CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Alors qu’une grève générale suivie par plus de 80% de la population active a été organisée en Espagne, le 20 juin 2002, contre la réforme du système d’indemnisation du chômage, il ne semble toujours pas possible de parler dans ce pays d’un mouvement de chômeurs ayant atteint une visibilité nationale, une capacité de mobilisation importante et un certain degré de cohésion interne. Depuis la fin des années 1990, les actions menées par de petits collectifs de chômeurs et de précaires restent, en effet, très localisées, ponctuelles et marginales. Le paradoxe semble de taille : au cours des décennies 1980 et 1990, l’Espagne connaît un taux de chômage largement supérieur à la moyenne des États membres de l’Union européenne quand elle ne détient pas le taux le plus élevé. De plus, dès cette période, le marché du travail espagnol se transforme profondément avec la diffusion massive d’emplois précaires, au travers de l’intérim et des contrats de travail à durée déterminée. Le taux de précarité [1] a ainsi dépassé la barre des 30% depuis une quinzaine d’années (Vincent, 2005, p. 97). Malgré l’importance de ce phénomène - notamment pour les femmes et les jeunes - et l’omniprésence du chômage dans la société espagnole, des formes de protestation collective de chômeurs peinent à émerger.

2Nous essayerons de montrer dans cet article que l’analyse de cette configuration singulière passe par la compréhension du rôle déterminant qui revient aux médiations organisationnelles, qu’elles soient syndicales, politiques ou associatives, à la fois dans la constitution du groupe susceptible de se mobiliser et dans la mise en cause des interprétations dominantes des causes du sous-emploi (Bourdieu, 1984). La forte institutionnalisation du syndicalisme espagnol, mais aussi l’acceptation progressive de la part des deux confédérations majoritaires que sont les Comisiones obreras (CC.OO) et l’Unión general de Trabajadores (UGT) [2] d’un rôle de représentation limité au noyau « protégé » du salariat, contribuent à expliquer que l’une comme l’autre s’impliquent avec succès dans la défense du système d’indemnisation du chômage, sans chercher pour autant à mobiliser les chômeurs. En raison d’une implantation de plus en plus circonscrite aux seules grandes entreprises, d’une adhésion progressive aux termes du débat posés par les gouvernements successifs et par le patronat sur la nécessaire évolution des normes de l’emploi, le syndicalisme espagnol s’est très peu orienté vers des pratiques de luttes pour organiser les chômeurs, même lorsque des collectifs se sont forgés à partir de mouvements contre la fermeture d’une entreprise. Si le rapport aux chômeurs est bien posé dans les deux confédérations syndicales dominantes, il l’est de façon quasi exclusive au travers de pratiques institutionnelles (prise en charge dans la négociation collective, participation au dispositif de formation professionnelle).

3Des tentatives d’organisation des chômeurs et des précaires ont en revanche été lancées par d’autres mouvements sociaux, fortement déconnectés de l’univers syndical. Ces initiatives, à la fois ponctuelles et locales, sont nées du mouvement autogestionnaire okupas (squats), des associations de quartiers ou encore des réseaux de lutte contre la pauvreté de tradition chrétienne (Aganzo, 2003). Malgré le développement d’un important cycle de mobilisations durant le second mandat de José María Aznar (2000-2004) (Pont Vidal, 2004), marqué notamment par l’essor du mouvement altermondialiste, les luttes de chômeurs sont ainsi demeurées très parcellisées. L’absence de constitution d’un mouvement de chômeurs dans une société profondément marquée par le chômage de masse, l’importance des contrats à temps partiel et le travail informel renvoient à de multiples facteurs, dont une partie seraient à saisir au niveau des individus, de la structure familiale et de la division sexuée du travail (Durán, 2005). Pour autant, nous insisterons ici sur ce qui se joue à l’échelle des organisations et des interactions entre celles-ci, sur l’environnement dans lequel elles s’inscrivent. Les dimensions encore très restreintes des mobilisations de chômeurs sont ainsi à comprendre au regard de la place qu’occupent les confédérations syndicales dans l’espace de la conflictualité sociale [3] et du système d’alliances qu’elles privilégient (Rucht, 2004). Malgré une conjoncture politique favorable à un travail de construction d’une coalition sociale (Staggenborg, 1986) contre la réforme du système d’indemnisation du chômage lancée en 2002 par le gouvernement Aznar, les syndicats ne vont pas chercher d’alliances du côté des associations de chômeurs et précaires. Aucune coopération n’est envisagée par l’acteur qui occupe, de fait, une position centrale dans la représentation du monde du travail : s’il n’y a pas de conflit ouvert entre les confédérations syndicales et les petites associations de chômeurs - comme cela a pu arriver en France -, les premières ne sont pas loin de participer sinon d’une forme de contre-mouvement, du moins au maintien d’un environnement hostile au niveau national pour le renforcement d’un mouvement de chômeurs (Meyer et Staggenborg, 1996).

1. Défendre le système d’indemnisation du chômage sans les chômeurs : les implications d’un syndicalisme institutionnalisé

4La grève générale du 20 juin 2002 - la quatrième depuis le rétablissement de la démocratie en 1975 - est convoquée par l’ensemble des organisations syndicales, et principalement par les CC.OO et l’UGT, en réaction au projet de réforme du système d’indemnisation du chômage élaboré par le gouvernement Aznar. Or, la décision de déclencher cette grève renvoie plus aux phases internes des relations professionnelles en Espagne qu’elle n’atteste d’un changement dans les modalités d’action des syndicats ou de l’émergence de nouveaux groupes mobilisés à leurs côtés. Entièrement contrôlée par les CC.OO et l’UGT, la grève générale répond au motif de défendre les droits sociaux des chômeurs, mais sans que ces derniers ne soient visibles collectivement, sinon en quelques parties du territoire, et notamment en Andalousie. Cette déconnexion entre les organisations syndicales qui occupent une place centrale dans le système institutionnel de représentation du monde du travail et une large part de la population active - à savoir les actifs sans emploi - s’explique en grande partie par le processus de reconfiguration historique qu’elles ont entamé à partir de la Transition [4]. De même, le type de relations professionnelles qui se nouent en Espagne à cette époque permet de mieux comprendre les raisons pour lesquelles les mouvements de chômeurs disposent de ressources aussi faibles et sont relégués en marge d’une arène de négociation où le devenir des formes d’emploi se discutent sans eux.

