CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le 17 mars 2009, le quotidien Fraternité Matin révélait que le président de la République de Côte d’Ivoire s’était fait représenter à l’inauguration de Oya dojo, le plus grand centre de Sukyo Mahikari de toute l’Afrique, à Abidjan. Pourtant, ce mouvement religieux importé du Japon est stigmatisé comme « secte », malmené par les médias et avait été jusqu’alors peu légitimé par l’État. Ce récent soutien politique public témoigne de la place accrue de Mahikari sur la scène religieuse ivoirienne, d’autant plus que Oya dojo est construit sur le boulevard Latrille, dans un quartier convoité, situé à 500 mètres de la grande mosquée d’Aghien. Ce mouvement a ainsi réussi à se faire une place, malgré la réticence des confessions religieuses.

2Fondé en 1959 au Japon par un officier de l’armée impériale, Mahikari propose à des initiés (kumite) un rituel de purification (Okiyome) dans le but de restaurer le paradis sur terre. Offrant un recours thérapeutique et une sécurité spirituelle aux classes moyennes touchées par les « effets pervers » de la croissance économique (stress, obligation de réussite, sorcellerie, etc.), Mahikari compte dans les paysages religieux locaux car, en dépit de son caractère minoritaire, il partage les mêmes enjeux symboliques que l’Église catholique, l’islam ou les Églises protestantes dont la visibilité s’est accrue depuis les années 1990 [1]. Comme eux, Mahikari se caractérise par une communication avec des divinités, un apport aux adeptes d’un mieux-être thérapeutique, psychologique et social, et une volonté de transformer la société. Aussi, dans un contexte de pluralisme religieux, est-il pris dans des stratégies de concurrence dont témoignent les attaques qu’il subit.

3Mahikari recrute, dans les grandes villes d’Afrique de l’Ouest, des Africains qui conservent leur religion d’origine. Il étoffe l’offre religieuse diversifiée tant en Côte d’Ivoire, où cohabitent le christianisme, l’islam, les mouvements religieux récents venus d’ailleurs et les religions locales, qu’au Sénégal, où l’islam reste dominant, et au Bénin, où le christianisme et l’islam se font concurrence – le premier surpassant le second – tandis que la vitalité du vodun est constamment réactivée [2]. Après son officialisation en France en 1971, Mahikari s’est exporté dans une contemporanéité remarquable en Côte d’Ivoire et au Sénégal en 1974-1975, au Bénin en 1979 puis dans d’autres pays d’Afrique [3]. Il a accompagné la croissance économique soutenue par des États interventionnistes, surtout en Côte d’Ivoire où le « miracle ivoirien » donnait aux populations des espoirs de réussite, entraînant une forte immigration africaine et européenne, avant que la crise ne se fasse sentir dans les années 1980. L’implantation de Mahikari est plus importante dans ces trois pays [4] qu’ailleurs en Afrique de l’Ouest, malgré des paysages religieux différents et des contextes politiques contrastés. Leur comparaison révèle que les logiques symboliques des différentes confessions face à la concurrence transcendent les frontières nationales et les configurations politiques. Pour garder une place sur la scène religieuse nationale, Mahikari doit faire face à une double difficulté. L’une est liée à sa capacité à s’attirer des adeptes dans un contexte où l’Église catholique, l’islam ou le vodun bénéficient d’une forte légitimité auprès de l’État et des populations, qui y adhèrent par filiation. L’autre tient aux concurrences religieuses nouvelles entraînées par la pluralisation : les adeptes doivent être fidélisés face aux mouvements plus offensifs.

4Cet article interroge les stratégies élaborées par ce mouvement religieux japonais immergé dans un contexte de pluralisation religieuse. Nous verrons que les acteurs religieux en concurrence se disputent surtout la médiation à la divinité tandis que l’État est attentif aux valeurs d’universalisme et de paix sociale diffusées par le mouvement religieux. Dans un double processus, Sukyo Mahikari s’adapte au contexte local sans se dénaturer, en créant notamment des « passerelles symboliques » qui sont à leur tour saisies par les concurrents, surtout catholiques et musulmans, pour compromettre sa réussite. Ces passerelles sont des références symboliques puisées dans les théologies locales avec lesquelles les populations sont familiarisées, et qui devraient faciliter l’accès à Mahikari par des logiques de mimétisme. Elles sont tout autant le support de sa distinction face aux autres. L’analyse de ces dynamiques croisées dévoile les logiques symboliques utilisées par les acteurs religieux en concurrence et qui influencent l’implantation de ces mouvements [5].

La reconfiguration de la géographie religieuse par des acteurs en concurrence

5Les acteurs religieux en concurrence occupent un espace qui dépasse les murs de leurs lieux de culte grâce à leurs ressources symboliques : par les rituels et les objets sacrés, les initiés manipulent des forces invisibles et communiquent avec des divinités intervenant chez les humains en tout lieu et toute heure. Les acteurs entrent ainsi en concurrence par un jeu de forces symboliques. La puissance supposée ou reconnue de chacun joue un rôle significatif dans la réussite ou l’échec de l’implantation des mouvements religieux. Si l’on définit la géographie religieuse comme un agencement d’espaces symboliques, ces dynamiques concurrentielles déterminent à leur manière l’occupation physique du territoire par les différents mouvements.

Les logiques de l’implantation de Sukyo Mahikari

6Le fondateur de Mahikari, Sukuinushisama, suite aux « révélations » reçues du dieu Su lors d’un coma, se donne pour mission de mobiliser les hommes pour restaurer le paradis sur terre et former la « Civilisation de Yoko ». Fortement inspirés du shinto [6], les Enseignements de Mahikari contiennent des références au christianisme, à l’islam, au bouddhisme et au judaïsme. Mahikari rassemble des initiés dotés d’un médaillon sacré, omitama, pour réaliser le rituel de purification qui éliminerait les « impuretés spirituelles » (toxines) logées dans les corps et les âmes à cause des péchés. Il consiste en la transmission de la Lumière du dieu Su à travers la paume de la main des initiés dirigée sur le corps et tout l’environnement, ce qui entraîne la purification de soi et du monde. Cette pratique rituelle est institutionnalisée en une organisation pyramidale. Le siège mondial est au Japon, tandis qu’Oya dojo d’Abidjan gère toutes les structures africaines auparavant reliées au daïdojo de Paris et chapeautées par le Luxembourg, cet ensemble formant la délégation « Europe-Afrique ».

7La géographie religieuse de Mahikari se dessine d’abord au gré des concurrences avec les autres mouvements religieux : Mahikari s’implante mieux dans les pays où le catholicisme a un poids important comme en Côte d’Ivoire, alors que sa capacité à se faire une place en milieu islamique, comme au Sénégal, est moindre. La répartition géographique de Mahikari dépend donc des forces en présence dans le champ religieux : son prosélytisme au Sénégal est laborieux mais l’engouement des catholiques lui assure sa présence à Dakar, contrairement à Saint-Louis, au Nord, où les confréries tidjanes et mourides sont plus actives. En Côte d’Ivoire, Mahikari est bien implanté au Sud mais peu au Nord, caractérisé par une forte présence de l’islam et des « cultes traditionnels », à l’exception de la ville de Korhogo où les mutations des personnels de l’État contribuent à augmenter ses effectifs, ces personnels étant séduits par la protection de Mahikari contre la sorcellerie, qui répond à leurs besoins spécifiques : pris entre le prestige de leur prétendue réussite, dont la communauté villageoise attend les bénéfices, et la crise de l’État, les fonctionnaires expriment leur fragilisation par des craintes d’attaques en sorcellerie. Enfin, Mahikari est présent surtout dans le Sud-Bénin, à Cotonou, à Abomey et à Bohicon, alors que ses dirigeants, malgré leur travail acharné, échouent à trouver des adeptes dans le Nord car ils y sont empêchés, disent-ils, par les cultes traditionnels et les musulmans.

