CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Au Sénégal, la famille constitue le terrain privilégié de l’investissement politique de certains mouvements politico-religieux islamistes. Le code de la famille a donc été le point d’achoppement des différentes conceptions juridiques de l’organisation des rapports familiaux et constitue, de ce fait, un enjeu fondamental. Un projet de code de statut personnel applicable aux musulmans et devant se substituer au code actuellement en vigueur a ainsi été proposé au cours de l’année 2002 par le Comité islamique pour la réforme du code de la famille au Sénégal (Circofs). Maître Babacar Niang, leader du Circofs, justifie la réforme comme suit : « Il serait [ ...] faux et dangereux de se contenter de simples modifications de tel ou tel article de l’actuel code de la famille. [ ...], il convient de respecter la liberté de conscience de chacun inscrite dans notre Constitution en substituant au code de la famille un code de statut personnel qui soumet chacun à sa loi personnelle, c’est-à-dire qui soumet les musulmans à la charia, les chrétiens et les non-musulmans à leur loi personnelle [1]. »

2Le Circofs plaide pour une adéquation du droit à l’obédience religieuse de chacun, en en faisant un impératif théologique mais également démocratique. Puisque la communauté musulmane représente la très grande majorité de la population sénégalaise (environ 95 %), elle dispose du droit de vivre et d’organiser son foyer conformément aux préceptes de sa foi. Si le Circofs prétend s’exprimer au nom de cette majorité musulmane, l’existence d’une importante mobilisation en faveur du projet de statut personnel n’est cependant pas attestée. Par ailleurs, la réforme du Circofs n’a pas rencontré l’approbation du président de la République Abdoulaye Wade.

3Nous montrerons, dans cette contribution, que les mobilisations autour du projet du Circofs, si elles ont questionné le principe de laïcité qui fonde l’État sénégalais, n’ont cependant pas débouché sur une remise en question de la démocratie au Sénégal ; au contraire, elles ont renforcé l’enracinement démocratique [2]. Notre attention portera sur la mutation que connaissent les débats sur le code de la famille depuis 2002, et ce grâce à une mise en perspective historique. Régulièrement réactualisés depuis 1972, ils se restructurent aujourd’hui en se polarisant selon des modalités nouvelles. Leur étude permet ainsi de mettre en lumière des évolutions juridiques, politiques, religieuses et sociales qui sont fondamentales pour comprendre les restructurations à l’ œuvre dans le Sénégal d’après l’alternance.

4Si les débats connaissent une telle intensité, c’est qu’ils portent sur la question des fondements mêmes de l’autorité dans la famille d’une part, et sur celle de l’État comme médiateur des affaires privées d’autre part. Ils témoignent de la diversité des représentations et des imaginaires liés à ces questions, et ce dans le contexte de l’alternance qui a été marqué par une remise en cause des fondements de l’autorité légitime et par la nécessité de penser l’incertitude qui en a résulté. On entrevoit par conséquent l’étendue des enjeux que constituent les figures de l’autorité dans la famille, en ce qu’elles participent de l’évolution des « matrices morales [3] », qui fondent la légitimité même du pouvoir au Sénégal.

5Nous nous proposons enfin de voir comment ces mêmes débats ont offert l’exemple d’une réelle structuration des revendications de la société civile [4] vers le pouvoir, notamment par son acceptation du cadre légal et démocratique. Il semble également que ces débats sur le droit de la famille constituent un creuset politique, social et culturel pour une redéfinition des grands principes fondateurs, comme celui de laïcité, et pour leur réappropriation par les citoyens. Nous avançons enfin l’idée que la domestication de la laïcité en tant que mode d’organisation au sein de la famille, comme au sein de l’État, constitue le cadre conceptuel et institutionnel de l’enracinement de l’individu-citoyen.

Récurrence des débats sur le code de la famille

L’adoption du code de la famille en juin 1972 : un droit de compromis

6S’il accède à l’indépendance en 1960, le Sénégal ne se dote d’un code de la famille qu’en juin 1972. Cette période, 1960-1972, est marquée par une réflexion sur la gestion étatique des rapports entre les différents membres de la société au sein de la cellule familiale. Le vote du code de la famille vient mettre un terme au pluralisme de statuts issu de la période coloniale : statut de droit positif, statuts islamisés, statuts animistes et statuts chrétiens se mêlant alors de façon complexe. Le code de la famille doit ainsi réaliser l’unification de ces statuts en conciliant les objectifs suivants : respect des principes proclamés par la Constitution, respect des règles religieuses considérées comme intangibles pour les croyants et, enfin, respect de certaines valeurs traditionnelles. Le législateur se devait de dégager des règles adaptées aux conditions de vie actuelles. Résultat d’un travail d’élaboration consensuel, le code aurait essayé d’opérer une synthèse « subtile » entre le droit moderne inspiré de l’école juridique française (ce qui lui sera amplement reproché), le droit traditionnel issu des coutumes locales et le droit islamique émanant du Coran. À propos de ce projet, le ministre de l’Information de l’époque, Ousmane Camara, indiquait que « la mise en œuvre d’un code civil sénégalais s’imposait donc par l’institution d’un droit de la famille unique, élément indispensable de l’élaboration de l’unité fondamentale de la nation [5] ».

7Un an après l’indépendance, le 12 avril 1961, une commission dite de « codification du droit des personnes et du droit des obligations » fut mise en place. Elle devait constater la diversité des coutumes et des droits au moyen de questionnaires élaborés par ses soins : 79 coutumes seront recensées. Puis, un comité des « options », composé de députés, de magistrats, de cadis et de représentants des autorités judiciaires, coutumières et religieuses (au total 32 membres), est créé, le 23 décembre 1965, pour inventorier les informations récoltées. Ses conclusions devaient nourrir les réflexions du Comité de rédaction du code de la famille, désigné par arrêté en juillet 1966. Après examen de la Cour suprême en juillet 1967, le projet a été soumis à l’Assemblée nationale en mai 1972. L’événement était d’importance, comme le souligne G. J. Gomis, journaliste au Soleil, après l’ouverture de la première session parlementaire : « De code de ce genre, le Sénégal n’en a jamais eu. C’est le code civil français et le droit musulman qui réglaient nos vies, selon qu’on appartenait à la religion chrétienne ou islamique. Le 1er janvier 1973 marquera donc la fin de 142 années de présence du code français et 1 393 années de présence du code musulman. On comprend alors qu’un tel projet de loi ait pu faire courir la grande foule [6]. »

8Le code de la famille a finalement été adopté au titre de la loi n° 72-61 du 12 juin 1972. Le souci du gouvernement était de le « populariser avant janvier 1973 », selon le mot d’ordre lancé par l’Union progressiste sénégalaise (UPS [7]), le 7 juin 1972 [8]. La presse va être amplement impliquée dans cette campagne, comme l’illustre le feuilleton quotidien qui paraît dans le journal Le Soleil[9], cherchant à familiariser les lecteurs avec une loi qui va « révolutionner leurs habitudes [10] ». Ce code entend en effet moderniser les rapports au sein de la famille en impulsant la nucléarisation du noyau familial (état civil, statut de la personne, mariage [mono ou polygamie, dot], divorce, filiation, succession, héritage).

