CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La démocratie participative demeure à ce jour largement concentrée au niveau municipal, qui regroupe l’essentiel de l’offre de participation publique [1]. Son institutionnalisation depuis la fin des années 1990 s’est traduite par la banalisation de délégations municipales dédiées. Elles constituent un bon indicateur de la reconnaissance et de la formalisation d’un domaine spécifique d’action publique. Cependant, un tel indicateur ne dit rien de sa légitimité, ni des moyens octroyés, l’institutionnalisation pouvant s’opérer sans volontarisme appuyé des élu·es. Pour autant, l’existence de telles délégations n’est pas neutre : dans le travail politique municipal, elle objective l’émergence d’un secteur à part entière, avec des compétences, savoir-faire et savoir-être spécifiques. Le ministère de l’Intérieur a produit des statistiques intéressantes en 2009, malheureusement non actualisées depuis. À la suite du renouvellement des conseils municipaux de mars 2008, où 1 552 conseils de quartier ont été mis en place, 731 postes « d’adjoint·es de quartier » ont été institués. Ces chiffres sont en progression régulière depuis 2002 [2]. L’institutionnalisation des conseils de quartier semble donc avoir eu un effet sur la création de mandats d’élu·es délégués.

2Si, en milieu urbain, la figure de l’adjoint·e municipal à la participation est devenue une quasi-figure imposée, peu de travaux lui sont spécifiquement consacrés et les données disponibles sont le plus souvent éparses. Les études sur l’offre publique de participation (voir Gourgues, 2010 ; Lefebvre, 2007, 2012 ; Mazeaud, 2012, 2013 ; O’Miel, 2016 ; Paoletti, 2007, 2014 ; Petit, 2017 ; Talpin, 2016) intègrent des éléments empiriques et des analyses partielles, mais sans prendre la figure de l’élu·e à la participation comme objet. Plus largement, en plus d’études monographiques (Borraz, 1998) ou de travaux centrés sur les maires (Dion, 1986 ; Le Bart, 2003), on dispose surtout sur les adjoint·es de travaux sectoriels (Dion, 1984 ; Douillet, 2003 ; Barone et al., 2017) ou transversaux (Borraz, 1995 ; Kerrouche, Behm, 2013 ; Koebel, 2014). Des travaux plus systématiques sur les ajoint·es à la participation font défaut : sur leurs profils sociaux et leurs propriétés biographiques, leurs trajectoires, mais aussi sur les conditions de leur désignation et de l’éligibilité à cette délégation, leurs rapports aux maires, à l’administration, aux autres adjoint·es ou la manière d’incarner la fonction ou le rôle. Ces « artisans au quotidien » de la démocratie participative, comme on les appelle parfois, ont donné lieu à peu de recherches. Dans une étude quantitative portant sur le rapport des conseillères et conseillers municipaux à la démocratie dans plusieurs pays européens, Heinelt (2013 ; voir également Haus, Sweeting, 2006) avance que les élu·es les plus jeunes, les femmes et les personnes orientées à gauche s’avèrent plus favorables à une conception participative du gouvernement local. Les conseillères et conseillers les plus dominés – c’est-à-dire évoluant dans des systèmes politiques fortement orientés autour du rôle d’un·e « maire fort·e » – ne sont en revanche pas plus favorables à la participation citoyenne, comme on aurait pu en faire l’hypothèse. Outre le caractère assez fruste de ces résultats, ils portent sur l’ensemble des conseillères et conseillers municipaux, et non spécifiquement sur les personnes en charge de la délégation « démocratie participative », dont l’émergence est relativement récente.

3Quelle place pour ces élu·es dans la division du travail politique ? Quelle est leur place en particulier dans les configurations qui se déploient dans les politiques de participation (entre maire, DGS, services dédiés, mairies de quartier…) ? Une forme d’éligibilité à cette fonction se dessine-t-elle, et si oui, autour de quelles ressources ? La variable partisane structure-t-elle ces divers enjeux ? Est-ce que les élu·es à la participation incarnent des entrepreneur·es de la cause participative, ou s’agit-il d’un rapport à leur délégation plus désinvesti ? Dans quelle mesure les trajectoires sociales et politiques, les façons d’entrer dans et de prendre le rôle façonnent-elles le rapport du personnel politique à la participation ? Autrement dit, qu’est-ce qui spécifie un·e adjoint·e à la participation, au sein du groupe des élu·es et dans l’ordre des délégations ?

4Ces questions dessinent un programme de recherche plus vaste que les résultats préliminaires présentés ici. La population d’élu·es visée est large et hétérogène, les contextes municipaux variés, ce qui rend difficile un propos d’ensemble. L’objectif de cet article est de travailler des hypothèses, de mettre à plat des enjeux de recherche, de construire des questionnements pertinents et de proposer de premières typologies afin de stimuler d’autres recherches plus systématiques, davantage que d’apporter des réponses définitives. Pour cela, on s’appuie ici sur un corpus hétérogène de données constitué :

  • de relevés prosopographiques et tableaux synoptiques sur les élu·es en 2019 des vingt plus grandes villes de France, des vingt premières villes du département du Nord et des dix-huit premières villes du département du Pas-de-Calais ;
  • d’une enquête centrale pour l’analyse, menée dans la région Nord–Pas-de-Calais, s’appuyant sur une trentaine d’entretiens réalisés depuis 2008, au cours des deux derniers mandats municipaux (2008 à 2020), d’abord avec des adjoint·es mais aussi avec des maires et des DGS, et sur des observations dans dix villes. La moitié de ces entretiens a été réalisée par les étudiants du master 2 Communication et démocratie participative, sous la supervision de Rémi Lefebvre, dans le cadre de projets professionnels financés par le Conseil régional du Nord–Pas-de-Calais ;
  • d’un ensemble de données complémentaires, générées par les coauteurs de cet article au cours de recherches antérieures sur la démocratie participative municipale, incluant des observations et des entretiens avec des adjoint·es à la citoyenneté et la démocratie participative.

5Dans un premier temps, nous revenons sur la délégation elle-même (sa dénomination, ses contours et son contenu, et sa place dans les hiérarchies du travail municipal). Nous esquissons ensuite une analyse des filières d’accès à cette délégation : comment devient-on élu·e à la participation ? Nous proposons finalement une typologie du rapport des élu·es à la démocratie participative.

La fonction municipale d’élu·e à la participation

6Il convient d’abord de s’attacher à la fonction elle-même : comment est-elle désignée ? Avec quelles autres responsabilités est-elle couplée, si c’est le cas ? Comment se situe-t-elle dans la hiérarchie des positions municipales ? Les élu·es concernés occupent-ils des positions de conseillères et conseillers ou d’adjoint·es ? À quel rang ? Il faut analyser relationnellement la fonction d’élu·e à la participation dans les configurations du travail municipal (sa division, sa distribution, sa hiérarchisation). Les adjoint·es à la participation apparaissent de manière générale comme des agents dominés du jeu politique local, et occupent une position de second plan, généralement peu valorisée. Ce constat va à rebours de l’hypothèse de gains de légitimité qui seraient nécessairement induits par l’institutionnalisation précédemment mentionnée.

De la variabilité des délégations : unique, cumulée, territorialisée ou absente

7Quatre situations ont été repérées : un mandat centré sur une délégation unique, dont les dénominations peuvent être diverses ; un cumul de délégations comprenant la participation ; l’existence d’élu·es de quartier en charge de la participation sur leur territoire inframunicipal ; et l’absence de délégation à la participation.

8Première situation : il existe un·e élu·e à « la participation », avec une forte variété de dénominations de délégation. Les plus courantes sont « démocratie participative », « démocratie locale », « démocratie de proximité », « participation citoyenne », « citoyenneté ». Mais la référence à la « citoyenneté » n’implique pas nécessairement la « démocratie participative » (DP), qui peut en outre être décrite comme transversale ou technique, plutôt que comme spécifique ou politique, ainsi que l’illustrent certains entretiens.

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« Je n’ai pas vraiment la DP dans mes fonctions. Il n’y a aucun adjoint qui a vraiment la DP dans ses fonctions puisqu’elle est transversale, ça appartient à tout le monde ».
(4e adjointe chargée de la jeunesse et de la citoyenneté, Calais, 2014-2020)

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« On ne va pas mettre un élu à la démocratie participative. Non ! je dirais un technicien à la démocratie participative, qui est capable de gérer un processus de démocratie participative, oui ! ».
(Conseiller municipal à la citoyenneté, Hazebrouck, 2014-2020)

11Au plan national, dans trois villes (Marseille, Reims et Toulon), l’élu·e a la charge de la « proximité ». Le terme n’est pas neutre. Il s’oppose souvent à « démocratie participative » et vise à limiter l’ouverture des processus décisionnels et à concentrer la démocratie locale autour de la médiation interpersonnelle des élu·es (Lefebvre, 2005). Rappelons que le terme de démocratie de proximité a été préféré en 2001 pour désigner la loi du même nom dans cette même perspective, les députés communistes tentant en vain d’imposer celui de « démocratie participative » (Sintomer, 2011). Les termes « vie de quartier » ou « quartier » peuvent quant à eux être trompeurs. Ils font fréquemment référence aux conseils de quartier, ces élu·es étant en charge de leur animation.

12D’autres intitulés sont plus distinctifs et codés : « démocratie contributive », « démocratie partagée », « concertation », « initiatives citoyennes », « coconstruction, dialogue citoyen »… Ils indiquent un volontarisme – au moins lexical – tout en se distinguant du terme de « démocratie participative », jugé désuet ou peu clair. Une adjointe à la participation à Ronchin, dans la banlieue de Lille, explique cette variabilité au regard des difficultés d’appréhension de la notion par les citoyen·nes, un autre adjoint l’analyse au prisme des « caprices » du maire.

