CAIRN.INFO : Matières à réflexion

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2Si sa carrière militaire oblige le général Bonaparte à effectuer de nombreux voyages durant lesquels il se couvre de gloire, la carrière civile qui s'ouvre à lui après le coup d’État du 18 brumaire ne le rend pas sédentaire pour autant. De ses déplacements, que savons-nous ? Tout, ou presque. En effet, Louis Garros et Jean Tulard ont livré dans une étude minutieuse et parfaitement circonstanciée l'emploi du temps de Napoléon, jour après jour, parfois même, heure par heure [1]. Souvent anciens, les travaux, qui déclinent avec le plus de précision possible les moindres faits et gestes du chef de l’État, peinent par ailleurs à se décentrer du « grand homme » [2]. Ces récits interrogent, en particulier lorsque le chercheur reprend, peu ou prou, le discours des contemporains. Deux champs a priori incompatibles menacent alors de se superposer : d'une part, l'entreprise politique des acteurs au service de l'Empire, d'autre part l'écriture de l'Histoire, nécessairement distante du parti pris des élites gouvernantes placées sous l'autorité d'un maître dont elles célèbrent la grandeur.

3L'intérêt porté par les historiens aux voyages des chefs d’État est désormais propice à une relecture de ceux de Napoléon dans la mesure où l'itinérance induit des changements dans la pratique du pouvoir, un pouvoir qui, du reste, change de nature avec le passage à l'Empire [3]. Si les rites et les symboles exhibés en présence du souverain assoient la position dominante de l'empereur dans l'espace public, le voyage est avant tout récit, description et mise en écriture [4]. La presse offre un point de vue singulier quoique souvent négligé du fait de son instrumentalisation [5]. Dès le Consulat, Napoléon en craint la mauvaise influence ce qui explique le renforcement des liens entre le pouvoir et certains journalistes [6]. Sans doute pense-t-il, en contrôlant l'espace public, mieux maîtriser l'opinion qui en émerge [7]. En faisant des voyages du monarque un sujet d'actualité, les journaux ne viseraient donc pas seulement à informer mais, sans doute aussi, à guider les lecteurs dans leur pensée politique. Les récits diffusés dans le Journal de l'Empire, un grand quotidien national, surveillé par un censeur après 1805, pourraient permettre de mieux comprendre les mécanismes de subordination, lesquels « régulent l'appartenance à un ensemble, qui explique les enthousiasmes pour un chef charismatique » [8]. L'analyse porte autant sur les modalités de captation de l'information inscrites dans le cadre de pratiques d'écriture, que sur les dispositifs rhétoriques et les représentations destinés à influer sur les croyances des lecteurs, en réévaluant les particularismes locaux plutôt qu'en les postulant [9]. L'écriture à la « troisième personne » oblige à prendre en compte simultanément le point de vue des journalistes - bien connus à leur époque, mais dont les noms ne figurent jamais au bas des articles [10]-, le lecteur et la figure itinérante : l'empereur. Mais à trop vouloir se focaliser sur Napoléon, on en viendrait presque à oublier l'essence même du voyage, dans son acception strictement culturaliste [11]. Pour le dire autrement, les déplacements du chef de l’État qui tendent à se systématiser au début du XIXe siècle méritent-ils d'être assimilés à des « voyages » [12] ? À coup sûr, d'abord parce que l'usage récurrent du mot dans les articles du Journal de l'Empire suppose une objectivation de la part de leurs auteurs, ensuite parce que ces derniers placent au cœur de leurs récits toutes sortes de rencontres entre le souverain et les habitants de différentes localités situées dans son Empire.

4Cette enquête n'aborde que les déplacements effectués par Napoléon entre les mois d'avril 1808 et d'octobre 1809, c'est-à-dire au moment où l'Empire commencerait à décliner [13]. En un peu plus d'un an, Napoléon quitte la capitale à plusieurs reprises. Il se rend d'abord à Bayonne pour rencontrer le roi d'Espagne. De là, il décide de visiter plusieurs départements du sud-ouest de la France. En septembre 1808, il prend le chemin d'Erfurt pour s'entretenir avec le tsar Alexandre des affaires européennes. Deux mois plus tard, Napoléon mène campagne dans la péninsule ibérique. En janvier 1809, il rentre à Paris mais n'y reste que peu de temps. En effet, de nouvelles opérations militaires se profilent déjà de l'autre côté du Rhin.


Le Journal de l'Empire en quête d'informations

5Dans la mesure où il n'envoie pas de journalistes suivre l'empereur, le Journal de l'Empire rencontre des difficultés pour s'informer, d'autant que contrairement au Moniteur, son concurrent, il ne bénéficie pas du statut de journal officiel [14]. Ce manque d'informations explique en partie le décalage entre l'événement et sa narration. Ainsi, lorsque l'empereur se rend à Erfurt pour rencontrer le tsar, aucune nouvelle ne transpire dans le quotidien, du moins pas avant le 27 septembre 1808 [15]. Ce jour-là, les lecteurs et leurs auditeurs apprennent que l’empereur est entré dans Metz, alors qu'il vient tout juste d'achever son périple. La gazette reprend alors une nouvelle publiée la veille dans le Moniteur. L'information a d'autant plus de mal à circuler que Napoléon rejoint Alexandre incognito. Mais le caractère confidentiel de ce voyage ne saurait expliquer, à lui seul, les emprunts répétés à ce quotidien. En effet, même lorsque les déplacements du chef de l’État sont rendus publics, le Journal de l'Empire ne paraît pas toujours bien informé. Alors que Napoléon est à Bayonne, on apprend que, « d'après le Moniteur, l'Empereur a passé en revue le premier régime de ligne portugais arrivé le 31 mai » ; deux jours plus tard, toujours d'après la même source, le lecteur est informé que l'empereur a reçu une députation formée par les Grands d'Espagne [16]. Parfois, sans qu'il ne soit pour autant fait référence au Moniteur, les articles sont recopiés mot pour mot dans le Journal de l'Empire.

6Bien que le Moniteur apporte au Journal de l'Empire un nombre important d'informations, le quotidien s'inspire également d'autres journaux. Ainsi, il puise dans l’Écho de Bordeaux des détails sur les conditions de l'arrivée de l'empereur dans la cité girondine. Durant les trois mois que Napoléon passe dans le sud-ouest de la France, le quotidien national fait référence à des articles parus dans la Gazette d'Agen, dans la Gazette de Bayonne ou encore dans le Journal du Lot-et-Garonne[17]. De même, à l'occasion du retour du souverain dans la capitale, il est fait mention, sans le nommer, d'un journal édité à Tours [18]. Sans doute en raison de l'éloignement des lieux visités par le chef de l’État, le quotidien multiplie les emprunts aux gazettes locales publiées en France ou à l'étranger. Les journaux allemands tels que le Deutscher-Staatsbote ou le Journal de Francfort contiennent des détails précis sur le déroulement de l'entrevue d'Erfurt [19]. Si le quotidien prélève des nouvelles, il peut aussi les dénoncer. Un article du 30 août 1808 critique ainsi l'Evening Star qui vient tout juste de dévoiler les intentions supposées de Napoléon : l'empereur serait prêt à quitter Paris pour partir en campagne [20]. La presse ne critique pas seulement la prise de position d'une feuille au service de la perfide Albion, elle jette l’opprobre sur tous les journaux étrangers dès lors qu'ils publient des informations prétendument erronées. Davantage préoccupé par la véracité de celles contenues dans les quotidiens étrangers que par la liberté de la presse dont il a, semble-t-il, fait le deuil, le Journal de l'Empire s'insurge après que la nouvelle d'une rencontre entre Napoléon et son frère a été rendue publique par des feuilles bataves : « Les rédacteurs des gazettes hollandaises ont eu tort de répéter une telle nouvelle, sans en avoir demandé la permission à S.M., et sans s'informer de la vérité du fait qu'elles avançoient » [21]. L'actualité n'aurait donc pas besoin d'être vérifiée pour son exactitude, puisque sa justesse dépendrait avant tout d'une autorisation préalable à sa parution, en d'autres termes d'un contrôle exercé par le pouvoir.

