CAIRN.INFO : Matières à réflexion

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2 Rien dans l’enfance nordiste d’Eugénie Renique au sein d'une famille bien établie ne la prédestinait, jeune femme, à courir les routes d'Europe en maîtresse attitrée d'un maréchal, et à s'établir, entre deux campagnes, dans un ancien presbytère aux portes de Paris. Comme tant d’autres contemporains, sa destinée fut bousculée par la Révolution et sa jeunesse amplifiée par l’Empire. Il nous reste de sa vie des témoignages diverses, des commentaires d'historiens et des archives notariées qui dressent d'elle un portrait très contrasté, et souvent contradictoire. Pendant de longues décennies, on a cru pouvoir contempler son portrait miraculeusement préservé dans une pièce, le Boudoir Masséna au premier étage d’une vieille demeure de Bagneux. Mais de récentes recherches ont permis une autre identification de la jeune femme représentée, rejetant les traits réels d’Eugénie dans l’ombre.

Enfance nordiste

3 Marie Anne Eugénie (prénom de sa marraine) est née à Maubeuge, dans le département du Nord, le 24 avril 1780. Elle est la première d'une fratrie de huit [1], dont seuls deux enfants sont parvenus à l’âge adulte. Ses parents, (Jean-Baptiste) Ignace Joseph Michel Renique (1753- ?) [2] et Marie-Anne [Marianne] Goffart (1755-1822), mariés à Maubeuge le 13 juillet 1779, appartenaient tous deux à des familles de receveur des traites, employés de La Ferme générale (que l'on pourrait transposer en receveur des Impôts). Un frère cadet, Eugène Louis, naquit le 29 juillet 1787 à Cambrai. Il tint son prénom selon la coutume, de sa marraine (et sœur) Eugénie, alors âgée de sept ans. Être employé de la Ferme signifiait tenir un certain rang dans la hiérarchie sociale d'une ville de province et l'assurance de revenus suffisamment élevés pour élever une famille et se constituer un patrimoine. À l’instar d'autres groupes sociaux les alliances matrimoniales se négociaient entre familles du même métier. Le père d'Eugénie était fils receveur des traites de Maubeuge, et sa mère, fille du receveur principal des contributions indirectes de Saint-Amand. La continuité sociale aurait dû mener Eugénie à suivre le même chemin que sa mère, et à se marier à son tour dans le cercle des connaissances. Mais dix ans après sa naissance, en 1790, la Révolution supprima la Ferme générale. Les années révolutionnaires durent être un séisme pour les familles Renique et Goffart qui virent s'écrouler l'institution qui leur assurait un statut et un revenu. Le grand-père Goffart qui avait un poste important à Saint-Amand mourut en 1793.

4 Au tournant du siècle, sans que la date exacte soit connue, Eugénie partit vivre à Paris. Quelles motivations poussèrent cette jeune fille de vingt ans à quitter sa famille et sa province ? Elles demeurent inconnues, de même que ses premières années dans la capitale. La brusque chute sociale et financière de ses parents pourrait en être une cause : sans dot, sans titre, une fille possédait peu d’attrait pour un prétendant qui misait sur un avenir confortable. On ne mariait pas une déclassée avec un sans-le-sou, on ne mariait pas « la faim avec la soif » selon l’expression du temps. Pour les ambitieuses, les promesses de Paris étaient mirifiques. Le Consulat avait succédé au Directoire, le tourbillon de la vie avait repris à Paris. Les lumières de la ville possédaient un attrait irrésistible, là-bas les charmantes créatures devenaient riches quand elles étaient jolies, dotées d’un brin d’esprit, et pas sottes sur la gent masculine. Les années de tourmente semblaient s’éloigner, on escomptait sur la paix et le retour de la prospérité.

5 Comment et de quoi vivait-elle ? Comment et quand a-t-elle rencontré le général Masséna, héros des guerres révolutionnaires ? Nul ne le sait plus. Bien des décennies plus tard, en 1947, Augustin Augustin-Thierry, neveu de l’historien dont il reprit le nom en entier, se plaira à la mettre en scène sur le plateau de l’Opéra, à l’arrière-fond parmi la troupe du ballet, cependant sans citer de source. Petite danseuse, elle aurait réussi en 1801 à sortir du rang et à danser son pas devant le vainqueur de Zurich alors en congé temporaire de l’armée. Hélas, les archives de l’Opéra de Paris [3] si prolixes pour les premiers rôles, restent muettes pour les petits emplois des quadrilles [4]. Mais si ce n’était dans un foyer de théâtre, où donc la jeune provinciale sans attache ni entregent aurait-elle pu « attraper » un si fameux amant qui ne demandait qu’à être conquis ? Ce schéma de rencontre entre un homme marié et une jeune fille ou jeune femme indépendante cherchant un protecteur et une certaine aisance matérielle, était affaire courante. Les us du temps (et pendant encore longtemps) transformaient les coulisses en un marché sexuel. Pour les filles pauvres et audacieuses, la galanterie était l’unique voie pour connaître un peu de luxe et les feux de la nuit. Et à ce jeu, si elle s’y est prêtée, Mademoiselle Renique fut très douée. Mais faute d’en savoir plus sur ses premières années parisiennes, laissons tout de même planer un doute.

Sur les routes d'Europe

6 À sa mort survenue en 1836, déjà les mémorialistes de l’épopée parlaient d’elle, mais sans lui donner de nom. Les anecdotes rapportées par les témoins n’étaient guère flatteuses. La première fut faite presque par inadvertance. En 1828, trois ans après sa mort, la correspondance de Paul-Louis Couturier, érudit, grand helléniste, pamphlétaire et chef d’état-major à l’armée de Naples sous l’Empire fut publiée. Au détour d’une lettre, l’irrégulière fit son apparition. Le soir du 21 août 1806, ayant fait étape à Scigliano, village de l’âpre Calabre, Couturier relatait une énième attaque de bandits subie il y a peu dans la ville voisine de Cosenza, et précisait, au détour d’une phrase, que l’audace était telle que « s’ils fussent entrée tout bonnement, ils prenaient au lit monseigneur le maréchal avec la femme du major  [5] » Drôle d’entrée en littérature, dans des draps et avec une bonne dose d’ironie qui raisonnait dans le goguenard « monseigneur ». L’image du condottiere a beaucoup a pâti de ce qui fut considéré comme un faux-pas qui avait trop duré. Passe encore que Masséna en 1798-1799 se soit fait accompagné de sa maîtresse du moment, la dame Cipolini, dans ses campagnes en Italie et en Suisse. Mais le temps avait coulé et il ne convenait plus de traîner dans ses fourgons « son confort ». La flambée de désir pour un tendron de vingt ans par un homme ayant dépassé la cinquantaine, si elle était demeurée discrète et circonvenue à des séjours parisiens, eut été parfaitement admise. Les commandements de l’âge n’atteignaient pas les hommes et les nœuds de l’hymen n’étaient aussi serrés pour eux que pour les femmes. Non, ce qui scandalisa fut que Masséna se livra à ces débordements conjugaux au sein de l’armée, imposant la présence de sa favorite à son état-major lors des campagnes, au vu et au su de tous les soldats. Elle devint « la poule à Masséna », cruel mot rapporté par le capitaine Marcel qui n’avait que dédain et dégoût pour cette « froussarde qui crie à chaque détonation[6] ». Le général Thiébault n’a pas été en reste, il jugea sévèrement la présence « de la femme d’un capitaine de dragons qu’il avait gardée durant toute la campagne », ce qui avait suscité un sentiment « du plus mauvais l’effet dans l’armée ». Il ajouta que le maréchal sujet aux vomissements de sang (dus à la tuberculose) « n’avait aucun besoin d’un meuble de cette espèce », d’autant que, dernier argument, « la belle, en vérité ne l’était pas [7] ».

7 Mais, jolie ou pas, l’engouement se fit liaison qui dura dix ans. Ce qui en fait un peu plus que la simple aventure ou une fredaine de vieux briscard présentée par certains conteurs de l’épopée. Eugénie partagea les années de gloire de Masséna, promu maréchal d’Empire le 19 mai 1804, duc de Rivoli le 19 mars 1808, prince d’Essling le 21 janvier 1810. Elle accompagna l’élévation, la pluie de titres et le suivit sur les chemins des campagnes militaires. Elle connut l’Italie et la Calabre en 1806, peut-être l’Autriche en 1809 [8], l’Espagne en 1810-1811. Les débuts tentèrent d’être masqués : le major Jacques-Denis-Louis Leberton, du 29e Dragons [9], accepta d’endosser le rôle d’époux, sans passer en municipalité. Le nom et une petite comédie de couple devaient suffire pour abuser les esprits. Pour faire bonne mesure et brouiller les pistes, Eugénie devint Henriette, Henriette Leberton. L’élu, à la gueule cassée par une grave blessure à la mâchoire, avait trente-deux ans de plus que sa pseudo-fiancée, un fait courant, la différence d’âge avec Masséna n’était « que » de vingt-huit ans. Devenue ainsi femme d’officier, Madame le major avait légitimement plus sa place dans les accotés qui suivaient les troupes qu’une maîtresse en titre du général en chef. Mais le procédé ne trompa personne. Le général Griois a rapporté lui aussi le malaise de l’armée face à la présence d’une maîtresse : « Il se donnait un ridicule aux yeux de l’armée par son amour de jeune homme pour une espèce d’aventurière assez jolie qui passait pour la femme d’un major de dragons, nommé Leberton, attaché à son état-major particulier, et méprisé généralement pour le rôle qu’il jouait[10] ». Le faux mari trompé y gagna évidemment une promotion au bout d’un an d’un traitement assez humiliant pour sa réputation : il fut bombardé adjudant commandant et aide de camp de Masséna. Un avancement rapide mais bref, cinq petits mois entre février et juillet 1807. Puis Leberton demanda à quitter le service (volontairement ou pas). Son dossier militaire conserve les avis émis par Masséna à l’encontre de son service. Très défavorables. Les critiques pleuvaient : « Leberton a tenu une telle conduite qu'il s'est rendu impropre à tout service et que l'honneur et la moralité font un devoir de s'éloigner de sa personne. » Il ajouta qu'« il ne s'intéresse au succès de la demande de retraite de cet officier qu'en considération de son âge et des blessures [11] ». Le major, qui n’avait plus d’intérêt à retirer de ce mariage blanc, disparut totalement de la vie d’Eugénie. Mais il n’obtint pas ou peut-être refusa son retrait de la vie militaire. Il continua sa carrière en Allemagne et convola cette fois en justes noces. Après une brève union en 1783 qui lui avait laissé un enfant, il se maria une seconde fois en 1809 dans ce pays. Vingt-quatre ans plus tard, il lui était né treize enfants ! [12]

8 Ce qui était sévèrement critiqué était que cette femme, passée l’épisode du faux mariage, devait être traitée comme l’épouse légitime et que le maréchal montrait des sentiments jugés amoureux déplacés compte tenu de son âge et des convenances sociales de l’époque. Ce comportement n’aurait pas dû être mêlé à une campagne militaire. Rageur, Griois a dressé le portrait d’un homme envoûté par une femme plus jeune et qui en oubliait de tenir son rang et son commandement, perdant ainsi de sa dignité et de son autorité : « En route, cette femme, vêtue en homme, allait à cheval aux côtés du maréchal ; il n’était occupé que d’elle, il folichonnait avec elle comme un adolescent avec sa maîtresse et il ne s’apercevait de la longueur du chemin déjà fait et du besoin que les soldats avaient de faire une halte que lorsque son héroïne était, pour quelque cause naturelle, obligée de s’arrêter ; alors toute l’armée s’arrêtait aussi et pendant ce temps, le maréchal, remplissant le rôle du mari jaloux, faisait lui-même la sentinelle pour qu’aucun indiscret n’approchât de sa belle [13] ».

