CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Si le cannabis demeure interdit au niveau fédéral et classé parmi les stupéfiants de risque maximal [1], 29 États américains sur 50 (et Washington DC) en autorisent aujourd’hui l’usage thérapeutique [2]. De surcroît, depuis 2012, huit États ont franchi une étape inédite dans la régulation du cannabis, en légalisant sa culture, sa vente, sa détention et sa consommation à des fins récréatives pour les adultes à partir de 21 ans. Ainsi, en 2017, un habitant sur cinq aux États-Unis (soit l’équivalent de la population française) réside dans un État où le cannabis fait l’objet d’une autorisation d’usage, de possession et de vente dans le circuit légal. Ce périmètre couvre notamment toute la côte Ouest, dont la Californie, première force démographique du pays (regroupant 12 % de la population) et sixième puissance économique mondiale (avec un PIB représentant 14 % de celui des États-Unis).

2L’ouverture d’une brèche dans le paradigme prohibitionniste en vigueur depuis 40 ans constitue, dans le pays même qui a déclaré la « guerre à la drogue » en 1971, un bouleversement des normes internationales, qualifié par certains médias de « révolution » [3]. Après deux États de l’Ouest en 2012 (le Colorado et l’État de Washington), l’Oregon et l’Alaska ont à leur tour adopté le principe d’une régulation du cannabis en 2014 [4], puis quatre nouveaux États en 2016 (Californie, Maine, Massachusetts, Nevada). Certes, la plupart des États américains avaient déjà dépénalisé l’usage et la détention de petites quantités de cannabis (c’est-à-dire réduit ou supprimé les sanctions pénales à l’égard des consommateurs) mais, jusqu’en 2012, aucun n’était allé jusqu’à légaliser l’offre et l’intégrer dans un marché commercial régulé par l’État. Du fait de ces évolutions, le nombre d’États qui appliquent la politique fédérale de prohibition du cannabis à la lettre est en net recul.

3Dans un contexte d’accélération des évolutions depuis les premières initiatives d’ouverture d’un marché commercial du cannabis « récréatif », contrevenant tout à la fois à la loi fédérale et aux conventions internationales, cet article analyse les convergences et les disparités des régimes de régulation mis en place dans les États précurseurs d’un cannabusiness émergent. Il s’attachera ainsi à comparer les conditions de mise à l’agenda de la réforme et les modalités de cadrage d’un marché régulé du cannabis (récréatif) dans 8 des 50 États américains qui ont légalisé la vente, la possession et l’usage personnel de ce produit, en s’appuyant sur les sources officielles d’information (législatures, instances de régulation, etc.) mises en regard de la littérature scientifique. Il apparaît que, si les réformes entreprises sont le fruit de processus et de mécanismes d’inscription à l’agenda variables, il existe un certain nombre de similitudes entre les États ayant adopté ces réformes, à la fois en termes de stratégies de campagne développées pour promouvoir la légalisation du cannabis récréatif et de modèles de régulation expérimentés. Dans une perspective comparative, cette contribution se propose de revenir d’abord sur les facteurs ayant favorisé la mise sur agenda d’une politique de « régulation » du cannabis dans les États qui en ont, aujourd’hui, légalisé la production, la conditionnement et la vente, avant d’analyser le contenu et les partis pris des réformes engagées.

Facteurs déterminant la mise à l’agenda de la légalisation du cannabis

Un changement de cap politique

4Inspirateurs dès le début du xxe siècle des conventions internationales actuellement en vigueur (ONU), les États-Unis sont apparus pendant plusieurs décennies comme le principal soutien d’une politique globale de « contrôle des drogues » (drug control). Au plan intérieur, la politique fédérale américaine s’est, depuis les années 1970, articulée autour de l’objectif de mener la « guerre à la drogue », selon les termes employés par le Président Nixon [5]. Dans cette perspective, la politique américaine en matière de stupéfiants a longtemps été déterminée par une approche visant à réduire l’offre [6], comme en témoignent les colossaux budgets fédéraux consacrés à la répression jusqu’au début des années 2000, qui ont atteint le chiffre record de 20 milliards de dollars par an [7]. Premier marché mondial des drogues – au cœur des problématiques de la société américaine [8] –, les États-Unis se sont donc imposés comme le chantre de la prohibition. Cette représentation doit cependant être nuancée au regard des initiatives, prises par certains États, de décriminaliser la possession de petites quantités de cannabis dès les années 1970 [9], puis de légaliser le cannabis « thérapeutique » dans les années 1990 et 2000 [10]. Dans ce contexte, les évolutions légales survenues aux États-Unis au cours de la décennie 2010 à propos du cannabis apparaissent comme un événement international majeur [11], augurant d’un changement de paradigme des politiques menées en matière de drogues [12].

5Cette évolution s’explique par trois principaux éléments de situation, qui ont joué un rôle central dans la mise sur agenda d’une régulation légale du cannabis [13]. En premier lieu l’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis en 2008, qui a marqué une inflexion décisive dans la politique américaine [14] : si la vente et la possession de cannabis restent interdites au niveau fédéral, y compris à des fins médicales, l’administration Obama a fait évoluer la position américaine par une circulaire d’application adressée aux procureurs en 2009 (Ogden Memo) les incitant à mettre fin à la répression contre les dispensaires distribuant du cannabis à titre thérapeutique [15]. Ce signal d’ouverture a été conforté par l’absence de représailles fédérales à l’égard des premiers États qui ont légalisé le cannabis « récréatif » en 2012 [16].

6En deuxième lieu, ce changement s’est inscrit dans le contexte de débats internationaux sur le coût et l’efficacité des politiques de lutte contre l’usage de drogues, à l’échelle des États américains mais aussi latino-américains ou européens. Cette conjoncture a entretenu un discours favorable au changement, accrédité par la publication du rapport de la Commission mondiale sur la politique des drogues (Commission mondiale pour la politique des drogues, 2012) et par la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies (UNGASS) en avril 2016 qui ont pris acte de « l’échec de la guerre contre la drogue ».

7Enfin, le contexte de déficit économique et de crise des finances publiques a permis aux partisans de la légalisation de justifier leurs propositions de réforme par l’argument des recettes fiscales. Cet argument a été d’autant plus puissant qu’il a été mobilisé à un moment de forte récession économique, la plus sévère depuis la Seconde Guerre mondiale (chute du PIB de près de 7 % par trimestre, élévation du taux de chômage au-delà de 8 % de la population active, fait inédit depuis les années 1980). En 2008-2009, le déficit des États-Unis atteignait son plus haut niveau depuis 1945 (1 409 milliards de dollars, soit 9,9 % du PIB américain [17]), alors que de nombreux États se trouvaient confrontés au risque de faillite financière – leurs problèmes économiques étant redoublés par la diminution des recettes fiscales et l’augmentation des dépenses publiques liées aux aides sociales et aux allocations chômage [18]. Dans cette perspective, la piste d’une légalisation du cannabis pourvoyeuse de revenus fiscaux a pu apparaître comme un moyen d’équilibrer le budget.

Le poids des mécanismes de démocratie directe

8Au contraire de l’Uruguay, premier pays à légaliser le cannabis par la voie parlementaire (en décembre 2013), l’approbation de la légalisation du cannabis s’est faite aux États-Unis exclusivement par la voie de la démocratie directe. La réforme du statut légal du cannabis a, en effet, été rendue possible par le mécanisme de l’initiative populaire (ballot initiative), produit du fédéralisme américain, en vigueur dans l’ensemble des États fédérés qui ont franchi le pas de la légalisation du cannabis récréatif [19]. Certes, les types d’initiative populaire mis en œuvre [20], leur portée [21] et leurs règles d’organisation diffèrent d’un État à l’autre : néanmoins, ils témoignent d’une capacité d’impulsion législative [22] qui a parfois contrarié le processus de décision à l’échelon local. Ainsi, au Colorado, par exemple, la légalisation du cannabis a été approuvée à la surprise générale, prenant de court les autorités locales pourtant chargées de sa mise en œuvre dans un délai court.

9Par ailleurs, ces initiatives se caractérisent par des niveaux d’adhésion citoyenne modérés, traduisant de forts clivages d’opinion. Hormis Washington DC, où un projet de légalisation du cannabis ne prévoyant pas un système de vente légale à court terme a été approuvé par 70,1 % des suffrages, dans un territoire atypique en termes de comportement électoral [23], le pourcentage de votes référendaires favorables à la légalisation du cannabis reste en-deçà de 60 % (voir tableau 1). Il s’échelonne entre 50,3 % dans le Maine (l’État où le résultat a été le plus serré en 2016) et 56,1 % dans l’Oregon (en 2014). Dans la période où les 8 premières initiatives de légalisation du cannabis récréatif ont été adoptées (depuis 2012), 3 États ont tenté – en vain – une entreprise de réforme : Oregon, Ohio, Arizona.

