CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Les recherches scientifiques menées sur l’impact des phénomènes naturels s’intéressent particulièrement aux vulnérabilités territoriales et aux capacités de résilience, à travers notamment les retours d’expériences (RETEX). Le RETEX a pour objectif de revenir sur les circonstances de l’évènement et d’interroger les mécanismes qui ont conduit à de telles conséquences. Il permet de renseigner les capacités de résilience du territoire (Rufat, 2018 ; Duvat et al., 2018) grâce à un suivi à moyen terme des dynamiques de reconstruction, il « ne peut pas se contenter de la seule analyse experte des causes de l’accident. Il interroge sur la construction des circonstances, techniques, phénoménologiques, mais aussi sociales, qui ont conduit à l’accident » (Leone, 2007 : 40). L’approche géographique des RETEX nécessite une reconstitution fidèle de la cinématique du phénomène naturel dont l’intensité et l’ampleur déterminent les dommages sur le territoire, ainsi que les orientations de la gestion de crise (à travers les outils, mesures et actions), mais aussi le vécu de l’évènement et de la phase d’urgence. Le RETEX s’apparente à une évaluation systémique en vue de déterminer les faiblesses et les forces, et de réajuster les stratégies pour faire face à un prochain évènement (Huet, 2005 ; Leone, 2007). Cette remise en question, inscrite dans un contexte international de « réduction des risques de catastrophe » (UNISDR, 2015, cadre de Sendai), vise à diminuer les vulnérabilités et par conséquent les dommages liés aux événements naturels. Ce cadre promeut par ailleurs la dimension de Build Back Better (BBB)[1], reconstruire mieux et durablement en tirant les leçons de la catastrophe. Ce cadre de réflexion pose la question de la résilience et montre le poids des indicateurs de développement et des caractéristiques géographiques dans les réponses apportées. Un territoire peu vulnérable s’orientera-t-il naturellement vers cette dimension de BBB ? D’autres facteurs entrent-ils en compte comme la gouvernance et le développement économique du territoire ?

2 Au sein de l’archipel des Iles du Nord des Petites Antilles, zone très exposée aux risques naturels, géodynamiques et hydro-climatiques (Pagney et Leone (dir), 1999 ; Saffache et Joseph, 2004), l’île française de Saint-Barthélemy se démarque des autres territoires de la région, et plus généralement des autres territoires d’Outre-mer français. L’image de Saint-Barthélemy renvoie presque exclusivement au tourisme de luxe et à la jet set. L’île se qualifie par des indicateurs socio-économiques, démographiques et politiques reflétant un haut niveau de développement. Et le lien entre niveau de développement et impact des catastrophes caractérise ce territoire par un faible niveau de vulnérabilité (D’Ercole, 2003). Elle se situe dans le bassin cyclonique Atlantique Nord, et a subi les assauts de l’ouragan Irma dans la nuit du 5 au 6 septembre 2017. Le phénomène a été qualifié d’exceptionnel, « il s’agit du premier atterrissage d’un ouragan de catégorie 5 sur une île des Petites Antilles » (Météo-France, 2017 : 2), atteignant la catégorie maximale selon l’échelle de Saffir-Simpson, caractérisée par des vents supérieurs à 250 km/h. Vents et submersions marines ont engendré des dommages aux bâtiments et infrastructures publics et privés entraînant de lourdes conséquences économiques. Même si aucun décès n’a été recensé à Saint-Barthélemy (11 décès ont endeuillé la partie française de l’île voisine de Saint-Martin), l’île est marquée par les traumatismes psychologiques (Defossez et Gherardi, 2021). Pour autant et comme « après le passage du terrible cyclone Luis en septembre 1995, […], Saint-Barthélemy ne voulait compter que sur elle-même pour tout ce qui ne concernait pas le bien public » (Hartog et Chardon, 1996 : 44). Ainsi, malgré les lourds dommages, dont le coût pour les biens assurés a été évalué à environ 800 millions d’euros (Arnell et al., 2019), le président de la collectivité de Saint-Barthélemy a déclaré que l’île avait les moyens de s’en sortir sans l’aide de l’État, assumant la part d’autonomie inhérente à son statut.

