Au sein de l’ancien secteur levantin, minoritaire et européen de Beyoglu, Tarlabaşı est devenu ces vingt dernières années un des théâtres emblématiques de la présence étrangère multiforme et de la présence kurde à Istanbul. Ce territoire est stigmatisé comme tel à la fois par une certaine littérature (Ağır Roman, 1995), par le cinéma, par les séries télévisées et surtout par le discours médiatique et politique dominant. La mort suspecte d’un migrant nigérian au commissariat de Tarlabaşı, le 20 août 2007, a même été, pour une large partie de la presse, l’occasion de réactiver le discours de criminalisation du quartier, le jeune homme tué « accidentellement » d’une balle par le policier qui l’interrogeait étant accusé de se livrer à des commerces illégaux.
Cependant, compte tenu de sa situation très favorable à bien des égards – à proximité d’un des centres de la consommation et de l’économie culturelle les plus fréquentés de la métropole –, Tarlaba?? est devenu la cible des spéculateurs, petits et gros confondus, qui semblent se nourrir du processus de stigmatisation pour fonder la nécessité de leur intervention présentée comme un nécessaire nettoyage, voire un salutaire sauvetage. Ainsi à la suite de l’adoption d’une loi ad hoc (loi 5366), la rénovation du quartier a-t-elle d’ores et déjà commencé, neuf îlots ayant été concédés en mars 2007 à un groupe privé de construction après expropriation par la mairie locale. Les premières victimes de cette rénovation providentielle pour les propriétaires sont les populations les plus précaires qui vivaient et parfois travaillaient dans les immeubles à l’abandon de ces îlots, en squatters ou en locataires de misère…