5Durant la période de Transition, en effet, deux enjeux sociaux majeurs sont fortement entremêlés. D’un côté, les organisations syndicales, sortant soit de la clandestinité (comme les Commissions ouvrières), soit de l’exil (comme l’UGT), misent sur une participation active à la politique de concertation initiée par le gouvernement Suárez au niveau national afin d’acquérir rapidement une reconnaissance institutionnelle dans le nouveau régime. Cette politique se traduit par la signature d’accords tripartites entre le gouvernement, le patronat représenté par la Confederación española de las organizaciones empresariales (CEOE) et les confédérations syndicales : les « pactes de la Moncloa », ratifiés en octobre 1977, en constituent le point de départ. Caractérisée comme une modalité d’« échange politique » (Crouch et Pizzorno, 1978) ayant conduit le système des relations professionnelles en Espagne d’un corporatisme vertical, mis en place par le régime franquiste, à un modèle néo-corporatiste (Pérez Yruela et Giner, 1988 ; Zaragoza et Varela, 1990, pp. 43-73), cette politique de concertation a largement orienté la pratique syndicale, desservie par un faible taux d’affiliation [5], vers une très forte institutionnalisation.

6De l’autre côté, les gouvernements successifs, d’abord de centre droit avec l’UCD, puis socialistes avec la victoire du PSOE aux élections législatives de 1982, tentent de réagir à la crise économique et sociale qui se développe alors en Espagne. Entre 1977 et 1985, le nombre de chômeurs passe de 415 000 à près de deux millions. Or, les orientations économiques adoptées par les majorités au pouvoir - sans que la victoire de la gauche ne constitue ici la moindre rupture (Soto Carmona, 1996) - se traduisent par de vastes restructurations industrielles, des politiques de restriction budgétaire et monétaire, de libéralisation des marchés financiers, de privatisations et de flexibilisation du marché du travail. Les relations entre les syndicats et l’exécutif se construisent donc dès 1978 dans un contexte de pression sur les formes d’emploi et sur les modalités de licenciement, non seulement pour démanteler les vestiges du système corporatif franquiste (qui soumettait par exemple le licenciement à une autorisation administrative), mais aussi pour enclencher un tournant libéral (Bilbao, 1995).

Tableau 1

évolution du taux de chômage en Espagne (en % de la population active)

Tableau 1
Tableau 1 : évolution du taux de chômage en Espagne (en % de la population active) 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 Global 7,6 12,6 17,1 21,7 21,1 19,4 16,2 Hom. ND 10,8 14,8 19,0 19,4 15,2 12 Fem. ND 12,8 18,7 23,0 25,3 27,7 24,2 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 Global 18,3 24,1 22,1 18,6 13,8 11,5 11 Hom. 14,3 19,8 17,4 13,6 9,6 8,2 8,2 Fem. 25,6 31,4 29,6 26,5 20,4 16,4 15,0 Source : Instituto Nacional de Estadistica (INE); ND : non disponible

évolution du taux de chômage en Espagne (en % de la population active)

Instituto Nacional de Estadistica (INE); ND : non disponible

7Katrina Burgess distingue trois phases dans les relations syndicats/gouvernement en Espagne (Burgess, 1999, p. 3). La première, de 1978 à 1986, est marquée par la lutte de placement qui oppose les CC.OO à l’UGT. Le système des relations professionnelles est en pleine reconstruction et il s’agit pour les deux organisations de s’assurer une place dominante, voire hégémonique à l’intérieur de celui-ci. Les CC.OO, de sensibilité communiste, sont les seules à disposer d’une influence relative dans les entreprises au début de la Transition, quand l’UGT, d’orientation socialiste, ne possède aucune implantation de terrain. Dès lors - et de façon parallèle à ce qui se joue dans l’espace politique où le PSOE de Felipe González s’efforce de prendre l’avantage sur le PCE - l’UGT mise essentiellement sur la politique contractuelle au niveau national pour se renforcer, aidée en cela par le gouvernement et le patronat désireux d’instaurer durablement un pluralisme syndical. Entre 1979 et 1984, l’UGT signe cinq grands pactes sociaux, contre deux seulement pour les CC.OO. En contrepartie, les deux confédérations accèdent à la reconnaissance des sections syndicales dans l’entreprise, à la gestion paritaire d’une partie de l’assurance-chômage établie en 1984 et bénéficient de fortes subventions publiques. Cette « étatisation de l’action syndicale » (Bunel, 2000, p. 66) renforce les tendances à l’autonomisation des appareils dirigeants par rapport à la base en même temps qu’elle contribue à contenir la protestation sociale.

8L’Accord national sur l’Emploi (ANE), conclu en juin 1981 juste après la tentative de coup d’État (février 1981), est l’un des pactes les plus importants, qui crée toute une série de contrats atypiques (temporaire, d’apprentissage, etc.) dont l’usage demeure fortement réglementé. Il est signé aussi bien par les CC.OO, pour qui cette politique de compromis se justifie uniquement en raison de la fragilité de la démocratie espagnole, que par l’UGT, laquelle mise à plus long terme sur les retombées de l’option contractuelle. En échange de ce renoncement au CDI comme norme intangible, les deux organisations obtiennent de forts avantages institutionnels et financiers, l’UGT récupérant notamment progressivement son patrimoine immobilier, saisi par le régime franquiste.

9Devenue la première organisation en termes d’audience alors que son partenaire politique, le PSOE, arrive au gouvernement en mai 1982, l’UGT se trouve fortement impliquée dans une nouvelle étape de dérégulation des normes de l’emploi. En octobre 1984, le syndicat signe avec le gouvernement et la CEOE un Accord Économique et Social (AES) qui instaure quatorze formes de contrats nouveaux (à durée déterminée et à temps partiel) et exonère les employeurs d’une partie des charges sociales. Or, ce dispositif entraîne des conséquences majeures et crée les conditions pour que le CDI devienne une exception. Une fois encore, l’échange politique entre le gouvernement González et l’UGT est de mise : le syndicat obtient ainsi de nouvelles lois sur la participation des sections syndicales dans les entreprises publiques et entend peser en faveur d’une extension du nombre de sans-emploi couvert par l’assurance-chômage. Pourtant, les résultats se font attendre et l’influence de l’UGT recule lors des élections professionnelles de 1986. Les conditions semblent alors réunies pour qu’une cassure se produise, dans le camp socialiste, entre l’UGT et le PSOE.

10Cette rupture signifie l’entrée dans une deuxième phase des relations syndicats/gouvernement (1986-1994), marquée cette fois-ci par l’unité d’action entre les deux confédérations. Dans un contexte de chômage de masse, particulièrement fort parmi les jeunes (41,3% en 1987), les deux organisations vont s’opposer ensemble aux politiques économiques du gouvernement González. C’est l’annonce d’un Plan d’Emploi pour les Jeunes (PEJ), prévoyant une période de trois ans au salaire minimum, qui déclenche, le 14 décembre 1988, la première grève générale depuis le rétablissement de la démocratie, contre ces « emplois poubelles ». L’immense mobilisation (Aguilar et Roca, 1991) contraint le gouvernement à prendre acte de ce nouveau rapport de force et en particulier à accepter une hausse significative du taux de couverture de l’assurance-chômage qui passe de 29% en 1988 à 52% en 1991 (Burgess, 1999, p. 16).