Tableau 1

Votes favorables aux référendums sur la légalisation du cannabis récréatif depuis 2012 (par ordre de pourcentage décroissant)

Type d’initiative%Suffrages exprimésPourContre
1. Washington DC 2014Initiative 7170,1161 218115 05046 168
2. Oregon 2014Measure 9156,11 511 211847 865663 346
3. Californie 2016Proposition 6455,813 966 0617 979 0415 987 020
4. État de Washington 2012Initiative 50255,73 095 4441 724 2091 371 235
5. Colorado 2012Amendment 6455,32 500 0331 383 1391 116 894
6. Nevada 2016Question 254,51 106 107602 463503 644
7. Massachusetts 2016Question 453,63 297 5471 769 3281 528 219
8. Alaska 2014Measure 253,2279 945149 021130 924
9. Maine 2016Question 150,3759 541381 768377 773
Arizona 2016Proposition 201548,72 533 6671 233 3231 300 344
Oregon 2012Measure 8046,61 733 609810 538923 071
Ohio 2015Issue 336,43 209 5941 166 6922 042 902

Votes favorables aux référendums sur la légalisation du cannabis récréatif depuis 2012 (par ordre de pourcentage décroissant)

Source : Secretary of State (État par État)

10Partout où elles ont été engagées, les initiatives de régulation du cannabis récréatif résultent d’un processus de mise sur agenda reposant sur des campagnes d’opinion structurées et professionnalisées, un lobbying actif et des budgets conséquents. Dans tous les cas, ces initiatives populaires ont d’abord fait l’objet d’une campagne de pétition, menée pendant plusieurs années pour recueillir un nombre suffisant de signatures, portée par une coalition d’acteurs (advocacy coalitions) regroupant a minima des organisations non-gouvernementales militantes, telles que le Marijuana Policy Project (MPP) [24] ou la Drug Policy Alliance (DPA) [25], en étroite collaboration avec l’American Civil Liberties Union (ACLU) et la National Organization for the Reform of Marijuana Laws (NORML) – qui finance par ailleurs des candidats à des postes politiques. Parmi les groupes d’opposants structurés, on retrouve les mêmes groupes d’intérêts : lobbies du tabac et de l’alcool (Wine & Spirits Wholesale Association), une partie de l’industrie pharmaceutique (hormis quelques laboratoires pro-légalisation comme Big Pharma), syndicats de police ou de surveillants de prisons (gérées par le secteur privé), opposés à la réforme principalement pour des raisons financières [26]. Ces actions de mobilisation collective s’appuient sur des relais médiatiques (célébrités [27], soutiens officiels [28]), visant à dynamiser le financement participatif et privé des campagnes (fundraising, donations), mais aussi sur des actionnaires privés (magnats de l’industrie, milliardaires, etc.).

11Ainsi, les campagnes en faveur de la légalisation du cannabis ont été dotées d’importants financements, émanant principalement d’acteurs de l’économie numérique, de propriétaires de casinos et de spéculateurs financiers, comme George Soros qui, à travers la Foundation to Promote an Open Society, aurait injecté depuis 1994 plus de 80 millions de dollars dans différentes campagnes. Les montants investis en faveur de la légalisation du cannabis s’avèrent 10 à 20 fois supérieurs en moyenne à ceux des campagnes d’opposition (sauf au Nevada où la campagne d’opposition a engrangé davantage de fonds), variant de moins d’un million de dollars (en Alaska) à plus de 22 millions (en Californie, où la campagne d’opposition a recueilli dix fois moins de moyens).

12En outre, ces entreprises de réforme connaissaient pour la plupart des antécédents : parmi les huit États qui autorisent aujourd’hui l’usage récréatif, la détention, l’achat et la vente de cannabis sur un marché légal, cinq avaient déjà soumis à référendum un projet du même type : Californie (1972), Oregon (1986 et 2012), Alaska (2004), Colorado et Nevada (2006). La première fois, ces propositions avaient rencontré un niveau d’adhésion citoyenne compris entre 26 % et 43 %. La dynamique d’adhésion s’avère, dans tous les cas, positive d’une consultation à la suivante.

Des registres communs de justification de la réforme

13Les arguments des partisans de la légalisation du cannabis récréatif [29] s’appuient sur des registres de justification communs, qui dénoncent avant tout l’échec de l’approche répressive du point de vue de son efficacité à réduire la consommation, de son coût et des inégalités raciales liées aux interpellations et à la pénalisation. L’ensemble des campagnes favorables à la légalisation du cannabis récréatif ont ainsi été menées au nom de la défense des libertés individuelles et civiques – d’où la place de l’American Civil Liberties Union (ACLU) – et de la lutte contre la violence générée par le trafic. L’association NORML estimait ainsi le nombre d’interpellations liées au cannabis aux États-Unis à plus de 700 000 en 2012, deux fois plus qu’au début des années 1990, avec de fortes disparités raciales dans tous les États [30]. Au Colorado par exemple, où la NORML chiffrait le nombre d’interpellations liées au cannabis à 210 000 en 25 ans (1986-2010) [31], les Afro-Américains et les Latinos présentaient 1,5 à 3,1 fois plus de chances que les Blancs d’être interpellés pour une infraction liée au cannabis. Dans l’État de Washington (240 000 interpellations dans la même période), ce ratio atteignait respectivement 2,9 et 1,6 pour les Afro-Américains et les Latinos[32]. La plupart des campagnes ont donc mis en avant une stratégie de légitimation de la réforme centrée sur l’argument égalitaire, en mobilisant souvent des chiffres à l’appui, comme dans l’État de Washington, où l’ACLU, très étroitement associé à la conduite de la campagne, a diffusé une série de prospectus et de brochures dénonçant une « guerre à la drogue » ciblant les minorités (Washington’s Marijuana Laws Are Not Enforced Fairly[33]).

14Les militants de la légalisation du cannabis se trouvent, par ailleurs, souvent engagés dans d’autres causes, comme la défense du mariage homosexuel, l’abolition de la peine de mort, le contrôle de la vente d’armes ou la reconnaissance des personnes transgenres. Dans plusieurs États, de telles mesures ont d’ailleurs été votées parallèlement à la légalisation du cannabis, dans le cadre de référendums populaires : ainsi l’État de Washington a adopté, en même temps que la légalisation du cannabis, le mariage entre personnes du même sexe (Referendum 74 en novembre 2012), tandis que, dans d’autres États, la proposition n’a pas réuni assez de signatures pour pouvoir être soumise au vote (Colorado en 2012, Oregon en 2014). On peut donc relever une affinité entre les causes de la légalisation du cannabis récréatif et d’autres combats représentatifs des luttes du parti Démocrate, sur le mariage homosexuel ou le contrôle des armes à feu.

15Rappelons enfin que les évolutions sur la politique du cannabis font écho aux mouvements de la gauche américaine sous l’administration Obama [34], qui a marqué le début de ce que certains appellent une « nouvelle ère progressiste » [35]. Le mandat d’Obama a en effet été associé à un renouveau de la contestation illustré par les nombreux mouvements sociaux qui se sont développés dans cette période [36]. Dans ce sens, les deux mandats d’Obama auraient en effet contribué à la pacification et l’institutionnalisation de la contestation à l’œuvre depuis plusieurs décennies [37], par comparaison avec les mouvements des années 1920-1930 (centrés sur les droits des travailleurs) et 1960-1970 (pour les droits civiques, féministes, anti-guerres et anti-impérialistes, et pour les droits des minorités sexuelles). On retrouve bien cette inflexion dans les priorités budgétaires de la politique anti-drogue américaine, qui ont opéré un changement notable dans la structure des crédits affectés au traitement des problèmes liés à la toxicomanie et à la prévention, plutôt qu’à la répression. Par ailleurs, parmi les objectifs prioritaires de la politique pénale à l’égard des auteurs d’infractions à la législation sur les stupéfiants, celui de développer les mesures alternatives aux sanctions pénales et de réduire la demande de drogues a été nettement valorisé pendant cette période, en particulier au profit d’un système de prévention national s’appuyant sur les communautés et visant à protéger les adolescents, la formation en médecine de proximité pour le traitement des addictions, le développement de la spécialisation en addictologie, l’implémentation de mesures pour le traitement de la délinquance liée aux drogues, la création d’un système de surveillance permanent de l’usage de drogue [38].

16Enfin, le précédent de la légalisation du cannabis médical, alors effectif dans une vingtaine d’États américains, n’ayant pas apporté d’effets négatifs solidement documentés, les conditions de possibilité d’une remise en question du statut légal du cannabis semblaient réunies, d’autant plus que le « cannabis médical » a été tacitement « reconnu » par l’administration Obama. En effet, en 2009, une circulaire de politique pénale a assoupli l’interdit fédéral autour du cannabis en invitant les procureurs à « déprioriser » la lutte contre le marché du cannabis médical dans les États l’ayant légalisé, à condition que ceux-ci développent un système de régulation protégeant la santé publique (Ogden Memo).