La récurrence des débats, miroir des évolutions juridiques et sociales

9L’élaboration du code de la famille a été marquée par une conception ouverte du droit : le texte regroupe donc, dans un même corpus, des articles valables pour l’ensemble de la population et d’autres correspondant aux convictions personnelles de chacun [11]. Quand il n’était pas opportun, ou possible, de mettre en cause le droit traditionnel [12], le législateur l’a fait cohabiter avec les règles du droit moderne. Or, du fait de ce compromis juridique, qualifié tantôt de « pluralisme juridique [13] » ou de « triomphe du droit moderne [14] », l’application du droit pose problème. En effet, « le code de la famille est loin d’être une victoire sans péril [15] ». Implicitement, le droit traditionnel finit presque toujours par rendre incohérente l’orientation du code, comme le montre l’exemple de la disposition fondamentale sur la dualité des formes de mariage [16].

10C’est pourquoi, s’il avait été salué initialement pour son caractère innovant, le code de la famille a progressivement été critiqué pour son inadéquation tant aux nouvelles réalités socioéconomiques qu’aux convictions religieuses de chacun. Ainsi le code va-t-il devenir le terrain d’affrontement entre un courant islamique et un courant positiviste. On peut distinguer trois périodes dans l’évolution des débats : tout d’abord, l’indulgence (1973-1983). Le président L. Sédar Senghor demande aux Sénégalais d’en faire preuve, toute remise en cause de la loi étant considérée comme prématurée : « Chaque homme sénégalais doit, s’il en est besoin, faire sa révolution intérieure pour regarder le monde avec un œil neuf et se convaincre que l’homme et la femme sont des êtres égaux ayant la même dignité et, partant, des droits rigoureusement égaux [17] » ; ensuite, le bilan critique (1983-1987). L’anniversaire des dix ans d’application du code donne lieu à de nombreux colloques, qui critiquent le code sur un certain nombre de points, par exemple sur son « hypocrisie en ce qui concerne l’action en reconnaissance de paternité [18] », ou sur les dix causes légales de divorce retenues [19]. D’autres critiques demandent la restauration « des cadis dans les tribunaux musulmans afin de juger les musulmans qui voudront s’adresser à eux [20] » ; enfin, les réformes (1989). Un projet de loi voté à l’Assemblée nationale en janvier 1989 modifie le code de la famille et améliore certaines procédures afin de mieux protéger les intérêts légitimes de l’épouse. La polémique est relancée en 1996 autour du projet de loi limitant la polygamie à deux épouses, projet qui n’aboutira pas [21]. Depuis 1998, le débat semble s’être polarisé autour de la question de l’autorité paternelle et de la revendication d’une autorité partagée entre les deux conjoints. Un projet de loi reconnaissant l’autorité parentale, et plus seulement paternelle, est rédigé mais a été bloqué avec le changement de pouvoir en 2000.

Les débats actuels : entre cristallisation et polarisation

11Le code de la famille, compromis dynamique entre la « tradition » et la « modernité », mais se définissant comme une loi laïque, a connu une longue et prudente mutation. De plus, les débats sur les règles juridiques touchant à l’organisation de la famille sont fonction des évolutions sociales. En effet, si, depuis 1972, ils s’étaient organisés autour d’enjeux circonscrits (divorce, statut de l’enfant naturel, polygamie, autorité), à partir de 2002, ils vont se structurer différemment. Un nouvel acteur, le Circofs, a rendu public un « Projet de code de statut personnel [22] » applicable aux musulmans – les autres communautés (chrétienne, animiste) devaient pouvoir conserver, « si elles le désirent », le code en vigueur. Cette démarche dynamique – le Comité islamique ne se contente pas de revendiquer, il propose un projet complet – aboutit à la constitution de deux camps : le Circofs d’un côté, un camp composé de « laïques » de l’autre.

Le Circofs

12Composé à la fois de chefs religieux, du Collectif des associations islamiques du Sénégal et d’individus divers, le Circofs s’est formé en 1996 afin de rédiger un projet de code du statut personnel. L’imam Mbaye Niang de la Mosquée de l’aéroport de Dakar, et membre éminent du Circofs, revient sur les conditions de sa formation :

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« En 1996, la décision est prise de “confectionner” un code. On est allé voir toutes les familles religieuses, pour leur parler de notre projet, [à savoir] un code qui s’inspire du code qu’avaient proposé les guides religieux à Senghor en 1971. On est allé voir tous les marabouts et ça s’est très bien passé. [ …] En 1996, le Collectif des associations islamiques [formé en 1974] a créé la commission du Circofs. […] il y avait des spécialistes, des juristes en droit positif, en jurisprudence islamique, que des Sénégalais [23]. »

14En collaboration permanente avec le Collectif des associations islamiques et les familles religieuses, le Circofs a donc rédigé un avant-projet de code présenté à Dakar lors d’une conférence, le 12 octobre 2002, à laquelle ont pris part 29 délégués des grandes capitales musulmanes du pays, notamment Seriñ Abdoul Aziz Sy junior (confrérie des tidjanes), Seriñ Mourtada Mbacké [24] (confrérie des mourides), Seriñ Sidy Moctar Kounta (Ndiassane) et Seriñ Moussa Guèye Laye (confrérie des layènnes). Puis, un « Comité de suivi en charge des démarches jusqu’à l’adoption du projet de code de statut personnel » est mis en place et envoie une demande d’audience au chef de l’État début 2003, signée, entre autres, par Thierno Mountaga Tall, Abdoul Aziz Sy junior, au nom du khalife général des tidjanes, Seriñ Mourtada Mbacké, au nom de Seriñ Saliou Mbacké, et par le khalife général de Ndiassane. Si le Circofs se prévaut du soutien direct des khalifes généraux à sa cause, ceux-ci, en revanche, ne se sont jamais prononcés personnellement sur la question. Depuis le Japon où il est en visite officielle, en mai 2003, le président répond : « Le code de la famille est une loi. Le président de la République doit respecter les lois. L’exécutif que je préside n’a pas l’intention de présenter un projet de loi et s’opposera à sa modification [25]. » Le Circofs n’en abandonne pas pour autant ses velléités de réforme et s’attelle à la mise en œuvre d’un « Programme de popularisation et de sensibilisation des populations », au cours de l’été 2003. Il attend désormais une « alliance [26] » avec le chef de l’État qui accepte finalement d’étudier leur projet [27], ce changement de position ambigu s’expliquant sans doute par la volonté de ne pas se prononcer définitivement sur un sujet aussi brûlant et d’apaiser, de ce fait, la polémique.

15Le « Projet de code de statut personnel » comprend 278 articles, organisés en 7 livres : la conclusion du mariage ; sa dissolution ; l’adoption, la filiation et le placement de l’enfant ; la tutelle ; le testament ; les successions ; et le Waqf[28]. Le projet prône ainsi le retour aux pratiques reconnues par le droit islamo-colonial – le droit islamique, à l’époque coloniale, a fait l’objet d’une véritable structuration par les autorités coloniales françaises – comme la répudiation, l’affirmation du devoir d’obéissance au mari, la reconnaissance de l’excision, la prohibition de l’adoption et la restauration des tribunaux musulmans. L’exemple de la répudiation est à cet égard particulièrement intéressant, comme le montre Me B. Niang :