3 Le faible niveau de vulnérabilité a priori de ce territoire, si l’on considère ses facteurs socio-économiques, politiques et ses capacités, nous a conduits à interroger sa capacité de relèvement et les apprentissages d’un tel évènement notamment dans la phase de reconstruction. L’approche analytique repose notamment sur l’influence du contexte territorial (politique, socio-économique, culturel) sur ces processus. Quels ont été les impacts de l’évènement naturel et la gestion de crise (Quid de la préparation à l’évènement) ? Comment le territoire a-t-il enclenché la phase de reconstruction ? La catastrophe a-t-elle permis de tirer des enseignements et amené notamment logique de Build Back Better (BBB) ? La question générale revient à se demander si un territoire, a priori peu vulnérable, est plus résilient et si ses capacités l’engagent à tirer profit de la situation pour adapter ou réorienter les stratégies de gestion des risques et des crises. Qui plus est, un territoire a priori résilient s’appuie-t-il sur ses capacités pour reconstruire mieux et durablement, répondant ainsi aux injonctions internationales ?

Figure 1. Les Petites Antilles et Saint-Barthélemy : exposition aux ouragans et niveaux de développement humain

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Figure 1. Les Petites Antilles et Saint-Barthélemy : exposition aux ouragans et niveaux de développement humain

F. Leone

4 La remise en contexte des caractéristiques territoriales permettra de fixer le canevas des vulnérabilités et capacités, mais aussi l’exposition du territoire face aux aléas naturels et particulièrement aux ouragans. En s’inscrivant dans une dynamique temporelle, cet article reviendra sur les phases de la crise : de l’impact jusqu’au suivi de la reconstruction en passant par la préparation à faire face à l’évènement. Il engagera une discussion sur les capacités territoriales et la manière dont elles peuvent orienter les décisions en matière de reconstruction et plus largement de gestion des risques.

Saint-Barthélemy dans l’espace caribéen

Un espace fragmenté et exposé aux ouragans

5 Saint-Barthélemy est une des deux Iles françaises du Nord de l’arc des Petites Antilles. Elles offrent une mosaïque de particularités géographiques, politiques, démographiques et socio-économiques (Taglioni, 1997 ; Taglioni, 2006) : îles développées ou en développement, souveraines ou dépendantes, anglophones ou francophones, etc. Saint-Barthélemy, à l’instar des Bahamas ou des Îles Vierges, est un territoire prospère, parfois qualifié de « territoire privatisé » ou d’« enclave de l’antimonde » (Desse, 2005 : 2).

6 Ces disparités territoriales s’expriment à travers des indicateurs de développement (produit intérieur brut (PIB) ou indicateur de développement humain (IDH) par exemple), lesquels constituent aussi des indicateurs de la vulnérabilité face aux catastrophes naturelles (D’Ercole, 2003). À l’échelle des Petites-Antilles de l’Est (de Anguilla à Grenada), la richesse moyenne par habitant (PIB) s’élève à 16 193 US $, avec des écarts de 1 à 4 suivant les pays (Dominique vs Guadeloupe) (figure 1). La valeur moyenne de l’IDH y est de 0.778 (PNUD, 2018), proche de la moyenne mondiale. Sept îles principales de la zone présentent un IDH inférieur à 0.800 (élevé) contre cinq avec un IDH supérieur (très élevé). Le niveau de développement le plus faible concerne Sint Maarten (0.702), suivi de la Dominique, de Saint Vincent-les-Grenadines, et de Sainte-Lucie. À l’opposé, les îles les plus développées sont Anguilla (IDH de 0,865), la Guadeloupe, Montserrat, la Martinique et Barbade. St Barthélemy affiche un IDH se situant dans la moyenne mondiale. Son PIB annuel par habitant est estimé à 38 999 euros en 2014, en nette augmentation depuis 1999 (26 000 euros), le plus élevé après les îles Caïmans, au-dessus des Îles Vierges britanniques, et bien plus que sa voisine Saint-Martin (14 700 euros) et que la Guadeloupe (18 919 euros) (CEROM, 2014).