9 Le travestissement en homme, là encore, dépassait les normes généralement admises. Mais comme le mariage de façade, le costume ne leurra personne. Dans ses mémoires, Laure Junot venue rejoindre son époux général, a relaté l’arrivée embarrassée du maréchal au palais de Valladolid le 10 mai 1810, accompagné d’un jeune officier de Dragon arborant la légion d’honneur qui n’osait descendre de calèche [14]. Si celle, qui fut faite duchesse d’Abrantès, s’en souvenait si bien c’est qu’elle dût lui céder la moitié de la vaste demeure ! Et ce, pendant les trois semaines de la présence de la concubine, qui n’osait sortir de ses appartements. Car, plus que l’uniforme militaire, mais le port indu de la légion d’honneur relevait d’un blasphème militaire, si l’anecdote a un fond de vérité. On a beaucoup médit des mémoires de la duchesse, publiés dans les années 1830 pour combler une trésorerie défectueuse depuis la fin de l’Empire. Arrangés par la plume virtuose d’Honoré de Balzac, il est impossible de départager les souvenirs (honnêtes ou pas) de la « gouvernante de Paris » des fulgurances imaginatives, voire des calembredaines du génial écrivain. Dans le cas du séjour espagnol, accordons-leur du crédit, les autres récits de cette période dévoilent eux aussi le pouvoir extravagant que possédait Eugénie sur son amant, et par voie de conséquence, sur tout son corps de troupe.

10 Avec un aveuglement déconcertant, le maréchal s’obstinait à garder près de lui sa compagne, quel que soit les dangers de la guerre, les incommodités des routes, les kilomètres avalés et les grognements de ses subordonnés effarés de son inconséquence. Ils formaient ce que l'on nommait alors un ménage à la détrempe[15] L’épisode de la perruche en Espagne, relatée par le général d’Hautpoul, aide de camp, tient de la tragicomédie : « Masséna avait amené de Paris une femme avec laquelle il vivait. Souvent l’armée était en marche depuis plusieurs heures, et une division entière était obligée d’attendre que le quartier général fût prêt. Le maréchal était esclave de sa maîtresse et celle-ci, pour prouver son empire, affectait de le soumettre à tous ces caprices. Un jour, elle fit arrêter la marche des troupes pour envoyer chercher sa perruche, qui avait été oubliée dans son logement ; l’escadron de service fut obligé de rétrograder pour remplir cette belle mission.[16] ».

11 Marbot, autre aide de camp de Masséna, fut le seul à avoir des paroles flatteuses pour Eugénie (Marbot étant très critique vis-à-vis du maréchal, il se peut que par un mouvement inverse, prenant le contre-pied, il fût très indulgent avec Mme X méprisée par l’armée) : « Il faut savoir que Masséna avait l’habitude de mener toujours avec lui, même à la guerre, une dame X, à laquelle il était si attaché qu’il n’avait accepté le commandement de l’armée du Portugal qu’à condition que l’Empereur lui permettrait de s’en faire accompagner. Masséna, d’un caractère sombre et misanthropique, vivant seul par goût retiré dans sa chambre et séparé de son état-major, avait besoin, dans la solitude, de distraire parfois ses sombres pensées par la conversation d’une personne vive et spirituelle. Sous ce double rapport, Mme X lui convenait parfaitement, car c’était une femme de beaucoup de moyens, bonne et aimable, et qui comprenait du reste tous les désagréments de la situation  [17] ».

12 Lors de la retraite, après la défaite de Fuentès d’Oñoro (5 mai 1811), non sans propos amer à l’endroit du maréchal, Marbot rapporte les conditions de vie de cette femme dans un environnement difficile : « Pendant ce long et pénible trajet, Masséna, s’était vivement préoccupé des dangers auxquels Mme X… était constamment exposée. Cette femme courageuse… dut être portée. Aussi le généralissime, tout en nous conjurant de ne pas abandonner Mme X, nous dit à plusieurs reprises : “Quelle faute j’ai commise en emmenant une femme à la guerre ![18] »

13 L’expédition d’Espagne fut la campagne de trop. Marbot lui-même, en dépit d’une certaine mansuétude à l’égard de « Mme X », a relaté deux évènements où le ridicule le dispute à l’inconscience. Le premier épisode se tint dans un jardin portugais lorsque Masséna souhaita retenir à déjeuner Ney, Reynier, Junot et Montbrun avec qui il entretenait des relations tendues : « Jusque-là tout allait bien ; mais quelques instants avant de s’asseoir, Masséna fait appeler Mme X…, qui recule en se voyant en présence des lieutenants de Masséna. Mais celui-ci dit tout haut à Ney : “Mon cher maréchal, veuillez donner la main à madame.” Le maréchal Ney pâlit et fut sur le point d’éclater… Cependant il se contînt, et conduisit du bout du doigt Mme X…, qui avait trop d’esprit pour ne pas sentir combien sa situation était fausse, fut prise tout à coup d’une violente attaque de nerfs et tomba évanouie. Alors Ney, Reynier, Montbrun et Junot quittèrent le jardin, non sans que Ney témoignât à haute voix et très vivement ses impressions. […] À compter de ce jour, Ney, Reynier, Montbrun et Junot furent au plus mal avec Masséna, qui, de son côté, leur en voulut beaucoup [19] ».

14 Plus aberrant encore, à la page suivante, Marbot a expliqué l’incroyable bévue militaire qui fit stationner les troupes françaises à Viseu alors que les Anglais approchaient. Un temps précieux fut perdu, parce qu’une maladie d’Eugénie empêcha toute la troupe de poursuivre la route. L’armée stationna alors une semaine et ne repartit qu’à petites étapes. Il n’en fallait pas plus, mais l’épisode était assez éloquent, pour que les historiens, qui ont retracé les campagnes militaires ou la carrière de Masséna, s’emparent d’une telle « créature ». Parasite d’un héros, elle aurait eu largement sa part dans la défaite de l’armée française en Espagne, en tournant en ridicule le généralissime, en aggravant les différends entre les maréchaux et en incitant les troupes à l’irrespect.

15 Ensuite le désastre espagnol s’avéra total. Le duc de Broglie, témoin du départ d’Espagne du maréchal a noté dans ses souvenirs : « Le maréchal Masséna ayant été rappelé, nous le vîmes passer par Valladolid avec les débris de son état-major en triste équipage, et avec la triste concubine qu’il avait traînée à sa suite dans toute sa campagne  [20] ».

Une retraite aux sources

16 On ne sait pas exactement quand se termina la relation entre Eugénie et Masséna. S'est-elle achevée au retour d'Espagne, durant l'été 1811 ? Leur relation a-t-elle duré encore un peu ? Le maréchal était tombé en disgrâce et il était malade. Il jugeait lui-même que la présence de sa maîtresse avait été une erreur. Eugénie ne fut plus mentionnée, sous quelque nom que ce soit, dans aucun mémoire. Nous pouvons fixer sa date d'installation à Saint-Amand en 1813 grâce à une longue lettre écrite par son frère après le décès d'Eugénie en 1837 (Ce document est intégralement retranscrit en annexe). Il y précise qu'il est venu prendre sa retraite auprès de sa sœur quelques mois après son arrivée dans le département du Nord [21]. Elle avait 31 ans et avait vécu ses dix dernières années, les années de la jeunesse, aux côtés d'un des hommes les plus puissants de l'armée. Elle avait habité des palais et des masures au gré des campagnes, voyagé en voiture, à cheval (portée par des soldats parfois) durant des mois dans des contrées souvent inhospitalières. Cette vie aventureuse avait pris fin. Elle se retira dans sa région natale, en Flandres.

17 De retour dans le Nord, Eugénie retrouva une ville bien différente de celle de son enfance. L’immense et splendide abbaye de style baroque avait été en partie détruite durant les années révolutionnaires, modifiant radicalement la physionomie de ce gros bourg de 8 500 habitants. Les eaux et les boues de Saint-Amand dispensées dans un établissement établi à deux kilomètres restaient renommées et attiraient une clientèle choisie (Louis Bonaparte y vint soigner des rhumatismes). Eugénie s'installa à l'angle de la rue de Condé (actuellement Louise de Bettignies) et de place de l’église, non loin de sa mère et de ses tantes logées dans la même rue [22]. Très vite, nous l’avons déjà évoqué, son frère Eugène la rejoignit.

18 Le frère et la sœur, Eugénie et Eugène, eurent des destinées mêlées et une relation fusionnelle qui au fil du temps avait pris un aspect étouffant. Marraine, petite mère, protectrice, l’aînée gouverna le cadet. Une amitié forte les unissait, forgée dans l'adversité, soudée par les liens familiaux et l'ambition de sortir de la gêne. Balzac mit en scène dans La Rabouilleuse un couple semblable : Orphelins et misérables, mais s’aimant tous deux, le frère et la sœur avaient vu la vie comme elle est à Paris : l’un voulait devenir avoué pour établir sa sœur, et vivait avec dix sous par jour ; l’autre avait résolu froidement de devenir danseuse, et de profiter autant de sa beauté que de ses jambes pour acheter une Étude à son frère. Jouant de sa place auprès d'un maréchal, Eugénie fut l'instigatrice de l'avancement militaire de son puiné. Non qu’il ait démérité, ses états de service à l’armée sont tout à fait honorables [23], et ses camarades ont loué sa loyauté. Il apparaît dans les mémoires de Marbot, qui exprime son amitié pour le jeune homme : « Le capitaine Renique avait la faveur toute spéciale de Masséna ; mais bon et excellent camarade, il sut ne pas trop s’en prévaloir ».[24] Il vécut ainsi à la suite de sa sœur, préférant d'ailleurs se faire appeler durant sa carrière militaire par le prénom de Louis.

19 Leur installation commune au pays de leur enfance s’accommoda d’une aisance réelle, prouvant leurs réussites à leurs concitoyens. L'inventaire après décès de l'ancienne maîtresse du vainqueur de Zürich (le recensement précis ne prit pas moins de cinq jours) détaille le contenu d'une cour avec écurie, un bâtiment d’habitation comprenant un grand salon, deux petits salons, deux chambres, une cuisine et une cave. Le descriptif du mobilier laisse entrevoir un train de vie aisée et confortable. La garde-robe à elle seule remplit trois pages à l’écriture serrés. La cave regorgeait de bouteilles de bordeaux, de vins blancs et de vins rouges divers. La bibliothèque offrait aux visiteurs les dos de ses volumes qui alignaient, comme à la parade, les classiques du siècle passé, Voltaire, Boileau, Saint-Simon, Molière [25]. Rien de révolutionnaire, rien de nouveau, un ensemble de bon ton. Au compte des valeurs, le nectar des dieux l’emportait sur la nourriture de l’esprit : les deux cent quarante flacons surpassant de loin les cent quarante ouvrages. On songe à la description similaire faite par le perspicace Balzac décrivant la maison cossue d’une famille de notable en province, en l’occurrence celle de Melle Cormon, La vieille fille, à Alençon : « Il existait une bibliothèque, mais elle se trouvait logée un peu au-dessous du niveau de la Brillante [la rivière], bien reliée, cerclée, et la poussière, loin de l’endommager, la faisait valoir. Les ouvrages étaient conservés avec le soin que l’on donne, dans ces provinces privées de vignobles, aux œuvres pleines de naturel, exquises, recommandables par leurs parfums antiques, et produites par les presses de la Bourgogne, de la Touraine, de la Gascogne et du Midi. Le prix des transports est trop considérable pour que l’on fasse venir de mauvais vins ».

20 La passion de l’achat sûr, des acquisitions rassurantes et valorisantes ne s’était pas arrêtée pas aux étiquettes de bons crus ou aux tomes de la littérature, elle s’était étendue aux terres et aux maisons alentour, de Saint-Amand à Valenciennes, elle avait sauté la frontière pour investir dans le Hainaut belge [26]. Mademoiselle Renique n’était pas revenue les mains vides de Paris, et se fit femme d’affaires et banquière. Discrètement, elle prêtait de l’argent à des tiers devant notaire, puis recevait les intérêts, les investissait, et encaissait les revenus et les loyers. L’opulence nourrissait l’opulence. Une avance de quatre cents francs par ci, de si cent francs par-là, un prêt de deux mille francs plus loin, le tout à cinq pour cent, et toujours à des cultivateurs qui avaient toujours pratiqué ainsi auprès de riches terriens.