8La géographie religieuse dépend également de la façon dont les kumite interprètent les réactions des concurrents et les gèrent. En effet, la pratique de purification s’étend à l’espace public car les adeptes estiment qu’un corps sain doit vivre dans un environnement sain. Comme, selon la doctrine du mouvement, les esprits et ancêtres-vengeurs guettent leurs victimes, logés dans la nature et les espaces publics, ces lieux doivent être purifiés par la Lumière et nettoyés. Par exemple, les initiés disent rencontrer des difficultés énormes pour se rendre à Saint-Louis du Sénégal, y faire du prosélytisme et réaliser leurs activités dans l’espace public car ils y sont mal accueillis. Cet accueil hostile est interprété par les initiés comme un refus de purification de la part des esprits et des ancêtres. Les échecs sont lus à travers une grille de lecture mobilisant l’Histoire. Ainsi, sur la route de Saint-Louis, les risques d’accident provoqués par le chauffeur d’un convoi d’initiés sont interprétés en termes de persécution spirituelle :

9

« Le chauffeur a été perturbé par des esprits qui ne voulaient pas qu’on aille à Saint-Louis où le monde spirituel est très chargé. C’est normal avec tout ce qui s’y est passé. C’était un lieu de l’esclavage, Saint-Louis, un point important pour la traite des esclaves. Il y a plein d’esprits de rancune. Ce n’est pas une ville accueillante. On sent dans l’atmosphère qu’il y a quelque chose. C’est pour cela qu’à chaque fois qu’un kumite veut aller à Saint-Louis, c’est tout un problème. Il y a les esprits qui font tout pour qu’il ne puisse pas y aller [7] ».

10Cette réactualisation de l’Histoire, pour pointer la responsabilité des esprits des esclaves décédés lors de la traite et hantant la ville, révèle la manière dont les kumite conçoivent les situations de concurrence. Ils les esquivent ou les nient mais jamais ne les affrontent, ce qui est conceptualisé dans les Enseignements du mouvement : les initiés ne doivent pas rendre les coups sinon ils perdent les bénéfices de la purification.

11Enfin, l’investissement de Mahikari dans les espaces publics dépend de la place consentie par les États aux acteurs religieux. Si, au Bénin, les activités de Mahikari se cantonnent au dojo[8], à Dakar, il s’est vu léguer par l’État une parcelle du jardin botanique, ce qui en fait un véritable gestionnaire de l’environnement, œuvrant pour la protection des réserves naturelles et des parcs nationaux [9]. Ces activités écologistes traduisent une volonté de renforcer l’État plutôt que de le déstabiliser. En participant à l’entretien des infrastructures collectives, des espaces publics et à la protection de l’environnement, Mahikari agit pour une « remise en ordre » à deux niveaux : l’élimination des vibrations négatives pour les remplacer par des vibrations positives et la pacification des esprits en errance. Grâce à ce travail préalable, l’État est censé pouvoir intervenir dans la bonne gestion de l’espace urbain. Par ces actions, Mahikari s’attire une bienveillance voire une reconnaissance de l’État apportant au mouvement une légitimité accrue. Les initiés ont d’ailleurs longtemps pu « faire maboe » – transmettre la Lumière à des inconnus – dans les rues de Dakar, jusqu’à ce que les pouvoirs publics les repoussent à l’intérieur du quartier Sacré-Cœur iv[10] dans les années 1980. De fait, Abdou Diouf, président du Sénégal de 1981 à 2000, musulman tidjane dont l’épouse est chrétienne, a favorisé l’implantation de Mahikari au nom d’une ouverture religieuse, sensibilisé par quelques ministres initiés.

12Si, au Sénégal, Mahikari a pu s’implanter, contrairement au Maroc où les pouvoirs publics ont emprisonné ses dirigeants, en Côte d’Ivoire, il a profité à ses débuts de la tolérance tacite de Félix Houphouët-Boigny et a résisté à la crise des années 2000 même si son effectif s’est réduit. L’appartenance du président de Mahikari au PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) a peut-être joué, tout comme le fait que des proches des anciens présidents Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo soient des kumite. Au Bénin, la dictature de Mathieu Kérékou (1972-1990) n’a pas empêché l’implantation de Mahikari, même si ce n’est qu’en 1990 que les initiés ont pu sortir de l’ombre et disposer de locaux officiels. Si les chefs d’État influent sur les mouvements religieux, la gestion religieuse reste dans tous ces pays faible sur le plan administratif. En effet, les nouveaux mouvements religieux y sont enregistrés au ministère de l’Intérieur sous le statut associatif « loi 1901 » et l’État ne dissout que les associations soupçonnées de menacer la paix sociale. Au Sénégal, le classement ne fait apparaître qu’une sous-catégorie « associations à caractère religieux » dans laquelle figure Makikari, au même titre que toutes les autres associations religieuses sénégalaises. Au Bénin en revanche, ces catégories se distribuent selon les grands courants religieux (associations chrétiennes ou islamiques et vodun). La catégorie « secte » y est réservée aux associations qui n’entrent pas dans la catégorie « religion », et Mahikari y est rattaché. Cette classification signifie que l’État laisse la régulation du champ religieux aux mouvements eux-mêmes (islam au Sénégal, trois religions dominantes au Bénin), sans vraiment contrôler leur implantation. Même si les chefs d’État ont un certain poids, et indépendamment de stratégies politiques nationales liées au principe de laïcité, c’est en fait autour de logiques symboliques confessionnelles que se régissent les rapports interreligieux.

13Dans ce jeu concurrentiel, Mahikari reste pourtant volontairement minoritaire, comptant sur la fidélité d’un maximum d’initiés ayant accepté toutes les dimensions de son éthique : alors que l’accès au mouvement est libre, ses pratiques spirituelles seraient mieux appréciées par des adeptes issus de milieux sociaux aisés. Cet « entre-soi » garantit sa pérennité et un espoir de rapprochement avec la sphère politique selon le désir affirmé de ses dirigeants. Car, malgré un apolitisme revendiqué, Mahikari vise l’initiation des élites africaines pour une moralisation de l’État et de la société « par le haut ». En effet, il est interdit de « parler politique » dans les lieux de culte et de s’engager dans des débats passionnés. Mais si un initié s’engage en politique, il se doit d’adopter l’éthique de Mahikari valorisant la retenue, l’honnêteté, la cohésion et une maîtrise de soi en toutes circonstances. Pour s’insérer sur la scène religieuse, Mahikari est contraint de développer une stratégie qui consiste à osciller entre la distinction et le mimétisme.

