CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Cet article propose une revue de la littérature économique française récente sur la question de la discrimination fondée sur l’âge au travail. D’un côté, le thème de la discrimination professionnelle resurgit fortement dans les travaux universitaires [1] sous l’impulsion probable de la directive européenne de 2000; d’un autre, la production scientifique empirique concernant l’emploi des salariés âgés s’est intensifiée [2] ces dernières années sous l’effet des difficultés de financement des systèmes de retraite et de la réflexion sur l’allongement des carrières professionnelles.

2Caractérisée par de fortes incitations au retrait du marché du travail des salariés de plus de 55ans, la situation française a conduit à un taux d’emploi des 55-64 ans parmi les plus bas en Europe [3]. Cependant, les taux d’activité des hommes de 55 à 64 ans étaient déjà faibles en 1975 avant l’abaissement de l’âge légal de la retraite à 60 ans et avant le recours massif aux préretraites du début des années quatre-vingt (Minni, Topiol, 2003).

3Si le taux d’emploi des actifs de plus de 55 ans est faible, qu’en est-il de leur taux de chômage ? Le taux de chômage des plus de 50 ans est depuis de nombreuses années moins élevé que celui des plus jeunes, aussi bien pour les hommes que pour les femmes (cf. tableau 2, p.130). Les chômeurs de plus de 50 ans sont majoritairement des chômeurs de longue et de très longue durées du fait de leurs difficultés à retrouver un emploi, une fois au chômage.

Tableau 1

Taux d’emploi de la population active dans l’Union européenne en 2005 (en %)

Tableau 1
Tableau 1 Taux d’emploi de la population active dans l’Union européenne en 2005 (en %) Taux d’emploi* EnsembleHommes Femmes Ensemble 55-64 ans15-64 ans 15-64 ans 15-64 ans Allemagne 45,471,2 59,6 65,4 Autriche 31,875,4 62,0 68,6 Belgique 31,868,3 53,8 61,1 Danemark 59,579,8 71,9 75,9 Espagne 43,175,2 51,2 63,3 Finlande 52,770,3 66,5 68,4 France 37,968,8 57,6 63,1 Grèce 41,674,2 46,1 60,1 Irlande 51,676,9 58,3 67,6 Italie 31,469,9 45,3 57,6 Luxembourg 31,773,3 53,7 63,6 Pays-Bas 46,179,9 66,4 73,2 Portugal 50,573,4 61,7 67,5 Royaume-Uni 56,977,6 65,9 71,7 Suède 69,474,4 70,4 72,5 Union européenne à 15 44,172,9 57,4 65,2 Union européenne à 25 42,571,3 56,3 63,8 * Nombre de personnes en emploi rapporté à la population du même âge. Champ: personnes de 15 ans ou plus vivant dans les ménages privés. Source: Eurostat, «Enquête sur les forces de travail de l’Union européenne», 2006, disponible sur le site de l’Insee ((www. insee. fr),rubrique «Travail-Emploi», chiffres clés.

Taux d’emploi de la population active dans l’Union européenne en 2005 (en %)

Eurostat, «Enquête sur les forces de travail de l’Union européenne», 2006, disponible sur le site de l’Insee ((www. insee. fr),rubrique «Travail-Emploi», chiffres clés.
Tableau 2

Taux de chômage par tranche d’âges de 1990 à 2005 (en %)

Tableau 2
Tableau 2 Taux de chômage par tranche d’âges de 1990 à 2005 (en %) 20051990 1995 2000 Femmes 10,912,1 13,9 11,9 15-24 ans 24,623,9 32,2 23,7 25-49 ans 10,410,9 12,9 11,6 50 ans et plus 7,28,2 8,4 8,5 Hommes 9,07,0 9,8 8,5 15-24 ans 21,415,3 20,9 18,4 25-49 ans 8,06,0 8,9 7,7 50 ans et plus 6,65,7 7,5 6,9 Note: taux de chômage au sens du BIT en mars de chaque année (sauf celle du recensement: janvier en 1990 et 1999) jusqu’en 2001. Taux de chômage en moyenne annuelle à partir de 2002. Champ: actifs de 15 ans à 64 ans. Source: Insee, enquêtes «Emploi», disponible sur le site de l’Insee ((www. insee. fr),rubrique «Travail-Emploi», chiffres clés.

Taux de chômage par tranche d’âges de 1990 à 2005 (en %)

Insee, enquêtes «Emploi», disponible sur le site de l’Insee ((www. insee. fr),rubrique «Travail-Emploi», chiffres clés.

4Deux remarques sont à formuler à ce propos :

  • d’une part, ce taux ne concerne que les personnes qui n’ont pas travaillé, ne serait-ce qu’une heure, durant la semaine de référence, qui cherchent un emploi activement et qui sont disponibles pour en prendre un dans les quinze jours. Toutes les situations intermédiaires entre l’activité, l’emploi et le chômage ne sont pas prises en compte.
    Il en est de même pour toutes les classes d’âge de chômeurs, mais les situations intermédiaires sont-elles uniformément réparties entre les classes d’âge ? Ne concernent-elles pas plus spécifiquement certaines catégories de travailleurs, les jeunes, les femmes, les travailleurs âgés, etc. ? Dans ce cas, leur taux de chômage réel serait particulièrement sous-estimé;
  • d’autre part, ce taux de chômage plus faible est en partie dû aux dispositifs de retrait anticipé d’activité à partir de 55 ans : préretraites et aussi dispenses de recherche d’emploi, dont les bénéficiaires ne sont plus comptabilisés parmi les chômeurs et dont les effectifs continuent encore à être importants en 2005, aussi bien en termes de nouvelles arrivées qu’en termes de stocks (cf. tableau 3).