21 Aux ambitions pécuniaires s’était joint la prétention aristocratique. Dès 1817 elle avait pris l’initiative d’étoffer son nom d’un pompeux « de Latour », ce qui correspondait parfaitement à son souhait d’honorabilité. Sa signature dès lors prit de l’ampleur, le banal Renique écrit sans fioriture précédait modestement un majestueux De Latour tracé plus grand et aux lettres presque tremblées d’émotion et d’orgueil mal contenus. Il était bon de se draper dans le manteau soyeux de la noblesse, eut-elle été de pacotille. Un désir d’anoblissement et d’ascension sociale qui était un trait familial, et plus classiquement celui de l’époque, héritière du temps qui après coupé les têtes des artistocrates, désirait désormais leurs attributs. La recherche des ancêtres, sous-entendus nobles, étaient une passion partagée par bien des bourgeois. Comme sous l’Ancien Régime, une particule pouvait ouvrir les portes « du Monde », apporter une assise sociale pour grimper les échelons de la société, et si ce n’était le cas, flattait tout de même la généalogie familiale. Leur mère, Marie-Anne Goffart s’était fait appeler De Fontenille après modification du nom de sa mère qui était Defontini ou Defontenil. Le dossier d’Eugène au Service historique de la Défense contient une lettre adressée au roi, datée de 1819 dans laquelle il sollicitait la Croix de Saint-Louis en appuyant sa requête par des origines nobles et suisses. Mais le procédé n’eut pas l’effet escompté, aucune extension ne vint s’accoler au patronyme.

22 Les années passèrent, les Renique devinrent des notables établis, menant une vie que l’on suppose sage, ordonnançant des journées les unes pareilles aux autres. Une relation exclusive s’instaura entre la sœur et le frère. En 1836, dans la longue lettre biographique déjà citée, Eugène la justifiait ainsi : « Ma sœur avait quelques années de plus que moi, elle m’avait tenu sur les fonts à mon entrée dans la vie ; elle m’avait en quelque sorte élevé ; et depuis notre jeune âge, nous ne nous étions plus trouvés que deux, de huit enfants que notre mère avait mis au monde. Tant de motifs d’intimité avaient naturellement établi et développé entre nous la sympathie la plus vive, l’affection la plus profonde ». Plus loin, il énonçait le pacte qui les liait : « Je promis donc à ma sœur de lui consacrer ma vie, et de ne jamais songer à contracter de liens, qui m’auraient détourné de la tâche que mon cœur s’était volontiers imposée ».

23 Ce lien se lit également dans les signatures du frère et de la sœur : trois points placés au milieu des entrelacs dont on ornait volontiers les griffes. Ce symbole était caractéristique des membres de la Franc-maçonnerie. Ce qui est plus particulier est que la signature d'Eugénie s'agrémentait des mêmes symboles, les loges féminines étant rares et placées sous la tutelle d'une loge masculine. Nommées « loges d'adoption », elles permettaient aux épouses et aux sœurs d'entrer elles aussi dans cette forme de sociabilité, sans pour autant être considérées comme des initiées. Cette proximité avec la franc-maçonnerie n'est pas étonnante pour la compagne de Masséna, qui fut un des membres éminents de la franc-maçonnerie. Initié en 1784, il devint Grand Conservateur général de 1806 à la chute de l'Empire [27].

24 Puis vinrent les années de maladies. Le mal s’insinua peu à peu. Les derniers mois furent épouvantables pour ses proches en but à ses violences verbales. Eugénie passa les dernières années de sa vie en proie à une maladie de plus en plus grave. Son « organisation nerveuse » en fut altérée. « (...) ma position auprès de ma sœur jusque dans les derniers temps de sa vie, confie son frère, jusqu’à cette époque de douloureuse mémoire, où les progrès du mal qui devait bientôt l’enlever sont venus bouleverser son caractère, jeter le désordre dans son habitude et son affection, et la rendre accessible à des préventions et des influences qui ont été habilement exploitées contre moi. Ce fait a pu être apprécié par tous ceux qui avaient quelque relation avec elle. Chaque jour plus inquiète et plus chagrine à mesure qu’elle se sentait dépérir, tantôt se soulevant contre les prescriptions salutaires de son médecin, et y opposant les résolutions les plus bizarres et les plus funestes, tantôt prenant en défiance ses anciens amis, elle était devenue dans les derniers mois d’une extrême irritabilité. Elle remplaçait son domestique sans motif, s’emportait contre tout le monde et à tous propos ; trouvait dans les soins les plus prévenants des sujets continuels de contrariété ».

25 Mais une si belle fortune sans héritier, si ce n’était un frère célibataire, ne pouvait laisser indifférent… Les forces d’Eugénie s’amenuisaient, l’esprit s’obscurcissait, et la Municipalité tenait en joue l’héritage. Une personne de la Ville, dont Eugène tut le nom, rendit plusieurs fois visite à la malade, la cajola, l’entortilla si bien qu’elle rédigea un nouveau testament quelques jours avant sa mort, que l’habile intermédiaire et le notaire antidatèrent du 31 juillet 1836 afin que l’abus de faiblesse ne fût pas trop visible.

26 Eugénie s'éteignit le 31 août 1836 à l'âge de 56 ans. Elle avait tenu à organiser ses funérailles à hauteur de l’estime qu’elle se portait : « On m'enterrera convenablement à mon rang. On donnera vingt sous à cent pauvres qui assisteront à mon convoi et cent francs en pain.[28] »

Un testament contesté

27 Les menées sourdes des notables, le maire Ange Sterlin-Dubois, le notaire Séraphin Luis Joseph Waché, alliés avec la basoche locale Séraphin Armand François Waché, le père du précédént, avaient pleinement réussi. Le testament litigieux donnait la maîtrise de la fortune, estimée à 225 000 francs, à la municipalité. Eugène devait recevoir une pension annuelle de 3 000 francs versée par la Ville, et il aurait l’usufruit de la maison de la rue de Condé, jusqu’à sa mort ou… tant qu’il restait célibataire : « Ladite pension cessera le jour où il se mariera ». Et s’il lui venait l’envie de vivre hors de Saint-Amand et hors des règles de l’hymen, il n’en serait pas pour autant quitte de cette obligation : « Si M. Renique quittait St Amand, pour toucher ladite pension qu’il lui sera payé tous les trois mois, il sera obligé d’envoyer un certifiant visé par l’autorité de l’endroit où il sera comme quoi il n’est pas marié et ne vit pas en concubinage. Enfin que sa conduite est morale. Sous peine de rendre ses droits aux avantages que je lui fais ». Au-delà de sa mort, Eugénie exigeait toujours de son frère un total dévouement à sa personne. Cette disposition laissait percer un trouble sentiment de possession, au-delà de la manipulation municipale dont la visée était simple : accaparer l’héritage sous couvert de bienfaits pour la commune. Car officiellement, la fortune devait servir une bonne œuvre. Selon le testament : « A la mort ou au mariage de M. Renique, la totalité de ma fortune, je la donne à la ville de St Amand pour établir un hospice d’orphelines qui sera desservi par les sœurs de charité. Ma maison d’habitation leur servira d’asile ». Qui aurait pu redire contre la construction d’un orphelinat pour les pauvres petites filles seules dans la vie ? Cette inclinaison religieuse a abasourdi Eugène qui n’en avait jamais entendu parler. Quant aux sentiments de dévotion et de confiance en l’enseignement de l’Église, ils ne semblaient pas être aussi vifs que le soutenait le maire. Eugène se souvenait du refus de voir un prêtre : « Une Dame recommandable et pieuse chercha inutilement à préparer auprès de ma sœur l’introduction d’un prêtre. Cette pensée effraya la malade comme l’annonce d’une mort prochaine, et on n’osa plus en parler ». Mais peut-être que l’approche de la mort avait amené Eugénie à vouloir laisser une trace parmi les vivants comme le soulignait son frère : « Elle a pu désirer que sa mémoire fût perpétuée par un legs pieux ».

28 Cependant dépossédé de son vivant, ne recevant qu’une infime partie suspendue à un célibat total, la rage du capitaine était immense. Il brandit la menace de faire appel à ses frères d’armes, de porter l’affaire jusqu’au roi. Mais il savait qu’il ne pouvait livrer une bataille totale, les forces adversaires étaient en surnombre. De leur côté, les élus comprirent la situation ambiguë dans laquelle ils se trouvaient. Ils n'étaient pas dupes de l’étrangeté du testament qu’ils qualifiaient eux-mêmes dans un procès-verbal municipal de « testament si équivoque d’ailleurs ». Ils craignaient de longs et coûteux procès qu’ils n’étaient pas assurés de gagner. Il valait mieux manier l’esprit de conciliation et trouver un terrain d’entente. L’âpreté aux gains et la rancune n’en demeuraient pas moins présentes, mais elles prirent des allures sournoises et procédurières. Sous-préfecture, préfecture, furent mises dans la boucle des échanges. Les centaines de milliers de francs éblouissaient, les sept maisons et les trente-deux terres fascinaient. Mais ne sachant que faire et comment trancher, sous-préfecture et préfecture s’en remirent sagement et un peu lâchement à leur tutelle parisienne, le ministère de l’Intérieur qui à son tour monta d’un échelon supplémentaire et transmit au cabinet du roi. Le dossier ne fut clos que deux ans plus tard en 1838, par une ordonnance royale signée le 24 mars qui, tel un jugement de Salomon, répartit les biens en deux parts : « la moitié de la fortune mobilière et immobilière de la dite Demoiselle Renique était attribuée à la ville de Saint-Amand, en exceptant la maison de Valenciennes et le mobilier inventorié [qui revenaient directement à Eugène Renique] ». Comme dans tous compromis, chacun se donna l’impression d’avoir gagné, et tous avaient perdu quelque chose. Les agissements troubles des Serlin-Dubois, des Waché père et fils, avaient échoué à capter tout l’héritage, Eugène ne conservait pas sa chère maison de Saint-Amand où il vivait depuis vingt ans. Il dut déménager, loin de ses connaissances et de ses amis. Les meubles plaqués en acajou, lit, secrétaire, psyché, tables, tous les fauteuils et les innombrables chaises partirent de la rue de Condé pour meubler le nouveau logis de Valenciennes.

29 Libre d’engagement, le capitaine à cinquante-trois ans assura le confort de ses vieux jours en se mariant en 1840. Le 29 avril, Hyacinthe Lucie Joseph Pillion, trente-deux ans, devint Mme Renique. Mariage de raison ? Mariage d’inclination ? Mariage de rapport ? Aucune lettre, aucune confession ne peut le dire. Tout au plus, peut-on noter pour l’anecdote et le symbole que Lucie est née en 1807, l’année glorieuse du frère et de la sœur. Le couple n’eut pas d’enfants et Eugène s’éteignit très âgé dans sa quatre-vingt-treizième année. Quant à l’orphelinat, il fut bien construit et prit le nom de Renique. Démoli et reconstruit vers 1900, il fut intégré dans l’hôpital en 1936 et totalement mis à bas dans les années 1990, effaçant le nom. Désormais, une maison de retraite a pris place. La vieillesse remplace la jeunesse, et l’immortalité du nom de la bienfaitrice a failli.

