CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Le baby-boom (1946-1965) et le baby-gap (1974-1994) ont changé la démographie de la France et ont influencé la pyramide des âges des organisations. Certains secteurs connaissent déjà une pénurie de main-d’œuvre et essayent de réintégrer les âges extrêmes (juniors et seniors) en leur sein, après les avoir exclus pendant plus de trente ans. Or, ces deux générations ont des attentes et des valeurs fort différentes. Comment mettre en place des politiques des ressources humaines qui prennent en compte la spécificité de ces classes d’âges tout en préservant l’équité collective ? Face aux évolutions démographiques, les entreprises savent qu’elles doivent modifier leurs règles du jeu et porter une attention particulière aux juniors et aux seniors si elles désirent conserver des employés mobilisés. Leur préoccupation principale est d’attirer et de fidéliser les juniors et de conserver des seniors à un haut niveau de performance en prévenant l’obsolescence de leurs compétences, sans défavoriser une quelconque classe d’âges. Parallèlement, les lois contre la discrimination (de 2001,2002 et 2004) affirment la nécessité de ne pas traiter différemment des personnes placées dans des situations comparables en se fondant sur le critère de l’âge. Sous la pression du choc démographique et de la législation, les entreprises doivent mettre en place des pratiques de gestion des ressources humaines (GRH) non seulement non discriminatoires dans le but de respecter le droit des salariés, mais également équitables pour mobiliser les différentes classes d’âges.

2Pour qu’aucune génération ne se sente discriminée, encore faut-il que les DRH sachent comment chacune de ces catégories d’âges définit l’équité et quelles sont les pratiques des ressources humaines qu’elles considèrent comme inéquitables.

3Cet article a pour objet de comprendre comment les seniors et les juniors peuvent se sentir discriminés par des politiques RH d’une organisation dans le secteur de la grande distribution. À cette fin, dans une première partie, la notion de discrimination sera évoquée et son lien avec la théorie de l’équité sera présenté. Dans une deuxième partie, la méthode de la recherche sera expliquée. Dans une troisième partie, la perception d’une discrimination à l’égard de l’âge sera analysée, à partir d‘une étude du discours des seniors et des juniors sur les politiques des ressources humaines d’une enseigne de la grande distribution. Enfin, dans une quatrième partie, des hypothèses seront émises sur les déterminants de la perception de l’équité générationnelle.

? De la discrimination à l’équité

4La loi relative à la lutte contre les discriminations du 16 novembre 2001, la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale et la loi du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) traduisent la volonté de l’État français de créer et de mener un combat efficace contre les discriminations et pour l’égalité de tous, notamment dans l’entreprise.

5Cette mission de respect de la loi est souvent confiée dans les grandes entreprises à la DRH. D’un point de vue juridique, l’objectif d’une DRH est avant tout de faire respecter la législation et donc, en particulier, de ne pas faire de discrimination directe ou indirecte. Parallèlement, d’un point de vue de gestion, la finalité d’une DRH est « de disposer à temps et en effectifs suffisants, et en permanence, de personnes compétentes et motivées » (Meignant, 2001).

6Or, une DRH peut mettre en place des pratiques de ressources humaines considérées comme non discriminatoires, mais sans que celles-ci agissent directement sur la motivation des salariés. Les DRH ne peuvent donc simplement se satisfaire de remplir les obligations légales de non-discrimination. Au-delà du droit du travail, en gestion, la condition de non-discrimination est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante pour mobiliser les personnes.

7Dans le contexte de l’évolution démographique française, la diversité croissante des générations qui travaillent pour l’entreprise se répercute pour la DRH et les managers sur la diversité des attentes à prendre en compte. Créer un sentiment d’équité générationnelle dans l’entreprise suppose l’existence de processus perçus et vécus comme équitables pour l’ensemble des salariés. Or, la perception de ce qui est juste n’est pas universelle et dépend de plusieurs facteurs dont, entre autres, la génération d’appartenance : « Pour créer l’équité générationnelle, l’entreprise doit éviter toute discrimination liée à l’âge. Pour y parvenir, l’entreprise détermine des indicateurs d’équité générationnelle permettant de vérifier que les règles sont les mêmes pour tous : taux d’accès à la formation, taux de promotion, taux de mobilité interne, taux d’augmentation individuelle, par exemple. » (Peretti, 2004). Ainsi, à travers l’analyse d’un bilan social, la non-discrimination entre les générations correspondrait à l’égalité ou à la parité des ressources entre les tranches d’âges. Ce critère présente l’intérêt d’être simple d’application, puisqu’il évite les comparaisons à travers le temps. Mais il ne prend pas en compte les perceptions et le vécu des individus.

8C’est pourquoi un détour par la théorie de l’équité paraît nécessaire, si l’on veut non seulement comprendre les attentes de chaque génération, leur perception de ce qui leur paraît juste, et notamment en fonction de leur âge, mais également identifier leurs sources de motivation et de démotivation. En effet, selon Peretti (2004), « la sous-équité crée un inconfort psychologique et réduit l’effort fourni dans son travail. La sous-équité entraîne la démobilisation ». Une personne mobilisée se définit comme « une personne qui déploie volontairement des efforts au-dessus de la normale pour améliorer continuellement son travail, pour l’aligner stratégiquement sur des priorités organisationnelles et pour le coordonner au sein de son équipe de travail en coopérant ». (Wils, Labelle, 2002).

9Le sentiment de sous-équité est un risque pour l’organisation car il engendre un manque d’initiative, de l’absentéisme, une diminution de la coopération, une moindre attention dans la qualité du travail effectué, etc., autant de comportements qui relèvent de la démotivation. L’entreprise aura alors des salariés « présents-absents » et probablement contre-productifs (Thévenet, 1992). Ce manque de motivation peut être coûteux pour l’organisation.

10Les travaux de Homans (1974) et Adams (1963) sont à l’origine de la théorie de l’équité. Ces auteurs ont montré que la motivation des salariés au travail provenait de la tendance des individus à comparer leur situation à celles d’autres personnes.

11Ainsi, en ce qui concerne l’équité générationnelle, tout salarié évalue l’ensemble des rétributions qu’il reçoit de son entreprise : sa rémunération dans ses multiples composantes, sa formation, ses conditions de travail, ses possibilités de progression et d’accroissement de ses compétences, les signes de reconnaissance qu’il reçoit, son statut social, etc. Il jauge également ses contributions à l’entreprise : expériences, formations et compétences, mobilité, temps de présence, comportement, efforts, ancienneté, résultats, etc. Ces évaluations sont subjectives. Chaque salarié privilégie tel ou tel aspect de sa contribution et de sa rétribution.

12Le salarié rapproche ces deux évaluations et détermine un rapport entre elles. Le ratio correspondant – rétribution/contribution – est mémorisé. Il est appelé ratio d’équité (Rs/Cs).