Tableau 3

Dispositifs spécifiques de politique d’emploi (en milliers d’individus)

Tableau 3
Tableau 3 Dispositifs spécifiques de politique d’emploi (en milliers d’individus) Stocks de bénéficiairesEntrées en dispositif 05/042001 2004 2005 05/04 2001 2004 2005 Retraits d’activité - 1,7%121 121 111 - 7,7% 479 471 472 dont préretraites totales - 11,1%31 20 14 - 32,2% 130 71 63 dont dispenses de recherche 2,2%89 100 98 - 2,8% 349 400 409 Ensemble des bénéficiaires des politiques d’emploi - 5,6%2 075 1 789 1 682 - 6,0% 2 772 2 524 2 130 Champ: France métropolitaine. Source: ANPE, Unédic, Cnasea, Insee, ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, Dares, DGEFP, disponible sur le site de l’Insee ((www. insee. fr),rubrique «Travail-Emploi», chiffres clés.

Dispositifs spécifiques de politique d’emploi (en milliers d’individus)

ANPE, Unédic, Cnasea, Insee, ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, Dares, DGEFP, disponible sur le site de l’Insee ((www. insee. fr),rubrique «Travail-Emploi», chiffres clés.

5Les entreprises, confrontées à un excès global de main-d’œuvre, le résolvent par l’éviction de leurs salariés âgés dans la mesure où ce choix est mieux accepté socialement et où existent des systèmes de préretraite ou d’assurance chômage (Blanchet et al., 2006). Le phénomène d’éviction des salariés âgés de l’activité résulterait ainsi d’un consensus social plus ou moins explicite. Il s’agit d’une politique et de pratiques moins douloureuses sur un marché du travail dégradé (Marioni, 2005). Le faible taux d’emploi actuel est-il seulement le résultat des politiques d’emploi passées ? Si tel est le cas, une politique d’incitation inverse serait susceptible de rétablir une situation plus équilibrée du taux d’activité par âge. Les choses sont-elles si simples ? La question peut-elle se rapporter uniquement à un problème d’incitation : quels phénomènes recouvrent les difficultés d’emploi des travailleurs âgés ? Les travailleurs âgés sont-ils des travailleurs comme les autres ? Sont-ils dotés de caractéristiques particulières qui, aux yeux de leurs employeurs, les rendraient moins employables que les plus jeunes ? Quels sont les raisonnements qui conduisent les employeurs à les écarter de l’emploi ? Quelle est la justification sous-jacente à ces raisonnements ?

6Pour apporter des éléments de réponse à ces questions, le point de vue adopté sera, pour utiliser la terminologie économique, celui de la demande de travail, c’est-à-dire celui de l’entreprise, du responsable de l’entreprise ou de la hiérarchie qui gère la main-d’œuvre ou qui recrute. Nous proposons une démarche qui confronte théorie économique et résultats empiriques en suivant le fil de la rationalité du comportement des entreprises : la rationalité économique stricto sensu dans un premier temps, avec l’examen de la situation d’emploi des travailleurs âgés; une rationalité plus large dans un second temps et la question des préjugés vis-à-vis des travailleurs âgés et de leurs effets dans un contexte d’abondance de l’offre de travail.

? La discrimination, un phénomène irrationnel sans fondement économique

7La théorie économique standard a des difficultés à appréhender les comportements discriminatoires quels qu’ils soient car ces comportements sont interprétés comme non rationnels, c’est-à-dire qu’ils ne conduisent pas à un optimum productif. S’il est possible de les observer à un moment donné, le cours du temps devrait les faire disparaître car les entreprises qui les adoptent ne peuvent survivre en raison de coûts de production supérieurs à ceux des entreprises non discriminantes. Plusieurs approfondissements sont avancés pour compléter la théorie et chercher à expliquer malgré tout les comportements discriminatoires des employeurs (leur goût pour la discrimination, l’imperfection de l’information, les signaux négatifs, l’horizon temporel de rendement des investissements en capital humain, etc.). Mais tous se heurtent à la question de la pérennité de ces comportements.

8Dans cette logique, la faiblesse de la demande de travailleurs âgés s’explique par deux phénomènes :

  • une productivité inférieure à leur salaire, qu’il s’agisse du salaire qu’ils conservent en restant dans la même entreprise ou du salaire qu’ils souhaitent obtenir s’ils recherchent un emploi;
  • des préjugés sans fondement économique à l’encontre des travailleurs âgés qui conduisent à leur discrimination.

