CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Il faut l’admettre, le référendum est un instrument défectueux (Cohen, Grunberg, Manin, 2016). Peu délibératif, très majoritariste, clivant, souvent instrumentalisé, il suscite régulièrement l’ire des élites. Et pourtant, on peut difficilement s’en passer. Dans des démocraties de masse, il n’existe en effet que deux instruments permettant une participation universelle : l’élection et le référendum. Or, l’élection est également un instrument défectueux : il n’existe aucun moyen de s’assurer que les électeurs votent sur la base de critères pertinents ; les mêmes catégories sociales se reproduisent au pouvoir ; les électeurs sont mal informés ; on distingue difficilement l’autorisation à gouverner de la sanction des gouvernants précédents, etc.

2C’est en grande partie en raison de ces défauts multiples de l’élection et du vote référendaire que le tirage au sort connaît aujourd’hui un net regain de popularité. Il possède en effet un potentiel délibératif indéniable en ce qu’il permet à un échantillon diversifié de citoyens d’échanger la pluralité de leurs perspectives sur des sujets de société, et ce sans engagements électoraux préalables, sans discipline de parti, sans prétention à l’expertise et sans préoccupation d’être réélus (Sintomer, 2012 ; Vandamme, Verret-Hamelin, 2017). De telles expérimentations démocratiques demeurent néanmoins marginales : elles sont généralement isolées, temporaires, brèves, et dépendantes de la volonté des gouvernements élus en ce qui concerne leur impact macropolitique (Goodin, 2008, ch. 2). Qui plus est, dès lors qu’elles prennent place en dehors de la sphère formelle des décisions politiques et que la participation y est limitée à quelques happy few, leurs recommandations manquent assurément de légitimité démocratique (Pourtois, 2013 ; Lafont, 2015). Il en irait sans doute autrement avec une véritable chambre de représentants tirés au sort, intégrée de manière permanente dans le système législatif, mais même une telle révolution démocratique ne tarirait vraisemblablement pas la soif de participation du grand public. L’égale probabilité de participer au pouvoir qu’elle offrirait se distinguerait toujours de la possibilité offerte à tous de se faire entendre qu’offrent le référendum et l’élection (Leydet, 2016). Le vote, l’élection, souvent négligés par les théoriciens de la délibération (Mackie, 2011 ; Pourtois, 2015) sont donc des outils essentiels de participation démocratique de masse.

3Étant donné le bilan plus que mitigé de la démocratie électorale – et en particulier cette déconnexion si souvent diagnostiquée entre représentants et représentés –, il serait absurde de rejeter tout usage du référendum sous prétexte que l’instrument est défectueux. Ce qu’il faut plutôt voir, c’est si certains usages du référendum ne sont pas en mesure de remédier à certaines limites de l’élection, et s’il n’est pas possible d’améliorer l’outil référendaire par rapport aux objections traditionnelles qui lui sont adressées – en particulier sur le plan délibératif.

4C’est l’ambition que se donne cet article. Il commencera par rappeler brièvement les atouts et les limites de l’outil référendaire, avant de mettre en avant un outil novateur et, à ma connaissance, peu ou pas envisagé jusqu’à présent : le vote justifié, qui me paraît susceptible de pallier certaines de ces limites. En promouvant une attitude plus délibérative dans l’isoloir, en véhiculant davantage de complexité dans l’expression citoyenne, en stimulant le débat public antérieur et postérieur au vote et en jetant les bases d’une véritable communauté de justification, le vote justifié ouvre en effet un horizon nouveau pour la participation référendaire. Combiné à un mini-public tiré au sort qui préparerait la question référendaire et les justifications possibles, il offre des perspectives plus intéressantes encore. Les difficultés que générerait une telle pratique seront bien entendu mises en balance avec ses promesses dans la dernière partie de cet article.

Bénéfices et limites du référendum

5On peut être convaincu des avantages généraux de la démocratie représentative sur la démocratie directe pure, et néanmoins reconnaître l’intérêt de certains usages du référendum. Cet instrument permet d’abord d’assouvir une certaine soif de participation à la décision de la part des citoyens. Si beaucoup apprécient sans doute de pouvoir déléguer les tâches politiques les plus importantes à des représentants élus pour consacrer leur temps à d’autres types d’activités, il demeure malgré tout frustrant pour beaucoup de ne se sentir consultés que tous les quatre ou cinq ans. Certes, la participation par le vote n’est pas la seule possible. Les citoyens désireux de s’engager davantage peuvent toujours manifester, militer dans des associations, voire chercher à s’exprimer dans la presse. Mais le vote référendaire demeure le mode d’action le plus direct, celui qui semble offrir le plus de pouvoir décisionnel.

6Par ailleurs, la participation référendaire possède cet intérêt de compenser une potentielle distance excessive entre les aspirations du plus grand nombre et celles des partis au pouvoir. Si l’indépendance relative des représentants se justifie pour une variété de raisons [2], elle doit néanmoins être limitée. En règle générale, les représentants devraient agir en conformité avec les aspirations du plus grand nombre. Cependant, le mécanisme électoral ne permet pas de véhiculer de manière claire ces aspirations. Bien que les électeurs soient censés valider un programme politique, leur vote exprime parfois simplement l’appréciation de traits de caractère d’un candidat ou le rejet d’autres partis (Przeworski, Stokes, Manin, 1999). Et les sondages d’opinion, qui n’exercent une contrainte que très indirecte sur les représentants, ne suffisent pas à compenser l’écart potentiel entre opinion publique et volonté du gouvernement – d’autant plus qu’ils ne constituent que des approximations faillibles de l’opinion publique. En somme, il y a de bonnes raisons d’utiliser le référendum sur des questions dont l’importance est telle qu’il faut craindre un tel écart représentatif.

7En outre, le référendum, quand il découle d’une initiative populaire, permet de mettre à l’agenda politique des questions qui seraient négligées par les représentants. Si le mécanisme électoral incite à ce que les questions qui préoccupent le plus les électeurs soient intégrées dans les programmes des partis, ses imperfections, combinées à l’indépendance relative des représentants, font que des préoccupations importantes de la société civile se trouvent parfois négligées. Le référendum populaire permet alors de renforcer le pouvoir d’initiative des associations, au profit du pluralisme. Contourner le monopole des partis sur l’agenda politique permet de mieux tirer profit de la sagesse du nombre en réduisant les biais affectant souvent le monde politique.

8Enfin, l’usage occasionnel du référendum est de nature à restaurer une certaine confiance de la part des citoyens dans leurs institutions politiques. La méfiance à l’encontre des partis et des élus est aujourd’hui telle qu’une bonne partie de la population est largement démobilisée politiquement. Pourtant, la politique institutionnelle demeure un des principaux vecteurs de changement social. Si nous entretenons l’espoir d’un monde plus juste pour l’avenir, il est donc essentiel que les citoyens puissent à nouveau croire en la politique – croire, en particulier, que ce n’est pas seulement l’affaire des élites. Et le recours au référendum peut y contribuer (même si son usage fréquent a également des effets de démobilisation [3]).

