lie : « The Protocols of the Wise Men of Zion ». À Study, New York, J.S. Ogilvie Publishing Co., 1921 ; Ju. Delevsky (Jakov Judelevsky), Protokoly Sionskikh Moudretzov. Istorija Odnogo Podloga (Les Protocoles des Sages de Sion. Histoire d'un faux), Berlin, I. Ladyschnikow, 1923 (en russe) ; Binjamin W. Segel, À Lie and a Libel : The History of the Protocols of the Elders of Zion, éd. originale Berlin, 1926, trad. angl. Richard S. Levy (introduction et notes), Lincoln et Londres, University of Nebraska Press, 1995 (introduction de Richard S. Levy, p. 1 -47) ; Herman Bernstein, The Truth About « The Protocols of Zion » : À Complete Exposure, New York, Covici Friede, 1935 (rééd. New York, Ktav Publishing House, 1971 ; introduction de Norman Cohn) ; Emil Raas, Georges Brunschwig, Vernichtung einer Fälschung. Der Prozeß um die erfundenen « Weisen von Zion », Zurich, Verlag « Die Gestaltung », 1938 ; Ruben Blank, Adolf Hitler, ses aspirations, sa politique, sa propagande et les « Protocoles des Sages de Sion », préface de Paul Milioukov, Paris, L. Beresniak, 1938 ; Henri Rollin, L'Apocalypse de notre temps. Les dessous de la propagande allemande d'après des documents inédits, Paris, Gallimard, 1939 (rééd. Paris, Allia, 1991) ; John S. Curtiss, An Appraisal of the Protocols of Zion, New York, Columbia University Press, 1942 ; Walter Laqueur, Russia and Germany : À Century of Conflict, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1965a (chapitres 5 et 6) ; id., Deutschland und Russland, trad. all. K.H. Abshagen (en coll. avec l'auteur), Berlin, Propyläen Verlag, 1965b ; Norman Cohn, Histoire d'un mythe. La « Conspiration » juive et les Protocoles des Sages de Sion, éd. originale 1966, trad. fr. Léon Poliakov, Paris, Gallimard, 1967 (rééd. Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », 1992) ; Jacob Katz, Jews and Freemasons in Europe, 1723-1939, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1970 (trad. fr. Sylvie Courtine-Denamy : Juifs et françs-maçons en Europe, 1723-1939, Paris, le Cerf, 1995) ; Yehoshafat Harkabi, Arab Attitudes to Israel, trad. angl. Misha Louvish, Jérusalem, Israel University Press, 1972 ; Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme, tome IV : L'Europe suicidaire, 1870-1933, Paris, Calmann-Lévy, 1977 ; Gisela C. Lebzelter, Political Anti-Semitism in England, 1918-1939, Londres, The Macmillan Press/St Antony's College, Oxford, 1978 ; Colin Holmes, Anti-Semitism in British Society, 1876-1939, Londres, Edward Arnold, 1979 (chap. 9-14) ; Jacob Katz, From Prejudice to Destruction : Anti-Semitism, 1700-1933, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1980 (chap. 11,25) ; Robert Singerman, Antisemitic Propaganda : An Annotated Bibliography and Research Guide, New York, Garland, 1982 ; José Antonio Ferrer-Benimeli, El contubernio judeo-masónico-comunista, Madrid, Ediciones Istmo, 1982 (p. 135-210) ; Dennis Prager and Joseph Telushkin, Why the Jews ? The Reason for Antisemitism, nouvelle édition complètement revue et mise à jour, New York, Touchstone, 2003 (1re éd. 1983) ; Léon Poliakov, La Causalité diabolique, t. II : Du joug mongol à la victoire de Lénine, 1250-1920, Paris, Calmann-Lévy, 1985 ; Bernard Lewis, Sémites et Antisémites, trad. fr. J. Carnaud et J. Lahana, Paris, Fayard, 1987 (éd. originale 1986) ; Jean-François Moisan, Contribution à l'étude de matériaux littéraires pro- et antisémites en Grande-Bretagne (1870-1983) -Le mythe du complot juif-Les Protocoles des Sages de Sion – Le cas Disraeli, thèse de doctorat (non publiée), Faculté de Lettres et Sciences humaines, Université de Paris-Nord, 1987 ; Rivka Yadlin, An Arrogant Oppressive Spirit : Anti-Zionism as Anti-Judaism in Egypt, Oxford et New York, Pergamon Press, 1989 ; Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion. Faux et usages d'un faux, tome I : Introduction à l'étude des Protocoles. Un