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« Les gens ne savent pas ce que veut dire “démocratie participative”. Ils savent ce que signifie un “comité de quartier” ! Ils viennent à la réunion du comité de quartier, pas à la réunion de l’élu chargé de “la démocratie participative”. Les gens qui savent ce que c’est la démocratie participative, ce sont je dirais “les intellectuels” ».
(Conseillère municipale en charge de la démocratie participative, Ronchin, 2014-2020)

14Parmi les vingt villes françaises les plus peuplées (voir tableau 1), l’expression « démocratie participative » apparaît à 4 reprises dans les dénominations des délégations. À l’inverse, l’expression « démocratie locale » revient 7 fois, 5 fois pour « citoyenneté », 3 fois pour « participation citoyenne », 2 fois pour « concertation ». Enfin, l’absence de délégation comme cas complet de non-légitimité de la thématique se retrouve à Nice (première grande ville de France avant Nîmes à ne pas afficher de délégation idoine, marquant, comme ailleurs, un effet partisan [3]), avec une prise en charge directe par le cabinet du maire. À l’inverse, à Nantes l’usage de « co-construction et dialogue citoyen » signale un ancrage dans le champ de la participation, investi comme forme de distinction territoriale. Dans les petites et moyennes communes, la conception dominante de la démocratie participative est proche de celle de la « démocratie de proximité » et met en avant l’importance du lien social et du « vivre ensemble ». Mais la dénomination « démocratie participative » demeure néanmoins d’usage assez courant quoique minoritaire : il apparaît dans 11 des 38 plus grandes villes du Nord–Pas-de-Calais, quand le terme « proximité » apparaît 5 fois (voir tableaux 2 et 3). Concernant la variable partisane, 7 des 11 occurrences sont des villes administrées par la gauche entre 2014 et 2020. Trois des quatre plus grandes villes de France où le terme « démocratie participative » est mentionné sont également orientées à gauche (Montpellier, Lille, Villeurbanne).

15Le terme « démocratie participative » est cependant loin d’être généralisé, y compris dans les grandes villes. On aurait pu émettre l’hypothèse que plus la taille de la commune est importante, plus le label « démocratie participative », consacré politiquement et scientifiquement, s’impose. Cette tendance n’est pourtant pas observée. Le terme est déjà relevé comme démonétisé par son appropriation par Ségolène Royal en 2007 (Lefebvre, 2008), comme le notent ici par entretiens interposés le maire et son adjoint élus l’année suivante.

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« Après la période Ségolène, on trouvait que participatif était, avait été mis un peu à toutes les sauces. […] On se disait, il y a une espèce d’effet mode, qui finalement réduit un petit peu… Et on se disait que finalement la démocratie locale c’est […] un concept peut-être un peu plus général ».
(Maire de Bruz, 2008-2014)

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« L’argumentation elle est venue pas mal autour des élections présidentielles. C’est vrai que Ségolène Royal a beaucoup utilisé ce terme-là. Mais j’ai l’impression que ça nous collait plus. Après moi je n’ai pas envie de jouer sur les mots. C’est un choix, pas vraiment un sujet de débat ».
(Adjoint à la démocratie locale, Bruz, 2008-2014)

18Pour un tiers des élu·es interrogés dans la région Nord–Pas-de-Calais, le terme de « démocratie participative » ne fait pas sens (il n’est pas mobilisé ou renvoie à un contenu très flou). La démocratie participative est souvent rabattue sur une simple proximité des élu·es avec la population. On note une appréhension très variable, peu informée de ce qu’est la démocratie participative dans certains entretiens, et des cas où ce sont davantage un·e ou des agent·es des services qui orientent concrètement le contenu des politiques de participation.

19La deuxième situation regroupe les cas où l’élu·e à la participation cumule cette délégation avec d’autres responsabilités. Ces différents « secteurs » (Muller, 2010) institutionnalisent une division du travail politique (Demazière, Le Lidec, 2014) et organisent différents « espaces spécifiques d’intégration et de représentation des intérêts » (Jacquot, Halpern, 2015). La participation peut alors n’être qu’un sujet d’attribution parmi d’autres (les associations, le sport, la politique de la ville, la sécurité, l’environnement…). Ce cumul apparaît-il comme gage de pouvoir ? La situation est ici ambivalente. Le cumul de la délégation démocratie participative par un élu·e influent (c’est-à-dire en haut de la hiérarchie municipale) avec d’autres compétences peut aussi bien être un levier de volontarisme, qu’au contraire traduire la volonté de neutraliser les risques politiques inhérents à la participation (constitution de contre-pouvoirs, support de contestation). Qu’un élu·e cumulant ait la main sur cette délégation peut lui donner un portage politique ou conduire à la domestication des dynamiques participatives.

20La participation, promue comme nécessairement transversale, rencontre divers secteurs de l’action publique (voire tous) : urbanisme, sport, voirie, aménagement, transports, environnement, sécurité… ce qui suppose de la part de l’élu·e, comme le montrent nos entretiens, une capacité à « passer » d’un sujet à l’autre, qui est inégalement partagée. Les adjoint·es aux quartiers ont des relations fréquentes de travail et de coopération avec d’autres élu·es. L’adjoint·e ou l’élu·e est donc aussi la personne qui peut venir marquer une ingérence dans les délégations d’un·e autre élu·e. Un enquêté évoque « un emmerdeur potentiel », un autre un « poil à gratter », autant de formules récurrentes dans l’ensemble des observations. Dans 11 des 20 premières villes françaises, l’élu·e n’occupe que cette responsabilité (démocratie participative, démocratie locale ou citoyenneté). Dans un cas (Paris), elle cumule la charge de la vie associative et de la jeunesse. Au Havre, il cumule avec la sécurité, à Lille et Angers avec la politique de la ville et la vie associative. Dans les strates de villes plus modestes, où la démocratie participative fait l’objet d’un investissement politique moins intense, le cumul est beaucoup plus courant (voir tableaux 2 et 3).

21La troisième situation renvoie à une répartition par quartier. Pour mieux territorialiser l’action municipale ou parce que des conseils de quartier ont été créés, la commune a été découpée en quartiers. Un·e élu·e peut avoir la charge d’un secteur et avoir dans ses prérogatives la charge des conseils de quartier ou des dispositifs de proximité (Tourcoing, Arcueil). À Villeneuve-d’Ascq, on dénombre quatre adjoint·es de secteur, dont l’adjointe au maire du secteur sud-est, par ailleurs déléguée aux droits de l’Homme, droits des femmes et lutte contre toutes les exclusions. À Lens, trois adjoint·es sont en charge chacun d’un secteur de la ville et de la concertation sur leur territoire. Il n’y a pas d’adjoint·e à la démocratie participative, mais un chargé de mission du cabinet qui travaille auprès du maire. Cette absence n’a pas empêché la municipalité de développer une politique plutôt ambitieuse en matière de participation. Le pari est, selon une adjointe, de « disséminer » la culture de la participation dans toutes les délégations et « ne pas la confiner à une délégation ».

22Enfin, la dernière situation est celle où aucune référence n’apparaît dans la liste des titres des élu·es municipaux. C’est un résultat contre-intuitif : alors que la participation est fréquemment analysée comme un « impératif », voire comme une injonction incontournable dont l’institutionnalisation serait désormais achevée, il n’y pas d’élu·es à la participation dans plusieurs grandes villes. Sur notre corpus des vingt plus grandes villes françaises, Marseille, Reims, Nice, Nîmes et Toulon entrent dans cette catégorie (à Marseille, Reims et Toulon, des élu·es à « la proximité » sont néanmoins en place). Remarquons qu’il s’agit de cinq villes gouvernées par des équipes marquées à droite. Mais les villes de gauche n’affichent pas forcément un élu·e dédié. À Dijon, il n’y a pas d’adjoint·e mais un conseiller municipal délégué. À Strasbourg, une élue en a la charge mais la « démocratie locale et politique de concertation » n’apparaît qu’au deuxième rang de ses délégations. Certaines villes de droite peuvent accorder une place centrale à la participation : les deux villes où le premier adjoint·e a en charge la participation (Le Havre et Angers) sont dirigées par la droite. Si le vocable « démocratie participative » reste plutôt marqué à gauche, cela en dit peu sur les politiques effectivement mises en œuvre. Si des travaux plus anciens ont souligné le volontarisme plus important des partis de gauche (Rey, 2005 ; Sintomer, Röcke, Herzberg., 2008), la diffusion et l’institutionnalisation partielle de la participation ont contribué à atténuer le poids de la variable partisane dans le contexte hexagonal.

23Dans 5 des 18 plus grandes villes du Pas-de-Calais, il n’y a pas élu·e dédié à la participation. C’est le cas de trois villes dans le Nord, comme à Wattrelos où le maire ne cache pas une franche hostilité à la démocratie participative. À Beaurains, dans le Pas-de-Calais, il n’existe pas d’élu·e délégué car l’essentiel est la « proximité », comme le dit un élu :

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« La démocratie participative existe à tous les niveaux avec Monsieur le Maire et le conseil municipal qui réunit tous les deux ans quartier par quartier les habitants. Il y a une séance photo et des films avec ce qui a été fait, et ensuite il y a une séance de discussion avec les habitants ».
(Conseiller municipal en charge du conseil des sages, Beaurains, 2014-2020)

25À Aulnoy-lez-Valenciennes, le maire justifie l’absence d’élu·e par un rejet explicite de la démocratie participative : « Moi ma démocratie participative à moi c’est rencontrer les gens tous les week-ends, participer à la vie associative… Si les habitants veulent me voir c’est facile. »

26Dans l’ensemble, la délégation agglomère des réalités différentes, depuis l’adjoint·e à la démocratie de proximité et aux fêtes de quartier d’une commune de 5 000 personnes, jusqu’à l’adjoint·e à la démocratie participative d’une grande ville. Le premier peut développer une conception de la démocratie participative centrée sur la proximité et éloignée des standards académiques, qui peuvent sembler scolastiques, et ne peut adosser son action sur un service administratif dédié. Le second s’avère davantage acculturé à la démocratie participative telle qu’elle a été formalisée par les sciences sociales – certains adjoint·es ayant parfois fréquenté des formations en science politique ou au CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale) dédiées à ces questions – et s’appuie sur des ressources administratives spécifiques, lui permettant de développer une politique sectorielle en partie autonome. Entre ces deux types, on trouve un continuum de situations intermédiaires, avec ponctuellement des adjoint·es de petites villes qui peuvent aussi s’appuyer sur une expertise individuelle très forte.