9En matière d’inégalités de traitement sur le marché du travail, les économistes distinguent en effet d’une part ce qui relève de l’action des entreprises qui vont, soit offrir des emplois et des salaires différents, soit exclure durablement de l’emploi certaines catégories de salariés, et d’autre part ce qui provient des caractéristiques individuelles des différentes catégories de salariés. La discrimination correspond à la part restante, une fois éliminées les différences de caractéristiques individuelles entre salariés. Concrètement, dans le raisonnement économique standard, la discrimination proprement dite est ce qui n’est pas justifié par des écarts de productivité individuelle.

10C’est pourquoi les travaux économiques standards se centrent sur la question du rapport entre le salaire et la productivité. La première question à se poser dans cette optique est celle de savoir si les travailleurs âgés coûtent à l’entreprise relativement plus cher (coût salarial total) que les salariés appartenant à d’autres catégories d’âge, comparativement à ce que leur travail rapporte (productivité). Dans cette question, apparaissent deux dimensions : les salaires des plus âgés par rapport à ceux des plus jeunes et leur productivité respective.

? Des salaires plus élevés de 20 à 30% en moyenne

11Les salariés âgés de plus de 50 ans perçoivent des salaires plus élevés de 20 à 30% en moyenne que les salariés de 30 à 39 ans. Ce niveau élevé de salaire ne signifie pas nécessairement que ceux qui les perçoivent sont moins compétitifs sur le marché du travail. Le lien entre emploi et salaire relatif est complexe. Il est difficile de mettre à jour un lien entre le salaire relatif d’une catégorie de salariés et la part relative de cette catégorie dans l’emploi d’un secteur d’activité ou d’une classe de taille d’établissement, même en tenant compte des niveaux de qualification. Les salariés de plus de 50 ans sont plus nombreux dans les établissements plus grands et plus capitalistiques dont les salaires sont en moyenne plus élevés. On constate en effet que la part des quinquagénaires dans les entreprises est d’autant plus importante que l’établissement est ancien et de grande taille. Cette répartition dans les établissements ne résulte pas d’une plus forte demande de salariés âgés dans certains établissements mais de l’historique des flux d’emploi : « c’est surtout l’historique des flux d’emploi qui explique le poids des quinquagénaires, bien avant les choix instantanés (des employeurs) de substitution entre classes d’âge » (Aubert, 2003). Par ailleurs, bien que les quinquagénaires semblent surreprésentés dans l’industrie et plutôt sous-représentés dans les services aux entreprises et aux particuliers, il n’en est rien une fois que l’on a neutralisé l’effet négatif [4] sur les 55-59 ans des entrées et des sorties de main-d’œuvre (Aubert, 2003).

12Pour la théorie économique, la croissance du salaire avec l’âge résulte de plusieurs phénomènes. Certains expliquent la croissance conjointe du salaire et de la productivité, d’autres justifient l’augmentation du salaire par rapport à la productivité :

  • l’accumulation avec l’âge d’expériences professionnelles et de formations internes, sur le tas ou en situation de travail, viennent peu à peu substituer leurs effets à ceux de la formation initiale (théorie du capital humain) et permettent à la productivité de continuer à progresser [5];
  • l’amélioration de la qualité de l’appariement salarié-emploi au fur et à mesure du déroulement de la carrière professionnelle. Ce déroulement révèle peu à peu des informations sur les qualités du salarié qui lui permettent de postuler ou d’être affecté à des activités où il est le plus efficace (théorie de l’appariement);
  • l’application de règles institutionnelles telles que les règles collectives de rémunération à l’ancienneté (théories institutionnalistes). Il peut en résulter une progression du salaire supérieure à celle de la productivité liée à l’accumulation de capital humain et un écart positif entre le salaire et la productivité des salariés âgés;
  • l’application d’une règle incitative [6] de gestion des rémunérations qui prévoit, dans le cadre d’un emploi durable dans une entreprise, un salaire inférieur à la productivité en début de carrière et supérieur en fin. Ce mécanisme est une incitation des salariés à l’effort dans la durée afin qu’ils restent présents le plus longtemps possible dans l’entreprise car leur salaire croît plus fortement que leur productivité avec leur ancienneté (théorie des contrats implicites ou à « paiement différé »). On peut aussi l’interpréter comme un mécanisme d’épargne forcée et d’assurance : les salariés consentent à être payés moins tant qu’ils sont dans la force de l’âge pour que leur salaire soit maintenu en fin de carrière, même si leur productivité stagne ou faiblit quelle qu’en soit la raison (usure physique, changement technique ou organisationnel). On peut également penser qu’ils acceptent que leur salaire progresse au même rythme que leurs charges familiales. Le problème est, en cas de difficulté qui touche à la pérennité de l’entreprise, celui de la rupture du contrat implicite ou du mécanisme d’épargne ou d’assurance.