30 Que retiendra la postérité d’Eugénie Renique ? Sans « grande origine, » trublion féminin dans un monde d’hommes, la maîtresse attitrée se prêtait à merveille à quelques divagations d’historiens dressant la biographie du maréchal. La postérité, en effet, sous la plume des témoins et des contemplateurs de la Grande Armée, affriolés par les caquets d’alcôve tout en les considérant avec mépris, en firent un miroir aux alouettes tournant au vent de leur imagination : gourgandine « faisandée » et peureuse, compagne séduisante mais peu jolie, intrigante menant un quasi-vieillard par le bout du nez, ou encore guerrière femelle et piquante cavalière pour finir au soir de sa vie araignée de sacristie, confite en dévotion, morte nonagénaire. Des semi-vérités et des clabauderies de bivouac dont il est bien difficile de séparer le réel du mépris [29]. Quelle était la nature des liens entre le maréchal et la danseuse, entre l'homme et la femme ? Que Masséna fut amoureux d’Eugénie, les témoignages ne laissent aucun doute. Qu’en était-il de la part de la jeune femme ? N'aurait-elle fait que fournir à tous ses besoins, que remplir consciencieusement ses obligations en escomptant amasser de l'argent ? Aucun texte ne nous est parvenu sur les sentiments qu’elle éprouvait. Que l’argent ait circulé entre les deux êtres avides, la fortune d’Eugénie le montre clairement. Mais peut-on réduire leur décennie commune à une seule affaire pécuniaire et ne considérer Eugénie que sous l’angle de la cupidité ? Ses voyages dans les fourgons de Masséna dans des conditions matérielles certes bien au-dessus de celle des soldats, n’étaient pas cependant des sinécures. Peuvent-elles s’expliquer uniquement par l’appât du gain ? Mais de cette irrégulière, il ne nous est parvenu qu’une silhouette mal aimée que l’on retrouve de-ci de-là dans les souvenirs et les histoires de l’Empire.

Le mystérieux boudoir Masséna de Bagneux

31 Il fallut attendre un siècle, pour qu’un historien en 1946, Louis Chardigny, accordant aux sources et aux faits plus de crédits qu’aux rumeurs et aux divagations ne lui redonne une identité et un domicile. Les dernières recherches menées dans les services d’archives, exposées dans cet article, affermit les contours et racontent ses dernières et pénibles années, esquissés par son seul ami, son frère… Seraient-ce là les uniques traces ? Pas uniquement : il reste une énigme encore à déchiffrer, grâce à un petit miracle immobilier qui a traversé les siècles. Il se niche dans l’ancien presbytère de Bagneux, à trente kilomètres au sud de Paris. Se dressant sur le parvis de l’église (place de la République). La maison offre une façade lisse aux passants et aux paroissiens. Eugénie Renique en fut la propriétaire de 1808 à 1816.

32 Le souffle révolutionnaire avait bousculé la vocation première de la demeure et la fit tomber jusqu’au vingtième siècle dans le domaine privé et parfois ouvertement plus licencieux. Que l’on nous pardonne la succession des aléas d’achats et de ventes, mais ils ont tout leur intérêt dans le récit du lieu. Construit en 1760 par le chanoine François de Chabannes de Rhodes [30] son desservant, la cure était accolée à l'église Saint-Hermeland, enserrée par quelques rues étroites et sinueuses. Bagneux était alors un village d’environ 600 âmes [31], essentiellement des familles de vignerons, d'ouvriers travaillant dans les carrières, et de laboureurs. À une distance de quinze kilomètres de la capitale, le trajet se parcourait rapidement, et le relatif isolement des villages dans ce qui était encore la campagne assurait une certaine discrétion mais également une résidence agréable loin des miasmes de la ville. Le presbytère fut décrété domaine national donc aliénable en 1793, et acquis en 1798 par un riche notable, Charles Charpentier, qui le céda deux ans plus tard à d’autres investisseurs, le ménage Rigault-Chandellier. En 1804, la maison passa dans l’escarcelle d’un général, Nicolas-Antoine Sanson [32], directeur général du Dépôt de la Guerre, qui s’en dessaisit en an plus tard en faveur d’un plus haut gradé, un maréchal, Pierre Augereau qui en fut propriétaire durant trois ans [33]. La cure devint-elle sa garçonnière ? Ses aventures extraconjugales étaient de notoriété publique [34].

33 En juillet 1807, Masséna revint à Paris pour un long congé de vingt mois, partageant sa vie entre son château à Rueil-Malmaison et l’hôtel de Bentheim sis au très chic faubourg Saint-Germain, 94 rue de Lille. Le 29 août 1808, Eugénie Renique devint la légitime propriétaire de l’ex-cure pour la somme de dix mille francs. Y demeurait-elle en tout temps ou n’était-ce là qu’une maison de campagne ? Tout au plus sait-on qu’en 1808 [35] elle avait une adresse dans le quartier le plus fashionable de la capitale, au 55 rue de Lille. Dans cet immeuble loué en appartement, elle côtoyait la très noble comtesse de Ségur née d'Aguisseau (future belle-mère de l'autre comtesse de Ségur, celle qui est célèbre) et un jeune homme de vingt-trois ans, cousin d'un haut fonctionnaire, pauvre et dévoré d'ambition, Henri Beyle, futur Stendhal. La trop grande proximité avec l'hôtel de son amant avait-elle été jugée inconvenante ? Doit-on y déceler un désir de campagne et de calme de sa part, ou un ordre de s'éloigner et de se montrer discrète ? Quoi qu'il en soit, Eugénie fut propriétaire durant huit ans à Bagneux. En 1813, Eugénie ferma la maison de Bagneux et revint à sa ville d'enfance dans le Nord, comme nous l’avons vu. Trois ans après, la demeure revint pour peu d’années dans le giron ecclésiastique quand l’abbé Louis Filastre, curé de Bagneux, la racheta le 29 novembre 1816 pour sept mille francs et fit donc là une bonne affaire, Eugénie perdant trois mille francs sur la mise de départ [36].

34 En dépit des avanies et des changements d’occupants, l’élégante demeure est parvenue jusqu’à nous presque intacte. Elle a gardé un certain cachet avec ses vastes cheminées sculptées et un bel escalier classique. Une extension postérieure est accolée, entre le bâtiment principal et l’église. Dans le vestibule, à mi-chemin entre le rez-de-chaussée et le premier étage, quelques marches en bois mènent à cette aile qui comporte notamment une pièce qui ne correspond guère à ce que l’on s’attend à voir dans une ancienne cure [37]. Tapissé de panneaux en bois peints, le salon qui ressemble plutôt à un boudoir, et tel est son nom actuel, fleure bon les flagrances féminines. Oiseaux, papillons, libellules et coccinelles volettent et se posent sur des bouquets de fleurs émergeant de vases fuselés. Rinceaux et mascarons se déploient en courbes gracieuses dans le style pompéien si en vogue à la charnière des XVIIIe et XIXsiècles.

35 Si on en croit les historiens du lieu, la fenêtre d’une garde-robe (autrement dit la salle d’eau et les commodités d’aisance), accolée à ce salon, avait l’impudence d’ouvrir directement sur le portail de l’église et même de jouxter le mur de sa façade, et de surplomber les fonds baptismaux. Cela aurait engendré un différend avec l’autorité ecclésiastique et ce serait soldé par un compromis immobilier : un couloir de deux mètres aurait été construit entre les deux voisins en guise d’espace neutre (le conditionnel reste de mise car aucune archive jusqu’à ce jour n’a certifié cette anecdote) [38].

36 Ce qu’il y a de plus étonnant dans ce boudoir est le panneau central, en face de la cheminée. Peint sur le bois comme le reste de la décoration, un motif inhabituel surprend le visiteur : le visage d’une jeune femme aux longs cheveux blonds bouclés, yeux bleus et moue de coquette, petite bouche pincée, se reflète depuis deux siècles dans la glace opposée surmontant le foyer. Il me semble qu’une telle représentation personnelle, insérée dans une ornementation murale est exceptionnelle. De part et d’autre de l’effigie, deux chandeliers sont encore fixés au mur, posés sur des croisillons pliables. Le soir venu, les lumières chaudes et flottantes des bougies devaient encadrer et magnifier les traits de la belle inconnue. Eugénie ? On aimerait affirmer que l'on se trouve devant son portrait.

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37 Tout comme ses prédécesseurs, l’auteure de ces lignes s’y est fait prendre. Une visite effectuée en 2014, trop rapidement faite, avait avalisé en partie cette hypothèse tout en s’étonnant d’initiales relevées sur un vase peint, J et R, ou R et J, qui ne correspondaient que partiellement à celles de notre héroïne. Plus étonnant et plus perturbant, un talon de passeport au nom d’Eugénie Renique (pièce administrative que l’on ne peut réfuter que difficilement), retrouvé dans les archives du Nord, indique des cheveux et des sourcils bruns, et des yeux noirs ! [39] Et lorsqu’on tente de dater exactement la construction de l’aile, on bute immanquablement sur l’absence de source. Seule une « tradition » héritée de Chardigny la fixe du temps de l’Empire.

38 Et pourtant les indices pour établir l’authentification étaient bien visibles et furent relevés lors d’une seconde visite en 2022, plus attentive, et admirablement guidée par M. de Laboulaye. Deux autres monogrammes, peints eux aussi sur le fuselé de deux vases, sont apparus : CM ou MC, LG ou GL. Là encore, ces combinaisons de lettres ne reprenaient aucun des prénoms et noms connus du couple Masséna-Renique. Mais si ce n’est la maîtresse de Masséna, qui d’autre ? Inspirée par une discussion avec un historien [40], la solution de l’énigme fut trouvée. Elle était dissimulée dans l’histoire de la maison.

39 Dans la succession des acquéreurs [41], deux des trois monogrammes peuvent être liés à un couple de propriétaire : Jean Marie Maupetit dit Rigault, pour JR, et son épouse Marie Antoinette Chandellier, pour MC. Le presbytère leur appartint du 7 brumaire an IX (29 octobre 1800) au 15 prairial an XII (4 juin 1804). Le style décoratif est tout à fait conforme aux goûts du Consulat.

40 Elle s’appelait donc Marie Chandellier. Les chandeliers fixés au panneau de part et d’autre de son visage étaient-ils une forme d’hommage, un rébus ? D’elle, on sait peu de choses. À ce jour, aucun document n’a fourni ni sa date de naissance ni celle de son décès. Avait-elle des frères et sœurs ? Là encore, les recherches sont à poursuivre.

41 En revanche, les éléments sur sa parenté sont plus denses (Un arbre généalogique est en annexe 3). Son père, Pierre-Charles Chandellier, fut un marchand mercier que la Révolution fit employé aux transports militaires, un commerce très rentable en ces temps de guerre. Né en Gargenville, près de Mantes-sur-Seine (Mantes La Jolie de nos jours), Pierre-Charles Chandellier « monta » dans la capitale et prit comme épouse une fille de marchand richement dotée. L’établissement et la consolidation d’un nouveau venu entreprenant dans un négoce par un mariage avec la fille d’un aîné bien établi était un schéma très classique. Chandellier épousa Louise Victoire Germeau, fille d’un riche marchand de vins, Toussaint Germeau. Cette union fut certainement facilitée par un jeu de noces croisées, car le frère aîné du marié était déjà uni à la sœur de la mariée. Les deux couples étaient donc doublement beaux-frères et belles-sœurs [42]. Leur mariage donna lieu, comme il se devait, à un contrat (pas moins de sept pages), signé le 5 mai 1774, en présence de la famille proche pour le futur et d’une impressionnante liste de cousins, cousines et alliés pour la future. Car les Germeau était une famille de marchands bien connue à Paris, au cœur d’un maillage serré de commerçants en vins, en bois, merciers, mais entretenant également des liens avec des professions libérales, un docteur agrégé de la faculté, un commis au greffe. Toussaint Antoine Germeau avait connu le succès à Paris, en migrant de Liège et en devenant l’un des douze marchands de vins du Roi. Son mariage en 1752 avec une héritière d’un marchand parisien de vins, Catherine Gogois l’avait fait entrer pleinement dans « l’aristocratie » de ce métier et lui avait assuré une assise sociale [43].