13Le salarié procède ensuite à l’évaluation des rétributions et contributions des personnes choisies comme repères qui deviennent ses référentiels. Il dispose ainsi d’autres ratios d’équité (Rr/Cr). Il compare ensuite son ratio d’équité avec celui ou ceux qu’il a retenus comme référentiels et ressent un sentiment d’équité ou de non-équité. Il faut souligner que ce jeu de comparaison s’appuie sur des ratios reposant sur des perceptions.

14Il y a trois situations possibles à l’issue de la comparaison faite par le salarié avec le référentiel qu’il a retenu :

  • sentiment d’équité, lorsque Rs/Cs = Rr/Cr. Cette situation est source de mobilisation pour le salarié;
  • sentiment de sous-équité, lorsque Rs/Cs < Rr/Cr. Cette situation provoque un sentiment de non-équité créant un état de tension, voire de détresse, qui incite à adopter des comportements contre-productifs;
  • sentiment de suréquité, lorsque Rs/Cs > Rr/Cr. Cette situation peut provoquer un comportement très productif.

15Par exemple, si un salarié estime être en sous-équité, sa motivation en sera nettement modifiée, voire diminuée. Dans ce cas, le salarié mettra en œuvre des « actions correctives » lui permettant de rééquilibrer le ratio :

  • soit il diminuera sa contribution (par exemple, il effectuera moins d’heures de travail);
  • soit il augmentera la rétribution de l’entreprise (par exemple, il s’octroiera de petits avantages comme téléphoner à l’étranger pendant ses heures de travail).

16Le processus qui vient d’être décrit concerne l’équité individuelle. Le même processus est en œuvre dans l’équité collective, et donc générationnelle. Ainsi, des groupes d’individus, dont les âges sont proches par exemple, se comparent à un autre groupe d’âges. Des jeunes cadres peuvent évaluer, par exemple, les rétributions dont ils bénéficient par rapport à ceux qui ont dix ans de plus qu’eux et qui font le même métier.

17L’équité intergénérationnelle est en jeu si un groupe de salariés d’un certain âge choisit comme référent de leur comparaison un groupe de salariés ayant un âge différent. Face aux enjeux démographiques actuels (baby-boom et baby-gap), l’équité intergénérationnelle devient donc une préoccupation forte des organisations.

18Dans cette étude, nous avons cherché à comprendre les représentations des politiques de ressources humaines qu’avaient des vendeurs juniors et seniors dans une enseigne de la grande distribution afin d’analyser dans quelle mesure elles pouvaient être considérées par l’un ou l’autre de ces groupes d’âges comme discriminatoires et donc mettre en jeu l’équité intergénérationnelle.

? La méthode d’analyse des perceptions de l’équité des politiques RH dans une enseigne de la grande distribution

19La recherche, effectuée dans une enseigne de la grande distribution, a comporté trois grandes phases : échantillonnage, entretien et enfin analyse des entretiens.

? L’échantillonnage

20L’objectif de cette recherche étant de comprendre les perceptions des politiques des ressources humaines des vendeurs juniors et seniors dans cette enseigne, il fut décidé de considérer, parmi les vingt-huit personnes interrogées, les moins de 30 ans comme juniors et les plus de 45 ans comme seniors (Marbot, 2005). Les quatorze vendeurs juniors sont âgés de 21 à 30 ans. La moitié travaille à Paris, l’autre moitié en province. 50% sont des femmes. Ils ont tous entre un et dix ans d’ancienneté. Les quatorze vendeurs seniors ont entre 45 et 63 ans. La répartition en fonction du sexe et du lieu de travail est la même que pour les juniors. Leur ancienneté varie entre un et quarante ans.

? Le déroulement des entretiens

21La méthode utilisée est celle de l’entretien semi-directif centré (Romelaer, 1999). Elle présente l’avantage de laisser aux personnes interrogées la liberté de langage et d’ordre du discours : seule la question d’entame « Vous souvenez-vous de vos débuts dans cette société ?» est directive. Les entretiens d’une heure trente à deux heures ont tous été enregistrés et retranscrits de façon anonyme.

? L’analyse de contenu

22L’analyse de contenu des discours eut pour objectif de savoir si les processus mis en œuvre en matière de ressources humaines sont perçus et vécus comme équitables en termes de gestion des âges par les vendeurs juniors et seniors de cette enseigne de la grande distribution.

23L’équité, contrairement à la non-discrimination, repose sur la perception des personnes. Cette recherche s’est intéressée à la perception des individus car nous nous situons dans une perspective constructiviste : nous supposons qu’il n’existe pas de réalité ontologique. Les réalités naissent d’une perception. Elles n’existent pas en elles-mêmes. L’équité fait référence à la perception individuelle. Face à un même évènement, les individus l’interprètent différemment selon leur personnalité, leur génération, leur stade de vie, etc. L’analyse du bilan social montre que l’entreprise étudiée ne fait pas de différences entre les vendeurs jeunes et âgés. Explicitement, les dirigeants de cette entreprise prônent une égalité de traitement des vendeurs et le DRH fait la chasse aux distinctions arbitraires prohibées, particulièrement en matière d’âge. Étudions maintenant la perception des vendeurs face à ces politiques des ressources humaines.

? La perception des politiques des ressources humaines

24Dans cet article, trois instruments des politiques des ressources humaines seront analysés : l’entretien annuel d’évaluation, la formation et la politique de gestion des carrières.

? L’entretien annuel d’évaluation

25Lorsque l’entretien annuel est évoqué, une distinction très nette de perception sur l’utilité (« à quoi il sert ») et les effets de l’outil apparaît entre juniors et seniors. En effet, du point de vue des juniors, l’outil est positivement perçu pour trois raisons. Il permet non seulement d’avoir un dialogue en profondeur avec son supérieur hiérarchique, mais également de fixer des objectifs. Enfin selon les juniors, l’entretien annuel est utile car c’est par son intermédiaire qu’ils peuvent obtenir des formations. Citons quelques juniors [1] :

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«– Si vous voulez... je vois ma manager, mais on ne peut pas non plus, des fois, discuter de soi-même par rapport à notre façon de travailler.
Là, les choses sont claires. Il y a un échange, il y a un dialogue, quoi...
Plus approfondi et ça me fait du bien.
– Moi, je trouve que c’est important, déjà. C’est bien, déjà, au moins qu’on se voie en face à face, qu’on ne soit pas dérangés quand on a besoin de demander quelque chose ou de dire nos problèmes.
D’expliquer, déjà, qu’est-ce qui s’est passé au cours de l’année, le ressenti. Moi, je pense que c’est bien d’avoir instauré ce face-à-face.
– C’est important de faire un bilan et de savoir un petit peu, sur l’année, ce qui s’est passé, ce que l’on a fait, si on a progressé, qu’est-ce que l’on a envie, parce qu’on nous demande aussi, si on a envie de formation. J’ai fait une formation sur l’inventaire, je ne savais pas qu’on pouvait en faire donc, il y a des choses qui se mettent en place, pour qu’on puisse s’améliorer dans notre aspect technique grâce à l’entretien.
– La première année qu’on le fait, ils nous donnent des objectifs. Et l’année d’après, ils voient s’ils ont été atteints. Donc moi, mes objectifs, je les ai et j’essaye de les atteindre. Et puis elle nous prévoit des formations, aussi. Elle nous dit : “Est-ce qu’il y a des choses que vous aimeriez bien savoir ? Vous n’avez pas eu de formation”. Donc, elle nous inscrit : formation... je ne sais pas... Banque de France, inventaire à la douchette, des choses comme ça. »

27En revanche, pour les seniors, l’entretien annuel est inutile pour deux raisons. D’abord, il est considéré comme trop scolaire, c’est-à-dire sans lien avec leur activité réelle et visant faussement à compenser le manque de compétence managériale de leur supérieur hiérarchique. Ensuite, il est jugé sans conséquence sur leur demande d’augmentation, de mobilité et de formation.