13Quelle que soit la théorie explicative mobilisée, dans les faits, les salaires plus élevés des salariés âgés en emploi ne semblent pas avoir d’influence sur leur employabilité. Cette proposition est à préciser : les salariés de plus de 50 ans dont il est question sont plus nombreux dans les postes les plus qualifiés dont les salaires sont plus élevés. La croissance du salaire moyen après 50 ans ne s’observe que parmi les plus qualifiés (Aubert, 2006). Cette forte progression du salaire après 50 ans est à mettre en relation avec leur faible taux d’emploi en France. De nombreux salariés à bas salaires sortent précocement de l’emploi. De ce fait, on peut penser que la question du salaire diminue l’employabilité de ceux qui sont hors emploi. Les travailleurs âgés de plus de 55 ans et les non qualifiés sont toujours dans une situation défavorable quand ils ont quitté l’emploi. Un salaire relativement élevé peut inciter une entreprise, non pas à licencier un salarié de plus de 50 ans, mais à ne pas en embaucher d’autres, surtout s’ils sont de qualification faible ou moyenne. Ces travailleurs âgés, appartenant aux générations d’avant l’éducation de masse, se trouvent, quelle que soit leur expérience professionnelle, en concurrence directe sur le marché du travail avec les générations plus jeunes qui ont bénéficié à la fois d’un plus haut niveau de formation initiale et d’actions de formation continue [7] plus fréquentes.

? Une productivité qui ne semble pas diminuer avec l’âge

14La question est de savoir si les salaires plus élevés des salariés âgés correspondent à une productivité plus élevée. La réponse à cette question a des conséquences sur leur employabilité. Généralement, les études font apparaître une diminution de la productivité après 35 ans qui est interprétée comme une décroissance de la productivité en seconde partie de vie active.

15Il est toutefois difficile de conclure à une relation causale entre l’âge des salariés et la productivité des entreprises à partir de corrélations entre production et structure de la main-d’œuvre (Aubert, Crépon, 2003). L’évolution de la productivité avec l’âge est difficile à mesurer au niveau individuel car elle est difficilement détachable des modalités d’organisation du travail qui, elles, sont collectives. Si on la mesure à partir de la contribution des groupes de salariés définis par leur classe d’âges à la valeur ajoutée de l’entreprise comme l’ont fait Aubert et Crépon (2003), la difficulté est d’isoler ce qui est dû aux productivités propres des différentes classes d’âges et :

  • ce qui provient du fait que les salariés âgés sont plus nombreux dans les entreprises anciennes et peu efficaces : « La relation négative entre productivité et âge [...] ne vient pas du fait que les travailleurs âgés sont moins productifs que les plus jeunes, mais plutôt de celui qu’ils sont plus souvent dans les entreprises moins productives » (Aubert, 2003);
  • ce qui provient du fait que les salariés âgés représentent une part de la main-d’œuvre qui s’ajuste moins rapidement aux variations de la productivité globale : les mouvements d’embauche et de licenciement successifs de l’entreprise au cours du temps ont pu accroître mécaniquement la part relative des salariés âgés.

16La répartition des catégories d’âges entre les entreprises semble favorable aux plus âgés au sens où ils sont plus souvent employés dans les entreprises plus productives. Les entreprises les plus anciennes ont en moyenne la main-d’œuvre la plus âgée : c’est la conséquence du fonctionnement du marché du travail français où la plus forte mobilité de la main-d’œuvre est concentrée sur les jeunes qui représentent à la fois une grande partie des embauches des entreprises récentes et une grande partie des embauches et des licenciements de l’ensemble des entreprises. À l’inverse et mécaniquement, les entreprises les plus anciennes regroupent la majorité des salariés âgés à ancienneté professionnelle élevée [8]. Les entreprises les plus anciennes sont généralement les plus grandes et les plus capitalistiques et la valeur ajoutée par salarié y est en moyenne plus élevée, ce qui conduit à une plus forte productivité apparente du travail.

17Les résultats obtenus par Aubert et Crépon (2003) par cette méthode d’élimination des effets de structure et des effets d’ajustement temporel, qui viennent artificiellement modifier la valeur de la productivité des salariés âgés [9], montrent une productivité croissante avec l’âge en première partie de vie active puis stable au-delà de 40 ans dans les trois secteurs d’activité privée définis : industrie, commerce et services [10]. Les plus de 60 ans sont nettement plus productifs que les autres classes d’âges dans l’industrie, ce qui traduit un effet de sélection : ne restent au travail au-delà de cet âge que les très qualifiés. La principale conclusion des auteurs est que les salariés âgés ne connaissent pas en fin de carrière une évolution défavorable de leur productivité par rapport à leur salaire. Cependant, et la limite est importante, ce résultat ne concerne que les salariés âgés en emploi et non l’ensemble des travailleurs âgés.

? Les facteurs de la productivité des salariés âgés

18L’efficacité des systèmes de production quels qu’ils soient peut en effet dépendre de l’état de santé des travailleurs, de leurs capacités physiques, de leur rapidité d’action et de décision, de leur aptitude à apprendre et à changer de travail. Le changement organisationnel et technologique est-il a priori défavorable aux travailleurs âgés ? En fait, l’innovation technologique peut avoir des conséquences très différentes sur les travailleurs âgés.

19Les études (Aubert et al., 2006) constatent que l’introduction de nouvelles technologies et de nouvelles formes d’organisation du travail s’observe dans les entreprises où la structure des emplois est déformée en faveur des salariés les plus jeunes. Ce résultat se remarque au sein de toutes les catégories de qualification. En même temps, Behagel (2005) note que, dans les entreprises les plus innovantes en matière d’organisation ou les plus informatisées, l’accès à la formation continue pour faire face au changement est élevé à tout âge : les entreprises ne semblent pas écarter les travailleurs âgés de ces actions de formation. Toutefois, ces salariés âgés qui restent dans les entreprises les plus informatisées ont des caractéristiques individuelles particulièrement favorables (salaires élevés, pas d’épisodes de chômage), indice d’une sélection préalable [11].