9J’ai cependant concédé en ouverture le fait que le référendum possède aussi de nombreux défauts. Je souhaite ici en examiner quatre, auxquels la pratique du vote justifié (éventuellement combinée avec l’input d’un mini-public) me semble en mesure de remédier, au moins partiellement.

10Une première difficulté est le manque de lisibilité des résultats référendaires. L’outil ne permet en effet pas de véhiculer un message clairement identifiable. Il ne transmet que des signes, parfois trompeurs. Le choix – souvent binaire [4] – rend difficilement compte de la complexité de l’opinion publique. Qui plus est, les référendums sont souvent utilisés soit comme outil plébiscitaire par le gouvernement en place, soit comme moyen de sanction du gouvernement entre deux élections. De ce fait, on ne sait pas toujours si la population a réellement rendu un jugement sur le contenu des questions soumises à examen, ou simplement exprimé son appréciation du travail du gouvernement ou de la classe politique en général. Un exemple est le référendum du 7 juin 2015, au Luxembourg, qui a vu trois propositions du gouvernement massivement rejetées. L’ampleur du rejet des trois propositions (80 % contre le droit de vote à 16 ans ; 78 % contre le droit de vote des résidents étrangers ; 70 % contre la limitation à 10 ans des mandats ministériels) fut telle et a tellement surpris les observateurs qu’elle peut difficilement s’expliquer par la seule opposition au contenu des propositions. Cette difficulté ne se pose cependant que lorsque ce sont les gouvernements qui sont à l’initiative du référendum. D’où l’intérêt qu’il peut y avoir à lier la pratique référendaire à celle de l’initiative citoyenne.

11Un second reproche souvent adressé aux référendums est qu’ils sont vulnérables à des manipulations de l’opinion par des groupes d’intérêts bien organisés. Comme les citoyens sont souvent mal informés sur les enjeux des questions à traiter, il est relativement aisé de les influencer par des mensonges ou de fausses promesses. Que l’on songe, dans le contexte du référendum sur le Brexit (2016), à la promesse mensongère faite par le parti souverainiste britannique UKIP que l’argent épargné grâce à la sortie de l’UE (434 millions d’euros hebdomadaires selon leurs calculs) irait directement renflouer les caisses des services de santé britanniques (Le Soir, 2016). Songeons également aux nouveaux outils de manipulation de l’opinion via les réseaux sociaux : un tiers du trafic Twitter dans les jours qui ont précédé le référendum britannique était le fait de « bots », logiciels abreuvant les médias sociaux de messages politisés donnant l’impression qu’ils sont exprimés par des personnes. Tous étaient favorables à la sortie de l’UE (Cadwalladr, 2017).

12Il ne s’agit pas ici de remettre en question la sagesse du plus grand nombre, mais simplement d’observer certaines limites du modèle référendaire traditionnel. La division du travail politique que permet la représentation va de pair avec une professionnalisation de la politique et avec la difficulté pour le grand public de rester bien informé sur la multitude des sujets traités simultanément au Parlement. Il faut dès lors réfléchir à la manière de préparer les référendums de manière à ce qu’une information de qualité sur les enjeux circule mieux. Quant au risque de détournement par des groupes d’intérêts privés [5], le bilan de la démocratie électorale est tel qu’on ne peut pas considérer cette menace comme un argument comparativement défavorable au référendum [6]. Tout au plus cela permet-il de nuancer les promesses enthousiastes souvent liées aux appels à davantage de démocratie directe, qui négligent parfois cet enjeu important (Cronin, 1989, p. 123-124).

13Un troisième défaut de l’outil référendaire vient du fait que les décisions qu’il génère sont difficilement réversibles (Cohen, Grunberg, Manin, 2016). Si le peuple a parlé, on ne voit pas vraiment de raison de relancer le débat. Au contraire, les majorités parlementaires changent, et les décisions d’hier peuvent être remises en question en fonction d’un nouveau projet politique porté au pouvoir. Or, la réversibilité d’une décision est ce qui permet de corriger les erreurs passées. « Une décision qui a priori paraissait bonne, quelque critère que l’on utilise (sa conformité à l’intérêt général, sa justice ou son efficacité) peut, à l’expérience, s’avérer mauvaise » (Cohen, Grunberg, Manin, 2016). Le référendum réduit cette possibilité d’apprendre de l’expérience, de procéder par essais, erreurs et corrections. En outre, comme l’expliquent également Cohen, Grunberg et Manin, ce caractère peu réversible a pour effet de frustrer davantage les perdants, qui voient moins d’espoir de finir par avoir gain de cause que dans un système représentatif où les majorités varient.

14Enfin, quatrième défaut : la logique très majoritaire du référendum. Un référendum est moins délibératif que les procédures traditionnelles de décision, étant donné la difficulté d’organiser un débat public de qualité qui soit suivi avec attention par l’ensemble des votants. Le secret du vote renforce également ce caractère peu délibératif : une majorité difficilement identifiable tranche, sans fournir davantage de justifications que le poids du nombre. Comme le souligne en outre Yannis Papadopoulos (1998, p. 135), la participation par référendum « ne prévoit en soi aucune procédure de conciliation des points de vue, pourtant nécessaire dans les sociétés contemporaines aux intérêts fragmentés ». L’outil possède de ce fait un effet clivant, susceptible de renforcer les fractures sociales. Par ailleurs, il est potentiellement hostile aux droits ou aux intérêts des minorités, en défaveur desquelles la procédure peut être d’avance biaisée. À titre d’illustration, aux États-Unis, entre 1959 et 1993, moins d’un tiers des propositions soumises à référendum ont été approuvées, mais plus de trois quarts l’ont été quand il s’agissait de propositions restreignant les droits de minorités (Papadopoulos, 1998, p. 185) [7]. Certes, la logique majoritaire habite également l’élection. Cependant, le principe de publicité auquel sont soumis les représentants incite à prendre en compte les intérêts et aspirations de tous, ou au moins à le feindre (Goodin, 1992 ; Elster, 1994), ce qui atténue quelque peu la logique majoritariste.

Vote secret et délibérations

15Ces deux derniers points mettent en lumière un problème qui n’est pas propre à l’outil référendaire, mais dans le cadre duquel il convient d’examiner l’opportunité de son usage. Ce problème concerne plus généralement l’articulation entre votes et délibérations, secret et publicité, particulièrement problématique dans le cas référendaire comme je viens de le souligner. Alors qu’on souhaite que les citoyens discutent collectivement, échangent points de vue et perspectives, considèrent avec impartialité tous les intérêts en jeu – ce à quoi sont censées inciter les délibérations publiques –, il leur est demandé de poser l’acte décisif du vote dans la solitude et le secret. N’y a-t-il pas une contradiction à vouloir que chacun puisse être influencé, dans la formation de ses opinions, par autrui, mais que personne ne puisse être influencé au moment de voter ? Ne défait-on pas ainsi ce à quoi l’on voudrait inciter : l’influence mutuelle, le décentrement, la discussion ?

