CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 À partir d’une approche interdisciplinaire, nous traiterons dans cet article trois interrogations en lien avec la problématique du regroupement familial des ascendants : à quelles conditions la législation helvétique permet-elle le regroupement familial des ascendants ? Quelle est l’ampleur de ce phénomène en Suisse ? Quelles sont les raisons qui conduisent les familles immigrées à tenter de faire venir un parent âgé dans leur pays de résidence ?

2Afin de cerner au mieux les enjeux liés au regroupement familial des ascendants, nous avons mené une recherche comparative en Suisse entre septembre 2006 et juillet 2008, en nous basant sur des méthodes complémentaires [1].

3La recherche est comparative en ce sens qu’elle étudie les problématiques liées au regroupement familial des ascendants et les réponses des travailleurs sociaux dans deux cantons de la Suisse francophone – Vaud et Genève – qui se distinguent par une application différenciée des directives concernant ce phénomène. L’une de nos recherches précédentes met en effet en évidence que, dans le canton de Vaud, la notion de « prévention d’assistance » est utilisée plus souvent que dans le canton de Genève pour refuser ou retarder le regroupement familial des conjoints et des descendants (Bolzman et al., 2002). Nous examinons donc dans quelle mesure ces différences s’appliquent au regroupement familial des ascendants, ainsi que leurs effets sur les familles concernées.

4Elle est comparative également du fait que nous analysons la situation des familles ayant des origines nationales et des statuts juridiques divers en Suisse. Elle nous permet de tester l’hypothèse selon laquelle cette diversité de traitement juridique des familles peut avoir une influence sur leurs façons de réguler la dépendance et/ou la perte d’autonomie de leur parent âgé, et sur les modes d’intervention des professionnels du secteur social. Notre échantillon inclut en effet des ressortissants de l’Union européenne (UE), des ressortissants des États tiers relevant de la loi sur les étrangers (LEtr) et des personnes des États tiers avec des statuts plus précaires, liés à la procédure d’asile (requérants d’asile, admissions provisoires) ou qui n’ont pas un statut de séjour reconnu en Suisse.

5Plusieurs types de méthodes nous permettent de répondre aux trois interrogations abordées dans cet article.

6Les possibilités et les limites du regroupement familial d’un parent âgé en Suisse ont été analysées principalement à la lumière des différents textes législatifs (Accord bilatéral de libre-circulation entre la Suisse et l’Union européenne, loi sur les étrangers, loi sur l’asile) et des décisions des tribunaux administratifs des cantons de Genève et de Vaud relatives à 64 recours présentés par des familles déboutées dans les années 2000.

7L’analyse secondaire des statistiques du recensement de la population et du registre central des étrangers concernant les motifs d’entrée dans la Confédération fournit un aperçu de l’ampleur du phénomène du regroupement des ascendants.

8Des entretiens semi-directifs (conduits auprès de 24 familles concernées par le regroupement familial d’un parent âgé, et auprès de 48 professionnels des services sociaux pour personnes âgées et pour personnes immigrées des deux cantons concernés qui ont été sollicités par des familles ayant fait venir un parent âgé) nous permettent de saisir les motifs de la décision de regroupement. Nous avons pu ainsi reconstituer l’histoire d’un segment ou tranche de vie (Lalive d’Épinay et al., 1983) de la personne âgée et de sa famille avant l’émigration de cette personne âgée.

? Le regroupement familial des ascendants : une problématique peu explorée

9Le regroupement familial des ascendants constitue un domaine peu exploré. Rares en effet sont les travaux consacrés aux migrants âgés qui articulent les problématiques de la migration, de la vieillesse et de sa prise en charge, des rôles respectifs de la famille et des professionnels dans l’accompagnement des personnes âgées.

10Un premier type de recherches concerne ce que Claudine Attias-Donfut (2004) définit comme des « migrations tardives » et porte en particulier sur les migrations de retraite, « appelées à prendre de l’ampleur avec le vieillissement de la population ». Bond (1990) ajoute que celles-ci vont se développer également pour d’autres raisons : à cause de la croissance du nombre de personnes dotées d'une expérience préalable de la migration, d'une tendance accrue à la retraite anticipée et de l’éparpillement croissant des enfants. Les études sur cette thématique ont été principalement l’œuvre de géographes et de démographes et concernent notamment les migrations des retraités du Nord vers le Sud de l’Europe (Law, Warnes, 1982; Bond, 1980; Casado-Diaz et al., 2004) ou du Nord vers le Sud des États-Unis (Barsby, Cox, 1975; Biafora, Longino, 1990). Greengross (1992) et Paillat (1992) constatent que l’importance croissante de ce type de migration pose des questions se rapportant à l’harmonisation des législations des divers États en matière de protection sociale et d’accès aux services de santé. Bolzman et al. (2004) ainsi que Ackers et Dwyer (2004) soulignent le décalage croissant entre la tendance à la mobilité des retraités et le caractère figé des législations sociales nationales, conçues pour des populations sédentaires, censées vivre une continuité spatio-temporelle tout au long de la vie. Longino et Crown (1990) observent l’émergence de débats entre les états qui composent les États-Unis sur la question de savoir qui doit financer la prise en charge des personnes âgées. Les enjeux identifiés par ce type de recherches concernent donc l’accès des personnes âgées migrantes aux prestations de l’État social.

11D’autres types de recherches s’intéressent à un phénomène émergent que King et Vullnetari (2006) définissent comme celui des orphaned pensioners, à savoir celui des personnes âgées dépourvues de tout soutien social du fait d’une émigration massive soit vers d’autres régions du pays, soit vers un autre État, des jeunes qui vivent dans des régions périphériques connaissant un fort déclin tant démographique que social et économique. Ces auteurs observent ce phénomène dans les campagnes d’Albanie après l’émigration massive des années 1990. Pour Warnes et al. (2004), ce phénomène peut être à la base d’un regroupement familial ultérieur des ascendants lorsque la législation le permet, comme c’est le cas des personnes âgées sud-coréennes venant rejoindre leurs enfants en Californie. Le fait d’émigrer en Amérique du Nord permet à ces personnes âgées de bénéficier du soutien affectif et matériel de leurs enfants. En échange, les aînés s’occupent de leurs petits-enfants, pendant que les deux parents travaillent à plein-temps. Pourat et al. (2000) constatent que les personnes âgées sont souvent assez isolées dans le nouveau contexte et que les relations intergénérationnelles en pâtissent. Ces études montrent le besoin d’analyser ces phénomènes migratoires en tenant compte de ce qui se passe tant dans les États d’origine que dans les États de résidence et en accordant une attention particulière aux dynamiques transnationales et intergénérationnelles.

12Les recherches les plus nombreuses portant sur la relation entre âge et migration sont celles, relativement récentes aussi, qui traitent avant tout de la situation des anciens travailleurs immigrés atteignant l’âge de la retraite ou confrontés au vieillissement dans l’État où ils résident. Ces recherches montrent que, contrairement à l’image largement répandue, la migration n’est pas un phénomène provisoire qui s’achève par le retour au pays d’origine, mais qu’au contraire la plupart des migrants restent après la retraite dans la société où ils ont passé leur vie adulte (Sayad, 1991; Dietzel-Papakiriakou, 1993; Bolzman, Fibbi, Vial, 1993; 2001; 2004) ou alors font des allers-retours entre les deux pays (Attias-Donfut, 2006; Serra-Santana, 2000; Schaeffer, 2001). Par ailleurs, divers travaux menés en Europe mettent en évidence les conditions de vie plus précaires de ces personnes âgées immigrées par rapport à celles des personnes âgées autochtones, tant sur le plan économique (Bolzman, Fibbi, Vial, 1999; Dietzel-Papakiriakou, 1997; Pitaud, 1999; Patel, 2003) que sur celui de la santé (Scheib, 1996; Toullier, Baudet, 1998; Bollini, Siem, 1995).