17À cet appareil argumentaire s’est ajoutée, dans certains États, la perspective des intérêts fiscaux que laisse entrevoir la mise en place d’un marché légal du cannabis, encadré comme celui du tabac ou de l’alcool. Avant de soumettre le projet de réforme au vote populaire, la plupart des États avaient ainsi fait chiffrer les bénéfices fiscaux potentiels : l’État de Washington avait, par exemple, estimé à plus de 300 millions de dollars par an le « manque à gagner » en termes de taxes fédérales, d’État et locales, les autorités y étant a priori plus favorables que ne l’avaient été celles du Colorado. Les rentrées fiscales annuelles attendues d’une légalisation étaient estimées, selon les États, les sources et la date du scrutin, à plusieurs dizaines de millions de dollars par an : au moins 50 millions de dollars au Colorado [39], 216 millions de dollars dans l’État de Washington [40] et jusqu’à un milliard de dollars en Californie [41], etc. il semblerait que les ressources fiscales effectivement collectées aient largement dépassé ces estimations : selon le think tank TaxFoundation, l’industrie du cannabis, une fois arrivée à maturité, pourrait générer des revenus fiscaux annuels de l’ordre de 28 milliards de dollars au bénéfice des autorités fédérales, de l’État et des gouvernements locaux [42].

Des profils d’États similaires

18En termes de profil socio-politique, la poignée d’États qui ont légalisé le cannabis à des fins récréatives présentent des traits communs : pionniers de la dépénalisation du cannabis (à partir des années 1970) et de la légalisation de son usage médical (à partir des années 1990), ils se singularisent par des prévalences d’usage de cannabis élevées dans la population générale [43]. La quasi-totalité des États qui ont légalisé le cannabis récréatif affichaient en effet, avant la réforme, des prévalences d’usage bien supérieures à la moyenne fédérale, quelle que soit la fréquence d’usage et la classe d’âge, mais tout particulièrement chez les plus jeunes générations : dans tous les États qui ont légalisé le cannabis, les niveaux d’usage dans l’année s’échelonnaient entre 16 % et 19 % parmi les 12-17 ans (contre 14 % en moyenne au niveau fédéral) et entre 32 % et 42 % parmi les 18-25 ans (contre 30 % au niveau fédéral) [44].

19En outre, l’ensemble des États qui ont légalisé le cannabis comptent parmi les plus favorables au Parti démocrate lors des élections récentes, notamment lors de la dernière présidentielle de 2016 – hormis l’Alaska, bastion républicain (voir figure 2). À cet égard, outre Washington DC, acquis au Parti démocrate depuis sa création, certains de ces États n’affichent une préférence démocrate que depuis quelques années, à l’image de Swing States comme le Colorado (de tradition plutôt républicaine mais qui s’est récemment orienté vers des options électorales plus favorables au Parti démocrate) ou le Nevada (classé parmi les Swing States lors de l’élection présidentielle de 2016).

20Plus généralement, les États qui ont légalisé le cannabis partagent un historique de réformes sociales et une tradition de libéralisme culturel, tant sur le droit de vote aux femmes, la défense des libertés civiques ou, plus récemment, la reconnaissance du mariage homosexuel. Selon Gallup, la plupart d’entre eux comptent parmi les États les plus libéraux de l’Union [45], où le facteur religieux joue un faible rôle : ils se classent parmi la minorité d’États continentaux (8 sur 48) comptant moins de 80 % de résidents de confession chrétienne [46] ; a contrario, ils sur-représentent la population athée : la part des individus déclarés « sans religion » atteint jusqu’à 18 % (dans l’Oregon), dépassant 10 % dans le Massachusetts, le Nevada, la Californie, Washington DC, le Maine, le Colorado et l’État de Washington [47] – contrastant avec des États comme le Mississippi, la Louisiane, le Dakota du Nord ou le Texas où moins de 6 % de la population se déclare sans appartenance religieuse.

Figure 1

Score du Parti démocrate aux 3 dernières élections présidentielles (2008, 2012 et 2016)

Figure 1

Score du Parti démocrate aux 3 dernières élections présidentielles (2008, 2012 et 2016)

N.B. : dans certains États, H. Clinton ne franchit pas 50 % en 2016 mais elle reste majoritaire devant D. Trump du fait de l’éparpillement des voix entre d’autres candidats indépendants.
Source : Federal Election Commission

21Les États qui ont légalisé le cannabis récréatif se distinguent également du reste de l’Union en termes démographiques et économiques. Ils figurent en effet parmi les États qui enregistrent l’essor le plus marqué, supérieur à la moyenne fédérale, du point de vue économique : à la veille de la réforme, la plupart se caractérisaient par une croissance affirmée du PIB (en particulier dans l’Ouest), parfois de plus de 20 % en cinq ans (voir tableau 2). Ce dynamisme économique traduit une quête volontariste de nouveaux marchés pour faire face au renouveau démographique attesté par des chiffres de croissance annuelle supérieurs à la moyenne fédérale (+ 0,77 %) – hormis dans le Maine et le Massachusetts (voir tableau 2). Cinq des huit États étudiés enregistrent ainsi une croissance de population moyenne annuelle dépassant 1 % (Colorado, Nevada, État de Washington, Californie, Oregon). Ce potentiel d’« économie verte » (Green Rush) autour de l’herbe de cannabis (forme majoritaire de consommation aux États-Unis), génératrice d’emplois et d’un nouveau secteur industriel, le « cannabusiness » passible de marges de rentabilité importantes, a d’ailleurs été exploité par des groupes d’intérêts tels que la National Organisation for the Reform of Marijuana Laws (NORML) ou le Marijuana Policy Project (MPP) : ceux-ci vantent les perspectives d’expansion économique (emplois, plus-value industrielle, essor de l’immobilier, flux touristiques, etc.). La perspective d’essor industriel offerte par l’ouverture d’un nouveau marché était apparue, dans ce contexte, comme un facteur d’attractivité décisif, mis en avant par les groupes promoteurs de la réforme [48].

Tableau 2

Évolution démographique et économique par État (2010-2015)

Tableau 2
Population par État (habitants) PIB par État (millions de dollars) 2010 2015 Évolution démographique 2010-2015 2010 2015 Croissance du PIB 2010-2015 Colorado 5 029 196 5 456 574 + 8,50 % 253 374 313 748 + 23,83 % État de Washington 6 724 540 7 170 351 + 6,63 % 359 694 445 413 + 23,83 % Oregon 3 831 074 4 028 977 + 5,17 % 191 120 217 629 + 13,87 % Alaska 710 231 738 432 + 3,97 % 52 747 54 134 + 2,63 % Californie 37 253 958 39 144 818 + 5,08 % 1 965 886 2 418 348 + 23,02 % Massachusetts 6 547 629 6 794 422 + 3,77 % 402 652 484 943 + 20,44 % Maine 1 328 361 1 329 328 + 0,07 % 51 456 57 297 + 11,35 % Nevada 2 700 551 2 890 845 + 7,05 % 121 713 139 724 + 14,80 %

Évolution démographique et économique par État (2010-2015)

Sources : United States Census Bureau & Bureau of Ecoonomic Analysis (US Department of Commerce)

Un enjeu de recadrage du marché du cannabis médical

22Outre les facteurs contextuels évoqués, un des enjeux principaux de la régulation du « cannabis récréatif » a consisté à reprendre le contrôle du marché du « cannabis médical », en particulier dans les États où la souplesse des législations sur le cannabis thérapeutique avait ouvert l’offre aux usagers récréatifs titulaires d’une « recommandation médicale ». Tous les États ayant légalisé le cannabis récréatif en autorisaient déjà l’usage à des fins médicales, pour certains depuis les années 1990. Les propositions de légalisation du cannabis récréatif ont commencé à émerger environ dix ans plus tard (sauf en Californie et dans l’Oregon où elles ont été antérieures aux années 2000).

23Dans les États concernés, le contenu et l’application des législations encadrant la distribution thérapeutique apparaissaient fort variables, allant de la prescription de quantités restreintes de cannabis faiblement dosé pour quelques rares pathologies jusqu’à l’autorisation de volumes équivalant à plusieurs mois de consommation sur la base d’indications peu restrictives (douleurs chroniques, lombalgie, etc.). En pratique, l’afflux de « nouveaux patients » a ouvert la voie à un marché commercial parallèle, un « marché gris », échappant largement au contrôle de l’État. Interdite au niveau fédéral mais autorisée dans certains États sans pour autant être encadrée, l’offre de cannabis thérapeutique a ainsi donné lieu à une distribution de cannabis par le biais de « dispensaires » non régulés. Ce desserrement de l’offre a contribué à favoriser la diffusion du cannabis et la hausse des niveaux d’usage dans la population générale [49]. Il est aujourd’hui établi que les niveaux d’usage dans la population générale sont plus élevés dans les États qui ont légalisé le cannabis médical [50]. Il est aussi intéressant de noter que les niveaux de prescription de médicaments (notamment anxiolytiques) y sont nettement inférieurs [51], ce qui contribue à expliquer la contre-mobilisation d’une partie de l’industrie pharmaceutique.