16Conscients de cette tension, des penseurs tels que Montesquieu, John Stuart Mill, Tocqueville et Durkheim se sont montrés très sceptiques à l’égard du vote secret. Dans toute élection politique, disait Mill, « il y a pour l’électeur une obligation morale absolue de prendre en considération l’intérêt public, non son avantage personnel, et de voter selon son meilleur jugement, exactement comme s’il était l’unique électeur et que l’issue de l’élection dépendait de lui seul » (Mill, 2009 [1861], p. 179-180). En conséquence de quoi, continuait-il, « le devoir de voter, à l’instar de tout autre devoir public, [devrait] être accompli sous l’œil critique du public ; chacun ayant non seulement un intérêt à ce qu’il soit accompli, mais aussi toute légitimité à considérer avoir subi un préjudice s’il n’est pas accompli honnêtement et soigneusement » (Mill, 2009 [1861], p. 180).

17Bon nombre de personnes s’accordent aujourd’hui à considérer que l’exercice d’un pouvoir (politique au moins) s’accompagne en effet d’un devoir moral de justification. La légitimité de décisions politiques vient en partie de ce qu’elles peuvent être justifiées devant l’ensemble des personnes affectées (ou au moins sujettes au respect de ces décisions) (Rawls, 1993 ; Dworkin, 2000 ; Forst, 2012). C’est l’importance de ce processus d’échange de justifications qui fait la valeur des délibérations publiques. De ce point de vue, on ne peut que regretter la substitution brutale de la « force non coercitive de l’argument meilleur » (Habermas, 1997), caractérisant l’idéal délibératif, par la cruelle loi du plus grand nombre sanctionnant un rapport de force électoral. Pratiquement plus personne n’accepte le simple argument de majorité comme suffisant. S’imposer dans les urnes ne dispense pas de devoirs à l’égard des minorités ; celles-ci préservent leur droit à la justification (Forst, 2012). Or, la pratique du vote en secret renforce cette interruption brutale du processus délibératif. Elle semble délier les citoyens de tous leurs devoirs à l’égard d’autrui. Comme le suggère Mill, l’esprit de cette institution, l’idée qu’elle véhicule est que le droit de vote peut être utilisé à toutes fins jugées utiles par le citoyen, qu’elles soient autocentrées ou altruistes, et que nul n’est tenu de justifier cet acte qui constitue pourtant l’exercice d’un pouvoir politique sur autrui (Mill, 2009 [1861], p. 177).

18Plus récemment, certains chercheurs ont cherché à raviver ce vieux débat (Brennan, Pettit, 1990 ; Beerbohm, 2012 ; Engelen, Nys, 2013). Observant que la publicité incite à l’impartialité, à la prise en égale considération des intérêts de tous, à la construction d’un jugement défendable devant autrui, ils ont renouvelé les critiques à l’encontre du bulletin secret, appelant de leurs vœux des mécanismes incitant le développement d’une attitude plus orientée vers l’intérêt public [8].

19Pourtant, personne n’ose aujourd’hui réclamer l’abolition pure et simple du vote secret, et ceci pour des raisons de prudence. D’abord, la publicité du vote permet une corruption plus aisée, puisqu’on peut acheter un vote et vérifier si la personne a voté comme il fallait. Ensuite, elle permet l’intimidation, au détriment à nouveau des personnes les plus vulnérables. Après tout, Cicéron et Montesquieu défendaient le vote public à leurs époques respectives comme un moyen de s’assurer que les citoyens ordinaires seraient guidés dans leurs choix par les élites influentes (Elster, 2015). On observe d’ailleurs aujourd’hui que la confiance dans le secret du vote a un impact sur le conformisme des électeurs. Aux États-Unis, où 25 % des gens semblent douter de la protection du secret de leur vote, il a été constaté que ce doute poussait à voter en conformité avec les attentes de l’entourage (Gerber et al., 2012). Sur ce point, on est loin du potentiel émancipateur du vote public. Par ailleurs, voter en public n’inciterait probablement pas à participer aux élections (Lever, 2007 ; Engelen, Nys, 2013), alors qu’on observe déjà des taux de participation très faibles, en particulier de la part de publics désavantagés. On peut en effet s’attendre à ce que les citoyens rechignent à se rendre aux bureaux de vote s’ils savent qu’on va en outre leur demander de justifier leur vote devant tout le monde – ou même devant certaines personnes qu’ils connaissent ou ne connaissent pas. Il existe d’ailleurs une certaine corrélation historique entre l’extension du suffrage et la réintroduction du bulletin secret, ainsi que des indications de ce que le scrutin secret a, dans un premier temps, augmenté les taux de participation aux élections (Buchstein, 2015) [9]. Enfin, outre la domination sociale, le scrutin secret protège également contre la domination politique – l’intimidation de l’opposition par le parti au pouvoir. Semble en témoigner le fait que les partis au pouvoir aient remporté 92 % des élections à scrutin public pour lesquelles nous disposons de données, pour 76 % des élections à scrutin secret (Przeworski, 2015, p. 104).

20Le vote public apparaît donc comme une mauvaise idée dans un monde où il y a de bonnes raisons de craindre l’intimidation de certains citoyens – généralement ceux dont la voix, déjà négligée, compte le plus d’un point de vue moral. Il faut donc tâcher d’encourager l’influence mutuelle par d’autres moyens, moins vulnérables à la domination. Considérer ainsi le secret du vote comme un pis-aller a le mérite de créer une insatisfaction incitant à se mettre à la recherche d’innovations permettant de combiner les avantages respectifs de la publicité et du secret. La publicité pousse à l’impartialité en forçant les personnes à justifier leurs choix par des raisons acceptables par tous, quitte à se montrer hypocrites (Elster, 1986, 1994 ; Goodin, 1992), et en les contraignant de la sorte à ne poser que des actes qu’elles pourraient justifier face à un interpellateur. Elle oblige en outre les citoyens à se décentrer, à prendre en considération les intérêts et attentes légitimes d’autrui. Le secret, quant à lui, permet aux personnes vulnérables de défendre leurs intérêts légitimes sans crainte de représailles ou d’interférences illégitimes. Il offre aussi plus de liberté à l’opposition. C’est la combinaison de certains de ces avantages que vise le vote justifié. Ce faisant, il rencontre une préoccupation qu’exprimait bien Claus Offe à l’égard des appels à la participation démocratique : « Il devient la plupart du temps inadéquat d’en appeler à une plus large participation : il faut plutôt miser sur un processus de formation plus affiné, plus délibératif et plus réflexif des motivations et des revendications qui composent le processus de participation de masse déjà existant » (Offe, 1997, p. 228). « Une telle réflexivité, continuait-il, pourrait être facilitée par des dispositifs qui remédient à la solitude monologique du vote dans l’isoloir (sans doute nécessaire) en la complétant par des formes plus dialogiques de participation » (p. 230). Dès lors, me semble-t-il, si l’on parvient à concevoir des formes plus dialogiques de participation, il redevient pertinent d’appeler à davantage de participation.