7Étroitement liés au pouvoir, les journalistes se renseignent auprès des hauts dignitaires de l'Empire. D'après un article du 13 juillet 1809, « on a reçu aujourd'hui, à quelques heures de distance, deux lettres également authentiques, écrites par deux des principaux personnages de l’État » [22]. Quelques mois plus tôt, des courriers empruntés directement à la correspondance de Daru étaient rendus publics. Le duc de Frioul partage avec Caulaincourt l’immense responsabilité d’organiser le transport des voyageurs. Ainsi, la lettre du duc de Frioul, évoquée le 20 juillet 1808, n'avait pas d'autre but que de signifier les étapes suivies par Napoléon au cours de son périple dans les départements méridionaux :

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« Il ne nous reste plus de doute sur la proximité de l'époque où notre auguste souverain doit parcourir ce département. S. Exc. M. le duc de Frioul, grand maréchal du palais, a écrit de Bayonne à M. le préfet du Gers, sous la date du 14 juillet, pour le prévenir que l'Empereur passera incessamment à Auch, et s'y arrêtera pendant un jour. M. le préfet est chargé de faire toute les dispositions nécessaires pour le logement de S.M. et de sa maison. Il paroît que l'intention de l'Empereur est de se rendre directement à Toulouse en quittant Auch. Des ordres ont été donnés par l'inspecteur principal, chargé du service de S.M., aux maître des postes de Toulouse, pour l'augmentation de leur relais, le 22 du courant. Chaque relais doit être composé de 55 chevaux. Les chevaux de poste de la ligne d'Agen sont transférés sur celle de Pau à Orthez » [23].

9C'est de nouveau grâce aux missives de Daru que le Journal del'Empire peut livrer à ses lecteurs des détails en provenance d'Erfurt [24]. La mention de l'origine de ce courrier et son usage atteste d'un souci permanent : donner au lecteur l'illusion de la réalité.

10Plus à même de rapporter les faits observés dans d'autres lieux, les voyageurs apportent des témoignages insérés dans le Journal de l'Empire[25]. Plusieurs d'entre eux, en provenance de Vienne, rendent compte à la fin du mois de juillet 1809 d'une entrevue, longue de plusieurs heures, entre le prince de Liechtenstein et Napoléon [26]. Difficile de dire si, comme il a été écrit dans le quotidien, le premier est ressorti satisfait de cette discussion. Quoi qu’il en soit, la seule présence de ces témoins dans la capitale autrichienne semble suffire à rendre crédible la nouvelle annoncée. En quête d'authenticité, le journal s'appuie également sur la correspondance de particuliers. Il publie, par exemple, une lettre d'un dénommé Gentz, destinée au Comte Stadion, interceptée par les autorités [27]. Pour donner plus de valeur aux nouvelles contenues dans ce courrier, la gazette donne des détails sur la façon dont il a été recueilli. Parmi les témoins, certains écriraient spontanément au Journal de l'Empire. Ceux qui ont vu Napoléon, et parfois participé activement aux cérémonies organisées en son honneur, bénéficient d'un crédit fondé sur une assise sociale avantageuse. La plupart de ces lettres sont rédigées par des notables. En signifiant la position sociale des émissaires, le journal ancre un peu plus dans l'imaginaire collectif la domination d'élites qui occupent, pour certaines, des fonctions au sein de l'appareil d’État. Ce n'est donc pas un hasard si les discours de particuliers et ceux d'édiles paraissent côte à côte. Le 18 août 1808, le Journal de l'Empire diffuse deux missives, l'une émanant d'un négociant nantais, accompagnée d'un discours du maire, l'autre provenant d'un habitant du département de la Vendée [28]. Celle-ci débute par les mots suivants : « Je ne puis résister au désir de vous raconter tout ce que j'ai vu, tout ce que j'ai entendu ». Le journal relaie également toutes sortes de documents produits par les autorités locales. Il publie, par exemple, un rapport du maire de Rennes destiné à son conseil municipal [29]. En diffusant un texte, en principe voué à rester dans la sphère administrative, le quotidien, qui ne répond à aucune injonction émanant du gouvernement, désire avant tout attester de la véracité des faits qu'il énonce.

11Lorsque Napoléon se rend sur le théâtre des opérations militaires pour commander son armée, les informations sont distillées au compte-gouttes. Le Journal de l'Empire se contente, le plus souvent, de révéler l'itinéraire suivi par le chef de l’État, du moins tant qu'il est en mesure de le faire. Durant la campagne menée dans la péninsule ibérique, le quotidien fait preuve de prudence, répondant ainsi aux instructions délivrées par Napoléon [30]. En attendant de recevoir les Bulletins des Armées d'Espagne, il reste ainsi plusieurs jours sans recevoir ni donner de nouvelles de l'empereur. Parmi les rares courriers utilisés comme source par les journalistes, certains émanent de proches de Napoléon. Le 6 janvier 1809, la gazette donne ainsi des détails après le départ de l'empereur de Madrid, en se fondant sur « une lettre écrite par une personne importante qui se trouve auprès de S.M. » [31]. Mais les informateurs ne figurent pas nécessairement tous dans l'entourage de Napoléon. Le quotidien tait généralement leurs noms et se contente de citer les courriers pour paraître plus crédible : « Voici l'extrait d'une lettre particulière que nous venons de recevoir de Madrid ; elle est écrite en date du 24 décembre "L'Empereur a quitté les environs de cette capitale ; il est parti avec une grande partie de l'armée pour une expédition importante" » [32]. Prudent, le journal entend opérer des recoupements entre les différentes lettres reçues à Paris avant d'officialiser une nouvelle qui permettrait de mieux situer la position géographique du chef de l’État : « Si l'on en croit plusieurs lettres arrivées aujourd'hui, S.M. l'Empereur et Roi étoit le 27 à Rio-Secco […]. Plusieurs lettres de Madrid, arrivées hier et aujourd'hui, s'appliquent à en retracer les circonstances, que nous nous empressons de faire connoître à nos lecteurs » [33]. La prudence n'est pas toujours de mise ; faute de mieux, le Journal de l'Empire ne dédaigne pas les rumeurs. Stationné à Madrid, Napoléon s'apprêterait à quitter momentanément la capitale espagnole : « Le bruit s'est répandu aujourd'hui qu'elle [Sa Majesté] alloit faire un voyage de quelques jours » [34]. L'absence de l'empereur représente un vide difficile à combler. Pendant que Napoléon se trouve en Espagne, l'actualité révèle des enjeux qui n'ont plus rien à voir avec la connaissance des lieux qu'il traverse. Le Journal de l'Empire se préoccupe de l'état de santé du chef de l’État ou de la date de son retour en France. L'article du 23 janvier 1809 traduit bien l’inquiétude produite par l’absence et les rumeurs qu’elle fait naître : « On parle du prochain retour de S.M. l'Empereur et Roi. Une lettre de Bayonne du 16 janvier, que nous venons de recevoir, contient les détails suivants : Le bruit s'est répandu aujourd'hui que S.M.I. arrivoit incessamment dans notre ville. On croit même qu'elle a quitté aujourd'hui 16 Valladolid » [35]. Finalement, malgré les annonces répétées, l'arrivée de Napoléon sur le sol national surprend les journalistes : « Nous avons été agréablement surpris en apprenant que S.M.I. et R. étoit arrivée cette nuit au château de Marrac. Elle n'y a passé que deux heures » [36]. Le pouvoir semble délaisser la feuille parisienne, le peu de nouvelles transmises par les autorités au Journal de l'Empire en est la preuve. Mais ce désintérêt n'explique pas, à lui seul, l'effet de surprise. En effet, pour être rapide, le retour du chef de l’État dans la capitale ne peut se faire en grands pompes.