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« Le Projet de code de statut personnel stipule, dans son article 53, que la répudiation n’est pas valable, si le mariage lui-même n’est pas régulier ; si, au moment où il répudie, l’homme n’avait pas toutes ses facultés de discernement, si la femme était en période de menstrues, ou si à l’issue de cette période elle intervient avant que les époux aient entrepris leurs relations conjugales ; dans tous les cas la répudiation ne devient définitive qu’après l’expiration de la période d’ida ; période pendant laquelle l’époux répudiataire, qui peut se rétracter, n’est pas affranchi de l’obligation de loger, de nourrir, de vêtir, de soigner son épouse ; tant que la période d’ida n’est pas expirée, si l’un des époux meurt, l’autre conserve tous ses droits dans la succession du défunt.
L’effet dissuasif de ces prescriptions est évident. Marquée du sceau de la prudence et du réalisme, la répudiation s’avère, d’une certaine manière, protectrice des intérêts de la femme répudiée en ce qu’elle soustrait celle-ci à une longue période d’incertitude dans le cadre d’une procédure de divorce [comme c’est le cas dans le code de la famille] qu’elle ne maîtrise pas, qui peut durer des mois, voire des années, sans que le lien matrimonial soit considéré comme rompu. [ …] La femme a le droit de se libérer de sa propre initiative en remboursant la dot ou lorsque le contrat de mariage lui a reconnu ce droit (article 52 du code de statut personnel). Elle peut obtenir, avec l’accord de son mari, un divorce par consentement mutuel. Le code de la famille et le code de statut personnel le prévoient tous deux mais ils en réglementent différemment la procédure [ …]. Il reste, et il faut le répéter sans cesse que, du point de vue de la charia, la dissolution du mariage est un pis-aller. Dieu n’aime pas la mésentente. [ …] Ajoutons que la qualité de chef de famille conférée à l’homme et l’obligation d’obéissance (qui n’exclut nullement la concertation) imposée à la femme découlent des prescriptions du Saint Coran (verset 4, sourate 34) [29]. »

17L’objectif est ici de démontrer systématiquement la prééminence des dispositions du code de statut personnel sur celles du code actuel, en mettant en avant leur intérêt juridique et leur conformité avec les préceptes de l’islam. Le Circofs s’applique à montrer que son projet permet la pleine et idéale cohabitation des droits de l’individu avec l’observation stricte et conforme de la loi religieuse. Or, on peut voir dans cette justification une entreprise paradoxale. Me B. Niang, en effet, a recours à la sémantique « positiviste » occidentale pour légitimer une réforme de droit islamique. Sa formation de juriste « moderne » lui permet ainsi de jouer sur la forme pour promouvoir le contenu et d’élargir sa visibilité sur la scène publique dans une démarche résolument moderne.

Le camp des « laïques »

18Composé d’associations de femmes et de défense des droits de l’homme, le camp des laïques se constitue en réaction au projet qu’il considère comme rétrograde et dangereux, et une menace pour la cohésion de l’union nationale et la cohabitation entre communautés religieuses. Il ne s’agit plus seulement de revendiquer mais bien de préserver, comme l’explique P. Mbow, professeur d’histoire à l’université de Dakar et leader du Mouvement citoyen : « Naturellement nous nous attendions à cette décision [le rejet du projet du Circofs par le président de la République depuis le Japon] qui était de mon point de vue l’unique possibilité raisonnable à son niveau. À défaut d’approfondir le code de la famille et d’intégrer les avancées significatives de la femme sénégalaise, c’était la meilleure chose à faire [30]. »

19Le camp laïque se mobilise donc à travers la création de réseaux de défense de ces idéaux. Par exemple, le réseau d’associations de femmes Siggil Jigeen [31] soutient que « le maintien du code de la famille en vigueur pour sauvegarder la laïcité de l’État, mais aussi l’équilibre qui fait du Sénégal une grande nation [32] » est nécessaire. Il ne s’adresse plus seulement aux femmes mais à l’ensemble des citoyens, élargissant ainsi son champ de revendications. Dans le même sens mais de manière totalement nouvelle, la création, le 12 juin 2004, d’un Collectif pour la défense de la laïcité et de l’unité nationale au Sénégal permet de rallier autour d’un même objectif divers réseaux ou collectifs déjà existants, tout en mobilisant la société dans sa diversité sociale et professionnelle. Sa volonté de décloisonnement est manifeste, comme l’illustre sa déclaration d’intention : « Mobilisons-nous pour préserver l’unité nationale, la laïcité et les acquis démocratiques. Depuis plusieurs années, un groupe d’associations islamiques tente de saper les fondements démocratiques de l’État sénégalais, en remettant régulièrement en cause sa laïcité et les acquis juridiques régissant la famille [ …]. Il faut rappeler que l’actuel code de la famille prend déjà en charge les différentes sensibilités sénégalaises notamment celles des musulmans en instituant un système d’options entre le droit moderne et le droit musulman [ …]. Nous devons présenter un front large, uni et déterminé, pour que ce code, dont l’adoption constituerait une atteinte grave aux valeurs citoyennes au profit de conceptions d’un autre âge, soit rejeté [33]. »

Les modes opératoires des débats : l’affrontement systématique

20Les débats actuels sur le code de la famille sont novateurs ; ils produisent une polarisation des acteurs mais également de leurs prises de position qui s’opposent de manière systématique.

21Le Circofs se constitue en véritable groupe d’intérêt [34] d’obédience religieuse. Il procède à un double travail politique de délimitation, interne d’abord (il représente la communauté musulmane), externe ensuite (cf. son sigle : Circofs), montrant un intérêt particulier à défendre la réforme du code de la famille. Mais ce travail de délimitation est également un travail de légitimation : le Comité islamique veut faire croire qu’il parle au nom de la communauté musulmane et la représente. Cette légitimation passe par son inscription dans la tradition confrérique opposée au code de la famille, cette quête d’autolégitimation relevant d’une « invention de la tradition [35] » : « Je dois dire que le maître d’ œuvre de ce travail en réalité n’est pas le Circofs mais l’ensemble des éminents chefs religieux de ce pays. Depuis 1971, les chefs religieux musulmans ne cessent de dénoncer le code de la famille en tant qu’il détient de nombreuses dispositions totalement contraires à la loi musulmane [36]. »

22L’invocation de la filiation du mouvement par la reprise de l’initiative des chefs religieux en 1972 est « bricolée », puisque l’opposition univoque au projet du code de la famille de ces derniers n’est pas prouvée. Les chefs religieux n’avaient pas tous la même position, que ce soit en 1966, lorsque les autorités religieuses furent invitées à donner leurs recommandations au sein du Comité des options, ou en 1972, lorsqu’elles cherchèrent à adopter une position commune face au projet de code. C’est ce qu’explique aujourd’hui Pape Aldiouma Fall, à l’époque administrateur civil : « La séance fut houleuse [ …]. Compte tenu de ce que les marabouts s’étaient divisés en deux camps (pour et contre) et la vive polémique qu’elle avait engendrée, la séance fut levée sans décision. [ …]. Sans consensus. Dire le contraire c’est du mensonge [37]. » Le Circofs tente donc de s’inscrire dans la filiation de certains chefs religieux, réunis en Conseil supérieur islamique, qui, avant le vote du code de la famille en mai 1972, avaient fait parvenir au Premier ministre d’alors, Abdou Diouf, la liste des articles du projet du code de la famille qu’ils jugeaient en contradiction avec le dogme islamique [38]. Si leurs objections ne furent pas prises en compte, le Conseil reconnut pourtant, dans ses conclusions, la prévalence du choix de l’Assemblée nationale comme expression de la souveraineté populaire : « Il n’est point et ne saurait nullement être dans nos intentions de nous inféoder dans la conduite des affaires de la nation qui vous échoit de par la volonté du peuple souverain [39]. »

23Pour légitimer sa position, le Circofs emploie également l’argument de l’ancienneté de l’islam au Sénégal et celui du respect du statut personnel musulman par les autorités coloniales : « Lorsqu’il y a eu la colonisation, les Français ont compris qu’il ne fallait pas heurter de front les populations en niant les fondamentaux de leurs identités. Donc depuis 1857, il y a eu les gens régis par les coutumes traditionnelles et les musulmans par le droit musulman et jugés par des juridictions musulmanes. Nous nous étonnons de voir que maintenant, au Sénégal, on veuille y apporter des innovations pour ne pas dire des entorses, alors que même la colonisation avait admis le code musulman et créé des juridictions spéciales pour les islamisés. [Réformer le code de la famille] ne serait d’ailleurs qu’un retour à ce qui, à peu de chose, se pratiquait sous le régime colonial [40]. »

