CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1

2 L’année 2021 donne l’occasion de commémorer à la fois le bicentenaire de la mort de Napoléon mais aussi celui de la création de l’École des chartes, établie par l’ordonnance du 22 février 1821 [1]. À cet égard, le projet de création d’une école spéciale de géographie et d’histoire, conçu en avril 1807 par Napoléon et exposé en détail dans une lettre [2] au ministre de l’Intérieur, Jean-François de Nompère de Champagny, permet de mettre en perspective l’originalité de la pensée impériale et la continuité entre les deux projets, distants de quatorze années. Cette communication présentera successivement les conditions de l’enseignement de l’histoire en France en 1807, le contexte et le contenu du mémoire de Napoléon, les rapprochements enfin entre le projet inabouti de 1807 et celui, réalisé, de 1821.

L’enseignement de l’histoire en 1807

3 L’enseignement de l’histoire sous l’Ancien Régime se distingue à bien des égards de l’enseignement moderne, établi pour l’essentiel au XIXe siècle et que nous connaissons encore aujourd’hui : dispensé en grande partie dans quelques centaines de collèges à travers le royaume, c’est un enseignement faiblement contrôlé par l’État [3], hétérogène dans ses déclinaisons locales [4], à visée très moralisante et pas complètement autonome de l’enseignement des lettres [5].

4 L’histoire est toutefois une discipline qui peut s’appuyer sur des bases scientifiques fermement établies depuis le XVIIe siècle : fondée en 1618 par Louis XIII et installée à l’abbaye de Saint-Germain des-Prés, la congrégation des Bénédictins de Saint-Maur a placé l’érudition au premier plan de son activité et produit de nombreuses œuvres historiques d’un haut niveau scientifique [6].

5 La Révolution française fait évoluer en profondeur le système éducatif : la constitution du 3 septembre 1791 inscrit le principe d’« une instruction publique, commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensables pour tous les hommes et dont les établissements seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division du royaume ». Dès l’automne 1791, le Comité d’instruction publique où s’impose rapidement Condorcet [7], engage de nombreux travaux qui aboutissent en avril 1792 à un rapport et un projet de décret sur l’organisation de l’instruction publique. Le projet prévoit « un professeur de géographie et d’histoire philosophique des peuples » dans chaque école secondaire ainsi qu’« un professeur de chronologie, géographie, histoire politique et philosophique des différens peuples » par lycée (qui s’apparente dans le projet de Condorcet à nos universités) [8]. Les conditions générales, notamment la guerre contre l’Autriche engagée par la France, et les difficultés matérielles de mise en œuvre du projet conduisent toutefois rapidement à son abandon.

6 Une deuxième étape importante est la création des Écoles centrales par le décret du 25 février 1795, modifié par la loi Daunou du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), à raison d’une école par département, afin de remplacer les collèges d’Ancien Régime, affaiblis par l’interdiction des congrégations religieuses dès 1792. Chaque école doit disposer d’une bibliothèque, d’un cabinet d’histoire naturelle, d’un jardin et d’un cabinet de sciences expérimentales (laboratoire). L’enseignement est divisé en trois sections, par âge. Il est prévu qu’« Il y aura en troisième section : c) un professeur d’histoire. (…) Les élèves ne seront admis au cours de la troisième section qu’à l’âge de seize ans minimum. » Au moment de leur remplacement par les lycées en 1802, environ une centaine d’écoles sont en activités dont 3 à Paris (Panthéon, 4-Nations, Charlemagne).

7 La « Lettre circulaire aux professeurs d’histoire des écoles centrales. » [9] constitue une troisième étape dans la structuration de l’enseignement de l’histoire : partie d’une série de six lettres circulaires rédigées par Antoine Destutt de Tracy [10] à la demande du ministre de l’Intérieur, François de Neufchâteau [11], qui s’inquiétait des retards dans la mise en place des enseignements des écoles centrales, ce document fixe un premier cadre à l’enseignement de l’histoire en lui définissant des objectifs [12] , une méthode, un périmètre, des recommandations d’ouvrages.