20Cet auteur reprend les effets directs du changement organisationnel et technologique pour affirmer qu’aucun de ces effets n’agit mécaniquement et que l’on peut tout aussi bien invoquer les difficultés d’adaptation des salariés âgés que leurs atouts dans un contexte de changement :

  • les nouvelles organisations requièrent des capacités de communication plus importantes, l’utilisation des technologies informatiques, la polyvalence, le renouvellement des compétences et la codification des anciennes qui contribuent à dévaloriser l’expérience professionnelle des plus anciens;
    – mais précisément, les échanges d’information ne peuvent se réaliser sans expérience professionnelle. Et, surtout, le contexte de travail et la variété des expériences sont des éléments formateurs qui modèlent au cours du temps les capacités d’adaptation du salarié.

21Par ailleurs, les travailleurs âgés ne forment pas un groupe homogène. Bien qu’ils puissent avoir des préoccupations et des intérêts communs, leurs besoins varient et ils font face à des enjeux différents selon leur sexe, l’emploi qu’ils occupent et leur état de santé individuel. Les études centrées sur l’activité de travail mettent en évidence que les salariés âgés compensent la diminution de leurs capacités physiques et mentales par leur expérience (Jolivet et al., 2000).

22Cette synthèse d’études ergonomiques sur l’évolution des capacités physiques et physiologiques avec l’âge et les comportements d’adaptation des travailleurs vieillissants à ces évolutions suggère trois grandes conclusions :

  • on ne constate pas un processus uniforme de déclin des capacités avec l’âge, ni de palier mais de grandes différences interindividuelles;
  • il n’y a pas un âge charnière à partir duquel ces capacités commenceraient à décroître;
  • les capacités en fin de carrière sont fortement liées aux conditions de travail de l’ensemble de la carrière passée;
  • les travailleurs âgés mettent des stratégies en place, résultat de leur expérience passée pour rester performants. Il est donc normal de ne pas observer une diminution générale de la productivité en fin de carrière, ce qui n’empêche pas que ce problème puisse se poser pour certains salariés.

23Sur la question de la relation entre la dégradation de la santé des salariés âgés et leur travail, les exploitations d’enquêtes (SVP 50) [12] font apparaître une relation plus complexe que l’on pourrait le penser. « Il apparaît que les problèmes de santé n’impliquent pas mécaniquement des difficultés dans le travail », même si l’exclusion du travail pour raison de santé est confirmée (Molinié, 2006). Plus du quart des personnes de 50 à 59 ans étaient sorties prématurément de l’emploi en mars 2002. Leur état de santé est en moyenne nettement moins bon que celui des actifs occupés du même âge (Coutrot, Waltisperger, 2005). A contrario, Jolivet (2006) montre à travers les exemples suédois et néerlandais, le caractère institutionnel et sociétal du recours à l’argument de la santé pour évincer les salariés âgés de l’emploi.

24Nous venons d’analyser la question des salaires et de la productivité des salariés âgés en emploi et de voir qu’il est difficile de conclure à une trop faible productivité de ces salariés par rapport à leur salaire. Cette analyse a laissé en suspens la question des salariés âgés qui ne sont plus en emploi car ils sont soit au chômage, soit en inactivité. Les faibles niveaux de productivité pourraient très bien être concentrés sur eux et justifier ainsi leur éviction de l’emploi. Ainsi la baisse de salaire des travailleurs âgés qui retrouvent un emploi après une période de chômage peut, dans cette logique, être le signe d’un niveau de productivité inférieur par rapport à leur emploi précédent. Cependant, cette décote peut aussi résulter d’un effet de génération [13], de l’absence de « transférabilité » de leur capital humain ou de leur réinsertion dans une entreprise ou un secteur caractérisé par un autre type de politique salariale.

? La discrimination comme croyance et préjugé : partie intégrante de l’action humaine

25Pourquoi serait-il rationnel d’introduire des discriminations entre les salariés en fonction de leur âge (ou d’une tout autre caractéristique individuelle observable : le sexe, la couleur de la peau, etc.)? Ou, pour le dire autrement, les préjugés sont-ils rationnels ? Il existe différentes approches de la rationalité et en particulier la rationalité interprétative qui s’intéresse aux raisons d’agir des personnes, aux délibérations et aux justifications qu’elles apportent à leurs actions. Dans ce cas, l’intérêt individuel strict est médiatisé, la décision émerge de l’interaction avec les autres et avec l’environnement. Les croyances, les préjugés et le conformisme des comportements au sein d’un groupe social prennent alors toute leur importance.