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«– La chef de rayon sert à nous évaluer, entre guillemets. Mais bon, comme je lui dis : “C’est un peu comme être à l’école”. Je n’aime pas ce système parce que tout est stéréotypé. Acquis, pas acquis, maîtrisé, pas maîtrisé. Vous avez déjà eu une évaluation ? C’est nul. Vous les avez vues au fait les évaluations ? Non, bah, c’est nul, c’est comme les notes à l’école, comment peut-il nous juger, nous, alors qu’ils sont jamais avec nous.
– Moi, je vais dire, je connais mon boulot, mais ma chef, peut-être qu’elle va me dire : “Non, tu ne le connais pas”. Comment elle peut le savoir ? Faudrait déjà qu’elle sache ce qu’on fait tous les jours. Je ne sais pas si ça apporte vraiment quelque chose, en fait. Il se passe bien, en général ça se passe bien. C’est comme si on se voyait une fois par an pour la forme ! Franchement je préférerais qu’elle soit disponible quand on a un problème client.
– On me dit : “Vous êtes formidable, vous êtes sensationnelle.” Vous trouvez que c’est suffisant ? Moi, je dis que non. Non, non. Vous savez, quand vous gagnez 900 € et que vous avez vingt-cinq ans d’ancienneté et qu’on vous répète tous les ans que vous êtes sensationnel, c’est quand même un peu juste !
– Mais je ne sais pas si ça apporte quelque chose vraiment. Je ne sais pas, honnêtement, je ne sais pas. Si, si, quand on me dit qu’on est content de moi, tout ça, ça me fait plaisir… Alors, pourquoi ça n’apporte pas quelque chose, comme une prime ou une formation en plus s’il est content de moi ? Alors à la fin, vous vous dites que pour les vieux comme moi, c’est du vent. »

29Sur la différence de perception des conséquences de l’entretien annuel d’évaluation entre les juniors et les seniors, il apparaît que ces deux classes d’âges n’ont pas les mêmes attentes. Comme les seniors ont, dans le passé, bénéficié d’augmentations, de formations ou de mobilités grâce à l’entretien annuel, ils pensent que la règle est toujours la même. Or, si les formations et la mobilité peuvent être obtenues grâce à l’entretien annuel, les augmentations individuelles ne dépendent plus de l’entretien et sont discrétionnaires. Les seniors considèrent que ce manque de rétribution est une marque de non-reconnaissance de leur ancienneté et de leur travail. Ils lient directement ce manque de reconnaissance à l’âge. En effet, les seniors constatent que lorsqu’ils étaient plus jeunes, l’entretien avait un effet. Aujourd’hui, selon eux, ces rétributions n’existent plus du fait de leur âge. Ainsi, dix seniors sur quatorze [2] évoquent une discrimination liée à l’âge lors de leur entretien annuel. Rapportons quelques propos :

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«– J’ai l’impression que, avant, on me portait un jugement beaucoup plus élevé qu’on ne me porte maintenant. Et ça, je le ressens profondément. Et ça, depuis… ça s’installe au fur et à mesure, enfin je ne sais pas si c’est général, c’est sûrement pas dans tous les postes parce que bon, j’ai travaillé ailleurs, pendant des années où j’ai toujours été gratifié et tout allait bien et puis, vous progressiez, quoi.
Alors qu’ici, je n’ai jamais progressé, je n’ai jamais… On ne me propose rien, c’est peut-être parce que je suis arrivé à plus de 45 ans.
– On considère qu’on fait notre boulot, mais on est trop vieux pour apprendre du nouveau, alors il ne nous envoie plus en formation.
– La relation diffère vis-à-vis des gens, elle n’est plus la même, avant on portait davantage d’attention dans l’entretien. Et plus le temps passe et plus, on ne vous repousse pas, mais vous sentez que la distance s’installe, comme si ce qu’on attendait de vous n’était plus très important.
– Quand votre manager vous dit : “T’es trop vieille pour changer !”, sur le coup on se tait. Puis, on se laisse aller après ! Ça fait mal et après on lève le pied. Maintenant quand on me demande quelque chose, je réponds que je suis trop vieille.
– Déjà quand on m’a dit : “Maintenant, tu as 52 ans donc le temps que tu apprennes le travail, tu iras à la retraite.” Là, j’ai pris une baffe quand même sérieuse. »

31Quant aux juniors, qui ont entre un an et dix ans d’ancienneté, ils n’attendent certainement pas de l’entretien annuel plus que ce qu’ils ont toujours obtenu : des formations [3]. En effet, étant donné leur faible ancienneté, peu ont déjà obtenu des mobilités et ils savent que les augmentations individuelles sont rares, discrétionnaires et non liées à l’entretien.

32Enfin, si tous, juniors et seniors, reconnaissent, après que la question leur a été posée, que l’entretien permet de s’améliorer grâce à la fixation d’objectifs, il existe une forte différence de perception sur l’utilité de l’entretien annuel entre les deux générations. Elle peut s’expliquer par la différence de sens donné au métier de vendeur.