Les armes de Sukyo Mahikari : mimétisme thérapeutique et distinction par le sourire

14Le premier défi de Mahikari pour attirer des adeptes est de faire oublier l’exotisme de son dispositif liturgique, comprenant des prières en japonais et un rituel fondé sur l’élimination des toxines. Il profite du fait que les initiés le choisissent comme recours thérapeutique en espérant trouver une guérison, même si les dirigeants [11] se défendent d’être un groupe guérisseur et insistent sur son caractère spirituel. Ce mimétisme entre les adeptes qui se racontent leurs meilleures expériences de guérison amène indirectement Mahikari à partager la thérapeutique religieuse avec les Églises pentecôtistes [12], les marabouts de l’islam [13], le Ndeup [14] et les guérisseurs traditionnels. La thérapie, telle que la conçoit Mahikari, se distingue par une logique médicale spécifique (les mauvaises humeurs doivent être évacuées des corps sans chercher à bloquer les symptômes et les écoulements). En effet, les maladies, d’après les Enseignements, seraient dues aux « impuretés spirituelles » (toxines) logées dans les corps et les âmes. En les transformant en liquides corporels, Okiyome[15] en rétablit le bon fonctionnement en débloquant ce que les toxines bloquaient et en les évacuant du corps. Ainsi, les symptômes (fièvre, diarrhées, vomissements), habituellement stoppés par les médicaments, sont valorisés en termes de purification.

15De leur côté, les malheurs provoqués par les esprits vengeurs et les ancêtres (reisho) sont éliminés grâce au pouvoir pacificateur de la Lumière. Les adeptes se distinguent ainsi de la concurrence par leur rapport aux esprits, qu’ils cherchent à guider vers le monde des morts où ils devraient travailler à leur évolution spirituelle au lieu de perturber les vivants. Sur ce plan, les kumite se distinguent notamment de l’Église catholique :

16

« Dans Mahikari nous transmettons la Lumière aux esprits possesseurs pour les amener à prendre conscience de leur mission. L’Église catholique n’a pas la même conception. Elle pratique l’exorcisme qui consiste à renvoyer les esprits en les brutalisant. Jésus a chassé les esprits démoniaques des hommes qui sont entrés dans des cochons et se sont jetés à la mer. Or dans Mahikari nous guidons l’esprit et dès qu’il comprend, il n’a plus le droit de posséder une autre personne. Donc l’esprit se consacre à la mission que Dieu lui a confiée dans le monde astral [16] ».

17La manipulation du sacré par chaque individu oblige aussi à une éthique de soi : la réalisation du rituel contraint les corps à des gestes précis et exige des conditions de pureté strictes. C’est sur ce point que Mahikari se distingue de ses concurrents, en particulier des Églises pentecôtistes. La propreté des dojos est en effet souvent comparée à celle, jugée moins nette, des autres églises. Si elle est obsessionnelle, c’est que la propreté conditionne la purification : dès l’entrée du dojo, les initiés se déchaussent, se lavent mains et pieds, marquant par le corps la gestion des seuils entre le dehors et le dedans. Le ménage fait partie intégrante du processus de purification et est ritualisé par gohoshi qui désigne tout « petit travail » dédié au dieu Su, un moyen de se purifier grâce à la sudation. Les lieux, caractérisés par l’absence d’odeur [17], un aspect spartiate et de délicates touches fleuries, se projettent en miroir dans les corps où se poursuit la distinction. Car si le sacré appelle la pureté des lieux, la rigueur de la pratique entraîne une réglementation des corps : les postures et gestes du rituel, véritable « technique du corps [18] », se prolongent dans des attitudes se voulant élégantes et rigides. Pour pratiquer Okiyome au dojo, les initiés s’installent sur des tatamis pour se transmettre la Lumière à différents points du corps dans un silence absolu. Avec une précision minutée, les initiés manient le sacré avec précaution devant l’autel du dieu Su. Cette technique s’accompagne de gestes contrôlés soumettant les corps à une perpétuelle attention à soi face au sacré. Les postures dans la relation au divin devant être « respectueuses », elles se traduisent par de multiples courbettes normées, conférant aux initiés une attitude introvertie presque craintive mais fière et digne. C’est pourquoi, aux yeux des populations, Mahikari, à l’instar des Rose-Croix [19], se démarque des Églises « populaires » par ses pratiques élitistes et précieuses. Présentée comme un « art de vivre » au quotidien, la pratique de Mahikari est appréciée par une catégorie de la population possédant un certain capital culturel et social (fonctionnaires, classes moyennes voire supérieures). Mahikari leur offre un moyen jugé moderne, clair et propre de se protéger contre de supposées attaques en sorcellerie, palliant ainsi leur manque de « culture traditionnelle » dû à leur éloignement du village.

18Le respect de l’éthique de Mahikari par les initiés fait partie du processus de purification, un comportement non-conforme aux Enseignements produisant des toxines. Contrairement aux protestants évangéliques, par exemple, qui emploient un prosélytisme actif, Mahikari se fait connaître par le bouche-à-oreille au gré des réseaux de proximité : convaincre les autres dépend alors de l’exemple donné par l’initié prosélyte. Cette éthique est fidèle à celle en vigueur au Japon et la structure internationale interdit les réinterprétations locales. Ainsi, le dispositif liturgique reste inchangé du Japon à l’Afrique [20], enseigné par les dirigeants et contrôlé par les missionnaires (doshi) [21]. Pour convaincre, la gentillesse et le sourire sont les meilleurs atouts des kumite. Aussi sont-ils encouragés à devenir des êtres souriants, élégants, propres, sérieux et dignes de confiance car si les actions et les « pensées profondes » (sonen) sont négatives, elles entraînent la production de toxines compromettant leur purification. Partout, les dirigeants conseillent de « changer d’attitude et de comportement » au profit d’une éthique formulée sous forme d’un leitmotiv : « kansha sunao geza » [22] ( « reconnaissance, obéissance, humilité du cœur »). La reconnaissance (kansha) est un souci constant chez les initiés et implique des remerciements adressés au dieu Su pour les petits bonheurs comme pour les grands malheurs car il est censé orchestrer tout l’univers. L’obéissance (sunao) ne signifie pas la soumission à l’autorité sans libre arbitre mais plutôt l’adoption d’une attitude d’ouverture d’esprit favorisant l’intégration des Enseignements sans a priori. Cette attitude concerne aussi le respect des hiérarchies sociales. L’humilité du cœur (geza) implique de ne pas mépriser les autres car être injuste ou agressif avec autrui dans cette vie générerait des toxines appelant réparation dans une vie future à travers des malheurs. Par ailleurs, pour être efficaces, les démarches spirituelles des kumite doivent être accompagnées de sincérité et d’altruisme. En résumé, un « bon yokoshi » [23] doit toujours avoir le sourire ; il est un « être rayonnant » qui émet des vibrations positives, plein d’encouragement pour les autres et dénué d’hypocrisie. Il doit abandonner tout caractère plaintif, négatif, égoïste, compromettant à coup sûr la purification individuelle et collective. La force du sourire et de la Lumière reste l’arme principale des kumite, ce qui suscite des inquiétudes : ils sont ainsi souvent perçus comme de dangereux « illuminés », trop gentils pour être honnêtes, qualifiés partout par les profanes de « sorciers » manipulant des forces invisibles à des fins inavouées. À l’inverse, leur gentillesse les fait apparaître faibles aux yeux de ceux en quête d’une force plus immédiate.

19Même si l’usage du sourire appartient à un dispositif liturgique international s’implantant localement sans distorsion, Mahikari consent à construire localement des passerelles symboliques pour favoriser le recrutement d’adeptes. Empruntant au registre liturgique du catholicisme et de l’islam, celles-ci sont autant de ponts jetés par Mahikari vers de potentiels adeptes. En retour, les dignitaires religieux locaux y voient une concurrence déloyale et réagissent pour limiter sa présence.