Une délégation peu valorisée

27La délégation, sauf dans les grandes villes, n’apparaît pas très valorisée. De nombreux travaux sur l’offre publique de participation ont démontré que son affichage compte plus que la mise en œuvre effective (O’Miel, 2016). Les adjoint·es apparaissent ainsi soit relativement isolés dans leurs attributions, soit effacés derrière un maire s’attribuant les profits du volontarisme participatif.

28Il y a plusieurs manières d’objectiver l’importance de la délégation. Un premier indicateur est fourni par son rang et la distinction entre adjoint·e et conseiller ou conseillère municipale déléguée. Michel Koebel (2014) montre que la délégation « citoyenneté » ou « démocratie » n’apparaît que dans 18 % des cas parmi les quatre premiers adjoint·es. Dans notre corpus des vingt plus grandes villes de France, la participation n’arrive dans les cinq premières délégations d’adjoint·es que dans quatre cas. Dans l’échantillon des villes du Nord, six élu·es se situent parmi les cinq premiers adjoint·es ; quatre dans le Pas-de-Calais. Dans les vingt villes de France les plus peuplées, on ne dénombre que deux conseillers municipaux délégués ; pour le reste, quand il y a un élu·e, il s’agit d’un adjoint·e. Dans le Nord, toujours dans notre corpus, la totalité des élu·es à la participation sont adjoint·es, sauf un conseiller municipal délégué. On en dénombre 4 sur les 18 villes du Pas-de-Calais. Il se dégage ainsi que l’élu·e à la participation se situe dans une position intermédiaire. Il est rarement au plus haut de la hiérarchie municipale, mais l’existence d’une délégation dédiée induit bien souvent un poste d’adjoint·e plutôt que de simple conseillère ou conseiller. Michel Koebel établit par ailleurs que 50 % des adjoint·es sur cette question sont des femmes [4], ces deux données donnant plutôt crédit à l’hypothèse d’une faible valorisation de cette fonction dans les hiérarchies symboliques et politiques des équipes municipales au regard de la domination masculine qui structure le champ politique.

29De manière plus qualitative, les entretiens réalisés permettent d’établir une misère de position fréquente. Les élu·es à la participation éprouvent souvent un sentiment d’isolement et de faible reconnaissance dans le conseil municipal. Ils ont le sentiment d’être un « poids », une source de ralentissement de l’action publique et d’obstruction (« on nous reproche de couper les cheveux en quatre », « on donne une caisse de résonance aux intérêts particuliers »…). La démocratie participative est verbalisée comme une expérience « déceptive » suscitant frustrations, résistances, récriminations et méfiance. Les élu·es ne parviennent que rarement à convaincre leurs homologues d’autres domaines ; ainsi que le reconnaît l’adjointe à la démocratie locale de Strasbourg, Chantal Cutajar, la démocratie participative demande de lâcher du pouvoir mais tout le monde n’est pas prêt de le faire côté élu·es (Le Monde, janvier 2019) [5].

30La relation avec le maire est souvent difficile, mais lorsqu’elle est bonne elle dynamise fortement les actions menées, en légitimant leur place dans les politiques municipales : « Mon choix d’aller dans l’équipe il est aussi lié au maire, qui je le sais avait une sensibilité très forte sur ce sujet-là » (Adjoint à la démocratie locale, Bruz, 2008-2014). Mais cette forte personnalisation peut aussi déposséder les élu·es de leur prérogative quand la participation est considérée comme un domaine stratégique, du fait des contacts induits avec la population, qui est ainsi confié au maire en personne ou au cabinet. Il apparaît clairement que l’adjoint·e ne peut peser et gagner des arbitrages dans les processus décisionnels que quand il a le soutien du maire et/ou du DGS. La relation maire-adjoint·e est centrale et constitue une dimension structurante du « pouvoir » de l’élu·e dédié et est fortement ressentie comme telle. Les résistances rencontrées ne viennent pas uniquement des autres élu·es mais aussi des services, notamment les services techniques, qui ne sont pas forcément acculturés à la démocratie participative et voient la participation comme une contrainte supplémentaire ou une dépossession (« C’est un paquebot […] n’importe quel service technique, on me dit “ouhla, c’est compliqué”, “c’est pas simple” » – Adjointe, Arcueil, 20142020) (à ce sujet voir Sintomer, Rocke, Talpin, 2009 ; Mazeaud, Nonjon, 2018). L’enquête fait apparaître aussi un déficit de moyens administratifs, logistiques, méthodologiques, notamment dans les villes petites ou moyennes. Les adjoint·es ne peuvent adosser leur action sur des moyens dédiés en personnel notamment, et quand c’est le cas ils sont faibles. Pour plusieurs raisons : contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités territoriales ou l’idée spontanéiste répandue chez les élu·es selon laquelle la « démocratie » ne nécessiterait pas de moyens. Lorsque des moyens existent, les communes ne savent pas forcément vers quelle structure se tourner.

31La défense de la démocratie participative peut parfois s’avérer risquée, à l’image de cette adjointe dans le Pas-de-Calais, qui se dit menacée de « démission » par le maire (et qui de fait préfère rester anonyme) :

32

« Q. : Quelles sont vos relations avec le maire ?
– Détestables. C’est vraiment une question de personne, ce qu’il me dit c’est que les habitants n’ont pas la parole, que ça sert à rien, que c’est à lui de décider. C’est très compliqué, quand je mets en route mes ateliers urbains, c’est une catastrophe quand il se pointe. […] Il coupe la parole aux gens, j’ai beau lui dire : “On est là pour les écouter”, il me dit qu’ils vont déblatérer des “conneries”. C’est impossible ! […] La menace, c’est de m’enlever ma délégation, et de démettre la DGS de ses fonctions. C’est au quotidien ! Quand quelqu’un pose des questions, de bonnes questions, et remet en cause le pouvoir absolu du monarque municipal, ça pose problème. »

33La misère positionnelle de ces délégations est d’autant plus avérée dans les contextes marqués par un plus fort « présidentialisme municipal ». Les tensions entre l’élu·e à la démocratie participative et sa hiérarchie ne sont peut-être jamais aussi patentes que lorsque les adjoint·es croient en la participation, mais de façon contrariée, comme dans cette ville proche de Douai :

34

« Le maire ici c’est un peu “la politique de la ville c’est moi”. Pour moi, la DP c’est d’être à l’écoute, être ouvert. On n’est pas tout seul. C’est ce que je reproche un peu ici. […] Je suis confronté au maire ».
(Adjoint à la démocratie participative et à la vie des quartiers, 2014-2020)

35On voit ainsi à quel point des élu·es à la participation « croyants » se heurtent aux routines du jeu politique local. La fonction reste marquée par une domination fonctionnelle. En position dominée au sein de leur institution, les adjoint·es ne disposent pas des ressources suffisantes pour faire évoluer les pratiques, du maire ou de l’administration, de l’intérieur. À bien des égards, les entretiens, conduits avec des chercheurs perçus comme partageant une même aspiration à la démocratisation du pouvoir local, constituent des espaces de libération de la parole, cathartiques, où les élu·es non opposants peuvent faire part de leurs frustrations.

36C’est notamment le cas de celles et ceux investis aux côtés du maire pour promouvoir la participation citoyenne dans le prolongement, mais aussi en rétribution, de leurs engagements associatifs passés et qui sont confrontés à des pratiques perçues comme manipulatoires ou de simples légitimations du pouvoir mayoral. Ces élu·es déçus et impuissants ne renouvellent que rarement leur expérience élective, à moins que la réélection ne leur procure l’opportunité d’une ascension au sein d’une autre délégation, ce qui est rare. L’analyse des voies d’accès à la fonction confirme sa faible valorisation. La vocation pour un mandat d’élu·e à la participation n’est pas la norme. À ce titre, de nombreux élu·es à la participation s’avèrent désinvestis, signe ultime de l’institutionnalisation d’une norme participative devenue routinière et passage obligé.

S’engager en participation : devenir élu·e et le rester

37Peut-on dégager des trajectoires typiques d’élu·es à la participation ? Peut-on parler de filières électives ? Les travaux sur les adjoint·es déjà cités analysent l’émergence d’une forme de spécialisation fonctionnelle des élu·es liée à la complexification et à la technicisation de l’action publique territoriale (Borraz, Guiraudon, 2008). En rupture avec l’amateurisme traditionnel attaché à la fonction, devenir adjoint·e ne s’improvise plus et suppose une expertise préalable ou acquise à la faveur du mandat. C’est un aspect de la professionnalisation de la politique locale qui n’affecte pas seulement les maires ou les adjoint·es des grandes communes. Dans le personnel municipal de second rang, un ethos de la compétence a fait place à celui traditionnel du seul dévouement (Douillet, Lefebvre, 2017). Observe-t-on cette tendance en matière de participation ? Quelles sont les ressources ou les propriétés sociales et politiques qui prédisposent à l’entrée dans un engagement électif dans le champ de la participation ?