8 L’essor des écoles spéciales [13] est un autre élément important pour situer le projet napoléonien de 1807. Depuis le milieu du XVIIIe siècle, les ministères successifs ont favorisé l’essor d’établissements d’enseignement spécialisé capables de dispenser un apprentissage de haut niveau à des élèves de qualité et de suppléer un enseignement universitaire souvent insuffisant : après notamment l’École des Ponts et chaussées en 1747, l’École militaire en 1751, l’École vétérinaire de Maisons-Alfort en 1766 ou encore l’École des Mines en 1783, la Révolution française poursuit dans cette voie avec la création de l’École polytechnique en 1794, de l’École normale supérieure en 1795 et de l’École des langues orientales en 1797.

9 Élève de cet enseignement spécialisé à travers ses études au Collège de Brienne puis à l’École militaire, Napoléon a pu bénéficier des avantages d’un enseignement de l’histoire plus moderne que dans bien d’autres lieux mais souffrant encore malgré tout de bon nombre de limites. Lors de son affectation au régiment d’artillerie de La Fère, Napoléon occupe une part de son temps à commenter l’Histoire ancienne[14] de l’abbé Charles Rollin (1661-1741), historien, pédagogue de renom du premier XVIIIe siècle et auteur en 1726 d’un Traité des études[15] dans lequel il recommande d’accorder une large place à l’enseignement de l’histoire.

10 À titre personnel, Napoléon est un grand amateur d’histoire qu’il perçoit comme une source importante d’enseignement pratique mais aussi un vecteur de sa propre gloire. Lors de ses voyages, il se fait accompagner d’une bibliothèque portative. Deux projets plus ambitieux et très précis de bibliothèques de voyage seront commandés à son bibliothécaire personnel, Antoine-Alexandre Barbier [16], dans lesquels la place de l’histoire est prépondérante [17].

Le projet d’école spéciale de géographie et d’histoire (avril 1807) : contexte et contenu

11 À la fin de l’année 1806, conscient de la faiblesse des lettres en France, Napoléon demande à son ministre de l’Intérieur, Jean-François de Nompère de Champagny [18], des mesures propres à y remédier. Les propositions de Champagny sont déclinées dans cinq documents successifs adressés à l’Empereur [19] : un « Mémoire sur les causes de la décadence de la culture des lettres et les mesures pour y remédier », daté du 22 janvier 1807 [20] ; un « Supplément au rapport du 22 janvier sur la restauration de la littérature française » daté du 18 mars [21] ; enfin, trois mémoires complémentaires accompagnés de trois projets de décrets, datés du 2 avril.

12 Après être revenu sur les causes de cette situation, le premier mémoire rassemble une série de mesures un peu hétéroclite : création d’une charge d’historiographe et de poètes lauréats ; réalisation d’un tableau des ouvrages parus dans l’année et récompenses attribuées aux meilleurs d’entre eux ; encouragements divers accordés aux sociétés savantes ; continuation de l’Histoire littéraire de la France ; enfin, établissement d’une espèce de « nouveau Port-Royal ».

13 Pour sa part, le rapport du 18 mars propose d’établir au Collège de France « quatre nouvelles chaires d’histoire de France, d’éloquence française, de poésie française, d’histoire littéraire et critique ».

14 Enfin, les trois mémoires du 2 avril précisent, le premier, l’institution d’historiographes de l’Empire, de poètes césaréens, la continuation de l’Histoire littéraire de la France et la création de quatre nouvelles chaires au Collège de France ; le deuxième, l’organisation d’un Journal littéraire tenu par l’administration ; le troisième, le projet de création d’un « nouveau Port-Royal » : il s’agissait d’établir à quelque distance de Paris un établissement pouvant accueillir quarante pensionnaires, d’une part des savants et hommes de lettres de plus de 50 ans susceptibles d’œuvrer à toutes sortes de travaux scientifiques et littéraires, d’autre part, des jeunes gens qui pourraient à la fois aider les premiers dans leurs recherches et par là même se former.

15 Le 19 avril, Napoléon dicte deux longs mémoires [22] en réponse à ces propositions.

16 Le premier mémoire intitulé « Observations sur les rapports du ministre de l’Intérieur relatifs à l’encouragement des lettres » [23] repousse certaines mesures telles que la création d’historiographes ou de poètes officiels, jugées peu en phase avec les mœurs des Français [24], et en renvoie d’autres à la bonne application par le ministre et l’Institut de France de textes déjà existants.