42 Famille bourgeoise, fière de sa réussite, les Germeau avaient de l’ambition et de l’entregent. N’étaient-ils pas fournisseurs officiels de la Cour ? De marchands de bois en marchands de vins (une denrée plus noble et plus rentable), ils étendaient leurs ramifications désormais à l’entourage du roi. Outre l’agrément royal pour la fourniture de liqueurs et de boissons alcoolisées, ils entretenaient des relations d’amitié avec des grands serviteurs de Versailles. Ainsi Jean-Baptiste, fils de Toussaint et oncle de Marie, apporta son soutien en 1790 à Madame Campan, femme de chambre de Marie-Antoinette lors de la procédure en séparations de corps et de biens d’avec son mari [44]. Le père de Madame Campan, future surintendante de la Maison d’éducation de la Légion d’honneur, Edme-Jacques Genet, occupait le poste équivalent de nos jours à celui de secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, et s’entourait d’un cercle d’amis intellectuels et internationaux. C’était donc un monde nouveau, élargi qui s’ouvrait aux Germeau, avant que la Révolution n’éclate et ne les oblige à chercher d’autres appuis pour continuer leur ascension sociale dans une société recomposée.

43 La mère de Marie Chandellier, Louise Germeau mourut en 1814, veuve en premières noces de Pierre-Charles Chandellier, puis, en secondes noces, de Jean René Brissau. Sa succession donna lieu à une demande d’informations complémentaires de la part de sa fille, Marie et de son gendre, Jean Rigaut [45]. On peut émettre l’hypothèse, c’est tout du moins la mienne, que cette mère compta beaucoup dans la vie de Marie et que le troisième monogramme L G est pour Louise Germeau. Décédée en 1814, Madame Germeau était bien en vie le temps du séjour à Bagneux, entre 1800 et 1804. Veuve de son premier mariage en 1798, et en l’absence de dates relatives à son second mariage et veuvage, on peut là encore avancer une hypothèse : qu’elle ait habité avec sa fille et son gendre quelques années avant son remariage. Il était fort courant (et souvent nécessaire) qu’une veuve aille vivre chez l’un ou l’autre de ses enfants, une fille de préférence.

44 En ce qui concerne l’époux, JR, Jean Rigault (parfois écrit Rigaud), les éléments rassemblés sur sa personne raconte la même logique d’élévation sur l’échelle de la réussite que son beau-père, et le beau-père de celui-ci : l’alliance entre un jeune homme arriviste déjà bien introduit dans un cercle de pouvoir de la capitale et une riche héritière qui, par cette union, va consolider l’édifice familial en intégrant un nouveau composant porteur d’avenir. Passée la Révolution, Les Germeau-Chandellier, affiliés à la royauté, ont dû modifier leur logique d’apparentage, il ne fallait pas rester en dehors du nouveau siècle, pour porter leur choix sur un gendre ancré dans la nouvelle société. Déjà la conversion de Pierre-Charles Chandellier, qui était passé des barriques de vin à celles de poudre, avait annoncé le changement.

45 Jean Marie Maupetit dit Rigault correspondait en tout point aux nouveaux paradigmes de la réussite. Né à Paris (12, ou 13 ou 19 avril 1760) d’un père notaire à Senlis, Charles Michel Maupetit, et d’Anne Firmine Rigauld – ou Rigaud- (dont il prendra le nom pour une raison que nous n’avons pas pu déterminer, certainement pour se différencier d’un frère ou d’un cousin), il gravit les échelons de l’administration sous la Révolution et l’Empire. Tout juste employé avant 1789 au Gouvernement de Paris à l’âge de 23 ans, il emboîta le pas de la Révolution en devenant juge de paix (procureur syndic du district [46]) de fin 1790 à 1793, puis il se mit au service du ministère de la Guerre. Il passa presque dix années au Dépôt de la Guerre (bureau de cartographie et d'archives à intérêt militaire de l'armée française) de décembre 1793 à novembre 1803 [47] sous les ordres du général Sanson. En l’an VII, il était premier commissaire [48], et gravit peu à peu les échelons, secrétaire général en l’an VIII, chef de secrétariat en l’an X [49]. Le 8 novembre 1803, il quitta le Dépôt pour le service des Subsistances. Subvint alors un blanc dans sa carrière, telle qu’elle est retranscrite dans son dossier de fonctionnaire. Nous le retrouvons le 23 septembre 1805, lorsqu’il partit dans l’intendance sur les champs de bataille.

46 Cette réorientation professionnelle pour employer un terme moderne, voulue ou subie, on ne sait, explique la logique des achats et des ventes successifs de l’ancien presbytère durant l’Empire. Envoyé à l’étranger, Jean Rigault trouva un acquéreur en la personne de son supérieur, le général Sanson (le 4 juin 1804). Par la suite, la maison passa de militaire en militaire jusqu’à la chute du régime. En 1805, partant à son tour sur le terrain, Sanson revendit le 28 août la maison au maréchal Augereau.

47 Jean Rigault fut donc à la Grande Armée du 23 septembre 1805 à 1809 en tant qu’inspecteur au Service des fourrages, puis directeur du même service [50]. Il passa ensuite à l’armée du Portugal… sous les ordres de Masséna. Fait prisonnier en 1813 à Vitoria, Rigault ne rentra en France qu’en janvier 1814 [51]. Libéré, il rendit une note confidentielle à l’Empereur le 25 janvier 1814 sur les propos qu’il avait recueilli pendant sa détention [52].

48 Les Cent-jours le firent retrouver un poste de directeur des vivres à l’armée du Nord. Après deux ans sans emploi, il fut à nouveau chef de la comptabilité des subsistances, mais cette fois, pour l’armée anglaise d’occupation [53].

49 Le 27 mai 1822, réformé, il était admis à la retraite à l’âge de 62 ans, à l’échelon de vérificateur de 1re classe à la Direction générale des subsistances militaires, au ministère de la Guerre, après 34 années, 10 mois et 16 jours de service administratif, dont 11 années de campagnes de guerre. Ainsi, Marie Chandellier, comme tant de femmes en ces temps de guerre, avait vécu les années d’Empire dans une sorte de semi-séparation, le couple étant réuni que le temps des permissions.

50 Jean Rigault décéda le 25 mars 1842, au 24 de Louis (Le Grand), veuf, sans descendance, sa succession étant « réputée vacante » [54]. Si le ménage eut des enfants, aucun n’avait atteint l’âge adulte.

51 Après l’Empire, l’ascension sociale des Germeau se poursuivit en la personne du cousin de Marie Chandellier, Albert Edmond Pierre Stanislas Germeau. Né en 1790 au sein du couple formé par Jean-Baptiste, oncle de Marie, et son épouse Marie Anne Madeleine Dubloc, il eut une belle carrière de haut fonctionnaire, commencée très jeune au ministère de la Justice puis dans le corps préfectoral. Il la termina préfet de la Moselle, commandeur de la Légion d’honneur et s’éteignit en 1867 [55]. Une rumeur tenace, puisqu’elle est parvenue jusqu’à nos jours, soutient que Stanislas était en fait le fils naturel du chancelier Pasquier [56], conseiller au Parlement de Paris au moment de sa conception, et que ce lignage lui assura protection et avancement. Mais ces succès administratifs ne lui auraient assuré qu’une renommée limitée aux listes préfectorales s’il ne s’était épris de littérature et n’avait fréquenté des cercles de gens de lettres, et en particulier son ami de collège à Vendôme, Honoré de Balzac. Le génial écrivain, également grand lecteur de ses contemporains, reprit dans sa biographie Sur Catherine de Médicis des dialogues presque in extenso écrit par Albert Germeau (l’homme de lettres avait adopté son premier prénom) extrait de son drame Le tumulte d’Amboise[57]. L’affection entre les deux hommes semblait réciproque, au point que, sans honte et assumant parfaitement l’emprunt, Balzac envoya à son ami un exemplaire de sa biographie de la régente de France avec cette magnifique dédicace justifiant le procédé : Toutes les couronnes ont des diamants volés. Preuve que Germeau ne tint pas rigueur à son illustre condisciple, il accéda en 1847 à sa surprenante demande d’organisation d’un mariage secret avec son grand amour russo-polonais Madame Hanska, le plus rapidement possible en Moselle, puisqu’il en était le préfet. Madame Hanska était enfin veuve, et depuis peu enceinte. Mais ses papiers n’étaient pas tout à fait en règle. Tout semblait s’arranger lorsque le préfet qui avait réfléchi, conclut qu’il ne pouvait couvrir une cérémonie entachée d’irrégularités au Code civil. Et Mme Hanska n’était guère pressée d’unir sa destinée et sa fortune à un homme si singulier et si dépensier. Le mariage ne se fit pas en Moselle mais quelques années plus tard dans l’empire russe, à peine quelques mois avant le décès de Balzac. Cependant cette anecdote a déposé une trace de la famille Germeau dans l’histoire littéraire.

52 Ainsi, par un curieux détour de l’histoire, le boudoir de Bagneux rassemble en ses murs le souvenir de deux couples aux destinées bouleversées par la Révolution et plus encore par l’Empire. En marge de la capitale et de la grande histoire, il raconte un peu de la vie de deux femmes, la première par son portrait, blonde aux yeux bleus, mais dont on ne sait presque rien quant à son existence personnelle, et la seconde à la vie tumultueuse connue par de nombreux témoignages, brune aux yeux noirs, mais dont l’image s’est perdue. Deux siècles après que Marie Chandellier a laissé son petit salon à Eugénie Renique, les voici réunies pour la première fois.

Iconographie

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Bagneux, l’ancien presbytère accolé à l’église, propriété d’Eugénie Renique de 1808 à 1816

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Bagneux, l’ancien presbytère accolé à l’église, propriété d’Eugénie Renique de 1808 à 1816

Cet article n'aurait pu voir le jour sans l'aide de généalogistes et de passionnés d'histoire de Saint-Amand-lès-Eaux : M. David Quénéhervé en premier lieu, Mme Anaïs Imbratta et Isabelle Vahé. Mes sincères remerciements sont également adressés à M. Hervé Passot des Archives départementales du Nord, qui me fit découvrir d'importantes pièces administratives, et à M. Patrick Chamouard, adjoint au directeur des Archives départementales des Hauts-de-Seine.
Mes remerciements vont particulièrement à M. François de Laboulaye qui a saisi tout l'esprit du boudoir, à M. François Houdecek qui a suivi l'enquête, suggérer des pistes et a aimablement pris en photographie le dossier de Rigault au SHD. J’exprime ma reconnaissance au Prince d’Essling pour son soutien.

Annexes

Annexe 1. Testament d’Eugénie Renique

53 Boulogne, 21 juillet 1836

54 En conformité des lois existantes, voulant en cas de mort, établir mes dernières volontés.

55 Je lègue à M. Eugène Renique ex-aide de camp de Monseigneur le maréchal Masséna une pension de trois mille francs tant qu'il sera célibataire. Ladite pension cessera le jour où il se mariera. Il ne pourra ni vendre, ni aliéner ladite pension. Je lui permets d'habiter ma maison d'habitation de St Amand aux mêmes conditions que la pension que je lui alloue. Je lui donne en toute propriété les meubles qui garnissent sa chambre. Plus douze couverts à filet, douze cuillères à café en argent et deux services damassés et le linge de table courant, dix paires de draps.

56 Si M. Renique quittait St Amand, pour toucher ladite pension qu'il lui sera payé tous les trois mois, il sera obligé d'envoyer un certifiant visé par l'autorité de l'endroit où il sera comme quoi il n'est pas marié et ne vit pas en concubinage. Enfin que sa conduite est morale. Sous peine de rendre ses droits aux avantages que je lui fais.

57 À la mort ou au mariage de M. Renique, la totalité de ma fortune, je la donne à la ville de St Amand pour établir un hospice d'orphelines qui sera desservi par les sœurs de charité. Ma maison d'habitation leur servira d'asile. Je désire que l'hospice porte mon nom. On ne fera pas de vente au marteau. On fera un inventaire de tout et on mettra les scellés sur mon appartement. L'appartement où les princes ont logé [58] et le grand salon, on ôtera du petit salon les tableaux de religion. Le reste sera à la jouissance de M. Renique.