38Devenir élu·e à la participation consiste d’abord à avoir été désigné à cette fonction. Ces individus ont été intégrés à la liste victorieuse, et ce n’est qu’après les élections qu’ils et elles sont définitivement validés dans cette fonction par la tête de liste devenue maire. La fabrication des listes et le processus de désignation des adjoint·es procèdent de la combinaison de variables diverses : parité, répartition géographique sur le territoire de la commune, logiques partisanes, notamment lors d’unions électorales, prise en compte des divers groupes sociaux et des clientèles électorales de la commune (Alliès, 1995)… La liste est le produit de bricolages et d’arbitrages complexes qui ne laissent pas toujours place à la logique de la compétence sectorielle ou de l’engagement (Mathiot, 2005). On montrera que les voies d’accès à la position d’adjoint·e sont variées. Le poste n’apparaît pas nécessairement convoité et n’obéit pas le plus souvent à une logique d’engagement préalable, ce qui ne signifie pas que certaines ressources n’y prédisposent pas.

Une vocation peu spécifique pour la démocratie participative

39Les élu·es étaient-ils disposés à s’engager dans un mandat à la participation ? Seul un tiers des adjoint·es de notre corpus d’entretiens avait une réelle appétence et compétence pour la question de la démocratie participative. De nombreux adjoint·es exercent cette responsabilité du fait des logiques contingentes de la distribution du pouvoir local. Il s’agit dès lors d’observer les régularités de cet apparent « hasard ». On trouve cette logique de non-spécialisation initiale y compris dans les grandes villes. Le cas de l’adjoint de Nantes et la manière dont il analyse son entrée en participation sur son blog sont éloquents. Son cas illustre une affinité possible avec le profil des « croyants managériaux » (voir plus bas), du fait de son profil social :

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« Je n’ai appris que j’allais être adjoint qu’au surlendemain du deuxième tour de la municipale Nantaise. […] Johanna Rolland m’a demandé d’être son adjoint sur une thématique qui, à premier abord m’a surpris, celle du “dialogue citoyen”. J’imaginais que mon rôle dans l’exécutif serait plutôt en relation avec mon expérience professionnelle (le monde de l’entreprise, etc.) ».
(16e adjoint à la co-construction et au dialogue citoyen, Nantes, 2014-2020) [6]

41Le cas de l’adjointe de Calais est tout à fait emblématique d’un engagement par défaut.

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« On m’a mis tout de suite adjointe à la vie des quartiers. J’étais pas très politique, j’étais apolitique mais c’est surtout parce que j’aimais bien le contact avec les gens, tout ça, la rencontre avec les gens, c’est surtout ça, je me suis impliquée dans ça. Quand on me l’a proposé, j’ai dit oui tout de suite. […] J’étais secrétaire dans un lycée, […] j’ai déjà fait partie d’associations d’élèves, j’étais beaucoup avec les habitants, on faisait des réunions, des assemblées générales. Mais sinon jamais en vie politique, jamais ».
(10e adjointe déléguée à la vie des quartiers à la mairie de Calais, 2014-2020)

43En l’absence de réelle appétence, l’engagement associatif (Koebel, 2000) constitue néanmoins une caractéristique des élu·es choisis ou enrôlés dans la participation, une forme de condition minimale et de sas d’entrée courant vers la délégation. Une élue à Arcueil résume bien cette perspective dès sa première prise de parole en entretien :

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« J’étais fort engagée dans la vie associative, et donc avec… automatiquement, une vie associative ça fait une participation à la vie de la cité, et donc m’a donné l’occasion de rencontrer différents élus, de travailler avec eux dans le cadre d’associations. Et c’est comme ça que j’ai été sollicitée pour devenir élue. […] J’étais dans des associations, notamment des associations de parents d’élèves et j’étais un peu remuante. […] Donc les élus sont venus, et quand on est parent d’élève on a des contacts avec les élus quand même. Donc c’est comme ça qu’on a pris contact ».
(Adjointe à la démocratie et la citoyenneté, Arcueil, 1997-2001)

45Les qualités requises pour exercer le poste, telles qu’elles apparaissent dans les entretiens, ne sont pas vraiment spécifiques : la « proximité » avec le « terrain » ou « les quartiers », l’engagement associatif ou « le sens du relationnel ». Le cas de l’adjoint de Wattrelos est à cet égard intéressant, puisqu’en dépit des propos de cet enquêté, ses engagements associatifs et syndicaux préalables l’ont prédisposé aux yeux du maire qui lui a confié cette mission.

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« J’ai 64 ans. Jeune retraité depuis 4 ans, je me suis occupé du milieu associatif à l’extérieur et professionnellement, j’ai aussi eu des mandats syndicaux. Je suis au conseil municipal depuis 1995 et dans l’exécutif administratif depuis 2001. J’ai donc en charge la citoyenneté participative […] C’est le maire qui décide, donne les délégations selon les profils. En octobre 2011, j’ai repris la délégation “citoyenneté participative” d’un autre membre de la majorité qui est décédé en cours de mandat […] À partir du moment où on a une délégation, on s’y intéresse. Notre passif politique, associatif, syndical nous pousse naturellement à aller vers les gens, [à faire] remonter les demandes de la population auprès des élus concernés. […] Je dirais plutôt que je n’avais pas de vocation pour ça, que j’étais probablement pas le mieux placé pour ça. Mais bon je m’y suis fait, maintenant ça va ».
(Adjoint à la citoyenneté participative, Wattrelos, 2008-2014)

47Les cas de « conversion » de ce type, d’apprentissage du rôle au fil du mandat, sont cependant relativement rares, tant les élu·es à ce poste deviennent sélectionnables, aux yeux du maire, du fait de dispositions préalables – dont l’intéressé a ou non conscience – que vient éventuellement activer la fonction. Ces profils d’élu·es municipaux sont en effet sociologiquement proches de beaucoup des participant·es les plus investis dans les dispositifs participatifs. Ce sont des espaces locaux similaires qui opèrent comme des « foyers de recrutement » (Petit, 2017). Parmi les foyers de recrutement les plus fréquents, on dénombre les associations de parents d’élèves et les associations les plus proches de la municipalité, sportives ou culturelles. Parfois, ce sont aussi des participant·es aux conseils de quartier qui peuvent devenir conseillères ou conseillers municipaux, voire adjoint·es à la démocratie participative (Nez, Talpin, 2010 ; Petit, 2018). Sans qu’on puisse parler de spécialisation fonctionnelle, les élu·es à la participation sont fréquemment multipositionnés, leur capital social et politique les rendant éligibles à ce poste qui ne semble pas demander d’autres compétences particulières. Ainsi, les profils rencontrés en entretien illustrent régulièrement ces trajectoires qui vont de la professionnalisation associative à l’engagement politique.

48La trajectoire de l’élue déléguée à Paris est à cet égard intéressante, dans une ville qui a fortement mis en avant son budget participatif dans le mandat 20142020. Pauline Véron n’a pas, au départ, de prédisposition pour la participation, qui s’intègre dans une carrière politique ascendante. Après des études de droit public à la Sorbonne, elle est membre de différents cabinets ministériels du gouvernement de Lionel Jospin. En 2001, elle est élue dans le 9e arrondissement de Paris et devient adjointe au maire du 9e. Elle exerce en parallèle des activités d’avocate et travaille pour l’association Médecins du Monde en tant que juriste, sans qu’on puisse pour autant parler de spécialisation fonctionnelle, tant elle apparaît comme une professionnelle de la politique, liée au Parti socialiste et ses organes centraux de direction. Elle cesse en effet ses activités professionnelles quand elle est réélue en 2008 adjointe au maire du 9e arrondissement et devient conseillère de Paris. En juillet 2012, elle est nommée adjointe au maire de Paris, Bertrand Delanoë, chargée de l’économie sociale et solidaire. En mars 2014, malgré une défaite en tant que tête de liste PS du 9e arrondissement, elle devient adjointe à la maire de Paris, Anne Hidalgo, chargée de la démocratie locale, de la participation citoyenne, de la vie associative et de la jeunesse. Avec la mise en place du budget participatif, elle fait preuve d’un certain volontarisme participatif, peut-être d’autant plus nécessaire qu’elle a perdu dans son arrondissement.

Des élu·es plus « participationnistes » que d’autres

49On a souligné que les élu·es à la démocratie participative étaient généralement dans une position de domination fonctionnelle, en ayant par ailleurs fréquemment un engagement dans la vie associative locale. On peut donc émettre l’hypothèse suivante : deviennent de façon privilégiée élu·es à la démocratie participative des autres membres de la liste qui, en dépit d’un engagement associatif reconnu, n’ont pas réussi à accumuler un capital politique très important.

50Le poste apparaît peu convoité de la part des élu·es potentiels et peu valorisé de la part du maire, sauf dans quelques cas spécifiquement « participationnistes » et dans les grandes villes. Certains candidats peuvent néanmoins manifester une compétence et une appétence préalables qui répondront alors à une forme de vocation. Au-delà des individualités, le caractère central de la thématique dans le programme, la gestion de la ville par une « association politique » favorable à la participation ou l’engagement d’un parti attaché à la participation au sein de la coalition municipale apparaissent comme autant de facteurs propices. Dans le cas de coalitions, la distribution de la délégation à la participation peut être un élément de la gestion des équilibres politiques municipaux. La position d’adjoint·e est prisée par les écologistes, dans les rangs desquels les militants de la participation sont nombreux. Le cas de Nœux-les-Mines dans le Pas-de-Calais est intéressant. L’adjoint à la participation (2008-2014) devient en 2014 premier adjoint avec un large portefeuille de délégations. Il a négocié ce mandat dans le cadre d’une alliance entre les deux tours entre la liste socialiste et celle, écologiste, qu’il conduisait au premier tour.