33En effet, les seniors qui travaillent tous dans le secteur de la vente depuis plus de quinze ans estiment que les critères d’évaluation de leur métier devraient être autant quantitatifs (porter sur leur performance de vente) que qualitatifs (la manière de vendre et la qualité de leur accueil), alors que ces derniers ne sont pas évoqués dans l’entretien d’évaluation. Ainsi, tous les seniors tiennent les propos suivants : « Évaluer une vendeuse en disant : “Bon, elle vend bien, elle ne vend pas bien”, et tout ça… c’est très difficile de cerner le travail de ce type de personnel et de ce type d’emploi. Un ajusteur, la pièce, on peut dire, elle est bonne, elle n’est pas bonne. Vous dites : “Voilà, c’est bien, ce n’est pas bien”. Là, je crois qu’on est dans quelque chose qui n’est pas assez compréhensible. On ne peut pas dire : “Elle est bien, elle n’est pas bien, elle a bien vendu, elle n’a pas bien vendu, elle est ceci, elle est cela”. On se dit : “Oui, elle est comme ci, elle est comme ça”, mais ça dépend aussi des relations que vous avez avec les clients. »

34Compte tenu de leur connaissance de leur métier, l’analyse de l’atteinte de leurs objectifs devrait être plus fine que les quatre critères proposés. À cet égard, il convient de préciser que lors de la même enquête, une analyse de la représentation du travail de vendeur a été effectuée et qu’elle a conclu à une forte différence entre les juniors et les seniors. Les juniors considèrent que leur travail dans cette enseigne est constitué de quatre dimensions : la variété des tâches de la mise en rayon à la vente, qui ne laisse place à aucune routine; le contact client et l’échange qui se déroule lors de la vente; l’intérêt du produit; l’ambiance d’équipe. Ainsi la phrase suivante résume la représentation du travail de vendeur pour un junior : « Ici, vendeur, c’est d’être polyvalent, de toucher un petit peu à tout, de proposer de super produits, d’avoir le contact avec beaucoup de personnes, et de faire partie d’une équipe soudée. »

35A contrario, les plus de 45ans estiment que leur travail est soit un art, soit une passion. Les vendeurs décrivent leur travail avec des mots peu habituels pour des postes de terrain et qui appartiennent au registre de l’art : « passion, conception, création, un métier d’esthétisme, la passion de créer des choses par soi-même ». Les verbes employés sont ceux de créateurs : « faire travailler son imagination, faire rêver, imaginer, mettre en valeur une matière, un volume, un style, de la couleur, créer, être en représentation ». On comprend alors pourquoi le système d’évaluation quantitatif et cartésien ne leur convient pas.

36Si les juniors ne considèrent pas l’entretien d’évaluation comme un outil des ressources humaines discriminatoire à l’égard de l’âge, les seniors estiment qu’à travers l’attitude et les propos des managers, les critères d’analyse des objectifs de leur métier et la non-rétribution qui s’ensuit les renvoient de façon discriminatoire à leur âge. Ainsi, pour les juniors, l’entretien annuel d’évaluation est une source de reconnaissance et de sens du travail alors que, pour les seniors, il est une source de dévalorisation de leur travail et de leurs compétences acquises grâce à leur ancienneté.

37À travers ces interviews, quelques recommandations peuvent être proposées. En premier lieu, il importe que l’entretien soit destiné à tous, sans discrimination d’âge, et que les critères d’évaluation de leur activité prennent en compte toutes les activités réelles du métier de vendeur et pas seulement celles qui sont quantifiables. En deuxième lieu, il est nécessaire de former les managers aux spécificités des représentations du travail selon les générations, ce qui devrait mener à une appréciation différente sur la forme mais non sur le fond. Ainsi, si les critères d’évaluation doivent être les mêmes pour tous, sous peine d’être discriminatoires, la façon dont le manager les communique, les analyse et les « priorise » devrait dépendre entre autres de la génération d’appartenance du salarié. En troisième lieu, la communication sur le lien entre évaluation, mobilité, formation et rémunération devrait être adressée directement à tous les salariés et particulièrement au management.

? Des besoins de formation différents chez les juniors et les seniors

38Lorsque la formation est abordée, trois thèmes émergent : l’accès à la formation, son contenu et les souhaits de formation. Au premier abord, ces thèmes ne sont pas liés à l’âge mais au métier de vendeur. Toutefois, à l’intérieur de chaque thème, lorsque sont analysées les sources d’insatisfaction des salariés, les seniors les relient à leur âge ou à leur ancienneté et à la discrimination que le département des ressources humaines exercerait en fonction de la génération d’appartenance.

L’accès à la formation

39Tous les juniors, à l’exception de trois, ont reçu une ou plusieurs formation(s), demandée(s) ou non, dont ils sont satisfaits.

40Selon les seniors, l’accès à la formation est problématique. Tous les interviewés déclarent désirer apprendre et ils le demandent lors des entretiens annuels d’évaluation. Ils se plaignent donc d’un manque de prise en considération de leur besoin, qu’ils expliquent par leur âge. Rappelons que la formation est la condition nécessaire à l’adaptabilité des salariés et à leur propre gestion du vieillissement. Une formation continue et fréquente tout au long de la vie est indispensable au maintien de leur capacité de travail et d’adaptation aux changements technologiques, structurels et organisationnels. Or, dans cette enseigne, dix seniors estiment que leur non-accès à la formation est dû à leur âge :

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«– Oh, il y a au moins cinq-six ans que je n’ai pas reçu de formation et ça me manque. C’est drôle, c’est depuis que j’ai passé la cinquantaine !
– Eh bien moi, ce que j’aimerais bien, c’est aussi des formations. Ma dernière formation remonte à 1999, je crois. Et pourtant j’en demande tous les ans. Que voulez-vous, ils doivent considérer que je ne suis plus apte à aller en formation : trop vieille.
– Il devrait y avoir plus de formation, de ce que je réclame depuis que je suis dans mon rayon… Des formations au niveau de rayon. Mais à part “Profession vendeur”…
– Hou… Ça remonte assez très loin. Une formation en tant que telle, je ne sais plus et c’est pas faute de demander. Mais je crois qu’ici, passé un certain âge, on nous estime trop vieux pour aller en formation. »

Le contenu de la formation

42L’entreprise a mis en place une formation « Profession vendeur » destinée à tous les vendeurs. La perception de cette formation est totalement liée à l’âge et à l’ancienneté des salariés. En effet, tous les juniors sont satisfaits de cette formation qu’ils considèrent comme enrichissante pour l’exercice de leur métier :

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«– “Profession vendeur”, c’est bien. Ma responsable voulait me faire voir que le métier de vendeur, ça s’apprend. Je la comprends et je la remercie parce que j’ai appris des choses que… je ne le fais plus maintenant ou alors, je le fais en cachette. Je fais : “Oui, je vais voir”.
Et arrivée là-bas, je fais : “Elle est chiante”! Et après, j’arrive tranquille, de nouveau le sourire. Mais je ne lève plus les yeux, je ne souffle plus devant la cliente. Ça s’apprend. C’est vrai que je n’avais pas forcément ces automatismes. Je donnais les bonnes paroles, je faisais : “Oui, bien sûr madame”. J’allais chercher, mais la réaction du visage ne suivait pas. Mon visage me trahissait un peu, mes émotions… Ce n’était pas bon. “Profession vendeur”, ça m’a appris.
– Mais c’est des choses pratiques. Ils nous apprennent aussi pas mal de choses sur l’enseigne, si des clients nous posent des questions sur le magasin, sur... En fait, un peu l’historique et tout ça, et pas mal de techniques de vente, comment réagir devant un client. Il y a pas mal de petites choses qui sont bien.
– Personnellement, j’ai vraiment aimé la formation “Profession vendeur”, parce qu’en plus, on voit des vendeurs d’autres magasins pour voir comment ça se passe un peu chez eux. La formation elle-même, j’ai vraiment apprécié.
– C’était intéressant. C’est vrai que bon, je ne veux pas dire que je suis revenue sur le terrain et que je savais vendre ou quoi, mais c’est vrai que ça permet d’apprendre les bases, ça vous permet déjà – comme on est un petit groupe – de se connaître déjà entre vendeuses, c’est bien parce que quand on arrive, c’est vrai que c’est dur les premiers contacts avec les vendeuses des autres étages, quoi. Et puis, bon, ça apprend plein de choses et puis… ça permet de voir un peu comment ça se passe, là on a fait des listes de concurrents, c’est intéressant, ça permet d’aller voir dans les autres magasins comment ça se passe. Moi, j’ai bien aimé. Oui. Justement oui, la formation “Profession vendeur”, ça nous a permis de voir un peu ce qu’il y avait autour de la vente, parce qu’il n’y a pas que de la vente, dans les grands magasins comme ça. Et c’est vrai qu’on a découvert des choses. »