Une stratégie de passerelles symboliques œcuméniques

20Avant tout, les initiés sont encouragés à conserver leur religion d’origine et à pratiquer dans une double appartenance religieuse [24], rendue possible par l’universalisme prôné par les dirigeants du mouvement. Si les adeptes musulmans sont nombreux à s’initier, les catholiques sont majoritaires et les « animistes » rares [25]. Plus qu’un « cumul religieux », l’initiation à Mahikari relève de plusieurs logiques élaborées par les dirigeants qui permettent aux adeptes d’accéder aux bienfaits promis par Mahikari quitte à concéder quelques arrangements symboliques [26] dénués de « travail syncrétique » [27]. Les initiés adoptent alors tels quels les Enseignements sans élaborer un nouveau système de sens adapté localement. D’abord, par l’universalisme, Mahikari refusant la qualification de « religion » et s’auto-désignant comme « art spirituel », ou « art sacré », les religions catholique, musulmane et bouddhiste devenant alors équivalentes :

21

« À Mahikari, tout est clair et explicite. Vous prenez la Bible, on s’y retrouve ; vous prenez le Coran, on s’y retrouve [28] ».

22Mahikari voudrait apparaître comme la « religion universelle » accessible à tous sans discrimination confessionnelle. L’État est sensible à cet universalisme, qui vaut à Mahikari une certaine reconnaissance. Cet universalisme rend en effet le mouvement moins hostile aux yeux des pouvoirs publics, surtout lorsqu’il s’engage dans des activités de protection de l’environnement et de nettoyage des espaces publics avec le sourire. Les figures prophétiques des religions historiques sont intégrées dans la liturgie de Mahikari et son fondateur est « fusionné » avec Jésus, Mahomet, et Sakyamuni (Bouddha) car, d’après les dirigeants, Sukuinushisama serait la réincarnation de tous les messagers de Dieu. La réincarnation est l’un des pivots du système de sens de Mahikari et elle est assimilée à des pratiques jugées « traditionnelles » en Afrique subsaharienne, comme par exemple le marquage des bébés morts [29]. Lorsqu’une femme accouche plusieurs fois de mort-nés, on fait une entaille sur le corps du cadavre en s’attendant à ce que le prochain enfant de la même mère naisse avec cette marque prouvant le retour du bébé mort. L’analogie est faite aussi avec le christianisme pour mieux s’en distinguer :

23

« Un prêtre catholique dit que la réincarnation n’existe pas parce qu’il respecte la décision prise au Concile de Constantinople. Il ne veut pas contredire. Après le Concile, c’est la résurrection qui a été enseignée mais la réincarnation existe. Dans la Bible, il est écrit : “Jésus, êtes-vous Eli qui est revenu ?” [30] ».

24Le Coran est aussi revisité pour légitimer la réincarnation, notamment à travers la sourate 2 (La Vache ii, verset 28) : « Comment pouvez-vous renier Allah alors qu’Il vous a donné la vie, quand vous en étiez privés ? Puis Il vous fera mourir, puis Il vous fera revivre, et enfin c’est à Lui que vous retournerez ». Aucun travail d’interprétation n’est mené par les dirigeants, la sourate étant citée comme une évidence.

25Pour augmenter leurs chances de sensibiliser les Africains, les dirigeants valorisent le culte des ancêtres comme passerelle avec la « tradition » africaine, même si la forme adoptée est dictée par Mahikari depuis le Japon. Si la réincarnation donne sens à la pratique de la purification, elle explique aussi la relation aux ancêtres. Ce culte consiste à installer au domicile un autel abritant des stèles funéraires miniatures imitant celles des sanctuaires shinto et à offrir chaque jour aux ancêtres une portion de son repas et un soin ritualisé. La communication rétablie avec les ancêtres devrait apaiser leur courroux envers les kumite et attirer leur protection. Le culte des ancêtres de Mahikari est assimilé à celui du village :

26

« J’ai l’autel des ancêtres et c’est formidable car c’est le lien entre l’Afrique et Mahikari. Si je vais au village et que je dis que j’ai l’autel des ancêtres, mon père, mon arrière-grand-père seront contents parce que nous, on avait cette coutume-là [31] ».

27Ce parallèle peut étonner, mais il traduit le fait que les kumite africains font du culte des ancêtres un pont entre la ville et le village des parents, garants de la « tradition », dont ils se sentent éloignés par leur vie citadine. Cette distance anxiogène vis-à-vis de la « tradition africaine » est ainsi effacée grâce à la pratique de Mahikari.

Le noyau de la concurrence religieuse : la médiation entre hommes et divinités

28Les chefs d’État marquent souvent ostensiblement leur préférence pour certaines confessions. Mahikari a su s’implanter dans des lieux aux paysages politico-religieux contrastés. En effet, en Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, président jusqu’en 1993 et référence pour les kumite, avait montré son soutien aux catholiques en édifiant l’imposante basilique de Yamoussoukro. Ses successeurs, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, sont eux aussi catholiques, l’épouse de ce dernier ayant été la dirigeante de la JECF (Jeunesse étudiante catholique féminine) avant de se tourner vers le protestantisme évangélique. Au Sénégal, l’ancien président Abdou Diouf (1981-2000), est musulman et promoteur de l’ouverture religieuse. Au Bénin, Mathieu Kérékou a utilisé les registres vodun et chrétien à des fins politiques à partir de 1996 [32]. Mais, plus que la religion officielle des chefs d’État, le pluralisme politique des années 1990 et la tolérance vis-à-vis d’une pluralisation religieuse ont favorisé l’essor de mouvements minoritaires. Comment se déroule alors la concurrence religieuse au quotidien ?

La concurrence religieuse au quotidien

29Même dans un contexte d’ouverture religieuse, pour les kumite musulmans, la concurrence se cristallise sur l’objet sacré, omitama, surtout dans l’espace privé. En effet, l’application des préceptes stricts du maintien de la pureté est difficile dans la vie quotidienne. Les initiés ne doivent jamais se séparer d’omitama sauf pour se laver, ce qui les oblige à le déposer dans un endroit sûr en termes de pureté. Ces moments sont saisis par les détracteurs de Mahikari pour décourager un membre de la famille en détruisant son objet sacré. Par exemple, à Abidjan, Idrissa [33] se confronte quotidiennement à sa famille musulmane qui refuse son initiation. Au moment de sa douche, il dépose omitama dans une boîte spéciale cachée dans sa chambre mais entre-temps sa mère jette l’objet à terre et marche dessus. Son oncle prend le relais en le grondant lorsqu’il le surprend à réciter la prière. Racontant son problème à un autre initié, il se voit répondre que la colère de sa famille prouve qu’elle est gênée par la Lumière du dieu Su et que c’est normal. Avec le temps, elle devrait s’adoucir grâceà la purification quotidienne exercée par le garçon. La pratique de Mahikari, en suscitant le rejet, génère des interprétations symboliques des persécutions subies : l’intolérance témoignée par les musulmans ne fait qu’accentuer la force de la Lumière aux yeux des initiés et donc la légitimer. De plus, la réaction des musulmans trahit le crédit qu’ils accordent à la puissance de l’objet, même s’ils le trouvent illégitime. La puissance supposée de omitama et la diffusion de la Lumière purificatrice rencontreraient la baraka des musulmans et surtout leur combat contre des objets protecteurs jugés idolâtres.