58 Je donne trois cents francs à M. le curé de St Amand et le prie d'obtenir de notre évêque la permission que je sois enterrée dans le Temple de mon jardin [59]. On prendra les frais qu'il faudra sur mon revenu. On m'enterrera convenablement à mon rang. On donnera vingt sous à cent pauvres qui assisteront à mon convoi et cent francs en pain.

59 Je donne deux mille cinq cents francs aux Chartrier et six cent francs à mes domestiques.

60 J'institue pour exécuteur de mes volontés M. le maire de la ville de St Amand [60] avec prière de ne rien négliger pour que mes volontés soient exécutées. J'institue pour régisseur de mes biens M. Séraphin Waché [61] notaire à St Amand jusqu'à l'époque où la totalité de mon bien cessera en toute propriété. Comme je les désignais plus haut : le revenu sera fructifié sur le revenu du bon père de famille. Tous les ans il sera tenu de rendre compte de sa gestion au Conseil composé de l'exécuteur testamentaire et de deux notabilités de la ville. Les actions que j'ai dans les canaux de la Scarpe doit être comprise dans le revenu.

61 Ceci fait et écrit de ma main. J'ai signé les présents, je, signée, Eugénie Renique de Latour.

62 Boulogne ce vingt et un juillet mille huit cent trente-six.

63 1er Codicille (Saint-Amand, 8 août 1836)

64 Si mon testament ne peut prendre son entier effet, faute d'autorisation du gouvernement ou autre cause, j'institue pour mon légataire universel M. Waché juge de paix [62] et si les lois s'opposent à m'enterrer dans mon Temple, j'autorise le notaire désigné dans mon testament à dépenser six cent francs pour mon cénotaphe.

65 2e codicille (Saint-Amand, 9 août 1836)

66 Je nomme Pierre Hédon [63] mon exécuteur testamentaire en lieu et place de celui nommé dans mon testament.

67 3e codicille (Saint-Amand, 10 août 1836)

68 On me dira un obit [64] tous les ans.

69 4e codicille (Saint-Amand, 24 août 1836)

70 Monsieur Eugène Renique jouira de Prairie Mavilon [ou Marilon]  [65]toute sa vie durant ; je lui donne en toute propriété le cheval, les voitures, le bois de construction et le vin qui est dans ma cave.

Annexe 2. Lettre d'Eugène Renique, 9 novembre 1836

71 À Monsieur le Maire et Messieurs les membres du Conseil municipal de Saint-Amand.

72 Messieurs,

73 Informé que vous êtes sur le point de vous réunir pour délibérer sur les mesures à prendre au sujet du testament de ma sœur, je crois devoir vous exprimer avec franchise et sans arrière-pensée mes sentiments et dispositions à cet égard. Dans une affaire où je ne réclame que justice et loyauté, je ne puis manquer de trouver bienveillance et appui parmi vous.

74 Pour être à même d'apprécier à sa juste valeur l'acte, qualifié testament, écrit par ma sœur dans la dernière période de la longue et cruelle maladie qui l'a enlevée, il importe d'abord de bien connaître quelle était ma position auprès d'elle, ce que j'avais sacrifié pour l'y fixer, et la manière dont nous avons été ensemble pendant vingt-cinq ans de vie commune.

75 Ma sœur avait quelques années de plus que moi, elle m'avait tenu sur les fonts à mon entrée dans la vie ; elle m'avait en quelque sorte élevé ; et depuis notre jeune âge, nous ne nous étions plus trouvés que deux, de huit enfants que notre mère avait mis au monde. Tant de motifs d'intimité avaient naturellement établi et développé entre nous la sympathie la plus vive, l'affection la plus profonde.

76 Lorsque, il y a vingt-cinq ans environ, ma sœur prit la résolution de venir habiter St Amand, sa première pensée, son premier besoin fut de l'appeler auprès d'elle. Les lettres affectueuses et pressantes qu'elle m'écrivit ne me laissèrent pas longtemps en suspens, et je vins la joindre peu de mois après son arrivée en cette ville.

77 Et cependant, Messieurs, permettez-moi de le rappeler, j'étais alors lancé dans une carrière honorable que je commençais à parcourir avec quelque distinction. Entré au service en 1804, comme enrôlé volontaire, j'étais parvenu en 1811, à la suite de quatre blessures reçues sur les champs de bataille au grade de capitaine d'État-Major, aide de camp, avec les décorations de deux ordres. J'avais vingt-cinq ans, un brillant avenir était devant moi, frère d'armes des Marbot, Briqueville, Oudinot, Jourdan, tous aujourd'hui colonels ou lieutenants-généraux. Je quittai tout ; je brisai mon épée et me dévouai tout entier à mon attachement pour ma sœur, mes ressources personnelles se réduisaient ainsi à rien. Je n’apportais de ma carrière militaire, si brusquement interrompue, qu'une chétive pension de six cents francs. Mais comment aurais-je pu m'en inquiéter ? Si, d'après le cours de la nature, ma sœur devait me précéder dans la tombe, n'étais-je pas seul appelé par la loi à recueillir sa succession ? Et lorsque, dans le monde, on ne se décide que péniblement et pour de graves motifs, à repousser de sa succession ceux à qui la nature et la loi y donnent des droits, pouvais-je ne pas trouver à cet égard une garantie complète auprès de ma sœur, dans notre affection mutuelle et le sacrifice généreux que je faisais pour elle ? Je promis donc à ma sœur de lui consacrer ma vie, et de ne jamais songer à contracter de liens, qui m'auraient détourné de la tâche que mon cœur s'était volontiers imposée.

78 Depuis, bien des années se sont écoulées. Je n'ai jamais eu sujet de regretter son dévouement. Nos relations de tous les instants du jour ont constamment été aussi douces, aussi affectueuses. Nous avons vieilli ensemble dans une harmonie parfaite, et une intimité que le temps semblait rendre encore plus étroite et plus nécessaire à tous deux.

79 La maladie à laquelle ma sœur a succombé, dont le principe remontait à plusieurs années, et qui affectait spécialement son organisation nerveuse, a altéré par degré, de plus en plus profondément, sa manière d'être, de penser et de sentir, ses goûts, ses préférences.

80 Telle a été, Messieurs (et plusieurs d'entre vous, j'en ai l'assurance, l'attesteraient au besoin) ma position auprès de ma sœur jusque dans les derniers temps de sa vie, jusqu'à cette époque de douloureuse mémoire, où les progrès du mal qui devait bientôt l'enlever sont venus bouleverser son caractère, jeter le désordre dans son habitude et son affection, et la rendre accessible à des préventions et des influences qui ont été habilement exploitées contre moi. Ce fait a pu être apprécié par tous ceux qui avaient quelque relation avec elle. Chaque jour plus inquiète et plus chagrine à mesure qu'elle se sentait dépérir, tantôt se soulevant contre les prescriptions salutaires de son médecin, et y opposant les résolutions les plus bizarres et les plus funestes, tantôt prenant en défiance ses anciens amis, elle était devenue dans les derniers mois d'une extrême irritabilité. Elle remplaçait son domestique sans motif, s'emportait contre tout le monde et à tous propos ; trouvait dans les soins les plus prévenants des sujets continuels de contrariété.

81 Ah ! Pardonne pauvre sœur, ces détails déchirants pour mon cœur, mais qui rendrait ta mémoire responsable de ce que la violence de la maladie t'a fait faire ? Quel autre sentiment peut inspirer le récit de ces détails qu'une douce pitié pour toi, comme ils ne m'inspiraient que la plus tendre, la plus affectueuse compassion ?

82 Oui, j'en ai la conviction, du séjour de Paix où tu reposes maintenant, si tu peux assister aux choses d'ici-bas, tu applaudis aux efforts de ton frère, de ton vieil ami, pour expliquer et écarter un acte échappé au délire de ta maladie et cintre lequel se réunissent pour protester l'honneur de ton frère, son dévouement pour toi, et les affections de toute ta vie.

83 J'étais nécessairement, Messieurs, celui qui avait le plus à souffrir de cette situation d'esprit de ma sœur, presque toujours à son chevet, la nuit comme le jour, ce qui m'était le plus pénible, c’était de suivre pas-à-pas les progrès effrayants du mal, et de voir la mort s'avancer rapidement sur elle. En juillet dernier, ma sœur voulut aller prendre des bains de mer, je l'accompagnai et sa faiblesse était telle que je dus la soutenir sur mes bras pendant toute la route. De Dunkerque nous allâmes à Boulogne, ma sœur sans cesse en proie à sa maladie voulait la fuir, et la retrouvait partout plus douloureuse et plus menaçante.

84 Nous revînmes à Saint-Amand. L'état de ma sœur ne laissait plus aucun espoir de mieux. Une sorte de surexcitation nerveuse, dans laquelle s'était concentrée ce qui lui restait de force et de vie, la soutenait seule, et devait encore la soutenir comme par enchantement durant tout un mois. À cette époque, une Dame recommandable et pieuse chercha inutilement à préparer auprès de ma sœur l'introduction d'un prêtre. Cette pensée effraya la malade comme l'annonce d'une mort prochaine, et on n'osa plus en parler.

85 Ce fut alors que je reçus la visite d'une personne que je ne nommerai pas, et sur le compte de laquelle je m'étendrais le moins possible quant à présent, parce que son caractère et sa position sociale seront toujours pour moi, aussi longtemps que la force des choses et le besoin de ma défense me le permettent, un titre aux égards et au respect. Cette personne désirait être introduite auprès de ma sœur ; elle me serrait la main dans les siennes, m'assurant de son intérêt et de sa bienveillance. Aucun soupçon ne put me venir à l'esprit sur la sincérité des dispositions qu'elle m'exprimait. Je me livrai sans défiance, et lui promis mon entremise. Deux jours après, et par mes soins, cette personne était reçue par ma sœur. Depuis, et pendant les vingt-cinq jours que dura encore la maladie, cette personne fut introduite et laissé, aussi souvent et aussi longtemps qu'elle en témoigna le désir, en tête à tête avec ma sœur.

86 Je jette un voile sur ce qui se passa dans ces longues et fréquentes visites ; je ne parle pas des nouvelles protestations d'intérêt qui me furent prodiguées, et j'arrive au dénouement.

87 Ma sœur venait de s'éteindre, après un reste de vie tout artificiel de plus de trois semaines, durant lesquelles chaque jour semblait devoir être le dernier. J'apprends qu'il existe un testament qui vient d'être déposé chez un notaire de cette ville [66]. Bientôt on m'en communique la teneur, que je lis et relis plusieurs fois avant d'y croire, avant de me croire moi-même éveillé.

88 Ma sœur, Messieurs, par ce testament, auquel on a cru devoir donner la date de Boulogne, me repousse de sa succession ; elle m'en repousse ignominieusement.

89 Si elle me jette un morceau de pain, il ne me sera permis de le ramasser sans subir une humiliation cent fois pire que la faim… quoi donc ! Je rougis d'y penser, moi, qui ai porté l'épaulette avec distinction sur les champs de bataille, légionnaire, aide de camp, moi, qui ai l'honneur en 1830 d'être élu par mes concitoyens leur commandant, je serais placé sous la surveillance, et ne pourrais plus désormais manger du pain sans produire quatre fois l'an un certificat de bonne conduite ! Et c'est ma sœur que j'ai tant aimée, à qui j'ai tout sacrifié, qui m'a donné à tous les instants de sa vie tant de témoignages d'estime et de tendresse, qui imprimerait sur mon front le sceau d'une pareille infamie ! Ah ! Cela n'est pas ; cela ne peut être, son cœur n'ayant été pour rien. D'ailleurs, une pareille disposition porte avec elle le cachet de sa date, de son origine et de l'influence dont elle a été le produit.