12Même si le Journal de l'Empire relaie des nouvelles soigneusement distillées par le pouvoir, même si des proches de Napoléon collaborent avec la gazette parisienne, les difficultés rencontrées par les journalistes, leurs efforts pour rassembler des détails nombreux et fiables auprès de témoins crédibles, révèlent aussi les limites de l'instrumentalisation du pouvoir – par manque de volonté au plus haut sommet de l’État ou par incapacité.

II. L'espoir d'une rencontre pour vivre un moment d'exception

13Même s'il est moins bien informé que le Moniteur, le Journal de l'Empire est parfaitement contrôlé par le pouvoir. En effet, les récits de la rencontre normalisent la sujétion des populations visitées. D'après le maire de Tours, ses administrés désirent ardemment témoigner leur amour à l'empereur. La proclamation de cet édile, entièrement retranscrite dans le numéro du 30 juillet 1808, débute par une courte harangue : « Habitans de Tours, votre impatient amour et votre ardent désir de contempler S.M. l'Empereur et Roi, seront satisfaits sous peu de jours » [37]. À la suite de cet article, un autre discours adressé par le maire d'Angers à ses administrés les informe de la venue prochaine de Napoléon [38]. L'attente est toute aussi forte dans d'autres villes, comme à Rennes, où le maire espère la visite du chef de l’État : « Le plus beau jour pour cette ville [Rennes] sera celui où S.M. y fera son entrée écrit un journaliste » [39]. Cet administrateur redouble d'efforts puisqu'il adresse personnellement sa demande à l'empereur. Sa démarche ne suffit pas. En effet, il essuie un refus net mais poli de Napoléon, « fâché de ne pouvoir en ce moment visiter la bonne ville de Rennes » [40]. De la même façon, l'évêque de Carcassonne, dont les éventuelles démarches ne sont pas mentionnées, souhaite accueillir l'empereur dans la cité épiscopale. À l'issue de la messe dominicale, il prononce un discours où « [il], fit des vœux pour que S.M. daignât honorer de sa présence un pays où l'appellent l'admiration, la reconnaissance et l'amour des habitans » [41]. Réelle ou supposée, l'attente des populations ne fait en réalité que traduire l'impatience des autorités impériales, interprètes des sentiments de leurs administrés.

14Le Journal de l’Empire se fait l'écho d'initiatives, en particulier dans le sud de la France. D'après le quotidien, les habitants des Bouches-du-Rhône désirent ardemment la visite de Napoléon, comme en témoigne la formation des gardes d'honneur dans différentes communes :

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« Toutes les villes du département des Bouches-du-Rhône, et particulièrement celles de Marseille, Aix et Tarascon, sont animées par la joie que leur cause l'espérance, quoique incertaine et sans aucun avis officiel, de voir LL. MM. II. et RR. honorer le département de leur auguste présence. Partout des gardes d'honneur s'organisent avec un zèle et une activité qui prouvent les justes sentimens des peuples de ce département pour leurs bien-aimés souverains » [42].

16La population vauclusienne n'est pas en reste. En effet, les Avignonnais forment eux aussi plusieurs compagnies : « Tous les habitants de cette ville sont aussi animés par l'espoir de posséder bientôt notre auguste monarque » [43]. En réalité, ni les habitants des Bouches-du-Rhône ni ceux du Vaucluse ne verront passer le chef de l’État. Néanmoins, pour la feuille parisienne, l'essentiel est ailleurs puisqu'elle cherche avant tout à révéler à ses lecteurs la fidélité des méridionaux. En effet, ces articles paraissent au moment-même où Napoléon quitte Bayonne pour se rendre dans les départements voisins. Peu de temps avant l'arrivée du chef de l’État à Toulouse, il est écrit que « les vœux des Toulousains et des habitans de la Haute-Garonne vont être enfin exaucés. S.M. l'Empereur et Roi est attendu à Toulouse demain » [44]. La population de ce département souhaite posséder quelques instants le souverain pour lui témoigner son affection, à l'instar des Gascons : « L'attente où l'on est de voir S.M.I. remplit de joie, d'impatience et de mouvement tout le pays sur lequel est répandue la vive et aimante population gasconne » [45]. L'impatience paraît alors si forte que les pouvoirs publics n'attendent pas toujours qu'une annonce officielle leur soit faite pour préparer la réception de l'empereur. C'est le cas dans les communes de Pau, Tarbes et Auch, où « cette heureuse nouvelle [la venue de Napoléon] qui a changé en certitude les espérances qu'on avoit conçues, a redoublé le zèle qu'on apportoit déjà aux préparatifs commencés pour la réception de notre illustre souverain » [46]. Cependant, ailleurs que dans le Midi, les sentiments de même nature ne sont pas moins importants. En effet, l'espoir dont le journal se fait l'interprète est partagé par tous les sujets de l'empereur sans exception, même en Vendée, territoire marqué durablement du sceau de la contre-révolution [47].

17Dans les localités que l'empereur s'apprête à visiter, l'attente est particulièrement forte les instants qui précèdent l'arrivée du convoi impérial. Le temps s'écoule doucement sur le bord de la route d'Angers où les habitants sont restés la journée entière avant que le cortège pénètre dans la cité : « Nous avions vu le jour s'écouler dans notre attente » [48]. La durée n'est précisée que pour traduire l'impatience de la population : « Depuis trois jours tous les habitans de la Vendée attendoient la présence du pacificateur de leur pay [sic.] » [49]. Même si des impondérables retardent l'arrivée du convoi impérial, les spectateurs ne renoncent jamais. À Bayonne, ils se sont même levés par deux fois avant l'aube pour apercevoir l'empereur : « Ce ne fut qu'à 11 h et demie du soir, que nous apprîmes que le bonheur que nous nous promettions pour ce jour, étoit renvoyé au lendemain. Aujourd'hui, l'avidité d'en jouir nous a fait précéder le lever du soleil pour la seconde fois » [50]. L'optimisme ne faiblit pas. Le désir de rencontrer Napoléon l'emporte même sur la fatigue. Bien que les habitants de Mont-de-Marsan apprennent tardivement le passage du souverain lors de son retour d'Espagne, ils restent éveillés toute la nuit pour le voir passer : « Les habitans, prévenus la veille de son passage, ne se sont pas couchés » [51]. Avant l'arrivée du chef de l’État, le journal décrit une espérance forte, quelle que soit la localité traversée.