11Pour autant, le refus des deux confédérations de prendre part à la négociation nationale a des effets limités et ambigus. Si le succès de leur stratégie d’opposition contribue à les re-légitimer en tant qu’acteurs incontournables de la scène protestataire, ni l’UGT ni les CC.OO ne sont en mesure d’enrayer le processus de segmentation du marché du travail et la précarisation d’une frange importante du salariat. Les employeurs, de leur côté, contournent la situation de blocage au niveau national en nouant des accords sectoriels et d’entreprise, imposant le recours massif aux formes d’emplois les moins protégés dans les secteurs où les syndicats sont, de fait, très peu implantés. Entre 1986 et 1991, le pourcentage de salariés sous contrat temporaire augmente de 18 à 32% et les créations d’emplois permanents deviennent minoritaires (Vincent, 2005, p. 100). Une situation duale s’instaure durablement et va peser, en retour, sur les orientations syndicales. Dans les entreprises où les syndicats sont forts, un « noyau dur » de salariés bénéficient d’un bon niveau de protection sociale grâce à des emplois stables, à durée indéterminée. Ailleurs, des cercles de salariés fragilisés s’étendent de plus en plus, précarisés par la généralisation des contrats de travail temporaire (CDD de très courte durée et intérim), l’absence de représentation syndicale et un accès plus limité à la protection sociale.

12Le contraste entre ces deux composantes du salariat s’aggrave d’autant plus qu’en 1992, le gouvernement González procède à une première réforme du système d’indemnisation du chômage. La durée et le montant des prestations sont revus à la baisse, tandis que la période minimale de cotisations ouvrant droit à des prestations est portée de six à douze mois (sachant que plus des deux tiers des contrats temporaires sont alors d’une durée inférieure à six mois). Face à ce que la presse et les syndicats dénoncent comme un decretazo (décret imposé par la force), l’UGT et les CC.OO prennent l’initiative d’une deuxième grève générale, en mai 1992, qui est largement suivie même si elle n’atteint pas l’impact symbolique de la première. Le fossé entre les organisations syndicales et le PSOE s’accroît de façon évidente dans un contexte économique devenu critique au début des années 1990. Pris entre l’exigence d’intégrer l’Union économique et monétaire (UEM) et un nouveau jeu d’alliance politique avec le centre droit nationaliste et libéral après la perte de la majorité absolue aux élections législatives de 1993, le gouvernement socialiste choisit de faire passer en force, sans consultation des « partenaires sociaux », et d’imposer ses « Mesures urgentes pour promouvoir l’emploi ». Cet épisode ouvre une nouvelle période d’intenses confrontations entre le pouvoir et les deux confédérations majoritaires. Cette fois-ci, les changements introduits dans les modalités de licenciement visent directement le noyau stable du salariat, c’est-à-dire la base adhérente de l’UGT et des CC.OO. Signe de cette opposition frontale, une troisième grève générale est organisée le 24 janvier 1994. Pourtant, la mobilisation ne parviendra pas à infléchir la détermination du gouvernement. Ainsi, la loi adoptée quelques jours plus tard assouplit les conditions de licenciement et restaure le Plan d’emploi pour les jeunes de 1988. Surtout, la réforme met fin au monopole public pour l’emploi et autorise la création d’agences privées de travail temporaire. Constatant l’inefficacité de leur stratégie, les confédérations syndicales reviennent peu à peu à des positionnements et des modes d’intervention plus conciliants avec le pouvoir.

13Une troisième phase s’esquisse alors, celle du retour à la table de négociation (1994-1998). L’UGT et les CC.OO connaissent depuis 1991 un déclin du nombre de leurs adhérents et leurs dirigeants commencent à prendre conscience du fait que la forte dualisation du salariat menace la pérennité de leur action (Burgess, 1999, p. 20). La ligne de conduite devient plus pragmatique, selon le terme en usage dans le discours syndical : il s’agit de privilégier la négociation, de tenter d’instaurer un nouvel échange en concédant des changements touchant le « noyau dur » du salariat dans l’objectif de limiter l’utilisation des contrats temporaires. Dans cet objectif d’améliorer l’existant, les syndicats apportent notamment leur soutien à des accords dans les agences privées de travail temporaire pour y établir un salaire minimum ; démarche qui implique de facto leur reconnaissance. Ce glissement des positions - avec un ralliement de l’UGT et des CC.OO à l’idée que la protection de l’emploi peut faire obstacle à la création de celui-ci (Vincent, 2005, p. 104) - se précise avec la victoire du Partido Popular aux élections législatives de 1996. L’arrivée au pouvoir d’un parti ouvertement libéral conduit les syndicats à anticiper la remise en cause des droits sociaux qu’ils jugeaient auparavant non négociables. En avril 1997, ils signent ainsi un Accord inter-confédéral pour la stabilité de l’emploi qui entérine, sous le gouvernement Aznar, leur retour à la concertation sociale : les CC.OO et l’UGT acceptent ainsi la réduction du nombre légal de contrats atypiques de quatorze à cinq contre une diminution des indemnités de licenciement pour les salariés en CDI [6].

14Sur toute cette période qui s’ouvre, en fait, dès la Transition, l’implication des deux grands confédérations dans les politiques de réduction du coût du licenciement et dans la gestion de l’emploi précaire contribue à conforter leur image de syndicats fortement institutionnalisés et très éloignés des préoccupations quotidiennes de la majorité des salariés. En même temps, à partir de la première grève générale du 14 décembre 1988, l’UGT et les CC.OO occupent de façon régulière la scène conflictuelle, passant d’une relation de coopération avec le gouvernement à une relation de confrontation. Ce changement de position contribue à opacifier le système d’alliance qui pourrait se mettre en place (della Porta et Rucht, 1995). Les organisations syndicales, malgré leur forte institutionnalisation, ne renoncent pas à se présenter comme des fers de lance de la contestation, à des moments donnés, pour la défense de la protection sociale. En parallèle, ces organisations accordent une importance prioritaire à leur rôle dans les relations professionnelles, ne faisant pas de l’organisation des chômeurs un objectif interne : de ce point de vue, par leurs discours comme par leurs pratiques, elles constituent un obstacle dans le processus d’organisation et de représentation des chômeurs.