17 Le second mémoire intitulé « Observations sur un projet d’établissement d’une école de littérature et d’histoire au Collège de France » [25] brosse un intéressant tableau de la vision chez Napoléon de l’enseignement en général et de l’enseignement de l’histoire en particulier.

18 Après avoir fait la distinction entre l’éducation, qui relève dans sa définition des premiers degrés de l’enseignement – écoles primaires, secondaires et lycées – et l’instruction, qui permet « d’acquérir la science dans toute sa profondeur », Napoléon marque son intérêt pour les écoles spéciales et la qualité de leur enseignement, citant Polytechnique, l’Observatoire, le « Musée d’Histoire naturelle », l’école de droit, l’école de médecine. Puis il sépare clairement la littérature, qui ne lui paraît pas relever de la science et donc d’une école spéciale, de la géographie et de l’histoire : « Tout ce qui n’est pas science ne peut former les attributions d’une école spéciale (…) il est difficile de comprendre ce qu’on entend par une école spéciale de littérature (…). Le talent de créer est dans la littérature comme dans la musique ou la peinture un don individuel (…). Mais il est dans la littérature d’autres branches qui peuvent jusqu’à un certain point donner lieu à l’établissement d’écoles spéciales, c’est la géographie et l’histoire ». Il évoque d’abord « la géographie (…) qui a « plusieurs des caractères qui constituent les sciences exactes » et propose l’établissement de « quatre chaires pour chacune des quatre parties du monde » puis « L’histoire [qui] peut par des considérations analogues être rapprochée des sciences pour lesquelles il serait utile d’avoir une école spéciale. La manière de lire l’histoire est à elle seule une véritable science ». Napoléon précise ensuite sa perception de l’enseignement de cette discipline : l’intérêt de la bibliographie d’abord, afin de pouvoir se diriger d’emblée vers les meilleurs ouvrages ; l’intérêt spécifique de l’histoire de la législation et de l’art militaire ensuite, très appréciées du législateur et du chef de guerre. Puis il dresse une liste de dix chaires à créer : « pour l’histoire romaine, pour l’histoire grecque, pour l’histoire du Bas-Empire, pour l’histoire ecclésiastique, pour l’histoire de l’Amérique, pour l’histoire de France, celles d’Angleterre, d’Allemagne, d’Italie et d’Espagne ».

19 Un paragraphe particulier est consacré à l’histoire contemporaine, jugée nécessaire par Napoléon : « Il est à cet égard une objection sans cesse représentée : c’est que l’histoire ne peut être écrite que longtemps après les faits, c’est que les contemporains ne sont pas de bons historiens. Cette opinion n’est pas la mienne. (…) Peu importe que l’historien soit plus ou moins éloigné des faits, s’il ne dit réellement que des faits. Il sera d’autant plus véridique que tous ses lecteurs étant contemporains peuvent être juges ».

20 Napoléon conclut ce mémoire sur trois points : « Une telle université pourrait être le Collège de France. » ; « Je désire ces institutions : elles ont été depuis longtemps l’objet de méditations, parce qu’ayant beaucoup travaillé, j’en ai personnellement senti le besoin. J’ai beaucoup étudié l’histoire et souvent faute de guide, j’ai été induit à perde un temps considérable dans des lectures inutiles » ; « pour avoir une véritable école spéciale de littérature, des cours d’histoire et de géographie dans toutes leurs parties, un tel établissement n’exigera pas moins de vingt à trente professeurs ».

21 Ce document est intéressant à plus d’un titre : il témoigne d’une vision du sujet murie par Napoléon, personnelle et ambitieuse. L’Empereur défend une vision très factuelle de l’histoire, assez originale pour l’époque, et très pratique, destinée avant tout à former des administrateurs et des hommes d’action. On peut tout de même s’interroger sur deux points : en souhaitant développer cet enseignement, Napoléon est-il si détaché qu’il semble vouloir le paraître du rayonnement de sa propre gloire ? Probablement pas et l’intérêt pour l’histoire contemporaine s’inscrit certainement dans cette approche. Enfin, Napoléon songe-t-il si réellement à mettre en œuvre ce projet ou ce mémoire est-il un exercice en partie rhétorique ? La conclusion du projet, « un tel établissement n’exigera pas moins de vingt à trente professeurs » pourrait laisser transparaître un certain doute sur sa faisabilité à un moment où les dépenses ne manquent pas.

