CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les efforts de l’État, des collectivités provinciales et locales, des universités espagnoles ainsi que d’institutions privées, notamment la Asociación para el Estudio de la Guerra de la Independencia (AEGI) [1] et le Foro para el Estudio de la Historia Militar de España (FEHME, dont l’auteur de cet article est membre), ont donné lieu à d’innombrables commémorations du bicentenaire du conflit. Plus de 300 manifestations diverses, allant de la reconstitution d’épisodes guerriers en costumes d’« époque » aux expositions, cycles de conférences et colloques universitaires, survinrent au cours de la seule année de 2008... Par là, l’historiographie de la guerre de l’Espagne contre Napoléon a connu à la fois une inflation logique des publications et un incontestable renouvellement.

2Ce phénomène éditorial affecte même la production romanesque, dont la forme la plus séduisante jusqu’à aujourd’hui est sans nul doute l’évocation polyphonique du Dos de Mayo par Arturo Pérez-Reverte [2], malgré quelques controverses suscitées par les déclarations (parfois provocantes) de cet auteur parmi la communauté des historiens.

3En effet, se détachent désormais plusieurs générations d’historiens, car la première, formée durant la phase technocratique du franquisme, est toujours active, à l’instar de Miguel Artola. Les suivantes, nourries de la transition démocratique et de la « décentralisation » qui s’ensuivit, émergent à partir du milieu des années 1990 ; un de leurs principaux représentants est le politiste José Álvarez Junco. Celles-ci se montrent beaucoup plus sensibles à la fabrication herméneutique du conflit depuis les années 1820-1830 ; certains de leurs membres n’hésitent d’ailleurs pas à se revendiquer révisionnistes. Il est donc aussi abusif que réducteur de stigmatiser l’historiographie « moisie » et quasi légendaire du conflit outre-Pyrénées, comme le fit l’historien Jean-Joël Brégeon en 2006, dans un ouvrage de vulgarisation, donc destiné à un large public [3].

4En témoigne avec éloquence la soudaine multiplication des études bibliographiques consacrées au sujet, depuis la recension pionnière effectuée par Jean-René Aymes en 1989 [4], qui s’inscrivait alors dans le cadre conceptuel des « Révolutions atlantiques » formulé par Jacques Godechot. Elle resta longtemps isolée jusqu’à ce que, à l’orée du XXIe siècle, un colloque véritablement fondateur, Fuentes documentales para el estudio de la Guerra de la Independencia (2001-2002) ait repris le témoin [5]. Depuis les prémices des commémorations, différents spécialistes (en particulier français et espagnols, puisque les auteurs anglo-saxons privilégient généralement une approche transversale, englobant l’ensemble des campagnes révolutionnaires et/ou impériales) du sujet ont recensé, analysé et évalué cette production à travers diverses études substantielles. De plus, la réactivité accrue et les facilités matérielles procurées par l’édition électronique, par rapport au cadre plus rigide des articles de revues traditionnelles ou des communications de colloque, ont également commencé à jouer.

5Nous devons désormais compter, notamment, avec les travaux successifs de Gonzalo Butrón Prida/José Saldaña Fernández, Antonio Calvo Maturana/Manuel Amador González Fuertes, Jean-Philippe Luis, Jean-René Aymes, Pedro Rújula, Emilio de Diego et José María Ortiz de Orruño Legarda [6]. Par ce resserrement de la focale sur l’événement, le conflit est devenu un champ d’études autonome, non plus seulement relié aux Lumières et à leur diffusion dans la Péninsule, mais dorénavant ouvert sur l’évolution contemporaine de l’Espagne, ses spécificités en matière de développement économique et culturel, ainsi que l’essor éventuel d’une conscience nationale.

6Pourtant, à « ruminer » ces derniers travaux (échelonnés entre 2008 et 2011), mêlant souvent judicieusement historiographie et épistémologie, un fait s’impose bientôt. Seul le premier évoque l’apport de l’archéologie [7], et cela au titre des nouvelles – et prometteuses – pistes de recherche. Aucun n’aborde la paléopathologie, preuve d’un cloisonnement disciplinaire persistant. Cela peut sembler d’autant plus étonnant que l’étude du Premier Empire a dernièrement bénéficié de la découverte fortuite de plusieurs charniers liés à la retraite de Russie, à Vilnius en octobre 2001 d’abord [8], puis à Kaliningrad en juin 2006 [9]. Au-delà de leur ambivalence sémiotique – elles ont pu contribuer à un regain de la « légende noire » napoléonienne en France, notamment perceptible avec l’absence de commémoration officielle d’Austerlitz, en s’ajoutant à d’autres tendances sociétales fortes [10] –, leurs fouilles ont représenté un enjeu scientifique considérable.

7De fait, ces « sépultures de catastrophe » comportent un échantillon d’individus sans équivalent connu en Europe pour les débuts de la période contemporaine. Le premier en comptait 3269, outre quelques chevaux et mules, sommairement inhumés dans une tranchée d’artillerie ; le second, très endommagé par les engins de terrassement, comportait au moins 13 fosses communes. La première de ces fouilles, pratiquée de concert par des scientifiques lituaniens (université de Vilnius) et français (université d’Aix-Marseille II, UMR 6578 du CNRS), a livré de précieux renseignements sur l’état sanitaire et le régime alimentaire des hommes de la Grande Armée à partir des ossements, de la pulpe dentaire et du mobilier retrouvé. Ils ont permis d’établir leur mauvaise dentition, faute d’hygiène buccale : si rares (2,7 %) étaient ceux qui avaient perdu des dents de leur vivant, 70 % des sujets étudiés souffraient au moins d’une carie [11]. D’autre part, la présence avérée de bacilles du typhus et de la fièvre des tranchées, diffusés par des poux, chez 29 % du panel retenu [12], démontre que ces épidémies non encore identifiées à l’époque constituèrent alors un facteur important de mortalité, en particulier s’agissant de « survivants », endurcis et aguerris, de la Retraite.

8De surcroît, l’approche anthropologique des combattants est, depuis quelque temps, le « nouveau chantier » d’une histoire militaire pourtant déjà profondément renouvelée, fort éloignée de « l’histoire-bataille » condamnée par les Annales. Même s’il faut bien reconnaître qu’il s’agit encore souvent de déclarations d’intention ou, au mieux, de pistes programmatiques. Je renvoie ici aux travaux récents de Natalie Petiteau, spécialiste reconnue du Premier Empire et, pour une perspective plus large (mais manquant, à mon avis, quelquefois de substance, avant le dernier chapitre, le plus constructif à cet égard), à un des derniers ouvrages de Stéphane Audoin-Rouzeau [13]. Forgée dans les débats sur la Grande Guerre, qui vit d’ailleurs les premières applications systématiques de l’archéologie du fait guerrier à la période contemporaine [14], cette approche pluridisciplinaire s’est récemment étendue au Premier Empire. Elle s’est manifestée par deux colloques pionniers, le premier au Mémorial de Caen en octobre 2008, le second au Musée de l’Armée en décembre 2009 [15], dont ce travail vise à constituer un prolongement circonscrit au seul cas espagnol.

9Intégrer les apports de l’archéologie et de l’anthropologie biologique à leur approche ne peut donc qu’être profitable aux historiens contemporanéistes, les plus « dédaigneux » à l’égard de ces disciplines, car déjà confrontés à des sources surabondantes (richesse à relativiser toutefois s’agissant du premier XIXe siècle…). Or, si les fouilles liées à la retraite de Russie ont bénéficié d’une forte attention médiatique, à l’aune de leur importance, il n’en est pas de même pour l’Espagne, première grande épreuve affectant massivement les armées napoléoniennes, qui comptèrent jusqu’à 360 000 hommes dans la Péninsule en 1811. Le long désintérêt de la patrie de Cervantès pour les vestiges du passé (jusqu’à la Loi sur le Patrimoine de 1985, qui n’est pas toujours respectée, loin de là [16]), l’éclatement des chantiers archéologiques, confiés aux diverses Communautés Autonomes établies par la Constitution de 1978, et la priorité universitaire persistante accordée aux seules Préhistoire et Antiquité ont sans doute joué dans cette situation [17]. Il faut enfin prendre en compte, depuis 2003, la focalisation croissante de l’opinion espagnole sur les « fosses du franquisme », qui ont tendance en outre à accaparer le peu d’espace scientifique laissé à l’archéologie contemporaine [18].

10Ce travail se veut donc avant tout une présentation, aussi exhaustive que possible, des différents chantiers archéologiques concernant la Guerre d’Espagne, argumentée et appuyée sur des éléments de comparaison avec diverses fouilles européennes de la période révolutionnaire et impériale. Elle a été élaborée grâce à l’aide de plusieurs personnes (Myriam Gilet, Jesús Maroto, Luis Sorando Muzas, José Luis Arcón Domínguez, José Luis Millán Alonso et Joan Corderas Plans en premier lieu). Je leur adresse donc tous mes remerciements, ainsi qu’aux responsables scientifiques des principales fouilles concernées, Francisco Etxeberría Gabilondo, Marcos José Miquel-Feucht et María Encina Prada Marcos, qui m’ont fort aimablement communiqué les résultats de leurs analyses. La consultation régulière du très riche blog tenu par Miguel Ángel García García depuis novembre 2008, 1808-1814escenarios.blogspot, s’avéra également précieuse.