44À la lecture de ces propos, on peut comprendre le mécontentement des seniors qui ont également suivi cette formation, alors qu’en moyenne ils exercent depuis plus de quinze ans dans l’enseigne et qu’ils sont depuis plus de vingt ans vendeurs. Deux propos résument tous les autres :

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«–Aujourd’hui, il semblerait que la DRH fasse une politique de formation de ses vendeurs, d’ailleurs, qui est peut-être très bien quand on a une trentaine d’années, mais bon…, avoir des formations de vendeur de façon régulière et assez souvent, aujourd’hui, à plus de 50ans, ça ne m’apporte plus grand-chose. Je pense que la vente telle qu’on l’entend, savoir écouter, comprendre et proposer, je pense que j’en ai fait le tour aujourd’hui. Je ne pense pas qu’il y ait des milliers et des milliers de façons de vendre. C’est bien que, à certaines phases de sa vie, on ait des clés pour vous permettre de vous en sortir un peu mieux, ça me semble tout à fait normal, plutôt que de laisser des gens se débrouiller tout seul. Mais maintenant, je pense en avoir fait le tour et surtout l’enseigne, je la connais.
– Apprendre à jouer à la vendeuse à mon âge ! Ça fait trente ans que je fais ça !»

46Les vendeurs seniors considèrent que les formations à la vente ne leur sont pas d’une grande utilité, étant donné leur expérience en matière de vente. Les vendeurs quinquagénaires, qui ont apprécié la bonne intention de la formation « Profession vendeur », lui reprochent ses modules théoriques et la non-prise en compte de leur connaissance du métier par les formateurs. Ces propos sont révélateurs d’un besoin spécifique des seniors qui désirent être formés, certes, mais en fonction de leurs compétences et de leurs expériences : ils ne veulent pas être considérés comme des élèves sur un banc d’école. Il faut donc inventer une ingénierie de la formation adaptée à l’expérience de chacun.

47Les propos des seniors de cette enseigne confirment toutes les recherches qui étudient le lien entre âge et formation (par exemple, Tyler, Schuller, 1991). Les seniors sont demandeurs de formation concrète et de terrain. Ainsi, tous ceux qui ont participé à des échanges intermagasins, des « formations-produits » ou des « formations-terrain » reconnaissent leurs valeurs ajoutées et en sont à nouveau demandeurs. Ces trois modes de formation sont vécus comme réellement enrichissants. Les échanges intermagasins permettent d’apprendre de nouvelles méthodes de travail et valorisent les salariés car ils rencontrent leurs collègues. Les « formations-produits », en améliorant les connaissances sur les produits, valorisent les vendeurs aux yeux du client et du responsable de rayon. Les « formations-terrain » sont décrites comme facilitant l’apprentissage.

Les souhaits de formation

48Les jeunes vendeurs souhaitent des formations de type « compréhension et connaissance du monde de l’entreprise », qui répondraient à la fois à leur volonté d’évolution et à leur besoin formalisé de connaître l’entreprise, son fonctionnement et ses métiers :

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«– Oui, j’aimerais bien être formée pour autre chose, pour essayer de voir un petit peu tout, quoi... Voir comment ça marche.
– J’aimerais avoir d’autres formations. Dans le domaine du merchandising, marketing, management. Enfin la possibilité d’apprendre tout ce qui concerne non plus le monde de la vente, mais le monde du commerce en général avec tout ça. J’aime bien comprendre, j’aime bien savoir. Alors, ce qui m’intéresserait, c’est véritablement avoir la possibilité de pouvoir évoluer hiérarchiquement dans une entreprise quelle qu’elle soit.
– Une formation qui serait intéressante, c’est une formation bilingue, parce que l’on a affaire, de temps en temps, aux étrangers et comme on n’utilise pas toujours, enfin pas du tout l’anglais. Donc, j’ai des bases d’anglais, mais parler anglais, c’est toujours pareil. Pour un grand magasin comme ici, c’est assez touristique. Ça serait bien de parler anglais. Et puis, ça me permettrait d’aller voir ailleurs.
– Eh bien moi, ce serait plus des formations sur le commerce. Parce que par rapport à mes autres collègues, je ne sors pas de l’école. Et en fait, je ne voudrais pas ne pas comprendre et puis si je veux évoluer ou quoi plus tard, de ne pas pouvoir faire certaines choses, quoi. »

50Quant aux seniors, ils souhaitent des formations qui leur permettent de rester en adéquation avec les « nouvelles manières » de faire, afin de ne pas se sentir exclus de l’entreprise. Ainsi, ils décrivent un manque de formation aux nouvelles technologies.

51Les seniors insistent sur le fait qu’ils ont appris l’informatique sur le tas, et que la maîtrise de ces nouvelles technologies, « révolutionnaires et appréciées », ne va pas de soi ! Si nous insistons sur ce point, c’est parce que les quatorze interviewés ont tous évoqué leur manque de compétence dans ce domaine. Ce manque est évidemment à relativiser en fonction de leur utilisation plus ou moins quotidienne de l’outil informatique.