13À partir de ces constats, d’autres recherches s’interrogent sur les possibilités pour les personnes âgées immigrées de faire valoir des droits citoyens et, plus particulièrement, des droits à la sécurité sociale. D’après Sayad (1986), tant que les politiques migratoires considèrent les immigrés exclusivement dans leur statut de travailleurs, la légitimité de la présence des personnes âgées étrangères dans la société de résidence, et donc de leurs droits, sera problématique. Hamburger (1996) abonde dans le même sens : « Tous les ratés de la politique d’immigration se manifestent dans la politique sociale envers les migrants âgés : parce qu’exclus de la nationalité, ils ne sont pas pris en compte dans la norme de solidarité en vigueur ». De plus, on souligne que peu de ces personnes sont bien informées sur leurs droits. Mehrlander et al. (1996) constatent par exemple qu’en Allemagne une personne immigrée sur six n'a pas une connaissance correcte de son statut de séjour et de travail. Concernant la possibilité de faire valoir des droits sociaux, Hamadache (1999) insiste sur la complexité des parcours personnels et professionnels des immigrés. Ceux-ci se heurtent souvent à un cadre légal qui n’a pas prévu leur situation ou à des interprétations restrictives de ce cadre de la part de l’administration. Dans le cas suisse, une recherche de Chaudet et al. (2000) met en évidence qu’un nombre significatif de problèmes sociaux rencontrés par les personnes de nationalité étrangère sont créés par la législation sur les étrangers qui limite leurs droits citoyens, en fonction du type d’autorisation de séjour qui leur a été délivré. D’autres travaux constatent que certaines dispositions de la législation sur les étrangers découragent l’exercice des droits sociaux par les immigrés, en particulier le recours à l’aide sociale, et les poussent ainsi à privatiser les solutions à leurs différents problèmes (Bolzman et al., 2002).

14La problématique de l’accès aux services médico-sociaux constitue aussi un thème émergent. Nombre d’auteurs relèvent en effet leur sous-utilisation par rapport aux besoins avérés des personnes âgées immigrées (Fibbi, Bolzman, Vial, 1999; Patel, 2003). Plusieurs facteurs expliquent cette faible utilisation. Le premier est l’information insuffisante des étrangers, souvent liée à leur manque de maîtrise de la langue locale (Embajada, 2001) et à leur faible niveau d’instruction. Ainsi, une recherche-action conduite aux Pays-Bas met en évidence la méconnaissance des structures de prise en charge des personnes âgées par les populations immigrées (Nelissen, 1997). Une étude menée à Bâle montre que la majorité des migrants ne connaissent pas les services d’aide à domicile : en cas de perte d’autonomie, ils pensent que les seules alternatives sont de rester à la maison avec un soutien familial ou d'aller en établissement médico-social (Jacobs Schmid, 2001). À l’inverse, d’autres travaux mettent plutôt l’accent sur la méconnaissance des besoins et des aspirations de ces populations par les organismes locaux pour personnes âgées (Mertens, Scott, 1993) ou sur le peu d’attention qu’ils accordent à la diversité culturelle (Saldow, 1991; Jäggi, 2004). Certaines études soulignent par exemple plusieurs manques : insuffisance non seulement d’interprètes qualifiés dans les services sociaux et de santé, mais aussi insuffisance de formation aux questions interculturelles du personnel d’accueil et des autres professionnels, et insuffisances d’une politique d’ouverture des institutions à ces populations de la part des directions et des employeurs (Ahmad, Atkins, 1996; Chau, Yu, 2000). L’absence de collaboration entre structures destinées aux personnes âgées et structures destinées aux populations migrantes est également signalée (Fibbi, Bolzman, Vial, 1999). Dans ce contexte, des analyses ont porté sur les prestations proposées par les services ethniques communautaires, en particulier dans les pays anglo-saxons, en tenant compte des avantages et des problèmes posés par l’existence d’instances parallèles aux mainstream providers (Wanner, McDonald, 1986; Stanford, 1990). Des auteurs se sont notamment interrogés sur les risques de produire, dans un contexte de restrictions budgétaires, un système de prise en charge à deux vitesses, avec des structures financièrement plus précaires et de moindre qualité pour les personnes âgées des minorités ethniques (Patel, 1990; Nelissen, 1997).

15Un autre axe de recherche concerne les relations entre migrants âgés et familles, notamment la fonction de soutien que ces dernières seraient à même de remplir. Ainsi, diverses études mettent en évidence l’intensité des échanges et des formes concrètes de solidarité au sein des familles immigrées, en particulier chez celles originaires du Sud. Même lorsque les enfants déménagent, on observe le maintien d’échanges de services dans une sorte d’« intimité à distance » (Olbermann, Dietzel-Papakyriakou, 1995; Bolzman, Fibbi, Vial, 2001). Cependant, une fréquence élevée de contacts n’entraîne pas nécessairement des relations intergénérationnelles satisfaisantes (Blechner, 1998), notamment lorsque les attentes des parents concernant le rôle des enfants dans leur prise en charge ne sont pas satisfaites (Nelissen, 1997) ou lorsque les enfants souhaiteraient davantage de soutien de la part de leurs parents (Pourat et al., 2000). Dans les relations intergénérationnelles, les attentes réciproques entre les parents âgés et les enfants constituent un facteur clé (Brubaker, 1990). En outre, les auteurs s’accordent pour souligner le rôle central des filles ou belles-filles dans le soutien aux parents âgés (Bertens, van den Brink, 1994). Ainsi, et contrairement à l’idée largement répandue selon laquelle les familles immigrées « s’occupent des leurs » (Patel, 1990), déchargeant ainsi les institutions médico-sociales, il n’y a pas d’indication systématique permettant de conclure que les immigrés âgés nécessitant des soins sont mieux entourés que les personnes âgées autochtones. À ce titre, une étude comparative entre personnes âgées britanniques et migrants âgés d’origine afro-caribéenne atteints de démence sénile ne permet pas de conclure à des différences significatives au niveau de la prise en charge familiale (Patel et al., 1998). En Suisse aussi, dans un contexte où les actifs sont fortement sollicités par le monde professionnel, les enfants des personnes âgées immigrées comptent, en cas de besoin, sur l’aide des services médico-sociaux pour la prise en charge de leurs parents (Bolzman, Fibbi, Vial, 2003). D’autres études encore soulignent que le réseau communautaire de soutien informel n’est pas non plus nécessairement à même de répondre aux besoins de soutien des personnes âgées immigrées (Blechner, 1998).

16Les recherches concernant le passage d’une prise en charge familiale ou informelle de la personne âgée immigrée vers une prise en charge institutionnelle sont plutôt rares. Certains travaux mettent en évidence l’existence d’une certaine méfiance et de solides préjugés parmi les personnes âgées immigrées à l’égard des institutions telles que les établissements médico-sociaux (EMS) (Nelissen, 1997): elles craignent que leurs besoins religieux, linguistiques ou culturels ne soient pas pris en compte et que la place accordée à l’entourage familial soit insuffisante (Hielen, 1996). Ces indications amènent à envisager que, tout comme dans le cas des personnes âgées autochtones, le passage en institution est retardé autant que possible. Une étude menée dans le canton de Vaud par Santos Eggimann et al. (1998) montre que le maintien à domicile est possible, mais qu’il nécessite un fort investissement de l’entourage et une intervention institutionnelle d’une importance variable, selon que la personne habite seule ou non et selon la gravité de la dépendance. D’autres recherches montrent que le placement en institution se fait souvent dans l’urgence, sous la pression des événements, notamment d’une détérioration rapide de l’état de santé de la personne âgée et/ou d’une diminution importante de son autonomie (Anchisi, Luyet, 2004; Perrin et al., 2003). Toutefois, comme nous le verrons plus en détail par la suite, dans le cas d’une personne âgée étrangère, le problème financier s'ajoute au stress vécu par les familles, au manque de place dans les maisons de retraite ou aux difficultés à mettre en place un dispositif d’aide à domicile : c’est en effet aux familles d’assumer, en principe, le coût de la prise en charge.