90 Vient ensuite le don de toute sa fortune à la Ville de St Amand.

91 Voilà, Messieurs, l'acte qui m'est présenté comme le testament de ma sœur. Voilà dans quelles circonstances la ville est appelée à une succession à laquelle j'ai des droits si anciens, si naturels, si sacrés Maintenant que vous connaissez la vérité, dites-moi quel est le père de famille, quel est l'homme d'honneur et de conscience, quel est celui d'entre vous qu'engagerait la ville de Saint-Amand à s'enrichir de pareilles dépouilles ! Est-il un de vous, Messieurs, qui voulût personnellement profiter d'une telle institution ? Et la fortune d'une ville ne doit-elle pas s'administrer, aussi bien que celle d'un citoyen, dans des principes de probité, de loyauté et d'honneur ? Votre conscience à tous, Messieurs, est donc pour moi un premier boulevard qui me garantit contre l'exécution du testament qui me déshérite.

92 Qu'ai-je besoin après cela de porter lus loin mes vues ? Qu'ai-je besoin de devoir dire que les institutions de cette nature ne peuvent recevoir leur exécution qu'à la condition de l'autorisation préalable du gouvernement ? Que ce droit d'autorisation ou de refus est remis par la loi à la discrétion souveraine du gouvernement, qui l'exerce dans un esprit de haute moralité, que mes anciens frères d'armes ne me refuseraient pas leur appui ; que la vérité parviendrait jusqu'au Trône, et que le Roi ne consacrerait pas l'iniquité, et ne signerait jamais la ruine et le déshonneur d'un des vieux serviteurs du Pays ? La résistance du gouvernement serait, j'espère ici sans objet, il n'aura pas à refuser une autorisation que la ville ne voudra pas lui demander.

93 Mais il existe un codicille, preuve profondément machiavélique, rédigée à loisir, apportée sous le manteau, et dictée à ma sœur dans un style, qui heureusement pour sa mémoire, ne peut pas être l'expression de la pensée d'une femme, et trahit encore sa fausse origine. Par ce codicille, prévoyant le cas où le testament monstrueux que vous connaissez, ne puisse pas s'exécuter, pour quelque cause ce que ce soit, ma sœur institue pour son légataire universel, un honorable juge de paix de cette ville, qui, depuis vingt ans n'avait plus mis le pied chez elle, et avec qui elle avait cessé absolument depuis cette époque toute espèce de relations directes ou indirectes. Le but de cette disposition est bien évident ; la fortune de ma sœur y devient, dans le cas prévu, l'objet d'un fidéicommis remis à la haute probité du magistrat désigné, qui fera lui-même directement ce qui n'aura pas pu se réaliser à solliciter moi-même auprès du gouvernement l'exécution de l'acte qui, tout en me déshéritant, me jette un morceau de pain, et en dehors duquel je ne suis plus même nommé. Par-là, on veut encore forcer la main au gouvernement et gêner son libre arbitre d'acceptation ou de refus, en lui présentant la sanction du testament qui me dépouille, et qui doit exciter ses répugnances en ma faveur, comme le seul moyen de prévenir une spoliation encore plus absolue.

94 En droit, une pareille disposition est nulle, j'en ai l'assurance dans l'avis de plusieurs jurisconsultes. Elle tomberait facilement devant l'examen des tribunaux, était comme tentante à faire indirectement ce qui ne serait pas autorisé directement, fait comme entravant la liberté du gouvernement dans l'appréciation des motifs d'acceptation ou de refus, liberté qui est d'ordre public. Mais, en fait, a-t-on bien réfléchi, lorsque, maître de l'esprit de ma sœur, on lui a dicté ce codicille, à la première difficulté d'exécution qu'il rencontrerait dans le choix de la personne honorable qu'on chargeait de la poursuivre ? Quoi ! C'est un magistrat éclairé, avant tout soumis à la loi, dont il est un des organes, qui consentira, dans un acte aussi solennel, à jouer le rôle de prête-nom pour aider à éluder la loi, à tromper ses prohibitions, à faire ce que le Roi, dans sa haute sagesse, aura refusé de sanctionner ! C'est un homme de conscience et de scrupuleuse moralité, qui consentira à être l'instrument de l'iniquité et de la spoliation ! Non, non ; on a mal apprécié celui sur qui on comptait pour assurer la consommation de ma ruine. L'honorable magistrat désigné dans le codicille, loin d'accepter le mandat dont on a voulu l'affubler, ne verra dans cette désignation, j'en ai l'espoir, qu'un motif pour m'accorder sa bienveillance et sa protection, et pour m'aider, s'il en était besoin, à défendre les droits que la nature et la loi me donnent à la succession de ma sœur.

95 Ainsi donc, Messieurs, le codicille, pas plus que le testament, présentés comme actes de dernières volontés de ma sœur, et qui seraient un démenti solennel jeté à toute sa vie, en même temps qu'une amère dérision à mon dévouement, ne peuvent recevoir d'opération.

96 Mais il me reste, je le sens, un devoir à remplir. Ce devoir, je saurai le comprendre, et me placer à sa hauteur. À travers les formes si acerbes des dispositions que vous connaissez, je démêle une idée religieuse qui a pu sourire à ma sœur, et que, peut-être, livrée à elle-même, et dans le calme de son esprit et de son cœur, elle eût voulu réaliser et concilier avec les droits de son frère. Cette idée, je la respecte et l'accepte. Elle a pu désirer que sa mémoire fût perpétuée par un legs pieux : eh bien que ce vœu soit accompli, que sa fortune soit partagée par moitié entre la ville de St Amand et moi. Seulement, que je puisse prélever la maison d'habitation qui m'était depuis vingt-cinq ans commune avec ma sœur, maison que j'ai bâtie, que j'ai fait ce qu'elle est, où sont mes habitudes et mes souvenirs les plus chers, et qui me fixe pour le reste de mes jours dans cette ville, où j'ai le bonheur de compter de bons et anciens amis.

97 Telle est, Messieurs, la proposition que je viens vous faire, sans crainte comme sans regret, avec franchise et loyauté. Si vous l'acceptez, vous assurerez aux hospices de la ville que vous administrez, la jouissance immédiate d'un capital qui en augmentera sensiblement les ressources, vous réhabiliterez la mémoire de ma sœur, et vous aurez la conscience d'avoir fait une bonne action.

98 Veuillez agréer, Messieurs, l'expression des sentiments respectueux de votre très humble et obéissant serviteur, Renique.

99 Saint-Amand le 9 novembre 1836.

Annexe 3. Liste des propriétaires du presbytère de Bagneux

22 ventôse an VI (12 mars 1798)M. Charles Charpentier
7 brumaire an IX (29 octobre 1800)M. Jean-Marie Maupetit Rigault et sa femme, Mme Marie Antoinette Chandellier
15 prairial an XII (4 juin 1804)Général Samson [Sanson].
10 fructidor an XIII (28 août 1805)Maréchal Pierre Augereau
29 août 1808Mme Eugénie Renique
29 novembre 1816Abbé Louis Filastre
4 février 1823M. Humanité Philastre, artiste
23 septembre 1845MM Hirth et Chrétien
Date non préciséeM. Fortin Bootz
1898M. Gaston Girandier, petit-fils de Bootz