11La plupart de ces études n’hésitent pas à recourir aux matériaux usuels de l’historien (archives, témoignages, tradition orale…) ; il s’agit donc, en quelque sorte, de rétablir l’équilibre. Cela ne dispense pas, cependant, d’une remarque préalable sur l’apparition de ces « traces ». En général, elles relèvent de l’essor récent des fouilles préventives, liées à des travaux d’urbanisme, d’infrastructures de communication ou de rénovation patrimoniale, avec leurs aléas. Un des premiers cas recensés concerne le palais fortifié de la Aljaferia à Saragosse, en 1986, avant sa transformation en siège des Cortes d’Aragon. D’autres, en revanche, furent concertés, notamment dans le cadre d’une cartographie archéologique sous-marine des littoraux espagnols ou d’une restauration historico-patrimoniale, ainsi pour les châteaux de Santa Catalina (Jaén) et de Jimena de la Frontera. Enfin, il y eut quelques découvertes fortuites, « parasitant » des chantiers de fouilles très éloignés de l’époque contemporaine, comme dans l’îlot de Cabrera (Baléares).

12Pour procéder à cet état des lieux de l’archéologie de l’occupation napoléonienne en Espagne, j’examinerai trois domaines principaux : le bâti, la mort, à travers ses différentes dimensions, et l’économie. Tous trois furent longtemps délaissés par les historiens du conflit ; les apports potentiels de l’archéologie et de la paléopathologie – s’agissant, bien entendu, du second – apparaissent d’autant plus prometteurs. En conformité avec cette catégorisation, une carte de synthèse permettra d’en localiser les différents éléments (cf. Carte, publiée dans une prochaine partie), et l’annexe I en offrira une présentation synthétique.

I) Le legs monumental du conflit

13L’occupation impériale de la Péninsule s’est traduite par un maillage de bâtiments à usage défensif et répressif, élaboré par les divers belligérants et propre à une « sale guerre », menée de surcroît sur un théâtre périphérique, donc avec des moyens humains initialement limités et de médiocre valeur. L’étude de leurs vestiges occupera donc, en toute logique, l’essentiel de cette partie. Je débuterai cependant par quelques réflexions sur l’héritage, tant matériel qu’immatériel, du conflit.

A. Un legs pluriforme et ambivalent

14Aujourd’hui encore, une personne attentive et curieuse peut noter, chemin faisant, des séquelles des violents combats de l’orée du XIXe siècle dans de nombreuses villes espagnoles. Résultant d’un vandalisme spontané de conscrits impériaux (probablement déchristianisés) dans un contexte insurrectionnel, le 10 juin 1808, des traces de balles sont toujours visibles sur le devant de l’église de Linares (province de Jaén) [19]. Lors de la rénovation de la porte médiévale de Quart, à Valence, on a pris soin de préserver les nombreuses traces des boulets français tirés au cours de l’attaque infructueuse du 28 juin 1808. La Puerta del Carmen, criblée de mitraille, atteste aujourd’hui encore l’intensité des deux terribles sièges subis par Saragosse, entre juin 1808 et févier 1809. Le clocher de la cathédrale de Ciudad Rodrigo montre l’empreinte des projectiles visant ce point dominant, poste de guet et d’alarme, lors des deux sièges subis par la place forte frontalière, en 1810 et 1812. Dans le petit port fortifié de Castro Urdiales (Cantabrie), la façade de l’église Santa María présente des impacts de boulets, et les murs de plusieurs maisons des traînées de fumée, séquelles de l’incendie qui suivit le terrible sac survenu le 11 mai 1813, après un siège de quelques semaines [20].

15Les destructions furent fréquentes, et les édifices ruinés devinrent un élément récurrent du paysage urbain de la Péninsule. Le cœur historique, hérité de la Renaissance, de villes aristocratiques de Vieille Castille comme Alba de Tormes, Medina de Rioseco, Cuellar, Berlanga de Duero, Benavente ou Escalona, fut pratiquement dévasté [21]. Pourtant, elles n’avaient pas eu à souffrir de sièges de la part des forces napoléoniennes, comme la plupart des exemples cités supra. Même les plus petites localités n’étaient pas épargnées ; ainsi, en 1820, l’église de Torrequebradilla (prov. de Jaén) était toujours privée de toit ainsi que de cloches, et donc impropre au culte [22].

16Les ressources naturelles furent, elles aussi, durement affectées par le conflit, et leur épuisement était susceptible d’occasionner des destructions supplémentaires. Face aux difficultés croissantes d’approvisionnement en bois, la garnison impériale de Valladolid dut arracher arbres et palissades, puis démolir, dès l’hiver 1812, de nombreuses maisons particulières et des couvents pour récupérer poutres, charpentes, portes et volets, escaliers, meubles… Ces matériaux improvisés étaient devenus indispensables pour réparer le pont stratégique sur le Pisuerga (donc détruit chaque fois que la ville allait changer de mains) et confectionner des chariots, comme pour s’assurer moyens de chauffage et combustible au quotidien [23].

17Le patrimoine artistique espagnol, tant palatial qu’ecclésiastique, subit un pillage considérable, du fait des exigences muséales de l’Empereur comme des convoitises de divers officiers supérieurs ou dignitaires civils (le maréchal Soult, le général Darmagnac, l’ambassadeur La Forest…). Un des rares colloques français consacrés à la Guerre d’Espagne, organisé à Bayonne en mai 2008, l’a notamment démontré [24], alors que les premiers travaux espagnols sur le sujet dataient des années 1980… Et ce n’est qu’en 1941 que quelques-unes des œuvres d’art les plus célèbres dérobées à cette occasion (en particulier L’immaculée Conception de Murillo, une des multiples rapines sévillanes de Soult) seront rétrocédées à l’Espagne par le maréchal Pétain en quête de soutiens diplomatiques [25].

18Pour autant, faut-il se borner, à l’instar de certains historiens espagnols actuels, à une description manichéenne de la situation ? Même s’il fut (trop ?) souvent présenté en modèle, Suchet se préoccupa d’assainir et d’embellir Valence, aussitôt après l’avoir conquise [26]. Et l’exemple de Burgos, occupée quasiment en permanence entre novembre 1808 et juin 1813, suggère plutôt qu’elle fut contrastée, voire ambivalente. Les dévastations et les pillages qu’elle subit étaient indéniables ; en novembre 1808, la ville fut mise à sac « au point de ne plus trouver un meuble entier nulle part » [27]. Mais ils se voyaient contrebalancés par la mise en œuvre du projet urbanistique du général Thiébault (création d’un cimetière extra muros dans le jardin du couvent de San Agustin, déplacement des abattoirs, aménagement de places et d’une promenade ombragée le long de l’Arlanzón, érection d’un monument funéraire dédié au Cid…). La ville s’adaptait par là définitivement à la modernité, au prix, il est vrai, de nouveaux efforts financiers pour la municipalité [28]. Les volontés réformatrices de Thiébault en matière d’urbanisme ne se limitèrent d’ailleurs pas à Burgos ; il conçut également l’originale Plaza de Anaya, unique legs positif de l’occupation à Salamanque [29].

19Il fallait par ailleurs prendre en compte les efforts législatifs du roi Joseph pour la préservation du patrimoine architectural et artistique (par exemple, la remise à honneur des dramaturges du Siècle d’Or dans les théâtres madrilènes) en plein accord avec le fort nationalisme culturel des afrancesados[30], même s’ils restaient le plus souvent lettre morte, à cause des circonstances. Si la promotion des dramaturges du Siècle d’Or dans les théâtres madrilènes fut activement menée par Leandro Fernández de Moratín, le premier Musée public de peintures dans la capitale, clairement inspiré du Musée Napoléon, fut un fiasco. Créé en décembre 1809, il n’eut qu’une existence végétative.

20De fait, du projet réformateur josefino en matière d’urbanisme néo-classique ne subsiste guère qu’un des multiples surnoms infamants décernés au frère de Napoléon par les insurgés, celui de « Rey Plazuelas », et l’image correspondante : un souverain acharné à éventrer le tissu urbain pour y créer autant de placettes. À ma connaissance, il n’existe plus qu’un « témoin » monumental de son règne : le blason à ses armes remplaçant celui de Felipe III, tout en conservant le collier de la Toison d’or sculpté autour, probablement apposé durant le printemps 1809 sur la façade de l’église de San Benito el Real de Valladolid. Il fut découvert lors de la restauration du monument, en 2001 : la guerre finie, on s’était contenté de le crépir et d’y apposer un blason simplifié des Bourbons [31]. Il s’agit là sans nul doute d’un cas exceptionnel de survie de l’héraldique napoléonienne en Espagne. De même, de l’armée espagnole que le roi Joseph s’évertua constamment à former, sans grands résultats [32], de juillet 1808 à 1813, ne subsiste que le drapeau du 6e de ligne (Málaga). Car il s’agissait d’un trophée, capturé par les insurgés de la Serranía de Ronda au cours d’un combat. On peut aujourd’hui le contempler dans la salle 14 du Museo Naval de Madrid, auquel il fut remis en 1843.