2. Syndicats, partis et mouvements de chômeurs : l’impossible travail de coalition

15Alors même que la réforme du marché du travail apparaît comme un enjeu central des relations professionnelles à partir du début des années 1980 et que la pression exercée par un taux de chômage à plus de 15% sert la politique de libéralisation menée par le gouvernement et les représentants des employeurs, les CC.OO et l’UGT n’entretiennent qu’un rapport distant aux sans-emploi. Les salariés en contrats précaires et les chômeurs représentent pourtant plus de six millions de personnes sur dix-huit millions d’actifs, au milieu de la décennie 1990. Malgré la montée de ce que Rafael Diaz-Salazar dénomme « le prolétariat du XXIe siècle » (Diaz-Salazar, 2003, p. 73), les deux confédérations continuent à construire leurs revendications dans l’objectif de protéger l’emploi stable et déterminent leurs positions par rapport au seul groupe des salariés en CDI. Si l’importance du chômage est bien analysée par les syndicats comme un moyen de pression du patronat sur les conditions d’emploi, leurs discours n’évoluent pas vers la prise en compte de ce qui pourraient être les revendications propres des chômeurs, qu’il s’agisse de la mise en place d’un revenu minimum ou de la gratuité des transports publics.

16Ni l’UGT ni les CC.OO n’ont envisagé, par exemple, de modifier leurs structures internes pour créer des comités ou des syndicats de chômeurs, alors même que les retraités et les jeunes (moins de 35 ans) bénéficient de la mise en place de dispositifs organisationnels propres (comme l’association Urgente pour les jeunes au sein de l’UGT). Les salariés sans emploi restent affiliés à leur fédération professionnelle d’origine et n’ont pas la possibilité de rejoindre une structure syndicale transversale ayant vocation à rassembler les chômeurs. Or, cette situation entraîne une désaffiliation progressive des adhérents, le lien avec la fédération professionnelle d’origine s’effaçant une fois que l’entreprise est fermée. La seule démarche qu’adoptent les syndicats, dans une optique de proposition de services à leurs adhérents (tels les voyages, les locations, le développement des photos), est la mise en place de cours au sein des locaux syndicaux, pour les actifs ayant un emploi comme pour les sans-emploi. Bénéficiant d’un financement public - national ou via le Fonds social européen - des fondations syndicales spécialisées dans ce type d’activités organisent des sessions pratiques (obtenir des allocations), souvent orientées vers la création de micro-entreprises ou de formations spécifiques (devenir « agent de développement touristique », par exemple). Il est frappant de constater, dès l’entrée dans les locaux syndicaux - et de façon plus marquée, dans ceux de l’UGT - que les panneaux d’affichage proposent des dizaines de formations, avec le détail des heures, le lieu et le niveau requis pour suivre celles-ci.

17Ce rapport au chômage, qui est soit très englobant (appréhendé d’un point de vue macro) soit proche d’une forme de traitement social, découle en partie d’un rétrécissement de la base adhérente des syndicats et de leurs difficultés à prétendre représenter, dès le milieu des années 1980, l’ensemble des salariés. À partir d’enquêtes quantitatives, Rafael Serrano del Rosal montre bien que le profil type du syndiqué, au fur et à mesure que se sont détériorées les conditions d’emploi et de travail, est de plus en plus celui d’un homme disposant d’un contrat de travail stable, dans une entreprise de plus de mille salariés (Serrano del Rosal, 2000, pp. 151-173). Les CC.OO et l’UGT seraient progressivement devenues prisonnières de cette base sociale restreinte, défendant une fraction appelée à devenir minoritaire de la population active et se montrant incapables de proposer des revendications susceptibles de dépasser les clivages de plus en plus aigus au sein du salariat (Polavieja et Richards, 2001, p. 205).

18Cette situation qui les conduit à se penser comme les porte-parole institués d’une seule partie du salariat, représentation entretenue de plus par la forte routinisation des pratiques syndicales et par l’autonomie relative des équipes dirigeantes, contribue à ce que la perspective d’une alliance, même ponctuelle, avec d’autres types de mouvements sociaux ne soit pas envisagée. Un travail de construction d’une coalition, dans le sens avancé plus haut et repris des travaux de Suzanne Staggenborg, ne fait pas partie des priorités des deux confédérations syndicales. Si celles-ci maintiennent dans leur champ de vision la question du politique dans un processus de prise de distance avec les partis venant de la même matrice idéologique (le PSOE et l’ex-Parti communiste espagnol qui a rejoint une union plus large dénommée Izquierda Unida), elles ne considèrent en aucun cas les petits groupes de chômeurs mobilisés via les associations de quartier ou le mouvement des squats comme des alliés potentiels. Tout se passe comme si ces organisations relevaient d’un autre secteur, alors même qu’elles sont aux prises avec le travail informel, la précarité et le chômage. La campagne sur la réduction du temps de travail aurait ainsi pu fournir un premier point d’appui pour articuler les intérêts des sans-emploi et ceux des actifs occupés (Wert, 2000, pp. 43-73). La mobilisation est cependant restée limitée et a manqué d’appuis politiques compte tenu de l’échec de la stratégie d’union électorale entre le PSOE et Izquierda Unida lors des élections législatives de 2000.

19En retour, l’omniprésence de salariés en CDI dans les organisations syndicales se répercute dans la façon dont ceux qui se situent hors de ce « noyau dur » se représentent ces dernières. Ainsi, les actions intentées contre les employeurs pour obtenir le paiement d’indemnités de licenciement sont de plus en plus le fruit d’initiatives individuelles, via le recours à des avocats, qui contournent délibérément le rôle des sections syndicales d’entreprise (Serrano del Rosal, 2000, p. 155).

20Trois variables expliqueraient, selon Katrina Burgess, que les orientations contre le chômage se concentrent quasi-exclusivement sur des mesures de contractualisation : (1) le poids du contexte institutionnel, (2) ce qu’elle appelle « le dilemme insiders / outsiders » et (3) l’impact de l’apprentissage politique (Burgess, 1999, pp. 2-3). Sans revenir ici sur le premier facteur, il est intéressant de pointer combien la relation aux outsiders, c’est-à-dire aux salariés ne disposant pas de contrats à durée indéterminée, a pesé dans le sens d’un plus grand réformisme syndical. Ce que Rafael Serrano del Rosal identifie de son côté comme la « deuxième transition syndicale » (Serrano del Rosal, 2000, pp. 177-198) est bien une phase de renoncement progressif à tout objectif de transformation sociale, qui devient manifeste à partir de 1994. C’est paradoxalement en cherchant de façon tardive à rééquilibrer la donne en faveur des outsiders - qu’elles ne comptent pas parmi leurs adhérents - que les deux confédérations finissent par accepter le principe de la flexibilité ou à se rallier à l’interprétation d’un « coût du travail trop élevé ».