30Les kumite catholiques vont à la messe mais ils expriment déceptions et critiques vis-à-vis de l’Église, justifiant ainsi leur choix. Parmi les critiques, les initiés disent accorder peu de confiance au prêtre car ils ne croient plus en son charisme ni en sa moralité. La confession leur apparaît comme le don de leur intimité à un être ordinaire. Ils trouveraient au contraire dans Mahikari la possibilité de livrer leurs péchés dans un rapport direct avec la divinité, agenouillés seuls devant l’autel du dieu Su :

31

« Je ne comprends pas pourquoi on doit se confesser, dire ses péchés à un prêtre car il est un homme comme tout le monde. Après on apprend qu’un tel a fait ça parce que le prêtre dévoile les secrets de tout le monde [34] ».

32De même, les kumite ne trouvent plus dans l’eucharistie, ce symbole de communication avec la divinité, la sacralité dont elle est censée être investie :

33

« Au niveau de l’eucharistie, la manière de faire ne m’a pas plu : il y avait deux boîtes, une partie où on met l’eucharistie pour faire la messe et puis chacun venait pour prendre l’hostie et la mettre dans une autre coupe. Donc j’ai vu que les personnes avaient touché. On peut saluer et puis venir toucher à l’eucharistie comme ça devant moi ? Cette manière de faire ne m’a pas plu, ce qui a fait que j’avais freiné un peu et je me suis mis à étudier la Bible avec d’autres personnes [35] ».

34Ce serait d’ailleurs au moment de l’eucharistie que les prêtres tenteraient de faire revenir à l’Église les kumite, certains prêtres allant jusqu’à détruire omitama pour anéantir sa prétendue puissance. Cette réaction montre à quel point les enjeux symboliques sont partagés car si les prêtres veulent détourner les initiés de Mahikari en le dénigrant, ils lui reconnaissent implicitement un pouvoir :

35

« Des prêtres ont fouillé la médaille de kumite qui étaient venus communier. Ils ont tiré la chaîne [36] en disant “ils sont de Mahikari” et ils ne leur donnent pas l’hostie. Un prêtre demandait aux initiés d’envoyer omitama. Ils décortiquaient et ils disaient : “C’est diabolique ! Donne la médaille, il faut sanctifier ça pour qu’ils te laissent [37]” ou encore parfois des prêtres en pleine messe disent les Rose-Croix, les Eckankar, les Mahikari, c’est diabolique [38] ».

36Le clergé est incapable, aux yeux des kumite, de fédérer ses ouailles autour d’une éthique et une morale solides. Sans invalider les rites catholiques, ils apprécient l’éthique forte et le code de conduite personnalisé de Mahikari pour une vie stable :

37

« Malgré le fait qu’on soit dans l’Église et dans les autres religions, les gens avaient une vie double. Ils étaient chrétiens mais avaient d’autres pratiques parallèles et c’était généralisé. Mais maintenant avec Mahikari, j’ai pris conscience que je dois vivre 24 heures sur 24 avec les enseignements reçus de Dieu, les enseignements propagés par Mahikari [39] ».

38Pour les responsables de l’Église, se livrer devant un autel dédié à ce qu’ils ont entendu nommer dieu Su et Izunomesama relève du « fanatisme » et du polythéisme. Le débat entre les initiés de Mahikari et leurs détracteurs chrétiens s’articule alors autour de la figure de Jésus :

39

« Les religions chrétiennes pensent qu’il y a un seul être suprême par qui on passe pour avoir accès à toute demande à Dieu, c’est Jésus-Christ. Or chez nous, nous pensons que Jésus-Christ c’était un envoyé de Dieu tout comme Mahomet et autre Bouddha. Si vous dites à un chrétien qu’il y a une autre personne que Jésus-Christ, il y a un problème. C’est ça la contradiction [40] ».

Entre sectarisme et pluralisation religieuse

40De son côté, l’archevêque de Cotonou exprime bien sa difficulté à rassembler les croyants sous la bannière de Jésus-Christ face aux « sectes », une catégorie dans laquelle il englobe Mahikari :

41

« Dans le phénomène des sectes, je pense qu’il y a quelque chose qui n’est pas évangélique. Je me réfère toujours au chapitre 17 de Saint Jean où Jésus prie pour que nous soyons un comme lui et son père sont un. Unité ne signifie pas uniformité mais quand on voit que nous sommes tous en train de parler du Christ, de son évangile et que nous n’arrivons pas à nous entendre, je vous assure que ça me peine. Je ne suis pas contre telle ou telle opinion mais ça me peine parce que je me dis que nous n’allons pas dans la visée de celui qui a fondé son Église, qui tient à ce que son Église soit un. Je dis un exprès pour que le monde sache que Dieu leur a envoyé son fils unique qui est Jésus-Christ. Moi, c’est dans ce sens-là que le phénomène des sectes me chagrine [41] ».

42Les autorités catholiques voient dans la pratique de Mahikari une supercherie menée par un gourou abusant de la faiblesse des fidèles. Pourtant, leurs discours dénonciateurs cachent à peine une remise en question de l’Église par elle-même. Plusieurs prêtres se sont même mis à mener des enquêtes pour comprendre ce que « Mahikari aurait de plus que l’Église » [42]. Ainsi, la concurrence religieuse a un impact fort sur l’Église catholique qui se remet en question face aux dites « sectes » représentant un défi pris très au sérieux. En effet, une enquête réalisée en 1984 par quatre dicastères [43] auprès des Conférences épiscopales, des Conférences de supérieurs religieux et autres organismes,a débouché sur un document romain proposant une action pastorale face aux « sectes ». Selon ce document, leur succès serait dû aux « structures dépersonnalisantes de la société d’aujourd’hui [44] » et aux besoins que les adeptes ne voient pas satisfaits au sein de l’Église. Un travail d’introspection pastorale est enclenché : « le moyen de lutter contre les sectes n’est pas de chercher à les éliminer, à les interdire, mais de relever le défi qu’elles représentent pour l’Église et en nous [45] ». Ainsi, l’Église préconise des réponses pastorales dites « positives ». Elle encourage, par exemple, le développement de communautés ecclésiales plus fraternelles et chaleureuses, un dynamisme de l’évangélisation en vue d’accroître « la dimension de l’expérience » dans la vie des fidèles. De plus, elle attire l’attention sur une place plus importante à accorder aux ministères de guérison par la prière, à la réconciliation, à l’attention aux autres, à l’identité africaine, et à un accès plus facile au culte pour les populations, tout en rapprochant l’évêque des fidèles.

43Si l’Église catholique se remet en question, les représentants de l’islam prêchent aussi contre les « sectes » :

44

« Ceux qui quittent l’islam ou bien les autres religions pour aller atterrir aux sectes, ils sont en train de s’égarer complètement. Parce que toutes les sectes, c’est la base du diable, du satan. Les francs-maçons, les rosicruciens, les Eckankar, tous et tous sont la base du satan. L’islam prêche toujours contre ces sectes-là. Les sectes sont contre les religions monothéistes [46] ».

45Mais le verdict de l’imam est sans appel :

46

« Si vous êtes dans l’islam et que vous adhérez encore à d’autres sectes, sachez que vous n’êtes plus musulman [47] ».