21Quoique beaucoup plus nombreuses, importantes et durables, les séquelles militaires de l’occupation manifestaient une ambivalence similaire. En effet, les officiers impériaux, bien que souvent prototypes de l’officier colonial polyvalent cher à Lyautey, se montraient tour à tour bâtisseurs et destructeurs, anéantissant au besoin leurs propres réalisations, au moyen de fourneaux de mine, avant chaque « repli stratégique »… Mais il faut bien reconnaître que les Britanniques, pourtant alliés des insurgés, procédèrent de façon comparable, en s’en prenant de manière systématique aux fortifications côtières espagnoles. Ils dévastèrent notamment celles des littoraux valencien et andalou, où se multipliaient les nids de corsaires français, tant « locaux » qu’allogènes, en quête de nouvelles opportunités de butin, face à l’asphyxie progressive des ports méditerranéens du Grand Empire par les escadres anglaises [33]. Entre Cadix et le cap de Gata, au sud-est d’Almeria, un bilan minutieux leur attribue la destruction de 24 structures fortifiées (entre forts, batteries, maisons fortes, tours de guet…) contre 7 pour les Français [34]… Le même auteur en dénombre au moins 9 démantelées par les forces terrestres et surtout navales britanniques sur la façade littorale valencienne [35].

B. Un réseau dense, hiérarchisé et diversifié de fortifications

22Du fait de la situation militaire particulière (menace croissante d’offensives anglo-portugaises et surtout harcèlement croissant de la guérilla), les occupants durent mettre en place un maillage de places fortes et de postes, dont la plupart avaient pour mission de contrôler les voies de communication et le littoral [36].

23Il s’agissait donc souvent de fortifications passagères, ouvrages en bois, en pierres sèches ou en terre damée (blockhaus, redoutes, lunettes) dont on n’a logiquement guère conservé de traces, sauf à travers quelques-unes des lithographies du général Bacler d’Albe [37]. On peut cependant reconnaître, depuis le ciel, l’emplacement du fortin Saint-Michel, l’ouvrage à cornes flanquant les approches du château de Burgos au nord-est, et surtout celui de la redoute du col de Somosierra. C’était un point névralgique sur la route de Madrid et la principale ligne d’opération française. Napoléon lui-même ordonna la construction de cet ouvrage, et il demanda à Berthier qu’on lui affectât une garnison permanente de 300 hommes ainsi que 3 ou 4 canons, dans une missive du 20 janvier 1810. Il n’en reste plus aujourd’hui qu’un terrain aplani de 1 000 m2, entouré de talus, de vestiges de murs et d’un fossé, à proximité de l’actuel château d’eau de la localité [38].

24Les foyers notoires d’insurrection pouvaient justifier la fortification, improvisée et dans l’urgence (attestée par le réemploi fréquent de matériaux, voire d’édifices préexistants, parmi les plus solides), des villes et bourgades les plus importantes. Abritant des élites souvent attentistes, sinon collaboratrices, elles constitueraient les noyaux potentiels d’une pacification ultérieure, « en tache d’huile ». Ce fut le cas pour Logroño en 1811, alors que la Rioja était devenue un véritable sanctuaire pour la guérilla depuis l’été 1809 [39]. Le tribunal inquisitorial, extra muros, y fut arasé de manière symbolique, à l’exception de ses murs extérieurs, renforcés, reliés par un parapet doté de meurtrières et intégrés, aux moindres frais, aux défenses de la ville, comme l’ont révélé des fouilles menées dans cette zone [40]. Pierres à fusil et boutons d’uniforme découverts sur place témoignaient de la présence d’une garnison impériale.

25Parfois, ils étaient également quadrillés par un réseau de postes fortifiés, implantés à intervalles réguliers sur les principaux chemins. Une enquête fouillée, croisant sources archivistiques (notamment une série de cartes et plans réalisés par le capitaine Reveu en 1811-1812), tradition orale et visites de terrain, a pu l’établir pour la Serranía de Ronda, un des principaux pôles de résistance en Andalousie [41]. Afin de pacifier cette zone montagneuse et enclavée, les Français s’appuyèrent sur au moins cinq tours préexistantes (romaines ou médiévales) dont les ruines sont toujours visibles, et quatre fortins plus importants. Ces derniers furent quelquefois construits ex nihilo, comme la lunette hexagonale Beaussain dominant Ronda, et la Casa del Abenate à Parauta.

26Enfin, quelques localités stratégiques de ce périmètre reçurent des fortifications davantage élaborées. Ainsi, la partie méridionale du château de Jimena de la Frontera, datant des Phéniciens et abandonné depuis la fin du Moyen Âge, fut restaurée : des fouilles l’on révélé en 2003. Son fossé, devenu dépotoir, fut recreusé, son chemin d’accès remodelé et adapté à l’artillerie, et ses parapets pourvus de meurtrières [42]. Pour leur part, les insurgés renforcèrent Casares en construisant le fortin du Cerro del Calvario (resté inachevé) et la tour de Moncayo. Ils en firent une bourgade inexpugnable, pourvue de 14 canons et de 2 obusiers, pour la plupart de petit calibre [43] : il s’agissait soit de trophées nobiliaires, soit de pièces équipant les tours de guet du littoral (atalayas), voire récupérées sur des épaves… Un spécialiste a d’ailleurs proposé une reconstitution informatique de ses défenses, à partir des vestiges subsistants [44].

27L’Andalousie compta également un autre type de fortification improvisée, sommaire et bon marché, destinée cette fois à protéger les bourgades et les principales agrovilles des incursions des guérilleros et des brigands. De fait, celles-ci se soldaient presque toujours par la libération des prisonniers (y compris de droit commun), la réquisition des vivres, armes et chevaux disponibles, la destruction des archives notariales ou judiciaires, le pillage des biens des notables, et parfois leur assassinat.

28Soult, à partir de mars 1810, ordonna de murer les débouchés des principales rues, ne laissant subsister que quelques issues, barricadées et fortement gardées [45], tout en organisant un réduit défensif pour la garnison, dans une position centrale ou périphérique. De nombreuses villes moyennes furent ainsi « closes » jusqu’au printemps de 1812 à travers la région (Osuna, Morón de la Frontera, Lucena, Antequera, Écija, Alcalá la Real, Ronda, Arcos de la Frontera…). Soult favorisa d’autant plus cette tendance d’« autodéfense » que les communes concernées devaient assumer le coût des travaux sur leur propre budget… Un exemple de ce dispositif a été découvert en 2008 à Villamartín (prov. de Cadix), de même que quelques vestiges liés à l’occupation (éclat d’obus et bouton d’uniforme du 40e de ligne) [46]. Cependant, il n’était pas exclusif au Midi : en mai 1810, Fantin des Odoards déclara l’avoir employé à Puente del Arzobispo (Nouvelle Castille), preuve de la diffusion et de la circulation assez rapides des pratiques de contre-insurrection [47].

29De leur côté, les insurgés s’efforcèrent également de mettre en place des fortifications de campagne, notamment autour des gués ou des défilés, afin d’en interdire l’accès aux forces impériales. La Boca del Asno, sur la principale route praticable à l’artillerie menant à Malaga, reçut une batterie à cornes (d’environ 1700 m2), dont le tracé est encore visible sur les photographies aériennes du secteur. Œuvre du colonel du Génie Melchor de Gerona (un futur josefino, comme l’atteste sa Hoja de servicios[48]), elle était mal conçue et fut abandonnée sans résistance devant l’avancée des troupes de Sébastiani, au printemps de 1810 [49].

30Édifié dans l’urgence, face à l’invasion imminente, quoique projeté depuis janvier 1809 [50], le système de fortifications passagères visant à isoler Cadix, la Isla de León (aujourd’hui San Fernando) et l’arsenal de La Carraca du continent, en profitant des marais salants entourant la baie au sud et au sud-est, s’avérait formidable. Trois lignes défensives successives barraient désormais la péninsule, jusqu’aux puissants remparts de Cadix. L’ensemble, constituant dorénavant la capitale politique de l’insurrection et sa principale place forte des insurgés, était comparable aux lignes de Torres Vedras imaginées par Wellington pour préserver Lisbonne d’une nouvelle offensive impériale. Il disposait alors de 795 pièces d’artillerie, dont 55,2 % de gros calibre [51], sans compter l’escadre anglo-espagnole et la flottille espagnole.

31Récemment, les travaux d’aménagement des environs de Cadix (notamment pour la réalisation d’une ligne ferroviaire à grande vitesse et d’un tramway) ont permis plusieurs découvertes, répercutées par 1808-1814escenarios.blogspot. En septembre 2009, furent ainsi découverts 17 canons et quelques boulets équipant une batterie espagnole proche du Pont de Suazo, unique voie d’accès terrestre au complexe fortifié. On ne peut toutefois l’identifier en se reportant à la minutieuse reconstitution du système défensif gaditan effectuée par Juan Torrejón : celle de San Francisco Javier ne possédait que 4 pièces, et celle de Jesús y María n’était pas armée [52]. En janvier 2010, sur la plage de Camposoto, on mit au jour les restes du Réduit de Lacy, construit par les Anglais pour flanquer la ligne défensive de Sancti Petri, premier obstacle défendant la presqu’île.