faux et ses usages dans le siècle, Paris, Berg International, 1992 ; Pierre-André Taguieff (dir.), Les Protocoles des Sages de Sion. Faux et usages d'un faux, tome II : Études et documents, Paris, Berg International, 1992 ; Tazbir (Janusz), Protocoly Medrcow Synoju. Autentyk czy falsyfikat (Les Protocoles des Sages de Sion. Authentique ou faux), Varsovie, Interlibro, 1992 (en polonais) ; Urs Lüthi, Der Mythos von der Weltverschwörung. Die Hetze der Schweizer Frontisten gegen Juden und Freimaurer – am Beispiel des Berner Prozesses um die « Protokolle der Weisen von Zion », Bâle/Francfort, Helbing & Lichtenbahn Verlag, 1992 ; Sergio Romano, 1 falsi Protocolli. Il « complotto ebraico » dalla Russia di Nicola II a oggi, Milan, Corbaccio, 1992 ; Saveli Yu. Dudakov, Istorija odnogo mifa (Histoire d'un mythe), Moscou, Nauka, 1993 (en russe) ; Walter Laqueur, Black Hundred : The Rise of the Extreme Right in Russia, New York, HarperCollins Publishers, 1993 (chap. 2, 3, 4, 13) (trad. fr. Dominique Péju avec la collaboration de Serge Zolotoukhine : Histoire des droites en Russie. Des Centuries noires aux nouveaux extrémistes, Paris, Michalon, 1996) ; William Korey, Russian Antisemitism, Pamyat, and the Demonology of Zionism, The Hebrew University of Jerusalem, SICSA, et Harwood Academic Publishers, 1995 ; Pierre Pierrard, Juifs et catholiques français. D'Édouard Drumont à Jacob Kaplan (1886-1994), Paris, le Cerf, 1997 ; Daniel Pipes, The Hidden Hand : Middle East Fears of Conspiracy, Londres, Macmillan, 1997 ; Hadassa Ben-Itto, « Die Protokolle der Weisen von Zion ». Anatomie einer Fälschung, traduit de l'anglais par Helmut Ettinger et Juliane Lochner, Berlin, Aufbau Verlag, 1998a (rééd., Berlin, Aufbau Taschenbuch Verlag, 2001 ; édition en hébreu : Le Mensonge qui ne veut pas mourir. Les cent ans des Protocoles des Sages de Sion, Tel-Aviv, Dvir Publishing, 1998b) ; Cesare G. De Michelis, Il manoscritto inesistente. I « Protocolli dei savi di Sion » : un apocrifo del xx secolo, Venise, Marsilio Editori, 1998 ; id., La giudeofobia in Russia. Dal Libro del « kahal » ai Protocolli dei savi di Sion. Con un'antologia di testi, Tutin, Bollati Boringhieri, 2001 ; Pierre-André Taguieff (dir.), L'Antisémitisme de plume, 1940-1944. Études et documents, Paris, Berg International, 1999 ; Stephen Eric Bronner, À Rumor About the Jews : Refections on Antisemitism and the Protocols of the Learned Elders of Zion, New York, St. Martin's Press, 2000 ; Joseph W. Bendersky, The « Jewish Threat » : Anti-Semitic Politics of the US Army, New York, Basic Books, 2000 ; Vadim Skouratovski, La Question de l'identité de l'auteur des Protocoles des Sages de Sion, Kiev, Dourkh Litera, 2001 (en ukrainien) ; Neil Baldwin, Henry Ford and the Jews : The Mass Production of Hate, New York, PublicAffairs, 2001 ; Pierre-André Taguieff, La Nouvelle Judéophobie, Paris, Mille et une nuits, 2002 ; Robert S. Wistrich, Muslim Anti-Semitism : À Clear and Present Danger, New York, The American Jewish Committee, 2002  [1] ; Vadim Rossman, Russian Intellectual Antisemitism in the Post-Communism Era, Lincoln et Londres, The University of Nebraska Press et Jérusalem, The Vidal Sassoon International Center for the Study of Antisemitism, 2002 ; Marvin Perry and Frederick M. Schweitzer, Antisemitism : Myth and Hate from Antiquity to the Present, New York et Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2002 ; David I. Kertzer, Le Vatican contre les Juifs. Le rôle de la papauté dans l'émergence de l'antisémitisme, éd. originale 2001, trad. fr. Bella Arman, Paris, Robert Laffont, 2003 ; Paul Iganski and Barry Kosmin (éds), À New Antisemitism ? Debating Judeophobia in 21 st-Century Britain, Londres, Profile Books, en association avec l'Institute for Jewish Policy Research, 2003 ; Abraham H. Foxman, Never Again ? The Threat of the New Anti-Semitism, New York, HarperCollins, 2003.