Le vote justifié

21Le vote justifié consiste en un bulletin sur lequel sont proposées plusieurs justifications publiques possibles pour le choix qui est à effectuer – qu’il s’agisse du choix d’un candidat dans une élection ou d’une option dans un référendum (ou dans un vote parlementaire) (voir figure 1). Suite au vote, le secret est préservé, mais les statistiques des justifications sélectionnées sont dévoilées au public en même temps que les résultats. L’idée est de stimuler les délibérations et le processus d’échange de justifications tout en évitant les risques de corruption et d’intimidation affectant le vote public. C’est dans cette perspective qu’il est utile de séparer les idées et justifications des personnes. Ces dernières s’exprimeront ainsi plus librement, tant dans l’isoloir que dans les débats subséquents.

Figure 1

Exemple de bulletin référendaire justifié

Figure 1

Exemple de bulletin référendaire justifié

22Bien entendu, une telle dissociation a également un coût, puisqu’elle permet l’hypocrisie – on peut sélectionner des justifications qui n’ont en rien motivé notre choix, ou prétendre qu’on a voté pour une option alors qu’on a choisi l’autre. Toutefois, cela permet aussi de libérer les discussions des arguments ad hominem. Par ailleurs, Jon Elster a bien montré comment l’obligation de justifier ses positions par des arguments publiquement recevables, même si cela peut générer de l’hypocrisie, pouvait avoir une « force civilisatrice » (Elster, 1986, 1994, 2013). En effet, cette obligation de se justifier produit une dissonance cognitive chez l’hypocrite, qui peut parfois le pousser à finir par croire ce qu’il dit plutôt que d’admettre son égoïsme intérieur. Par ailleurs, elle permet de débarrasser les débats publics d’arguments autocentrés, ce qui rend les positions des hypocrites plus vulnérables, puisqu’ils peuvent être contestés sur le terrain de la raison publique. Les néolibéraux qui justifient les baisses d’impôts par des retombées économiques favorables aux plus démunis sont peut-être hypocrites, mais au moins l’hypocrisie les oblige à s’aventurer sur le terrain des arguments publics et impartiaux, où ils pourront être malmenés si l’on parvient à montrer que l’effet net sur les plus démunis est en réalité négatif.

23Il reste néanmoins vrai que les justifications plébiscitées n’offriront pas une indication certaine des véritables raisons ou motivations qui auront déterminé les choix des votants. Ce qu’elles permettront, c’est un aperçu de la manière dont ceux qui ont voté justifieraient publiquement leurs décisions.

24Le premier atout d’une telle pratique de vote justifié pourrait être son effet sur l’attitude des citoyens face à l’urne. Même si rien ne les empêcherait de se décider en faveur d’une option sur la base d’une intuition, puis de raisonner a posteriori pour choisir une justification, la demande de justifier leur choix les inciterait en effet à s’emparer du langage de la raison publique, à situer leurs inclinations politiques dans ce cadre délibératif, et à considérer avec impartialité l’ensemble des intérêts affectés, dès lors que seuls des arguments d’apparence impartiale trouveraient vraisemblablement leur place sur les listes de justifications [10]. Par ailleurs, un tel mécanisme inciterait aussi à voter pour des raisons pertinentes par rapport à l’enjeu, ce que rien ne garantit en l’état actuel des choses. Il s’agirait, selon la formule de Robert Goodin, d’un « aimable rappel de rôle » (Goodin, 2004, p. 111) – rappelez-vous comment vous êtes supposés vous comporter en tant que citoyens – qui pourrait « encourager les agents démocratiques à internaliser un ensemble de raisons plus susceptibles de justice qu’ils ne le feraient autrement, et à les soupeser d’une manière plus appropriée qu’ils ne le feraient autrement » (p. 109) [11]. Ce mécanisme encouragerait donc la « délibération intérieure » (Goodin, 2003), complément nécessaire des délibérations réelles. Et ce gain de réflexivité serait de toute façon bénéfique. En effet, même si la plupart des votants opèrent par rationalisation a posteriori, il est possible que la considération des justifications possibles de leur choix non délibéré en amène certains à revenir en arrière et changer d’avis, c’est-à-dire délibérer intérieurement, ce qui serait un bénéfice considérable du dispositif.

25Au niveau collectif, une telle pratique devrait permettre, si ce n’est de stimuler la délibération publique, au moins de mieux articuler le moment délibératif et le moment du vote. Les justifications possibles feraient l’objet de discussions publiques avant le vote, en vue d’évaluer leur validité respective et de composer la liste définitive [12]. Après le vote, la divulgation des justifications retenues ne manquerait pas de relancer le débat sur la validité de celles-ci, recentrant l’attention sur ce qui apparaîtra alors être au cœur des préoccupations des citoyens. Le vote ne serait donc plus cette sanction par le nombre venant interrompre brusquement le processus délibératif – la « décision comme arrêt de la délibération » (Urfalino, 2010). Il constituerait désormais un moment d’un processus délibératif continu, marquant la nécessité de décisions temporaires, d’interruptions temporaires de la délibération pour permettre l’action. Mais si une décision est justifiée, sa force de contrainte normative ne vaut que tant que la justification est largement acceptée. Or, le vote justifié incite à la poursuite des débats : la décision a été prise, certes, mais l’a-t-elle été pour de bonnes raisons ?

26Les justifications accompagnant les résultats du vote pourraient de ce point de vue permettre également un type de délibération d’ordre « reconstructif » (Ferry, 2009), facilitant la compréhension collective et l’évaluation critique rétrospective de la décision prise par la communauté. Cette possibilité d’un processus continu d’échange de raisons et de justifications est importante dans l’optique de réduire la tension entre les interactions délibératives lentes qui précèdent toute décision et l’interruption brutale du débat public provoquée par la décision majoritaire. En quelque sorte, le vote justifié rendrait la démocratie moins « majoritariste », plus consensualiste – ce que regretteront peut-être ceux qui valorisent l’affrontement politique en lui-même (Mouffe, 2000), mais qui apparaît désirable du point de vue de ceux qui croient à la connexion entre démocratie et justice sociale.

27Pour illustrer cette dimension reconstructive, imaginons qu’une communauté politique convoque un référendum sur une décision cruciale, divisant profondément le peuple. Une décision collective justifiée serait plus facilement réévaluée quelques années plus tard si le débat est relancé, ou en vue de relancer le débat. Les générations suivantes seraient en mesure de mieux comprendre la décision prise alors et de questionner, dans des circonstances potentiellement nouvelles, la validité des justifications avancées à l’époque. Cela contribuerait ainsi à faire de la démocratie une véritable quête intergénérationnelle et continue de la justice sociale (Habermas, 2001 ; Rummens, 2007). Qui plus est, cela permettrait de remédier à un des défauts du référendum mentionné plus haut : le fait qu’il tend à diminuer l’acceptabilité de la réversibilité d’une décision [13]. On ne dirait plus « le peuple a parlé », mais « le peuple a pris telle décision pour telle et telle raison », ce qui n’empêche nullement de reconsidérer les raisons. Certains craindront que cela affaiblisse la légitimité du verdict référendaire, en exposant la faiblesse de ses justifications, voire ses incohérences. Mais d’un point de vue délibératif, la fermeté des décisions n’a pas de valeur en soi. Au contraire, la possibilité pour un groupe de changer d’avis est précieuse.