32Une composante majeure du système défensif napoléonien était les places de campagne, aux fonctions essentiellement opérationnelles, car vouées à appuyer les offensives conjointes des différents corps d’armée. La situation particulière de la Péninsule y ajouta une mission stratégique, devenir des bases sûres contrôlant de riches territoires (indispensables à l’entretien des troupes, toujours censées « vivre sur le terrain ») et/ou des carrefours de communications. On peut citer ici quelques fortifications majeures, partiellement ou totalement réaménagées par les forces d’occupation qui s’efforcèrent de les adapter aux nouvelles exigences militaires comme aux progrès de la poliorcétique.

33En Cantabrie, c’était le cas du port de Santoña, dont Napoléon prétendait faire le « Gibraltar du Golfe de Gascogne ». À partir de mai 1811, il y affecta d’énormes moyens et un budget total de 700 000 francs [53]. Le colonel du Génie Gabriel Bonnay de Breuille fut chargé des travaux, poursuivis de 1811 à 1813 ; assez ironiquement, ses principales missions jusque-là avaient été de démolir et démanteler différentes places ennemies, en Italie du Nord, au Tyrol et en Prusse [54].

34Dans le nord de la Vieille Castille, deux places suscitèrent un intérêt particulier chez l’Empereur, par leur position névralgique quant aux principales lignes de communication françaises. Le château de Burgos fit l’objet de premiers travaux dès 1809 [55], et son périmètre fut constamment renforcé à partir de 1811-1812 [56], ce qui lui permit de résister aux troupes de Wellington durant l’automne de 1812. En novembre 2008, des sondages pratiqués dans la Calle de las Murallas ont mis au jour près d’une centaine de mètres de la muraille extérieure du château, avec deux brèches aux extrémités, témoins du terrible siège subi par la garnison impériale. Actuellement, une équipe d’archéologues recherche les fondations de l’église de San Roman, étape médiévale sur le chemin de Saint-Jacques, que les Français avaient intégrée aux défenses du château et qui fut détruite lors des combats.

35L’important fort de Santa Engracia, contrôlant le défilé de Pancorbo, principal lieu de franchissement des monts Obarenes, avait été édifié comme fortification de campagne par le gouvernement espagnol en septembre 1794, face à l’avancée des troupes révolutionnaires. Il voulut ensuite en faire une place forte pérenne, mais les travaux furent abandonnés en 1796 avant d’être achevés. Les Français, conscients de son importance, y établirent une garnison permanente dès le printemps de 1808 et augmentèrent ses défenses. Toutefois, son arasement en 1823 par les troupes du duc d’Angoulême ne permet pas d’évaluer l’ampleur de leurs aménagements. Aujourd’hui, ne subsistent plus que quelques pans de murs, des fossés et un chemin couvert et surtout 28 grottes artificielles, d’abord carrières, puis magasins, logements et casemates [57].

36Deux forteresses andalouses, d’origine musulmane, entrent aussi dans cette catégorie. Le château de Gibralfaro contrôlait les approches terrestres comme maritimes de Malaga, port essentiel pour la logistique de l’Armée du Midi, tandis que celui de Santa Catalina de Jaén permettait de tenir les défilés de la Sierra Morena, la fertile contrée du Haut Guadalquivir ainsi que le passage vers la Vega de Grenade. La première, modernisée par les soins du capitaine du Génie Chambaud [58], n’a donné lieu qu’à une étude classique, nourrie de documents du Génie impérial et de témoignages espagnols [59]. L’autre a bénéficié, en revanche, d’une étude pluridisciplinaire beaucoup plus poussée, qui intégrait sondages et fouilles archéologiques [60].

37Pour Jaén, c’était une démarche d’autant plus nécessaire que le dossier correspondant, conservé à Vincennes [61], ne contenait qu’un plan décalqué des nouvelles installations, établi en 1811. La forteresse musulmane de Santa Catalina, à l’état de ruines depuis la fin du XVIIe siècle et néanmoins âprement disputée durant l’été 1808, n’avait guère été affectée par les considérables travaux des insurgés durant 1809. Car ces derniers se focalisèrent sur la défense externe et interne de la ville, clairement imitée de l’exemple de Saragosse [62]. Les Français en firent une position-clé, dont ils confièrent la rénovation au capitaine du Génie Tinseau dès mai 1810. L’Alcazar Viejo, au S-E, accueillit les écuries et les baraquements de la troupe. L’Alcazar Nuevo, au N-O, fut promu au rôle d’ultime réduit défensif ; il incluait désormais les logements de l’état-major et des officiers, un hôpital bien conçu de 50 lits sur deux niveaux, un four à pain, des magasins et entrepôts, des citernes, plusieurs poudrières, l’échafaud et un ensemble de cachots. Enfin, une caponnière (communication protégée), dotée d’artillerie, fut aménagée avec la ville en contrebas.

C. Le système pénitentiaire et le quotidien des détenus

38C’était la conséquence directe d’un conflit mêlant affrontements réguliers d’armées nombreuses, guérilla et contre-insurrection, où le ralliement de la population, de gré ou de force, apparaissait impératif pour les camps en présence. Cela impliquait la criminalisation des « irréductibles » des deux bords, en reproduisant la symbolique pénale dissuasive de la justice d’Ancien Régime. Les occupants préféraient ainsi pendre (plutôt que fusiller, reconnaissance implicite du statut de combattant à leurs victimes) puis exposer les corps démembrés de ceux qu’ils qualifiaient toujours de « brigands ». Les insurgés essorillaient et marquaient au visage, à l’aide de fers rouges (généralement de la lettre T, pour traidor, traître) les afrancesados réels ou supposés qu’ils capturaient [63]… C’était bien souvent l’ultime avertissement avant la mise à mort. Même les chefs guérilleros réputés pour leur humanité, comme Juan Martín Díez El Empecinado, recourraient sans états d’âme à de telles pratiques. Dans ces conditions, la détention n’aurait dû représenter qu’une amélioration. En fut-il vraiment ainsi ?

39Une logique similaire de bipolarisation fut développée aux dépens des officiers et soldats impériaux faits prisonniers, puisque les Juntes insurgées s’efforcèrent précocement d’en débaucher le plus possible, en particulier parmi les troupes sociales (Suisses, Italiens, membres de la Confédération du Rhin…). Dans cette optique, mais également pour minimiser tout risque de révolte, les officiers étaient détenus à part, dans la mesure du possible. Les parois des donjons des châteaux de Sanlucar de Barrameda (prov. de Cadix) et de Bellver (près de Palma de Majorque) conservent les graffiti de certains d’entre eux, capturés à Baylen [64]. Les simples troupiers, jugés moins dangereux, pouvaient constituer une main-d’œuvre appréciée, au service de la cause insurgée. Grâce à plusieurs témoignages de captivité [65], nous savons qu’ils participèrent notamment aux travaux de fortification de Tarragone, Alicante et Carthagène, ainsi qu’à la démolition de la ligne de contrevallation de la baie de Cadix entre l’automne de 1812 et le printemps de 1813.

40Ici, à ma connaissance, il n’existe que deux exemples suffisamment détaillés pour être utilisables, mais la chance a voulu que chaque belligérant soit représenté. Dans les deux camps, l’improvisation régna, puisque les détenus durent construire, en partie ou totalement, leurs propres installations. Cependant, les Français disposaient d’une expérience préalable en matière de déportation comme d’incarcération de masse, qui s’avéra sans doute plus profitable.

41Côté français

42Les fouilles entreprises dans le château de Santa Catalina de Jaén entre 1992 et 2001 ont révélé la présence et l’organisation des cachots souterrains, aménagés à son extrémité orientale, près de la tour de la Vela [66]. La prison de la ville, en très mauvais état et mal gardée, constituait une cible privilégiée pour insurgés et brigands avides de renforcer leurs bandes ; c’était là une situation assez fréquente en Espagne, qui expliquait que les Français aient concentré les prisonniers les plus dangereux et/ou les plus précieux à l’intérieur de leurs forteresses. Il y avait trois cachots pourvus de grilles et de chaînes, pour une superficie totale de près de 44 m2, soit une capacité minimale de 40 internés, et dans les faits, certainement bien davantage.

43Car ils étaient réservés aux « politiques », terme dont l’acception s’élargit toutefois progressivement : guérilleros en attente d’exécution, mais aussi otages choisis parmi les notables hostiles afin d’accélérer le versement des contributions, voire simples délinquants astreints à des corvées pour l’occupant (travaux routiers, fortifications…) en guise de châtiment [67]. Les prisonniers étaient entassés, enchaînés. Ils dormaient à même le sol et étaient mal nourris, puisque, en 1812, le préfet avait refusé d’affecter une part des taxes sur la glace au ravitaillement des détenus [68]. Toute évasion leur était, par ailleurs, impossible : le puits de lumière de la cellule centrale était hors de portée et un couloir longitudinal servait aux rondes des gardiens, qui pouvaient contrôler l’intérieur des cachots à travers les grilles [69].