18Après le temps de l'espoir vient celui de l'allégresse décrite à la vue du souverain. La joie se traduit par un climat d'effervescence quasi indescriptible. À Montauban, l'excitation est telle « [qu']on ne peut se faire une idée de l'enthousiasme qu'a excité leur présence [de l'empereur et de l'impératrice] parmi nous » [52]. C'est aussi le cas à Bordeaux où « il est impossible de peindre la joie, l'amour, l'enthousiasme qui ont éclaté partout à la vue de S.M.I.  [53] ». Cet engouement induit une transformation de l'univers sensoriel [54]. L'environnement visuel de la population change, tandis que les édiles renouent avec des pratiques courantes sous l'Ancien régime, et qui puisent leurs racines dans l'Antiquité [55]. En effet, des arcs de triomphe sont dressés dans les communes traversées par le monarque, de Nantes jusqu'à Angers [56]. Le son des cloches, mises en branle, et les coups de canons tirés instaurent une rupture significative dans le paysage sonore [57]. Si rien ne filtre sur l'activité des autorités en coulisse, c'est avant tout pour symboliser la sincérité de l'engouement des habitants. Ainsi, ceux résidant sur la route qui mène à Saintes éclairent tous leur demeure, sans exception [58]. Les Strasbourgeois quant à eux illuminent la cathédrale Notre-Dame [59]. Les initiatives varient selon les localités. En l'honneur de leurs hôtes, des habitants de la plaine de Bigorre se rendent à hauteur d'Ibos, parés de leurs costumes traditionnels, exécuter quelques pas de danse [60]. Les chants et les danses, comme à Nantes, relèvent autant de l'enthousiasme que de la spontanéité [61]. Ces actions, qui donnent de l'éclat à la rencontre, attestent également de la subordination des sujets de Napoléon venus rendre hommage à leur souverain. D'ailleurs, les cris du public sont signifiés pour révéler la popularité du chef de l’État ainsi plébiscité par son peuple. Lors de son entrée dans Metz, le souverain est acclamé avec ferveur : « Nos habitans en foule se sont portés sur le passage de S.M., qui a été reçue avec les acclamations les plus unanimes » [62]. Parfois, la brièveté de la rencontre ne permet pas aux spectateurs de prononcer d'autres mots que des « vive l'Empereur ! Vive l'impératrice » [63]. Les vivats de la foule pressée sur la route qui mène à Bordeaux instaurent un climat d'allégresse, c'est aussi vrai dans d'autres villes. À Pau, par exemple, « le peuple se portoit en foule au-devant d'elles, et faisoit retentir l'air de ses acclamations et de ses vœux » [64]. À Amboise, « tout le peuple accueillit son souverain avec les acclamations de la plus vive allégresse » [65]. Jusqu'aux portes de Paris, l'enthousiasme ne faiblit pas : « LL. MM. sont arrivées aujourd'hui à Rambouillet à 11 heures 1/2 […]. Les acclamations des habitans les ont accompagnées jusqu'à leur palais, où elles sont descendues à midi » [66]. La transformation de l'espace public en présence de Napoléon atteste d'un changement d'atmosphère. Le lecteur doit s'imaginer la précipitation des spectateurs originaires des communes proches de Niort se rendre en masse, de nuit, pour devancer la berline impériale. Ainsi, « sur chaque point du passage de S.M., elle avoit rencontré la population de toute la contrée. Dans sa route, jusqu'à Fontenay, elle a joui d'un semblable spectacle » [67]. Le public n'hésite pas à effectuer de longs trajets, quitte à improviser des campements de fortune. En effet, près de Saintes, « la population des communes, venant d'une grande distance dans les terres, s'étoit réunie et avoit formé des bivouacs sur les bords de la grande route » [68]. À Ibos, l'empereur et sa femme « ont trouvé la foule nombreuse des habitans des villages voisins » [69]. Devant un tel flux humain, les lieux perdent leur physionomie habituelle. Les spectateurs envahissement entièrement l'espace. Dans les environs de Rochefort, « la route de terre étoit couverte de monde ; mais en un instant les deux rives de la Charente se sont trouvées garnies par une population immense » [70]. Les villes changent d'apparence. À Bordeaux, « une foule immense couvroit les quais, les rues, les places publiques  [71] ». Ces détails signifient au lecteur une présence humaine nombreuse, quel que soit le lieu traversé par le « grand homme » : de son arrivée jusqu'à son départ, l'engouement est partout le même. Le Journal de l'Empire fait ainsi valoir un lien prégnant unissant l'empereur à ses sujets d'autant qu'une fois le souverain dans les murs de la cité, ils désirent le conserver le plus longtemps possible. Les Bordelais, par exemple, ne veulent pas se séparer de lui : « On espère que S.M. prolongera son séjour à Bordeaux jusqu'au 10 ou au 11 de ce mois » [72]. La présence de Napoléon ne saurait cependant durer ad vitam aeternam car les voyages sont, par nature, temporaires.

19L'attachement, qui explique à la fois le rassemblement et l'engouement des populations, est quant à lui immuable tant il semble naturel dans un cadre familial [73]. En effet, bien que le Journal de l'Empire ne fasse guère d'allusion au père, cette figure tutélaire apparaît dans une lettre particulière, envoyée par un lecteur supposé originaire de la commune de Saint-Hernand, après son voyage à La-Roche-sur-Yon :

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« Figurez-vous la population tout entière d'un département pressée dans une ville naissante, et pour ainsi dire campée autour de ses murs, dans l'attente de ce héros qui lui a rendu le bonheur et la paix ; une multitude d'hommes, de femmes, de vieillards, et d'enfans accourus de plus de 40 lieues sur toutes les voitures et les chevaux qu'on avoit pu réunir […]. Figurez-vous enfin, si je puis m'exprimer ainsi, la levée en masse de tout un peuple heureux et paisible, et brûlant d'exprimer sa joie et sa reconnoissance. Non, il est impossible de se faire une idée d'un pareil spectacle, si on n'en a pas été témoin […] Il [l'Empereur] pouvoit à peine faire un mouvement au milieu de cette multitude qui l'entouroit et le pressoit de tous les côtés […] Cet accord, cette unanimité de tous les sentimens n'annoncent-ils pas une grande famille unie sous la loi du meilleur des pères ? [...] Tous les cœurs sont ouverts à l'espérance, et fermés au ressentiment. À la guerre, à l'anarchie, ont succédé la paix et à la confiance » [74].

21En Vendée, le rassemblement n'est possible qu'en gommant de la mémoire collective une guerre civile douloureuse, rendue responsable du malheur des Français [75]. Les divisions passées contrastent alors avec la rassemblement du public venu au bord des routes. Le choix des mots n'est pas anodin : celui de « peuple », par exemple, suppose une présence nombreuse – pour ne pas dire unanime – de la population [76]. À Agen, où les habitants se pressent pour accompagner l'empereur sur le départ, « LL. MM. sont parties à six heures du soir, environnées des acclamations d'un peuple extrêmement nombreux, qui n'avoit pas cessé de se porter devant leur palais ou sur leur pas » [77]. En réalité, le vocabulaire utilisé dans le Journal de l'Empire est varié – puisque sont employés de manière indifférente les termes de « multitude » ou de « foule ».