24Dans ce contexte, le marché du cannabis « récréatif » en vente libre a d’emblée été construit en référence à celui du cannabis médical, sauf en Alaska, qui n’en disposait pas. Un des enjeux de la régulation a consisté, dès lors, à mieux séparer et segmenter les marchés du cannabis. Nombre d’États ont ainsi poussé les dispensaires vers le marché récréatif afin de « profiter » de la légalisation complète du cannabis pour reprendre en main la régulation du marché : Colorado, État de Washington, Oregon, Californie, Massachusetts. Ce choix répondait à un enjeu stratégique : travailler avec des partenaires déjà connus et profiter de la légalisation du cannabis récréatif pour mieux maîtriser le marché du cannabis médical.

25Les modes de régulation du marché légal du cannabis récréatif s’inspirent également des cadres de politique publique applicables à l’alcool, dont ils partagent plusieurs traits. Dans un cas comme dans l’autre se pose en effet la question des conditions de production d’une politique possiblement positive au plan sanitaire à l’égard d’une substance potentiellement dangereuse pour la santé. Cette logique de « sanitarisation » du problème est allée de pair avec la mise en place d’une réglementation éminemment restrictive visant à limiter l’accès à l’offre et dissuader les usages excessifs, tout en favorisant la dynamique de marché [52]. Ainsi l’abolition de la Prohibition de l’alcool aux États-Unis a-t-elle, comme la fin de la prohibition du cannabis dans certains États américains, pris ses racines dans une crise des finances publiques. S’agissant de l’alcool, la grande Dépression de 1929 a en effet mis au jour la nécessité d’augmenter les ressources fiscales des États et de l’État fédéral, notamment pour financer la politique des grands travaux du New-Deal. De la même manière, l’idée de réguler un marché du cannabis récréatif qui puisse être fiscalement rentable s’est imposée dans le contexte d’un besoin de financement des dépenses sociales dans les États fédérés. Les voies de la régulation de ce nouveau marché ont donc été définies de façon à concilier des intérêts économiques et fiscaux d’une part, et un objectif de contrôle social des consommations d’autre part.

Modes de régulation d’un marché légal du cannabis récréatif

26Les schémas de régulation du marché du cannabis mis en place apparaissent largement centrés sur une visée commerciale : le principal point de convergence des modèles de régulation expérimentés aux États-Unis est bien de privilégier le modèle d’une régulation « for profit » [53] (ou business-friendly), fiscalement rentable. À cette fin, tous les États régulateurs ont décliné un corpus de règles strictes visant trois objectifs : 1) sécuriser les conditions de production, de vente et d’achat de cannabis « récréatif », en soumettant les opérateurs du marché à des règles strictes ; 2) limiter l’accessibilité du produit afin de garantir la protection des mineurs (à travers notamment le contrôle du prix via la taxation et l’interdiction de publicité et de marketing des produits dérivés du cannabis) ; 3) garantir des recettes fiscales aux États à travers les taxes.

Réguler sous conditions : un gage de sérieux vis-à-vis des autorités fédérales

27Dans les régimes légaux en vigueur, la possession et la vente libre de cannabis sont soumises à de nombreuses règles, sur le versant de la demande comme sur celui de l’offre. Tout d’abord, l’autorisation d’accès au produit (usage et achat) concerne exclusivement les adultes à partir de 21 ans (par analogie avec l’âge légal d’accès à l’alcool). Elle porte sur des quantités limitées quoique relativement conséquentes (le plus souvent une once de cannabis, soit 28,4 grammes). Un seul État, le Colorado, a introduit des restrictions pour les non-résidents qui ne peuvent obtenir qu’un quart d’once (7 grammes). Dans les États permettant la culture à domicile (tous sauf l’État de Washington), le seuil de production autorisé s’échelonne de 3 à 6 plants prêts à être récoltés (jusqu’à 12 par foyer), avec parfois certaines dérogations (par exemple au Nevada, à condition qu’il n’existe aucun dispensaire dans un rayon de 40 kilomètres).

28Si l’usage est autorisé à titre privé, comme pour l’alcool ou le tabac, la consommation de cannabis reste interdite dans les lieux publics sous peine d’amende, afin notamment de limiter le tourisme lié au cannabis. Elle est également interdite dans les lieux de vente du cannabis, même si l’Alaska a récemment soulevé la question d’autoriser l’usage dans l’enceinte des boutiques spécialisées. Au-delà du seuil de détention autorisé, l’usager encourt une amende ou une peine de prison : au Colorado par exemple, la possession de 2 à 6 onces est passible de peines allant jusqu’à un an d’emprisonnement et 1 000 dollars d’amende. De même, la conduite sous l’influence de cannabis reste rigoureusement prohibée au-delà d’un seuil défini de présence de cannabis dans le sang, seuil qui varie selon les États (même s’il avoisine souvent 5 ng/ml de sang). On peut donc établir un parallèle : les politiques de régulation du cannabis mises en place s’inspirent très largement, dans les règles et les restrictions d’usage, des modèles d’action publique développés autour de l’alcool [54].

29Du côté de l’offre, deux vecteurs d’approvisionnement légal sont autorisés : l’auto-culture [55], toujours en quantité limitée (3 à 6 plants maximum selon l’État), et la vente de cannabis en boutique spécialisée (retail store ou pot shop dans le langage des usagers), dès lors qu’il est produit dans le circuit légal. Les conditions de vente du cannabis récréatif (sauf à Washington DC où la vente reste illégale) sont soumises à de nombreuses restrictions, portant tout à la fois sur : l’emplacement des lieux de vente (à travers une politique de zonage interdisant la vente à proximité des lieux fréquentés par des mineurs ou dans les stations-service pour prévenir la conduite sous l’influence de cannabis) ; les règles de vérification de l’identité des clients à l’entrée en boutique ; la gamme des produits autorisés à la vente, incluant ou non les produits comestibles à base de cannabis (edibles), infusés au cannabis ou dérivés ; les règles de conditionnement (serving size), etc. ; la stricte interdiction de la publicité et du marketing ; l’interdiction de la vente sur Internet. La vente inter-personnelle demeure interdite, l’objectif affiché étant de professionnaliser et de sécuriser l’ensemble de la chaîne de production, de distribution et de vente du cannabis, en créant une filière du cannabis contrôlée et encadrée par l’État.

30Les régimes de régulation mis en place dans les États qui ont légalisé l’offre et la demande de cannabis à des fins récréatives comportent donc de nombreuses interdictions, en partie définies en référence aux restrictions d’usage liées aux autres drogues licites, comme l’alcool et le tabac. Ils partagent l’objectif de canaliser la demande vers le circuit légal, afin de soustraire les clientèles d’usagers au marché noir.

Une différenciation croissante des règles d’encadrement du marché

31À mesure que le cercle des États engagés dans un processus de légalisation s’élargit, les règles d’organisation du marché se complexifient et laissent apparaître des modèles de plus en plus différenciés. Plus ou moins étroitement encadrés et articulés au secteur du cannabis médical, les régimes de régulation reposent sur un principe commun de structuration du marché en trois secteurs distincts : production/culture, conditionnement/distribution, vente. La possibilité d’exercer sur ce marché est soumise à des critères juridiques et professionnels : condition de résidence (dans la plupart des États), absence d’antécédents judiciaires, obtention d’une licence professionnelle (business license). Des autorités d’État spécifiques sont chargées de l’attribution, de la révocation et du renouvellement (annuel) des licences. Il s’agit souvent des instances de régulation du marché de l’alcool, dont le périmètre d’intervention a été élargi au cannabis : Liquor Control Board dans l’État de Washington (rebaptisé en 2015 Liquor and Cannabis Board), Commercial Liquor Control Commission dans l’Oregon, Alcoholic Beverage Control Board en Alaska (jusqu’à la création en mai 2015 du Marijuana Control Board), etc. Dans tous les États, les autorités locales conservent la possibilité d’interdire ou de limiter les commerces de cannabis (opt out[56] et local bans), ce qui accroît les disparités de mise en œuvre. Ainsi, un an après le vote pro-légalisation, un tiers des municipalités dans le Colorado ou l’Oregon avaient interdit la vente de cannabis récréatif [57]. Certains États ont prévu un moratoire permettant de retarder la mise en place de la régulation.

32Hormis ces points de convergence, les règles de production et de distribution du cannabis se distinguent de plus en plus nettement selon les États. Tout d’abord, le type, le coût et le nombre de licences attribuables par opérateur varient suivant les États. Outre les trois types de licences communs à tous les États (production/culture, conditionnement/distribution, vente), de nouveaux types d’autorisations ont vu le jour dans les États ayant le plus récemment légalisé : permis de produire plus ou moins restrictifs selon la taille et le lieu de culture (Californie), licence de cannabis social club (Maine), etc. La diversification des types de licences augmente au fil des nouvelles initiatives de régulation, de même que le coût atteint par certaines licences. Dans les régimes de régulation qui étaient déjà entrés en vigueur en 2017 (incluant tous les États où la réforme a été votée avant 2016), leur montant maximal pouvait atteindre 10 000 dollars par an : on peut toutefois relever une tendance générale à la hausse dans les États ayant le plus récemment légalisé (30 000 dollars au Nevada pour une licence de production). Ce coût élevé des licences vise à limiter l’entrée sur le marché. L’effet d’éviction des petits porteurs de capitaux est d’autant plus perceptible qu’il est exclu de pouvoir investir sur ce marché en recourant à un prêt bancaire puisque le cannabis reste interdit au niveau fédéral. La question de l’enrôlement des établissements de crédit a rapidement été identifiée comme une condition de succès indispensable au développement d’un marché du cannabis.