24Or, la volonté du Circofs de faire croire à l’existence d’un groupe uni derrière ses revendications est à tout moment mise en péril par la confrontation avec sa représentativité effective, c’est-à-dire l’assentiment des musulmans sénégalais. Cet assentiment reste très difficile à mesurer, et d’aucuns proposent un référendum pour soumettre la question de la réforme au verdict national. Le Circofs cherche en tout cas à accroître sa visibilité publique [41] et bénéficie pour cela de l’action du Collectif des jeunes chefs religieux du Sénégal (CJCRS, créé en 1998, officialisé en 2002), présidé par Seriñ Modou Bousso Dieng : « L’ambition de notre collectif est de trouver une vision commune de tous les musulmans du pays pour renforcer l’islam. De ce fait, il doit nécessairement avoir l’appui des khalifes, pour non seulement bénéficier de leurs prières, mais surtout avoir leurs directives [42]. »

25De même, le Circofs trouve dans le soutien du Collectif des femmes musulmanes (CFM) un efficace relais associatif féminin. Le CFM fustige les organisations de défense des intérêts de la femme et des droits de l’homme, et s’interroge sur la légitimité de leur lutte : « Nous optons sans ambages pour un code qui nous met en phase avec nos croyances, [la proposition du Circofs est] révolutionnaire [car elle] consiste à aller au-delà des critiques et revendications pour trouver ensemble des alternatives dans un domaine aussi crucial que celui de la vie quotidienne de la famille. [ …] De quel droit une minorité d’agitatrices s’octroie-t-elle la prérogative de parler à notre place sans nous demander notre avis [43] ? »

26Le camp des laïques, de son côté, opère un travail systématique de délégitimation du Circofs. Afin de contrer les revendications du Comité islamique, il met en cause la validité de la démarche, en formulant une critique qui porte sur l’histoire (traditions bricolées), sur le droit (mauvaise connaissance du droit musulman [44]) ou sur l’importance prise par les femmes sur la scène publique. Nous prendrons ici deux exemples : le premier provenant du champ religieux, le second du champ politique.

27Malgré la prétention du Circofs, il est clair que la classe religieuse sénégalaise n’est pas engagée de façon univoque dans la défense du projet, comme l’illustre la position de El Hadj Moustapha Guèye, président de l’Association des imams et oulémas du Sénégal, et islamologue connu pour incarner une certaine orthodoxie islamique. Compté parmi les signataires du projet en 2002, il en récuse cependant, dès 2003, la paternité et revient sur ses conditions de rédaction peu transparentes : « Ce projet n’est pas le projet de notre association. Nous n’en sommes pas partie prenante, même si certains faits pourraient prêter à confusion [ …]. Les porteurs de ce projet de code disent qu’ils travaillent depuis 1996. Or, de cette date jusqu’en 2002, notre association n’a jamais été informée de quoi que ce soit [ …]. La première fois que nous avons été saisis de cette affaire, c’est dans la dernière période de l’année 2002 [ …]. Mon appréciation a été que c’est une bonne chose. [ …] Moi, tout comme l’association que je dirige, nous ne pouvons pas être contre quelque chose visant à faire avancer l’islam dans notre vie. [ …] Maintenant, je crois qu’il faudrait aussi réfléchir à la faisabilité et à l’opportunité des choses. Si les musulmans exigent leur code, les autres communautés religieuses doivent faire de même, car le code actuellement en vigueur est un code laïc ; il n’appartient à aucune confession religieuse. [ …] Si chacun demande un code inspiré de ses croyances, combien de codes allons-nous avoir ? [ …]. J’ajoute que le code actuel contient des dispositions, destinées en principe aux musulmans, comme dans le domaine de la succession par exemple. Mais le constat est que souvent, quand les musulmans ne trouvent pas leur intérêt à être jugés sur ces dispositions, ils les rejettent et préfèrent qu’on leur applique le droit général [45]. »

28La modération de M. Guèye souligne la nécessité de préserver l’équilibre entre les communautés. Il affirme que le code actuel ne contredit pas l’application du droit islamique et permet, au contraire, de conjuguer les recours aux droits positif et islamique dans le sens d’une maximisation des intérêts. Aussi ne manque-t-il pas de s’interroger sur l’opportunisme politique d’une telle manœuvre.

29C’est ce que dénonce justement le chef de l’État, A. Wade, en 2003. Il met alors en cause la tentative du Circofs de se créer une filiation confrérique en démentant que les chefs religieux aient rejeté le code de 1972 et en dénonçant le caractère politique de l’action de Niang [46] : « [Les initiateurs du projet] laissent Senghor l’appliquer jusqu’à son départ. Ils laissent Abdou Diouf l’appliquer pendant vingt ans. Ils se réunissent un beau jour et se disent certainement avec le président Wade, on peut tout se permettre et tout raconter. Ils se trompent et qu’on n’essaie pas de se couvrir de l’islam car nous connaissons aussi l’islam et nous sommes des musulmans. [ …] Quand quelqu’un comme Me Babacar Niang prend des initiatives de ce genre, il aurait dû le mettre dans son programme de campagne présidentielle, peut-être que les Sénégalais auraient voté pour lui. À ce moment-là il pourra le faire. Alors qu’ils attendent les prochaines élections pour faire une campagne sur la charia s’ils le désirent [47]. »

Un cadre commun de revendications

30Bien que les débats sur le code mettent en lumière un conflit entre des camps et des conceptions de la société différents, cette tension ne semble pas pour autant productrice d’une fracture sociale, politique ou religieuse. D’une part, il faut voir que les prises de position de ces divers acteurs, dont les échanges sont relayés par les médias (presse, radio), se font dans un cadre légaliste et démocratique. L’acceptation de la concurrence politique par les deux camps est apparente dans le recours à la sémantique de l’affrontement et de la vigilance. Les discours du Circofs s’approprient la vertu démocratique de la majorité, conformément aux stratégies du réformisme musulman [48]: « La communauté musulmane forme l’immense majorité de la population et les règles les plus élémentaires de la démocratie exigent que, contrairement à ce qui se passe actuellement, le droit musulman de la famille auquel obéissent 95 % des Sénégalais et des Sénégalaises soit érigé en cette matière, en droit commun au Sénégal [49]. » Le Circofs, en faisant référence à la majorité, cherche ainsi à justifier la légitimité démocratique de son action et veut faire de l’islam un facteur de mobilisation commun. La réponse des laïques est également formulée en termes juridiques, soulignant le risque de dégradation des droits individuels qui pourrait résulter de ce projet.