22Les descriptions ne laissent aucune place à la défection, encore moins à l'opposition, refoulée de l'espace public [78]. À Saintes, tout le monde est présent lors de l'entrée du couple impérial dans la cité. Napoléon et Joséphine sont acclamés par « la totalité des habitans de la ville [qui] leur sert de cortège et les accompagne de ses acclamations et de ses vœux » [79]. Tous les Nantais, sans exception, devancent le cortège impérial sur le départ. L'empereur et sa femme « sont partis à une heure, comblés des bénédictions d'un peuple unanime dans ses sentimens d'amour et de fidélité » [80]. D'après le Journal de l'Empire, aucun autre chef d’État n'a autant suscité l'enthousiasme : « Jamais la présence d'un souverain adoré n'a pu causer une allégresse plus universelle et exprimée avec plus d'effusion » [81]. D'autres articles mentionnent la même présence universelle. C'est le cas à Bordeaux où tous les habitants participent aux illuminations, « jamais on n'en vit de plus générale, parce que jamais le sentiment qui invitoit à ce signe de réjouissance ne fut plus plus universel » [82]. L'unité ainsi mise en avant ne facilite pas la distinction entre les spectateurs.

23Pourtant, le public qui se presse pour rencontrer Napoléon est très divers. D'après le Journal de l'Empire, à La Rochelle, « l'empressement de toutes les classes à se trouver sur son passage, nos acclamations, l'émotion qui régnoit dans tous les cœurs et qui paraissoit sur tous les visages, ont montré à LL. MM. que nous étions dignes de la faveur qu'elles nous ont accordées » [83]. La polysémie du mot « classe » ne permet pas de distinguer une seule forme de catégorisation [84]. Le but est de signifier la présence de la population dans son ensemble afin d’ignorer de potentielles désaffections. Ainsi, près de Lançon, les couches populaires côtoient les élites dirigeantes et les forces de l'ordre car « tous l'appeloient de leurs vœux » [85]. Aucune allusion n'est faite dans cette énumération aux populations rurales, tandis que le journal, lors de la venue du souverain à Bordeaux, mentionne la présence des « habitants de la campagne » dans l'arrondissement de la Réole [86]. Si la population – ou « les populations » – doit/doivent être présente(s) et participer à la fête afin d'assurer sa réussite, le rôle de chacun est clairement défini.

24Présent pour acclamer le chef de l’État, le « peuple » doit se tenir à bonne distance du souverain bien qu'il soit désireux de l'approcher. L'empereur en représentation sait l'importance des images. À Rochefort, il se rapproche de ses sujets en leur autorisant l'accès à un jardin public situé à proximité de l'hôtel de préfecture. De ce fait, « tous nos habitans environnent S.M. et s'approchent de toutes parts » [87]. Les gens du « peuple » n'ont pourtant guère la possibilité de parler à Napoléon car, en dehors des autorités, les personnes qui peuvent se targuer d'être admises auprès du souverain sont généralement les voyageurs qui se déplacent avec lui. Malgré le dispositif de sécurité, des rencontres sont toujours possibles. En Vendée, les habitants ayant obtenu cette faveur, se contentent d'exprimer leur bonheur en manifestant leur reconnaissance à l'empereur [88]. Si les couches populaires sont reléguées au second plan, tel n'est pas le cas des élites qui forment le comité d'accueil. Pendant les moments qui précèdent l'arrivée du monarque à Strasbourg, les autorités sont dans l'attente : « Au premier coup de canon, au premier son de cloches, nos magistrats sont prêts à aller au-devant de LL. MM. II. et RR. » [89]. Le protocole codifié par le décret du 24 messidor an XIII [13 juillet 1804] réclame des pouvoirs publics qu'ils aillent à la rencontre du chef de l’État. Ainsi à Pau, où la place de chacun est clairement établie, « à leur arrivée dans notre ville, elles [leurs Majestés] ont été reçues par les autorités constituées et par tous les habitans de la ville qui étoient sortis pour aller au-devant d'elles » [90]. Le contact avec le préfet s'opère dès lors que l'empereur pénètre sur le territoire dans le département. Premier personnage de l’État dans sa circonscription, il est généralement accompagné d'autres personnes. À Saintes, un représentant de l'armée, haut gradé – à savoir un général de division – et plusieurs membres des corps municipaux sont à ses côtés [91]. En réalité, les préfets ne sont pas toujours assistés par les mêmes personnes. Lorsque Napoléon se rend à Agen, le chef du département ne semble avoir quitté sa préfecture qu'avec son secrétaire, tandis que les gardes d'honneur assurent le service auprès du souverain [92].

25Quelle que soit la localité où passe Napoléon, les tableaux élaborés dans le Journal de l'Empire ne varient guère pour décrire la rencontre entre l'empereur et ses sujets. Le peuple est un acteur incontournable mais sa parole est confisquée. La restitution des émotions dans un cadre temporel redéfini en présence d'un public, plus ou moins passif, instaure une atmosphère exceptionnelle destinée à légitimer le souverain. Même si ces descriptions émanent de journalistes, souvent très éloignés des lieux traversés par l'empereur, elles ne sont pas pour autant pour autant de pures inventions.

III. Découvrir de nouveaux territoires, rencontrer ses sujets

26Le lecteur du Journal de l'Empire découvre au gré des déplacements de Napoléon le nom des villes ou des lieux qu'il traverse. Il n'existe aucun programme ni règles précises dans l'ordre des visites - trop nombreuses pour être toutes ici énumérées. Attentif à l'état des places fortes de son Empire, l'empereur inspecte, par exemple, celles de Bayonne ou de Cassel [93]. Lors de sa visite à Rochefort, il se rend à l'île d'Aix pour suivre l'évolution des travaux sur le Boyard [94]. Il accorde de l'intérêt aux édifices militaires sans négliger pour autant les établissements publics. Après un court passage au château de Pau, Napoléon découvre le lycée et le haras impérial [95]. Les établissements publics inspectés diffèrent d'une ville à une autre. Lors de la venue de Napoléon à Tarbes, le Journal de l'Empire ne relate qu'un arrêt dans le dépôt d'étalons [96]. Ces déplacements participent à une redéfinition de l'espace du voyage étroitement liée à la construction d'une temporalité qui lui est propre. En effet, tantôt le temps se dilate, tantôt il se rétracte. Dans le numéro du 11 avril 1808, le lecteur semble pouvoir suivre Napoléon à la trace comme si, une fois hors de son palais, ses moindres faits et gestes pouvaient être rendus publics :

27

« S.M.I. sortit ensuite du palais, escortée par la garde d'honneur à cheval ; elle se rendit au Champ-de-Mars, y passa en revue les troupes, se porta ensuite vers la rivière, s'y embarqua sur le yacht de la ville, parcourut le port, descendit à terre vis-à-vis le magasin des vivres, monta à cheval, s'avança jusqu'au château Trompette, traversa les cours de cette forteresse, et se rendit à son palais » [97].

28Mais les récits ne sont pas tous aussi précis. Dans un autre article, paru quelques jours plus tard, la description des déplacements effectués entre le 15 et le 18 avril 1808 est beaucoup plus succincte :

29

« Le 15 [avril]. Après avoir traversé les glacis, l'Empereur s'est rendu aux allées marines, où il s'est embarqué sur une chaloupe magnifiquement décorée, et conduite par quatorze capitaines de marine. Le 17, elle [Sa Majesté] est allée visiter le château de Marsac. Le 18, elle s'est établie dans ce château, après avoir visité la citadelle et l'arsenal, et passé sur les glacis, la revue d'un régiment d'infanterie » [98].