17En synthèse, nous retiendrons de ce tour d’horizon de la littérature sur la relation entre âge et migration les points suivants :

  • le regroupement familial des ascendants est une question appelée à prendre de l’ampleur mais qui reste peu étudiée;
  • l’une des catégories les plus concernées par le regroupement familial des ascendants, à savoir les anciens travailleurs immigrés, est surreprésentée parmi les populations précaires, avec toutes les difficultés et les défis que cela implique s’agissant de la gestion de la situation d’un parent âgé;
  • l’accès aux droits citoyens joue un rôle fondamental dans la gestion du regroupement familial;
  • les personnes âgées immigrées sous-utilisent les services médico-sociaux, mais leurs familles sont loin de pouvoir garantir une prise en charge adéquate sans l’aide des professionnels;
  • il n’y a guère de recherches ayant analysé comment s’opère, pour les personnes âgées immigrées, le passage d’une prise en charge familiale à une prise en charge institutionnelle.

? Le cadre législatif helvétique limite le regroupement familial des ascendants

18De fait, le regroupement familial d’ascendants est exclu des motifs spécifiques d’immigration, dans tout un pan du cadre légal helvétique. Seule la réglementation issue de l’accord sur la libre circulation des personnes conclu par la Suisse avec l’Union européenne (ALCP, 2002) [2] le prévoit nommément, quoique diverses conditions restreignent son application.

19L'autorisation pour des personnes âgées de rejoindre leur famille en Suisse s'inscrit en effet, dès 2002 et jusqu'à aujourd'hui, dans trois types de cadres législatifs et réglementaires distincts. Ceux-ci définissent les conditions du regroupement et impliquent des instances décisionnelles distinctes. Le régime ordinaire en matière de droit des étrangers, qui a pour vocation d'être une loi générale (valant pour toute personne n'ayant pas la nationalité suisse), est la loi sur les étrangers (LEtr). À ce régime ordinaire s'ajoutent deux régimes spéciaux, celui des accords bilatéraux et celui du droit d'asile. Du point de vue de la catégorisation des étrangers qui leur sont soumis, ces régimes opèrent une première distinction fondamentale selon le critère de l'origine ou de la provenance nationale, entre les ressortissants des États membres de l'Union européenne (UE) et de l'Association européenne de libre échange (AELE) d'une part, et les ressortissants des États dits « tiers » d'autre part (soit tous les autres pays [3] ). Deuxièmement, une catégorie spécifique est créée pour les personnes entrées en Suisse au motif de l'asile. À l'heure actuelle, cette seconde ligne de partage différencie entre eux des ressortissants d'États tiers uniquement [4].

20Dans une première approche, il existe ainsi trois voies légales ouvertes à trois catégories d'étrangers :

  • le régime des accords bilatéraux pour les personnes ressortissantes ou admises dans l'UE/AELE;
  • le régime du droit général des étrangers (LEtr) pour les ressortissants des États tiers dans tous les cas ne relevant pas de l'asile;
  • le régime de l'asile pour les ressortissants d'États tiers susceptibles de s'en prévaloir.

21Les personnes ressortissantes d'États de l'UE et de l'AELE, ou admises dans un de ces États, sont soumises au régime spécial de l'accord sur la libre-circulation des personnes. Elles disposent d’un droit plus large au regroupement familial que les autres ressortissants étrangers, puisqu'il inclut nommément les ascendants (Article 3, annexe I de l’ALCP). Ce dispositif a pour objet l’encouragement à la mobilité intra-européenne; il contient ainsi des dispositions conçues comme favorables à ladite mobilité.

22Ce texte, ainsi qu’un article de la nouvelle loi sur les étrangers harmonisant la situation des ressortissants suisses ayant un parent étranger résidant dans l’UE ou l’AELE avec le dispositif ALCP, sont les seuls à considérer les ascendants comme « membres de la famille » et à introduire un principe d’autorisation au regroupement des parents avec leurs enfants adultes établis en Suisse. Toutefois, même dans ce cadre juridique spécifique, des conditions particulières restreignent l'entrée en Suisse des ascendants de ressortissants européens résidant en Suisse. Le dispositif de regroupement familial au bénéfice des ascendants est conditionnel : il prévoit que la personne désireuse de rejoindre sa famille en Suisse ne soit autorisée à le faire que si elle est effectivement aidée, dans la durée, par ses descendants et que cette aide puisse être considérée comme nécessaire à son entretien. L’article3 al. 2 let. b Ann.-I ALCP spécifie qu'ont le droit de s'installer auprès de leurs descendants établis en Suisse les ascendants d'un ressortissant européen ou de son conjoint qui sont à sa charge.

23Par ailleurs, les dispositions sur le regroupement familial de l'ALCP ne s’appliquent pas aux membres de la famille (conjoint, enfants ou ascendants) citoyens d'États tiers qui ne sont pas résidants d'un État membre de l'UE/AELE, ni même à ceux d'entre eux qui ne séjourneraient que transitoirement dans un État de l'UE/AELE. Cette disposition concerne la famille de très nombreux migrants originaires d'États tiers ayant obtenu la nationalité d'un État membre de l’UE/AELE et ayant émigré en Suisse par la suite. Cette précision, intervenue rapidement après l’entrée en vigueur de l’ALCP, prenait sans doute toute son importance compte tenu des strictes conditions d’admission en Suisse d’ascendants provenant d'États tiers; elle a fait l’objet de circulaires explicatives de l'Office fédéral des migrations [5].

24Les personnes qui ne sont ni suisses, ni ressortissantes d'un État membre de l'UE/AELE, ni résidantes permanentes de l'un desdits États, sont soumises au régime ordinaire de la législation suisse sur les étrangers, la loi fédérale sur les étrangers (LEtr). Pour cette catégorie d'étrangers, le regroupement familial des ascendants n’est simplement pas prévu en tant que tel. Ainsi, les personnes âgées ressortissantes de pays tiers souhaitant rejoindre leurs enfants adultes établis en Suisse doivent passer par d'autres voies juridiques, conçues pour d’autres types de situations d’immigration : il s’agit de l'admission à titre de rentier ou de celle pour motifs d'extrême gravité (voie « humanitaire »).

25Dans tous les cas de demande d'admission au titre de rentier, les ressources financières doivent pouvoir être considérées comme suffisantes par les autorités compétentes, cela selon des normes strictes. Le statut de rentier est par ailleurs réservé aux personnes âgées de plus de 55 ans et est assorti de l’interdiction d’exercer une activité lucrative en Suisse. Le fait d’avoir des liens personnels avec la Suisse est un élément mentionné par la loi mais ce n’est pas une condition suffisante pour être autorisé à y séjourner.

26Les rentiers extra-européens pouvant justifier d’un niveau de revenu suffisant et de liens privilégiés avec la Suisse, entrés dans le but précis de rejoindre leurs enfants, sont vraisemblablement très peu nombreux. La façon dont les statistiques sont établies ne nous permet pas de les distinguer des rentiers venus s'installer en Suisse pour diverses autres raisons, y compris pour bénéficier d’avantages fiscaux. De toute façon, le niveau des rentes étrangères des pays extra-européens, souvent fort bas, et l’évaluation restrictive par les autorités helvétiques du montant constituant des revenus suffisants pour assurer l'autonomie financière en Suisse pendant une période potentiellement longue, mettent cette option hors de portée de la grande majorité de retraités étrangers dont les enfants résident en Suisse.

27La LEtr prévoit, dans son article 30, qu'il est possible de déroger aux conditions d'admission d'étrangers fixées dans ses articles 18 à 29 en accordant des autorisations de séjour exceptionnelles. L'un des buts de ces dispositions, à savoir « tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs », peut être invoqué par des personnes âgées en situation difficile dans leur pays et dont un descendant est établi en Suisse. Pour être admise dans ce cadre législatif, la personne âgée dont les liens personnels avec la Suisse sont avérés doit démontrer que sa situation personnelle serait critique si son admission ne pouvait pas avoir lieu. Il s'agit de pouvoir attester que l'ascendant se trouve en situation de dépendance et qu'il ne peut continuer à vivre dans son pays de résidence actuel dans des conditions acceptables. Les autorités instruisent les dossiers de manière très parcimonieuse, demandant non seulement aux requérants de faire la preuve d’une situation d’isolement, de ressources financières réduites, voire de problèmes de santé, mais aussi de démontrer qu’il n’existe pas, dans le lieu où réside la personne en difficulté, d’autres personnes pouvant l'assister.