52

« – C’est pour ça que j’avais dit : une formation, ne serait-ce que d’une journée, même si ça n’est pas suffisant, sur informatique, ça aurait été vachement bien. Plutôt que rien du tout. Ce qui fait que moi, personnellement, je ne sais rien faire. Depuis deux ans, sur mes notations, je dis que je dois faire un stage informatique. On me l’a encore redit, là maintenant, et je dis de toute façon, je dis : “Je le fais quand ? Sur le tas ?” Mais rien...
– Moi, je suis larguée, complet. Mais finalement, je me dis que finalement bah si on veut pas on veut pas… Ça m’embête parce que ça fait partie de mon travail. Et j’aime bien être au courant, être autonome dans mon boulot. Je n’aime pas attendre, et demander…
Mais on me donne pas de formation et c’est pas faute de demander.
– Par contre, il y a une chose qu’il faudra que je voie, parce que moi, les ordinateurs, ce n’est pas tellement… je n’ai pas tellement une attirance pour les ordinateurs. Franchement, j’en ai un à la maison avec mes enfants, mais ça ne m’attire pas trop. Là, pour les chiffres, je m’y mets. Mais c’est vrai que je ne suis pas encore au top sur les ordinateurs. Mais pour s’y mettre, un coup de pouce de la formation ce serait bien.
– Et puis une formation, surtout au niveau informatique, parce que j’avoue que je fais vraiment le strict minimum. Vous comprenez, j’ai appris sur le tas. En fait, on nous dit : “Tu cliques là, tu fais ça, tu fais ça”. Bon, ça va, lire les messages, remplir mes tableaux, etc. Mais bon, dire que je vais faire un tableau moi-même, je ne sais pas. Lorsque je veux faire une réponse par mail, je vais répondre. Mais comme je ne suis pas bien sûre que la personne l’ait eu ou ne pas l’avoir envoyé à tout le monde, j’appelle la ou les personnes, bien souvent après :
“Est-ce que tu as reçu ma réponse ?”
– Moi, je suis de la génération, puisqu’il faut parler d’âge où, quand j’ai commencé à travailler, il n’y avait pas d’ordinateur et il y a plein de choses qui me manquent dans ce domaine-là. Moi, je suis incapable de faire une formation toute seule et en plus, je ne sais pas manier les outils... Enfin, les outils informatiques ne sont pas... il faut que ce soit simple. Je comprends le cheminement s’il m’est expliqué.
Mais face à la machine toute seule, avec un petit déroulé, je ne sais pas faire. Donc, moi j’ai juste besoin de savoir remplir un tableau.
Il faut que ce soit assez simple. Mais ça pourrait m’aider, une formation avec un formateur. Pas leur formation où on voit même pas la tête du formateur derrière nos écrans et il suffit qu’on fasse un mauvais clic pour qu’on soit perdue toute la journée; remarquez on dort plus facilement caché par un ordinateur.
– Ça ne me dérange pas, d’apprendre. Mon regret, c’est de ne pas avoir d’ordinateur chez moi. J’aimerais bien apprendre. Ça ne me gêne pas du tout. Je vois, nous, on a débuté, je vous dis, c’était encore plus manuel que maintenant, parce que maintenant, avec la technique, on s’y met. Il suffit de nous apprendre. Mais peut-être qu’il estime qu’à notre âge on ne peut plus apprendre et pourtant je peux vous dire qu’on a intérêt à s’adapter à leur système informatique ! Mais sur le tas, c’est normal, vu notre âge ils ne vont pas nous envoyer en formation !»

53Le renforcement des compétences informatiques des seniors permettrait de les valoriser non seulement à l’intérieur de l’entreprise, face aux plus jeunes, mais également à l’extérieur, vis-à-vis de leurs enfants ou petits-enfants.

54Cette recherche montre que juniors et seniors sont tout autant demandeurs de formations. Mais, contrairement aux juniors, les seniors les préfèrent non scolaires et centrées sur des pratiques concrètes de travail. Les seniors interrogés veulent des formations pratiques et utiles à leur métier alors que les plus jeunes souhaitent autant des formations concernant leur métier que son environnement.

55La formation continue est une condition nécessaire au maintien des capacités de travail, car elle donne aux individus l’habitude d’apprendre et de s’adapter aux situations nouvelles. Mais les entretiens montrent que la pédagogie de la formation continue doit être adaptée aux besoins des salariés et à leur mode d’apprentissage, qui eux-mêmes varient en fonction de l’âge. La politique de formation devrait gagner en efficacité en adaptant le contenu et la pédagogie aux besoins de formation de ces différentes classes d’âges et en revisitant son ingénierie.

56Il conviendrait enfin de prendre en considération et de répondre aux besoins de formation des seniors. Ils estiment en effet que le département des ressources humaines, par sa politique de formation, est discriminant à leur égard. L’application de la loi du 2 mai 2004, et notamment le droit individuel à la formation (Dif), devrait permettre de faire disparaître cette pratique discriminatoire.

57Dans cette perspective, les directions des ressources humaines pourraient :

  • adapter les modes et la pédagogie de formation à l’expérience des salariés. Pour les seniors, il faut qu’elles soient concrètes, de terrain et qu’elles tiennent compte de leurs compétences;
  • répondre à au moins une demande de formation formulée lors de l’entretien annuel d’évaluation, dans le cadre du Dif. Les juniors semblent plutôt demander des formations « destinées à la mobilité » ou des formations élargissant leur vision de leur métier et de l’entreprise.
    Les seniors semblent attirés par des formations aux nouvelles technologies, qui permettent de ne pas se sentir infériorisés face aux plus jeunes et de les valoriser dans leur environnement familial.

? De forts souhaits de mobilité à tous les âges

58Notons d’abord qu’un même nombre de juniors et de seniors (quatre) n’ont pas exprimé de souhait de mobilité. Ils désirent rester dans l’enseigne et dans leur poste le plus longtemps possible pour les juniors et jusqu’à ce qu’ils obtiennent une retraite à taux plein pour les seniors. En revanche, les autres, tant juniors que seniors, ont formulé de fortes attentes de mobilité.

59Signalons que seuls quatre vendeurs juniors pensent qu’ils ont un espoir sérieux de mobilité dans cette enseigne. Les six juniors et dix seniors restants souhaitent une mobilité, mais ils pensent qu’ils ne l’obtiendront pas. Les raisons et les conséquences de cette impossibilité diffèrent en fonction de l’âge.

60Six vendeurs juniors pensent quitter l’enseigne d’ici à cinq ans maximum car ils estiment qu’elle ne pourra pas satisfaire leur désir de mobilité. Ils ont peur de s’ennuyer car ils n’ont aucune perspective de changement ou de progression hiérarchique dans leur entreprise actuelle, étant donné leur manque de diplôme. Ils lient donc leur impossibilité de mobilité à leurs statuts et à leurs diplômes, et non pas à leur âge.