  • Articles ou contributions à des ouvrages collectifs

    • Pierre Charles, « Les Protocoles des Sages de Sion », Nouvelle Revue théologique, t. 65, n° 1, janvier 1938, p. 56-78 (repris dans Pierre-André Taguieff, 1992, t. II, p. 9-37) ; John S. Curtiss, « “Protocols of Elders of Zion” », in Isaac Landman (éd.), The Universal Jewish Encyclopedia (en dix volumes), New York, vol. 4, 1948, p. 46-52 ; Colin Holmes, « New Light on The Protocols of Zion », Patterns of Prejudice, vol. 11, n° 6, novembre-décembre 1977, p. 13-21 ; id., « The Protocols of the “Britons” », Patterns of Prejudice, vol. 12, n° 6, novembre-décembre 1978, p. 13-18 ; Robert Singerman, « The American Career of the Protocols of the Elders of Zion », American Jewish History, n°71, septembre 1981, p. 48-78 ; Renée Neher-Bemheim, « Le best-seller actuel de la littérature antisémite : les Protocoles des Sages de Sion », Pardès, 8/ 1988, p. 154-177 (repris, revu et augmenté dans Pierre-André Taguieff, 1992, t. II, p. 367-416) ; Jean-François Moisan, « Les Protocoles des Sages de Sion en Grande-Bretagne et aux USA », in Pierre-André Taguieff, 1992, t. II, p. 163-216 ; Paul Zawadzki, « Usage des Protocoles et logique de l'antisémitisme en Pologne », in Pierre-André Taguieff (dir.), 1992, t. II, p. 279-324 ; Rivka Yadlin, « Le Machrek. Théologie et idéologie antisémites dans le monde arabe », in Léon Poliakov (dir.), Histoire de l'antisémitisme 1945-1993, Paris, Le Seuil, 1993, p. 356-381 ; Pierre Lavelle, « Les écrits antisémites japonais. Essai d'interprétation », in Lignes, mai 1993, p. 158-202 ; Umberto Eco, « Protocoles fictifs », in U. Eco, Six promenades dans les bois du roman et d'ailleurs, éd. originale 1994, trad. fr. Myriem Bouzaher, Paris, Grasset, 1996, puis Paris, Le Livre de Poche, coll. « Biblio essais », 1998, p. 127-151 ; Catherine Nicault, « Le procès des Protocoles des Sages de Sion. Une tentative de riposte juive à l'antisémitisme des années 1930 », Vingtième siècle. Revue d'histoire, n° 53, janvier-mars 1997, p. 68-84 ; Cesare G. De Michelis, « Les Protocoles des Sages de Sion. Philologie et histoire », Cahiers du monde russe, vol. 38, n° 3, juillet-septembre 1997, p. 263-305 ; Victor Loupan, « L'affaire des “Protocoles des Sages de Sion” : le faussaire enfin démasqué », Le Figaro Magazine, 7 août 1999, p. 20-24 ; Éric Conan, « Les secrets d'une manipulation antisémite », L'Express, 18 novembre 1999, p. 101-110 ; Michael Hagemeister, « Wer war Sergej Nilus ? Versuch einer bio-bibliographischen Skizze », Ostkirchliche Studien, 40 (1), 1991, p. 49-63 (trad. fr. Martine Pique-Bressoux : « Qui était Serge Nilus ? », Politica Hermetica, n° 9, 1995, p. 141-158) ; id., « Sergej Nilus und die “Protokolle der Weisen von Zion”. Überlegungen zur Forschungslage », Jahrbuch für Antisemitismusforschung, Bd. 5, (Francfort-sur-le-Main, Campus Verlag), 1996, p. 127-147 ; id., « Protocols of the Elders of Zion », in Walter Laqueur (éd.), The Holocaust Encyclopedia, New Haven et Londres, Yale University Press, 2001, p. 499-503 ; Meïr Weintrater, « La montée de l'antisémitisme dans le monde arabe », L'Arche, n° 523, septembre 2001, p. 58-95.
Pierre-André Taguieff
Directeur de recherche au CNRS.
Mis en ligne sur Cairn.info le 31/12/2020
Pour citer cet article
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