47Dans ce contexte, convaincre des musulmans est un défi pour Mahikari, d’autant plus au Sénégal où Abdoulaye wade, président depuis 2000, appuie les communautés musulmanes, surtout la sienne, les Mourides. Les musulmans que Mahikari recrute appartiennent, pour certains, aux confréries layenne et tidjane. L’espace public étant occupé par l’islam, le recrutement est difficile et les musulmans rencontrent des blocages théologiques. Aussi le prosélytisme doit-il être dialogique [48]. Il se traduit par des « séances d’explication » au public, générant un dialogue producteur de passerelles symboliques. Le discours de Mahikari en milieu islamique est rodé et porte sur trois points clés. D’abord, le rejet des objets sacrés [49] de Mahikari est dépassé par leur assimilation à la Kaaba de La Mecque [50] et leur redéfinition comme relais spirituel menant vers Dieu. Le dirigeant sénégalais de Mahikari, lui-même musulman, explique qu’il ne s’agit pas de pratiques idolâtres interdites par l’islam mais d’un moyen de communiquer avec Dieu. Ensuite, Sukuinushisama serait un frein à l’adhésion des musulmans : au Sénégal, le dirigeant distingue son statut de messager de celui de prophète en l’associant au mahdî [51] annoncé dans les hadiths. Il encourage les futurs initiés à prendre du recul sur leur propre éducation religieuse. Enfin, la figure du marabout de l’islam donne des cas de conscience aux musulmans mais, finalement, l’émancipation des initiés à l’égard du marabout offre d’autres perspectives, particulièrement aux femmes : l’amalgame entre les prières de Mahikari et les dhikr les amènerait à jouir d’une plus grande liberté. Car contrairementà l’islam qui les confinerait à une place subalterne, Mahikari leur apporterait un accès individuel et direct au divin dans un rapport égalitaire avec les hommes :

48

« C’est difficile pour une femme de prier quand on est musulmane. On n’entre pas à la mosquée, très peu, ou alors le vendredi. C’est difficile, c’est rigide. Mais à Mahikari, c’est facile. On prie quand on veut. Moi je continue à faire mes prières, les dhikr, je lis le Coran, les sourates, j’adore. Mais c’est pas incompatible avec Mahikari. J’ai compris que Mahikari permettait de se rapprocher de Dieu. Dans l’islam, il y a le marabout. On confie tout au marabout. On compte sur lui pour tout arranger mais c’est pas ça. Mahikari apprend à se responsabiliser, à se prendre en charge [52] ».

Les forces invisibles de la médiation

49En revanche, entre Sukyo Mahikari et le vodun, il s’agit d’un art de l’esquive. Si Mahikari pense avoir un poids face au monde vodun, affirmant que « les chefs du vodun, ils craignent qu’on foute tout en l’air ! [53] », ces derniers ne voient pas de concurrence dans un Mahikari jugé trop faible pour attirer les vodouisants. Ils reçoivent la visite cordiale des dirigeants de Mahikari, ménageant de bonnes relations pour négocier l’occupation du territoire. Comme preuve de cette entente cordiale et pacifique entre vodun et Mahikari, ces derniers relatent l’histoire selon laquelle le beau-frère du présumé ancien souverain de la ville de Ouidah, un certain Daa Kakanakou [54], aurait été initié à Mahikari dans les années 1990. Atteint d’un cancer de la prostate, ce dernier accepta de recevoir Okiyome et aurait même voulu se faire initier. Daa Kakanakou aurait inscrit dans son testament sa volonté de voir Mahikari prendre en charge ses funérailles, ce qui fut fait. Aux dires du dirigeant, cette invitation aurait entraîné une reconnaissance de Mahikari dans le fief du vodun. Les initiations ne s’y sont pourtant pas multipliées. De plus, les quelques kumite habitant la ville rechignent à faire du prosélytisme.

50Au niveau symbolique, le monde du vodun est jugé par les kumite incompatible avec Mahikari, se résumant à un antagonisme entre le Dieu unique et des entités jugées inférieures. Mais les initiés estiment partager le même champ symbolique tout en se distinguant de leurs concurrents directs, les chrétiens célestes [55] :

51

« Le vodun et le Christianisme céleste sont antagonistes puisque les chrétiens célestes prennent en chasse les gens du vodun et quand vous voulez vous faire initier au Christianisme céleste, on vous prend tous les attributs du vodun et on les détruit. Mais à Mahikari qui est, selon moi, une religion spirituelle beaucoup plus élaborée et beaucoup plus évoluée, on sait que sur le plan spirituel, sur le plan invisible, le vodun et Mahikari font appel aux mêmes forces [56] ».

52Si le seul « trait d’union » est établi autour des esprits, les kumite assimilent la force des vodun à la leur tout en dévalorisant les façons de faire des chrétiens célestes :

53

« Ils [les chrétiens célestes] font des sacrifices, vous priez et ils font de l’exorcisme pour chasser les esprits. Mahikari ne peut pas pratiquer l’exorcisme parce que si on connaît la raison pour laquelle un esprit vient vous perturber, en le chassant vous aggravez le problème. Mais nous, nous savons que depuis des temps très anciens, quand on pratique la médiumnité, on se soumet à la manipulation des forces du niveau le plus bas du monde astral. Le vodun c’est pareil [57] ».

54Mahikari se distingue ainsi des concurrents vodun par la conceptualisation d’une échelle de valeur verticale distinguant les esprits de haut et de bas niveau. Même si Mahikari ne suit pas la politique des Églises pentecôtistes en matière de diabolisation de l’Autre [58], les kumite stigmatisent le vodun en tant qu’ « œuvre du diable ». Pour eux, les adeptes du vodun, en adorant des esprits de bas niveau, « descendent » de l’échelle tandis que les initiés de Mahikari « montent » en travaillant avec la Lumière purificatrice, ce qui les place au plus haut niveau spirituel. Mahikari se compare à l’Église catholique mais en dévalorisant son pouvoir de médiation avec le divin. Cette définition du champ religieux par la distribution de niveaux spirituels montre le désir de Mahikari d’être assimilé au Dieu unique des religions universelles, comme si l’accession au « secret des Blancs [59] » restait un enjeu majeur pour les kumite africains. À travers leur adhésion à un mouvement religieux japonais, ils espèrent accéder à la modernité, à la puissance imaginée d’un continent, à tout ce que l’Église avait promis à l’époque coloniale – si ce n’est qu’aujourd’hui les espoirs sont tournés vers l’Extrême-Orient.

55Ainsi, loin de partir en croisade contre la sorcellerie, les kumite trouvent dans Okiyome un moyen indirect de s’en protéger pour évoluer. La purification ne tue pas les sorciers mais agit sur des niveaux de vibrations soustrayant les kumite à leurs attaques en les faisant « monter » hors de leur portée. Cette grille de lecture n’évacue pas l’interprétation locale de la figure du sorcier, que caractérisent son agressivité, sa consommation égoïste de viande, ses actions par le biais des rêves et la présence, à l’intérieur de son corps, d’éléments susceptibles d’influencer son comportement [60].

56C’est au quotidien, lorsque les initiés sont confrontés aux détenteurs de forces invisibles que leur distinction en tant qu’êtres dotés de Lumière se consolide à leurs yeux. Ainsi, ce travail symbolique d’élévation spirituelle modèle une figure singulière du kumite : un « être de feu », contre lequel les sorciers ne peuvent rien. Ce feu n’est autre que la Lumière du dieu Su. L’acquisition de la « puissance du feu » est attestée à leurs yeux par des spécialistes du « monde invisible », comme le raconte Hector à Abidjan :

57

« Un jour, j’étais dans un maquis et une femme a manifesté. Elle criait que j’avais du feu sur moi. Elle criait : il y a du feu sur toi ! Mais c’est vrai, il y a des gens qui voient du feu sur toi quand tu es initié. Ce sont les clairvoyants. Ils voient tout de suite qu’il y a quelque chose en toi. C’est la Lumière. Les sorciers aussi se rendent compte et ils ne peuvent rien sur toi [61] ».