7 Ces territoires se situent dans le bassin cyclonique Atlantique nord et ont eu à subir des ouragans majeurs. Les connaissances acquises sur les quatre derniers siècles dénombrent 58 ouragans dans cette zone (Desarthe, 2014). À échelle de l’Atlantique nord, en à peine 60 ans, huit ouragans majeurs (catégorie 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson) ont été répertoriés (Nicolas et al., 2018) dont un sur les îles du nord : l’ouragan Irma de septembre 2017. L’intensité historique des impacts des ouragans témoigne d’une grande vulnérabilité de ces territoires et de leurs populations. En Guadeloupe, les grands ouragans meurtriers remontent à 1713, 1738, 1740, 1825 (Santa-Anna), 1865, 1899 (The Great Bahamas Hurricane), 1928 avec l’ouragan le plus meurtrier (Okeechobee) (1110 à 1227 morts) et Hugo en 1989 (16 morts). À l’échelle des Petites Antilles de l’Est, les ouragans ont tué environ 4 700 personnes depuis 1900 (EM-DAT, 2019 ; Leone et al., 2020). Selon Météo-France, sept ouragans ont concerné Saint-Barthélemy depuis 1960 dont deux de catégorie 4, Donna (1960) et Luis (1995), et un de catégorie 5, Irma. Tous les trois se sont produits un 5 septembre. Deux ouragans majeurs de catégorie 5 ont touché les Petites Antilles durant la saison cyclonique 2017 (Irma puis Maria), entraînant un bilan humain de 183 morts (EM-DAT, 2019). En considérant la population totale des îles de la Caraïbe (27 au total), qui avoisine les 1,8 million d’habitants, 293 000 personnes (12,7 %) vivent dans des zones propices aux effets de la submersion marine (surcote, houles), soit moins de dix mètres d’altitude et moins d’un kilomètre du trait de côte. La littoralisation des enjeux a favorisé les dommages liés aux houles cycloniques en plus de ceux provoqués par le vent.

8 Le développement économique de l’île a débuté récemment et se caractérise par une quasi mono-activité touristique, spécifique (haut de gamme).

Saint-Barthélemy : l’Outre-mer français privilégié ?

9 La petite île de Saint-Barthélemy (21 km² - 25 km² en incluant les îlets) abrite environ 10 000 habitants [2]. Le bilan démographique affiche une constante augmentation depuis un demi-siècle, avec un pic de croissance du milieu des années 1980 au début des années 2000 (figure 2). L’impulsion est notamment liée à la loi Pons (1986) dont l’objectif était de favoriser l’investissement financier dans les territoires d’Outre-mer. Par exemple, la création de zones franches « en vue de favoriser la constitution de pôles de développement économique en liaison avec les zones portuaires ou aéroportuaires » (Seners, 1999 : 30), a permis la construction de six hangars commerciaux dans la zone portuaire et deux autres face à l’aérogare, de plus de 500 m² chacun. De plus, le nombre de constructions a doublé sur la période 1984-1999 (respectivement 1 344 et 2 891), tandis que la population a triplé (figure 2).

10 Ses atouts placent l’île dans le modèle de SITE (Small (warm water) Island Tourist Economies) (McElroy, 2006 cité in Dehoorne, 2014), défini comme des « petites îles qui tirent ainsi avantage de leur taille […] et de leurs liens économiques privilégiés avec des métropoles dominantes pour s’imposer sur le marché touristique dans une économie mondialisée » (Dehoorne, 2014 : 15). Longtemps, Saint-Barthélemy s’est consacré à la culture vivrière sans pouvoir développer de grands espaces cultivables (Sanguin, 1981) en raison de la pauvreté du milieu physique. Le faible développement agricole a sans doute limité « l’immigration de main-d’œuvre servile » (Chardon et Hartog, 1995 : 266) se répercutant sur la composition actuelle de la société (cf. infra). Dans les années 1960, l’île s’est alors tournée vers l’activité touristique, s’inscrivant dans la dynamique qui émerge alors dans le bassin Caraïbe (Urunuela, 2004) « terreau géographique favorable, où les avantages du positionnement ont croisé l’indulgence du législateur » (Desse et Hartog, 2003 : 21). Le tourisme « haut de gamme » a été « impulsé par une demande extérieure et a été soutenu par l’arrivée de capitaux et d’investisseurs internationaux [...], sur des clientèles prospères et très ciblées » (Theng, 2014 : 8), majoritairement américaine, et plus récemment russe (Theng, 2014). Parmi les illustres noms qui marquent le début de ce tourisme à Saint-Barthélemy, Rockfeller puis Rothschild. Les contraintes géographiques au transport aérien (inaccessible aux gros-porteurs), maritime (absence d’aménagements pour l’accueil des grands paquebots) et surtout la volonté politique ont participé à ce tourisme résidentiel « haut de gamme » en rejetant le tourisme de masse (Cousin et Chauvin, 2012 ; Theng, 2014 ; Ranély Vergé-Depré et Roth, 2017). De ce secteur d’activité dépendent deux autres secteurs clés de l’économie : l’immobilier (dont les taxes contribuent aux recettes fiscales) et le bâtiment et travaux publics (BTP). Les droits d’enregistrement et taxes sur les plus-values de l’immobilier représentent les principales sources de revenus pour la collectivité. Depuis le début des années 2000, le BTP est largement pourvoyeur d’emplois. En 2017, il représentait 21,1 % de l’activité économique de Saint-Barthélemy (IEDOM, 2019).