33Certains États ont, en outre, opté pour un contrôle renforcé du marché, en interdisant l’intégration verticale qui permettrait à un opérateur unique de maîtriser tous les stades de production et de distribution du cannabis. Cet objectif de prévention des situations de monopole, de plus en plus affirmé par les nouveaux États légalisateurs, s’inscrit avant tout dans la lutte contre les trusts et le marché noir, mais il a aussi pour but de protéger le consommateur face à la hausse des prix. L’État de Washington a été le premier à se préoccuper de cette dimension : il a d’emblée interdit de détenir une licence aux niveaux supérieurs (production et distribution) et inférieur (vente) du marché, pour empêcher la surenchère des profits observée au Colorado dès l’ouverture du marché au 1er janvier 2014 ; il a également mis en place un plafonnement des points de vente et interdit l’ouverture de commerces de cannabis (pot shops) en centre-ville. Les États qui ont légalisé plus récemment ont manifesté ce souci d’encadrer le marché. Ils ont repris, par exemple, le principe d’interdire la possession de plus d’un tiers des licences à l’échelle d’une seule ville ou d’un seul comté (retenu dans l’État de Washington). Ils ont également étendu le périmètre d’encadrement par l’État : par exemple, le modèle de régulation californien prévoit des mesures anti-monopolistiques visant à lutter contre l’apparition de superpuissances économiques du cannabis déployant un lobbying de masse, comme pour le tabac [58] (Big Tobacco), et à protéger les petits opérateurs locaux (Small is beautiful).

34Par ailleurs, dans tous les États, un système de « traçage » de la graine au consommateur (seed to sale) a été mis en place pour suivre la filière de production de façon à éviter les détournements vers le marché noir. Cette notion de sécurité économique, qui n’existe pas en tant que telle en matière de politiques de lutte contre le tabac ou l’alcool, sera particulièrement intéressante à observer dans les années qui viennent. Elle a d’ores et déjà ouvert la voie à l’essor d’une économie indirecte sur le marché du cannabis : en 2016, Microsoft a signé un partenariat avec une start-up pour développer une technologie de suivi des récoltes « de la semence à la vente », afin de garantir un décompte exact des taxes sur la production et limiter les risques d’un marché noir. Un marché secondaire de « sécurisation du marché du cannabis » a donc pris corps dans le prolongement de la légalisation du cannabis « récréatif ».

Comment fiscaliser le cannabis ? Un enjeu central

35La fiscalité applicable au cannabis récréatif constitue un enjeu stratégique crucial dans la mesure où elle vise à optimiser les recettes de l’État, tout en évitant de favoriser la consommation en population générale. Du point de vue de la lutte contre la demande, le niveau de taxation d’un produit ne doit apparaître ni trop élevé (pour concurrencer le marché noir et éviter que les consommateurs se tournent vers les sources d’approvisionnement illicites), ni trop bas (pour ne pas inciter les plus jeunes à la consommation). En termes de politique économique, l’enjeu du régime de taxation est de laisser un espace suffisant aux entrepreneurs pour générer un profit et stimuler le dynamisme d’un nouveau secteur industriel, sans pour autant abdiquer le contrôle de l’offre au bénéfice d’intérêts privés. La ligne de crête entre ces objectifs potentiellement contradictoires a fait l’objet de tâtonnements dans les différents États.

36Le niveau de taxation du cannabis récréatif, initialement élevé dans les premiers États légalisateurs (jusqu’à 37 % dans l’État de Washington), a été progressivement réduit entre 10 % et 25 % afin de concurrencer le cannabis vendu sur le marché noir (Colorado, État de Washington, Oregon). Il a en effet été établi qu’un taux de taxation supérieur à 30 % ne parvenait pas à réduire la part du marché noir (Henchman, Scarboro, 2016). Ce régime de taxation repose principalement sur les droits d’accise [59] (excise tax), une taxe associée aux politiques de dissuasion de la consommation excessive qui consiste à indexer un montant de taxes sur une quantité de produit : dans ce sens, la fiscalité applicable au cannabis s’inspire du régime général des sin taxes[60]. En l’espèce, les recettes tirées de la taxe d’accise reviennent entièrement aux États, ce qui représente une manne financière potentiellement importante.

37Dans tous les États qui ont légalisé le cannabis récréatif, les revenus fiscaux générés ont été fléchés sur des programmes d’intérêt public. S’il s’avère encore difficile de rendre compte de l’allocation, en pratique, des revenus fiscaux liés au marché du cannabis, les principes de redistribution sont relativement bien explicités dans les textes de réforme votés au Colorado, dans l’Oregon, le Nevada ou le Massachusetts, où le produit fiscal est principalement affecté au secteur éducatif (construction d’écoles, bourses d’études…). Il participe aussi, selon les cas, au financement de la régulation du cannabis elle-même, à la rénovation de bâtiments publics et à l’entretien des foyers d’hébergement, aux programmes de santé mentale ou de prise en charge des alcoolodépendants et toxicodépendants, aux services d’accompagnement des vétérans, aux services de police, à la prévention de la récidive, etc. L’Oregon est l’État qui a le plus précisément fléché ces nouvelles recettes fiscales. Cet afflux de revenus dans les caisses de l’État participe à la légitimation de la réforme et contribue à expliquer l’adhésion croissante de l’opinion publique au principe d’une légalisation du cannabis qui, selon le Pew Research Center, atteindrait 57 % en 2016, contre 32 % dix ans auparavant.

Un effet de légitimation par l’expérimentation ?

38La dynamique de transformation amorcée aux États-Unis, qui s’accompagne d’un renouvellement des modèles de régulation développés autour du cannabis récréatif, témoigne d’une certaine culture de l’expérimentation de politiques publiques [61], qu’on peut retrouver dans d’autres domaines (politiques d’innovation technologique [62], politiques sociales [63], etc.). Ce recours aux dispositifs expérimentaux comme « paradigme incitatif » [64] (appelé à être mis en circulation) est assimilé par certains auteurs à une « shadow institution » [65], qui vise moins à diffuser un contenu qu’à légitimer une approche alternative à la politique en vigueur.

39Le mouvement de transformation en cours aux États-Unis semble par ailleurs conforter la croyance en la viabilité d’un système légal de distribution du cannabis, relayée par plusieurs grands médias qui se sont prononcés en faveur de la légalisation du cannabis, à l’image du New York Times en juillet 2014 [66] ou The Economist en février 2016 [67]. Les plus récents sondages montrent qu’une majorité croissante de la population souscrit au principe d’une légalisation du cannabis : d’après un sondage Gallup réalisé en octobre 2016 [68], le cap des 60 % d’opinions favorables a été atteint près de trois ans après la mise en œuvre de la réforme du cannabis légal au Colorado en janvier 2014. Ce résultat a été corroboré par un sondage mené par The Associated Press-NORC Center for Public Affairs Research[69]. Tout se passe donc comme si l’effectivité de la réforme était porteuse de légitimation, agissant dans le sens d’un renforcement du socle d’opinions en faveur de la fin de la prohibition [70].

40L’adhésion de l’opinion publique au principe d’une légalisation du cannabis a en effet connu une hausse quasi-continue : selon un sondage récurrent du Pew Research Center, le taux d’adhésion à la légalisation du cannabis récréatif est passé de 12 % en 1969 à 30 % à la veille des années 1980, pour renouer ensuite avec une dynamique positive malgré un affaissement à 16 % à la veille des années 1990, jusqu’à l’ultime accélération au cours de la dernière décennie pour atteindre 57 % en 2016. À cet égard, il faut souligner les clivages générationnels au sein de l’opinion publique : le taux d’adhésion à la légalisation du cannabis dépasse 70 % dans les plus jeunes générations, nées à partir des années 1980 (les Millenials), deux fois plus que dans les générations antérieures au baby boom (voir figure 3).