28Dans le cas de référendums, on pourrait en outre imaginer que les justifications le plus souvent sélectionnées influencent le gouvernement dans la mise en œuvre de la politique concernée (si elle est acceptée) ou dans le remodelage de la proposition (si elle est rejetée). Imaginons qu’une communauté politique accepte l’instauration d’un revenu de base inconditionnel, mais tout en montrant une importante préoccupation par rapport à de potentiels effets négatifs sur la condition des femmes (une « subvention aux femmes au foyer », par exemple). Le gouvernement pourrait en prendre acte et chercher à y remédier par des politiques de promotion d’un partage équitable des rôles au sein des foyers, de manière à prendre au sérieux les préoccupations émises par le camp des « perdants ». Imaginons encore que l’instauration d’un revenu de base soit rejetée, mais que le vote justifié fasse apparaître une préoccupation importante pour les travailleurs non rémunérés et les chômeurs involontaires. Dans un tel cas de figure, le gouvernement pourrait décider d’élargir le cercle des activités comptant comme du travail ou adoucir ses politiques d’activation des personnes sans emploi. Dans ces deux cas, le mécanisme permettrait une approche moins majoritariste de la démocratie, une approche qui favoriserait davantage la prise en compte des vues exprimées par l’opposition. Par ailleurs, si un gouvernement s’avère favorable à une politique qu’il voit cependant rejetée par la majorité des citoyens, il pourrait faire bon usage des informations sur les justifications du rejet au moment de remodeler, plus tard, le projet de politique pour le soumettre à nouveau à référendum. Si, par exemple, l’idée d’un revenu de base est rejetée principalement parce que les gens sont inquiets de son financement (et pas spécialement en raison d’objections éthiques), le gouvernement pourrait se rabattre sur une proposition plus modeste, telle qu’une pension de base visant à combattre la précarité chez les personnes âgées. Toutes ces possibilités inciteraient d’ailleurs les citoyens à prendre l’exercice de justification au sérieux et à sélectionner la justification qui leur paraît véritablement la plus importante.

29En quoi une telle pratique diffère-t-elle fondamentalement d’un sondage ? Outre le fait que la plupart des sondages demandent davantage des opinions que des justifications, le vote justifié diffère en ceci qu’il systématise la justification et en impose le devoir à tous (même s’il reste possible d’y échapper). Dès lors, bien qu’un sondage parmi un échantillon représentatif de citoyens puisse fournir les mêmes statistiques sur les justifications préférées par la population, il ne véhicule pas du tout le discours selon lequel il est naturel et désirable que toute prise de décision soit accompagnée d’une justification publique (bien qu’anonyme). L’apport fondamental du vote justifié par rapport aux sondages est d’inciter les citoyens à voter d’une manière qui soit publiquement justifiable, ou du moins à voter sur la base de jugements mieux pesés. Ce n’est que si la demande de justification s’applique à l’ensemble des citoyens qu’elle peut avoir cet effet de rappel de rôle évoqué précédemment. En outre, la justification du vote permet d’enrichir son message : elle donne un aperçu de la diversité des raisonnements en présence, des ordres de priorité entre les différentes justifications possibles d’une décision majoritaire, ainsi que des principaux motifs d’opposition. Il est rare que des sondages post-électoraux offrent un tel aperçu d’ensemble.

Vote justifié et mini-publics délibératifs

30La méthode du vote justifié peut être utilisée dans une grande variété de contextes – référendums, élections, votes parlementaires, décisions internes à une entreprise ou association (Vandamme, 2017). Dans le cadre du présent dossier, je souhaiterais mettre l’accent sur l’usage référendaire du vote justifié. Comme le suggère le titre de cet article, j’y vois en effet un outil de nature à enrichir la participation démocratique à grande échelle en rendant les référendums plus délibératifs.

31Par rapport aux multiples reproches adressés à l’outil référendaire, l’usage du vote justifié offre des perspectives très intéressantes [14]. Il permet notamment de réduire l’opacité du résultat, caractéristique du référendum. Il permet aussi de réduire l’effet polarisant du vote référendaire en faisant prendre conscience aux citoyens de la diversité des points de vue raisonnables possibles. Par ailleurs, nous l’avons vu, il rend plus acceptable la réversibilité des décisions. En outre, il oblige à un moment plus délibératif dans la formulation de la question, puisqu’elle doit être pensée dans l’articulation avec ses diverses justifications possibles.

32De ce point de vue délibératif, un usage du vote justifié me paraît particulièrement prometteur : celui qui l’articule avec un mini-public tiré au sort. En effet, si la sphère publique est déjà habitée de délibérations « anarchiques », selon la formule d’Habermas (1997), il est important, lorsque des décisions collectives doivent être prises, que les débats soient en quelque sorte recentrés sur un ensemble restreint de questions. C’est dans cette perspective que les mini-publics tirés au sort sont parfois utilisés – pour réfléchir à une réforme constitutionnelle, une réforme électorale ou un ensemble de politiques publiques. Une telle démarche, tout informative qu’elle puisse être, possède ceci de décevant que ce sont principalement les participants aux mini-publics qui en tirent profit, intellectuellement, mais pas nécessairement le grand public. Par ailleurs, puisque ces petites assemblées délibératives manquent de légitimité démocratique [15], si on leur confère une véritable mission politique, il est nécessaire de soumettre leurs recommandations à un référendum. De cette manière, on s’assure qu’il n’y a pas un décalage d’opinion trop important entre mini et grand public. Mais de ce fait, il peut arriver que les participants à un mini-public consacrent beaucoup de temps et d’énergie à la discussion et à l’examen critique de projets de politiques dans des conditions d’authentique délibération orientée vers l’entente, et qu’ils voient ensuite leurs recommandations rejetées par une majorité moins informée, dans l’anonymat généralisé, sans plus d’explication ou de justification (Fournier et al., 2011, p. 153-154 ; Talpin, 2016).

33Le fait que des recommandations de mini-publics ne soient pas suivies ne constitue pas en soi un problème. Cela prouve que le grand public garde un pouvoir de contrôle et de décision ultime par rapport à une institution qui n’a généralement pour mandat que d’éclaircir les enjeux d’un débat [16]. Cela peut aussi parfois compenser des effets de polarisation qui menacent les délibérations dans des groupes insuffisamment diversifiés (Sunstein, 2000), ou ayant été exposés à des avis experts insuffisamment diversifiés (deux pièges que veillent toutefois à éviter les mini-publics). Un problème se pose cependant : encore une fois, il réside dans l’articulation du moment délibératif et du moment décisionnel, dans le fait que le passage de l’un à l’autre interrompt brusquement le processus délibératif et son exigence de justification. Il réside en outre dans le caractère très peu délibératif du référendum secret, où se perdent la plupart des avantages gagnés dans les mini-publics.