21Par « apprentissage politique », Katrina Burgess désigne le relâchement des proximités syndicats / partis qui aurait conduit les premiers à une forme de pragmatisme : à partir des années 1990, pour l’UGT comme pour les CC.OO, les pactes nationaux peuvent être signés avec un gouvernement de droite si les dispositions prévues apportent des éléments jugés satisfaisants. Le même phénomène a favorisé par ailleurs un rapprochement entre les deux confédérations syndicales, si bien que peu d’éléments permettent aujourd’hui, au plan national, de distinguer leur démarche. Même si des différences se maintiennent dans les entreprises, où la rivalité entre les CC.OO et l’UGT est entretenue par les élections professionnelles, peu d’espaces favorables à un syndicalisme de lutte et par là même à une participation plus active aux mouvements sociaux semblent se dégager au sein des fédérations et des unions territoriales. De ce point de vue, à l’exception de quelques luttes d’entreprises qui ont entraîné des scissions et la création de nouvelles organisations - notamment dans le secteur des télécommunications, suite à des départs de militants critiques des CC.OO -, la bureaucratisation des deux confédérations n’a pas engendré, en retour, des pratiques dissidentes de type plus « activistes » en direction des chômeurs à l’intérieur des structures syndicales ; ce que Rick Fantasia et Judith Stepan-Norris qualifient comme des « activités de mouvement social dans les syndicats » (Fantasia et Stepan-Norris, 2004, p. 559).

22Cette dissociation avec les stratégies partisanes a également conduit les confédérations à se replier sur ce qu’elles considèrent comme leur espace propre, celui des relations professionnelles. Or, cette posture est loin de contribuer à la politisation de la question du chômage, qui devient un problème à régler par l’assouplissement des normes d’emploi et de licenciement. Sur le plan de l’analyse économique du chômage, les deux confédérations se sont ralliées au consensus idéologique établi par les deux principaux partis présents sur la scène nationale (le PSOE et le PP) et ont renoncé à toute forme de contre-expertise. Séparés sur le plan organisationnel, parfois en conflit, les acteurs hégémoniques de la gauche politique et syndicale espagnole (PSOE, CC.OO et UGT) partagent, en fait, une même acceptation de l’économie de marché. Cette forte hétéronomie des confédérations syndicales par rapport aux analyses d’inspiration libérale des nécessaires réformes du marché du travail est également à comprendre au regard de l’intégration de l’UGT, puis des CC.OO dans la Confédération européenne des syndicats (CES) - organisation dans laquelle elles ne jouent pas un rôle critique - et à la faiblesse des débats, en Espagne, sur le processus de l’intégration européenne largement perçu comme positif (Alvarez Miranda, 1996, pp. 213-310).

23En outre, aucun d’eux n’accorde un fort investissement symbolique dans les dimensions de l’État-providence. Celui-ci n’a été édifié qu’à partir de la Transition démocratique, en particulier au moment de l’arrivée au pouvoir des socialistes en 1982, avec l’universalisation des droits à la protection, qu’il s’agisse de l’assurance-maladie, de l’assurance-chômage ou des retraites (Moreno et Sebastiá, 1993). Si la volonté de rattraper les dispositifs en vigueur dans les pays de la CEE est manifeste durant les premières années, les choix effectués par la suite sont très vite ceux de revenus d’assistance financés par l’impôt et non de salaires différés fondés sur la cotisation (Adelantado et al., 1998, pp. 210-211). De plus, dès 1991, le gouvernement González introduit des limitations importantes dans le niveau et la durée des différentes prestations. L’instauration de l’État-providence s’est donc effectuée sur fond d’adaptation à un capitalisme avancé, sans que les syndicats puissent se considérer comme parties prenantes d’une réalisation historique. Enfin, le processus de régionalisation a contribué à multiplier les échelons de gouvernement et les acteurs des politiques sociales, ouvrant certes des espaces d’interpellation et de contestation, mais diluant aussi les responsabilités.

3. Des associations de chômeurs peu insérées dans un système d’alliances

24Dans ce contexte, les associations de chômeurs et de précaires apparues à la fin des années 1980 sont demeurées totalement à l’écart de cet univers syndical et partisan fortement institutionnalisé et ne se sont déployées qu’au niveau local. Leur seul lien avec les organisations syndicales réside dans la participation sporadique de quelques militants issus des courants minoritaires des CC.OO ou de syndicats de tradition anarchiste, de taille réduite et marginalisés sur la scène nationale, comme la CGT (Confederación general del Trabajo) ou la CNT (Confederación nacional del Trabajo). Les initiatives pour organiser localement les privés d’emploi se sont, pour la plupart, développées dans le milieu des ONG. En 1988 apparaît ainsi une Coordination étatique contre le chômage, la pauvreté et l’exclusion sociale qui, contrairement à ce que suggère son nom, ne parvient pas à établir véritablement des contacts stables entre les différents groupes locaux. Un début de coordination s’ébauche bien plus tard, dans le sillage de la mobilisation altermondialiste (campagne contre le FMI en 1995) et des Marches européennes contre le chômage et la précarité de 1997, qui entraîne une participation active des chômeurs dans les communautés autonomes d’Andalousie, de Catalogne, du Pays Basque et de Valence.

25« Il serait disproportionné », note Andrés Aganzo, « d’attribuer le caractère de mouvement social, dans le sens classique de l’expression, à des initiatives qui se concrétisent comme des actions ponctuelles contre le chômage et la précarité sociale » (Aganzo, 2003, p. 222). Ces collectifs de chômeurs apparaissent plutôt, en effet, dans le prolongement de réseaux associatifs préexistants - collectifs de lutte pour le logement comme Baladre [7] (du nom d’un quartier populaire de Sagunto, près de Valence), mouvement de squatters, collectifs de soutien aux prisonniers - qui reformulent un certain nombre de leurs thèmes de lutte au fur et à mesure de l’évolution du contexte politique. De ce point de vue, ils suivent un processus d’adaptation et de transformation proche de celui qu’ont connu plusieurs acteurs associatifs investis dans le mouvement altermondialiste en France (Agrikoliansky et al., 2005). Par exemple, le collectif des « gens de Baladre » a peu à peu rassemblé des groupes habitués à se mobiliser dans les quartiers populaires des grandes villes valenciennes et catalanes, qui construisent leur cahier revendicatif à partir de l’exigence de prestations sociales. Au droit au logement, à l’alimentation, à l’électricité, à l’éducation et à la culture, ils ont ajouté celui à un revenu universel minimum et inconditionnel (renta básica). Ce collectif réunit de façon lâche des « assemblées locales » que rapproche leur refus de toutes les manifestations de la pauvreté urbaine. Une structuration identique prévaut au sein de l’assemblée Rompamos el silencio - réseau d’associations catalanes, madrilènes et andalouses - qui a organisé une réunion publique en février 2000 à laquelle ont participé une vingtaine d’organisations. Conçue comme une « union temporaire d’identités sociales distinctes », ces associations se sont construites à partir d’une préoccupation commune pour les questions de pauvreté et d’exclusion, l’expérience de la prison, les conséquences de la consommation de drogue, ou les violences sociales. La lutte contre le chômage prend ainsi sa place dans un ensemble revendicatif plus large, qui débouche sur une critique du modèle de société capitaliste (Aganzo, 2003, pp. 228-229). Les caractéristiques historiques et sociologiques de ces associations les conduisent à articuler des modalités d’aide et d’action héritées des milieux catholiques et humanistes de gauche (tels les repas « solidaires » pris chez les uns et les autres, la mutualisation des achats, etc.) - qui sont des vecteurs de résistance au quotidien - et des initiatives plus radicales, inspirées par une tradition d’action directe non-violente. Certains de ces répertoires sont directement influencés par le mouvement de chômeurs en France, comme le fait d’utiliser de façon visible et collective les transports gratuitement, tandis que d’autres se réfèrent davantage à des événements inscrits dans une tradition de lutte plus locale, telles les grèves de la faim ou l’occupation de l’Évêché de Barcelone en mai 1999.