51On trouve ce type de posture vocationnelle aussi chez des élus passés par les conseils de quartier avant de devenir adjoints. Ces instances peuvent constituer une pépinière de futurs adjoint·es en cas d’alternance, comme c’est le cas à Maubeuge ou Roubaix. Du point de vue des trajectoires individuelles, c’est un « tremplin » ; du point de vue des équipes municipales, c’est un vivier (pépinière) ou un réservoir. Distinction peut d’ailleurs être faite entre des élu·es qui vont prendre le temps de « repérer » et « former » de futurs colistiers (pépinière), et d’autres qui vont simplement se contenter de piocher (réservoir), considérant que l’engagement participatif fait office de sélection en soi (Petit, 2017, p. 669 et sq.). Sans parler d’appétence donc, cette expérience antérieure semble disposer à endosser le rôle. Ainsi, à Maubeuge :

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« C’est le maire qui m’a demandé mais je pense qu’il a étudié le parcours de chacun. […] Je ne suis pas la seule [à avoir été membre d’un conseil de quartier]. Tous les adjoints ont participé au conseil de quartier précédemment. Le maire a été chercher des personnes qui étaient déjà impliquées plus ou moins dans la vie politique, au sens noble du terme. »

53On voit ainsi que l’offre de participation crée dans le même temps son public et ses futurs promoteurs, et ce au-delà des seules petites et moyennes villes. Dans le 20e arrondissement de Paris, l’adjoint à la démocratie participative de 2008 à 2014 est ainsi directement issu des conseils de quartier et du budget participatif (Nez, 2013).

54Des élu·es peuvent aussi cumuler des profils spécifiques dans différents mandats. À Arcueil, l’adjointe s’appuie sur un maire qui a fortement lié son engagement municipal pour la participation à la vice-présidence qu’il occupe sur ce sujet au conseil départemental.

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« Comprenez que l’avantage qu’on a c’est d’avoir Daniel Breuiller comme maire. Daniel Breuiller il a été, il a incarné tout ce qui était innovation en matière de démocratie participative au niveau du conseil général, en étant vice-président au conseil général du Val-de-Marne, donc c’est son sujet. C’est sa matrice, ça le constitue… ».
(6e adjointe à la démocratie et la citoyenneté, Arcueil, 2014-2020)

56De la même manière, le mandat peut être convoité dans les grandes villes qui affichent un volontarisme en matière d’innovations démocratiques. La délégation permet de construire une visibilité locale et d’accumuler du capital politique, ce qui conduit parfois à des conflits avec le ou la maire. La trajectoire de l’adjoint à la participation à Lille, Walid Hanna, est de ce point de vue éclairante. Il a construit sa carrière sur son implication dans les conseils de quartier. Médecin, il est enraciné dans son quartier, le Faubourg de Béthune. Il devient conseiller municipal en 2001 délégué à la présidence de ce quartier. En 2003, il récupère la responsabilité – stratégique dans cette ville populaire – de la politique de la ville, puis en 2006 préside un deuxième conseil de quartier (Bois Blancs) qu’il cumule avec le premier. En 2008, il devient adjoint à la démocratie participative et à la politique de la ville. Très présent et actif, il s’impose peu à peu comme « l’homme des quartiers » de Martine Aubry et le « principal élu de terrain de la ville » selon sa propre expression. Le « pompier » de la ville entretient une relation directe et privilégiée avec la maire et assume la tâche politiquement sensible de « désamorcer les conflits » et de veiller aux bonnes relations avec le monde associatif (Collectif Degeyter, 2017). En 2016, il engage une réflexion sur les dispositifs qu’il juge « à bout de souffle » : « Il fallait bousculer les choses, bouger à Lille. On était has been, la participation doit évoluer, s’adapter à la société, il faut prendre des risques. » Les tensions s’accumulent avec Martine Aubry, qui ne partage pas son constat et ne souhaite pas rénover ou élargir l’offre participative. Il parvient néanmoins à la convaincre de créer un budget participatif, alors qu’elle y était très réticente. Il se voit en revanche refuser en 2017 de supprimer les collèges politiques des conseillères et conseillers de quartier pour ouvrir davantage ces instances à la population. Son engagement comme adjoint à la participation a dans ce cas contribué à sa carrière politique ascendante. Ses ressources clientélaires ont permis d’entretenir la dynamique participative, qui a en retour contribué à rétribuer ses soutiens. L’engagement dans la participation peut ainsi s’avérer tout aussi intéressé qu’intéressant.

57Finalement, les élu·es à la participation apparaissent dotés d’un fort capital social local, accumulé au cours de leur trajectoire associative ou au sein de dispositifs participatifs. Ces engagements préalables les rendent éligibles pour cette fonction aux yeux du ou de la maire, qui les nomme à cette délégation plus qu’ils n’y candidatent. En effet, et contrairement à nos hypothèses initiales, une majorité d’adjoint·es à la participation se retrouvent là « par hasard » ou, tout du moins, sans réelle appétence pour la fonction, en dépit de dispositions pourtant reconnues localement. À ce titre, leur rapport à leur mandat contraste fortement avec les élu·es plus militants, minoritaires, qui voient leur délégation comme la continuité naturelle de leurs investissements précédents. C’est qu’en dépit de ressources (associatives, participatives, relationnelles) proches, les rapports à la démocratie participative varient fortement entre les interviewés.

Esquisse d’une typologie des élu·es à la participation

58Nous pouvons à présent esquisser une typologie à partir des entretiens avec 40 élu·es, adjoint·es et conseillères et conseillers municipaux en charge de la participation, principalement dans le Nord et le Pas-de-Calais. Quelles conceptions de la participation les élu·es développent-ils à la faveur de leur implication ? Quelle définition de leur rôle formulent-ils ? On distingue quatre figures d’élu·es, qui nous semblent regrouper l’essentiel des positions à l’égard de la démocratie participative. Nous distinguerons les indifférents, les croyants managériaux, les croyants militants et les opposants. Un programme de recherche à développer dans le contexte des prochaines mandatures consisterait à décrire plus finement cette typologie, mais aussi à en avoir une acception évolutive et processuelle, à la fois au niveau du tableau d’ensemble et des trajectoires individuelles.

Les indifférents : un rapport pragmatique à une délégation de contingence

59De nombreux adjoint·es héritent de cette responsabilité par les logiques contingentes de la distribution du pouvoir local, on l’a vu. Ce qui distingue les indifférents des autres adjoint·es à la démocratie participative est le peu de passion qu’ils semblent investir dans leur mission : ni croyants ni opposants, ils et elles siègent au conseil municipal avant tout et assument leur tâche sans trop d’états d’âme. Ne pas croire, en termes de démocratie participative, revient néanmoins souvent à faire preuve d’une forme de scepticisme. De l’engagement distancié à la distance au rôle et à la cause, il n’y a qu’un pas, que les élu·es expriment rarement de façon directe. Ce rapport distancié avec leur délégation mériterait d’être mis en regard du rapport des adjoint·es et conseillers et conseillères à d’autres délégations, afin de repérer une éventuelle spécificité de la participation citoyenne de ce point de vue. De fait, ces élu·es, s’ils sont des adjoint·es, ne sont pas des « élu·es participationnistes », mais plutôt des pragmatiques qui organisent les obligations légales de concertation.

60Une partie des indifférents pourraient aussi être plus positivement décrits comme des « tâtonnants », qui s’adaptent à une délégation, en apprennent progressivement la logique et le langage, ainsi qu’en témoigne une élue à Lanester, rencontrée avant son élection, venue à la politique locale par les conseils de quartier, qui décrit son parcours sur le ton de l’humilité.

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« Ce qu’on ne savait pas d’ailleurs, que ça allait s’appeler une démocratie par proximité… c’est après qu’on a appris… quand on a intégré, que ce vocabulaire nous est devenu familier. Mais au début on était parti pour en faire sans savoir qu’on en faisait ».
(Ancienne conseillère de quartier et présidente de l’association politique locale, 1re adjointe déléguée à la démocratie participative, la citoyenneté et la politique de la ville, Lanester, 2014-2020)

62Mais ce coût d’entrée dans une délégation politique et couvrant de nombreux aspects n’est pas forcément récompensé. De fait, le rapport d’indifférence à la démocratie participative est en effet largement partagé au-delà de ces élu·es, parmi le reste du conseil municipal et les services. La distance au rôle peut alors servir à garder la face lorsqu’on est dépourvu de moyens. Les adjoint·es en viennent alors à se défausser sur l’indifférence des autres élu·es, voire de la population, comme justification d’une délégation difficile à investir pleinement, tant ils ne sont pas les seuls responsables des succès qui lui seraient attribuables.

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« On va vraiment essayer de construire un travail d’équipe, pour que ça vienne d’eux [les autres élu·es] […] ça fait partie des choses qu’on avait définies pour la préparation, lorsque la délégation a été présentée en séminaire […] Le problème c’est que c’est dans ma délégation, mais je ne peux pas forcer les personnes qui sont censées porter […] Le problème c’est qu’on reste encore dans cette posture de passifs et actifs, de spectateurs quoi. Il y a trop de gens qui sont je pense spectateurs […] Je pensais que ça viendrait des élu·es ».
(6e adjointe déléguée à la démocratie et la citoyenneté, Arcueil, 2014-2020)

Les croyants managériaux : un devenir apolitique de la démocratie participative

64Les croyants managériaux voient avant tout dans la participation citoyenne un moyen de moderniser l’action publique et de la rendre plus efficace ou de faire des économies. Cela renvoie à un des univers connus de légitimation de la démocratie participative (Bacqué, Ray, Sintomer, 2005). On trouve nettement ce registre chez les adjoint·es à la participation de plusieurs villes aisées de la métropole lilloise dirigées par des élu·es de droite ou centristes. Il est mobilisé par des élu·es issus du secteur privé ou des professions du marketing et de la communication.