34Le vote justifié pourrait alléger cette tension. Les mini-publics pourraient à la fois livrer une synthèse argumentée de leurs débats au grand public (Gastil, 2000, ch. 7), comme cela se fait aujourd’hui dans l’Oregon (Gastil, Richards, 2013), et préparer, sur la base de leurs travaux, la liste des justifications qui seraient proposées lors du référendum. En pratiquant également en leur sein le vote justifié, les mini-publics pallieraient aussi la tension, dans leur propre fonctionnement, entre le moment délibératif et le moment décisionnel. De cette pratique émergeraient en outre les justifications principales liées à chaque décision.

35Entre la fin des travaux du mini-public et le référendum, le débat public serait centré sur la validité des différentes justifications ayant émergé des recommandations du mini-public, avec l’espoir de nourrir le jugement du grand public. À la suite du référendum, le débat reconstructif pourrait avoir lieu, permettant éventuellement de mettre en lumière les raisons de la divergence entre les recommandations du mini-public et la décision du plus grand nombre. En somme, le vote justifié, articulé avec un mini-public, pourrait contribuer à rendre la participation référendaire plus délibérative de deux points de vue. D’une part, via la promotion d’une attitude plus délibérative de la part du citoyen appelé aux urnes. D’autre part, via l’articulation discursive entre mini-public et grand public. De ce point de vue, les médias auraient un rôle déterminant à jouer, puisque l’influence des recommandations d’un mini-public dépend généralement de sa couverture médiatique. Il n’est pas suffisant d’envoyer un prospectus à tous les électeurs contenant ces recommandations. Pour qu’elles soient sérieusement prises en considération par un maximum de personnes, il est préférable que les électeurs soient au courant du processus délibératif et curieux d’en découvrir les recommandations.

36Notons également que si une telle participation délibérative de masse serait renforcée par l’usage de référendums justifiés, elle pourrait l’être également par la généralisation de consultations populaires justifiées qui pourraient demeurer non contraignantes pour les pouvoirs publics (au contraire du référendum). Par ailleurs, dans les pays ne pratiquant pas le référendum, ou si cette pratique est jugée indésirable pour d’autres raisons non étudiées ici, c’est l’élection même qui pourrait devenir plus délibérative à travers de telles pratiques. En complément du travail de John Gastil, qui propose que les élections soient systématiquement préparées par des assemblées citoyennes tirées au sort (Gastil, 2000, ch. 7), la pratique de la justification systématique des choix électoraux pourrait contribuer elle aussi à l’émergence d’élections plus délibératives. L’usage électoral du vote justifié amène cependant vers des considérations d’un tout autre ordre, que je n’ai pas la place d’examiner ici et qui déborderaient de toute façon du thème de ce dossier.

Difficultés et objections possibles

37Avant de conclure, je souhaiterais anticiper quelque peu sur les critiques qui ne manqueront pas d’être adressées à une telle proposition. J’aborderai donc, dans cette section, les difficultés pratiques qui s’annoncent, puis les objections fondamentales qui peuvent être formulées à l’encontre d’une telle pratique. Aucune de ces objections ne me paraît fatale pour la modeste proposition d’expérimenter un outil qui ne coûte pas beaucoup plus qu’un peu de temps de préparation et d’usage. C’est dans la pratique qu’il devra surtout être évalué.

38La première difficulté à laquelle on peut s’attendre est bien entendu la rédaction de la liste des justifications proposées. Une liste exhaustive est inimaginable, non seulement parce que les motivations d’un vote peuvent être déclinées de centaines de manières différentes, mais surtout parce qu’elle rendrait l’outil inutilisable, beaucoup trop lourd. Tout le défi sera alors de rédiger une liste dans laquelle un maximum de personnes puisse se retrouver, mais qui ne décourage pas non plus la lecture du fait de sa longueur. Les délibérations préalables à sa rédaction seront donc cruciales en ce qu’elles devront faire émerger les motivations principales des différentes options possibles. Il importera aussi, afin d’éviter la trivialité, que les justifications proposées n’atteignent pas un tel niveau de généralité qu’elles perdent tout leur caractère informatif. « Parce que ce serait injuste » constitue un exemple de justification dénuée d’intérêt. Envers qui la proposition examinée serait-elle injuste ? Et à moins qu’on ne puisse deviner la raison : en quoi serait-ce injuste ? Les justifications ne doivent évidemment pas être des argumentations complètes, mais simplement des indicateurs d’opinion plus précis que ce que permettent d’exprimer les bulletins de vote actuels.

39Comme en ce qui concerne l’organisation de référendums ou de mini-publics, ceux qui auraient la responsabilité de déterminer la question éventuelle et les justifications se trouveront dans une position permettant la manipulation. Il sera donc irrémédiablement possible pour l’instance en charge de la rédaction de la liste de tenter de biaiser la décision ou les justifications en les orientant dans un sens jugé désirable. La formulation des justifications possibles aura certainement un effet important sur la manière dont ceux qui votent percevront la question et ses enjeux, comme c’est le cas aujourd’hui avec les sondages. Et même l’ordre des justifications proposées pourrait influencer le jugement du citoyen. Le vote justifié pourrait donc potentiellement ouvrir un espace de manipulation de l’opinion, au moins sous la forme discrète de nudges, ces mécanismes qui permettent de discrètement pousser à agir dans un sens plutôt que dans un autre (voir Thaler, Sunstein, 2012) [17]. C’est un risque qu’on ne peut nier, ni sans doute éliminer entièrement. Le prendre au sérieux incite à considérer avec davantage d’attention le design institutionnel. De ce point de vue, confier la rédaction de la liste à une assemblée délibérative telle qu’un mini-public, qui aurait auparavant auditionné des experts et des représentants de la société civile, paraît particulièrement indiqué, étant donné les plus grands espoirs d’impartialité qu’on peut nourrir à l’égard d’un tel corps.

40Une autre crainte que l’on peut nourrir à l’égard du vote justifié est qu’il incite au conformisme davantage qu’à la délibération. Si ce ne sont que quelques justifications considérées comme recevables qui sont disponibles sur le bulletin de vote, sera-t-il encore possible d’exprimer des opinions non conformistes ? Assurément. Sans doute pas sur le bulletin lui-même, mais certainement dans les débats entourant le vote. Si les électeurs ne se retrouvent pas dans les justifications proposées, il devrait leur être permis de choisir l’option « autre raison » (voir figure 1) ou son équivalent, ceci ouvrant la possibilité de blâmer l’institution en charge de préparer la liste dans le cas où cette dernière option serait massivement cochée.

41Ne faudrait-il pas plutôt, diront certains, permettre aux électeurs de rédiger leur propre justification (au moins dans le cas où ils ne se retrouvent pas dans celles qui sont proposées) ? Je vois deux raisons de résister à une telle tentation. D’abord, le coût administratif d’une collecte et synthèse de justifications personnalisées. Ensuite, l’incitation que cela fournirait à y aller de sa petite touche personnelle, au détriment de la lisibilité générale des positions en présence. N’oublions pas qu’une des visées du vote justifié est de recentrer le débat public anarchique sur de grandes justifications, antagonistes mais largement partagées. Certes, il ne sera pas possible de faire droit à toute la complexité des jugements individuels, mais il n’y aurait de toute façon, de ce point de vue, aucune régression par rapport aux pratiques existantes, qui étouffent complètement cette complexité.