Figure 2
Figure 2

Conclusion

41Compte tenu des réformes du cannabis entreprises dans certains États américains depuis 2012, on peut aujourd’hui distinguer trois groupes d’États selon leur niveau de tolérance légale à l’égard des usagers récréatifs de cannabis. Un premier ensemble, encore minoritaire, regroupe les 8 États qui ont légalisé le cannabis à des fins récréatives, après en avoir reconnu l’usage thérapeutique plusieurs années auparavant (Colorado, État de Washington, Alaska, Oregon, Californie, Nevada, Maine, Massachusetts), ainsi que Washington DC (qui a approuvé l’objectif d’une légalisation mais n’a pas encore de système de régulation). Un deuxième ensemble, plus hétérogène, rassemble 14 États où l’usage et la détention de cannabis récréatif ont été dépénalisés pour de petites quantités [71] et où l’usage thérapeutique a, la plupart du temps, été légalisé : dans certains d’entre eux, un projet de légalisation du cannabis récréatif est à l’étude, pour être soumis par la voie référendaire [72] ou législative [73]. Enfin, un dernier groupe majoritaire agrège les 28 États américains où, ni l’usage, ni la détention de cannabis ne sont autorisés à titre récréatif mais où l’usage médical de cannabis peut parfois être légal : dans cet assemblage qui se partage entre États ruraux (Grandes Plaines, Midwest, Rocheuses, Sud) et/ou concentrés dans la Rust Belt, la prohibition fédérale s’applique pleinement au cannabis récréatif.

42Avec des revenus fiscaux évalués à 207 millions de dollars après deux années d’application dans le seul État du Colorado, la nature de l’enjeu autour de la légalisation du cannabis s’est complexifiée : elle semble désormais d’ordre financier et industriel autant que politique et diplomatique. En effet, avec l’adoption du principe de la légalisation du cannabis en Californie en 2016, la question a changé d’échelle : dans une économie 50 fois plus importante que celle du Colorado, les perspectives d’essor du « cannabusiness » seront particulièrement intéressantes à surveiller. Si les résultats de cette politique restent encore à évaluer [74], suscitant pour l’heure des luttes de sens et des batailles de chiffres, ses principaux promoteurs soulignent d’ores et déjà que la légalisation du cannabis n’a entraîné aucune des conséquences négatives dénoncées par ses détracteurs : à court terme, la réforme n’a pas généré une hausse des consommations parmi les plus jeunes (ni de cannabis, ni d’autres produits) et n’a pas non plus conduit à un surcroît d’insécurité ou de délinquance publiques [75].

43Par ailleurs, un lobbying poussé est à l’œuvre dans de nombreux États : dans les années qui viennent, le Marijuana Policy Project envisage de présenter une trentaine de propositions législatives de légalisation du cannabis ou d’élargissement des conditions d’accès au cannabis médical, qui pourraient pour certaines aboutir dès novembre 2018 lors des élections de mi-mandat, y compris dans des États conservateurs désormais ciblés par le groupe (comme le Mississippi, l’Idaho, l’Utah ou l’Oklahoma). L’ensemble de ces évolutions s’inscrivent dans un environnement politique changeant au niveau fédéral depuis l’élection du Républicain Donald Trump, annonciatrice de possibles retournements. Si le candidat Trump s’est déclaré « à 100 % » favorable au cannabis médical, il n’a pas affiché de position affirmée sur la question de la légalisation du cannabis récréatif, n’ignorant pas qu’elle est aujourd’hui soutenue par une majorité de la population. Dans ce contexte, les porteurs de la réforme se sont émus de la nomination de Jeff Sessions, conservateur, opposant notoire à la légalisation du cannabis récréatif [76], au poste d’Attorney General : son désaveu public par le Président Trump [77] a cependant modifié la donne. Par ailleurs, deux éléments majeurs sont venus peser sur le débat relatif au statut légal du cannabis. D’une part, l’épidémie d’opiacés qui ravage les États-Unis depuis 2000 [78] a amené le Président à proclamer l’état d’urgence en août 2017 : parmi les défis de santé cristallisant l’attention des États, les questions liées au cannabis ont donc été reléguées derrière les enjeux de santé publique liés au contrôle du marché des opioïdes commercialisés de façon légale. D’autre part, la légalisation du cannabis récréatif en cours de préparation dans un pays voisin (le Canada) risque, lorsqu’elle entrera en vigueur le 1er juillet 2018, de relancer la question de l’opportunité d’une légalisation totale du cannabis (full legalization) au niveau fédéral aux États-Unis.

Remerciements

À l’équipe du collectif de recherche CANNALEX pour l’ensemble des travaux et réflexions menés en commun : Nacer Lalam, David Weinberger et Déborah Alimi (INHESJ) et Michel Gandilhon (OFDT).
Pour leur relecture d’une première version de ce texte : Frank Zobel (directeur adjoint d’Addiction Suisse), Virginie Gautron (Maître de conférences en droit pénal et sciences criminelles à l’Université de Nantes), Julie-Emilie Adès et François Beck (OFDT).