65Chez une enquêtée, qui a une formation de juriste (maîtrise de droit privé à l’Université Lille 2) et enseigne en BTS commercial, le terme d’efficacité revient à huit reprises au cours de l’entretien. Elle parle aussi d’« optimisation ». Un autre élu de la métropole lilloise est ingénieur informaticien dans une multinationale agroalimentaire, évoque les « performances de l’action publique » que permettent les divers outils de communication et de participation mis en place dans la ville. Une inspiration clairement managériale est aussi affirmée à Valenciennes, dirigée par une municipalité centriste. C’est l’efficacité de l’action publique qui est en jeu. L’élu évoque à plusieurs reprises en entretien la communication numérique et tout ce qui « fluidifie » les rapports avec la population. Le « numéro vert » mis en place par la ville est à ses yeux un outil de démocratie participative. Celle-ci peut apparaître comme un service après-vente de l’action publique municipale ou un service qualité, qui intensifie des interactions personnalisées entre des citoyen·nes perçus comme des clients de l’administration. De fait, la socialisation professionnelle des élu·es façonne leur investissement de la thématique participative. À ce titre, celles et ceux issus du secteur privé n’ont pas tout à fait le même rapport à la participation que les élu·es passés par le milieu associatif ou la fonction publique.

66L’ampleur relative de ce registre de justification et ce rapport à la participation dans notre corpus sont peut-être liés à la temporalité de l’enquête et à son ancrage géographique. On peut faire l’hypothèse que ce registre de justification managérial s’est diffusé ces dernières années, tout particulièrement chez les nouveaux élus LREM ou LR.

Les croyants militants… des agents souvent désabusés du jeu politique

67Les croyants militants sont les élu·es participationnistes qui appréhendent la participation comme une condition de l’approfondissement de la démocratie, et qui valorisent souvent l’échelle locale pour ce faire. Ils et elles voient dans la démocratie participative une réponse à la crise de la représentation, un moyen de réintéresser les citoyens à la chose publique et de prendre de meilleures décisions.

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« Ma fonction me plaît, c’est quelque chose qui me taraudait dans ma tête, cette fameuse démocratie dont on parle beaucoup. Je me dis que sur le champ local c’est là où on doit la faire vivre, c’est le premier maillon, premier niveau ; il faut la gagner à ce niveau-là. On peut toujours après avoir des grandes théories mais si sur le plan communal on n’arrive pas à la faire vivre, alors là. Je sais pas où on peut la faire vivre ».
(Adjoint à la démocratie participative, Bruz, 2008-2014)

69La posture la plus aisément adoptée parmi nos interviewés est celle des croyants militants, ce qui relève davantage d’un biais de sélection que d’une diffusion large de celle-ci. Cette surreprésentation tient également à l’orientation majoritairement à gauche des élu·es que nous avons interviewés dans le Nord–Pas-de-Calais, ainsi qu’à des effets de désirabilité lors d’une interaction en entretien : face à des chercheurs spécialisés sur la démocratie participative ou des étudiants de science politique, et dont on pense qu’ils sont aussi probablement « croyants », on a davantage tendance à se présenter comme un militant de la cause.

70Le cas de Daniel Lemang à Dunkerque est emblématique : sa trajectoire est marquée par un très fort investissement local, une progressive montée en compétences et une spécialisation sur la question, qui permet une acculturation forte et cumulative qui le conduit à donner des formations à l’ENACT (École nationale d’application des cadres territoriaux). Il est emblématique du profil de l’adjoint expert et politisé sur cette question.

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« Cette envie de faire participer les gens, elle est liée à mon passé personnel, familial… Ensuite il y a eu cette première fonction à la direction de l’ADUGES (Association dunkerquoise de gestion des équipements sociaux) où là bah, c’était par profession, j’ai appris grâce à la rencontre avec des sociologues, ethnologues, qui m’ont accompagné dans cette démarche-là. Donc là ça a été des discussions mais à la fois des lectures, des rencontres avec les Fédérations des centres sociaux, avec d’autres sociologues, bref, c’est une série de rencontres qui fait que c’est rentré dans mes fibres ».
(Adjoint à la démocratie participative, Dunkerque, 2008-2014)

72Si bien que lorsqu’il devient adjoint de Michel Delebarre, il demande (ce qui est rare, on l’a souligné) la délégation à la démocratie locale : « Ce n’est pas un accident de parcours quoi, c’est une volonté d’aller plus loin. » On voit ici à quel point compétence et appétence s’entretiennent mutuellement pour nourrir une sorte d’évidence – d’illusion ? – biographique, où l’endossement du rôle d’adjoint·e apparaît comme naturel au regard de la trajectoire personnelle et politique. Ainsi, à Roubaix, l’élu communiste présente sa délégation comme la suite logique de ses engagements associatifs et participatifs locaux :

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« J’étais permanent d’un comité de quartier, pendant quelques années j’ai travaillé à mi-temps après j’en suis devenu président. Quand j’ai quitté mon boulot, où j’ai habité, j’étais président de mon comité de quartier et puis j’avais un engagement politique en parallèle et donc ça se fait comme ça, par hasard ! C’est le maire qui m’a nommé comme chargé des questions de la démocratie participative en accord avec mon parti ».
(Adjoint au développement durable et à la démocratie participative, Roubaix, 2001-2014)

74Si son expérience associative préalable contribue à son éligibilité à la fonction aux yeux du maire – davantage qu’aux siens, puisqu’il reprend le topique du « hasard » – elle a également nourri une réelle sensibilité à la démocratie participative, qui s’inscrit dans le logiciel politique de cet élu réformateur qui veut « faire de la politique autrement », comme cela est fréquemment mis en avant au début des années 2000. Mais sa bonne volonté participative va se heurter à la nécessité légale de mettre en place des conseils de quartier. La mise en place de ces derniers va occuper l’essentiel de l’énergie participative de cet élu, ce qui créera chez lui une frustration du fait de l’impossibilité de les constituer en contre-pouvoirs locaux, bien au contraire (Carrel, Talpin, 2012).

75La déception se retrouve chez sa successeuse, 9e adjointe à la participation des habitants, à la suite du basculement à droite de la ville de Roubaix en 2014, ancienne figure de proue de la lutte urbaine de l’Alma-Gare dans les années 1970-1980 (Cossart, Talpin, 2015). Quand bien même elle a la charge de cette délégation, la participation ne semble à ses yeux référer qu’à un passé de luttes et une démocratie d’interpellation que les conseils citoyens qu’elle coordonne de fait sont bien loin d’incarner : « Je me demande si elle existe vraiment la démocratie participative, je l’ai connue car j’ai vécu très longtemps à l’Alma. La démocratie participative est après devenue plus de la démocratie informative. »

76La croyance dans les vertus de la participation citoyenne conduit souvent ces élu·es au désenchantement face à l’inachèvement des dispositifs et aux résistances des autres édiles. À l’image du « malheur militant » (Fillieule, Leclercq, Lefebvre, 2020), on recueille dans nos entretiens une forme de malheur électif, de représentant·es confrontés à la limite de leurs marges de manœuvre ou aux contraintes rencontrées dans le déploiement de la démocratie participative. Ainsi, l’élue à la politique de la ville, la sécurité et la démocratie participative de Mons-en-Barœul : « Dès lors qu’il s’agit de partager le pouvoir, en tant que tel, je me suis retrouvée en face d’élu·es qui me disaient : “Mais, attends l’élection elle est représentative”, et je pense qu’il y a encore une vieille conception jacobine du truc ».

77L’élu·e croyant militant doit ainsi bien souvent se muer en entrepreneur·e de cause au sein de la majorité municipale. Ainsi, la conseillère à la démocratie participative d’une petite ville de la banlieue de Lille :

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« Ici, on est quand même dans une politique de… c’est pas vraiment du verrouillage mais c’est vouloir tout contrôler. […] Alors, moi, dès le début, j’ai dit qu’on était pas là pour remettre en cause la politique municipale, que tout avait été voté en conseil municipal, que c’était acquis […] Y’en a [des élu·es] c’est l’indifférence totale, ça leur fait ni chaud ni froid. J’veux dire, ça a le mérite d’exister mais bon… ».
(Conseillère déléguée à l’agenda 21 et à la démocratie participative, 2008-2014)

79Les élu·es convaincus, mais pas forcément convaincants, doivent démontrer soit l’innocuité, soit l’intérêt de la participation auprès de leurs collègues. La capacité à se muer en héraut de la cause participative dépend alors des ressources à disposition : capital universitaire et relations auprès de spécialistes à même de constituer des alliés, capital social et soutiens de la société civile locale… Le plus souvent néanmoins, les croyants se trouvent démunis face à l’ampleur du scepticisme d’élu·es plus puissants qu’eux.

Les opposants : un rapport indicible au participatif ?

80Les opposants, qui assument en entretien leur défiance à l’égard de la participation citoyenne, demeurent relativement rares. Nous n’en comptons qu’un seul dans notre échantillon, ce qui est révélateur des conditions d’énonciation de ce type de discours critique face à des chercheurs spécialisés sur la question. Comme en témoignent les croyants militants, les oppositions les plus marquées proviennent des élu·es les plus importants, en particulier des maires. L’acculturation à la participation est ainsi loin d’avoir accompagné mécaniquement sa diffusion. La défiance à l’égard de la participation est en revanche plus rare chez les adjoint·es dédiés, peut-être du fait d’une prise de rôle, d’une acculturation ou d’une conversion, mais également car la dissonance cognitive qui reviendrait à occuper une position spécialisée tout en en dénonçant son illégitimité paraît difficile à tenir.

81On a en revanche pu recueillir des discours d’opposants qui, dans une perspective de neutralisation, ont ajouté la délégation à la participation dans leur portefeuille, plus large. La meilleure façon de s’assurer que celle-ci ne remette pas trop en cause le magistère mayoral est peut-être de se tenir tout contre la participation citoyenne. L’exemple du premier adjoint PS (2014-2020) de la ville de Bruay-la-Buissière, dans le Pas-de-Calais, est à cet égard intéressant, par sa capacité à reconnaître ouvertement son scepticisme. Il est très clair sur le fait que la décision doit rester aux mains des élu·es :

82

« Monsieur le maire fait partie des élu·es qui sont pour associer à la réflexion mais pas à la décision. Il y a une défiance. On fait penser à travers les médias aujourd’hui que la décision pouvait revenir à ces conseils citoyens, conseils de quartier. Ça je n’y crois pas car il y a trop d’éléments à prendre en compte dans les prises de décision pour mettre en place des moyens d’action. »

83Ces propos se retrouvent plus généralement chez des maires ayant effectué de longs mandats, et parfois vu la démocratie participative arriver comme « un gadget inutile », par rapport à leur propre expérience d’édile garant de la synthèse des intérêts locaux. Ici, ce n’est pas tant la proximité qui est jouée contre la démocratie participative, qu’une défense affirmée de la supériorité de la démocratie représentative.