42Certains pourraient néanmoins craindre une forme de nivellement par le bas des délibérations publiques si les débats sont ramenés à des justifications lapidaires contribuant peut-être à une « twitterisation » de la politique [18] déjà observable aujourd’hui. Il me semble néanmoins que cette objection se méprend sur le rôle des bulletins justifiés. Leur mission ne consiste pas à limiter les échanges de justifications à une simple phrase lapidaire. Les justifications sélectionnées ont au contraire pour fonction de relancer le débat et d’inviter à la discussion. Les opposants ne se satisferont jamais d’une justification lapidaire. Ils demanderont toujours davantage d’explications, et à juste titre. La seule ambition du mécanisme est de rendre systématique l’ajout de justifications à la prise de décision et suspecte toute décision non justifiée. Ce faisant, il pourrait contribuer à la création d’une véritable « communauté de justification » (Cohen, 2008, p. 43-45), à savoir une communauté démocratique ayant pour ambition de s’autogouverner par des normes qui puissent être justifiées devant toutes et tous, et dont les membres se sentent redevables de justifications quand ils prennent des décisions affectant les autres.

43Cela se ferait-il néanmoins au prix de l’autonomie de jugement ? Certains pourraient juger particulièrement intrusif d’ainsi « cadrer » la réflexion des citoyens, de leur demander d’abandonner leurs raisonnements singuliers pour adopter un raisonnement générique. Il s’agit là d’une objection particulièrement puissante. Mon point de vue est cependant qu’il y a davantage à gagner qu’à perdre en incitant les citoyens à raisonner dans les mêmes termes. En effet, les raisonnements singuliers des votants peuvent n’être absolument pas pertinents par rapport à l’enjeu. Ils pourraient succomber au raisonnement plébiscitaire, opter pour des raccourcis partisans, ne considérer que leurs propres intérêts. Or, un des mérites du cadrage des justifications est de recentrer l’attention sur des considérations jugées (par un corps relativement impartial) pertinentes par rapport à l’enjeu et publiquement recevables, sans pour autant supprimer la liberté de raisonner de manière différente. C’est donc une réduction d’autonomie qui me paraît publiquement justifiable et même désirable.

44Une autre crainte concerne un possible écart entre le type de justifications qui devraient idéalement être sélectionnées et celles qui seront effectivement sélectionnées. D’un point de vue normatif, nous devrions certainement préférer des justifications publiques, c’est-à-dire des justifications susceptibles d’être acceptées par l’ensemble des citoyens, quelle que soit leur religion ou leur conception particulière de la vie bonne (Rawls, 1993). Ceci n’implique pas que les discours religieux ou perfectionnistes n’ont aucun rôle à jouer dans les débats publics. Mais le raisonnement est le suivant : s’il faut concentrer les débats sur un nombre limité de justifications possibles, et si le but est d’encourager un débat public inclusif, les justifications publiques offrent des perspectives plus intéressantes, puisqu’elles se basent sur ce qui est susceptible d’accord de la part des citoyens (même s’ils ne parviendront vraisemblablement pas à un consensus) plutôt que sur ce qui les divise. L’objectif du vote justifié est donc de s’appuyer sur des raisons qui soient « partageables » (Forst, 2012, p. 21).

45Dans les faits, bien entendu, c’est une question ouverte de savoir quels types de justifications seront effectivement sélectionnés. Dans des contextes suffisamment pluralistes et respectueux de la diversité des convictions, il y aura un incitant naturel à sélectionner des justifications publiques puisqu’elles seront aussi les plus susceptibles d’obtenir l’assentiment du plus grand nombre. Par contre, dans des contextes où la religion est plus politisée et où une religion est majoritaire – ce qui peut coïncider avec un contexte de pluralisme, comme aux États-Unis –, des justifications d’ordre religieux pourraient obtenir un soutien important, au détriment de l’objectif de création d’une véritable communauté de justification. Une source d’espoir vient néanmoins du fait que l’instrument du vote justifié a plus de chances d’être adopté dans des communautés politiques qui sont déjà suffisamment soucieuses de justifiabilité mutuelle – et donc plus susceptibles de privilégier les justifications publiques.

46Avec le vote justifié, s’affrontent cependant deux conceptions distinctes de la raison publique. L’une insiste sur la mise en avant d’arguments acceptables par tous. L’autre, plus minimaliste, miserait sur les bénéfices d’« accords non complètement théorisés » (Sunstein, 1995) ou de recoupements partiels et spontanés entre visions du monde antagonistes. Le risque du vote justifié, de ce point de vue, c’est que des consensus apparents (Urfalino, 2007) s’écroulent du fait de la clarification des motifs réels de chacun. C’est un risque qu’on ne peut pas nier. Mais on ne peut pas non plus miser uniquement sur ce type de recoupements spontanés. Si on suivait cette logique jusqu’au bout, il faudrait éviter les délibérations inclusives ou réduire les débats publics. Il me semble donc que les vertus des accords non complètement théorisés sont surtout stratégiques et intéressantes dans le contexte de la construction de coalitions politiques, mais qu’elles ne doivent pas nous faire renoncer, au niveau du débat sociétal, à l’idéal délibératif.

Conclusion

47J’ai commencé par souligner l’intérêt que peut revêtir l’outil référendaire dans un régime représentatif. Le référendum permet d’assouvir une certaine soif de participation, de réduire l’écart d’opinion entre représentants et représentés, d’atténuer le monopole des partis sur l’agenda politique et, potentiellement, de renforcer la confiance des citoyens dans leurs institutions politiques. J’ai ensuite discuté quatre problèmes que génère l’outil référendaire : son manque fréquent de lisibilité, sa vulnérabilité à la manipulation, son caractère peu réversible et peu délibératif. J’ai approfondi ce dernier point à travers une discussion critique du secret du vote, qui n’encourage pas les citoyens à adopter une démarche délibérative. Après avoir mentionné les problèmes que poserait un retour au vote public, j’ai ensuite présenté la pratique du vote justifié, qui consiste à accompagner les votes de justifications publiques sélectionnées parmi une liste. Une telle pratique me semble de nature à soulager quelque peu la tension entre vote référendaire et délibérations, en encourageant une attitude plus délibérative face à l’urne et des débats publics en amont et en aval du vote. J’ai ensuite mis en évidence une alliance potentiellement fertile avec les mini-publics délibératifs, qui pourraient être chargés de préparer les justifications possibles et contribuer, par leurs travaux, à la meilleure information du grand public au moment du vote. Enfin, j’ai examiné quelques défis qui se poseraient à une telle pratique et discuté certaines objections possibles. La vocation principale de cette contribution consiste à ouvrir un champ de recherche et à encourager l’expérimentation pratique, dans l’espoir que cette dernière confirme au moins partiellement les attentes normatives qui ont été ici évoquées.