26La partie précédente a permis de dégager un résultat clair : ce ne sont pas les salariés âgés en emploi qui sont en difficulté dans leur emploi, mais ceux qui en ont été écartés. Les raisons qui ont conduit à leur mise à l’écart de l’emploi peuvent être diverses [14]. Faute de les connaître précisément, on peut reporter l’attention sur l’analyse d’un autre processus mieux cerné par les études : celui du recrutement. Dans ce processus, l’âge est considéré comme un critère de sélection décisif. La probabilité pour un chômeur d’être en emploi le mois suivant décroît fortement avec l’âge : autour de 12% avant 25 ans, elle est à peine supérieure à 2% après 50 ans. Si toutefois les employeurs recrutent proportionnellement moins de travailleurs âgés, on ne peut pas dire a priori :

  • si ce phénomène provient de ce que ces travailleurs donnent effectivement des signaux d’une moindre productivité qui seraient perceptibles au moment du recrutement à travers leur parcours antérieur par exemple;
  • si cela résulte des préjugés des employeurs portant sur les difficultés d’adaptation, la santé ou tout ce qui peut atteindre les capacités productives des travailleurs âgés;
  • ou s’il s’agit d’une volonté délibérée de discrimination de leur part, ce que les juristes appellent une discrimination directe.

? L’âge, critère premier de sélection des offres d’emploi

27Après 55 ans, âge à partir duquel l’exclusion du marché du travail devient fréquente, on peut penser que la productivité joue un rôle. On ne peut pas rejeter l’hypothèse d’une moindre productivité des travailleurs âgés écartés de l’emploi. Les changements techniques et organisationnels peuvent jouer un rôle important dans la mise à l’écart d’une partie de ces travailleurs. Dans le cadre d’un marché du travail caractérisé par la sélectivité, celle-ci peut conduire à filtrer ceux des salariés âgés dont les compétences résistent aux changements technologiques ou organisationnels ou à l’ouverture à différentes formes de concurrence.

28Mais l’essentiel de ce qui se joue au moment du recrutement n’est pas là. Des formes de discriminations indirectes à l’embauche apparaissent dans le processus de recrutement lui-même. Dans leur analyse des offres d’emploi proposées par les entreprises, Marchal et Rieucau (2005) comparent les pratiques françaises et les pratiques britanniques et espagnoles. Elles constatent que la sélection des candidats s’appuie davantage en France que dans les autres pays étudiés sur des présupposés liés à l’âge. Ce critère de l’âge est utilisé pour cibler les candidats qui sont dans la tranche 25-40 ans, excluant les plus jeunes et les plus âgés. Ce critère a, qui plus est, pour caractéristique de se situer en amont du recrutement avant l’entrée en relation, au moment de l’envoi d’un dossier avec un CV, une photo et une lettre de motivation. Ces auteurs observent que cette sélection « à distance », sur les « hauts » de CV (nom, sexe, âge, domicile) pratiquée en France est une source importante de discrimination à l’embauche.

29Cette pratique française peut être mise en relation avec ce que la théorie économique appelle la discrimination statistique [15]. Selon cette théorie, le traitement différent de travailleurs de mêmes qualités professionnelles peut constituer un comportement rationnel des employeurs confrontés à l’incertitude des caractéristiques économiques des individus recrutés : l’âge (mais ce peut être aussi le sexe ou la couleur de la peau) joue alors le rôle d’un filtre pour les caractéristiques économiques non directement discernables [16]. Lorsque les caractéristiques directement observables des travailleurs ne sont pas suffisantes pour juger de la qualification ou des compétences professionnelles, le coût à payer pour la tester peut être élevé et l’employeur peut substituer à l’utilisation de ce test coûteux, la simple connaissance de l’âge du travailleur.

? Le conformisme des représentations

30Une enquête d’opinion de la Dares (Monso, Tomasini, 2003; Minni, Topiol, 2003) auprès des responsables des ressources humaines d’un échantillon de 3000 entreprises, confirme la présence de forts stéréotypes concernant les travailleurs âgés. Ces stéréotypes affectent prioritairement les décisions d’embauche, mais pas les décisions de licenciement. Il faut tout d’abord noter que le jugement sur les travailleurs âgés est relatif et dépend de celui qui le prononce. Une enquête auprès d’employeurs ou de responsables de ressources humaines (Anglaret, Massin, 2002) montre que ceux-ci considèrent leurs salariés comme âgés bien avant l’âge de la retraite. La barre du vieillissement est franchie entre 50 et 55 ans, près des deux tiers déclarant qu’un salarié est âgé à partir de 55 ans et trois sur dix dès 50 ans. L’opinion sur l’âge des salariés est fonction de l’âge des interviewés : plus celui-ci est jeune, plus il considère les salariés prématurément vieux. Dans le même ordre d’idées, d’autres enquêtes auprès de l’encadrement et de la direction des entreprises constatent que l’expérience professionnelle, qualité reconnue aux travailleurs âgés, est moins valorisée par les supérieurs jeunes ( versus plus âgés), en position hiérarchique de direction ( versus encadrement direct), ou très diplômés ( versus qui ont obtenu leur poste par promotion interne) (Gautié, 2005).

31Les travailleurs âgés sont souvent perçus comme plus lents dans l’acquisition de nouvelles compétences, incapables ou peu disposés à s’adapter à l’évolution technologique, moins productifs que les travailleurs plus jeunes et davantage susceptibles de tomber malades. Les critères de choix lors des embauches sont différents selon l’âge des candidats. Les qualités reconnues aux travailleurs âgés telles que l’expérience, une meilleure connaissance du monde du travail ou la loyauté ne font pas partie des critères de recrutement communément utilisés mais correspondent à des qualités d’employé en poste depuis longtemps (Anglaret, Bernard, 2003).