31Par ailleurs, si le Circofs a été créé en 1996, l’ampleur des débats en 2002 s’explique par le contexte spécifique de l’alternance et les restructurations que celle-ci a induites. Les élections de mars 2000, parce qu’elles ont permis un changement pacifique du pouvoir, ont été saluées par l’ensemble des observateurs nationaux et internationaux comme un signe de consolidation démocratique. Cependant, ce renouvellement des élites participe également de la remise en question des dirigeants politiques traditionnels et, par conséquent, de l’évolution des représentations populaires de la légitimité politique. L’alternance a ouvert la voie à une « reconstruction morale [50] » de la société, avec, pour corollaire, une réflexion sur les fondements moraux de l’autorité et la nécessité de gérer l’incertitude qui en a résulté [51]. A. Sow Sidibé explique l’importance des phénomènes circulatoires entre le « haut » et le « bas » : « La famille étant la cellule sociale par excellence, la force de la société est liée à celle des familles. La famille, comme l’État, est une organisation structurée et hiérarchisée. C’est l’autorité qui lui donne sa consistance et son existence, donc qui la gouverne. Ce que la famille est dans un cadre microscopique, l’État l’est dans un cadre macroscopique. Au demeurant aucun groupement n’existe, au moins sur le plan juridique, c’est-à-dire avec une organisation définie, sans une direction. On revient ainsi au critère d’autorité [52]. »

32Les débats, tels qu’ils sont formulés à partir de 2002, s’animent autour d’une représentation de la famille, communément partagée par les deux camps, que ce soient le Circofs ou les laïques. Le constat d’une famille qui « dégringole et est en dégénérescence » est exprimé par l’imam Ahmad M. Kanté [53]. Les débats sont sous-tendus par le sentiment d’une dégradation qu’il faut enrayer ; ils opèrent comme le moteur d’une réflexion morale sur l’autorité, car « toute société organise sa famille selon son propre imaginaire, son histoire propre [ …], ses réalités culturelles [54] ».

33Cette réflexion est nourrie par la référence à un ensemble de représentations politiques, religieuses et sociales. Sont mobilisés à la fois l’imaginaire « islamique » sénégalais [55] et le mythe démocratique de la nation constituée [56]. Or, dans les débats sur le code, ces mythes s’enchevêtrent de manière complexe et labile. La difficulté de saisir les tenants et les aboutissants historiques et culturels des débats actuels réside ainsi dans la mise en valeur complexe de ce « temps raconté [57] » des mythes fondateurs. L’exemple de l’implication des intellectuels dans les débats sur le code de la famille est à cet égard particulièrement intéressant. Si les discussions semblent opposer intellectuels islamiques et laïques, il faut cependant voir que, du côté du Circofs, beaucoup participent de cette figure du ku jang ekool, l’intellectuel issu de l’école française [58]. L’itinéraire de Me B. Niang illustre parfaitement ce paradoxe. Formé dans le système éducatif français à Dakar, il devient avocat à la cour. Il s’engage également dans la politique et devient membre du parti marxiste PAI (Parti africain pour l’indépendance) jusqu’à sa dissolution en 1963, puis du RND (Rassemblement national démocratique) de Cheikh Anta Diop, un parti nationaliste panafricain et socialiste. À la suite des élections législatives de 1983, il rompt avec le RND et forme le PLP (Parti pour la libération du peuple) devenant son leader politique. Il s’engage dans la voie de l’islamisation à la fin des années 1990 en acceptant sa nomination à la tête du Circofs. Beaucoup voient dans cette orientation actuelle le signe de son désir de s’impliquer dans la chose religieuse au seuil de sa vie ; d’autres l’expliquent par ses ambitions politiques non réalisées.

34

« Ces lobbies-là sont composés de “certains” religieux, car les autorités morales reconnues ne sont pas vraiment impliquées dans les débats, c’est plutôt les deuxièmes et troisièmes couteaux qui cherchent à construire plus d’influence et à exister plus et qui se sont alliés avec des politiques défroqués qui se reconvertissent en vieillissant ; souvent ce sont d’anciens “coco” et qui sur le tard se sont découverts un peu plus de conservatisme et cela remettait en question pas mal d’acquis [59]. »

35La restructuration des élites au Sénégal témoigne de cette reformulation identitaire à travers la visibilité croissante d’une élite musulmane non confrérique, à laquelle participe l’action du Circofs. Celle-ci permet pour la première fois la convergence publique entre associations religieuses et familles confrériques ; le Comité islamique souligne également le renouvellement des générations au sein de ces familles. Pour certains, il est une occasion de se « faire une place au soleil [ …], ils sont nombreux [dans les confréries] et tout le monde ne peut pas accéder au leadership à l’intérieur, il y en a qui cherchent d’autres voies pour se faire remarquer et se distinguer [60] ». C’est le cas de Seriñ Modou Bousso Dieng, issu d’une famille prestigieuse, qui utilise le Collectif des jeunes chefs religieux du Sénégal (CJCRS) qu’il dirige, pour se placer dans le champ très concurrentiel des marabouts.

36Le Circofs prétend avoir le soutien des confréries à travers celui des familles religieuses qui les dirigent. Si certains marabouts soutiennent bien le Circofs, les khalifes généraux des confréries ne sont impliqués que très indirectement. Saliou Kandji, islamologue et professeur de droit musulman, prend l’exemple de la confrérie tidjane :

37

« Le khalife général des tidjanes s’est prononcé par l’intermédiaire de son porte-parole et il les a soutenus, mais cela n’arrange pas les femmes et les intellectuels. Ne dites pas les confréries, les confréries en tant que telles ne s’expriment pas, ce ne sont que des individus. Nous ne sommes pas en face d’une masse qui parle. Un individu qui parle représente-t-il la confrérie ? Il faudrait le démontrer, le prouver. Il doit être convaincant [61] ! »

38Les débats sur le code de la famille fonctionnent parce qu’ils permettent d’appuyer les restructurations à l’ œuvre dans les confréries et au sein de l’espace public sénégalais, notamment à travers la création d’identités plurielles qui dépassent la simple opposition entre défenseurs et adversaires de la laïcité.

La « réappropriation affranchissante » du concept de laïcité

39Les débats sur le code de la famille se sont focalisés sur la question de la laïcité. Cependant, il faut ici distinguer l’acception française de ce terme et la façon dont la laïcité s’est développée, est vécue et « s’imagine » au Sénégal. De la collusion entre autorités politiques et chefs religieux musulmans depuis la période coloniale a résulté une expérience laïque spécifique. La laïcité, en tant que principe opératoire de la société, fait ici consensus puisqu’elle respecte rigoureusement le pluralisme religieux [62]. Dès lors, la réflexion entamée par les débats au Sénégal, en écho à ceux menés en France, sur le principe de laïcité favorise sa réappropriation par le rejet de l’expérience laïque française :

40

« La laïcité, c’est un mode de gouvernement qui n’est pas universel ni en soi, ni dans ses modalités d’application. La laïcité en France et en Allemagne est différente ainsi qu’en Angleterre et aux USA. Il y a toute l’histoire française qui est marquée par “ce foulard”. Nous, on s’en est débarrassés ! Pourquoi on serait des victimes d’un problème culturel dans un développement historique particulier. Pourquoi on le déporterait ici [63] ? »

41Nous pensons que les débats sur le code de la famille permettent de solder un héritage colonial à travers un processus de « réappropriation affranchissante » des principes fondateurs de la République. Garantie de paix et de tolérance entre les religions pour les uns, symbole d’une occidentalisation corruptrice pour les autres, la laïcité est pensée par les deux camps comme un garde-fou, peut-être formel, mais néanmoins nécessaire à la préservation des équilibres nationaux. Si l’expérience française est utilisée dans les débats – par les laïques –, les deux camps mobilisent d’autres modèles de gestion du politique et du religieux, dans le monde occidental (États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, Suède) ou dans les pays arabes (Tunisie, Égypte). Il est intéressant de voir que l’argumentaire du Circofs s’appuie sur un choix précis de « modèles » : l’Égypte est mentionnée pour la cohabitation entre les différentes communautés religieuses, tandis que d’autres pays arabes, pourtant connus pour leurs relations avec une partie de l’islam sénégalais (certes minoritaire), ne sont pas mentionnés (Arabie saoudite, Iran, Afghanistan, Pakistan).