30Ce type de compilation révèle l'itinérance du chef de l’État mais, plus encore, son désir de découvrir un « ailleurs ». La traversée des villages et des villes s'opèrent comme si Napoléon se rendait maître de l'espace. Après avoir visité les différentes places de Tarbes, il fait ainsi le tour de toute la cité [99]. Ne négligeant aucun quartier de Toulouse, il se rend jusque dans les faubourgs de la ville en compagnie de Berthier et de plusieurs officiers de sa maison [100]. L'empereur, bien informé, semble alors tout connaître des localités, ce qui le rend du coup plus à même de bien gouverner son Empire. Sa curiosité, mise en avant, n'est pas un simple trait de caractère puisqu'elle construit l'image du monarque, attentif aux besoins de ses sujets qu'il semble désireux de satisfaire :

31

« S.M.I. et R. est monté aujourd'hui à cheval, à six heures du matin, et a visité les dehors de la ville, notre belle promenade et le bords de notre rivière où sa magnificence nous fait espérer des réparations nécessaires à la navigation et à la construction d'un pont » [101].

32Pour Napoléon, ces visites sont aussi l'occasion de faire des rencontres. Quand il se rend au lycée de Bordeaux, l'empereur constate l’amélioration du niveau scolaire des enfants qu'il interroge lui-même. Le Journal de l'Empire vante, en réalité, les bienfaits de la réforme des établissements secondaires :

33

« Pendant son séjour dans cette ville, S.M. a visité le lycée ; elle a examiné cet établissement avec le plus grand détail ; elle a interrogé plusieurs élèves, tant sur les mathématiques que sur les langues savantes, et en même tant que S.M.I. apprécioit les progrès de ces jeunes gens, on ne pouvait s'empêcher d'admirer en elle-même, ce génie qui a tout saisi, tout embrassé, et cette mémoire à laquelle rien n'échappe. S.M. a paru satisfaite de l'instruction classique, morale et religieuse, et du régime physique des élèves, de leur tenue, des édifices qu'ils habitent, de la manière dont ils ont été distribués, enfin, du zèle des administrateurs et des maîtres, qui, depuis plusieurs années, répondent dignement aux vues de l'auguste régénérateur de l'instruction publique » [102].

34Ces visites officielles revêtent un caractère éminemment politique : l'image de Napoléon ressort grandie de ses voyages. Consciemment ou non, le journal représente un empereur soucieux du bonheur de son peuple, désirant bâtir pour relever la France, thème récurrent depuis son passage à Lyon après la victoire de Marengo [103].

35Le Journal de l'Empire relate aussi des rencontres fortuites durant lesquelles il prend la mesure du malheur et exerce son pouvoir réparateur. Ainsi, il vient en aide à un vétéran nommé Printemps gratifié de 50 napoléons. Un autre soldat, le dénommé Duffaut, qui peut se targuer d'obtenir du souverain la somme de 300 francs, se voit également promettre une pension [104]. Sensible au sort de ses militaires, le monarque ne néglige pas les civils pour autant. Le Journal de l'Empire décrit la souffrance d'une mère venue implorer directement l'empereur sur son passage :

36

« Une dame qui demandoit une grâce sans doute fort importante, s'est jetée, fondant en larmes, aux pieds de l'Empereur, et lui a présenté un placet ; en même temps, ses deux enfans, les yeux baignés de pleurs, embrassoient les genoux du monarque, en implorant sa clémence. Vivement affectée de ce spectacle, S.M. les a relevés avec bonté, son geste, son attitude sembloient inviter cette famille affligée à espérer un meilleur sort ; elle a daigné lire aussitôt le papier qu'elle venoit de prendre ; on a cru entendre qu'elle demandoit à M. le préfet s'il étoit instruit du sujet de cette réclamation, et leur a promis de donner une attention particulière à leur demande. Cette scène a eu quantité de témoins qui en ont été profondément émus » [105].

37L'aide paraît indispensable à la survie de ces malheureux, forcés de recourir à un intercesseur pour obtenir une faveur de l'empereur en son absence. Les dons restaurent la justice, sujet omniprésent dans la conception du pouvoir royal [106]. C'est aussi parce qu'il s'intéresse à ses sujets, que Napoléon prend le temps de les interroger. En Vendée, il décide ainsi de stopper à plusieurs reprises le convoi. D'après les dires d'un témoin,

38

« S.M. s'est arrêtée dans chaque endroit ; elle a interrogé avec bonté tous les cultivateurs, tous les ouvriers qui se sont trouvés sur son passage ; elle paraissoit profondémment touchée ; et son regard sembloit dire : Je ferai disparoître toutes ces ruines ; je relèverai ces villages jadis florissans ; et mes bons peuples de la Vendée n'apercevront bientôt plus le moindre vestige de leurs anciens malheurs » [107].

39Si pour paraître proche de son peuple, Napoléon écoute ses sujets, il consulte aussi beaucoup, notamment les entrepreneurs. Durant son séjour toulousain, il se rend chez les dénommés Berta et Lecour pour les interroger sur la situation de leurs usines [108]. Quelques jours plus tard, il se rend dans l'entreprise du dénommé Bosc [109]. Il prend le temps de connaître l'avis d'experts de renom. Par exemple, un certain Clauzade lui donne des détails précis sur l'exécution d'un plan en relief du canal du Midi exécuté par des ingénieurs :

40

« S.M. fit alors plusieurs questions sur la nature de ces ouvrages, et notamment sur ceux de la Montagne-Noire. M. Clauzade expliqua le mécanisme des eaux, des rigoles, des sources et des voûtes du bassin de Saint-Ferréol. S.M. parût satisfaite de tous ces détails de l'ensemble de l'ouvrage, et exprima sa satisfaction aux ingénieurs artistes qui l'ont fait ; il les assura sur-tout que ce relief seroit vu avec plaisir à la capitale » [110].

41Napoléon sait tirer parti de la ressource que représentent des individus formés dans les meilleures écoles. Dès lors, qu'y a-t-il de surprenant à le voir remonter l'Adour accompagné de Baudernave, premier ingénieur de la place, et de Baudru, second ingénieur de la marine [111] ? Au cours de cette escapade, le chef de l’État questionne le pilote du navire, un certain Bourgeois, sur les difficultés de navigation. Sans doute faut-il voir, dans ce cas précis, la confiance accordée par l'empereur à l'expertise d'un homme de terrain.

42Le souverain, qui n'a pas toujours le temps ni même l'envie de s'arrêter pour entamer une discussion, interroge, presque systématiquement, les autorités locales. Par exemple, à Tarbes,

43

« rien de ce qui concerne les intérêts du département n'échappa à l'attention de celui qui sait descendre des plus hautes conceptions militaires, aux plus petits détails administratifs ; et on reconnut, avec satisfaction, que les points les plus éloignés de son Empire ne sont pas plus étrangers à sa pensée, que ceux qui entourent sa résidence habituelle » [112].