26Au début des années 2000, ces associations ont progressivement étoffé et précisé leurs revendications contre la précarité et le chômage, établissant de nouvelles connexions, notamment avec les immigrés clandestins en lutte pour leur régularisation. Les agences de travail temporaire privées, comme les réseaux de formation professionnelle gérés par les syndicats, sont devenus l’une des cibles de leur mécontentement. Très attachées au principe d’auto-organisation et à leur indépendance vis-à-vis des partis et des institutions, ces associations ont parfois dû revoir leurs rapports aux pouvoirs locaux et régionaux. À Madrid, la campagne menée pour la gratuité des transports, soutenue par une pétition ayant réuni plus de 15 000 signatures, a ainsi été relayée à l’intérieur de l’assemblée municipale par les groupes du PSOE et d’IU, représentants de l’opposition locale. Dans la communauté autonome du Pays basque, une plate-forme de lutte contre le chômage et la pauvreté a utilisé le dispositif législatif d’initiative populaire, prévu par le Statut d’autonomie [8]. La proposition de loi portait sur la réduction de la semaine de travail à 32h et sur la création d’un revenu minimum équivalent au salaire minimum interprofessionnel. Dénommé « Charte des droits sociaux », ce programme a bénéficié d’un soutien plus large que les seuls petits groupes de chômeurs, suscitant l’appui des milieux associatifs chrétiens, de chercheurs de l’Université du Pays basque et des syndicats, nationalistes notamment. La campagne de signatures lancée en 1996 a ainsi permis d’en récolter 82 053. Cette proposition a finalement été transformée en loi, dans le cadre exclusif de la communauté autonome, le 27 décembre 2000, les députés ayant cependant réduit le revenu minimum à 75% du salaire minimum, réservé le dispositif aux plus de 25 ans et au moins de 65 ans et renoncé à toute réduction du temps de travail (Aganzo, 2003, pp. 251-254). Ces deux derniers exemples montrent à quel point l’existence de relais politiques permet à des mobilisations de groupes à très faibles ressources de gagner de façon aussi soudaine que ponctuelle en visibilité et même de faire aboutir des revendications. En ce sens, c’est bien l’isolement des collectifs de chômeurs et de précaires - lesquels ne cherchent que peu à y remédier, n’envisageant pas de nouer des alliances du côté de l’UGT et des CC.OO - qui contribue largement à expliquer leur marginalité dans l’espace de la conflictualité sociale.

4. Du local au régional : l’insertion limitée des mouvements de précaires et chômeurs dans d’autres cycles de mobilisation

27En raison de ces multiples initiatives locales ou régionales et, parallèlement, du travail d’élaboration de revendications cohérentes sur la question de la précarité et du chômage, la grève générale du 20 juin 2002 aurait pu constituer un moment d’accélération dans l’émergence d’un mouvement de chômeurs. Il n’en a pourtant rien été, à l’exception du cas très particulier de l’Andalousie, qui permet de souligner la multiplication et la fragmentation des scènes d’action publique en Espagne induites par le processus de régionalisation.

28Bien qu’elle revête de nombreuses significations, la grève du 20 juin 2002 n’a pas sensiblement modifié les conditions d’organisation et de mobilisation des chômeurs. Deux raisons principales éclairent ce « faux événement ». D’une part, le mouvement lancé par les syndicats contre la réforme de l’indemnisation du chômage n’est pas le premier à contester un projet de libéralisation des normes d’emploi et de mise au travail, puisque ceux de 1988, de 1992 et de 1994 se sont déclenchés à partir de ce type d’enjeu. D’autre part, il renvoie essentiellement à la dimension politique des relations professionnelles, c’est-à-dire aux jeux stratégiques - entre gouvernement, organisations patronales et syndicales - qui en constituent la trame sans affecter directement la situation des chômeurs.

29La grève générale s’inscrit, de fait, dans un cycle de mobilisations relativement intense en Espagne durant le second mandat de José María Aznar (2000-2004). C’est d’abord le rejet de la loi sur les étrangers qui déclenche de fortes manifestations en 2001, année au cours de laquelle les étudiants protestent également en masse contre la loi de réforme universitaire. En 2002, le plan hydrologique national qui prévoit le transvasement des eaux de l’Ebre entraîne une vaste contestation en Aragon et en Catalogne. En juin 2002, des manifestations altermondialistes sont organisées lors du sommet européen de Barcelone et lors du G8 à Séville, parallèlement à la grève générale. Enfin, en 2003, la gestion de la catastrophe écologique causée par le naufrage du Prestige, puis l’entrée en guerre en Irak aux côtés des États-Unis sont sanctionnées par des mobilisations d’ampleur exceptionnelle (Pont Vidal, 2004). Ce cycle culmine avec la réaction populaire contre la tentative de manipulation de l’opinion publique par le gouvernement Aznar à la suite des attentats de Madrid, le 11 mars 2004, et trouve un débouché indirect dans la sanction électorale infligée au Parti populaire (Béroud, 2006). Si les collectifs de chômeurs relaient l’appel des syndicats à la grève générale du 20 juin 2002, les moments de rassemblements et de liaisons les plus forts avec d’autres groupes mobilisés se déroulent dans le cadre du soutien aux immigrés et lors des contre-sommets contre l’UE ou les institutions financières internationales.