Figure 2. Évolution de l’occupation des sols entre 1969 et 2017 (a) et croissance de la population entre 1968 et 2017 (b) à Saint-Barthélemy

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Figure 2. Évolution de l’occupation des sols entre 1969 et 2017 (a) et croissance de la population entre 1968 et 2017 (b) à Saint-Barthélemy

M. Gherardi et S. Defossez

11 Ces caractéristiques économiques expliquent un taux d’activité élevé (87,4 % en 2015), un faible taux de chômage (4,2 % en 2015) et en partie une structure de la population plus jeune qu’à l’échelle (38 ans contre 42 ans). En plus des natifs (Saint Barts), l’activité économique attire une part importante de métropolitains qualifiés de « néo-Saint-Barts » (Chardon et Hartog, 1995), d’Antillais de l’outre-mer français mais également de populations étrangères. Ces dernières représentaient près de 15 % de la population de l’île en 2011, avec près de 40 nationalités (principalement européenne) dont une large proportion de portugais (plus de la moitié en 2008) (IEDOM, 2015), établis grâce aux entreprises de BTP (Chardon et Hartog, 1995).

12 La quasi mono-activité ou du moins l’interdépendance de ces secteurs d’activité (tourisme, immobilier, BTP) rend la ressource économique vulnérable. Celle-ci est tributaire d’évènements extérieurs inhérents aux contextes caribéen, américain et mondial, mais également aux aléas naturels comme les ouragans qui, selon nous, figent un temps au moins l’économie et influencent la structure socio-démographique. L’activité touristique a par exemple subi de larges pertes à la suite des attentats du 11 septembre 2001, de la crise financière de 2007, du passage de l’ouragan Irma en 2017. Les mêmes raisons ont infléchi à la baisse l’évolution du BTP, auxquelles s’est ajoutée la révision du code de l’urbanisme (2007) qui a ralenti l’activité (moins de permis de construire délivrés) et plafonné, un temps du moins, les nouvelles arrivées temporaires (travailleurs saisonniers) et touristiques.

13 Ces orientations économiques et plus généralement d’aménagement et de gestion du territoire ont pu être définies grâce au statut particulier de l’île, île régie par une gouvernance locale affirmée.

Saint-Barthélemy : territoire dépendant mais autonome

14 Saint-Barthélemy est investi au xviie siècle par des colons normands en provenance de Saint-Christophe, rejoints par la suite par des populations originaires de l’ouest métropolitain (Sanguin, 1981). Après plus d’un siècle de domination, la France cède l’île à la Suède (en 1877) qui lance le développement du territoire, notamment avec le statut de port franc (exonération douanière et fiscale), avant de la rétrocéder un siècle plus tard à la France (rattachement à la Guadeloupe). La France a poursuivi cette volonté de développement en accordant à l’île un régime de franchises commerciale, douanière et fiscale. Saint-Barthélemy devient alors « brutalement une double périphérie : ultime périphérie de l’empire colonial français d’une part et d’autre part périphérie au sein même des Antilles françaises avec un rattachement administratif à l’archipel guadeloupéen situé à 230 kilomètres plus au sud » (Theng, 2014 : 5). Depuis la rétrocession jusqu’au milieu des années 1940, l’administration coloniale quasi absente « favorise le développement d’une culture d’auto-administration » (Hyest et al., 2005 : 12). Après avoir été rattachée au régime juridique de la Guadeloupe en 1946, l’île forme en 1963 avec Saint-Martin l’arrondissement des îles du nord. Puis elle accroît son autonomie en devenant en 2007 une Collectivité d’Outre-Mer (COM), laquelle est intégrée en 2012 dans l’espace européen comme Pays et Territoire d’Outre-Mer (PTOM).