22 Le positionnement de cette école auprès du Collège de France constitue un élément intéressant : le choix de ce rattachement peut s’expliquer d’une part par la réputation des chaires scientifiques du Collège de France [26], institution qui a su faire la preuve de sa compétence, traverser non sans difficulté ni remise en cause la Révolution française et dont Napoléon a pu apprécier la qualité lors de l’expédition d’Égypte, d’autre part par les réflexions contemporaines sur une évolution du Collège vers une école d’administration à visée pratique  [27].

23 Dans les mois suivants, Champagny et ses collaborateurs vont travailler le projet dans le sens commandé par Napoléon [28]. On constate cependant plusieurs changements par rapport au courrier de Napoléon d’avril 1807 [29] :

  • l’appellation « École spéciale de géographie et d’histoire » est retenue ;
  • la liste des chaires de géographie a évolué : les quatre chaires concernent désormais la géographie maritime, la géographie continentale de l’Europe, la géographie continentale de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique, la géographie commerciale et statistique ;
  • la liste des chaires d’histoire a également changé : histoire ancienne, romaine, disparition de la chaire spécifique du Bas-Empire remplacée par une chaire d’histoire du Moyen Âge, histoire de France, histoire ecclésiastique, disparition des cinq chaires d’histoire nationale hors la France remplacées par des chaires spécialisées en histoire moderne, histoire militaire, histoire de la législation, histoire littéraire et biographie ;
  • il est prévu que les chaires soient complétées sous trois ans, sur proposition de l’Institut.

25 Enfin, chaque chaire fait l’objet d’un bref descriptif dans un article spécifique du projet de décret.

26 Le projet resta cependant sans lendemain : la dernière mention qui en est faite remonte au 28 janvier 1808 lors d’un conseil d’administration du ministère de l’Intérieur [30]. Deux séries de raisons peuvent être avancées à cet abandon : d’une part, plusieurs protagonistes importants du projet ont quitté leurs fonctions au ministère de l’Intérieur à l’été 1807 et ne peuvent plus appuyer sa mise en œuvre (cf. infra) [31], d’autre part, la cause de l’Université impériale a progressé [32] et le projet d’École spéciale de géographie et d’histoire ne répond peut-être plus tout à fait au nouveau plan d’ensemble de l’enseignement supérieur que Napoléon décide de mettre en œuvre.

Une postérité : la création de l’École des chartes en février 1821

27 « Avec la création de l’Université impériale, l’histoire et la géographie adoptent un profil bas » écrit Philippe Marchand [33]. Effectivement le pouvoir impérial adopte après 1808, une attitude prudente et moins favorable face à un enseignement qu’il ne maîtrise pas toujours et qui peut parfois s’avérer contraire à ses visées [34].

28 Malgré la persistance de certaines préventions à l’égard de l’enseignement de l’histoire, La Restauration constitue un moment plus favorable et l’enseignement de l’histoire et de la géographie se structure pas à pas : Statut du 26 septembre 1814 qui définit un programme, des horaires et des lectures recommandées pour cet enseignement, arrêté du 15 mai 1818 qui précise le Statut et instaure des examens d’histoire et de géographie pour passer dans la classe supérieure, ainsi que des chaires spécifiques d’histoire et de géographie dans les Collèges royaux (Lycées) [35], développement de l’enseignement historique dans les facultés des lettres ou au Collège de France [36].

29 Si l’assassinat du duc de Berry entraîne le retour au pouvoir des Ultras et d’une certaine méfiance vis-à-vis de l’enseignement historique, « l’ordonnance du 22 février 1821 portant création d’une école des chartes » [37] s’inscrit dans ce mouvement d’ensemble. Proposée au roi par le comte Siméon, ministre de l’Intérieur [38], elle comprend seulement six articles :

  • le premier arrête à Paris la création d’une école des chartes dont les élèves recevront un traitement ;
  • le deuxième dispose que douze élèves de 20 à 25 ans y seront nommés par le ministre de l’Intérieur d’après une liste arrêtée par l’Académie des inscriptions et belles-lettres ;
  • le troisième fixe comme objectif à l’école l’apprentissage de la lecture des manuscrits et des dialectes du Moyen Âge ;
  • le quatrième confie la direction des études à deux professeurs choisis par le ministre, l’un parmi le dépôt des manuscrits de la bibliothèque royale, le second parmi le dépôt des archives du Royaume ;
  • le cinquième place professeurs et élèves sous l’autorité du conservateur des manuscrits de la bibliothèque royale et du garde du dépôt des archives du Royaume.