Annexe 4. Ascendance de Marie Chandellier

figure im4

Notes

  • [1]
    Selon la déclaration d'Eugène Renique du 9 novembre 1836 (cf Infra), « depuis notre jeune âge, nous ne nous étions plus trouvés que deux, de huit enfants que notre mère avait mis au monde. » (Archives départementales du Nord, 1 Z 556F8/3). Le registre paroissial de Saint-Georges de Cambray porte la trace de la naissance d'Antoine Renique, né le 4 mars 1798, et d'Alexandre-Louis Renique, né le 29 juillet 1790. Sans indication de décès.
  • [2]
    La date de décès d'Ignace Michel Renique, père d'Eugénie, n'a pu être établie.
  • [3]
    Seules archives théâtrales consultables.
  • [4]
    Archives consultées à la Bibliothèque-Musée de l'Opéra de Paris : PE-21, PE-22. Archives consultées aux Archives nationales : AJ/13/63-69, AJ/13/54.
  • [5]
    [Lettre du 21 août 1806, écrite à Scigliano] parue dans Mémoires, correspondance et opuscules inédits de Paul-Louis Couturier, Paris, A. Sautelet, 1828, Tome premier, p. 137.
  • [6]
    Campagnes du capitaine Marcel, 1808-1814, Paris, Plon-Nourrit, 1913, p. 11.
  • [7]
    Mémoires du général baron Thiébault, 1806-1813. Paris, Plon, Nourrit, 1896. Tome IV, p. 475.
  • [8]
    Aucune source, à ma connaissance, n'évoque la présence d'Eugénie lors de cette campagne. Seul A. Augustin-Thierry, Masséna, Paris, Albin-Michel, 1947, p. 257 ironise sur une « Mme Leberton [qui] suit à petites journées ».
  • [9]
    Pour la carrière militaire de Leberton, se référer à Quintin, Bernard et Daniele, Dictionnaire des colonels, Paris, Kronos, 2013. Ses lettres patentes de chevalier ont été mises en vente par Osenat, le 15 novembre 2014, lot 133.
  • [10]
    Mémoires du général Griois, 1792-1822, Paris, Plon-Nourrit, 1909, Tome premier, p. 332-333.
  • [11]
    (SHD, GR 2 Ye 3477), en cours de classement en 2014, mais retranscrit dans l'article de Chuquet, « Une maîtresse de Masséna », Feuilles d'histoire, 1er semestre 1909, p. 335-338.
  • [12]
    Leberton se maria tout à fait officiellement par deux fois : Jacques-Denis-Louis Leberton (24 août 1754 – 19 juillet 1846) marié à Agathe-Marie-Victoire Venevault, puis à Agathe-Louise Bouvery (Révérend, A., Armorial du Premier Empire, Paris, H. Champion, 1974, p. 66).
  • [13]
    Mémoires du général Griois, 1792-1822, Paris, Plon-Nourrit, 1909, Tome premier, p. 332-333.
  • [14]
    Mémoires de la duchesse d'Abrantès, Paris, Mame-Delaunay, 1834, Tome treizième, p. 63-68.
  • [15]
    Concubinage, union illégitime et passagère. La détrempe est une couleur délayée à l’eau.
  • [16]
    Mémoires du général marquis d'Hautpoul, Paris, Perrin, 1906. p. 53.
  • [17]
    Mémoires du général baron de Marbot, Paris, Plon, Nourrit, 1891, Tome II, p. 333.
  • [18]
    Marbot, op. cit., t. III, p. 435.
  • [19]
    Marbot, op. cit., t. III, p. 381-382.
  • [20]
    Feu le Duc de Broglie [Achille Charles Léonce], Souvenirs, 1785-1870, Paris, Calmann-Lévy, 1886, Tome I, p. 150.
  • [21]
    La longue lettre d'Eugène Renique est datée du 9 novembre 1836. Il explique, entre autres, les conditions de sa venue à St Amand, précisant « Les lettres affectueuses et pressantes qu'elle m'écrivit ne me laissèrent pas longtemps en suspens, et je vins la joindre peu de mois après son arrivée en cette ville. » (Archives départementales du Nord, 1 Z5568/3).
  • [22]
    Le recensement de 1811 précise que Louise Goffart et Catherine Goffart tenaient un débit de tabac (Archives départementales du Nord, E Dépôt 346, ancien J 1796).
  • [23]
    SHD 2 Yb 932.
  • [24]
    Marbot, op. cit., t. II, p. 341.
  • [25]
    Une partie ou la totalité de ces livres fut offerte en 1882 à l'orphelinat Renique par mademoiselle Pillion, en mémoire de son oncle Eugène Renique dont elle était la légataire.
  • [26]
    Les terres furent acquises plus exactement à Bousignies, Bruille-Saint-Amand, Chateau l'Abbaye, Lecelles, Millonfosse, Nivelles, Rumégies dans le Hainaut belge (Hollain) voisin. Procès-verbal d'estimation des immeubles délaissés par la Dame Eugénie Renique Delatour (Archives départementales du Nord, (1 Z 5568/3).
  • [27]
    Pierre Mollier, L'État-Major maçonnique de Napoléon, Paris, A l'Orient, 2009, p. 205-6.
  • [28]
    Le testament est retranscrit en infra.
  • [29]
    Eugénie Renique apparaît également et furtivement dans le film portugais de Valeria Sarmiento, tourné en 2012, Les lignes de Wellington, sous les traits de Chiara Maistroianni. Froide et intrigante, habillée en homme, elle n’inspire guère la sympathie, mais il est vrai qu’elle appartient au camp des envahisseurs.
  • [30]
    Prêtre et docteur en Sorbonne, François de Chabannes de Rhodes en finança une grande partie sur ses deniers personnels. Il voulut pour sa demeure des matériaux de qualité et prit soin de la décoration (la très belle cheminée du salon principal, les boiseries et l'escalier sont inscrits à l'Inventaire des Monuments historiques depuis 1990).
  • [31]
    Le recensement de 1806 fait état de 638 habitants.
  • [32]
    - Nicolas Antoine Sanson), trente ans de carrière militaire, dix-huit campagnes (dont l’Égypte et la Russie où il fut fait prisonnier), dix-sept sièges. Il fut directeur du Dépôt général de la Guerre de mai 1802 à 1812.
  • [33]
    Dates exactes d’achats et de ventes. 22 ventôse an VI (12 mars 1798) : achat de la maison par Charles Charpentier. 7 brumaire an IX (29 octobre 1800) : achat par Jean-Marie Maupetit Rigault et sa femme Marie Antoinette Chandellier. 15 prairial an XII (4 juin 1804) : achat par le général Samson [Sanson]. 10 fructidor an XIII (28 août 1805) : achat par le maréchal Pierre Augereau. (Archives départementales des Hauts-de-Seine, DQ 16/7271, vol. 202, n° 9433).
  • [34]
    Thérèse Figueur, « autre amazone » de l'armée, cite dans ses mémoires les habitudes hors mariage d'Augereau : « Il avait la réputation de ne pas observer scrupuleusement le serment de fidélité à sa femme. L'aide de camp de service à l'hôtel voyait chaque matin quelques nouvelles solliciteuses au visage à demi voilé, à la démarche embarrassée, se présenter dans le salon d'attente et demander à être introduite auprès de M. le maréchal à qui elle avait, disait-elle, une pétition à faire apostiller. » (Les campagnes de Mademoiselle Thérèse Figueur…, Paris, Dauvin et Fontaine, 1842).
  • [35]
    Archives départementales des Hauts-de-Seine. Transcription des actes de mutation (4Q3/41)
  • [36]
    À l'abbé Louis Filastre succéda Humanité Philastre, artiste, qui acheta la demeure le 4 février 1823. Il la céda le 23 septembre 1845 à MM Hirth et Chrétien, qui la vendirent ensuite à M. Fortin Bootz qui procéda aux travaux d’agrandissement en édifiant l’aile en terrasse. Son petit-fils, M. Gaston Girandier, maître carrier, était encore propriétaire en 1898. Il modifia la façade sur jardin et y installa des vestiges provenant des ruines des Tuileries. Ces éléments architecturaux monumentaux sont toujours en place dans le jardin. (La majeure partie de ces informations proviennent de : Eugène Toulouze, Histoire d'un village ignoré, 1898, p. 201-202).
  • [37]
    La demeure est revenue dans le giron du diocèse de Nanterre, qui en est l’actuel propriétaire.
  • [38]
    Ces informations sur l’inconvenance du cabinet de toilette jouxtant la façade de l’église sont rapportées par Eugène Toulouze dans Histoire d’un village ignoré (Balneolum), Paris, Paul Schmidt, 1898.
  • [39]
    Archives départementales du Nord, Registre de talons de passeport, J1438/I35.
  • [40]
    François Houdecek
  • [41]
    La succession des acquéreurs est issue des Archives départementales des Hauts-de-Seine, Administration de l’Enregistrement et des Domaines, Hypothèques, Registre de formalité (DQ16/7271, vol. 202, n° 9433).
  • [42]
    Contrat de mariage entre Pierre-Charles Chandellier et Louise Victoire Germeau, signé le 5 mai 1774 (https://www.geneanet.org/archives/actes/view?idacte=1234148&p=1) Le frère aîné Chandellier se prénommait Jean François, époux de Catherine Louise Germeau.
  • [43]
    Données Généanet : Toussaint Antoine Germeau ( ? – 1796), fils de Simon Germeau, marchand de bois à Seraing, près de Liège et de Bernardine Des Mary, signa son contrat de mariage le 7 mai 1752 avec Catherine Gogois qui mourut en 1757, certainement en couches. Ils eurent quatre enfants, Catherine en 1753, Louise Victoire en 1754, Jean-Baptiste en 1756 et Marie Adélaïde en 1757. Catherine Gogois était la fille de Nicolas Gogois (1700-1767) marchand de vins à Paris et de Catherine Baricave (1707-1757).
  • [44]
    Bonneville de Margany, Louis, Mme Campan à Écouen. Étude historique et biographique, Paris, H. Champion, 1879, p. 8.
  • [45]
    Minutes des Notaires, Archives nationales : MC/RE/XLIX/29.
  • [46]
    Institués par la loi des 22 décembre 1789 – 8 janvier 1790, les procureurs-syndics, élus par les citoyens, un par département, assuraient le lien entre le pouvoir exécutif et les administrations locales. Ils furent remplacés en 1795 par les commissaires du pouvoir exécutif.
  • [47]
    - Du 1er avril 1789 au 27 juillet 1789 : Secrétaire des Archives du Gouvernement de Paris.
    - De juillet 1789 au 1er avril 1790 : Représentant de la Commune de Paris. Du 12 septembre 1790 au 1er frimaire an II (21 novembre 1793) : Secrétaire général puis Procureur syndic du district de Beauvais.
    - Du 1er frimaire an II au 16 brumaire an XII (8 novembre 1803) : il termina Secrétaire général du Dépôt de la Guerre. (Archives SHD, 5YG 2892).
  • [48]
    Listes électorales, 1799, Élections de l’an VII, https://www.geneanet.org/registres/view/36866/2?individu_filter=16472756
  • [49]
    État militaire de la République française, pour l’an X [1801], p. 14
  • [50]
    - Du 1er vendémiaire an XIV (23 septembre 1805) au 8 juillet 1809 : Inspecteur du Service des Fourrages à la Grande Armée.
    - Du 8 juillet 1809 au 1er janvier 1810 : Directeur du même service à la Grande Armée.
  • [51]
    - Du 1er janvier 1810 au 1er juin 1811 : Passé dans son grade avec le 8e corps à l’armée de Portugal.
    - Du 1er juin 1811 au 21 juin 1813 : Directeur de comptabilité des Fourrages à la même Armée.
    - Du 21 juin 1813 au 1er janvier 1814 : Prisonnier de guerre.
    - Du 1er janvier 1814 au 1er juin 1814 : Rentré en France et employé à l’Armée du Midi.
    - Puis, licencié par mesure générale. (Archives SHD, 5YG 2892).
  • [52]
    Vidal de La Blache, Paul, L’évacuation de l’Espagne et l’invasion dans le Midi, Cresse, PRNG Éditions, 2019, p. 5, 7, 23, 584.
  • [53]
    - Du 13 avril 1815 au 16 août 1815 : Directeur des Vivres à l’armée du Nord.
    - Du 16 juin 1817 au 31 décembre 1817 : Chef de comptabilité des Vivres, pour la Régie des subsistances militaires près l’armée anglaise d’occupation.
    - Du 15 février 1816 au 15 juin 1817 : Agent principal des Vivres pain, pour l’Entreprise Leleu, puis l’armée anglaise d’occupation.
    - Du 1er janvier 1818 au 1er avril 1818 : Chef de comptabilité des Vivres pour la Direction des Subsistances près l’armée anglaise d’occupation.
    - Du 1er avril 1818 au 1er juin 1822 : Vérificateur 1re classe du Service des Vivres pour la Direction générale. (Archives SHD, 5YG 2892).
  • [54]
    Minutes des Notaires, Archives nationales : MC/RE/CV/37.
  • [55]
    Entré en 1810 à vingt ans au ministère de la Justice, il est nommé huit plus tard, le 20 décembre 1818 chef de la division du secrétariat et chevalier de la Légion d’honneur. À la seconde Restauration, il est muté dans la préfectorale, étant successivement sous-préfet à Douai (1831-1835), préfet de la Haute-Vienne (un petit mois, juillet 1835), sous-préfet de l’Oise (20 octobre 1838 – 8 août 1839), de la Moselle (1839-1848). Il meurt le 5 août 1867 à son domicile 79, rue de Clichy. (Éléments biographiques extraits de : Dumas, Alexandre, Les romans de la Renaissance, édition établie par Claude Schapp, Paris, R. Laffont, 2012 (Bouquin)).
  • [56]
    Étienne-Denis Pasquier (1767-1862), conseiller au Parlement de Paris comme son père et son grand-père, fit une brillante carrière sous l’Empire : préfet de police, ministre de la Justice, des Affaires Étrangères. Puis il passa sans encombre sous la Restauration où il devient président de la Chambre des Pairs et termina Chancelier de France de 1837 jusqu’en 1848.
  • [57]
    [Germeau, Albert], La réforme de 1560, ou Le tumulte d’Amboise, Paris, Levavasseur et Canel, 1827. La première publication en 1827 était anonyme, la seconde en 1829 indiqua l’identité de l’auteur, Germeau, mais avec le prénom « littéraire » Albert.
  • [58]
    L'évènement auquel E. Renique fait allusion n'a pu être identifié.
  • [59]
    Le règlement de la succession mentionne le montant de 600 francs pour l’édification d’un cénotaphe.
  • [60]
    Ange Sterlin-Dubois, maire de 1832 à 1848, fabricant de savon et raffineur de sel.
  • [61]
    Séraphin Louis Joseph Waché, notaire, (1789- 1er décembre 1836)
  • [62]
    Séraphin Armand François Waché (1760-1857), maire de Saint-Amand-les-Eaux de 1801 à 1808, avocat, juge de paix, et père du notaire Séraphin Louis Joseph Waché.
  • [63]
    Pierre Joseph Louis Hédon, huissier, âgé de 37 ans en 1836. Son nom figure sur l'acte de décès d'Eugénie
  • [64]
    Messe célébrée pour le repos de l’âme du défunt, le jour anniversaire de sa mort.
  • [65]
    Une maison et un pré à Saint-Amand. Précision apportée par le procès-verbal d'estimation des immeubles délaissés par la Dame Eugénie Renique Delatour (Archives départementales du Nord, (1 Z 5568/3).
  • [66]
    Le testament fut déposé par Séraphin Louis Joseph Waché, notaire et par Pierre Joseph Héron, huissier. (Extrait de l'Inventaire après-décès établi par M° Horrie, à St Amand) (Archives départementales du Nord, 1 Z 5568/3).
Français

Menée en 2014, une première enquête sur Marie Anne Eugénie Renique (24 avril 1780 – 31 août 1836) avait permis de lever le voile sur celle qui fut la maîtresse et la compagne du maréchal André Masséna durant une décade ou une demi-décade (1801 ou 1806-1811). Disposant d’éléments supplémentaires, l'auteure souhaite par cette deuxième version mettre à jour le récit de la vie de celle qui fut appelée tour à tour Mme X, Henriette Leberton, Henriette Renique, et, attribuer une identité au portrait peint sur les boiseries de ce que l'on nomme le Boudoir Masséna dans l'ancien presbytère de Bagneux (Hauts-de-Seine). Contrairement à l’idée reçue, la jeune femme qui orne un des panneaux n’est pas la compagne du maréchal mais Marie Chandellier, propriétaire du lieu de 1800 à 1804.

Chantal Prévot
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Mis en ligne sur Cairn.info le 04/07/2022
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