Notes

  • [1]
    Le Controlled Substances Act de 1970 interdit l’usage, la détention et le trafic de stupéfiants. Il distingue deux classes de produits justifiant un niveau de contrôle plus ou moins élevé : avec l’héroïne, le cannabis figure dans la première classe (Schedule I), au motif que ses effets thérapeutiques n’auraient pas été démontrés.
  • [2]
    National Conference of State Legislatures, State Medical Marijuana Laws, 2016. Disponible sur : http://www.ncsl.org/research/health/state-medical-marijuana-laws.aspx (consulté en novembre 2017).
  • [3]
    Voir par exemple : JENKINS, Simon. « The revolution in cannabis law has begun but Britain is stuck in the past ». The Guardian. 11 novembre 2016 ; HOYLE, Ben. « California dreaming of a pot revolution ». The Times. 23 août 2016.
  • [4]
    Il faut également citer Washington DC, où les citoyens ont approuvé la légalisation de la possession et la culture de cannabis pour usage personnel mais sans dispositions pour un marché régulé.
  • [5]
    SHARP, Elaine B., The Dilemma of Drug Policy in the United States, New York : HarperCollins College Publishers, 1994. ; ROSENBERG, Leif, America’s drug war debacle, Brookfield VT : Ashgate Publishing Co., 1996.
  • [6]
    HALL, Wayne D., PACULA, Rosalie L., Cannabis use and dependence : Public health and public policy, Melbourne : Cambridge University Press, 2003.
  • [7]
    COURTWRIGHT David T., No Right Turn : Conservative Politics in a Liberal America, Cambridge : Harvard University Press, 2010. ; ROOM, Robin, FISCHER, Benedikt, HALL, Wayne D., et al., Cannabis policy : Moving beyond Stalemate, Oxford : Oxford University Press, 2010.
  • [8]
    MUSTO, David, The American Disease, Oxford & New York : Oxford University Press, 1973.
  • [9]
    PACULA, Rosalie L., MACCOUN, Robert, REUTER, Peter, et al.. « What does it mean to decriminalize marijuana ? A cross-national empirical examination ». Advances in health economics and health services research. 2005, 16, p. 347-369.
  • [10]
    HALL, Wayne D., PACULA, Rosalie L., Cannabis use and dependence : Public health and public policy, Melbourne : Cambridge University Press, 2003. ; PACULA, Rosalie L., SMART, Rosanna. « Effects of change in marijuana laws on marijuana use and disorders : Medical marijuana and marijuana legalization ». Annual Review of Clinical Psychology. 2017, vol.13, n° 1.
  • [11]
    MACCOUN, Robert, REUTER, Peter, Drug war heresies : Learning from other vices, times and places, Cambridge : Cambridge University Press, 2001. ; KILMER, Beau, Multinational overview of cannabis production regimes, Santa Monica, CA : Rand Corporation, 2013.
  • [12]
    COLLINS, John. “Rethinking ‘Flexibilities’ in the International Drug Control System – Potential, Precedents and Models for Reform”. International Journal of Drug Policy. 2016. Disponible sur : http://dx.doi.org/10.1016/j.drugpo.2016.12.014 (consulté en novembre 2017).
  • [13]
    CAULKINS, Jonathan P., KILMER, Beau, KLEIMAN, Mark A.R., Marijuana legalization : What everyone needs to know ?, Oxford : Oxford University Press, 2016.
  • [14]
    Pour la première fois depuis 40 ans, les crédits de prévention ont, en 2011, plus progressé que ceux de la répression, traduisant une réorientation des priorités budgétaires de la politique de lutte contre les stupéfiants.
  • [15]
    OGDEN, David W., Memorandum for selected US attorneys on investigations and prosecutions in states authorizing the medical use of marijuana, Washington DC : US Department of Justice, 2009.
  • [16]
    Au contraire, une circulaire a pris acte de l’apparente contradiction entre la prohibition au niveau fédéral et les initiatives de légalisation du Colorado et de l’État de Washington. ; COLE, James, Memorandum to all US attorneys : Guidance regarding marijuana enforcement, Washington DC : US Department of Justice, 2013.
  • [17]
    Source : Bureau du budget du Congrès (Congressional Budget Office).
  • [18]
    HUSSEY, Wesley, GEANT, Laure. « Le Golden State dans la tourmente. La crise budgétaire californienne sous la nouvelle administration Obama ». Politique américaine. 2009, vol. 2, n° 14, p.107-132.
  • [19]
    24 États fédérés sur 50 prévoient un tel mécanisme : Alaska, Arizona, Arkansas, California, Colorado, Florida, Idaho, Maine, Massachusetts, Michigan, Mississippi, Missouri, Montana, Nebraska, Nevada, North Dakota, Ohio, Oklahoma, Oregon, South Dakota, Utah, Washington, Wyoming. Disponible sur : http://www.iandrinstitute.org/states.cfm (consulté en novembre 2017).
  • [20]
    La légalisation du cannabis récréatif a été adoptée par amendment (Colorado), initiative (État de Washington, Washington DC), measure (Oregon, Alaska), proposition (Californie) ou question (Nevada, Massachusetts, Maine).
  • [21]
    Le référendum d’initiative populaire existe dans tous les États qui ont légalisé le cannabis mais sa portée n’est pas la même partout : si tous permettent de modifier la loi par la voie de l’initiative populaire, seuls 5 États sur 8 prévoient la possibilité d’initiatives amendant la Constitution de l’État : Colorado, Californie, Massachusetts, Nevada, Oregon.
  • [22]
    Sur le rôle joué par les groupes de la société civile dans les changements de législation, voir COLE, David, The Engines of Liberty. The power of citizen activists to make constitutional law, New York : Basic Books, 2016.
  • [23]
    Du fait notamment de proportions importantes de catégories de populations tendanciellement favorables à une politique « libérale », au sens anglo-saxon, c’est-à-dire plutôt orientée à gauche (étudiants et Afro-américains, majoritaires à Washington DC alors qu’ils représentent 13 % de la population fédérale).
  • [24]
    Le plus important lobby américain de réforme de la politique du cannabis qui a conduit une campagne similaire dans 5 États (Colorado, Alaska, Maine, Massachusetts, Nevada).
  • [25]
    Qui a conduit la campagne dans deux États (État de Washington et Oregon).
  • [26]
    Alors que l’industrie de l’alcool semble craindre un rétrécissement de ses opportunités de marché au profit d’autres « consommations de loisirs », les syndicats de police et de surveillants de prisons (gérées par le secteur privé) pointent le risque d’une baisse de leurs moyens consécutive à un recul de la pénalisation des usagers de cannabis. Voir : https://www.opensecrets.org/news/2014/08/money-not-morals-drives-marijuana-prohibition-movement/ (consulté en novembre 2017).
  • [27]
    Comme par exemple le journaliste gastronomique Rick Steves, qui a investi dans différentes campagnes en faveur de la légalisation (350 000 $ dans l’État de Washington, 100 000 $ dans le Massachusetts, 50 000 $ dans le Maine).
  • [28]
    Endorsements (voir par exemple sur le site de Yes on 64 en Californie : http://www.letsgetitrightca.org/endorsements, consulté en novembre 2017).
  • [29]
    À noter que le profil dominant des groupes promouvant la légalisation du cannabis récréatif (juristes et avocats) se différencie notablement de celui des partisans du cannabis médical (associations de patients et de médecins), même si les deux mouvements sont soutenus par le NORML, le MPP et la Drug Policy Alliance. Voir PFEIFER, Daniel J., « Smoking gun : the Moral and Legal Struggle for Medical Marijuana »., Touro Law Review., 2011, vol. 27, n°2, 2011, p. 339-377
  • [30]
    DRUCKER, Ernest, « Drug prohibition and public health : 25 years of evidence ». Public Health Reports. 1999, 114(1), p. 14-29. ; SIRIN, Cigdem V. « From Nixon’s War on Drugs to Obama’s Drug Policies Today : Presidential Progress in Addressing Racial Injustices and Disparities »., Race, Gender & Class. 2011, vol. 18, n°3/4, p. 82-99.
  • [31]
  • [32]
  • [33]
  • [34]
    JEFFREYS, Jones Rhodri, The American Left. Its Impact on Politics and Society Since 1900, Edimbourg : Edinburgh University Press, 2013.
  • [35]
    TEIXEIRA, Ruy, New Progressive America. Twenty Years of Demographic, Geographic, and Attitudinal Changes Across the Country Herald a New Progressive Majority, Washington DC : Center for American Progress, 2009.
  • [36]
    Par exemple, Campaign for Paid Family Leave depuis 2006 pour l’obtention de congés parentaux ; manifestation des fonctionnaires du Wisconsin en 2011, le plus important mouvement social qu’aient connu les États-Unis depuis 75 ans, suivi la même année par le mouvement Occupy, contre les abus du capitalisme financier ; mouvement Fight for $15 des travailleurs payés à l’heure pour augmenter le salaire minimum depuis 2012 ; la grève des enseignants de Chicago de septembre 2012 qui a ravivé le syndicalisme enseignant dans tout le pays ; l’organisation des actions de Moral Mondays qui ont remis à jour la tradition de désobéissance civile des religieux progressistes dans les Etat du Sud depuis 2013 ; mouvement de défense des droits des immigrés et notamment ses composantes de jeunes auto-organisés (mouvement des Dreamers) et, enfin, Black Lives Matter contre les violences policières et le racisme institutionnel dont sont victimes les citoyens afro-américains.
  • [37]
    MCCARTHY, John D., MCPHAIL, Clark, « The Institutionalization of Protest in the United States », in MEYER, David S., TARROW, Sidney, eds., The Social Movement Society : Contentious Politics for a New Century, Lanham : Rowman and Littlefield, 1998, p. 83-110. ; BRICK, Howard, PHELPS, Christopher, Radicals in America. The U.S. Left since the Second World War, Cambridge : Cambridge University Press, 2015.
  • [38]
    Disponible sur : http://www.whitehousedrugpolicy.gov/publications (consulté en novembre 2017)..
  • [39]
    Colorado Legislative Council Staff, Economics Section, Focus Colorado : Economic and Revenue Forecast,20 juin 2014, p.29-30. Disponible sur : http://www.leg.state.co.us/lcs/econforecast.nsf/vwFile/1406/$File/14JuneForecast.pdf#page=29 (consulté en novembre 2017).
  • [40]
    Selon l’ACLU. Disponible sur : https://www.aclu-wa.org/sites/default/files/pie_graph/502_tax_revenue_chart.pdf (consulté en novembre 2017).
  • [41]
    State Legislative Analyst’s Office. Disponible sur : http://www.lao.ca.gov/ballot/2016/Prop64-110816.pdf (consulté en novembre 2017).
  • [42]
    EKINS, Gavin, HENCHMAN, Joseph, Marijuana Legalization Taxes : Federal Revenue Impact, Tax Foundation, Fiscal Fact No. 509, 2016. Disponible sur : https://files.taxfoundation.org/legacy/docs/TaxFoundation_FF509.pdf (consulté en novembre 2017).
  • [43]
    OBRADOVIC, Ivana. « Actualité de la régulation du cannabis aux États-Unis ». Note, OFDT, 2017.
  • [44]
    S’agissant d’un comportement illicite, la question du biais de déclaration peut être posée mais elle ne remet pas en cause la fiabilité des évolutions observées, à biais constants avec les mêmes instruments de mesure (SAMHSA, 2015).
  • [45]
    L’institut de sondage Gallup publie chaque année un State of the States qui classe les 50 États américains au regard de critères statistiques multiples, allant de l’économie à l’inclination idéologique des Américains.
  • [46]
    Massachusetts, État de Washington, Nevada, Colorado, Californie et Oregon.
  • [47]
    Ce pourcentage global masquant parfois de fortes disparités, comme dans l’État de Washington, coupé en deux par la chaîne des Cascades que les habitants appellent « le rideau de fer » en référence aux clivages politiques entre l’Ouest (où la population, essentiellement urbaine, est attachée aux valeurs libérales) et l’Est de l’État (peuplé par une population plus marquée par les valeurs chrétiennes et conservatrices).
  • [48]
    Voir par exemple l’argumentaire développé par le MPP autour des retombées économiques de la légalisation du cannabis au Colorado. Disponible sur : https://www.mpp.org/issues/legalization/colorado-the-economy-after-legalization-and-regulation/ (consulté en novembre 2017).
  • [49]
    DAVENPORT, Steven S., CAULKINS, Jonathan P. « Evolution of the United States marijuana market in the decade of liberalization before full legalization ». Journal of Drug Issues. 2016, vol. 46, n° 4, p.411-427.
  • [50]
    PACULA, Rosalie L., SMART, Rosanna. « Effects of change in marijuana laws on marijuana use and disorders : Medical marijuana and marijuana legalization ». Annual Review of Clinical Psychology. 2017, vol.13, n° 1. ; HASIN, Deborah S., SARVET, Aaron L., CERDA, Magdalena, et al. « US Adult Illicit Cannabis Use, Cannabis Use Disorder, and Medical Marijuana Laws1991-1992 to 2012-2013 ». JAMA Psychiatry. Published online April 26, 2017. Disponible sur : doi :10.1001/ jamapsychiatry.2017.0724 (sonculté en novembre 2017).
  • [51]
    BRADFORD, Ashley C. BRADFORD, David W. « Medical Marijuana Laws Reduce Prescription Medication Use In Medicare ». Health Affairs. Juillet 2016, vol. 35, n° 7, p. 1230-1236.
  • [52]
    BABOR, Thomas, Alcohol : No ordinary commodity : research and public policy, Oxford : Oxford University Press, 2010.
  • [53]
    Voir : ZOBEL, Frank, MARTHALER, Marc, Nouveaux développements concernant la régulation du marché du cannabis. De A (Anchorage) à Z (Zürich), Lausanne : Addiction Suisse, 2016.
  • [54]
    BABOR, Thomas, Alcohol : No ordinary commodity : research and public policy, Oxford : Oxford University Press, 2010. ; PARDO, Bryce, « Cannabis policy reforms in the Americas : A comparative analysis of Colorado, Washington and Uruguay ». International Journal of Drug Policy. 2014, n° 25, p. 727-735 ; HALL, Wayne D., LYNSKEY, Michael. « Evaluating the public health impacts of legalizing recreational cannabis use in the United States ». Addiction. 2016, vol.111, p. 1764-1773. ; HALL, Wayne D. « Alcohol and cannabis : Comparing their adverse health effects and regulatory regimes ». International Journal of Drug Policy. 2017, vol. 42, p. 57-62.
  • [55]
    Sauf dans l’État de Washington qui n’autorise la culture personnelle de cannabis qu’à des fins médicales.
  • [56]
    Possibilité offerte aux communes ou aux comtés de ne pas appliquer la nouvelle législation si une majorité de la population locale s’y est déclarée opposée lors du référendum.
  • [57]
    Source : Colorado’s Marijuana Enforcement Division et Oregon Liquor Control Commission. Disponible sur : http://www.oregon.gov/olcc/marijuana/Documents/Cities_Counties_RMJOptOut.pdf (consulté en novembre 2017).
  • [58]
    Le modèle de politique publique déployé en matière de lutte contre le tabagisme, confronté aux intérêts des industriels du tabac qui parviennent à contourner l’interdiction de publicité et arrivent à mettre en doute les dangers du tabac à travers une activité florissante de lobbying, a été largement étudié et décrié. Voir : PROCTOR, Robert N., Golden holocaust : Origins of the cigarette catastrophe and the case for abolition, Berkeley : University of California Press, 2011.
  • [59]
    Taxe indirecte sur la vente ou la consommation de certains produits jugés de faible nécessité (produits de luxe), rares (pétrole) ou dangereux (comme le tabac, l’alcool ou les jeux de casino : on parle alors de sin taxes).
  • [60]
    MEIER, Kenneth J., The Politics of Sin : Drugs, Alcohol and Public Policy : Drugs, Alcohol and Public Policy, Milton : Taylor & Francis, 1994.
  • [61]
    Voir par exemple : MILLER, Kenneth, HEIDOM, Nicolas. « Du People’s Rule en Californie ». Politique américaine. 2007, vol. 3, n° 9, p.65-80.
  • [62]
    TASSEY, Gregory, « Innovation in innovation policy management : the experimental technology incentives program and the policy experiment ». Science and Public Policy. Juillet 2014, vol. 41, n° 4, p. 419-424.
  • [63]
    CHELLE, Élisa, « Un laboratoire urbain. New York sur le policy market de la lutte contre la pauvreté ». Revue française de science politique. 2013, vol. 63, n° 5, p.893-915.
  • [64]
    Ibid.
  • [65]
    BRODKIN, Evelyn Z., KAUFMAN, Alexander. « Policy Experiments and Poverty Politics ». The Social Service Review. 2000, vol. 74, n° 4, p. 507-532.
  • [66]
  • [67]
  • [68]
    Disponible sur : http://www.gallup.com/poll/1657/illegal-drugs.aspx (consulté en novembre 2017).
  • [69]
    Disponible sur : http://www.apnorc.org/PDFs/Drugs/AP-NORC%20Drugs%20Report%20Topline.pdf (consulté en novembre 2017).
  • [70]
    Gallup, In US, 58 % black legal marijuana use, Washington DC : Gallup, 2015.
  • [71]
    Minnesota (1976), New York (1977), Caroline du Nord (1977), Mississippi (1978), Nebraska (1979), Connecticut (2011), New Jersey (2012), Rhode Island (2013), Vermont (2013), Maryland (2014), Delaware (2015), Illinois (2016), Ohio (2016), Missouri (2017).
  • [72]
    Par exemple dans l’Illinois, le Mississippi, au Missouri, au Delaware ou dans le Maryland.
  • [73]
    Par exemple : Connecticut, Rhode Island, Vermont.
  • [74]
    Parmi les projets de recherche en cours sur ce sujet, l’étude CANNALEX, menée en France par l’INHESJ et l’OFDT, permettra de rendre compte des premières retombées de la réforme (rapport à paraître fin 2017).
  • [75]
    MAXWELL Jane C., MENDELSON, Bruce. « What do we know about the impact of the laws related to marijuana ? ». Journal of Addiction Medicine. 2016, vol.10, n° 1, p.3-12. ; HUDAK, John. « Colorado’s Rollout of Legal Marijuana Is Succeeding. A Report on the State’s Implementation of Legalization. Center for effective public management ». Brookings Institute. 2014. ; Drug Policy Alliance (DPA), So Far, So Good. What We Know About Marijuana Legalization in Colorado, Washington, Alaska, Oregon and Washington DC, Oakland, 2016 ; AZOFEIFA, Alejandro, MATTSON, Margaret E., SCHAUER, Gillian, et al. National Estimates of Marijuana Use and Related Indicators — National Survey on Drug Use and Health, United States, 2002–2014. MMWR Surveillance Summary. 2016, vol.65, n°SS-11, p.1–25..
  • [76]
    Lorsqu’il était sénateur de l’Alabama, Jeff Sessions a été l’un des plus fervents opposants à la régulation du cannabis récréatif, produit qu’il juge « à peine moins terrible » que l’héroïne (‘only slightly less awful’). Lors d’une audition au Sénat, il a jugé que « les gens bien ne fument pas de marijuana ». Opposé au Cole Memo, Sessions a reproché à Barack Obama d’avoir banalisé le cannabis en affirmant qu’il n’était pas plus nocif que l’alcool. Sessions a aussi défendu la peine de mort pour les trafiquants de cannabis.
  • [77]
    Dans une interview du 19 juillet 2017 au New York Times, le Président a déclaré qu’il n’aurait jamais nommé Jeff Sessions s’il avait su que ce dernier se récuserait dans l’enquête du FBI explorant les contacts de son équipe de campagne avec l’ambassadeur russe à Washington pendant la présidentielle.
  • [78]
    Entre 2000 et 2015, plus d’un demi-million de personnes sont décédées d’une surdose liée à des produits prescrits sur ordonnance ou à des injections d’héroïne. L’ampleur de cette « crise des opioïdes » a progressé depuis 2000, dépassant le chiffre de 60 000 décès en 2016, soit une mortalité équivalant à celle de la guerre du Vietnam (58 000 morts) et de la guerre en Irak 4 500 morts).
Français