31 Il s’agit donc clairement d’un texte bien moins ambitieux que le projet impérial de 1807 : ne concernant qu’un petit groupe d’élèves et seulement deux professeurs, sans aucune mention de la géographie ni référence à l’histoire de l’Europe ou mondiale, sans visée théorique importante, c’est un texte de portée pratique dont on sent bien que les moyens mis en regard sont comptés.

32 Plusieurs points communs peuvent cependant être relevés : dans les deux cas, la référence au nécessaire renouveau et développement de la littérature française et d’une érudition mise à mal par la Révolution est présente, par exemple à travers la mention des Bénédictins de Saint-Maur, dans la correspondance entre Champagny et Napoléon comme dans le rapport de présentation de l’ordonnance à Louis XVIII. Les deux projets ensuite visent l’un et l’autre à favoriser une approche scientifique et concrète, largement basée sur l’étude des sources et de la bibliographie, placées au premier plan. Enfin, à quatorze ans de distance, un même homme a joué un rôle clé dans la préparation des textes : Joseph-Marie de Gérando [39] est celui qui a à la fois travaillé aux propositions faites à Napoléon en 1807, en tant que secrétaire général du ministère de l’Intérieur, et qui a proposé le principe de la création de l’École des chartes à Siméon. Issu d’une famille de notables lyonnais, lauréat de l’Institut en 1795, protégé de Lucien Bonaparte, savant éclairé parfois considéré comme l’un des pères de l’anthropologie, juriste et conseiller d’État, plus tard Pair de France et philanthrope, Joseph-Marie de Gérando est une figure intéressante des « intellectuels français » de la première moitié du XIXe siècle  [40]. Collaborateur de Champagny, il serait peut-être parvenu à convaincre Napoléon d’aller plus avant dans ses projets s’il n’avait été appelé à l’été 1807 à quitter ses fonctions au ministère de l’Intérieur pour partir contribuer à la réorganisation de l’administration italienne.

33 En fin de compte, le projet de 1807 devait aboutir en d’autres temps et sous d’autres formes. La comparaison entre les deux textes met bien en évidence l’ampleur des vues napoléoniennes comme l’intérêt de la patience et de la ténacité, qui finissent souvent par produire d’heureux effets !