44Surtout, le dernier cachot comportait des anneaux pour chaînes fixés entre 2,45 et 2,65 m du sol, contre 1,25 et 1,35 m pour le premier [70]. C’était là une preuve concrète, et comme telle difficilement réfutable, de l’utilisation généralisée de la torture sur les captifs issus de la population. Cela soulignait dès lors sa légitimité, pour les autorités militaires impériales, à figurer dans l’arsenal de ripostes à opposer à une « guerre populaire ». Jusqu’alors, on n’en connaissait que des exemples littéraires pour la moitié septentrionale du pays. Selon Thiébault (toutefois volontiers enclin à dénigrer ses camarades dans ses Mémoires), le général Dorsenne employait fréquemment la pendaison par les pouces à Burgos ; tandis que le général Henriod, gouverneur de Lérida, se montrait pour sa part plus éclectique [71]. Il avait établi toute une palette de châtiments corporels, qui furent vivement dénoncés par son successeur, le préfet Alban de Villeneuve-Bargemon : bastonnade sur la plante des pieds, enfermement dans des cages de fer, essorillement pour les espions, tonte, essorillement et humiliation publique pour les femmes « de mauvaise vie » ayant contaminé ses hommes…

45Non sans ironie, c’est précisément pour ses « qualités » que Henriod avait été nommé à ce poste par Suchet, souvent érigé en parangon de la pacification napoléonienne en Espagne…

46

Cet officier, tourmenté de la goutte, n’en conserve pas moins un jugement très sûr, une grande vigueur d’esprit, et ce qu’il faut pour gouverner des Espagnols. Il est d’une exacte probité, qualité indispensable dans ce pays pour obtenir une considération qu’on est peu disposé à nous donner […] Il y fera le bien, parce qu’il est doué de beaucoup de fermeté et d’une méfiance nécessaire[72].

47Devant le scandale, a fortiori dans une province désormais annexée au Grand Empire depuis janvier 1812, et face aux objurgations du général Clarke, ministre de la Guerre, Suchet fut contraint de le destituer au cours de l’été suivant…

48Côté espagnol

49De nombreux témoignages de survivants (Gille, Billon, Ducor, Wagré, Frossard, Masson, Quantin…) ont dépeint avec éloquence, durant la Restauration et la Monarchie de Juillet, l’enfer enduré sur Cabrera. Dans cet îlot aride de l’archipel des Baléares furent déportés et quasiment abandonnés à leur triste sort plus de 11 000 prisonniers impériaux, les premiers provenant de la lamentable défaite de Baylen, à partir d’avril 1809. Les autorités locales manquaient de moyens et furent rapidement débordées. Suite à la famine, à la rareté de l’eau potable disponible et à la pénurie généralisée, le taux de mortalité des déportés, au terme de leur captivité, oscillait entre 30 et 40 % selon les spécialistes [73].

50L’activité archéologique sur Cabrera s’est longtemps focalisée sur les traces d’occupation byzantine (monastère, fabriques de salaisons et de garum). Ce n’est qu’à partir de 2003 que fut fouillé le Pla de Ses Figueres[74], zone située au fond du port et emplacement du principal campement français, sarcastiquement baptisé le Palais Royal par les détenus. La première phase des travaux n’a permis de dégager que quelques structures. Une baraque d’habitation édifiée ex nihilo, conservant une jarre et quelques pots et marmites en céramique, d’une part. De l’autre, trois silos byzantins récupérés pour un usage artisanal, la fabrication de marmites et casseroles en métal, probablement la forge montée par un des prisonniers, avec un placard contenant des monnaies primitives (fèves et boutons dépareillés d’uniforme). Le tout était recouvert d’une couche de cendres, vraisemblablement produites par l’incendie, autant revanchard que propitiatoire, allumé par les captifs au mois de mai 1814, lors de leur évacuation par une escadre française, désormais royaliste.

51Il s’agit donc de restes de la période 1812-1814, attestant un certain degré d’installation et d’organisation des détenus, après l’expérience des tempêtes et froidures hivernales, qui fut atteint malgré le départ de tous les officiers pour l’Angleterre en juillet 1810. Cela tendrait donc à nuancer les récits, généralement très sombres, des survivants sur leurs conditions matérielles de captivité. De fait, l’unique logis mis au jour jusqu’à présent, bâti de pierres sèches et de torchis et sans doute couvert de branchages, offrait une superficie de 11,4 m2. Il disposait d’un foyer et de bancs de pierre (qui devaient également servir au couchage), des trous creusés dans le sol indiquaient la présence de meubles (châlits ?). Il était donc presque comparable, malgré la différence des moyens et des matériaux disponibles, aux logements construits par la Grande Armée au Camp de Boulogne, dont une partie a été découverte à Étaples-sur-Mer en 2005. Cet ensemble, réalisé par le 6e léger, se composait de 19 baraques de 14 à 45 m2, aux murs de torchis, toits de tuiles, et fenêtres vitrées [75].

D. La localisation des sites et ses implications

52Nous pouvons dès lors proposer quelques remarques en guise de conclusion partielle. Certes, il est fort possible que, malgré nos efforts, notre panel ne soit pas exhaustif. Pour autant, il s’avère tout aussi indéniable qu’un certain nombre de projets ne dépassa pas la phase des études, durant le conflit. Ce fut souvent faute de temps plutôt que de moyens humains et pécuniaires, car main-d’œuvre et argent devaient être fournis (de gré ou de force) par les municipalités concernées… Ainsi, en dépit des intentions déclarées de Soult au printemps de 1812 [76], il ne semble pas que le château médiéval d’Alanís (prov. de Séville), verrouillant un passage de la Sierra Morena et poste avancé protégeant Séville, ait été rénové par l’occupant. En tout cas, les fouilles opérées sur place entre 1987 et 1989 n’en font pas état [77] ; du reste, une lettre postérieure du duc de Dalmatie avait repoussé la réalisation de ce projet après la moisson [78]. Dès lors, les travaux ne furent probablement pas entamés avant l’évacuation définitive de l’Andalousie, en août/septembre 1812.

53Cependant, à quelques exceptions près (Somosierra, Cabrera et Logroño), les découvertes de restes de bâtiments (pour l’essentiel des fortifications) liés à la Guerre d’Indépendance se concentrent dans deux Communautés autonomes opposées, par leur situation géographique comme par leur taille, la Cantabrie (5221 km2) et l’Andalousie (87 268 km2). Si la première fut occupée, en totalité ou partiellement, durant toute la guerre (Santoña ne se rendant aux Alliés que le 28 mai 1814), la seconde ne fut impliquée que 33 mois, en 1808 et 1810-1812, sur les 72 qu’elle dura (soit 47,9 %). Cette province est représentée, dans notre panel, par douze ouvrages (d’importance diverse) édifiés et/ou réaménagés, qui furent utilisés par l’Armée du Midi, outre ceux construits par les insurgés (principalement autour de lieux restés inexpugnables, comme la presqu’île de Cadix et le village de Casares, dans la Serranía de Ronda).

54C’est en partie le reflet des progrès de l’historiographie : Rafael Palacio Ramos est un spécialiste incontestable s’agissant des mises en défense de la Cantabrie, dans le temps long (périodes moderne et contemporaine) comme au cours de la Guerre d’Indépendance [79]. D’autre part, il s’agissait d’une zone d’importance cruciale, à proximité du principal axe routier praticable à l’artillerie lourde, emprunté par la majorité des renforts impériaux, et surtout de l’axe stratégique Irun/Lisbonne, privilégié par Napoléon, et qui concentra une bonne part des batailles et des sièges survenus durant le conflit [80].

55En ce qui concerne l’Andalousie, la densité des installations impériales s’explique par l’attachement du duc de Dalmatie à conserver sa « vice-royauté méridionale » et par le caractère élaboré et novateur du programme de contre-insurrection qu’il mit en œuvre, entre le printemps 1810 et l’été 1812 [81]. Dans l’autre camp, Cadix était devenue la capitale politique de l’insurrection, qu’il fallait préserver à tout prix des convoitises françaises, grâce à un réseau de lignes défensives.

56L’étude et la mise en valeur de ces vestiges attestent, quant à elles, d’une préoccupation plus contemporaine. Durant sa phase technocratique, le franquisme avait voué l’Andalousie au seul tourisme populaire, au détriment de toute considération écologique ou patrimoniale. Ce n’est que récemment que les autorités régionales, provinciales et locales ont misé sur le patrimoine pour diversifier leur offre touristique. Lors de mon séjour à Malaga au cours de l’été 2002, j’avais ainsi été frappé par le contraste entre l’urbanisation anarchique, à l’américaine, des faubourgs, et les travaux de réhabilitation entamés dans le cœur historique, en particulier autour du théâtre romain et de l’Alcazaba. La commémoration, en cours, des événements militaires et politiques méridionaux (notamment l’adoption de la Constitution libérale par les Cortes de Cadix, le 19 mars 1812) n’a fait qu’accroître cet intérêt. Ainsi, le professeur Juan Torrejón s’occupe-t-il actuellement de localiser, d’inventorier et d’examiner les restes des fortifications espagnoles de Cadix, à la fois préservés et dégradés par leur situation, au cœur des marais salants [82]. L’objectif est d’obtenir leur inscription au Patrimoine historique de l’Andalousie, gage d’entretien et de conservation.