15 L’évolution du statut est ponctuée de mesures fiscales favorables au développement territorial (droit de quai, pas de contribution de l’octroi à la mer, loi Pons de défiscalisation, pas de TVA, statut de port franc, etc.) alimentant l’autonomie financière. Ce régime fiscal particulier a permis de rester en phase avec les pays indépendants de la Caraïbe éligibles au plan Reagan (qui explique la tendance aux régimes fiscaux avantageux) (Seners, 1999). L’État français reste cependant présent : les services publics sont notamment regroupés au sein de la préfecture de Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Longtemps « négligée par ses tuteurs », Saint-Barthélemy « en a conçu un certain ressentiment, mais aussi un vif sentiment d’autonomie » (Chardon et Hartog, 1995 : 273). Cette dualité de dépendance et d’autonomie a guidé l’aménagement du territoire et l’orientation des politiques publiques. Elle pèse sur la gouvernance locale quelque peu détachée du cadre national. Certaines réglementations nationales par exemple ont été adaptées au contexte local ou inappliquées, à l’instar des stratégies de gestion des risques. Ainsi la loi Littoral du 3 janvier 1986 s’appliquait sur la bande côtière à partir des années 1990, déjà dans une version allégée à celle de métropole. Celle-ci n’a ensuite pas été intégrée au Code de l’Urbanisme redéfini en 2008, lorsque l’île a accédé au statut de COM. Après un premier projet avorté en 2008, l’île ne dispose toujours pas de Plan de Prévention des Risques Naturels. Concernant la planification de crise, deux dispositifs coexistent : le plan Organisation de la Réponse de Sécurité Civile (ORSEC) Territorial réalisé par la Préfecture déléguée et le Plan Territorial de Sauvegarde (PTS) élaboré par la Collectivité. Faiblement dotée localement, la préfecture déléguée se charge plus particulièrement de la coordination des moyens et de l’harmonisation des consignes avec l’île voisine de Saint-Martin, laissant une grande autonomie au centre opérationnel territorial (COT) en cas d’événement. Le volet « ouragan » de l’ORSEC Territorial et du PTS avaient été éprouvés lors du passage de l’ouragan Gonzalo en 2014. Les moyens opérationnels locaux de gestion de crise restent quant à eux limités. Ils comprennent un Service Territorial d’Incendie et de Secours (autonome vis-à-vis du SDIS de Guadeloupe et financé par la collectivité territoriale), une police territoriale, une gendarmerie et un hôpital d’une capacité de 20 lits qui « a vocation à recevoir les urgences médicales » (Hyest et al., 2005).

16 Les caractéristiques territoriales (politique, économique, sociale) de l’île révèlent un fonctionnement et un développement singuliers ancrés dans une identité Saint-Barth. Confrontée à l’ouragan Irma en 2017, l’île a eu à mobiliser ses capacités pour surmonter la crise. Cette phase post-événement a fait l’objet d’un retour d’expérience scientifique appréhendant les différentes facettes de la préparation à la résilience du territoire.

Le RETEX scientifique et intégré : sources et méthodes

17 Initié dans les années 1980, le RETEX s’inscrit dans les cindyniques intégrant tout à tour la notion de « risque majeur », « l’approche systémique de la complexité » et les « notions d’expérience, d’apprentissage et de culture du risque » (Kervern et Wybo, 2002 : 34). Il est à concevoir comme une façon « d’établir d’une part les raisons qui ont conduit à la déstabilisation de l’organisation en place et d’autre part comment l’organisation a fait face » (Wybo, 2009 : 1). Le retour d’expérience pousse à l’apprentissage organisationnel lui-même élément essentiel de la résilience. Ainsi le RETEX est apparu comme une méthode pertinente d’interroger les capacités de relèvement et de résilience d’un territoire face à un évènement majeur comme Irma. La pratique du RETEX repose le plus souvent sur une démarche d’évaluation de la part des institutions (sous autorité d’un représentant de l’État) mais très peu sur une démarche scientifique universitaire. Mener un RETEX scientifique après l’ouragan Irma est apparu pertinent et un focus sur Saint-Barthélemy a eu pour objectif d’interroger un territoire faiblement vulnérable.

Un RETEX inscrit sur un suivi à moyen terme

18 Le RETEX mené à Saint-Barthélemy s’inscrit dans une temporalité de moyen terme, incluant les phases ante et postcrise, de l’urgence à la reconstruction. Un diagnostic territorial (ante crise) a apporté une caractérisation du contexte économique, social, démographique, politique et culturel préexistant, laquelle a participé à évaluer le niveau de préparation (au sens large de capacités) face à un événement extrême. Une équipe interdisciplinaire [3] (météorologue, géographe, géomorphologue, cartographe) s’est mobilisée sur le terrain dès octobre 2017 soit moins de deux mois après le passage de l’ouragan. Puis des missions ponctuelles en mai et octobre 2018, mars 2019 et octobre 2020 (trois semaines au total), ainsi qu’un suivi à distance (images satellites, presse, données statistiques, etc.) ont nourri ce RETEX d’une analyse continue qui se poursuivra jusqu’en 2022 dans le cadre du projet de recherche ANR TIREX.