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«– Non, je n’ai pas vraiment d’idée, mais j’ai envie de changer. Parce qu’en fait, mon boulot, je le connais. Maintenant, je... je ne vais pas dire que je le connais par cœur, parce que tous les jours, j’apprends de nouvelles choses, mais... Enfin, j’aimerais bien essayer autre chose, voir autre chose. Donc, je ne dirai jamais que je sais tout faire au service clientèle, c’est pas vrai. Mais j’ai envie d’avoir un autre environnement, de changer. Mais ce n’est pas possible ici vu que je n’ai pas de diplôme alors il faudra que je change d’entreprise.
– C’est vrai qu’au départ, je pensais qu’à force de travail, je pourrais me diriger vers un poste de chef de rayon ou quelque chose comme ça, en travaillant beaucoup et avec les années. Mais, maintenant, je me rends compte qu’en fait, quand on travaille ici, si on veut avoir un poste comme ça, il faut avoir un diplôme.
– Les gens qui ont été recrutés au-dessus, actuellement, ils viennent de l’extérieur, donc ils ne venaient pas du tout d’ici ou alors ils ont mis vingt ans avant de devenir responsables. Moi j’attendrai pas vingt ans, donc il faut que je m’en aille.
– Enfin, j’ai vu pas mal de choses et, enfin moi, je sais que, ici, je n’ai pas d’avenir… je suis pas cadre… Enfin, c’est l’impression que j’ai, je me trompe peut-être. Quand je dis que je n’ai pas d’avenir, c’est-à-dire que je sais très bien que je ne pourrais pas, du jour au lendemain, passer responsable par exemple et après, je ne sais pas comment ça marche. Moi, ce que j’ai vu, je n’ai pas l’impression que ça se passe comme ça. C’est difficile à dire parce que je sais que les gens comme moi, sans diplôme, n’ont jamais évolué véritablement. Sauf en partant d’ici.
– Donc, l’évolution, elle n’est pas énorme, ici, que ce soit poste, argent. Il y a des gens, ça fait quarante ans qu’ils sont là, ils sont toujours en bas. Donc, c’est ça qui est un peu dommage. Si on a envie d’évoluer, si on a envie d’avoir une belle carrière devant soi, c’est un peu dommage d’être bloqué par ça. L’évolution, surtout ici, c’est un petit magasin...
– Il y en a qui sont là depuis quarante ans, depuis que le magasin est ouvert, et ils sont toujours vendeurs. Je sais qu’il y a un monsieur qui part à la retraite l’année prochaine, il est toujours vendeur et il a commencé vendeur. Moi, je peux vous dire que je partirai avant que ça m’arrive. J’ai un besoin de bouger. Mais je pense que j’ai plus envie de bouger, plutôt que faire une carrière ascendante. Me dire, faire une carrière mais changer de métier. M’ouvrir un petit peu sur d’autres métiers, d’autres choses parce que, je ne sais pas si j’ai envie de faire ce métier très longtemps. Cela paraît énorme : quarante ans. »

62En ce qui concerne la mobilité, les juniors perçoivent une discrimination fondée sur le diplôme mais pas sur l’âge. Cette perception provoque chez les juniors une intention de départ de l’enseigne.

63Il est intéressant de signaler que les possibilités de mobilité (ou de non-mobilité) que les juniors envisagent proviennent des seniors. Ainsi, si les juniors côtoient des seniors qui n’ont pas eu de mobilité, ils projettent qu’ils n’en auront pas. Est-ce un argument suffisant pour convaincre les entreprises d’ouvrir la mobilité aux seniors ?

64Quant aux vendeurs seniors, ils sont tous conscients qu’ils travailleront encore un certain temps (au moins cinq ans) dans l’entreprise. Ils ont envie de continuer à trouver de l’intérêt à leur travail à travers la mobilité. Mais en analysant le sort de leurs prédécesseurs ou collègues, ils doutent de leur possibilité d’en avoir à partir de 55 ans. Ce sentiment est renforcé par le fait que les ressources humaines favorisent l’embauche externe. Ils évoquent d’ailleurs une discrimination par l’âge vis-à-vis de la mobilité qui, soit se concrétise par le recrutement de jeunes, soit se formalise par le discours des managers.

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«– Et il faut être logique, ils vont recruter des gens de 30 ans, pas des gens de 55 ans. Vous avez vu des responsables de rayon embauchés à 55 ans ?
– Mais, je sais, moi, je ne peux pas rester, ça y est, quatre ans, je ne suis pas à un an près, je n’ai pas envie de rester dans ce poste. Mais quand je dis “placard doré”, c’est vraiment “placard doré”. Mais moi j’ai besoin de bouger ! Mais là on ne me propose plus rien.
– Je sens que je n’ai pas d’avenir ici ! Ben… maintenant, non. Parce que justement, c’est cinq années que je me suis investie là où je suis, dans ce secteur, si j’avais dû avoir un avancement, je pense que ça aurait été à cette période-là. Je pensais pouvoir évoluer. Mais maintenant, vu mon âge, ça stagne.
– Je vous promets qu’il n’y a personne, ici, de mon âge, à qui on propose quoi que ce soit… Moi, je dis que si on attendait les services d’une femme de mon âge, si le travail et les compétences d’une femme de mon âge étaient réellement reconnus, il y a longtemps qu’on aurait dû m’appeler et me dire : “Écoutez, on n’a pas de poste pour l’instant mais on pense toujours à vous“. »

66Ces salariés ont des attentes fortes à l’égard de la mobilité. Si elles ne sont pas satisfaites rapidement, elles sont susceptibles de provoquer une démotivation. En effet, contrairement aux salariés juniors, ils savent qu’étant donné leur âge, ils ne peuvent quitter l’enseigne et trouver un autre emploi ailleurs. À l’égard de la mobilité, les seniors se sentent discriminés. Ils expliquent qu’à partir d’un certain âge, on leur a fait sentir qu’il n’y avait plus grand-chose à espérer. Ils attendent donc, de la part des ressources humaines ou de leur manager, une visibilité à l’égard de leur propre avenir.

67Le désir de mobilité est aussi fort chez les seniors que chez les juniors : la mobilité paraît être une attitude générationnelle pour les plus jeunes et une habitude organisationnelle chez les plus âgés. Comme nous venons de le voir, si ce désir n’est pas satisfait, il provoquera un départ des juniors et une désimplication des seniors. On peut ainsi dire qu’il existe, pour les seniors, une véritable culture de la mobilité dans l’enseigne. Dès qu’ils ressentent qu’ils n’auront plus la possibilité de changer de poste (c’est-à-dire de rayon), ils sont démotivés car ils perçoivent une discrimination due à leur âge. Trois constats peuvent donc être énoncés :

  • pour les juniors, la mobilité semble faire partie de leurs valeurs. Si l’entreprise n’y adhère pas, ils semblent prêts à la quitter.
  • la mobilité est considérée par les juniors et les seniors comme une forme de reconnaissance de l’entreprise à leur égard.
  • la mobilité est une façon de dépasser la routine du poste, de renouer avec sa passion (pour les seniors) ou d’entretenir l’intérêt de la découverte (pour les juniors).

? Hypothèse sur les déterminants de la perception de l’équité générationnelle

68Comme nous l’avons montré dans la première partie de cet article, pour créer l’équité générationnelle, l’entreprise doit éviter toute discrimination liée à l’âge. Les vendeurs seniors de cette enseigne se sentent victimes d’une iniquité générationnelle : il apparaît que les composants du numérateur et dénominateur de la perception de l’équité générationnelle diffèrent selon la catégorie d’âges.