28Une analyse des décisions portant sur des recours tranchés par les autorités cantonales (tribunaux administratifs vaudois ou genevois) nous a permis de constater que l’interprétation de notions telles que la nécessité d’aide à la personne, l’intensité de l’aide fournie antérieurement, ou encore les conditions de vie des descendants en Suisse est très restrictive : sur 64 recours examinés entre 2000 et 2007, seuls sept ont reçu une réponse positive. Ainsi, en matière de recours, les deux cantons ne se différencient guère quant à leur interprétation restrictive de la législation.

29Cependant, une partie des familles interrogées dans notre étude ont effectivement bénéficié des dispositions « humanitaires » en première instance. Ce dispositif est explicitement prévu pour gérer des cas d'exception – la situation particulièrement grave – et ne se fonde pas sur un droit de base à la vie commune. Une formulation plus large permettant l’entrée de personnes retraitées en tenant compte d’éléments importants non prévus (comparable à celle de l'article 20 de l'OLCP : « lorsque des circonstances importantes l’exigent ») ne figure cependant plus dans aucun texte de loi relatif aux ressortissants extra-européens; l’évaluation de la situation personnelle d’extrême gravité est donc pour ces derniers la seule base d’argumentation.

30Un dernier cas de figure concerne les possibilités pour des personnes requérant l’asile, admises provisoirement ou réfugiées, de faire venir leurs ascendants. L'article 51 de la loi sur l’asile (LAsi) prévoit d'accorder l’asile aux familles. Cet article vise prioritairement les conjoints et les enfants mineurs (al.1). Cependant, l’article 51 al.2 mentionne la possibilité d’octroyer l’asile à d’autres « proches parents de réfugiés si des raisons particulières plaident en faveur du regroupement familial ».

31On peut donc considérer que le RFA est possible pour des personnes ayant obtenu en Suisse un statut de réfugié reconnu – voire un statut d’admis provisoire à long terme – et que cette possibilité est tout au moins prévue par la législation en vigueur. En ce sens, la situation de réfugiés statutaires apparaît un peu plus favorable que celle qui prévaut pour les ressortissants de pays hors UE/AELE établis en Suisse et cherchant à faire venir leurs parents. De plus, il est possible que la demande d'asile soit d'emblée déposée par la famille entière (incluant les ascendants), pour autant que ses membres aient pu échapper ensemble aux conditions de persécution à l'origine de leur exil.

32Quoi qu’il en soit, les caractéristiques de la procédure d’asile, la longueur des démarches et le faible taux de succès des procédures, ainsi que les conditions dramatiques qui prévalent en général dans les situations où l’asile ou l’admission provisoire sont effectivement accordés, ont pour conséquence que le RFA découlant de cette procédure est sans doute peu fréquent. Il faut pourtant noter que, dans les cas où la législation peut s’appliquer à des personnes nécessitant de l’aide car elles sont sans ressources et en mauvaise santé, il n'est pas exigé de preuves de soutien antérieur. De plus, dans ces situations de type « humanitaire », il semble que l’éventuel recours à l’aide sociale ne puisse pas être exclu. En effet, ce type de regroupement n’est pas assorti d’une obligation d’entretien formelle. On peut imaginer que ces dispositions un peu plus « généreuses » découlent du fait que les conditions à remplir pour qu’une procédure aboutisse sont en elles-mêmes fort restrictives et qu'elles s'appliquent à des familles dont la gravité de la situation est déjà largement avérée.

33Notons enfin que les descendants regroupants sont, dans tous les cas où leur appui financier est explicitement requis pour obtenir une autorisation pour leur parent, astreints à la signature d’une déclaration de garantie prévue pour éviter tout recours ultérieur aux prestations sociales non contributives. La nature et la valeur de ces engagements, dans un contexte de ressources souvent limitées et parfois affectées par des modifications du statut et du fonctionnement familial, sont au cœur de la problématique de l’accès aux prestations sociales des ascendants et font l’objet de décisions administratives ainsi que d’une jurisprudence récente. Il s’agit donc d’un domaine peu stabilisé, ce qui peut avoir comme conséquence de rendre peu lisibles les engagements des familles concernées par le regroupement. Ainsi, les familles se trouvent parfois dans l’incertitude pour ce qui est de la durée et de l’importance de leurs engagements financiers vis-à-vis de leurs parents âgés. Les professionnels intervenant dans ce domaine et qui pourraient les conseiller se trouvent également souvent dans l’impossibilité de leur fournir des informations claires. Ces incertitudes juridiques et administratives peuvent avoir pour effet de déstabiliser les familles et de perturber les relations intergénérationnelles, souvent complexes, du fait même des problématiques entourant le regroupement familial, comme nous le verrons plus loin dans cet article.

? Ampleur du regroupement familial des ascendants

34Dès lors que la possibilité d'obtenir une autorisation de séjour au titre du regroupement familial d'ascendants est ouverte, les étrangers concernés doivent pouvoir être pris en compte en tant que tels par la statistique nationale. En Suisse, les personnes étrangères admises à séjourner sont enregistrées dans le registre central des étrangers (RCE), créé en 1972 et tenu par l'Office fédéral des migrations (ODM). Le RCE indique les motifs d'immigration (emploi, formation, asile politique, traitement médical, fonctionnariat, préparation au mariage, prestation de service, etc.) découlant de l'ensemble des dispositions juridiques relatives au séjour des étrangers. Le motif « regroupement familial » connaît deux types de subdivisions : selon la nationalité des membres de la famille déjà installée (les « regroupants ») et selon le degré de parenté qui le lie à la personne nouvellement entrée. En termes de parenté, les ascendants ne sont pas désignés comme tels; ils entrent dans les catégories « autre parenté » et « cas de rigueur ». Jusqu'en 2004, le RCE ne distinguait que trois catégories de parenté (conjoints, enfants et « autre parenté »); puis la catégorie des « cas de rigueur » a été introduite en tant que quatrième subdivision du regroupement familial (il s'agit des membres de la famille se voyant octroyer un permis de séjour par la voie que nous avons appelée « humanitaire »). La deuxième grande division catégorielle de la statistique distingue entre le regroupement familial de Suisses ou de personnes étrangères dont le conjoint ou la conjointe est suisse et le regroupement familial d'étrangers. Chaque catégorie englobe bel et bien des personnes étrangères venues rejoindre un membre de leur famille en Suisse; dans le premier cas elles sont parentes de Suisses, par filiation directe ou par alliance (par exemple, une femme âgée brésilienne vient rejoindre son fils naturalisé suisse, ou un Italien rejoint son fils de nationalité italienne marié à une Suissesse), tandis que dans le second cas, elles sont parentes de personnes étrangères (non titulaires de la double nationalité et non mariées à des Suisses) résidant en Suisse.

35Si le regroupement familial constitue l'un des principaux motifs d'immigration en Suisse – en 2007, il constitue le deuxième motif d'entrée (32,3%) des quelque 140000 immigrés, après l'activité lucrative (48,4%), et avant la formation et le perfectionnement professionnel (10,5%) [6] –, les proportions respectives des diverses catégories de parenté sont bien sûr très inégales. Les ascendants – « autre parenté » et « cas de rigueur » – se rangent loin derrière les effectifs des « conjoints et partenaires enregistrés » et des « enfants ». Leurs effectifs ne s'élèvent même pas à 1% de l'ensemble de la parenté, en Suisse, et les proportions sont semblables pour les deux cantons étudiés.