30Phase particulièrement intense dans ce cycle conflictuel, l’épisode de 20 juin 2002 occupe toutefois une place singulière. Il est bien à comprendre comme un bras de fer entre les deux plus puissantes confédérations syndicales et le gouvernement, sur le contenu et la méthode de la politique contractuelle. L’un des enjeux de la réforme du système d’indemnisation du chômage lancée par le gouvernement Aznar réside, en effet, dans le caractère autoritaire du processus décisionnel. Le projet est annoncé sans concertation préalable des organisations syndicales - à l’opposé du comportement prudent adopté par José María Aznar lors de son premier mandat (1996-2000), durant lequel il ne disposait pas de la majorité absolue - et finalement imposée le 25 mai 2002 par un décret-loi. Sur le fond, le texte reprend à son compte les orientations de la Commission européenne visant à généraliser les mesures de dépenses dites « actives ». L’un des objectifs poursuivis est d’obliger les demandeurs d’emploi à accepter une offre - sous peine de sanction - même si elle ne correspond pas à leur demande : ceux-ci sont tenus de souscrire à n’importe quel emploi (à temps partiel, à durée déterminée ou indéterminée) situé à moins de 30 km de leur domicile, ou qui nécessite moins de deux heures de transport (le coût du déplacement pouvant atteindre jusqu’à 20% du salaire net mensuel), y compris lorsqu’il ne donne pas lieu au versement de cotisation pour la couverture du risque chômage. Un premier refus d’une proposition jugée adéquate par l’administration entraîne une suspension des allocations de chômage de trois mois, un deuxième une suspension de six mois, le troisième une radiation définitive. Passée une année de chômage, le demandeur d’emploi ne peut refuser d’offre, qu’elle soit en rapport ou non avec sa profession initiale. Enfin, le principe d’activation des ressources est étendu aux chômeurs de plus de 52 ans, contraints de se plier aux besoins des entreprises, qui n’auront à leur verser que la différence entre le montant de la prestation chômage et le salaire minimum en vigueur dans la convention collective (Tuchszirer, 2002).

31Face à cet assaut libéral, les CC.OO et l’UGT ont recours à un élément du répertoire d’action traditionnel des syndicats espagnols et en particulier à la grève générale programmée. Au regard des expériences précédentes et surtout de la première grève générale contre un gouvernement de gauche organisée le 14 décembre 1988, les médias et les acteurs politiques focalisent leur attention sur le degré de réussite de la grève. La mobilisation du 20 juin 2002, qui paralyse l’ensemble du pays, répond donc à un schéma très classique qui, à ce titre, n’ouvre pas d’espaces nouveaux, à l’exception notable de la protestation des journaliers agricoles en Andalousie.

32Un des volets de la réforme concerne, en effet, la suppression du régime d’indemnisation agraire, ce « subsidio rural » (PER) créé en 1984 pour les journaliers travaillant en Andalousie et en Extrémadure [9]. Il s’agit d’un dispositif mis en place par le PSOE peu après son arrivée au pouvoir afin d’apporter une réponse aux situations de pauvreté qui perduraient notamment dans le sud de l’Espagne, soit dans deux régions historiquement ancrées à gauche. Les raisons qui poussent le gouvernement Aznar à mettre fin à ce système spécifique restent relativement obscures, puisque celui-ci ne concernait au moment de la réforme que 200 000 personnes et ne représentait qu’un budget marginal pour l’État central [10].

33L’annonce de cette mesure déclenche en Andalousie une réaction qui dépasse largement les relais syndicaux, même si elle est structurée par ces derniers. Se déployant en parallèle à la manifestation altermondialiste contre la tenue du G8 à Séville en juin 2002, une véritable « mobilisation de pays » se développe, bénéficiant d’un soutien organisationnel fort et de la présence d’acteurs venant d’horizons très diversifiés. Durant tout le mois de juin, en préparation au mouvement de grève générale qui doit avoir pour centre Séville, de multiples opérations sont menées, le plus souvent avec l’appui des collectivités locales aux mains du PSOE [11]. Le 1er juin, 76% des municipalités andalouses font grève pendant quelques heures pour protester contre le décret-loi supprimant le dispositif du chômage agraire. Des groupes de syndicalistes et de chômeurs occupent pacifiquement une quarantaine de mairies ou s’enchaînent à leurs grilles, comme à Séville. Des motions sont votées par des coalitions PSOE-IU, parfois également avec le Partido andalucista (parti régionaliste de sensibilité socialiste) pour soutenir la grève. L’organisation (quasi) fédérale de l’État espagnol amplifie les ressources institutionnelles disponibles pour les acteurs individuels et collectifs locaux. Le parlement andalou adopte ainsi le 7 juin un texte réclamant le retrait du décret-loi (et son examen pour inconstitutionnalité) et autorise les deux secrétaires régionaux des CC.OO et de l’UGT à prendre place à la tribune des invités. Un peu partout, des caravanes itinérantes sillonnent les parties du territoire andalou les plus concernées par le système d’indemnisation rural. Le 9 juin, à l’appel des CC.OO et de l’UGT régionales, mais aussi de tous les partis représentés au Parlement andalou à l’exception du PP, une répétition à l’échelle régionale de la grève générale se déroule : 250 000 personnes défient le pouvoir à Séville, et plus particulièrement le ministre du Travail, Javier Arenas, représentant de l’aile ultralibérale au sein du PP et candidat aux élections locales en Andalousie. À compter de cette date et jusqu’au 20 juin, pas moins de quinze manifestations ont lieu.

34Plusieurs caractéristiques ressortent de ces événements. Pour les acteurs reconnus sur la scène institutionnelle - que ce soient les syndicats majoritaires comme les CC.OO et l’UGT ou les organisations partisanes que sont le PSOE et l’Izquierda Unida - il s’agit de se servir de la lutte en Andalousie comme lieu de confrontation avec le gouvernement national. En ce sens, l’opposition à la suppression du PER ne modifie guère le cadre d’interprétation dans lequel ils se retrouvent. Le terrain régional permet ainsi de déployer des revendications comme celle visant à obtenir le transfert des compétences nationales dans le domaine de l’emploi à la Junta de Andalucía et la création d’un servicio andaluz del empleo[12], à l’image de ce qui existe déjà en Catalogne et qui permettrait de renforcer le niveau régional comme lieu d’action publique. Ces demandes s’inscrivent dans les relations conflictuelles entre l’État central et les communautés autonomes et permettent de conférer une légitimité régionale, et pas seulement partisane, à la forte implication d’acteurs comme les municipalités, la Diputación de Sevilla (instances départementales) ou encore le Defensor del pueblo andaluz (ombudsman).