Notes

  • [*]
    CRISES EA 4424, Montpellier III
  • [1]
    Autres abréviations rencontrées dans l’article et les notes : AGM : Archivo General Militar (Ségovie) ; AHN : Archivo Histórico Nacional (Madrid) ; AN : Archives Nationales (Paris) ; SHD-DAT : Service Historique de la Défense, département Armée de Terre (Vincennes).
  • [2]
    A. Pérez-Reverte, Un día de cólera, Madrid, Alfaguara, 2007 (traduction française, Seuil, 2008). Cf. D.-H. Pageaux, « Un día de cólera. Le Dos de Mayo selon Pérez-Reverte », Anales de Filología francesa, 16, 2008, p. 187-203 et, pour une perspective d’ensemble, J. Maroto, « La Guerra de la Independencia en la novela del siglo XX », Guerra, sociedad y política 1808-1814, F. Miranda Rubio (Coord.), Pamplona, Universidad Pública de Navarra/Institución Príncipe de Viana, 2008, I, p. 355-495 ; S. Sanz Villanueva, « La Guerra de 1808 en la novela española reciente », El nacimiento de la España contemporánea, E. de Diego (Coord.), Madrid, Actas Editorial, 2008, p. 472-511 et A. Domínguez Leiva, « La réécriture de la geste napoléonienne dans le roman historique récent », L’Histoire de la France dans la littérature espagnole. Entre francophobie défensive et admiration francophile, R. Lefere & M. Boixareu (dir.), Paris, Honoré Champion, 2011, p. 735-747.
  • [3]
    J.-J. Brégeon, Napoléon et l’Espagne, 1808-1814, Paris, Perrin, coll. Pour l’histoire, 2006, p. 12. Cette « synthèse » recèle de multiples défauts et lacunes, dont rend compte la recension que je lui ai consacrée, consultable sur http://recherche.univ-montp3.fr/crises/
  • [4]
    J.-R. Aymes, « L’Espagne en mouvement (1766-1814). Essai bibliographique », Les révolutions dans le monde ibérique (1766-1834), PU de Bordeaux, 1989, I, p. 13-140.
  • [5]
    J. Maestrojuan Catalán, « La Guerra de la Independencia: una revisión bibliográfica », Fuentes documentales para el estudio de la Guerra de la Independencia, F. Miranda Rubio (Coord.), Pamplona, Ediciones Eunate, 2002, p. 299-342.
  • [6]
    G. Butrón Prida & J. Saldaña Fernández, « La historiografía reciente de la Guerra de la Independencia: reflexiones ante el Bicentenario », Mélanges de la Casa de Velásquez, 38-1, 2008, p. 243-270 ; A. Calvo Maturana & M. Amador González Fuertes, « Monarquía, nación y Guerra de la Independencia: debe y haber historiográfico en torno a 1808 », Cuadernos de Historia Moderna. Anejos, 7, 2008, p. 321-371 ; J.-Ph. Luis, « Balance historiográfico del bicentenario de la Guerra de la Independencia: las aportaciones científicas », Ayer, 75-3, 2009, p. 303-325, p. 321 ; J.-R. Aymes, « La commémoration du bicentenaire de la Guerre d’Indépendance (1808-1814) en Espagne et dans d’autres pays », Cahiers de civilisation espagnole contemporaine [en ligne sur ccec.revues.org], 5, 2009 et 7, 2011 ; P. Rújula, « A vueltas con la Guerra de la Independencia. Una visión historiográfica del bicentenario », Hispania, 235, 2010, p. 461-492 ; E. de Diego, « La Guerra de la Independencia: un balance en su bicentenario », Cuadernos de Historia Moderna. Anejos, 9, 2010, p. 215-253 (surtout consacré à la production de la AEGI et quelque peu chauvin) ; J.-M. Ortiz de Orruño Legarda, « La guerre d’Indépendance espagnole (1808-1814) : analyse de la bibliographie récente », Napoléon, Bayonne et l’Espagne, J. Pontet (dir.), Paris, Honoré Champion, 2011, p. 333-352.
  • [7]
    G. Butrón Prida & J. Saldaña Fernández, op. cit., p. 253.
  • [8]
    Y. Ardagna, C. Rigeade, M. Signoli & T. Vette, « Les ombres de la retraite de Russie. Vilna 1812-Vilnius 2002 », Cahiers lituaniens, 7, 2006, p. 6-13 ; Les oubliés de la retraite de Russie. Vilna 1812-Vilnius 2002, M. Signoli, T. Vette, O. Dutour & Y. Ardagna (dir.), Paris, Teissèdre, 2009.
  • [9]
    A. Buzhilova, T. Shnedchikova, C. Rigeade, T. Vette, Y. Ardagna & O. Dutour, « Mass burial of Napoleon’s Great Army soldiers in Königsberg. Anthropological insight in the history of retrait from Russia in winter 1812-1813 », Vers une anthropologie des catastrophes. 9es journées anthropologiques de Valbonne, 22-24 mai 2007 (sous presse).
  • [10]
    Cf. R. Faget, « Le pâle soleil d’Austerlitz. La République, l’Empire et la plaie coloniale », Du bon usage des commémorations. Histoire, mémoire et identité XVIe-XXIe siècle, B. Cottret & L. Henneton (dir.), Rennes, PUR, 2010, p. 157-167.
  • [11]
    Z. Palubeckaité, R. Jankauskas, Y. Ardagna, Y. Macia, C. Rigeade, M. Signoli & O. Dutour, « Dental status of Napoleon’s Great Army (1812). Mass burial of soldiers in Vilnius: Childhood Peculiarities and Adult Dietary Habits », International Journal of Osteoarchaeology, 16-4, 2006, p. 355-365.
  • [12]
    D. Raoult, O. Dutour, L. Houhamdi, R. Jankauskas, P. E. Fournier, Y. Ardagna, M. Drancourt, M. Signoli, V. D. La, Y. Macia & G. Aboucharam, « Evidence of Louse Transmitted Diseases in Soldiers of Napoleon’s Great Army in Vilnius », The Journal of Infectious Diseases, 193-1, 2006, p. 112-120.
  • [13]
    Notamment « Pour une anthropologie historique des guerres de l’Empire », Pour une histoire culturelle de la guerre au XIXe siècle, O. Roynette (dir.), Revue d’Histoire du XIXe siècle, 30, 2005, p. 45-63 et Guerriers du Premier Empire : expériences et mémoires, Paris, Les Indes Savantes, 2011 ; S. Audoin-Rouzeau, Combattre. Une anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe - XXIe siècles), Paris, Le Seuil, 2008.
  • [14]
    N. J. Saunders, « Vers une archéologie anthropologique de la Première Guerre mondiale », Histoire culturelle de la Grande Guerre, J.-J. Becker (dir.), Paris, A. Colin, 2005, p. 159-170 ; F. Adam, Alain-Fournier et ses compagnons d’arme, Metz, Serpenoise, 2006 ; Y. Desfossés, A. Jacques & G. Prilaux, L’archéologie de la Grande Guerre, Rennes, Éditions Ouest-France/Inrap, 2008.
  • [15]
    Archéologie et conflits armés, XIXe-XXe siècles. Archéologues et historiens face aux vestiges de guerre, Mémorial de Caen, 3-5 octobre 2008 ; Les ombres de l’Empire. Approches anthropologiques, archéologiques et historiques, Musée de l’Armée, 1-3 décembre 2009 (colloque organisé par l’UMR 6578 d’Aix-Marseille II et la Fondation Napoléon).
  • [16]
    Durant l’été 2001, la municipalité de Pamplona procéda ainsi à la destruction de thermes romains, de fortifications et nécropoles médiévales ainsi que d’un couvent du XVIe siècle découverts lors des travaux d’implantation d’un parking souterrain dans le cœur historique de la ville, sous la Plaza del Castillo.
  • [17]
    L. Negro Marco, « La arqueología de la Guerra de la Independencia », La Guerra de la Independencia española: una visión militar, Madrid, Ministerio de Defensa, 2009, vol. II, p. 267-274.
  • [18]
    La situation n’est pas si différente en France : ce n’est qu’en 1972 qu’a été abrogée la limite d’action conventionnelle de l’archéologie, fixée à 800 ap. J.-C., cf. Archéologie de la France moderne et contemporaine, G. Bellan & F. Journot (dir.), Paris, La Découverte, 2011, p. 14.
  • [19]
    F. López Gallego, « Un manuscrito inédito: Apología de las guerrillas o idea del Vergantismo. Participación de la Villa de Linares durante la Guerra de la Independencia », Elucidario, 6, 2008, p. 237-271, p. 243.
  • [20]
    Photos disponibles sur 1808-1814escenarios.blogspot et, pour une analyse de l’événement, cf. J.-M. Lafon, « Des violeurs et meurtriers ordinaires ? Les officiers et soldats napoléoniens en Espagne : analyse du sac de Castro Urdiales (Cantabrie, 11 mai 1813) », Les Européens dans les guerres napoléoniennes, S. Caucanas, J.-M. Olivier & N. Petiteau (dir.), à paraître chez Privat en 2011 ou 2012.
  • [21]
    E. Alegre Carvajal, « Las tropas francesas como agentes de la destrucción de la ciudad histórica », e-Legal History Review, 7, janvier 2009.