36Concrètement, entre 2002 et 2007, un nombre très restreint de personnes sont entrées dans les cantons de Genève et de Vaud grâce à la législation sur le regroupement familial d'ascendants : 156 en tout. La moyenne annuelle s'élève à 8,5 permis octroyés dans le canton de Vaud et 17,5 dans le canton de Genève, soit un rapport de 1 à 2. Le canton de Genève apparaît ainsi comme un peu plus souple que le canton de Vaud dans l’octroi des autorisations de séjour aux ascendants. Dans une étude précédente, l’un des auteurs de cet article a constaté que ce dernier canton était également plus restrictif et formaliste dans l’application des critères sur le regroupement familial des enfants et des conjoints (Bolzman et al., 2002). Ce facteur pourrait également expliquer les différences observées entre les deux cantons en matière de regroupement familial des ascendants.

37Pour ce qui est des origines de ces personnes, 37 nationalités sont représentées, ce qui permet de constater d'une part la diversité de provenance des ascendants ayant rejoint leur famille, d'autre part la faiblesse des effectifs nationaux. Les Portugais, pourtant en tête du classement, ne sont que 28 à avoir obtenu une admission en six ans et pour les deux cantons.

38Ces effectifs globaux paraissent dérisoires, mais nous devons nous souvenir que les personnes âgées étrangères ayant rejoint leurs enfants dans les deux cantons sont plus nombreuses que celles ayant obtenu un permis de séjour au titre du regroupement familial. En effet, notre définition sociologique (personnes étrangères venues rejoindre un ou plusieurs enfants adultes installés en Suisse après l'âge de 50 ans) diffère de la définition juridique (ascendants autorisés à s'installer en Suisse en vertu de la législation sur le regroupement familial), cette dernière étant bien plus étroite. Notre intérêt ne se limite pas aux personnes entrant dans la catégorie juridique du regroupement familial d'ascendants, mais porte sur l'ensemble des ascendants arrivés tardivement. Comme nous l'avons vu, avant 2002 la législation helvétique ne prévoyait tout simplement pas de regroupement familial d'ascendants. Toutefois, des parents âgés étaient admis en Suisse, en tant que « rentiers », « cas de rigueur », voire « réfugiés reconnus ». Ces possibilités d'entrée ont bien sûr continué à exister pour les personnes âgées après l'entrée en vigueur des accords sur la libre-circulation des personnes entre la Suisse et les États de l'UE/AELE. Rappelons que ce sont du reste les seules voies possibles pour les personnes originaires d'États qualifiés de « tiers » (situés hors de l'espace communautaire européen). Certes, les statistiques du RCE énumèrent tous les motifs d'entrée en Suisse. Malheureusement, elles ne nous indiquent pas l'âge des personnes entrant sous chacun de ces motifs (« retour après une absence à l'étranger », « considération de politique générale », « autres motifs », etc.). Du reste, le préciseraient-elles que nous ne pourrions pour autant en déduire que toutes les personnes âgées comptabilisées sous ces rubriques sont venues rejoindre un de leurs enfants adultes établi en Suisse.

39Il nous est donc impossible de connaître le nombre précis de personnes concernées par le regroupement familial d'ascendants au sens où nous l'entendons. Étant donné les difficultés d'obtention d'une autorisation de séjour pour les personnes âgées, il ne nous paraît pas impossible que les ascendants séjournant sans autorisation de séjour en Suisse, pour des durées variables, soient au moins aussi nombreux que les ascendants en situation régulière.

? Les raisons du regroupement familial des ascendants

40Pourquoi, malgré toutes les difficultés que la législation impose à la venue des ascendants sur sol helvétique, des familles cherchent-elles tout de même à vivre avec leurs aînés ? Les analyses des entretiens auprès des familles confirment ce que montrent les approches transnationales (Vertovec, 1999; Vats Laaroussi et al., 2008), à savoir que la migration n’efface pas les liens entre les membres de la famille qui ont quitté le pays et ceux qui y sont restés. En réalité, malgré la distance et la durée de la séparation, diverses formes de relations se nouent entre les proches : visites réciproques, contacts à distance par des moyens variés (lettres, téléphone, internet, cassettes, etc.), circulation d’argent, de biens et de cadeaux, etc. Ainsi, malgré l’émigration d’une partie de la famille, une continuité de liens et d’échanges se poursuit entre ses membres. Des modalités d’« intimité à distance » (Coenen-Hutter et al., 1994) plus ou moins étroites et régulières subsistent entre les générations au-delà des frontières.

41Comme le signale la littérature (Lewis, 1990), les femmes, tant dans les générations aînées que dans les générations cadettes, jouent un rôle central dans l’entretien de ces relations. Il n’est donc pas surprenant que les filles soient les principales actrices du regroupement familial. D’une part parce que, comme le montrent d’autres études sur les relations intergénérationnelles dans les familles, ce sont elles qui assument principalement la tâche d’entretenir les relations avec d’autres membres de la parenté, d’autre part parce qu’elles se sentent davantage socialement investies du devoir filial de prise en charge de leurs parents âgés (Gagnon, Saillant, 2001; Dufey et al., 2003). Ainsi, ce sont les femmes qui vont prendre l’initiative de convaincre leur conjoint et/ou leurs frères et sœurs de la nécessité de la démarche et qui vont animer la mise en œuvre concrète du regroupement. Parfois les femmes de la famille vont s’entendre entre elles pour une prise en charge alternée, qui peut même être conduite de manière transnationale.

42En réalité, le regroupement familial des ascendants n’est généralement envisagé que suite à une perturbation qui altère l’équilibre instable construit par les familles par-delà les frontières des États. C’est souvent un événement qui déclenche le processus en modifiant de manière importante les ressources et l’identité socioculturelle de la personne âgée ou de ses enfants (Lalive d’Épinay et al., 1983), ou les relations construites entre eux. Nous entendons par ressources l’ensemble des moyens socioéconomiques, familiaux, relationnels et psychosomatiques qui définissent les situations ou états des diverses catégories des personnes sur les plans de leur position sociale et de leur état de santé à un moment donné de leur vie (Bolzman, 1996). Quant à l’identité socioculturelle, nous la définissons comme la partie de la culture qu’a intériorisée et construite un individu au cours des processus successifs de socialisation. Elle permet de donner sens au monde environnant et ainsi d’agir dans et sur ce monde. C’est elle qui fournit à la personne les moyens d’identifier l’événement, de lui assigner un sens et une valeur, et d’agir par rapport à lui (Lalive d’Épinay, 1991). Il s’agit donc d’un système stable d’orientation du comportement d’un être humain, du principe organisateur de sa vie quotidienne.

43Il arrive que des événements contextuels macrosociaux puissent affecter les modes de vie transnationaux établis par les familles ou qu’ils puissent ouvrir de nouvelles possibilités à des contacts intergénérationnels. L’introduction par la Confédération de visas pour un séjour touristique en Suisse, a, par exemple, contraint des familles à procéder à un regroupement familial en vue de simplifier le séjour temporaire des ascendants. Dans un cas, cette exigence nouvelle, cumulée à la difficulté de faire les démarches (éloignement entre le lieu de domicile et l’ambassade) a poussé une fille et son conjoint à demander un regroupement familial, alors que la situation d’alors (séjours temporaires de six mois en Suisse, vie au Maroc pendant trois-quatre mois et retour en Suisse) convenait à tous. Une autre Marocaine, aussi habituée à faire les allers-retours entre son pays d’origine et la Suisse, a finalement procédé à un RFA pour les mêmes raisons. Actuellement, sa situation n’a pas changé : elle continue de retourner fréquemment au Maroc, elle alterne ses séjours entre sa famille suisse et sa parenté marocaine, et elle n’a plus à se préoccuper des visas car elle bénéficie d’un titre de séjour en Suisse. Ces exemples nous montrent que les familles devaient envisager de nouvelles manières de poursuivre les contacts intergénérationnels, et le regroupement familial représentait l’une des rares alternatives viables. Dans d’autres cas, l’éclatement de conflits interethniques, de guerres civiles ou de situations de violence généralisée dans leur pays d’origine amènent les enfants à prendre la décision de faire venir dans l’urgence leurs parents âgés, comme ce fut le cas en ex-Yougoslavie. Dans d’autres cas, la chute du « rideau de fer » en Europe de l’Est a permis d’envisager de nouvelles possibilités de contacts directs, y compris le regroupement familial, entre les ascendants restés au pays, en Roumanie par exemple, et leurs enfants émigrés en Suisse. C’est le cas de cette femme arrivée en 1982 : « L’ouverture des frontières roumaines, c’était en décembre 1989. Mon père était déjà décédé avant et j’ai une sœur, partie en France en 1990. Donc la situation devenait très difficile pour ma mère restée seule avec une retraite très petite, c’est difficile la retraite là-bas, surtout sans famille. Ma sœur avait eu deux enfants, elle s’était remariée et elle avait ainsi quatre enfants à s’occuper, ce n’était pas possible pour elle. Là, j’ai commencé à me renseigner pour la faire venir ici ».