32Une analyse qui observe les recrutements en différenciant les établissements qui recrutent des personnes de plus de 50 ans et ceux qui recrutent des moins de 50 ans fait apparaître des différences sensibles (Richet-Mastain, Brunet, 2002). Les établissements qui recrutent des personnes de 50 ans et plus sont de grandes structures, avec une main-d’œuvre mobile et flexible, ou des établissements qui emploient déjà des salariés âgés dans des secteurs comme les transports, l’éducation, la santé et l’action sociale, les services aux entreprises et les industries de biens de consommation. Ces établissements mettent en avant leur expérience professionnelle, leurs compétences spécifiques, leur meilleure connaissance du monde du travail, leur plus grande conscience professionnelle et la moindre nécessité de les former (Brunet, 2002).

33Il apparaît que les employeurs favorisent une homogénéité des âges dans leurs équipes et ceux qui connaissent les qualités des travailleurs âgés sont moins réticents que les autres à les recruter. Ceux qui les embauchent en ont globalement une meilleure image :

  • ils considèrent moins fréquemment qu’un salarié est âgé à partir de 50 ans;
  • ils considèrent moins fréquemment que les conditions de performance optimale sont réunies avec une majorité de salariés de moins de 30 ans;
  • ils voient moins d’effets négatifs (sur la productivité ou sur l’image de l’entreprise auprès de ses clients) d’une augmentation de la part des salariés âgés dans l’ensemble des salariés.

34Les établissements qui, a contrario, ne recrutent pas de travailleurs de plus de 50 ans mettent en avant des critères qui sont moins favorables à cette population. Outre que les établissements enquêtés signalent en premier lieu un moins grand nombre de candidature dans cette tranche d’âge, ils insistent sur les difficultés d’adaptation des plus âgés. Plus d’un quart des établissements qui ont recruté dans l’année sans embaucher de travailleurs de plus de 50 ans [17] prétextent leur moins grande adaptation aux nouvelles technologies et au changement. Ceux qui considèrent les salariés âgés dès avant 50 ans citent la moins bonne image de l’entreprise à l’extérieur que créerait la présence de salariés de plus de 50 ans, leurs moindres aptitudes physiques, leur moins grande adaptation aux nouvelles technologies, les difficultés de gestion de la main-d’œuvre et le déséquilibre de la pyramide des âges [18] qu’entraînerait l’emploi de salariés âgés.

35Ainsi, force est de constater que les jugements sur les travailleurs âgés sont très variables et de nature égocentrique : le seuil de la vieillesse varie selon l’âge de la personne qui l’apprécie, les qualités des travailleurs âgés sont avant tout reconnues par les entreprises qui les connaissent déjà. Ces jugements que l’on peut qualifier de conformistes, car ils sont en accord avec les caractéristiques de l’entité qui les exprime, ont un effet de discrimination indirecte sans qu’il soit possible de les considérer comme irrationnels si l’on tient compte à la fois des impératifs de cohésion sociale et de prévisibilité des comportements.

? Conclusion

36Cette synthèse de la littérature consacrée à la discrimination liée à l’âge des salariés s’est donné pour objectif de confronter résultats empiriques, théories économiques et rationalité des comportements d’emploi des entreprises. Cette approche nous a conduits à distinguer deux catégories de travailleurs âgés : ceux en emploi et ceux qui en ont été écartés et qui sont, soit au chômage, soit inactifs. Le mode d’analyse et la rationalité des comportements à leur égard ne sont pas les mêmes :

  • les salariés âgés qui restent en emploi jusqu’à l’âge légal de la retraite ont préalablement fait l’objet d’une sélection positive. Ils ne semblent pas, dans la situation française actuelle, souffrir de caractéristiques productives qui leur sont défavorables, bien qu’ils bénéficient de salaires en moyenne supérieurs à ceux des plus jeunes. On note leur emploi dans des entreprises anciennes, de grande taille et capitalistiques. Les comportements d’emploi qui se manifestent à leur égard n’ont pas de raison d’être irrationnels selon une approche économique stricto sensu, puisque leur productivité ne semble pas décrocher durablement par rapport à leur salaire. Ils ne font apparemment pas non plus l’objet de pratiques discriminatoires puisque leur situation d’emploi n’apparaît pas particulièrement défavorable;
  • les travailleurs âgés qui ont préalablement été écartés de l’emploi et sont en situation de chômage ou d’inactivité ont quant à eux fait l’objet d’une sélection négative. Le manque d’analyse de leurs caractéristiques productives antérieures à cette situation ne permet pas d’apprécier leurs éventuelles défaillances en matière de productivité.
    On sait en revanche de façon certaine qu’ils souffrent de préjugés qui leur ferment les portes d’un nouvel emploi. Ces préjugés ont un effet discriminatoire indirect : il semble que ce ne soit pas tant une volonté directe de discrimination que l’usage d’un critère de tri simple (l’âge)
    dans les modalités de recrutement et/ou le conformisme des représentations (stéréotypes) qui conduise à écarter durablement les chômeurs âgés de l’emploi, dans un contexte où le nombre de candidats à un poste est pléthorique.