84

« Quoi qu’il arrive, la décision finale doit revenir au conseil municipal qui est et qui sera le seul responsable devant les électeurs. La seule démocratie participative est la vraie démocratie aujourd’hui, elle est là. C’est du mensonge de parler de démocratie participative car elle est là, elle existe la démocratie sauf qu’elle est une fois tous les six ans pour les communes, cinq pour les présidentielles. »

85Ce rapport très sceptique à la participation citoyenne tient à son parcours professionnel, qui l’a conduit à devenir DGS d’une communauté de communes, l’amenant à valoriser un registre expert et technocratique, dans un contexte où la concertation citoyenne est sa dernière attribution avec « les finances, le commerce, l’emploi de solidarité » en tant que premier adjoint. Il est fréquent qu’une trajectoire professionnelle au sein de l’administration explique un rapport technique et expert aux dossiers municipaux, incitant à souligner le manque de compétence des citoyens, pour justifier un rejet de la démocratie participative, à l’instar de cet autre enquêté, proche des élus sans l’être lui-même, et nous livrant donc d’autant plus facilement cette parole :

86

« Je dirais que c’est par déformation professionnelle, parce que… je suis dans la fonction publique territoriale, j’ai consacré toute ma carrière à la ville et à l’agglomération, […] j’étais le directeur du secrétariat général […] ce sont des lieux qui se passent à huis clos, là où les gens se disent les choses […] c’est peut-être pas très démocratique mais mon compte rendu il faisait cinq lignes, à la demande des élus (“Ici on se dit les choses”), donc j’ai quand même pu de l’intérieur voir ce que c’était l’exercice… la prise de décision […] Il faut pas se le cacher, la démocratie participative c’est bien, l’exercice du pouvoir c’est autre chose […] c’est bien clair qu’il y a pour moi une séparation nette entre ce qui relève de l’avis des citoyens dans le cadre d’une démocratie participative et la démocratie élective… des gens qui ont été élus ».
(Conseiller de quartier à Lanester, 2002-2014, ancien fonctionnaire territorial à l’agglomération de Lorient, 1985-2011)

87La différence entre soutiens et opposants tient ainsi surtout à la façon dont ils appréhendent l’articulation entre démocratie participative et gouvernement représentatif. Alors que les croyants voient en la participation un moyen de renforcer une légitimité élective en crise, pour les opposants les dispositifs participatifs incarnent une légitimité concurrente qui risque d’approfondir la défiance à l’égard des élu·es.

Conclusion

88Au-delà de la forte variabilité des dénominations, l’enquête confirme qu’à l’exception de quelques grandes villes, le rôle d’adjoint·e demeure peu valorisé dans la hiérarchie municipale. Les élu·es à la participation sont pour la plupart des acteurs dominés du jeu politique local, dans l’ordre des délégations, dans l’accès aux ressources administratives et dans la relation avec le maire. Cette dernière variable est fondamentale et peut suffire à construire une exception, rappelant en dernière instance la misère positionnelle relative de la délégation, qui lorsqu’elle est fortement investie, se légitime d’abord au travers de la figure mayorale. De fait, l’entrée en participation est rarement une vocation et s’avère le plus souvent, si ce n’est le fruit du hasard, du moins celui d’une volonté qui s’impose d’en haut, généralement depuis le maire. Disposant pour la plupart d’une expérience associative ou participative, les élu·es à la participation n’ont que rarement réussi à accumuler suffisamment de capital politique pour prétendre à des positions plus valorisées. L’étude de la carrière des adjoint·es à la participation ne semble en effet pas indiquer une trajectoire ascendante (ou rarement), l’accumulation du capital social et politique permise par la fonction apparaissant le plus souvent insuffisante, si bien que ce poste apparaît davantage comme une parenthèse ou une fin de parcours que comme un tremplin. Cela tient peut-être en outre à l’appartenance d’une partie d’entre eux à des partis dominés au sein des coalitions municipales, ce qui rend les carrières plus erratiques. À ce titre, les adjoint·es à la participation apparaissent dans une position d’entre-deux, à mi-chemin entre les « lisières du politique » explorées par Philippe Aldrin et Marie Vannetzel (2019) et le champ politique professionnalisé. Si c’est probablement le cas de tous les « petits » élu·es locaux, les modalités d’entrée et d’appropriation du rôle de ces élus renforcent l’oscillation et le va-et-vient entre ces espaces.

89Cette recherche révèle néanmoins des rapports très contrastés à la participation. D’un côté, les indifférents n’investissent pas véritablement le rôle, quand les (rares) opposants se révèlent ouvertement sceptiques quant au développement de dispositifs qui s’avèrent au mieux coûteux en temps, au pire qui remettent en cause leur légitimité élective. De l’autre, les croyants voient en la participation un moyen d’approfondir la démocratie, comme les militants, ou d’accroître l’efficacité de l’action publique à l’image des adjoint·es managériaux. Ces catégories demeurent mouvantes, et les élu·es au fil de leur carrière, ou en fonction du contexte d’énonciation, peuvent être amenés à plus ou moins endosser telle ou telle position. Y a-t-il eu à certaines périodes ou dans certains espaces davantage d’élu·es croyants et militants ? Ceux-ci viennent-ils individuellement grossir les rangs des indifférents ou des opposants ? Une appréhension managériale de la participation est-elle amenée à se diffuser, en corrélation avec une évolution du profil social des élu·es ? Cette acception dépolitisée est-elle la seule alternative à un refus de la participation, que les raisons soient techniques (gouvernement des experts) ou politiques (personnalisation du pouvoir municipal) ? On manque à ce titre d’études internationales permettant de nourrir les comparaisons et de répondre finement à ces questions.

90Les adjoint·es à la participation ne sont que rarement des hérauts de la cause, au regard de la multiplicité des expériences déceptives qu’ils ont pu éprouver ou des rappels à l’ordre que leur adressent les hiérarchies municipales. Même les élu·es les plus militants se heurtent aux routines institutionnelles et aux oppositions politiques, révélant en creux la forte stabilité d’un pouvoir local qui résiste à la démocratisation, en dépit d’une légitimité électorale toujours plus fragile. Au regard de ces éléments, il est peu surprenant qu’on n’ait pas assisté ces dernières années à l’émergence d’expérimentations démocratiques radicales dans le cadre hexagonal, la tendance étant plutôt à la diffusion et l’institutionnalisation de dispositifs dépourvus de toute ambition de redistribution du pouvoir. En creux, nos résultats viennent confirmer ceux de Brian Wampler (2004) qui a étudié en détail la trajectoire des maires participationnistes brésiliens. Dans ce cas, outre la présence de conseils municipaux favorables aux réformes participatives, il souligne le rôle de maires dont le passé d’activistes proches des mouvements sociaux et de la théologie de la Libération a forgé un ethos démocratique fort. À l’exception de quelques élu·es militants isolés et marginaux, rien de tel sur nos terrains français. Le devenir des listes participatives élues en 2020 viendra peut-être infléchir ce constat.

Annexe
Tableau 1

Les élu·es à la démocratie participative des 20 plus grandes villes de France (2014-2020)

Tableau 1
Ville Nom Sexe Parti politique Intitulé de la délégation Position dans la hiérarchie municipale Paris Pauline Véron F PS Démocratie locale, participation citoyenne, vie associative et jeunesse Adjointe au maire Marseille Daniel Sperling H LR Innovation et Développement par le Numérique/Mieux vivre ensemble/Bureau municipal de proximité 12e adjoint au maire Lyon Jérôme Maleski H LREM Démocratie locale ; Participation citoyenne 21e adjoint au maire Toulouse Jean-Baptiste de Scoraille H LR Coordination de la démocratie locale et de la citoyenneté ; Mairies de quartier Conseiller municipal délégué Nice - - - Pas d’adjoint·e ou conseiller municipal délégué - Nantes Bassem Asseh H PS Co-construction et dialogue citoyen 16e adjoint au maire Montpellier Gérard Castre H DVG Délégué à la Démocratie participative et aux Maisons pour Tous 4e adjoint au maire Strasbourg Chantal Cutajar F Modem Déléguée à la démocratie locale et politique de concertation (et marchés publics) 7e adjointe au maire Bordeaux Marik Fetouh H LREM Chargé de l’égalité et de la citoyenneté 15e adjoint au maire Lille Walid Hanna H PS Adjoint délégué aux politiques des territoires (coordination des quartiers, politique de la ville) ; Citoyenneté (démocratie participative, concertation avec les habitants) 2e adjoint au maire

Les élu·es à la démocratie participative des 20 plus grandes villes de France (2014-2020)

tableau im2
Ville Nom Sexe Parti politique Intitulé de la délégation Position dans la hiérarchie municipale Rennes Jean-Marie Goater H EELV Délégué à la démocratie locale 15e adjoint au maire Reims Mario Rossi H UDI Délégué à la proximité 14e adjoint au maire Le Havre Jean-Baptiste Gastinne H LR Adjoint au maire, chargé de la concertation publique, de la qualité de vie, de la prévention et de la sécurité 1er adjoint au maire Saint-Étienne Paul Corrieras H Nouveau centre Délégué aux conseils de quartier et à la démocratie participative 6e adjoint au maire Toulon Florence Feunteun F LR Déléguée à la démocratie de proximité 9e adjointe au maire Grenoble Pascal Clouaire H EELV Adjoint à la démocratie locale 12e adjoint au maire Dijon Sandrine Hily F EELV Démocratie locale Conseillère municipale Angers Michelle Moreau F Centre droit (sans étiquette) Adjointe à la Vie des Quartiers, à la Vie Associative et à la Citoyenneté 1re adjointe au maire Nîmes - - - Pas d’adjoint·e ou conseiller municipal délégué - Villeurbanne Marc Ambrogelly H PCF Délégué à la Démocratie participative et aux centres sociaux 9e adjoint au maire
Tableau 2