44Parmi les événements qui affectent la personne âgée, le plus souvent une femme du fait de sa plus longue espérance de vie, on peut mentionner un changement d’état civil et de la configuration familiale comme le veuvage ou, plus rarement, le divorce. Cette nouvelle situation peut avoir comme conséquence l’isolement de cette personne et sa fragilisation du point de vue social et économique. Les changements dans l’état de santé de la personne âgée liés à la maladie, l’accident ou le vieillissement peuvent affecter son autonomie, et l’absence de membres de sa parenté à proximité peut poser la question des instances et du lieu les plus adéquats pour sa prise en charge. La situation que nous relate ce fils portugais en atteste : « Au début, je me suis dit qu’il n’y avait qu’une solution, c’était de la mettre dans un lieu pour le troisième âge… d’ailleurs là-bas, ce sont des mouroirs… si vous avez de l’argent, que vous pouvez payer un joli truc à 1600 euros par mois, d’accord. Autrement, vous payez les moins chers 800-900 euros et ils sont traités un peu… il y a un taux de mortalité assez énorme et des abus énormes de la part de gens qui travaillent là, la plupart n’ont pas d’expérience professionnelle… les conditions d’hygiène, etc. Moi, à l’époque, j’ai dû prendre une décision, celle qu’elle nous rejoigne ici et qu’on s’en occupe avec mon frère… c’était la seule solution qu’on avait ».

45L’isolement peut également soulever le problème de la subsistance économique de la personne âgée dans un environnement peu protecteur. Nous avons rencontré une réfugiée vietnamienne, alors établie en Chine, qui, à chaque envoi d’argent par sa fille, se faisait spolier par les voisins de son village. De même, dans certains États d’Europe de l’Est, la chute du Mur a été suivie par une augmentation de la violence entre les personnes et de la criminalité. Une Bulgare relate à ce propos : « Et puis, après ce changement, il y a un anarchisme sauvage, la criminalité, la pauvreté, la misère, tout a déferlé. Avant, on vivait… donc, on n'était pas riches, mais on vivait dans une certaine sécurité, donc tout le monde avait du travail, il n'y avait pas de concurrence, donc il n'y avait pas cette tension que ça engendre ».

46Enfin, nous avons également trouvé des situations où des anciens travailleurs immigrés retournent dans leur pays d’origine suite à une longue période de chômage, à un départ en retraite (anticipée ou non), mais n’arrivent pas à s’habituer à ce cadre devenu en partie « étranger » et souhaitent revenir au pays de leur vie adulte où résident également leurs enfants et petits-enfants. C’est le cas de cette Italienne qui, après avoir travaillé 34 ans en Suisse, est retournée en Italie parce que sa retraite était insuffisante pour vivre convenablement en Suisse. Au début, elle faisait de nombreux allers-retours entre l’Italie et le domicile de sa fille. C’est toutefois suite à une dégradation de son état de santé et à l’impossibilité de faire le voyage seule en train qu’elle a décidé de retourner en Suisse pour y vivre sa retraite à proximité de sa fille et de ses petits-enfants. Il s’agissait aussi de retourner dans la ville où elle a vécu toute sa vie de travailleuse et tissé de nombreuses relations.

47Les enfants émigrés vivent également des événements qui modifient leur situation sociale, familiale ou économique. Il peut s’agir de changements d’état civil comme le divorce, la séparation ou, plus rarement, le veuvage. Des transformations de la situation de la famille, comme la naissance des enfants, peuvent affecter le fonctionnement du couple de descendants. La combinaison de facteurs familiaux et économiques tels que la nécessité pour les deux conjoints – ou pour des femmes élevant seules leurs enfants – de travailler à l’extérieur pour assurer un revenu convenable au ménage peut fragiliser l’organisation familiale. Dans ce contexte, il faut souligner qu’il est difficile en Suisse de trouver des structures appropriées à un prix abordable pour la garde des enfants. Enfin, dans certains cas, la situation économique précaire de l’ensemble de la famille nécessite l’apport d’un ou plusieurs revenus supplémentaires pour contribuer à une amélioration du niveau de vie du ménage. Dans ces diverses situations, on observe l’émergence de besoins de soutien sur le plan affectif et/ou matériel; des enfants adultes font alors appel à leurs parents âgés afin qu’ils leurs viennent en aide pour des périodes dont la durée peut être variable. Une personne rencontrée a ainsi bénéficié d’un visa touristique de longue durée pour être en mesure de soutenir sa fille qui venait d’accoucher.

48On le voit, le regroupement familial constitue une forme de régulation, c’est-à-dire une réponse élaborée par la famille pour éliminer, corriger, atténuer ou compenser les effets de perturbations vécues le plus souvent par l’ascendant, mais également par ses descendants. La régulation constitue également une forme d’adaptation à un contexte macrosocial mouvant. Deux dimensions, que l’on peut distinguer à des fins analytiques mais qui s’avèrent difficilement dissociables au niveau empirique, interviennent dans la régulation. La première est la nécessité de renforcer le soutien social ou matériel à un ou plusieurs membres de la famille en situation de vulnérabilité. La seconde est la volonté de rapprocher, du point de vue relationnel et affectif, les diverses générations.

49Pour ce qui est du soutien social ou matériel à la personne âgée, la décision de regroupement familial intervient souvent après d’autres tentatives. Lorsque c’est l’état de santé et la situation sociale de la personne âgée qui sont fragilisés, ses descendants cherchent d’abord fréquemment à trouver des modes de régulation sur place. L’un des auteurs de cet article a constaté, dans le cadre d’une recherche antérieure sur les Espagnols et Italiens proches de la retraite en Suisse, que certaines femmes immigrées interrompaient provisoirement leur séjour en Suisse pour s’occuper de leur mère ou de leur père malade au pays d’origine (Bolzman et al., 1997). Ce mode de prise en charge est cependant difficile à mettre en œuvre dans la durée, dans le contexte de maladies chroniques par exemple.

50Dans la plupart des pays d’origine, le réseau formel de prise en charge des personnes âgées est peu développé, insuffisamment fiable ou trop onéreux (c’est le cas du Portugal par exemple). Nombre de familles confient alors la prise en charge de la personne âgée à des membres de la parenté, à des connaissances ou à des voisins de celle-ci. Cette prise en charge donne souvent lieu à une compensation financière. Compte tenu de la difficulté pour les enfants de suivre la situation à distance, ils s’interrogent sur la qualité du suivi de la personne âgée et sur les risques de négligence ou de maltraitance. Plusieurs cas de détournement des ressources ont étés mentionnés dans les entretiens. À titre d’exemple, un fils portugais nous a raconté qu’avant de faire venir sa mère, il payait une aide à domicile privée pour veiller sur la santé de sa mère et s’en occuper : « J’envoyais 300 euros tous les mois, pour la personne qui l’accompagnait quand elle allait chez le médecin, pour les commissions, un peu pour le ménage. On a ensuite demandé à sa voisine qui s’occupait d’elle après son travail et elle nous a dit que l’argent envoyé ne servait à rien, parce que la personne ne s’en occupait pas ». C’est face à cette situation que le fils a décidé de la rapatrier auprès de lui. Certaines familles arrivent ainsi à la conclusion que la moins mauvaise solution est de faire venir la personne âgée auprès d’elles, dans le but de mieux la prendre en charge. Il s’agit également pour elles de pallier une défaillance du système social dans leur pays d’origine.