  • [22]
    J.-C. Gutiérrez Pérez, « Documentación sobre las reparaciones en la iglesia de Torrequebradilla (Jaén) tras la Guerra de la Independencia », Boletín del Instituto de Estudios Giennenses, 201, 2010, p. 263-273.
  • [23]
    R. Cuaresma Renedo, « Aproximación ecológica de la Guerra de la Independencia en Valladolid », Usos públicos de la Historia. VI Congreso de la Asociación de Historia Contemporánea, C. Forcadell, C. Frías, I. Peiró & P. Rújula (Coord.), Zaragoza, PUZ-IFC, 2002, p. 793-806.
  • [24]
    V. Gerard-Powell, « Les prises d’œuvres d’art en Espagne pendant l’occupation napoléonienne : diversité des responsables, diversité des choix », Napoléon, Bayonne et l’Espagne, op. cit., p. 389-398.
  • [25]
    C. Gruat & L. Martínez, L’échange. Les dessous d’une négociation artistique entre la France et l’Espagne, 1940-1941, Paris, A. Colin, 2011.
  • [26]
    M. P. Hernando Serra, El Ayuntamiento de Valencia y la invasión napoleónica, Universidad de Valencia, 2004, p. 173-175.
  • [27]
    Carnets de campagne du général comte Guyot (1792-1815), Paris, Teissèdre, 1999, p. 85.
  • [28]
    L. S. Iglesia Rouco & M. J. Zaparain Yañez, « El patrimonio artístico burgalés durante la ocupación francesa (1808-1813). Luces y sombras », Intervención exterior y crisis del Antiguo Régimen, G. Butrón Prida & A. Ramos Santana (Coord.), Universidad de Huelva, 2000, p. 115-130.
  • [29]
    M. N. Rupérez Almajano, « El proyecto del general Thiébault para la Plaza de Anaya en Salamanca », Goya: Revista de arte, 321, 2007, p. 343-352, à rapprocher de la thèse de A. Prévost, Les destructions de la Guerre d’Indépendance à Salamanque, sous la direction de P. J. Guinard, Paris IV, 1982.
  • [30]
    R. García Cárcel, « La France vue d’Espagne », L’Histoire de la France dans la littérature espagnole…, op. cit., p. 17-40, p. 37.
  • [31]
    R. M. Domínguez Casas, « Escudo de Felipe III con las armas de José Napoleón I en el Monasterio de San Benito el Real de Valladolid », Boletín del Seminario de Estudios de Arte y Arqueología, 68, 2002, p. 271-294.
  • [32]
    Cf. J.-M. Lafon, « Chronique d’un échec annoncé : l’armée “espagnole” de Joseph Napoléon (1808-1813) », Napoléon, Bayonne et l’Espagne, op. cit., p. 271-287.
  • [33]
    J.-M. Lafon, « Entre fortune de mer et hasards terrestres : la course française à Almeria (1810-1812) », Corsaires et forbans en Méditerranée (XIVe-XXIe siècle), G. Buti (dir.), Paris, Éditions Riveneuve, p. 227-245.
  • [34]
    A. Gil Albarracín, « Las fortificaciones del litoral andaluz y la Guerra de la Independencia », Castillos de España, 152-154, 2008-2009, p. 67-90, p. 89.
  • [35]
    A. Gil Albarracín, « Fortificaciones para la defensa de la costa del Reino de Valencia », Castillos de España, 156-159, 2009-2010, p. 22-50.
  • [36]
    J.-M. Lafon, « Les fortifications napoléoniennes en Espagne (1808-1814). Innovations tactiques, impasse stratégique ? », Revue du Souvenir Napoléonien, 439, 2002, p. 19-28.
  • [37]
    C. Dérozier, La campagne d’Espagne. Lithographies de Bacler d’Albe et de Langlois, Besançon/Paris, Annales littéraires/Les Belles Lettres, 1970, notamment les planches 9 (Blockhaus entre Hernani et Tolosa) et 45 (maison fortifiée, près de Valladolid).
  • [38]
    F. J. Pastor Muñoz, « El reducto francés de Somosierra. Perspectivas arqueológicas », Researching & Dragona, 5, 1998, p. 100-103 et « Vestigios de la Guerra de la Independencia en Somosierra: el fortín francés de Somosierra », Arqueología, paleontología y etnografía, 10, 2001, p. 62-85.
  • [39]
    J. Pardo de Santayana y Gómez de Olea, « La guerrilla en la Guerra de la Independencia », Revista de Historia Militar, numero extraordinario 2, 2009, p. 319-356, ici p. 334-335.
  • [40]
    J. M. Tudanca Caser & C. López de Calle Cámara, « Análisis arqueológico del sector Noroccidental del recinto fortificado de la ciudad de Logroño durante la Guerra de la Independencia. La transformación de las antiguas instalaciones del tribunal inquisitorial en paramento de fusilería », Castillos de España, 152-154, 2008-2009, p. 127-132.
  • [41]
    C. Gozalbes Cravioto, « La prospección arqueológica como metodología para el estudio de la Guerra de la Independencia. El ejemplo de la Serranía de Ronda », Las guerras en el primer tercio del siglo XIX en España y América, P. Castañeda Delgado (Coord.), Madrid, Deimos, 2005, vol. I, p. 115-127.
  • [42]
    M. Á. Tabales Rodríguez, « Programa de investigaciones arqueológicas en el Castillo de Jimena de la Frontera. Cádiz », Almoraima, 33, 2006, p. 9-30.
  • [43]
    Expediente que comprobará los heroicos servicios hechos a la patria por la Villa de Casares en la gloriosa sublevación de la sierra contra los franceses desde el año de 1810 hasta el presente, Algeciras, Imprenta de J.-B Contillo, 1813, p. 40-41.
  • [44]
    C. Gozalbes Cravioto, « Las fortificaciones de Casares y su territorio en la Guerra de la Independencia », Castillos de España, 152-154, 2008-2009, p. 91-98, p. 98.
  • [45]
    F. L Díaz Torrejón, Guerrilla, contraguerrilla y delincuencia en la Andalucía napoleónica (1810-1812), Lucena, Fundación para el Desarrollo de los Pueblos de la Ruta del Tempranillo, 2004-2005, vol. I, p. 255-257.
  • [46]
    J. J. Gómez Vidal, J. M. Gutiérrez López, L. Enríquez Jarén & M. C. Reinoso del Río, « Presencia napoleónica en Villamartín: transformación y desestructuración de una localidad de la Campiña-sierra de Cádiz », Invasión y guerra en la provincia de Cádiz (mayo 1808-febrero 1810), A. Ramos Santana & S. Moreno Tello (Coord.), Diputación de Cádiz, 2010, p. 349-357, p. 355-356.
  • [47]
    Journal du général Fantin des Odoards. Étapes d’un officier de la Grande Armée 1800-1830, Paris, Plon, 1895, p. 273. Fantin des Odoards était alors capitaine au 31e léger : AN, Archives de la Légion d’honneur, 930/53.
  • [48]
    AGM, Expedientes personales, J-157.
  • [49]
    C. Gozalbes Cravioto, « Los caminos de Malaga en la Guerra de la Independencia (Zonas de Antequera, Valle del Guadalhorce y Costa Ocidental) », La Guerra de la Independencia en Málaga y su provincia (1808-1814), M. Reder Gadow & E. Mendoza García (Coord.), Málaga, CEDMA, 2005, p. 115-144, p. 125-127 (plan et reconstitution de l’ouvrage p. 140-141).
  • [50]
    AHN, Estado, Junta Central, 34 D, plan du secrétaire d’État à la Guerre, Antonio Cornel, pour la fortification de la péninsule de Cadix, le 02/01/1809.
  • [51]
    J. Torrejón & A. Gruska, « L’héritage de la négligence : les lignes de fortifications de la guerre d’Espagne dans la baie de Cadix (1810-1812) », Valoriser les patrimoines militaires. Théories et actions, N. Meynen (dir.), Rennes, PUR, 2010, p. 189-207, p. 198.
  • [52]
    Ibid., p. 197-198.
  • [53]
    R. Palacio Ramos, « Actuaciones arqueológicas en fortificaciones de Santoña, Cantabria (siglos XVIII y XIX) », XXV Congreso Nacional de Arqueología, Diputación de Valencia, 1999, p. 631-639 et « El haz y el envés. La fortificación francesa de Santoña y Santander durante la Guerra de la Independencia », Actas del III Congreso de Castellología ibérica, A. Ruibal (Coord.), Madrid, Asociación Española de Amigos de los Castillos/Diputación de Palencia, 2005, p. 915-930.
  • [54]
    Gabriel Bonnay de Breuille (1771-1833), élève d’artillerie en 1786, lieutenant des mineurs en 1789, capitaine idem en 1793, chef de bataillon du Génie et sous-directeur des fortifications en 1799, major en 1807, colonel en 1809. Source : AN, Archives de la Légion d’honneur, 283/57.
  • [55]
