1Ce numéro est composé d’un dossier sur les pulsions de mort, organisé par Beatriz Santos et Eyal Rozmarin. Dans l’un de ces textes de relecture de l’Au-delà du Principe de Plaisir (1920), Jean Laplanche nous présente les avancées théoriques de Freud en termes d’une « nouvelle conjonction, originale et même inouïe, des différents modes de ce qui se désigne, d’une façon générale, comme le négatif : agression, destruction, sado-masochisme, haine » (Laplanche, 2013, p. 159). C’est autour de ces notions que se dessine la formulation de la pulsion de mort, à travers un mouvement qui avance de manière libre, au sens de l’association libre selon la description de Laplanche – telle une « pensée “pour voir”, faite de retours, de repentirs et de démentis » (Idem). Comme s’il fallait pouvoir se perdre dans les chemins sinueux pris par la théorisation freudienne pour pouvoir se rapprocher de ce qui serait une pensée sur la destruction de ce qui est vital, ou sur l’apaisement radical de toute tension. Une pensée libre qui, de manière peu ordinaire, sert à conduire à la fois un travail de création métapsychologique, via l’introduction de ce nouveau concept, et l’orientation clinique des analystes qui s’en servent. La pulsion de mort comme hypothèse théorique et comme un répondant clinique, d’après le dialogue établi entre les psychanalystes Monique David-Ménard et Jamieson Webster dans un numéro récent de cette Revue (Webster, 2018).
2Les quatre récits de la clinique de la pulsion de mort que nous vous présentons font un précieux état des lieux de l’usage de cette notion en Amérique du Nord. Les psychanalystes qui nous font part de leurs réflexions à ce sujet partent des origines du concept – les travaux de Sabina Spielrein sur la destruction dès 1912 et les élaborations freudiennes sur les traumatismes de guerre (1915) – pour arriver à des questions originales de la clinique contemporaine. La construction d’une idée de masculinité et son lien à la violence dans notre société (Eyal Rozmarin) ou le maniement de l’agressivité dans l’analyse des enfants en sont deux exemples (David Lichtenstein). En outre, ces textes établissent la cartographie d’un autre rapport au travail de Freud : à la référence fondamentale à Karl Abraham et son article sur les deux types de névrose de guerre (Adrienne Harris) s’ajoutent, par exemple, un retour à des développements freudiens moins cités à l'égard de la question de la pulsion de mort comme Le trouble psychogène de la vision (Jeanne Wolff-Bernstein).
3À ce dossier s’ajoutent deux articles dans une rubrique Varia. Celui de Florian Houssier et al. présente une recherche interinstitutionnelle sur la problématique de la gémellité à travers un cas clinique où la place de la mère comme objet de rejet et de frustration est examinée en comparaison avec le lien gémellaire (perçu en termes d’un espace de complétude potentiel).
4Et nous clôturons ce numéro avec l’article de Thomas Rabeyron qui resitue le contexte actuel des « therapy wars » ou « psy wars » à partir de la Grande-Bretagne. L’auteur discute de manière critique la préconisation généralisée des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) qui y a lieu. Il revient sur deux études illustrant un écart observé entre les résultats empiriques des recherches sur la prise en charge de patients, ainsi que sur le manque d’efficacité des TCCs constaté dans les cas examinés. Ces éléments sont présentés avec le but d'alerter le professionnels de santé en France quant aux conséquences de la mise en place des politiques de santé publique dans le champ des psychothérapies en Grande-Bretagne.