Les élu·es à la démocratie participative des 20 plus grandes villes du Nord (2014-2020)

Tableau 2
Ville Nom Sexe Parti politique Intitulé de la délégation Position dans la hiérarchie municipale Lille Walid Hanna H PS Adjoint délégué aux politiques des territoires (coordination des quartiers, politique de la ville) ; Citoyenneté (démocratie participative, concertation avec les habitants) 2e adjoint au maire Tourcoing Bérangère Duret F Divers droite (sans étiquette) Adjointe chargée de la Vie quotidienne des habitants, de la Concertation et de la Coordination des adjoint·es de quartiers. 15e adjointe au maire Roubaix Marie-Agnès Leman F Divers droite (sans étiquette) Adjointe démocratie participative 9e adjointe au maire Dunkerque Diana Dequidt F Sans étiquette Adjointe à la démocratie locale et la transition écologique 13e adjointe au maire Villeneuve-d’Ascq Daniel Dubois H PS Adjoint délégué à la démocratie participative, aux centres de vacances 18e adjoint au maire Valenciennes Mattéo Gualano H UDI Délégué à la proximité, au cadre de vie et à la vie de quartier 11e adjoint au maire Douai Lucile Wacheux F Déléguée à la citoyenneté 12e adjointe au maire Wattrelos - - - Pas d’adjoint·e dédié - Marcq-en-Barœul Françoise Goube F Divers droite Adjointe en charge des Travaux, du Cadre de vie, de l’Urbanisme, des Affaires Juridiques et de la Démocratie Participative. Conseillère Métropolitaine. 6e adjointe au maire

Les élu·es à la démocratie participative des 20 plus grandes villes du Nord (2014-2020)

tableau im4
Ville Nom Sexe Parti politique Intitulé de la délégation Position dans la hiérarchie municipale Cambrai Nicolas Siegler H UDI Délégué au sport, à la vie associative, politique de la ville, sécurité à la démocratie locale 2e adjoint au maire Maubeuge Corinne Deroo F LR Déléguée à l’Urbanisme, rénovation urbaine, voirie, démocratie participative 10e adjointe au maire Lambersart Christophe Caudron H LR Délégué à la Démocratie participative et de proximité en charge de la coordination des élu·es de quartier 1er adjoint au maire Armentières Martine Dubreu F PCF Déléguée à la Jeunesse, Citoyenneté, Démocratie participative 6e adjointe au maire La Madeleine Bruno Flajolet H LR Délégué à la Proximité - Citoyenneté - Sécurité 5e adjoint au maire Coudekerque-Branche Mickaël Hennebelle H Divers gauche Délégué à la proximité, à la vie associative et à la tranquillité publique 7e adjoint au maire Hazebrouck Jean-Luc Arnouts H Divers gauche Délégué à la vie quoti-dienne, à la vie des quartiers, à la propreté urbaine, à la sécurité et aux commissions de sécurité 3e adjoint au maire Grande-Synthe Keltoum Amichi F Divers gauche Déléguée à la démocratie participative Conseillère municipale Loos Catherine Grière F Divers droite Démocratie partagée et espaces verts 8e adjointe au maire Mons-en-Barœul Raghnia Chabane F Divers gauche Déléguée à la politique de la ville, la sécurité et la citoyenneté 9e adjointe au maire Halluin Patrick Splète H LR Adjoint aux associations, fêtes, animations, vie des quartiers et relations internationales 1er adjoint au maire
Tableau 3

Les élu·es à la démocratie participative des 18 plus grandes villes du Pas-de-Calais (2014-2020)

Tableau 3
Ville (population en 2007) Nom Sexe Parti politique Intitulé de la délégation Position dans la hiérarchie municipale Calais Maïté Friscourt F LR Jeunesse et citoyenneté 4e adjointe au maire Boulogne-sur-Mer Mireille Hingrez-Cereda (vice-présidente du conseil départemental) F PS Communication-multimédia, Vie des quartiers, développement associatif, Pôle plage, Centres de loisirs, colonies de vacances, Initiatives citoyennes, Politique socio-éducative 1re adjointe au maire Arras Laure Nicolle F Municipalité UDI Participation des citoyens à la vie municipale Conseillère déléguée Lens - PS Trois adjoint·es de quartier - Liévin Dominique Massin F PS Centres sociaux et démocratie participative 4e adjointe au maire Hénin-Beaumont - FN Pas d’adjoint·e dédié. Il existe un·e adjoint·e à la vie des quartiers et à la sécurité - Béthune Alain Michaux H Centriste Insertion, citoyenneté, laïcité et démocratie contributive Conseiller municipal spécial Bruay-la-Buissière - - PS Pas d’adjoint·e dédié - Avion Zineb Bouziane H Municipalité communiste Citoyenneté et démocratie participative 8e adjoint au maire Carvin Christine Mencik F PS Citoyenneté et gestion des risques urbains 8e adjointe au maire Berck LR Pas d’adjoint·e dédié Saint-Omer Chantal Ritaine F UDI Développement durable, cadre de vie, démocratie de proximité, parcs et jardins 8e adjointe au maire

Les élu·es à la démocratie participative des 18 plus grandes villes du Pas-de-Calais (2014-2020)

tableau im6
Ville (population en 2007) Nom Sexe Parti politique Intitulé de la délégation Position dans la hiérarchie municipale Outreau Pas d’adjoint·e dédié Harnes Fabrice Grunert H PS Citoyenneté Conseiller municipal délégué Nœux-les-Mines Jacques Switalski H Militant écologiste dans une municipalité PS Urbanisme, environnement, agenda 21, écoquartiers, espaces verts, biodiversité, démocratie participative, prévention de la délinquance, action économique 1er adjoint au maire Méricourt - - - Pas d’adjoint·e dédié - Bully-les-Mines Caroline Loubat F PS Sport et dialogue citoyen Conseillère municipale déléguée Étaples - - - Pas d’adjoint·e dédié -

Notes

Français

Les délégations municipales à la démocratie participative se sont banalisées depuis deux décennies, mais on manque encore d’études systématiques de ce phénomène. À partir d’une description d’ensemble et d’entretiens, l’article analyse ces adjoint·es, afin de restituer leurs caractéristiques sociales et politiques et les logiques de la fonction. Celle-ci s’avère peu valorisée, et ces élu·es oscillent entre spécialisation fonctionnelle et misère positionnelle. Une majorité ne signale pas d’appétence particulière en matière de participation, malgré des dispositions repérables. Nous décrivons quatre types d’élu·es : indifférents, croyants managériaux, croyants militants et opposants, dont l’évolution, d’ensemble et dans les trajectoires, constitue un enjeu de recherche.

  • démocratie participative
  • municipalité
  • élus
  • adjoints
  • typologie

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Rémi Lefebvre
Rémi Lefebvre est professeur de science politique à l’Université de Lille et chercheur au Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS, UMR 8026). Ses travaux portent sur le pouvoir local, les partis et les mobilisations électorales. Il a publié récemment : Municipales : quels enjeux démocratiques ?, La Documentation française, 2020 ; Douillet Anne-Cécile et Lefebvre Rémi, Sociologie politique du pouvoir local, Armand Colin, 2017 ; Rémi Lefebvre, Éric Treille (dir.), Les primaires ouvertes. Un nouveau standard international ?, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, avril 2019. Il est l’auteur des entrées « professionnalisation politique » et « représentativité des partis politiques » du Manuel indocile de sciences sociales, de la Fondation Copernic, chez La Découverte, 2019. Il a également publié, avec Myriam Bachir, « La fabrique des publics de la participation : l’aléatoire et l’obligatoire dans la constitution des conseils citoyens à Amiens et Lille », Participations, 24, 2019.
Julien Talpin
Julien Talpin est chargé de recherche en science politique au CNRS, au sein du Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS, UMR 8026). Ses recherches portent sur l’ethnographie de la participation politique, la démocratie participative, les processus de politisation et le rapport des classes populaires au politique. Il a récemment publié : Bâillonner les quartiers. Comment le pouvoir réprime les mobilisations populaires, Éditions les Étaques, 2020 et Community Organizing. De l’émeute à l’alliance des classes populaires aux États-Unis, Raisons d’agir, 2016. Il a également publié « Le tirage au sort démocratise-t-il la démocratie ? Ou comment la démocratie délibérative a dépolitisé une proposition radicale », Participations, hors-série, 2019, et pris part à la coordination du dossier : « Vive les communes ! Des ronds-points au municipalisme », Mouvements, 101, 2020.
Guillaume Petit
Guillaume Petit est docteur en science politique (Centre européen de sociologie et de science politique, CESSP), chercheur postdoctoral (UC-Louvain, ISPOLE, VU-Brussel, POLI). Il a soutenu sa thèse Pouvoir et vouloir participer en démocratie. Sociologie de l’engagement participatif : la production et la réception des offres institutionnelles de participation à l’échelle municipale, à l’Université Paris 1 en novembre 2017. Il a publié : avec Mario Bilella, William Arhip-Paterson, « Devenir conseiller citoyen. Prise de rôle dans un conseil citoyen parisien », Participations, 24, 2019 ; « Participations ordinaires et extraordinaires. Des appropriations différenciées d’une offre institutionnelle de participation municipale », Participations, 10, 2014.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
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Mis en ligne sur Cairn.info le 04/03/2021
https://doi.org/10.3917/parti.026.0041
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