19 Les objectifs du RETEX s’articulent autour des ajustements et améliorations des processus d’anticipation, de vigilance et de gestion des imprévus (Wybo, 2009). La démarche favorise un cheminement multisectoriel afin de couvrir un large spectre de la crise. Le RETEX mené à Saint-Barthélemy (figure 3) a renseigné sur l’événement, le territoire et les acteurs, les changements et perturbations subis et la résilience.

Figure 3. Méthodologie du RETEX scientifique mené à Saint-Barthélemy

Figure 2

Figure 3. Méthodologie du RETEX scientifique mené à Saint-Barthélemy

S. Defossez

Reconstituer les impacts de l’événement : une approche multisectorielle

20 La cinématique de l’événement a été caractérisée, notamment la trajectoire, la force et la vitesse des vents, mais aussi les hauteurs de vagues et l’étendue maximale des inondations sur les sites côtiers les plus représentatifs des impacts cycloniques. Les changements et impacts sur les milieux naturels et anthropiques ont été estimés grâce à la création et l’acquisition de données inédites. Les interactions entre les dynamiques côtières, les aménagements et les habitations installés sur le front de mer ont été répertoriés, notamment les types de dommages liés aux submersions marines, à l’action mécanique des vagues et aux projections de matériaux. Plus largement, à l’échelle de l’île, les impacts physiques et fonctionnels sur les infrastructures critiques ont été évalués et cartographiés (Rey et al., 2019). Le suivi de la reconstruction a informé sur les capacités et temporalités de la résilience territoriale. À partir d’un état des lieux de l’endommagement matériel réalisé par photo-interprétation et observations/vérifications in situ, les mêmes méthodes ont alimenté une cartographie dynamique (spatio-temporelle) des dommages (Leone et al., 2021 ; Péroche et al., 2021). Une dimension sociale a été apporté grâce à une enquête menée sur place, laquelle a par ailleurs permis de déterminer les mécanismes individuels et collectifs de préparation à la crise, mais aussi de récupération postcrise. Cette démarche a eu vocation à mettre en lumière les capacités et l’implication des populations dans la gestion de crise et la résilience du territoire, à l’instar d’une étude similaire menée à Saint-martin (Defossez et Gherardi, 2020). Ce RETEX a couvert un large spectre de l’aléa aux enjeux et vulnérabilités mais s’est appuyé, quelques soient les approches et démarches sur un point essentiel, l’apport du terrain.

Le terrain pour saisir la réalité de la catastrophe

21 À Saint-Barthélemy, le RETEX a bénéficié d’une immersion sur le terrain seulement quelques semaines après le passage de l’ouragan (oct. 2017) jusqu’à aujourd’hui (2020), considérant que « faire l’impasse sur le terrain aurait pour effet de se couper de ce qui fait sens dans la catastrophe » (Clavandier, 2015 : 100). Les données in situ et inédites sont issues de relevés de terrains lors des missions ponctuelles, couplées à des méthodes modernes (production de vidéos et de photographies des côtes post-Irma grâce à l’utilisation d’un aéronef télépiloté), qui ont permis d’assurer un suivi de la résilience dans une logique avant/après, grâce à la complémentarité de données existantes et antérieures à l’ouragan. Les phases de terrain ont par ailleurs permis des échanges, en vis-à-vis, avec les acteurs locaux (populations/institutions). La pratique de terrain donne l’opportunité de se saisir des réalités moins palpables à distance. Le terrain précise, confirme ou infirme certaines données acquises ou perçues à distance. Il est privilégié dans le cadre des RETEX, tout en ayant recours à des outils et méthodes complémentaires (traitement d’images aériennes, etc.). Il concède non seulement une phase d’identification des impacts, mais permet également un suivi du territoire et des acteurs, afin d’estimer la temporalité du relèvement.

22 L’ouragan Irma de catégorie 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson a été le point de départ de ce RETEX scientifique.

Le choc d’Irma : un événement exceptionnel

23 Irma a été officiellement identifié le 30 août 2017 à 00 h 00 UTC par le National Hurricane Center comme une dépression tropicale à l’ouest du Cap-Vert. Au cours de sa propagation, principalement vers l’ouest, le phénomène s’est progressivement renforcé jusqu’à devenir un ouragan de catégorie 5 à quelques centaines de kilomètres à l’est de Saint-Barthélemy le 5 septembre 2017 à 12 h 00 UTC. Il a poursuivi sa trajectoire vers le nord des Petites Antilles, les Grandes Antilles, la péninsule de Floride, et enfin le sud des États-Unis, où il a officiellement pris fin le 13 septembre 2017 à 06 h 00 UTC.