44Recevoir les pouvoirs publics est une priorité pour Napoléon quitte à multiplier les audiences. Il rencontre les conseillers municipaux de Niort accompagnés de ceux des communes voisines. D'après le Journal del'Empire, « il a daigné s'entretenir en détail avec chacun des membres des municipalités, il les a écoutés tous avec bonté » [113]. À Nantes, l'empereur questionne le général commandant la division, ainsi que son état-major. Pour ne pas froisser l'honneur des militaires [114], ceux-ci précèdent les gardes d'honneur, puis viennent successivement les autorités religieuses, civiles et judiciaires [115]. À Niort ou à Nantes, l'entretien débute à neuf heures. Le journal ne précise pas l'heure à laquelle le souverain admet auprès de lui les notables de La Roche-sur-Yon. Il indique toutefois que la réception a lieu dans le logement de l'empereur. La rencontre décrite ressemble à une réunion de travail. Le monarque interroge d'abord les ingénieurs sur l'état des travaux qu'il a ordonnés puis se renseigne ensuite auprès des autorités locales « sur leurs besoins, elle [Sa Majesté] a écouté et accueilli leurs demandes avec la plus grande affabilité ; elle est entrée dans le détail de leurs besoins avec la bonté la plus touchante » [116]. L'article ne dit pas comment s'opèrent les échanges verbaux entre Napoléon et les deux cent maires présents. Toujours est-il que la discussion ne relève pas seulement de l'anecdote du fait du grand nombre de participants. En effet, partout où il passe, Napoléon sollicite des entrevues, même s'il manque de temps. À Montauban où il ne prend pas la peine de visiter la ville, le chef de l’État « a donné audience aux diverses autorités » [117]. Lorsqu'il n'est que de passage, les discussions se déroulent parfois dans des lieux peu conventionnels. Napoléon accorde une audience au préfet à l'hôtel du Cheval-Rouge, tout juste après dîner [118]. Ce type d'échange lui permet d'obtenir des informations auprès d'interlocuteurs, plus habitués à rendre compte aux ministres qu'au souverain en personne.


45Napoléon a cherché à obtenir la collaboration de la presse parisienne. Le Journal de l'Empire noue des liens étroits avec le gouvernement en obtenant directement des nouvelles auprès de hauts dirigeants de l'Empire. Parce qu'il n'est pas toujours suffisamment bien informé, le journal est obligé de diversifier ses sources, parfois citées pour donner plus de crédit à l'information. La feuille est parfaitement contrôlée par le pouvoir. En effet, les récits de voyage attestent d'une connaissance parfaite voire d'une intériorisation des contraintes inhérentes à la publication sous l'Empire : aucune allusion n'est faite aux refus ni aux oppositions pour livrer des récits stéréotypés destinés à légitimer le souverain. Cette légitimation passe aussi bien par une redéfinition des espaces temporel et sensible que par la mise en scène d'acteurs venus à la rencontre du chef de l’État. Le « peuple » ne se cantonne pas à un rôle secondaire. Au contraire, les seuls à pouvoir entourer Napoléon se distinguent autant pour leur capital socio-culturel que pour leur engagement politique. Il s'agit là d'un moyen habile pour tenir les opposants à l'écart des cérémonies protocolaires et des salles de bal. Sans présupposer de leur efficience, de telles représentations n'occultent pas non plus les impératifs de discrétion et de rapidité qui président parfois aux déplacements d'un chef d’État.