51Avant de prendre la décision, les enfants passent par plusieurs sentiments où se mélangent le devoir filial, le sens des responsabilités, la culpabilité et l’affection. Cette Roumaine a par exemple expliqué ainsi les raisons de la venue de sa mère : « C’est naturel parce que c’est ma maman, ce sont les sentiments. Et puis c’est un devoir, c’est comme le rapport parents-enfants, sauf que les parents sont indépendants. C’est aussi un devoir de conscience : quand j’étais enfant, elle a tout fait pour que je sois bien. Mais peut-être qu’il peut aussi y avoir une différence de culture. Mais parents-enfants, c’est une relation instinctive. Si elle était ici avec une retraite, je la laisserais plus se débrouiller et peut-être que c’est elle qui m’aiderait comme autrefois… mais là c’est une question d’humanité, c’est plus profond qu’une culture ».

52Le soutien des personnes âgées à leurs enfants émigrés est souvent requis dans un contexte de crise. Dans une des situations rencontrées, c’est suite à de graves troubles psychiques et à une vie conjugale tumultueuse et violente que le médecin de la descendante lui a conseillé le regroupement familial et fourni les attestations idoines – ordonnance médicale – pour convaincre les autorités de la laisser faire venir sa mère. Dans une autre, c’était une mère qui, après le décès de son mari, s’est installée en Suisse auprès de son fils souffrant de graves problèmes psychiques, afin de lui apporter le soutien nécessaire à son rétablissement. Elle a aussi obtenu un permis de séjour suite à une lettre du médecin de famille attestant le bien-fondé et la nécessité, pour le fils, de cette démarche. Dans un autre cas, la mère est venue s’installer auprès de sa fille qui, suite à une dépression, ne pouvait plus s’occuper de ses enfants. Dans cette situation, les autorités n’ont pas accordé de permis de séjour, mais un visa touristique valable six mois, et ce après deux ans d’attente.

53Certaines familles qui se trouvent en situation socioéconomique précaire font appel à leurs parents pour accroître les chances familiales d’accéder à l’emploi et de disposer d’un revenu mensuel. Ici, la solidarité intergénérationnelle constitue une forme de « sécurité sociale » dans un environnement très incertain. La famille élargie est perçue comme une ressource plutôt que comme une contrainte pour faire face à la précarité des conditions de vie. Ce sont des situations que nous avons observées en particulier chez des familles latino-américaines ne disposant pas d’un statut juridique reconnu en Suisse. Dans ces cas, il s’agit le plus souvent d’ascendantes encore relativement jeunes (entre 50 et 60 ans) qui viennent pour soutenir leur fille pour la garde des enfants ou la tenue du ménage. Cependant, cette configuration dans laquelle la première génération vient en aide à la seconde se retrouve aussi auprès de personnes légalement établies en Suisse. Pour celles-là, l’analyse des décisions de recours en matière d’octroi de permis de séjour montre que la garde des petits-enfants ne saurait être un motif direct d’obtention d’un permis de séjour. En effet, cette activité, quand bien même pratiquée gratuitement et à l’intérieur même du cercle familial, est considérée comme potentiellement lucrative et relève du droit à l’obtention d’un permis de séjour pour raisons de travail.

54Les facteurs relationnels évoqués par les répondants pour procéder au regroupement familial concernent notamment le renforcement de la cohésion familiale et la transmission de la culture d’origine. L’un des motifs invoqués est l’importance de la présence à proximité des grands-parents pour construire des points de repère nécessaires à la socialisation et à l’identité des petits-enfants, dans un contexte où la famille se trouve en dehors de son environnement habituel. Dans ces situations, le parent âgé permet de garder vivant le lien avec la culture d’origine, particulièrement à travers la transmission de la langue. Une Marocaine raconte : « Ma mère parle ma langue maternelle, donc on peut s’exprimer mieux, parce que moi je tiens toujours à ma culture. Pour les enfants aussi c’est important : dehors il y a une culture et à la maison, il y a une culture, parce qu’il y a ma mère… C’est comme si je suis chez moi, au Maroc, on partage plein de choses, on parle ma langue, ma langue maternelle. Quand je sors, je vois les gens, on parle de certaines choses, en français, quand je rentre, on parle du pays, de la famille, des vacances dans ma langue maternelle. Ça compte beaucoup. » Un autre motif important concerne la possibilité de pouvoir partager avec la personne âgée les dernières années de sa vie. Dans ce type de situation, ce sont surtout les enfants qui sont demandeurs, même si la personne âgée est d’accord avec l’ensemble de la démarche, comme en témoigne cette ressortissante équatorienne, sans statut légal : « notre principale motivation, c’était d’être ensemble, oui. Parce que je pense que là aussi, en Équateur, nous on était tous bien attachés. Et à cause de ça, je crois qu'ils nous manquaient beaucoup et puis on a décidé de les amener ici ». Tout en précisant que : « mes parents ne veulent pas rester en Suisse, parce que, bon, vous savez, maintenant la situation est difficile, mais je pense que si après c'est mieux, je pense qu'ils vont partir de toute façon. Parce qu'ici, ils ne peuvent pas vivre. Pour nous aussi, c'est difficile, mais je pense pour les parents, c'est plus difficile, hein ! Puis, pour nous, c'est compliqué, mais je pense que pour les parents, c'est plus compliqué ».

55Comme nous l’avons vu dans les sections précédentes de cet article, quelle que soit la situation familiale, faire venir légalement un ascendant en Suisse nécessite d’accomplir des démarches administratives longues et complexes. Le parcours est particulièrement difficile pour les ressortissants des États n’appartenant pas à l’UE ou à l’AELE. Ainsi par exemple, une femme de nationalité suisse et d’origine péruvienne a voulu faire venir sa mère, devenue veuve et qui se retrouva seule au Pérou. Les autorités lui ont refusé un regroupement permanent au motif qu’elle avait une autre fille au Pérou, même si sa fille habitait à 300 km d’elle. Finalement, la fille résidant en Suisse a pu obtenir un regroupement pour une période d’un an. Outre les démarches en Suisse, y compris la garantie financière, elle a dû se rendre au Pérou pour accomplir d’autres démarches administratives sur place, y compris l’obtention d’un visa suisse pour sa mère. Toutes ces procédures ont été fort coûteuses en temps et en argent. Parfois, même des ressortissants européens renoncent à faire usage des possibilités légales de faire venir un ascendant, craignant la lourdeur des démarches administratives et des engagements financiers qu’ils ne seront pas en mesure d’assumer. Certaines familles portugaises ont ainsi utilisé la voie informelle pour faire venir un parent âgé. En ce qui concerne cette problématique des démarches, nous n’avons pas observé de différences systématiques entre les administrations genevoise et vaudoise.