Notes

  • [1]
    On note pas moins de quatre thèses récentes en sciences économiques consacrées aux discriminations sur le marché du travail.
  • [2]
    L’Insee avec le n°368 de la revue Économie et Statistique de 2003 et la Dares, Ministère du Travail.
  • [3]
    Ce taux est de 37,9% en 2005, inférieur de quatre points à la moyenne européenne (« Enquête sur les forces de travail de l’Union européenne », Eurostat, 2006), cf. tableau 1.
  • [4]
    Cet effet est d’autant plus négatif que l’établissement d’emploi est de grande taille.
  • [5]
    C’est un dérivé du modèle économique de base où salaire et productivité marginale sont égaux pour toutes les catégories de salariés et toutes les périodes de temps. Dans ce cas, une surreprésentation d’une catégorie d’âge dans les emplois ne peut résulter que d’une distorsion de la concurrence provenant soit d’incitations spécifiques à l’emploi, soit d’un goût de l’employeur pour la discrimination, soit de l’imperfection de son information.
  • [6]
    Règle interne à une entreprise, à un groupe d’entreprises ou à une branche professionnelle.
  • [7]
    En vertu du principe général selon lequel « La formation va à la formation », c’est-à-dire que la formation continue bénéficie avant tout aux plus formés.
  • [8]
    Ces constats sont la conséquence de la forme du marché du travail français : traditionnellement et comparé à d’autres pays européens, le modèle du marché interne est considéré comme dominant en France bien que la mobilité externe existe, particulièrement en début de vie active.
  • [9]
    Le premier effet annulé est lié au fait que les entreprises sont plus ou moins productives et que cette productivité est corrélée à la structure de leur main-d’œuvre. Le deuxième effet annulé est soit positif sur la productivité estimée des classes d’âges jeunes du fait de recrutements de jeunes quand l’entreprise est en phase d’expansion, soit négatif sur la productivité estimée des classes d’âges plus âgées du fait du licenciement des jeunes quand l’entreprise est en phase de récession.
  • [10]
    Il pourrait exister une diminution légère de la productivité après 55 ans, alors que les coûts salariaux continuent de croître, mais ce résultat n’est pas statistiquement significatif.
  • [11]
    Mais on ne sait pas dans quel sens joue la sélection : on peut tout aussi bien dire que les entreprises les plus informatisées ont écarté les salariés les moins aptes à s’adapter aux changements ou que les entreprises dont les salariés âgés sont moins productifs sont aussi les entreprises les moins informatisées.
  • [12]
    Enquête « Santé et vie professionnelle après 50 ans », réalisée en 2003 par le groupe Épidémiologie du Cisme et le Créapt.
  • [13]
    La modération salariale touche proportionnellement davantage les plus jeunes ou les nouvellement embauchés.
  • [14]
    La principale modalité de licenciement des salariés âgés est le licenciement collectif; les raisons avancées dans les plans sociaux sont l’inadaptation des qualifications ou le montant élevé du salaire.
  • [15]
    Pour une présentation des théories économiques de la discrimination, voir Havet, Sofer, 2002.
  • [16]
    Face à un nombre élevé de candidatures, a fortiori, le choix d’un critère simple comme l’âge peut être considéré comme une rationalisation du processus de recrutement.
  • [17]
    Enquête « Emploi des salariés selon l’âge » (ESSA), menée en 2001 par la Dares.
  • [18]
    Il faut remarquer que l’argument de l’équilibre de la pyramide des âges peut être utilisé dans les deux sens : employer des salariés âgés pour rééquilibrer la pyramide des âges, ne pas en employer pour ne pas la déséquilibrer.
Français

Cette synthèse de la littérature récente sur l’emploi des travailleurs âgés s’appuie sur deux conceptions différentes de la rationalité en usage dans les travaux économiques. Selon l’une, les phénomènes de discrimination au travail n’entrent pas dans le champ de la théorie économique. Selon l’autre, ils en sont parties prenantes. Pour la première conception – substantive et optimisatrice – seule doit entrer en ligne de compte la productivité marginale des salariés et, si leur salaire y est ajusté, l’efficience productive est assurée. Les études montrent que les salariés âgés restés en emploi perçoivent un salaire élevé, que leur productivité y est proportionnée et que la diminution de leurs capacités physiques et mentales liée à l’âge est compensée par leur expérience. Pour la seconde conception – la rationalité interprétative – la discrimination, en tant que croyance et préjugé, est partie intégrante de l’action humaine. Les travailleurs âgés sont souvent perçus comme plus lents dans l’acquisition de nouvelles compétences, incapables ou peu disposés à s’adapter à l’évolution technologique, moins productifs que les travailleurs plus jeunes et plus susceptibles de tomber malades. Les travailleurs âgés écartés de l’emploi souffrent à la fois de ces stéréotypes liés à l’âge et des modalités de recrutement des entreprises dans un contexte d’abondance d’offre de travail.

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Fabienne Berton
Lise-CNRS, Cnam, chaire d’analyse sociologique du travail
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/07/2007
https://doi.org/10.3917/rs.051.0127
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