58Tout en s’excluant de la surenchère sorcellaire, les kumite estiment avoir le pouvoir de neutraliser les mauvaises intentions des sorciers en les remplaçant par les bons sentiments dictés par l’éthique de Mahikari :

59

« Il y a une tante que les gens appellent sorcière. Au début elle me fuyait. J’ai commencé à m’approcher d’elle, à la mettre à l’aise. Aujourd’hui, elle dit à ses enfants de m’appeler pour que je les assiste dans toutes les cérémonies ! Et elle dit que si elle pouvait avoir un enfant comme moi, ce serait très bien pour elle dans sa vie. Tu vois comment Mahikari peut permettre de changer les gens ? Elle me fuyait avant, et aujourd’hui elle ne dit que du bien de moi, même si à cause de la sorcellerie, elle aurait pu tenter des choses. Mais elle a vu que c’était impossible. Tout ça amène à avoir de l’amour, de l’admiration [62] ».

60Pour conclure, on peut dire que Mahikari offre aux kumite un charisme personnel les individualisant face au sacré. La grandeur d’un initié se jauge à sa capacité d’influencer positivement les autres et les aider à la seule force de ses qualités personnelles de bienveillance et d’altruisme. De cette façon de faire dépend le positionnement de Mahikari face à la concurrence des autres Églises. Si l’Église catholique se remet en question face à la concurrence que représente pour elle ce qu’elle nomme le « phénomène sectaire », les dignitaires de l’islam ne semblent pas se soumettre à la même introspection. Nous avons vu que les stratégies des acteurs, dans la concurrence religieuse, sont spécifiques aux dynamiques symboliques propres à chaque confession. Si les chefs d’États laïques participent indirectement à la possibilité d’un débat interreligieux, les configurations politiques ne suffisent pas à expliquer la relative réussite de l’implantation de Sukyo Mahikari dans des pays aux profils religieux différents. Les paramètres de son implantation tiennent pour beaucoup à la faiblesse de l’Église catholique ressentie par les fidèles et à l’ouverture religieuse de l’État mais aussi aux motivations d’adeptes en quête de leurs propres solutions face à des mutations des sociétés contemporaines qui les entraînent dans des défis individuels souvent difficiles à gérer.