Notes

  • [1]
  • [2]
  • [3]
    Même si depuis Henri IV et les nouveaux statuts de l’université de Paris de 1600, le pouvoir royal a engagé un processus de contrôle renforcé de l’Université (A. Tuillier, Histoire de l’université de Paris et de la Sorbonne, Paris, Nouvelle librairie de France, t. 1, 1994).
  • [4]
    Les Collèges français. XVIe-XVIIIe siècle / Marie-Madeleine Compère, Dominique Julia. Paris, 1980 donne une bonne vue d’ensemble des différences de programmes et d’enseignements d’un établissement à l’autre.
  • [5]
    L’enseignement lui-même est très souvent dispensé par des professeurs de lettres.
  • [6]
    Citons notamment dès 1621 la Gallia Christiania, l’Art de vérifier les dates, en 1681, le De re diplomatica de Dom Mabillon ou à partir de 1733, L’Histoire littéraire de la France, toujours en cours aujourd’hui, sous l’égide désormais de l’Institut de France.
  • [7]
    Cinq mémoires sur l’instruction publique / Jean-Antoine-Nicolas de Condorcet. 1791. http://classiques.uqac.ca/classiques/condorcet/cinq_memoires_instruction/cinq_memoires.html
  • [8]
    L’Enseignement de l’histoire et de la géographie : textes officiels. I. 1795-1914 / Philippe Marchand. INRP, 2000.
  • [9]
    Ibidem.
  • [10]
    Sur Destutt de Tracy, voir Antoine Destutt de Tracy : homme de la liberté, pionnier de l'enseignement secondaire laïque et républicain : l'idéologie héritière des Lumières / Georges Renauld. [Paris] : Detrad-AVS, 2000.
  • [11]
    François de Neufchâteau (1750-1828), membre du Directoire, était fils d’un régent de collège et fut lui-même brièvement professeur en 1770.
  • [12]
    « 1° Donner à vos élèves une connaissance générale des événements qui se sont successivement passés chez tous les peuples qui ont mérité des historiens ; 2° Faire observer la marche de l’esprit humain dans les différents temps et les différents lieux (…). 3° les rendre capables de pousser plus loin leurs recherches. ».
  • [13]
    Histoire de l’enseignement en France / Antoine Léon, Pierre Roche. Paris, PUF, 2018. Chapitre III : L’essor de l’enseignement secondaire sous l’Ancien régime.
  • [14]
    Napoléon Bonaparte. Œuvres littéraires et écrits militaires. Edition de Jean Tulard. Paris, Société encyclopédique française, 1967. https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb33112601n
  • [15]
    Ce traité est régulièrement enrichi et réédité jusqu’au XIXe siècle. Une réédition en est ainsi donnée à Paris en 1807 : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb41678784t
  • [16]
    Antoine-A. Barbier (1765-1825), d’abord curé de la Ferté-sous-Jouarre, sera successivement collaborateur du comité d’instruction publique de la Convention, acteur de la création des dépôts littéraires, conservateur de la bibliothèque du Directoire, devenu Bibliothèque du Conseil d’État (1799), puis bibliothécaire personnel de Napoléon (1807), enfin administrateur des bibliothèques du roi de 1816 à 1822. Il est bien connu des bibliothécaires par son Dictionnaire des ouvrages anonymes.
  • [17]
    « Napoléon et ses bibliothèques portatives » par Louis Barbier dans Le Spectateur militaire, 1843. https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32871670j
    Napoléon se fit constituer une bibliothèque portative en 1809, constituée de petites caisses en acajou massif, en cuir et drap vert renfermant chacune environ 60 livres in 18 ou petit in 12. Elles étaient disposées dans son cabinet de topographie. Insatisfait tant de la qualité des éditions que de leur nombre, il demanda deux projets à son bibliothécaire, Antoine-Alexandre Barbier :
    En 1808, un premier projet de 1 000 volumes petit in-12, comprenant 60 volumes d’histoire et 660 volumes de mémoires historiques ;
    En 1809, un 2e projet de 3 000 vols. uniquement d’histoire répartis en 5 ou 6 parties « que l’on les ferait suivre par trois mille autres d’histoire naturelle, de voyages, de littérature ».
  • [18]
    Voir Dictionnaire de biographie française. Paris, Letouzey et Anet, 1933. Tome 7, p. 305-306. Jean-Baptiste de Nompère de Champagny était notamment le neveu de l’abbé Terray.
  • [19]
    Durant l’hiver 1807, Napoléon est en Prusse orientale d’abord à Osterode puis au château de Finckenstein. Le 8 février, l’armée française remporte la difficile bataille d’Eylau sur l’armée russe. La 4e coalition ne sera vaincue qu’après la bataille de Friedland gagnée le 14 juin.
  • [20]
    Archives nationales. AF IV, dossier 77.
  • [21]
    AN. AF IV 1289, dossier 75.
  • [22]
    AN AF IV 1289, dossier 74.
  • [23]
    Correspondance de Napoléon Ier. Tome 15 / publiée par ordre de l'Empereur Napoléon III. Paris, 1859-1869. Lettre 12415 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6294033s/f107.item