42La démarche symétrique qu’adoptent les deux camps dans cette recherche de modèles participe de cette « transnationalisation » dont parle A. Mbembe [64]. La laïcité devient l’enjeu d’expressions identitaires qui s’inscrivent au croisement des dynamiques du dedans et du dehors, du national et de l’international. L’islamisme international est une référence permanente dans les débats, employée aussi bien par des adversaires de la réforme pour disqualifier le Circofs, que par les partisans mêmes de la réforme qui s’en distinguent et dénoncent la chasse aux sorcières dont ils sont victimes. Les titres des articles de presse en témoignent : « Et si on appliquait la charia à Dakar ? » (Le Quotidien, 24 mars 2004); « Les islamistes ne démordent pas » (Le Quotidien, 16 juillet 2003) ; « Ne pas démissionner devant les islamistes » (Wal Fadjri, 6 mai 2003) ; « Les islamistes n’ont pas baissé le pavillon » (Wal Fadjri, 30 décembre 2003). La ligne de partage se fait sur la question du droit, car celui-ci est porteur de projets de société différents, sans pour autant vouloir franchir ce seuil ultime ; « On n’en est pas encore à la charia [65] », affirme Me B. Niang.

43Dans le sens d’une « réappropriation affranchissante », la laïcité servirait de plate-forme conceptuelle à une réflexion sur les fondements moraux de l’autorité. Si les débats sur le code de la famille mettent en avant des modèles différents, ceux-ci ne s’affrontent pas de manière irréconciliable et semblent contribuer à l’affermissement d’un système de valeurs pluraliste. Le statut de la femme comme « chef de famille » est, par exemple, affirmé et accepté par les deux camps. D’une contestation de la polygamie, par laquelle la femme revendique un statut de couple moderne, on passe à la revendication d’une reconnaissance de l’autorité féminine dans la famille, comme l’explique Saphie Ly :

44

« Dans les années 1960, elles se sont attaquées à la polygamie car celle-ci était vécue comme une atteinte à la dignité de la femme, etc. C’était, je pense, à l’époque l’idéologie qui dominait dans les cercles politiques. Les femmes qui ont mené ce combat sont encore là mais on ne les entend plus ; par contre, la jeune génération qui est dans le débat ne se reconnaît pas dans cette problématique. Les femmes présentes aujourd’hui et qui ont entre 30 et 40 ans sont, soit dans des mariages polygames, soit l’idée ne les effraie pas et elles ne lui donnent pas un contenu politique ou de droit humain, de dignité ; ce n’est pas leur bataille ; leur combat est plus dans la question de l’autorité parentale pour toutes sortes de raisons sociales [66]. »

45Pour le Circofs aussi, la revendication d’une adaptation du droit aux réalités socioéconomiques qui mettent la femme sur le devant de la scène participe d’une demande de reconnaissance de ses responsabilités. Il en va de même pour l’imam Ahmad M. Kanté qui considère que le religieux comme principe d’organisation de l’autorité au sein de la famille n’est pas en contradiction avec la reconnaissance des droits de la femme. Au contraire, il y contribue :

46

« La femme n’a pas à affaiblir son mari, mais à le renforcer. La femme musulmane doit s’inscrire dans ce renforcement et l’homme ne doit pas humilier, ni maltraiter, ni frapper la femme. Le mari n’est pas un dictateur. Tout cela se construit dans l’éducation. Ils doivent pouvoir discuter. [ …] On a donc besoin de principes religieux pour organiser la famille. C’est vrai, le contexte change, il faut tenir compte des réalités. Je suis parfaitement d’accord; là où je ne suis pas d’accord, c’est que l’on parte de nulle part. On part de nos valeurs, on les enrichit, on les discute, on les adapte [67]. »

Nouvelles logiques d’action : l’intériorisation du pacte citoyen

47Les débats sur le code de la famille rendent caduque l’opposition formelle entre recours au droit coutumier/religieux et au droit étatique. La problématique des « résistances traditionnelles [68] » au droit, puis celle de l’acculturation par l’occidentalisation juridique du droit, ne semble plus apte à rendre compte de la complexité des phénomènes liés à l’application du droit de la famille au Sénégal. Réfléchir sur le code de la famille nous amène ainsi à considérer ces innovations, qui mettent en place de nouvelles procédures, empruntant chacune à la tradition et à la modernité « pour y trouver légitimité et légalité sans pouvoir se satisfaire de l’une et de l’autre et en produisant ainsi un nouveau formalisme [69] ». La connaissance des droits et leur application pour une maximisation des intérêts sont autant de témoignages de l’affirmation d’un individu-citoyen, comme l’explique I. Y. Ndiaye, doyen de la faculté des sciences juridiques de l’université de Dakar : « C’est un problème de culture, ça prend du temps, que ça puisse se faire en trente ans, cela me semble peu. On ne peut plus reculer [ …]. Le fait qu’on puisse avoir, entre 1973 et 2004, plus de 3 000 décisions rendues en matière de code de la famille signifie que, progressivement, les gens commencent à s’y faire [70]. »

48La prise de conscience par l’individu de ses droits et la responsabilité citoyenne qui en découle doivent aider l’individu à apprendre à gérer l’incertitude fondamentale inhérente au système démocratique. À cet égard, les débats permettent une certaine institutionnalisation des pratiques démocratiques et une visibilité accrue de la société civile. En effet, si les partis politiques se sont très peu prononcés sur le projet du Circofs, la société civile, en revanche, a pris parti à travers l’action et l’expression de groupes d’intérêt. Par ailleurs, les débats font du président de la République le défenseur des valeurs républicaines (parmi lesquelles le principe de laïcité), mais également le représentant de l’intérêt général. Ainsi, l’acceptation du cadre démocratique par les deux parties vient renforcer la fonction présidentielle.

49En outre, en se structurant en lobby, le Circofs contribue à brouiller les modalités du « contrat social sénégalais [71] ». Les débats sur le code de la famille semblent témoigner d’une renégociation du « contrat social » en proposant de reconsidérer les relations entre champs religieux et politique. Lors des élections de l’alternance, l’émergence de l’« individu-citoyen » a surpris, et nombre d’observateurs ont vu dans l’arrivée au pouvoir de A. Wade le signe d’une distinction plus nette entre le politique et le religieux : la diversité des votes a prouvé l’émancipation des électeurs par rapport aux consignes électorales des marabouts [72]. Nous sommes d’accord avec Xavier Audrain [73], qui, en posant la question de la transformation du taalibe en citoyen ou en taalibe-citoyen, voit, dans le contexte postalternance, une imbrication plus forte du religieux et du politique plutôt que leur séparation. Le pacte social n’est ni rompu ni « effrité », mais il perd de sa visibilité en étant intériorisé par l’individu. C’est ce que les débats sur le code de la famille, parce qu’ils sont sans enjeu électoral immédiat, mettent en lumière. Ils sont marqués par la faible participation de la classe politique – le sujet étant trop sensible pour se prononcer de manière claire – et le souci dans les deux camps de préserver un « équilibre de veille [74] », empreint de vigilance et de prudence.

50Ces débats permettent de montrer que la laïcité est un concept dynamique à la fois dans ses pratiques et dans sa signification. Dès lors, si, comme beaucoup l’ont souligné, il y a refondation du pacte social dans le contexte postalternance, celle-ci s’opère en fonction des transformations de l’économie morale au sein de la société. L’« individu-citoyen » est à la fois acteur et sujet. Or, les débats témoignent d’une mobilité et d’une plasticité des références et des perceptions qui rendent compte d’un changement dans la continuité. À cet égard et dans les limites imposées par l’angle de vue qu’ils ouvrent, les débats sur le code de la famille sont révélateurs des évolutions du pacte social et participent à la redéfinition, toujours paradoxale, des rapports entre privé et public, entre religion et politique au Sénégal.