35La jonction ne s’établit que de façon ténue et marginale avec des groupes plus minoritaires qui mènent leur propre mouvement contre la suppression du PER. Ici, le Sindicato de Obreros del Campo (SOC), petit syndicat agricole minoritaire, implanté uniquement en Andalousie (Morales, 1997), assume un rôle moteur. Le SOC mobilise les travailleurs journaliers (et non les petits propriétaires) pour la défense de leurs droits, mais aussi pour l’obtention d’une vaste réforme agraire qui favoriserait à terme la redistribution des terres. Non seulement sa base sociale est directement concernée par le projet de suppression du chômage agraire, mais le SOC est l’une des rares organisations syndicales à tenter de représenter les travailleurs immigrés clandestins (journaliers dans l’horticulture). Si lors des deux grandes manifestations des 9 et 20 juin, les militants du SOC se sont heurtés à la légitimité que l’UGT et les CC.OO tiennent des élections professionnelles, ce sont eux seuls, en revanche, qui ont été en mesure de créer des liens avec le mouvement altermondialiste, mettant en oeuvre des actions communes.

36Bien que sa participation à la dynamique de mobilisation ait contribué à faire émerger localement la figure sociale du chômeur et du précaire en zone rurale, le SOC ne sort pas de sa trajectoire initiale et ne modifie ni son réseau d’alliance, ni sa rhétorique revendicative. S’appuyant sur l’héritage d’un anarcho-syndicalisme tourné vers l’action directe et en particulier sur une tradition de combativité des ouvriers agricoles en Andalousie, qui remonte aux années 1930, le SOC ne parvient que de façon épisodique à mobiliser les journaliers (Talejo Vázquez, 1996). N’envisageant pas de s’inscrire dans une perspective de construction d’ensemble d’un mouvement de chômeurs et précaires, il préfère rester sur un secteur d’activité très limité et circonscrit sur le plan géographique.

Conclusion

37La grève du 20 juin 2002 a débouché sur une victoire pour les syndicats et l’ensemble des acteurs engagés, puisque la réforme du système d’indemnisation du chômage a été vidée de sa substance par le gouvernement Aznar, contraint de reculer sur ce terrain. En dépit de ce succès, la mobilisation des chômeurs en Espagne apparaît en tant que telle comme un échec. Plusieurs facteurs se renforcent et expliquent cette situation : la forte intégration des confédérations syndicales majoritaires dans les rouages des négociations professionnelles et surtout leur conversion aux interprétations libérales des causes du chômage neutralisent une partie importante du monde du travail, qui n’est guère incitée à la protestation. Les divisions au sein des CC.OO et de l’UGT ne sont pas assez vives pour conduire à des scissions et à la création de nouvelles organisations, susceptibles de contribuer à l’émergence d’un pôle de lutte autour de collectifs de chômeurs. De tels collectifs demeurent pour leur part très restreints. Confrontés à l’indifférence des confédérations syndicales, ils ont tendance à théoriser leur propre isolement, revendiquant leur faible structuration et la souveraineté des assemblées locales. Le seul espace potentiel qui semble dès lors propice à des mouvements de plus grande ampleur est la scène régionale, où des alliances ponctuelles sont susceptibles de se nouer avec les partis politiques et où des acteurs minoritaires peuvent prétendre à une influence significative.

Notes

  • [1]
    Le taux de précarité mesure le rapport entre le nombre de contrats temporaires (CDD et intérim) et l’ensemble des contrats de travail pour la population active.
  • [2]
    L’UGT et les CC.OO regroupent environ 80% des salariés syndiqués dès le début des années 1980 et rassemblent plus de 70 % des suffrages aux élections professionnelles depuis 1982.
  • [3]
    La configuration espagnole nous incite à relativiser la conception que propose Lilian Mathieu d’un « espace des mouvements sociaux », relativement autonome de l’espace syndical. Comme il le souligne d’ailleurs lui-même (Mathieu, 2005), le fort degré d’institutionnalisation et d’objectivation du « champ » syndical ne doit pas conduire à sous-estimer l’influence que celui-ci exerce sur le potentiel de déploiement des autres mouvements sociaux.
  • [4]
    Le terme de « Transition » employé dans le langage médiatique et politique en Espagne, mais aussi dans le langage courant, désigne le processus politique ouvert par la mort du général Franco le 20 novembre 1975 de passage d’un régime autoritaire à une monarchie parlementaire. Cette transition démocratique s’est déroulée en plusieurs étapes, dont les premières élections législatives libres (1977) et l’adoption d’une nouvelle Constitution (1978). Pour certains auteurs, elle s’achève avec la première alternance et la victoire des socialistes en 1982. Parmi une multitude de références : Tusell et Soto, 1996.
  • [5]
    Après une hausse significative qui fait suite à la légalisation des organisations syndicales entre 1977 et 1979 - avec une pointe à 25 % - le taux de syndicalisation connaît une longue décrue au cours des années 1980 qui le ramène autour des 11% (Jordana, 1996, p. 215).
  • [6]
    Cet accord entraîne des effets dans le secteur privé où, entre 1997 et 2003, le taux des emplois temporaires chute de six points, passant de 38,7% à 32,5%. En parallèle, cependant, le secteur public connaît une explosion de la précarité, le taux des emplois temporaires y augmentant sur la même période de 16,6% à 22,8% (Vincent, 2005, p. 105).
  • [7]
    hhttp :// www. redasociativa. org/ baladre/ .
  • [8]
    Le Parlement basque a en effet adopté le 26 juin 1986 une loi sur l’initiative législative populaire qui permet à 30.000 citoyens résidant au Pays basque de saisir le Parlement régional sur une proposition de loi. Le Parlement n’est pas obligé de se positionner sur le texte élaboré par les citoyens et peut procéder à une ré-écriture de celui-ci.
  • [9]
    Un quota de journées travaillées donne droit à des allocations durant les saisons chômées, de sorte que les journaliers puissent faire face à l’intermittence de leur activité.
  • [10]
    Entretien avec Manuel Pérez Yruela, directeur de l’Instituto de Estudios Sociales Avanzados de Andalucía, le 22 avril 2005.
  • [11]
    Nous nous appuyons ici sur le dépouillement systématique du Diario de Sevilla (mai et juin 2002) ainsi que sur des documents syndicaux.
  • [12]
    Entretien avec Rafael Roldán Vásquez, secrétaire général de l’Union provinciale de Grenade des Commissions ouvrières, siège des CC.OO, le 18 avril 2005.
Français

Malgré un taux de chômage et des phénomènes de précarité préoccupants, les chômeurs en Espagne ne parviennent pas à constituer un mouvement d’ampleur nationale. La très forte implication des principales organisations syndicales dans les politiques de libéralisation économique entreprises depuis le début des années 1980 et le soutien que celles-ci apportent aux gouvernements successifs les privent en effet d’un relais essentiel qui ne leur permet pas de se structurer efficacement. Dans ce contexte, la mobilisation ne dépasse guère le cadre régional - comme en Andalousie - et repose sur des alliances alternatives, le plus souvent avec d’autres groupes marginalisés de la société civile, qui restent fragiles et fragmentées.

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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2008
https://doi.org/10.3917/poeu.021.0133
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