    F. Castrillejo Ibáñez, « La ciudad de Burgos, ejemplo de ciudad ocupada. Entre el colaboracionismo y la resistencia », La Guerra de la Independencia en el Mosaico Peninsular, C. Borreguero Beltrán (Coord.), Universidad de Burgos, 2010, p. 541-566, p. 553.
  • [56]
    J. M. Muñoz Jiménez, « Los planes militares franceses (SHAT) como fuente para el estudio de las fortificaciones en la Guerra de la Independencia », Castillos de España, 152-154, 2008-2009, p. 51-66, p. 61-62.
  • [57]
    R. Moreno García & D. Benayas Álvarez, « El respetable fuerte de campaña de Santa Engracia en el desfiladero de Pancorbo », Castillos de España, 152-154, 2008-2009, p. 139-146.
  • [58]
    Louis Chambaud (1785-1830), élève de Polytechnique en 1805, sous-lieutenant à l’École du Génie de Metz en 1806, lieutenant en 1808 et capitaine en 1810 au sein du 4e Corps de l’Armée du Midi, fut le responsable de tous les travaux de fortifications de la préfecture de Malaga. Source : AN, Archives de la Légion d’honneur, 472/53.
  • [59]
    J.-M. Lafon, « La fortification napoléonienne en Espagne : l’exemple du château de Gibralfaro (Málaga) en 1810-1812 », Revue Historique des Armées, 257, 2009, p. 87-100 (également en ligne sur revues.org).
  • [60]
    J. C. Castillo Armenteros & M. C. Pérez Martínez, « Del castillo medieval a fortificación francesa. El castillo de Santa Catalina (Jaén) durante la Guerra de la Independencia », La Guerra de la Independencia (1808-1814): perspectivas desde Europa. III Jornadas sobre la batalla de Bailén y la España contemporánea, F. Acosta Ramírez (Coord.), Universidad de Jaén, 2002, p. 171-238.
  • [61]
    SHD-DAT, Archives du Génie, XIV, Jaén.
  • [62]
    M. López Pérez & I. Lara Martín Portugués, Entra la guerra y la paz, Jaén (1807-1814), Universidad de Granada, 1993, p. 192-200J. C. Castillo Armenteros & M. C. Pérez Martínez, « De castillo medieval… », op. cit., p. 183.
  • [63]
    C. Almuñia Fernández, « La generación de 1808 ante la guerra y revolución. La experiencia popular », Experiencia y memoria de la revolución española (1808-1814), F. Durán López & D. Caro Cancela (eds.), Universidad de Cádiz, 2011, p. 121-157, p. 131.
  • [64]
    E. González Gozalo & M. Rossello, Els graffiti de la torre de l’homenatge del castell de Bellver, Palma de Mallorca, Castell de Bellver, 2006. Les principaux graffiti dus aux prisonniers apparaissent sur le toit, en terrasse, du donjon, mais aussi dans les pièces supérieures (avec notamment la signature du baron allemand Franz von Holzing, auteur d’un récit de sa captivité espagnole, paru à Fribourg en 1824).
  • [65]
    Notamment J.-B. Veillard, « Un canonnier de Napoléon. Mémoires de… 1807-1815 », Carnet de la Sabretache, 416, 1957, p. 355-375, p. 360 (Tarragone) et 362-363 (Carthagène) et N. Page, Entre Wagram et Waterloo. Souvenirs d’Espagne du caporal Nicolas Page, Marie-Françoise & Jean-François Michel (Eds.), Monthureux-sur-Saône, Éditions Saône/Lorraine, 1997, p. 62 (Cadix).
  • [66]
    L. M. Sánchez Tostado, « El uso penitenciario del castillo de Santa Catalina », Boletín del Instituto de Estudios Giennenses, 176-1, 2000, p. 31-74.
  • [67]
    Ibid., p. 56 et J.-M. Lafon, « Justices d’exception napoléoniennes, militaire et civile, dans l’Espagne occupée : l’exemple de l’Andalousie (1810-1812) », Crime, Histoire & Sociétés, 13-2, 2009, p. 69-87, p. 81 (également en ligne sur revues.org).
  • [68]
    L. M. Sánchez Tostado, « El uso penitenciario… », op. cit., p. 60.
  • [69]
    Ibid., p. 44-45.
  • [70]
    Ibid., p. 54.
  • [71]
    Mémoires du général baron Thiébault, Paris, Plon, 1896, vol. IV, p. 403 ; A. Sánchez i Carcelén, « La represión francesa durante la Guerra de la Independencia en Lleida », La Guerra de la Independencia en el Mosaico Peninsular, op. cit., p. 773-792, p. 789.
  • [72]
    Lettre de Suchet à Berthier du 19/05/1810, reproduite par J.-V. Belmas, Journaux des sièges faits et soutenus par les Français dans la Péninsule, de 1807 à 1814, Paris, Firmin-Didot, 1836-1837, vol. III, p. 150-151.
  • [73]
    M. Bennásar Alomar, Cabrera. La Junta Gubernativa de Mallorca y los prisioneros del ejército napoleónico, Palma, Ajuntament de Palma, 1988, p. 177 ; D. Smith, Les soldats oubliés de Napoléon 1809-1814. Prisonniers sur l’île de Cabrera, Paris, Autrement, 2005, p. 167 (1re édition américaine, 2001).
  • [74]
    F. Martorell Salvà, « Nuevas aportaciones al estudio del cautiverio de los prisioneros de guerra del ejército napoleónico en Cabrera (illes Balears): el yacimiento arqueológico del Pla de Ses Figueres », Ocupación y resistencia en la Guerra de la Independencia (1808-1814), Barcelona, Museu d’Història de Catalunya, 2007, p. 559-566.
  • [75]
    F. Lemaire, « La découverte d’un camp napoléonien à Étaples-sur-Mer. L’apport de l’archéologie à l’histoire », rapport de l’Inrap du 01/08/2005, et « Le camp napoléonien du Puits d’Amour à Étaples (Pas-de-Calais) », Succellus. Dossiers archéologiques, historiques et culturels du Nord et du Pas-de-Calais, 58, 2007, p. 44-58.
  • [76]
    AN, 402 AP 49, ordre de Soult du 03/04/1812 sur la réfection de la route entre Constantina et Alanís par une corvée de paysans du voisinage. Il prévoyait aussi le déboisement de ses abords et la rénovation du château d’ Alanís.
  • [77]
    C. Rodríguez Achútegui, « Análisis histórico-arqueológico del castillo de Alanís de la Sierra (Sevilla) », Castillos de España, 98, 1991, p. 3-12.
  • [78]
    AN, 402 AP 49, lettre de Soult au général Drouet d’Erlon du 16/04/1812.
  • [79]
    R. Palacio Ramos, « Defensa y fortificación de Cantabria durante la Guerra de la Independencia », Castillos de España, 161-163, 2011, p. 129-138.
  • [80]
    J.-J. Sánchez Arreseigor, Vascos contra Napoleón, Madrid, Editorial Actas, 2010, p. 101-102.
  • [81]
    J.-M. Lafon, « Contre-guérilla ou contre-insurrection ? La politique de pacification de Soult en Andalousie (1810-1812) », Ocupació y resistència en la Guerra del Francès (1808-1814), op. cit., p. 541-551 ; « ¿Contra-insurrección y/o guerra total? Estudio de la política “pacificadora” desplegada por Soult en Andalucía (1810-1812) en el nuevo marco bélico », 1810: la Junta Central y la conducción militar de la guerra. El caso de la guerra total en Andalucía: ejércitos regulares, guerrilla y contraguerrilla. VII Foro Internacional sobre la Guerra de la Independencia, dans Cuadernos del Bicentenario, 10, 2010, p. 175-190.
  • [82]
    J. Torrejón & A. Gruska, « L’héritage de la négligence… », op. cit., p. 200-201.
Français

Résumé

La célébration en cours du bicentenaire de la Guerre d’Espagne a suscité un profond renouvellement de l’historiographie de ce moment fondateur de l’histoire contemporaine de notre voisin d’outre-Pyrénées. Une absence paraît cependant notable, celle de sciences humaines comme l’archéologie et la paléopathologie, en attestant la persistance d’un cloisonnement disciplinaire. Pourtant, ces dernières répondent au chantier le plus récent de l’histoire militaire : une approche anthropologique du phénomène guerrier et des combattants. À cet égard, les découvertes récentes liées à la Retraite de Russie (charniers de Vilnius et de Kaliningrad) suffisent à démontrer leur intérêt. Ce travail adopte donc une démarche transdisciplinaire pour approfondir et affiner notre compréhension des réactions espagnoles face à Napoléon, entre 1808 et 1814, au cours d’un conflit aussi durable et acharné que complexe et pluridimensionnel. Dans cette optique, la première partie de cet article propose une recension de son legs monumental, pour l’essentiel fortifications et installations à usage carcéral.

Mis en ligne sur Cairn.info le 03/02/2012
https://doi.org/10.3917/napo.113.0004
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