Notes

  • [1]
    C. Mayrargue, « Dynamiques transnationales et enjeux locaux des mobilisations pentecôtistes dans l’espace public béninois », in L. Fourchard, A. Mary et R. Otayek (dir.), Entreprises religieuses transnationales en Afrique de l’Ouest, Paris/Ibadan, Karthala/Ifra, 2005, p. 243-267.
  • [2]
    Voir E. K. Tall, « De la démocratie et des cultes voduns au Bénin », Cahiers d’études africaines, vol. 35, n° 137, 1995, p. 195-208.En ligne
  • [3]
    Congo, Angola, Centrafrique, Cap-Vert, Gabon, Burkina Faso.
  • [4]
    On compte 3 146 adeptes actifs en Côte d’Ivoire, 644 au Sénégal et 726 au Bénin, sans les sympathisants et les « endormis » (pratiquants irréguliers ou ayant quitté momentanément le groupe). Ces chiffres sont issus du comptage des cotisations des initiés réalisé par l’auteure lors d’une enquête ethnographique en 2003 et en 2006.
  • [5]
    Les données de cet article sont issues d’entretiens semi-directifs et non-directifs et de l’observation participante dans le cadre d’enquêtes de terrain et hnographiques réalisées entre 2002 et 2007 pour notre thèse de doctorat en anthropologie, au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et en France. Voir F. Louveau, Sukyo Mahikari dans tous ses États, du Japon à l’Afrique. Étude comparative de l’implantation d’un « Nouveau Mouvement Religieux » japonais dans l’espace franco-africain (France, Sénégal, Côte d’ivoire, Bénin), thèse de doctorat d’anthropologie, Paris, EHESS, 2009.
  • [6]
    Une des religions majeures du Japon avec le bouddhisme.
  • [7]
    Entretien avec Rama, initiée, Saint-Louis, 2 juillet 2005.
  • [8]
    Le lieu de culte où les initiés pratiquent tous les jours. En fonction de sa puissance spirituelle, il porte un nom différent.
  • [9]
    F. Louveau, « L’écologisme d’un mouvement religieux japonais au Sénégal. De la guérison à la gestion de l’environnement par Sukyo Mahikari », Cahiers d’études africaines, vol. 51, n° 204, 2011.
  • [10]
    Après avoir pratiqué dans un lieu animé du boulevard Bourguiba, non loin du centre-ville de Dakar, ils ont profité gracieusement de la maison d’un initié dans ce quartier plus résidentiel.
  • [11]
    Les dirigeants de Mahikari sont des initiés ayant voué leur vie à la structure ; leur statut de dirigeant est validé depuis le Japon par Oshienushisama, la fille du fondateur, qui à succédé à son père à la mort de ce dernier en 1974.
  • [12]
    J. Tonda, La Guérison divine en Afrique centrale (Congo, Gabon), Paris, Karthala, 2002 ; P.-J. Laurent, Les Pentecôtistes du Burkina faso. Mariage, pouvoir et guérison, Paris, Karthala, 2003 ; M. Augé et al., Prophétisme et thérapeutique : Albert Atcho et la communauté de Bregbo, Paris, Hermann, 1975.
  • [13]
    D. Fassin, Pouvoir et maladie en Afrique : anthropologie sociale dans la banlieue de Dakar, Paris, PUF, 1992.
  • [14]
    Pratique rituelle thérapeutique des Lébous du Sénégal.
  • [15]
    Le rituel central de purification réalisé par les initiés en transmettant la Lumière du dieu Su par la paume de la main.
  • [16]
    Entretien avec Gilbert, chef du dojo de Porto-Novo, 22 août 2003.
  • [17]
    L’encens utilisé dans d’autres églises est proscrit.
  • [18]
    M. Mauss, « Les techniques du corps », Journal de psychologie, vol. 32, n° 3-4, 1936, p. 271-293.
  • [19]
    Ensemble de mouvements gnostiques dont l’origine remonterait au viie siècle, considérés comme des sociétés secrètes et dont l’implantation est importante en Afrique de l’Ouest.
  • [20]
    B. J. McVeigh, Spirits, Selves, and Subjectivity in a Japanese New Religion. The Cultural Psychology of Belief in Sukyo Mahikari, Lewiston, Edwin Mellen Press, 1997.
  • [21]
    Les doshi sont des initiés voués à la structure et formés à l’École de Mahikari au Japon. Il s’agit le plus souvent de Japonais, mais plusieurs Africains sont devenus doshi.
  • [22]
    La langue japonaise est conservée et reproduite pour toutes les prières, sous prétexte de « puissance du Verbe », bien qu’aucun initié ne la comprenne.
  • [23]
    Ce terme conceptualise le statut d’initié : même s’il est assez similaire au terme kumite, il revêt une dimension plus spirituelle, universelle et éthique aux yeux des initiés.
  • [24]
    Il ne s’agit donc pas d’une conversion.
  • [25]
    Données issues de notre enquête de terrain ethnographique menée au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Bénin reposant sur plusieurs centaines d’entretiens formels et informels et la consultation des fiches d’inscription de tous les initiés.
  • [26]
    Pour l’analyse des arrangements de Mahikari, voir F. Louveau, Sukyo Mahikari dans tous ses États…, op. cit., chapitre ix.
  • [27]
    A. Mary, Le Défi du syncrétisme. Le travail symbolique de la religion d’Eboga (Gabon), Paris, Éditions de l’EHESS, 1999 ; Le Bricolage africain des héros chrétiens, Paris, Cerf, 2000.
  • [28]
    Entretien avec Plina, initiée, Abidjan, 25 août 2003.
  • [29]
    P. Erny, L’idée de « réincarnation » en Afrique Noire, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 95.
  • [30]
    Entretien avec le dirigeant de Mahikari, Dakar, 7 juillet 2005.
  • [31]
    Entretien avec Diango, initié, Man, 3 juillet 2002.
  • [32]
    C. Strandsbjerg, « Continuité et rupture dans les représentations du pouvoir politique au Bénin entre 1972 et 2001. Le président Mathieu Kérékou. Du militaire-marxiste au démocrate-pasteur », Cahiers d’études africaines, vol. 45, n° 177, 2005, p. 71-94.En ligne
  • [33]
    Entretien avec Idrissa, Abidjan, 6 août 2002.
  • [34]
    Entretien avec Carmina, initiée, Abidjan, 21 juin 2002.
  • [35]
    Entretien avec Dima, initié, Abidjan, 4 août 2002.
  • [36]
    Omitama est épinglé sur la poitrine gauche, relié à une chaînette autour du cou repérable dans le décolleté du grand boubou.
  • [37]
    Le petit objet est enveloppé dans des feuillets de papier. Seuls les kumite peuvent le voir.
  • [38]
    Entretien avec Maguil, initié, Cotonou, 30 juillet 2004.
  • [39]
    Entretien avec Émile, initié, Daloa, 22 août 2002.
  • [40]
    Entretien avec Modibo, initié, Abidjan, 3 août 2002.
  • [41]
    Entretien avec Nestor Assogba, Cotonou le 30 mai 2003.
  • [42]
    Y. Morel, « Les sectes et les nouveaux mouvements religieux, un défi pour l’Église », cours à l’Institut catholique de l’Afrique de l’Ouest, Abidjan, 1996, non publié. Un document a également été produit par le diocèse de Kaolack (Sénégal). Enfin, un document a été publié en Côte d’Ivoire : Église catholique romaine, Épiscopat de Côte d’Ivoire, Lumière chrétienne sur le Mahikari : les évêques de Côte d’Ivoire donnent des précisions et des orientations pratiques, Abidjan, 1980.
  • [43]
    Le Secrétariat pour l’unité des chrétiens, le Secrétariat pour les non-chrétiens, le Secrétariat pour les non-croyants et le Conseil pontifical pour la culture. Voir y. Morel « Les sectes et les nouveaux mouvements religieux, un défi pour l’Église », doc. cit.
  • [44]
    Ibid., p. 15.
  • [45]
    Ibid., p. 18.
  • [46]
    Entretien avec un imam, Cotonou, 27 juin 2004.
  • [47]
    Entretien avec l’imam du quartier Karak, Dakar, 5 mai 2001.
  • [48]
    J. D. Y. Peel, « The Pastor and the “Babalawo” : The Interaction of Religions in Nineteenth-century yorubaland », Africa, vol. 60, n° 3, 1990, p. 338-369.En ligne
  • [49]
    C’est-à-dire omitama, l’autel de Dieu comprenant le goshintaï (manuscrit rectangulaire sur lequel le nom de Dieu est écrit en idéogrammes japonais), la statue Izunomesama (bras droit du dieu Su), l’autel des ancêtres, le gofu (autel de Dieu miniature portatif).
  • [50]
    Cube édifié au sein de la Mosquée sacrée à La Mecque, autour duquel les pélerins effectuent la circumambulation et qui représente l’unité des musulmans dans la prière.
  • [51]
    L’envoyé de Dieu attendu par les musulmans lors de la fin du monde.
  • [52]
    Entretien avec Aminata, initiée, Dakar, 17 juin 2011.
  • [53]
    Entretien avec le dirigeant de Cotonou, 3 juillet 2003.
  • [54]
    Daa Kakanakou est un chef de collectivité à Djegbaji (lieu-dit sur la route qui mène de Ouidah à la plage), où étaient entreposés les esclaves avant le passage de la traite atlantique et dont le nom se termine par ku, « la mort ». Les années 1990, avec la période du Renouveau démocratique et la mise en place du projet « La route des esclaves », ont vu une prolifération de rois au Bénin, ce qui rendrait plausible la rencontre entre les dirigeants de Mahikari et un descendant de ce présumé roi à l’époque contemporaine.
  • [55]
    Fondée par le pasteur Samuel B. J. Oshoffa au Bénin (Porto-Novo) en 1947, cette Église est devenue numériquement la deuxième du Bénin et s’est exportée hors du pays avec succès. S’inspirant de la Bible, la doctrine repose sur des dons de vision et de guérison. Voir A. de Surgy, L’Église du Christianisme Céleste, un exemple d’Église prophétique au Bénin, Paris, Karthala, 2001.
  • [56]
    Entretien avec Martino, directeur adjoint du dojo de Cotonou, 14 août 2003.
  • [57]
    Entretien avec Martin, initié, Cotonou, 21 août 2003.
  • [58]
    Voir B. Meyer, « Le Diable », Terrain, n° 50, 2008, p. 4-13.En ligne
  • [59]
    A. Mary, Visionnaires et prophètes de l’Afrique contemporaine. Tradition initiatique, culture de la transe et charisme de délivrance, Paris, Karthala, 2009, p. 47 ; voir aussi J.-P. Dozon, La Cause des prophètes. Politique et religion en Afrique contemporaine, suivi de La Leçon des prophètes, par Marc Augé, Paris,
    Seuil, 1995.
  • [60]
    Voir P. Geschiere, Sorcellerie et politique en Afrique : la viande des autres, Paris, Karthala, 1995 ; J.-F. Bayart, L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 1989 ; A. Marie (dir.), L’Afrique des individus. Itinéraires citadins dans l’Afrique contemporaine (Abidjan, Bamako, Dakar, Niamey), Paris, Karthala, 1997.
  • [61]
    Entretien avec Hector, initié, Abidjan, 22 juillet 2002.
  • [62]
    Entretien avec Maguil, initié, Cotonou, 17 mai 2003.
Français

Résumé

Cet article analyse les stratégies élaborées par Sukyo Mahikari, un mouvement religieux japonais, pour s’implanter sur la scène religieuse contemporaine pluralisée en Afrique de l’Ouest. Les logiques de mimétisme et de distinction qu’il met en œuvre pour s’attirer des adeptes provoquent des réactions chez ses concurrents. Ces relations concurrentielles, fondées sur un registre symbolique, créent des espaces invisibles pour les profanes mais qui influent sur les modalités d’implantation des mouvements religieux. L’État joue un rôle dans la reconfiguration de cette géographie religieuse locale, en soutenant certaines confessions ou en en classant d’autres comme « sectes », même s’il n’a pas toujours de politique claire vis­à­vis des religions.

Frédérique Louveau
Centre d’études africaines (CEAf), EHESS­IRD
Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2012
https://doi.org/10.3917/polaf.123.0073
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Karthala © Karthala. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...