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En Europe aujourd’hui, la condition des juifs suscite l’embarras. Tout discours les concernant est pris dans des contraintes que chacun ressent confusément sans parvenir à les analyser, à saisir d’où elles viennent ni en quoi elles consistent. La difficulté n’est pas de dilution ou d’affaiblissement de la condamnation de l’anti-sémitisme. Lorsqu’il est reconnu, il révulse l’opinion et est pénalement réprimé. Mais quand il s’agit de parler des juifs, voire de les défendre, les réactions se font plus contrastées, les causes se bousculent et réclament un traitement égal, de sorte qu’on hésite sur la bonne manière de s’y prendre et qu’on s’interroge sur l’échelonnement des priorités. Qu’un événement survienne, meurtre, attentat ou agression avérée, l’émotion est vive sur le moment. Il n’en demeure pas moins qu’elle suscite en général, dans l’après-coup, le même traitement interprétatif. On s’efforce de réinscrire le fait dans la situation générale en mesurant le dosage d’un ingrédient qu’on pense bien connaître. On débat des pics de l’antisémitisme, des flux et des reflux, de son expansion ou de sa régression. Certains affirment qu’il ne faut pas exagérer, d’autres que l’exagération dénoncée est encore en deçà de la réalité. Lorsqu’on s’accorde sur les faits et leur qualification, on condamne avec fermeté, on réprouve et on punit. Mais la réaction répressive reste comme suspendue, car elle laisse irrésolue la définition de la politique raisonnée qui est censée la sous-tendre. Celle-ci, en effet, requerrait que l’on pose et que l’on s’attache, par tous les moyens intellectuels dont on dispose, à une question précise, en quelque sorte principielle : qu’est-ce…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 03/05/2018
- https://doi.org/10.3917/ltm.698.0115
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