Retour sur la catastrophe : de la cinématique aux dommages

Cinématique de l’événement météo-marin et impacts sur le littoral

24 Irma a été qualifié d’ouragan le plus fort jamais enregistré dans l’Atlantique nord. Les dernières mesures réalisées par la station Météo-France à Gustavia indiquent des rafales de vents à 244 km/h à 8 h 07 UTC, et probablement des valeurs de pointe beaucoup plus importantes. Cangialosi et al. (2018) ont évalué les vents maximums soutenus à 287 km/h. En plus des dégâts liés au vent, les houles cycloniques ont endommagé les côtes. Les relevés de terrain couplés aux modélisations numériques des vagues ont clairement montré que la côte septentrionale de Saint-Barthélemy [4] a été la plus affectée par les houles cycloniques (Rey et al., 2019). La surcote a avoisiné les trois mètres (données acquises sur le terrain), soit près d’un mètre de plus que les données du marégraphe de Marigot à Saint Martin. Celui-ci a enregistré la surcote cyclonique du 6 septembre 2017 à 10 h 31 UTC à 2,04 m. L’absence de marégraphe à Saint-Barthélemy n’a pas permis d’autres comparaisons de valeurs. Poussées sur la côte par les vents violents, les hauteurs maximales du jet de rive ont oscillé autour de cinq mètres sur les côtes sableuses, jusqu’à plus de dix mètres sur les côtes rocheuses et les fronts de mer urbanisés. D’une baie à une autre, les niveaux d’eau extrêmes ont fluctué de quelques centimètres à plusieurs décimètres. Par exemple, les hauteurs maximales du jet de rive ont dépassé les cinq mètres à anse Flamands, alors qu’à anse des Cayes, les déferlantes ont atteint trois à quatre mètres. Ces différences s’expliquent par plusieurs facteurs interconnectés : la direction des vents et des vagues, leur intensité, l’orientation et l’exposition des côtes, la présence d’une barrière corallienne et d’un platier rocheux, la profondeur et la pente de l’avant-côte, la largeur des plages et leur déclinaison ainsi que, selon Krien et al. (2018), la résonnance d’ondes infra-gravitaires susceptibles d’amplifier les hauteurs de vagues lors du déferlement.

Des changements côtiers rapides et variés pour la côte septentrionale

25 L’analyse des effets de l’ouragan Irma sur les littoraux s’est appuyée sur des images Pléiades (CNES/Airbus©) pour le mois de septembre 2017 et des images plus anciennes prises par WorldView-2, (Digital Globe Inc.©) datant de février 2017, ainsi que d’images de drone produites en 2017, 2018 et 2019 par l’équipe de recherche (UMR GRED devenue LAGAM). Les côtes sableuses ont été les plus affectées notamment celles dont la dynamique morpho-sédimentaire a été perturbée par l’urbanisation, se distinguant par un état d’instabilité et de fragilité pré-cyclonique (Rey et al., 2020).

26 Les côtes urbanisées à Saint Barthélemy sont, le plus souvent, caractérisées par une plage sableuse étroite, sans cordon dunaire. Ces plages urbaines sont habituellement en érosion compte tenu du poids croissant des aménagements sur la côte et de la pression foncière (Pillet et al., 2019 ; Rey et al., 2019). Les vagues cycloniques d’Irma ont provoqué un abaissement généralisé du niveau de la plage et une réduction de leur surface. Cette érosion côtière a été d’autant plus sévère dans les dents creuses urbaines comme à anse Flamands (figure 4a et 4b). Les habitations et hôtels qui encadrent les dents creuses ont en effet généré des turbulences responsables d’une amplification de l’érosion marine et d’un net recul du haut de plage. Les relevés de terrains ont permis d’estimer la perte de volume de sable entre 300 et 800 m3, dans les espaces non bâtis d’Anse Flamands.