Pendant plusieurs décennies, les États-Unis ont compté parmi les garde-fous de la prohibition posée par les conventions de l’ONU sur les stupéfiants en se posant comme l’un des pays les plus sévères en matière de « guerre à la drogue ». Pourtant, en cinq ans, huit États sur cinquante ont franchi une étape inédite dans la régulation du cannabis en légalisant sa culture, sa vente, sa détention et sa consommation à des fins récréatives pour les adultes âgés d’au moins 21 ans, en dépit de l’interdit fédéral. Aujourd’hui, dans le troisième pays le plus peuplé du monde, un habitant sur cinq expérimente ainsi un nouveau système de régulation du cannabis par le marché légal, en dépit de l’interdit fédéral. La légalisation du cannabis « récréatif » vient complexifier une situation contrastée où 29 États fédérés sur 50 (et Washington DC) autorisent déjà l’usage thérapeutique de cannabis.
Cette contribution décrit les processus engagés dans les États qui ont, depuis 2012, légalisé la détention et la vente de cannabis à des fins récréatives, afin d’identifier les propriétés et les conditions de possibilité d’une telle réforme. Elle souligne que ce changement peut être rapporté à plusieurs éléments de contexte, en premier lieu l’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis en 2008. L’analyse se prolonge avec un état des lieux des modèles de régulation mis en œuvre, soulignant leurs convergences et leurs disparités.

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Ivana Obradovic
Ivana Obradovic est directrice adjointe de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et chercheuse associée au Centre de Recherches sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales (CESDIP), spécialisée dans l’analyse des politiques publiques liées aux drogues. Ses travaux portent prioritairement sur les politiques pénales menées à l’égard des auteurs d’infractions à la législation sur les stupéfiants. Elle participe actuellement à une recherche sur les systèmes de régulation du cannabis mis en place au Colorado, dans l’État de Washington et en Uruguay, coordonnée par l’INHESJ et l’OFDT (CANNALEX). Elle a enseigné l’évaluation des politiques publiques à Sciences-Po Paris et à l’Université de Picardie Jules-Verne.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 23/03/2018
https://doi.org/10.3917/polam.030.0137
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