Notes

  • [1]
    Cet article s’inspire en partie de « Voting Secrecy and the Right to Justification », publié en 2017 dans la revue Constellations, ainsi que d’un texte ayant fait l’objet d’une présentation aux Journées doctorales sur la participation du public et la démocratie participative, à Lille, en novembre 2015. Pour leurs commentaires et suggestions, je remercie Christopher Bennett, Michael Bennett, Sandrine Blanc, Loïc Blondiaux, Luigi Bobbio, Thomas Christiano, Dimitri Courant, Bart Engelen, Andrea Felicetti, Siba Harb, Samuel Hayat, Annabelle Lever, Tim Meijers, Hervé Pourtois, Chiara Testino, Isabella Trifan, Philippe Van Parijs, Katy Wells, ainsi que les relecteurs anonymes.
  • [2]
    En particulier, le fait que les circonstances peuvent changer au cours du mandat, que les représentants sont parfois mieux placés pour apprécier certains besoins ou certaines contraintes, et qu’une indépendance relative permet la délibération et la prise en compte des aspirations minoritaires. Voir Pitkin (1967) ; Manin (2012) ; Przeworski, Stokes, Manin (1999) ; Urbinati (2006).
  • [3]
    En Suisse, par exemple, le taux moyen de participation aux consultations populaires et référendums est proche de 50 %, avec 20 % de citoyens ne participant jamais en plus des 20 % de résidents non citoyens qui ne sont pas autorisés à voter (Van Parijs, 2014, p. 56).
  • [4]
    Le vote référendaire ne doit pas nécessairement être binaire. Des recherches semblent même indiquer que les votes à multiples options sont plus favorables aux délibérations, car ils réduisent la polarisation et l’attitude partisane (LeDuc, 2006). Je remercie Julien Talpin pour avoir attiré mon attention sur ce point.
  • [5]
    Aux États-Unis, depuis le référendum californien de juin 1978 en faveur d’une réduction de moitié de la taxe foncière, la pratique est devenue très attrayante aux yeux des groupes d’intérêts et politiciens conservateurs (Cronin, 1989, p. 3).
  • [6]
    Le bilan semble d’ailleurs contrasté. À la fois, on constate des dépenses de campagnes référendaires souvent très inégales entre les parties, et en même temps la tâche est plus complexe pour les lobbies en régime référendaire, puisqu’ils doivent convaincre de plus larges segments de la population. Voir Papadopoulos (1998, p. 171-173).
  • [7]
    Dworkin (1985) distingue pour cette raison les questions de principe, qui concernent des droits fondamentaux et ne doivent pas être soumises à la logique majoritaire, des questions proprement politiques, où sont en jeu les préférences des citoyens entre différents moyens d’action ou entre différentes options moralement équivalentes (comme l’aménagement de l’espace public). Les citoyens pourraient par exemple être amenés à voter sur le type de protection sociale qu’ils préfèrent – modèle traditionnel ; revenu de base ; impôt négatif –, mais pas sur le niveau de cette protection (le montant que touchent les personnes sans emploi). Certes, la distinction ne sera pas toujours facile à établir dans la pratique (elle sera certainement contestée), mais elle pourrait néanmoins inspirer un usage prudent du référendum, qui donnerait par exemple aux cours constitutionnelles un droit de regard sur les projets référendaires, qu’ils émanent du gouvernement ou d’une initiative populaire. Les cours pourraient éventuellement suggérer des modifications de la question posée de manière à la rendre plus neutre ou moins hostile à certains droits fondamentaux.
  • [8]
    Eux-mêmes ont proposé de tels mécanismes – un vote semi-ouvert dans le cas de Brennan et Pettit ; une journée de la justification dans le cas de Engelen et Nys – que je discute de manière critique dans Vandamme (2017). Beerbohm (2012) renvoie pour sa part à l’idée de Vermeule (2007) consistant à ne rendre publics les votes que plusieurs années plus tard, de façon à éviter les risques d’intimidation, mais à obtenir néanmoins une incitation à anticiper le jugement rétrospectif d’autrui.
  • [9]
    Le passage au scrutin secret peut alors être vu comme une concession aux classes ouvrières face à la menace révolutionnaire, à l’instar de l’extension du suffrage (Przeworski, 2015). Cela dit, l’élite pouvait également voir certains avantages dans le secret, qui permettait certes de protéger les ouvriers de l’influence des patrons, mais également de celle des syndicats. Voir Goodin (1992, p. 127-128), renvoyant aux travaux de Reinhard Bendix et Stein Rokkan.
  • [10]
    Cela dépend en partie de la procédure d’élaboration de la liste, question sur laquelle je reviens plus loin.
  • [11]
    Goodin ne parle pas du vote justifié, mais semble appeler de ses vœux un mécanisme de ce genre.
  • [12]
    Afin d’éviter un effet trop important d’orientation et de cadrage des choix individuels, il est important d’essayer de faire en sorte que les votants aient connaissance à l’avance des justifications possibles et ne les découvrent pas au moment de voter.
  • [13]
    Je remercie le relecteur ou la relectrice qui a attiré mon attention sur ce point.
  • [14]
    Je remercie Hervé Pourtois pour ses suggestions à ce sujet.
  • [15]
    D’abord parce qu’elles n’incluent qu’une très petite proportion de la population. Ensuite parce que leur représentativité est toujours approximative. Enfin parce que leur visibilité publique est parfois insuffisante. Voir Pourtois (2013), Lafont (2015), Rummens (2016).
  • [16]
    Les recommandations d’un mini-public n’ont d’ailleurs pas vocation à s’imposer aux citoyens. Leur fonction serait plutôt de fournir des raisons de second ordre aux citoyens quand ils ne parviennent pas à trancher sur la base des raisons de premier ordre, par manque d’information. Ils peuvent alors se dire : si j’avais été informé et si j’avais pu délibérer avec d’autres sur ce sujet, j’en serais probablement venu à la même conclusion (Mansbridge et al., 2012, p. 16).
  • [17]
    Je remercie le relecteur ou la relectrice qui a attiré mon attention sur ce point.
  • [18]
    J’emprunte l’expression et dois l’objection à Andrea Felicetti.
Français

On reproche souvent au référendum d’être très peu délibératif. En opposition avec la « force non coercitive de l’argument meilleur » qui habite l’idéal délibératif, le vote sanctionne un rapport de force : la loi du plus grand nombre. Le secret du vote n’incite pas non plus à une attitude délibérative. Cet article met en avant une pratique – le vote justifié – susceptible de rendre l’acte de vote et les référendums plus délibératifs en promouvant une attitude plus délibérative dans l’isoloir et en stimulant le débat public. Combinée à l’usage de mini-publics, elle ouvre des perspectives nouvelles à la participation démocratique référendaire.

Mots-clés

  • référendum
  • délibération
  • participation
  • secret
  • justifications

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Pierre-Étienne Vandamme
Pierre-Étienne Vandamme est chercheur postdoctoral à la Chaire Hoover d’éthique économique et sociale de l’Université catholique de Louvain. Il est l’auteur d’une thèse de doctorat réfléchissant à diverses manières d’améliorer le potentiel de justice sociale de nos démocraties, et portant le titre : La route démocratique vers la justice. Justice sociale, démocratie et impartialité (2017).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 09/07/2018
https://doi.org/10.3917/parti.020.0029
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