Notes

  • [*]
    Cet article s’appuie sur les recherches menées dans le cadre de la réalisation de mon mémoire de DEA soutenu en septembre 2004. Voir M. Brossier, Les Débats sur la réforme du code de la famille au Sénégal. La redéfinition de la laïcité comme enjeu du processus de démocratisation, mémoire de DEA, université Paris-I Panthéon-Sorbonne, 2004.
  • [1]
    Circofs, Projet de code de statut personnel, Dakar, Institut islamique de Dakar, année 1422/2002 (2e éd.), p. 3.
  • [2]
    Voir, entre autres, L. A. Villalon, Islamic Society and State Power in Senegal : Disciples and Citizens in Fatick, Cambridge, Cambridge University Press, 1995 ; D. Cruise O’Brien, Symbolic Confrontations : Muslims Imagining the State in Africa, Londres, C. Hurst, 2003.
  • [3]
    M. Schatzberg, « Power, legitimacy and “democratisation” in Africa », Africa, 63 (4), 1993, p. 445-461.En ligne
  • [4]
    J.-J. Linz et A. Stepan, Problems of Democratic Transition and Consolidation. Southern Europe, South America and Post-Communist Europe, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1996, p. 8.
  • [5]
    « Code de la famille et … 794 mille tonnes d’arachides », Afrique nouvelle, n° 1284, 30 avril 1972.
  • [6]
    G. J. Gomis, « Les députés ont commencé à examiner les 854 articles du code de la famille », Le Soleil, 31 mai 1972.
  • [7]
    L’UPS est issue de la réunion du BDS (Bloc démocratique sénégalais) de L. Sédar Senghor et du PSS (Parti socialiste sénégalais).
  • [8]
    Voir la participation de A. Clédor Sall, ministre de la Justice, qui s’exprime « autour des micros de Radio-Sénégal », in G. J. Gomis, «Table ronde sur le code de la famille : “Nous ne pouvions pas faire un code à la mesure de chacun” », Le Soleil, 20 juin 1972.
  • [9]
    Le fonds documentaire du quotidien Le Soleil nous a permis d’exploiter des articles parus en juin 1972 (par G. J. Gomis), expliquant, jour après jour, les évolutions en cours : « Le chef de village pourra déclarer les naissances » (3 juin 1972) ; « Le “may gu jekk” [fiançailles] sera désormais fixé par la loi » (5 juin 1972) ; « Même mineure, une fille ne peut plus être donnée en mariage sans son consentement » (6 juin 1972) ; « Mono, bi ou polygame, trois choix sont offerts au mari » (7 juin 1972) ; « Pour divorcer plus vite et discrètement, rien ne vaut l’accord du conjoint » (8 juin 1972) ; « Devant le juge un mari trompé n’est pas forcément divorcé » (9 juin 1972) ; « L’épouse pourra retourner chez sa mère avec l’accord de son mari » (10 juin 1972) ; « Comment l’enfant peut prouver qu’il est le fils de ses parents » (13 juin 1972) ; « Le séducteur de la mère peut être déclaré père de l’enfant » (14 juin 1972).
  • [10]
    G. J. Gomis, « Le chef de village pourra déclarer les naissances », art. cit.
  • [11]
    Une partie du code de la famille est spécifiquement réservée aux populations musulmanes (successions).
  • [12]
    Le droit traditionnel correspond au droit coutumier et au droit musulman tel qu’il est pratiqué au Sénégal. Le droit traditionnel est essentiellement musulman, au regard de l’ancienneté de la pratique islamique au Sénégal.
  • [13]
    A. Sow Sidibé, Le Pluralisme juridique en Afrique. L’exemple du droit successoral sénégalais, Paris, LGDJ, 1991.
  • [14]
    K. A. Kouassigan, Quelle est la loi ? Tradition et modernisme dans le droit privé de la famille en Afrique noire francophone, Paris, Pédone, 1974.
  • [15]
    I. Y. Ndiaye, « L’envers du droit traditionnel dans le code de la famille », Revue de l’Association sénégalaise de droit pénal, droit sénégalais, juillet-décembre 1995.
  • [16]
    L’article 114, alinéa 1er, du code de la famille stipule que « selon le choix des futurs époux, le mariage peut être célébré par l’officier d’état civil ou constaté par lui ou son délégué dans les conditions prévues par la loi. Le mariage ne peut être constaté que lorsque les futurs époux observent une coutume matrimoniale en usage au Sénégal ». Dans sa formulation, l’article précise que le choix est offert aux futurs époux. En vérité, l’article 114 laisse planer le doute : il régit la situation la plus simple, c’est-à-dire le choix de la forme civile de mariage, mais est mis en défaut lorsque le choix est autre. Les questions restent dès lors ouvertes : l’option en faveur du mariage coutumier est-elle donnée à tous les époux ? Comment observe-t-on une coutume ? Quelles sont les coutumes matrimoniales en usage au Sénégal ? L’expression « observer une coutume » relève en effet d’une multiplicité de sens. Voir I. Y. Ndiaye, « L’envers du droit traditionnel … », art. cit.
  • [17]
    Le code de la famille est à cette époque qualifié de « code de la femme » en raison du nombre croissant de demandes de divorce à l’initiative de l’épouse. Lire M. Diack, « Rentrée des cours et tribunaux. Senghor : “Chaque homme sénégalais doit faire sa révolution intérieure” », Le Soleil, 3 novembre 1977.
  • [18]
    L’enfant naturel n’est pas reconnu par les imams orthodoxes, puisque les naissances hors mariage sont proscrites et que le père, dans ce cas-là, n’est pas tenu de reconnaître son enfant. Celui-ci est mis sous la responsabilité de la mère seule qui n’a aucun moyen juridique pour faire pression sur le père. Cette lacune s’inscrit en deçà de ce que permet à l’origine le code civil français, la recherche de paternité étant légale depuis l’époque de la colonisation.
  • [19]
    Lire M. Niang, « Dix ans après son adoption, le code de la famille objet de controverses », Le Soleil, 24 janvier 1983.
  • [20]
    C. Diagne, « Réajuster le code de la famille », Le Soleil, 28 février 1987.
  • [21]
    Le législateur avait institué une pluralité de régimes concernant la polygamie : polygamie de droit commun avec un maximum de quatre épouses, polygamie limitée à un nombre d’épouses inférieur à quatre, et la monogamie. Cette dernière option est irrévocable, tandis que les options de polygamie peuvent toujours être revues dans un sens restrictif.
  • [22]
    Circofs, Projet de code de statut personnel, op. cit.
  • [23]
    Entretien, Dakar, 29 avril 2004.
  • [24]
    Fils cadet du fondateur Cheikh Ahmadou Bamba, et frère de l’actuel khalife général Seriñ Saliou.
  • [25]
    S. Diop, « Code de statut personnel de la famille : les islamistes ne démordent pas », Le Quotidien, 16 juillet 2003.
  • [26]
    F. Dramé, « Code de la famille : les islamistes n’ont pas baissé le pavillon », Wal Fadjri, 30 décembre 2003.
  • [27]
    Ce projet, semble-t-il, est toujours en discussion.
  • [28]
    L’article 272 du Projet de code de statut personnel stipule que « le Waqf consiste à déclarer un bien d’utilité publique inaliénable. C’est-à-dire insusceptible d’être transmis à titre onéreux, à titre gratuit ou par voie héréditaire ».