69Les juniors ne perçoivent pas d’iniquité générationnelle dans les politiques des ressources humaines de leur organisation. En revanche, apparaît pour certains une inégalité de mobilité due à leur diplôme. Les seniors vivent une iniquité générationnelle au regard des politiques des ressources humaines. Cette iniquité provient d’abord du fait qu’ils considèrent que les politiques des ressources humaines ne les rétribuent plus puisqu’elles ne reconnaissent pas (ou plus) leur expérience, leur compétence et leur ancienneté. Ensuite, ils estiment que, dans cette enseigne, à partir d’un certain âge, la DRH les discrimine de deux manières : soit en leur proposant des outils RH inadaptés à leur contribution (l’entretien annuel), soit en les excluant des politiques de ressources humaines (formation, mobilité).

70À partir de cette étude, quelques hypothèses peuvent être émises sur les attentes des seniors en matière d’équité générationnelle. Ces hypothèses devront être soumises à validation lors d’une prochaine enquête :

  • la perception de l’équité générationnelle des seniors dépend de la vision de l’avenir que les ressources humaines et les managers leur renvoient :
    «– Je n’ai plus d’attente sauf partir : on m’a dit : “Tu ne vas pas bouger, alors que t’es proche de la retraite !” Ben je ne suis pas si proche que ça et j’ai toujours bougé ! On ne peut pas espérer se projeter ici, vu mon âge.
    Je quitte l’enseigne dans quelques mois. Oui, heureux, paradoxalement heureux parce que je pensais que ça allait me faire quelque chose. Mais il y a tellement de choses qui me défrisent à l’heure actuelle que je préfère… J’aurais bien continué plus longtemps, mais je voulais progresser, avoir un autre poste, me réinvestir. Tant pis je suis heureux. »
  • la perception de l’équité générationnelle pour les seniors dépend de la reconnaissance que l’organisation a de leur expérience, c’est-à-dire de la valorisation de leur connaissance de leur métier. Les seniors semblent prendre pour référent non pas les juniors qui sont dans leur entreprise, mais les juniors qu’ils étaient. Dès qu’ils ressentent qu’une politique de ressources humaines ne prend pas en compte leur savoir-faire, ils se sentent discriminés. Il est important de noter que les seniors n’évaluent pas leur ratio d’équité par rapport à leurs cadets, mais par rapport à leur propre parcours et aux rétributions qu’ils ont obtenues par le passé;
  • la perception de l’équité générationnelle est autant liée aux contenus des outils RH qu’à leur accès (évaluation, formation, mobilité) qui renvoie les seniors, contrairement aux juniors, à la reconnaissance par l’entreprise de leur ancienneté et de leur compétence. Ils estiment donc logique de pouvoir en bénéficier, sous peine de se sentir discriminés. Lorsqu’ils ont accès à ces outils, si leur contenu n’est pas adapté à leur attente et à leur ancienneté, ils les jugent discriminants;
  • la perception de l’équité générationnelle des seniors semble dépendre fortement de la façon dont ils ont été traités dans le passé. S’ils ont souvent bénéficié de formations ou de mobilités, ils se sentiront discriminés si ces pratiques à leur égard cessent, même si c’est le cas pour toutes les catégories d’âges. Il faudra donc chercher à déterminer dans une future étude le groupe de référence sur lequel les seniors s’appuient pour calculer leur ratio d’équité.

71Toutes ces attentes exprimées par les salariés juniors et seniors pour continuer à travailler avec plaisir peuvent être synthétisées en trois grands thèmes :

  • la non-discrimination à l’égard de l’âge;
  • la valorisation de l’expérience et de la compétence acquises par des années de travail dans l’enseigne;
  • la reconnaissance de la personne et de son avenir.

72Avant de conclure, rappelons que cette recherche se fonde sur les perceptions des répondants. Or, il peut exister un décalage entre les politiques des ressources humaines que les managers font vivre sur le terrain et la perception qu’en ont les salariés. Il suffirait simplement, dans ce cas, de réduire cet écart par une communication adaptée.

73À travers cette étude, une évidence s’impose. Les actions à entreprendre sont nombreuses, très diverses et peu coûteuses. Quelles que soient les mesures prises, elles devront suivre un principe : ne pas gérer les salariés par les âges mais par leurs activités réelles, leurs performances et leurs compétences. En effet, les politiques de ressources humaines qui visent les juniors et les seniors ne doivent pas défavoriser les autres classes d’âges. Elles doivent traiter équitablement tous les âges de la vie au travail afin de conserver l’engagement au travail de toutes les classes d’âges. Si les politiques de ressources humaines doivent être destinées à tous, leurs modalités devraient être adaptées à l’âge et à l’ancienneté des salariés. En effet, l’équité repose sur la perception de ce qui est juste. Or ce qui est juste pour chaque salarié dépend, entre autres, à la fois de ses caractéristiques individuelles et générationnelles. C’est pourquoi, il est également primordial que les managers, étant les premiers et les principaux acteurs de la valorisation des salariés au travail, soient formés à un management de la diversité des âges.

Notes

  • [1]
    Les phrases des interviewés ne sont retranscrites que lorsqu’elles permettent d’enrichir et d’affiner l’analyse du discours. Si, dans certains cas uniquement, une personne est citée, c’est parce que les autres ont employé les mêmes termes. Dans les autres cas, quand l’idée du discours est unique, cette exception est précisée.
  • [2]
    Les juniors interrogés ont tous passé dans ce groupe un entretien annuel d’évaluation alors que quatre seniors sur quatorze n’en ont plus et estiment que cela est certainement dû à leur âge.
  • [3]
    Tous les vendeurs juniors interviewés sont entrés comme vendeurs dans cette enseigne. Certains ont connu des mobilités (changements de rayons) mais aucun n’a obtenu de promotion, d’augmentation ou de prime individuelle.
Français

Le baby-boom (1946-1965) et le baby-gap (1974-1994) ont marqué la démographie de la France et se reflètent sur la pyramide des âges des organisations. Les entreprises ont intégré le fait qu’elles doivent, afin de conserver des employés mobilisés, modifier leurs règles du jeu et porter une attention particulière d’une part aux juniors pour les fidéliser, et d’autre part aux seniors pour les maintenir à un haut niveau de performance. Parallèlement, les lois contre la discrimination affirment la nécessité de ne pas traiter différemment des personnes placées dans des situations comparables en se fondant sur le critère de l’âge. Cette étude a pour objet de comprendre comment chacune de ces catégories d’âges (juniors et seniors) définit l’équité et les pratiques jugées inéquitables en matière de ressources humaines. À travers cette recherche, une évidence s’impose. Les actions à entreprendre sont nombreuses, très diverses et peu coûteuses. Quelles que soient les mesures prises, elles devront suivre un principe: ne pas gérer les salariés par les âges mais par leurs activités réelles, leurs performances et leurs compétences. Si les politiques de ressources humaines doivent être destinées à tous, leurs modalités devraient être adaptées à l’âge et à l’ancienneté des salariés. En effet, l’équité repose sur la perception de ce qui est juste. Or, ce qui est juste pour chaque salarié dépend, entre autres, à la fois de ses caractéristiques individuelles et générationnelles.

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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/07/2007
https://doi.org/10.3917/rs.051.0103
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