56Dans tous les cas de figure, le regroupement familial des ascendants constitue à la fois une forme de régulation et une nouvelle perturbation, au sens où il modifie les modes de fonctionnement habituels de la personne âgée d’une part et de la famille qui l’accueille d’autre part. En effet, la réunification s’effectue le plus souvent après plusieurs années de vie dans des ménages séparés et elle implique d’apprendre à vivre ensemble, dans un contexte socioculturel nouveau pour la personne âgée; cette dernière dispose en général de peu de liens sociaux en dehors de sa famille, et ne maîtrise souvent pas la langue du pays d’accueil. Si, par ailleurs, la personne âgée se trouve en situation de dépendance, comprise comme l’incapacité physique à effectuer les actes de la vie quotidienne (Du Pasquier et al., 1995), ou de perte de l’autonomie, à savoir la perte de l’aptitude au discernement (jugement), et à la prise de décision (volonté) (Lalive d’Épinay et al., 2000), la famille regroupante peut se retrouver confrontée à d’importantes difficultés pour assumer seule le soutien à la personne âgée. Ajoutons que la cohabitation de plusieurs générations d’adultes sous le même toit n’est plus la norme en Europe occidentale. Les familles regroupantes se trouvent donc dans des situations difficiles à gérer et vécues comme inhabituelles par les instances suisses, qui peuvent être appelées à intervenir en appui. Les modalités de régulation qui résultent du regroupement familial sont donc complexes et peuvent être la source d’obstacles divers pour les acteurs concernés. Elles dépendent des facteurs qui ont suscité le regroupement, ainsi que des conditions, y compris juridiques, dans lesquelles celui-ci a lieu (Barudy, 1989; Bolzman, 1996).

? Conclusion

57Le regroupement familial des ascendants constitue une réalité difficile à cerner du point de vue statistique, tant cette catégorie, du moins dans le cas helvétique, fait partie des impensés des classifications établies par les autorités pour définir les motifs d’immigration. Il existe ainsi un décalage entre le phénomène sociologique de la mobilité des personnes âgées rejoignant leurs familles et sa définition juridique.

58Cette relégation du phénomène à la marge des classements est révélatrice de la manière dont les autorités des États de destination construisent la notion de famille. De fait, le regroupement familial est généralement compris comme la possibilité pour un adulte d’être rejoint par son conjoint ou, pour un parent ou un couple de parents, celle d'être rejoint(s) par les enfants mineurs. Cette possibilité, qui fait appel au droit d’une famille de vivre ensemble inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme, est donc conçue de manière restrictive. Du point de vue législatif et conventionnel, le regroupement familial de ce type de parents fait systématiquement l’objet de dispositions spécifiques, même s’il est réglementé et limité. De plus, la conception de la protection de la famille ancrée dans les conventions internationales englobe dans tous les cas la cellule familiale comprenant conjoints et enfants.

59La législation et la réglementation concernant un type d’immigration destiné à permettre la vie commune sont donc clairement liées à une vision dominante de la structure familiale : celle de la famille bi-générationnelle organisée autour d'un ou de deux adulte(s) pourvoyeur(s). Les membres de la famille bénéficient d’un droit au séjour dérivé du statut d’époux ou d’épouse, ou découlant du rapport de filiation d’enfants mineurs pour lesquels les parents ont un devoir direct de soutien et d’éducation. Les dispositions relatives au regroupement familial permettent la concrétisation de ce modèle familial pour les personnes dont l’installation en Suisse, pour des raisons diverses, n’a pas été simultanée.

60Ainsi, la définition de la famille et la désignation des membres de la famille « dignes » de rejoindre leurs proches dans le cadre d'une procédure de regroupement familial correspondent aux modèles culturels de la société d'accueil. Cette vision de l'unité de vie commune présuppose que, pour ce petit groupe de personnes, la cohabitation soit la norme. Le devoir d’appui, d’aide mutuelle et de collaboration à l’éducation des enfants est traité dans les textes législatifs comme un fait ancré dans les mœurs de la société d’accueil. À l’inverse, la cohabitation de familles ainsi définies avec leurs ascendants âgés, devenue inhabituelle pour les autochtones dans la société suisse du XXIe siècle, est considérée comme facultative.

61Par ailleurs, plus l’étranger est considéré comme géographiquement et culturellement proche (tels les ressortissants de l’UE), plus s’accroît la marge de manœuvre que lui laisse la loi pour définir des modalités de soutien intergénérationnel. En effet, la législation suisse ne reconnaît explicitement la figure de la personne âgée comme faisant partie potentiellement de la famille des migrants établis que dans le contexte européen.

62La politique d’immigration veille tout particulièrement à ce que la venue d’un ascendant étranger ne soit pas source de coûts pour la collectivité; le dispositif doit garantir que les éventuels frais de prise en charge qui en résultent soient assumés entièrement par les familles migrantes. La situation des réfugiés statutaires constitue une exception partielle à cette règle.

63Enfin, les actions de soutien aux familles regroupantes confrontées à diverses difficultés découlant de l’avancée en âge des ascendants, de problèmes de santé ou de difficultés économiques pouvant affecter le groupe familial s’inscrivent dans un contexte mal connu et mouvant. Le dispositif législatif est récent et peu stabilisé. Les professionnels peinent à informer les usagers de leurs droits, et hésitent à conseiller des stratégies d’accès aux prestations dans un contexte de précarité du statut. Les problèmes de communication avec les ascendants concernés sont fréquents. L’obtention de prestations appropriées est rendue malaisée par ces divers obstacles et par la complexité même de situations caractérisées par leur faible visibilité, par la méconnaissance fréquente des services disponibles et par la réticence, voire la méfiance, qui peut prévaloir dans les rapports entre familles regroupantes et services officiels.

Notes

  • [1]
    Projet de recherche 13DTD3-122658 du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
  • [2]
    L’accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre-circulation des personnes, conclu le 21 juin 1999, est entré en vigueur le 1er juin 2002.
  • [3]
    Cette séparation entre ressortissants de l’UE/AELE et les ressortissants d’États tiers est assouplie dans certains cas, étant donné que l’origine et la provenance des personnes âgées peuvent différer. Par exemple, une personne de nationalité marocaine (pays d’origine : Maroc) peut avoir résidé légalement pendant de nombreuses années sur le territoire français (pays de provenance : France) avant de vouloir rejoindre ses enfants établis en Suisse. Si ses enfants sont européens ou suisses, son cas sera examiné dans le cadre de la législation découlant de l’ALCP, cas de figure le plus favorable au regroupement familial des ascendants.
  • [4]
    Le cadre législatif helvétique sur les étrangers est en plein aménagement suite à l’approbation de l’extension des accords bilatéraux aux nouveaux membres de l’Union européenne, ainsi qu’à l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, de la LEtr (nouvelle loi suisse sur les étrangers). La dernière révision de la loi sur l’asile (LAsi) est également entrée en vigueur le 1er janvier 2008.
  • [5]
    Office fédéral de l’immigration, de l’intégration et de l’émigration, IMES (IMmigration Intégration Émigration Suisse) – désormais Office fédéral des migrations (ODM) –, circulaire sur la « Mise en œuvre de l’accord sur la libre circulation des personnes en matière de regroupement familial », Berne-Wabern, 16 janvier 2004, n°173-001.
  • [6]
    Office fédéral des migrations, Registre central des étrangers, service de la statistique.
Français

Cet article porte sur la problématique du regroupement familial des ascendants, à savoir une situation dans laquelle des adultes résidant dans un État font venir pour vivre près d’eux un ou deux parents âgés de plus de 50 ans, de nationalité étrangère et résidant à l’étranger. Il est basé sur une recherche menée en Suisse pendant deux ans, entre 2006 et 2008. Tout d’abord est mis en évidence le fait que cette problématique est rarement abordée dans le cadre de la littérature scientifique, puis la méthode de recherche adoptée est expliquée. Ensuite sont analysés les trois points suivants: le cadre juridique du regroupement familial des ascendants en Suisse, l’ampleur du phénomène, les raisons qui conduisent les familles à y recourir. La conclusion aborde la question de la signification de ces résultats par rapport à la manière dont les politiques migratoires construisent la notion de famille. Est en particulier évoqué le décalage entre les questions de solidarité intergénérationnelle transnationale qui se posent aux familles migrantes et le traitement national de ces questions par les États.

? Bibliographie

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Claudio Bolzman
HES-SO, Genève et Lausanne
Élisabeth Hirsch Durret
HES-SO, Genève et Lausanne
Simon Anderfuhren
HES-SO, Genève et Lausanne
Marilène Vuille
HES-SO, Genève et Lausanne
Monique JAGGI
Pro Senectute, Genève
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Mis en ligne sur Cairn.info le 10/11/2008
https://doi.org/10.3917/rs.055.0039
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