  • [29]
    Me B. Niang, « Étude comparative du code de la famille et du code de statut personnel », Info 7, 30 juin 2003.
  • [30]
    E. M. Diop et S. N. Sall, « Penda Mbow sur le code de la famille : “Wade n’avait pas d’autre solution” », Le Populaire, 19 mai 2003.
  • [31]
    Le réseau Siggil Jigeen, dont la formation précède les débats sur le code de la famille, est composé de 18 ONG œuvrant pour une promotion du statut de la femme.
  • [32]
    S. Dieng, « Réforme du code de la famille: les femmes de Thiès rejettent le code de statut personnel », Wal Fadjri, 25 avril 2003.
  • [33]
    Pour sa déclaration d’intention et la liste des signataires, consulter le site http://www.wluml.org.
  • [34]
    M. Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêt, Paris, Montchrestien, 1998 (2e éd.), p. 23.
  • [35]
    E. Hobsbawm et T. Ranger, The Invention of Tradition, Londres, Verso, 1983.
  • [36]
    Me B. Niang, Conférence de presse pour la présentation du « Projet de code de statut personnel », 3 mars 2002. Propos repris dans Circofs, Projet de code de statut personnel, op. cit., p. 1.
  • [37]
    P. A. Fall, « Dabakh y était toujours opposé », Le Quotidien, 21 octobre 2003, suivi de la réponse de S. Thiam, « Baye Niass et le code de la famille : réponse à Pape Aldiouma Fall », 25 octobre 2003.
  • [38]
    Voir Conseil supérieur islamique, « Analyse islamique du projet de code de la famille », Dakar, 13 mai 1972, diffusé par le Circofs, Dakar, mai 1997.
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    Me B. Niang, Projet de code de statut personnel, op. cit., p. 2.
  • [41]
    Voir « Programme de popularisation et de sensibilisation des populations », Dakar, été 2003.
  • [42]
    F. Dramé, « Du code de la famille : les réformistes reçus par Serigne Saliou Mbacké », Wal Fadjri, 11 septembre 2003.
  • [43]
    K. Nouwodjro, « Code de statut personnel : avec la bénédiction du collectif des femmes musulmanes », Le Quotidien, 26 avril 2003.
  • [44]
    Voir S. Kandji, professeur de droit musulman : « La modification du code ne s’impose pas … il est en dessous de ce que l’islam permet. [ …] L’islam n’est pas qu’un seul avis, c’est une somme d’avis. » Voir S. Kandji, « La modification du code de la famille ne s’impose pas », Wal Fadjri, 21 janvier 2004.
  • [45]
    O. Diarra, « Débat sur le code de la famille : les vérités de Moustapha Guèye », Le Matin, 21 mai 2003.
  • [46]
    A. Wade faisait partie du « Comité des options » en 1966 en sa qualité d’avocat.
  • [47]
    Allocution du président A. Wade au Japon, 16 mai 2003.
  • [48]
    Notamment maghrébin, comme le montrent les man œuvres du Front islamique du salut (FIS) en Algérie.
  • [49]
    Circofs, Projet de code de statut personnel, op. cit., p. 2.
  • [50]
    Lire A. Diaw, M.-C. Diop et M. Diouf, « Le baobab a été déraciné. L’alternance au Sénégal », Politique africaine, n° 78, juin 2000, p. 157-179. En ligne
  • [51]
    Il faut « dépasser l’approche utilitariste des transactions électorales et analyser les matrices morales dans lesquelles s’enchâssent les représentations du pouvoir ». Voir R. Banégas, La Démocratie à pas de caméléon. Transitions et imaginaires politiques au Bénin, Paris, Karthala, 2003, p. 25.
  • [52]
    A. Sow Sidibé, « L’évolution de l’autorité dans les familles sénégalaises », Afrique juridique et politique, vol. 2, n° 2, janvier-juin 2003.
  • [53]
    Imam de la mosquée de l’université Cheikh-Anta-Diop. Entretien, Dakar, 7 mai 2004.
  • [54]
    Ibid.
  • [55]
    Ancienneté de l’implantation islamique au Sénégal, islam comme rempart contre l’occidentalisation corruptrice, collusion des autorités religieuses et coloniale.
  • [56]
    C. Coulon, « La tradition démocratique au Sénégal : histoire d’un mythe », in C. Jaffrelot (dir.), Démocraties d’ailleurs : démocraties et démocratisations hors d’Occident, Paris, Karthala, CERI, coll. « Recherches internationales », 2000, p. 67-91.
  • [57]
    P. Ricœur, Le Temps raconté, Paris, Le Seuil, 1975.
  • [58]
    A. Diaw, « La démocratie des lettrés », in M.-C. Diop (dir.), Sénégal. Trajectoires d’un État, Dakar, Paris, Codesria, Karthala, 1992.
  • [59]
    Entretien avec S. Ly, rédactrice en chef du journal Sud Quotidien, 29 avril 2004.
  • [60]
    Entretien avec P. Mbow, Dakar, 1er mai 2004.
  • [61]
    Entretien, Dakar, 2 mai 2004.
  • [62]
    Voir D. Cruise O’Brien, Symbolic Confrontations …, op. cit. ; D. Robinson, Sociétés musulmanes et pouvoir colonial français au Sénégal et en Mauritanie, 1880-1920. Parcours d’accommodation, Paris, Karthala, 2004.
  • [63]
    Entretien avec l’imam A. M. Kanté, Dakar, 7 mai 2004.
  • [64]
    A. Mbembe, « L’Afrique entre localisme et cosmopolitisme », Esprit, n° 10, octobre 2002, p. 65.
  • [65]
    Me B. Niang, « Les termes d’une exigence », Info 7, 11 juin 2003.
  • [66]
    Entretien, Dakar, 29 avril 2004.
  • [67]
    Entretien, Dakar, 7 mai 2004.
  • [68]
    Lire, à ce sujet, M. Alliot, Les Résistances traditionnelles au droit moderne dans les États d’Afrique francophone et à Madagascar, Paris, Cujas, 1965.
  • [69]
    E. Le Roy et G. Hesseling, « Le droit et ses pratiques », Politique africaine, n° 40, décembre 1990, p. 8.
  • [70]
    Entretien, Dakar, 30 avril 2004. L’état civil est à cet égard révélateur du processus de réappropriation du droit. Voir Exploitation des statistiques d’état civil en 2001, Dakar, Direction de la prévision et de la statistique, ministère de l’Économie et des Finances, juillet 2003.
  • [71]
    Voir D. Cruise O’Brien, « Le contrat social sénégalais à l’épreuve », Politique africaine, n° 45, mars 1992, p. 9-20.
  • [72]
    A. Diaw, M.-C. Diop et M. Diouf, « Le baobab a été déraciné … », art. cit. En ligne
  • [73]
    Voir sa contribution dans ce dossier.
  • [74]
    Entretien avec S. Ly, Dakar, 29 avril 2004.
Français

Au Sénégal, les débats sur le droit de la famille se sont transformés depuis l’alternance, avec la consolidation d’un lobby d’obédience islamique militant pour une réforme du code de la famille par l’instauration d’un code de statut personnel. Si les débats se sont fortement polarisés, ils ne remettent pas en question la cohésion des communautés religieuses ni celle de la société. La réflexion qui les sous-tend ouvre la voie à une « réappropriation affranchissante » du concept de laïcité, soldant ainsi l’héritage colonial et réinvestissant les grands mythes fondateurs de la République.

Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2012
https://doi.org/10.3917/polaf.096.0078
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