  • [24]
    « Il faudrait que cette institution s’accordât davantage avec les mœurs des Français, et que surtout on détournât d’elle le ridicule que le Français saisit avec tant de malignité » écrit Napoléon.
  • [25]
    Correspondance de Napoléon Ier. Tome 15 / publiée par ordre de l'Empereur Napoléon III. Paris, 1859-1869. Lettre 12416 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6294033s/f112.item
  • [26]
    Le collège comprend alors 21 chaires, soit 12 chaires de sciences et 9 chaires littéraires : 4 de langue orientale, 2 de langue grecque, 2 de langue latine et 1 de littérature française. Voir : Le Collège de France. Quelques données sur son histoire et son caractère propre dans Annuaire du Collège de France 2016-2017 https://journals.openedition.org/annuaire-cdf/126 et La Politique des chaires au Collège de France. Wolf Feuerhahn. Paris, Les Belles lettres-Collège de France, 2017, notamment l’article de Jean-Luc Chappey et Julien Vincent sur la place des sciences morales et politiques. https://books.openedition.org/lesbelleslettres/171
  • [27]
    Cette vocation du Collège est ainsi réaffirmée par Destutt de Tracy dans la troisième partie de ses Éléments d’idéologie (parus en 1805) où il revient sur la nécessité de faire du Collège de France une véritable « école spéciale » des sciences morales et politiques dont a besoin la France. Il relance l’idée d’un établissement susceptible de permettre une véritable complémentarité entre les chaires et de former des diplomates, des administrateurs ou des négociants : Antoine-Louis-Claude Destutt de Tracy, Éléments d’idéologie, Logique, Paris, Courcier, 1805, p. 36. https://books.openedition.org/lesbelleslettres/171
  • [28]
    Projet de décret ajoutant au Collège de France une « école spéciale de géographie et d’histoire » Archives nationales, F17 1109. Le document comporte différentes mentions manuscrites de Champagny témoignant des évolutions successives.
  • [29]
    Bibliothèque de l’École des chartes. Les Origines de l’école des chartes. Un projet d’école spéciale d’histoire et de géographie sous le Premier Empire. Abel Lefranc. https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1893_num_54_1_447733
  • [30]
    AN, AF IV 1239.
  • [31]
    Le 7 août 1807, Champagny notamment est appelé au ministère des Relations extérieures, en remplacement de Talleyrand, tombé en disgrâce.
  • [32]
    Le décret du 17 mars 1808 fixe la constitution de l’Université impériale.
  • [33]
    Voir note 8, Op. cit. p. 25.
  • [34]
    Charles Schmidt. La Réforme de l’université impériale. Paris, 1905
  • [35]
    Voir note 8, Op. cit., p. 26-30.
  • [36]
    En 1819, Pierre Daunou est nommé professeur d’histoire et de morale au Collège de France.
  • [37]
  • [38]
    Joseph-Jérôme, comte Siméon (1749-1842). Professeur de droit à l’université d’Aix (1778), député au Conseil des Cinq-Cents (1795), conseiller d’État (1804), ministre de Westphalie (1807), préfet du Nord (1814), sous-secrétaire du département de la Justice (1820), ministre de l’Intérieur de février 1820 à décembre 1821. Voir Yvert, Benoît. Dictionnaire des ministres. Librairie académique Perrin, 1990.
  • [39]
    Portrait d'un spiritualiste en penseur social : Joseph-Marie de Gérando, 1772-1842 / Antoine Bocquet. Besançon : Presses universitaires de Franche-Comté, 2016.
    Joseph-Marie de Gérando, 1772-1842 : connaître et réformer la société : [actes du colloque, Université de Lille 3, 31 mai-1er juin 2012] / sous la direction de Jean-Luc Chappey, Carole Christen et Igor Moullier. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2014.
  • [40]
    Lettre adressée par le baron de Gérando à M. Martial Delpit le 6 avril 1839 : voir Martial Delpit. Notice historique sur l’École royale des chartes dans Bibliothèque de l’école des chartes. 1840.
Français

Conçu par Napoléon au printemps 1807, le projet d’école spéciale de géographie et d’histoire témoigne de l’intérêt et d’une vision ambitieuse de Napoléon pour l’enseignement de l’histoire. La création de l’Ecole des chartes quatorze ans plus tard, selon un cadre bien plus modeste, laisse apparaître toutefois la continuité entre les projets qui s’inscrivent tous deux dans un processus de développement de l’enseignement de l’histoire, engagé dès la fin de l’Ancien Régime.

Fabien Plazannet
Directeur du département Philosophie, histoire et sciences de l’homme, BnF
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 04/07/2022
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour La Fondation Napoléon © La Fondation Napoléon. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...