Notes

  • [1]
    Jean TULARD, Louis GARROS, Itinéraire de Napoléon au jour le jour (1769-1821). Nouvelle édition revue et corrigée par Jean TULARD et Jacques JOURQUIN, Paris, Tallandier, coll. « Bibliothèque Napoléon », 2002 [1re édition 1992].
  • [2]
    Ils mériteraient une étude approfondie ; à titre d'exemple, Léon BOITEL, « Passages et séjours de Napoléon à Lyon », Revue du Lyonnais, 1850, série 2, tome 1, p. 97-109 et p. 225-232.
  • [3]
    Les voyages officiels des chefs d’État sont largement abordés par les historiens. Parmi les études marquantes, on lira Jean BOUTIER, Alain DEWERPE, Daniel NORDMAN, Un tour de France royal. Le voyage de Charles IX (1564-1566), Paris, Aubier, coll. « Historique », 1984 ; Alain CORBIN, Nathalie VEIGA, « Le monarque sous la pluie », dans La Terre et la cité, Mélanges offerts à Philippe Vigier, Paris, Créaphis, coll. « Pierre de mémoire », 1994, pp. 217-230 ; Nicolas MARIOT, Bains de foule : les voyages présidentiels en province, 1888-2002, Paris, Belin, 2006 ; très récemment Judith BONNIN, Les voyages de François Mitterrand. Le PS et le monde (1971-1981), Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2014. Plus spécifiquement sur les voyages de Napoléon on consultera Jacques-Olivier BOUDON, « Le voyage du Premier consul en Normandie », dans Études Normandes, Napoléon et la Normandie, n° 2, 2002, p. 7-22 et, du même, « Le voyage de Napoléon dans le sud-ouest », dans Napoléon, Bayonne et l'Espagne. Actes du colloque organisé par la Société des Sciences, Lettres et Arts à l'occasion du bicentenaire de l'Entrevue de Bayonne, Paris, Honoré Champion, 2011, p. 17-27.
  • [4]
    Gilles BERTRAND, Pierre SERNA (dir.), La République en voyage, 1770-1830, Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2013, p. 15.
  • [5]
    Aurélien LIGNEREUX, L'Empire des Français (1799-1815). Histoire de la France contemporaine n° 1, Paris, Le Seuil, coll. « L'Univers historique », 2012, p. 143.
  • [6]
    André CABANIS, La presse sous le Consulat et l'Empire, Paris, Société des études robespierristes, coll. « Bibliothèque d'histoire révolutionnaire », 1975, p. 107.
  • [7]
    Stéphane SOUPIRON, L'image de Napoléon Bonaparte dans le Journal des Débats et le Journal de l'Empire (1800-1813). Une histoire des représentations dans la presse du Consulat et du Premier Empire, Mémoire de Master 1, Université d'Avignon, 2009.
  • [8]
    Jean-Clément MARTIN dans Représentation et pouvoir. La politique symbolique en France (1789-1830), Natalie SCHOLZ et Christine SCHÖRER (dir.), Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2007, p. 16.
  • [9]
    Roger CHARTIER, « Pouvoirs et limites de la représentation. Sur l’œuvre de Louis Marin » dans Annales, 1994, vol. 49/2, p. 413.
  • [10]
    D'après Thierry LENTZ, Nouvelle histoire du Premier empire. Tome III. La France et l'Europe de Napoléon (1804-1814), Paris, Fayard, 2007, p. 343.
  • [11]
    Sylvain VENAYRE, « Pour une histoire culturelle du voyage au XIXe siècle », dans Sociétés et Représentations, 2006/1, n° 21, p. 5-6.
  • [12]
    Pierre KARILA-COHEN, « De l'enquête politique comme voyage », dans Sociétés et Représentations, 2006/1, n° 21, p. 135.
  • [13]
    La question est débattue, Jacques BERNET, Emmanuel CHERRIER (dir.), 1807 : l'apogée de l'Empire ?, Valenciennes, Presses Universitaires de Valenciennes, Calhiste, coll. « Recherches Valenciennoises », n° 30, 2009, p. 8.
  • [14]
    Thierry LENTZ, ouvrage cité, p. 339.
  • [15]
    Le 27 septembre 1808. Les dates qui suivent correspondent au jour de parution des articles.
  • [16]
    Respectivement les 7 et le 9 juin 1808.
  • [17]
    Respectivement les 8 mai, 17 juin 1808 et 31 juillet 1808.
  • [18]
    Le 27 août 1808.
  • [19]
    Le 4 octobre 1808.
  • [20]
    Le 30 août 1808.
  • [21]
    Le 27 septembre 1808.
  • [22]
    Le 13 juillet 1809.
  • [23]
    Le 20 juillet 1808.
  • [24]
    Le 9 novembre 1808.
  • [25]
    Sylvain VENAYRE, « Le voyage, le journal et les journalistes au XIXe siècle », dans Le Temps des médias, 2007/1, n° 8, p. 52-53.
  • [26]
    Le 30 juillet 1809.
  • [27]
    Le 21 juillet 1809.
  • [28]
    Le 18 août 1808.
  • [29]
    Le 20 août 1808.
  • [30]
    Jean-René AYMES, « La guerre d'Espagne dans la presse impériale (1808-1814) », dans AHRF, n° 336, avril-juin 2004, p. 229.
  • [31]
    Le 6 janvier 1809.
  • [32]
    Le 7 janvier 1809.
  • [33]
    Le 8 janvier 1809.
  • [34]
    Le 1er janvier 1809.
  • [35]
    Le 23 janvier 1809.
  • [36]
    Le 26 janvier 1809.
  • [37]
    Le 30 juillet 1808.
  • [38]
    Le 30 juillet 1808.
  • [39]
    Le 16 mai 1808.
  • [40]
    Le 20 août 1808.
  • [41]
    Le 12 août 1808.
  • [42]
    Le 27 mai 1808.
  • [43]
    Le 16 juin 1808.
  • [44]
    Le 29 juillet 1808.
  • [45]
    Le 3 août 1808.
  • [46]
    Le 7 mai 1808.
  • [47]
    Jean-Clément MARTIN, La Vendée et la Révolution : accepter la mémoire pour écrire l'histoire, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2007.
  • [48]
    Les 16 et 17 août 1808.
  • [49]
    Le 13 août 1808.
  • [50]
    Le 20 avril 1808.
  • [51]
    Le 28 janvier 1809.
  • [52]
    Le 8 août 1808.
  • [53]
    Le 11 avril 1808.
  • [54]
    Alain CORBIN, « La fête de souveraineté » dans Alain CORBIN, Noëlle GEROME, Danielle TARTAKOWSKY, (dir.), Les usages politiques des fêtes aux XIXe-XXe siècles. Actes du colloque organisé les 22 et 23 novembre 1990 à Paris, Paris, PUS, 1994, p. 32.
  • [55]
    Jean BOUTIER, Alain DEWERPE, Daniel NORDMAN, ouvrage cité, p. 294.
  • [56]
    Le 16 et 17 août 1808.
  • [57]
    Le 5 août 1808.
  • [58]
    Le 12 août 1808.
  • [59]
    Le 18 avril 1809.
  • [60]
    Le 31 juillet 1808.
  • [61]
    Le 13 août 1808.
  • [62]
    Le 27 septembre 1808.
  • [63]
    Le 6 août 1808.
  • [64]
    Le 30 juillet 1808.
  • [65]
    Le 8 avril 1808.
  • [66]
    Les 16 et 17 août 1808.
  • [67]
    Le 13 août 1808.
  • [68]
    Le 12 août 1808.
  • [69]
    Le 31 juillet 1808.
  • [70]
    Le 5 août 1808.
  • [71]
    Le 11 avril 1808.
  • [72]
    Le 11 avril 1808.
  • [73]
    Sur la connexion entre le familial et le politique, Lynn HUNT, Le roman familial de la Révolution française, Paris, Albin Michel, 1994.
  • [74]
    Le 18 août 1808.
  • [75]
    Jean-Clément MARTIN, La Terreur. Part maudite de la Révolution, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes », 2010, p. 88-90 ; Jean-Claude CARON, Frères de sang. La guerre civile en France au XIXe siècle, Seyssel, Champ Vallon, coll. « La chose publique », 2009.
  • [76]
    Pascal DURAND, Marc LITS, « Peuple, populaire, populisme » dans Hermès, 2005, n° 42, p. 133.
  • [77]
    Le 8 août 1808.
  • [78]
    Natalie PETITEAU, Les Français et l'Empire (1799-1815), Paris, La Boutique de l'Histoire/ Éditions Universitaires d'Avignon, coll. « E-Présent », 2008, p. 127.
  • [79]
    Le 8 août 1808.
  • [80]
    Le 15 août 1808.
  • [81]
    Le 13 août 1808.
  • [82]
    Le 11 avril 1808.
  • [83]
    Le 13 août 1808.
  • [84]
    Marie-France PIGUET, Classe. Histoire du mot et genèse du concept, des Physiocrates aux Historiens de la Restauration, Lyon, PUL, 1996.
  • [85]
    Le 20 avril 1808.
  • [86]
    Le 10 août 1808.
  • [87]
    Le 12 août 1808.
  • [88]
    Le 13 août 1808.
  • [89]
    Le 18 avril 1809.
  • [90]
    Le 30 juillet 1808.
  • [91]
    Le 12 août 1808.
  • [92]
    Le 6 août 1808.
  • [93]
    Le 25 septembre 1808.
  • [94]
    Le 12 août 1808.
  • [95]
    Le 30 juillet 1808.
  • [96]
    Le 31 juillet 1808.
  • [97]
    Le 11 avril 1808.
  • [98]
    Le 23 avril 1808.
  • [99]
    Le 31 juillet 1808.
  • [100]
    Tous les détails de cette visite sont donnés dans un article du 5 août 1808.
  • [101]
    Le 8 août 1808.
  • [102]
    Le 10 août 1808.
  • [103]
    Ronald ZINS, « Lyon, ville bonapartiste ? » dans Lyon sous le Consulat et l’Empire. Actes du colloque de Lyon (15-16 avril 2005), Reyrieux, Horace Cardon, 2007, p. 286.
  • [104]
    Le 9 août 1808.
  • [105]
    Le 12 avril 1808.
  • [106]
    Priscille ALADJIDI, Le Roi père des pauvres (France XIIIe-XVe siècles), Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2008, p. 92.
  • [107]
    Le 18 août 1808.
  • [108]
    Le 3 août 1808.
  • [109]
    Tous les détails de cette visite paraîssent dans un article daté du 5 août 1808.
  • [110]
    Le 5 août 1808.
  • [111]
    Le 27 avril 1808.
  • [112]
    Le 12 août 1808.
  • [113]
    Le 13 août 1808.
  • [114]
    Jean-Paul BERTAUD, Quand les enfants parlaient de gloire. L'armée au cœur de la France de Napoléon, Paris, Aubier, coll. « Historique », p. 122-126.
  • [115]
    Le 13 août 1808.
  • [116]
    Le 13 août 1808.
  • [117]
    Le 8 août 1808.
  • [118]
    Le 8 avril 1808.
Français

Napoléon a su exploiter ses déplacements à des fins politiques. Ces voyages donnent lieu à des récits parus dans les journaux, source trop souvent négligée en raison de son parti pris politique. Le but de la presse napoléonienne est d’influer sur l'opinion publique pour assurer un contrôle efficace de la société. Cet article, qui ambitionne de réinterroger les modalités de ce contrôle, s'intéresse simultanément aux normes d'écritures, aux dispositifs rhétoriques et aux représentations, entre les mois d'avril 1808 et d'octobre 1809, dans le Journal de l'Empire. Cette gazette s’efforce de maintenir de bonnes relations avec les autorités susceptibles de fournir à ses journalistes les informations dont ils ont besoin pour faire l'actualité, même s'ils disposent par ailleurs d'autres sources d'information. Tout voyage de l'Empereur constitue dès lors un événement exceptionnel. La place de chacun dans le contexte de ce déplacement est donc aménagée dans ces chroniques de voyage de manière à donner une vision idéale et parfaitement ordonnée de la société, tout en étoffant le portrait d'un chef d'État en action.

Cédric Audibert
Cédric Audibert est docteur de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse (UAPV). Il est enseignant en collège. Sa thèse intitulée Les Français vus par ceux qui les gouvernent (1800-1820) a été publiée en 2018 aux Indes Savantes. Ses travaux portent actuellement sur les voyages de Napoléon.
Mis en ligne sur Cairn.info le 20/01/2022
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