27 Les plages peu aménagées ont montré des réponses morpho-sédimentaires plus variées, fonction de leur état d’équilibre initial et de l’influence des écosystèmes marins (barrière corallienne, platier récifal) et terrestres. Les plages qui ont le mieux résisté présentaient un bon état avant le passage de l’ouragan Irma, elles possédaient des capacités de résistance et d’ajustement suffisantes pour faire face aux vagues cycloniques (anses Toiny et du Gouverneur). Les observations de terrain ont mis en évidence des transferts sédimentaires transversaux de l’avant-côte vers le haut de plage et plus en arrière (Anse Toiny). Selon nos observations, les processus d’ablation ont dominé dans une bande de 20 mètres à partir du rivage. Au-delà, les accumulations ont pris le dessus, sous forme d’épandages sédimentaires. Sur les plages de galets, s’est opéré un rechargement et une consolidation de cordons préexistants, ainsi que leur migration vers le haut de plage (Petit cul-de-sac, figure 4c).

Figure 4. Exemples d’impacts de l’ouragan Irma sur les côtes de Saint-Barthélemy

Figure 3

Figure 4. Exemples d’impacts de l’ouragan Irma sur les côtes de Saint-Barthélemy

M. Gherardi, S. Defossez et T. Rey

28 Toutes ces formes témoignent des processus d’ajustement côtiers (d’auto-régulation ?) sur un temps court (Rey et al., 2020). Le suivi futur de l’évolution de ces côtes permettra d’une part d’interroger les mécanismes de franchissement de seuil responsables d’une modification du système et de mieux cerner les processus de résilience côtière.

Dommages liés aux submersions marines

29 Les observations in situ ont déterminé l’étendue de la submersion marine comme conséquente, par exemple à Toiny ou à Grande Saline. Alors que les sites côtiers pourvus de « remparts naturels », tels que les cordons de galets (Anse du Gouverneur) ou caractérisés par des fronts de mer urbanisés (Grand Cul-De-Sac et Baie Lorient) ont souvent contraint et circonscrit l’inondation marine. La similarité du type de dommages a permis d’établir une typologie des impacts : façades « mitraillées » par les projectiles, vitres et portes brisées, sols et murs scarifiés, bâtiments inondés/ensablés, murs affaissés/basculés/fracturés, sapements des fondations, ruptures des conduites d’eau, piscines endommagées/ensablées.

30 Sur cette même côte, l’axe routier anse Grand Fond - Toiny a été temporairement paralysé par un glissement de terrain, qui a emporté une partie de la route (figure 4d). Les imposants épandages de blocs coralliens qui ont enseveli la route sur les points bas de la côte ont aussi largement réduit l’accessibilité. Ces types de dégâts renvoient à des processus d’endommagement variés, tels que les déplacements et projections de matériaux (blocs coralliens, sables, cocotiers), la réflexion des vagues sur le haut de plage et les façades, le choc mécanique et répété des vagues, la pression de l’eau sur les infrastructures, etc., en somme une diversité de dégâts intimement liée à la proximité du rivage et aux caractéristiques des habitations et des infrastructures côtières.

Dommages liés au vent

31 Des relevés de terrain couplés à des observations par drone ont permis d’évaluer très finement les niveaux d’endommagement des bâtiments touchés par le vent sur plusieurs secteurs (Leone et al., 2021). En parallèle, une reconstitution numérique à haute résolution (30 m) des vents maximaux soutenus sur 1 minute (Cécé et al., 2020) (figure 5a), a clairement montré une accélération des vitesses le long des lignes de crêtes, pouvant dépasser les 350 km/h à Saint-Barthélemy. Peu de toitures ont totalement résisté aux effets d’arrachement et d’impact, des contrastes importants d’endommagement sont apparus à l’intérieur de l’île mais aussi entre les deux îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, touchées par le même phénomène. Les données sur les niveaux de dommages fournies par le service européen satellitaire Copernicus (2018), ont montré que seulement 16 % du patrimoine bâti de Saint-Barthélemy a subi des dommages significatifs tandis que les dommages les plus graves ont concerné seulement 5 % des bâtiments de l’île (figure 5b et 5c). À titre de comparaison, à Saint-Martin les pourcentages ont atteint respectivement 54 % et 30 %. Ces contrastes inter îles s’expliquent par une meilleure résistance des constructions de Saint-Barthélemy, et donc par des pratiques et des moyens financiers plus adaptés : dimensionnement du projet par des architectes, recours à des ouvriers qualifiés plutôt qu’à de l’autoconstruction, introduction de normes paracycloniques et parasismiques, qualité des matériaux utilisés.

32 Le niveau de dommages matériels reflète par ailleurs les conséquences humaines. Malgré les traumatismes causés par le passage de l’ouragan, celui n’a causé aucun décès à Saint-Barthélemy. Outre les constructions résistantes ou adaptées (pour une partie du bâti du moins), le RETEX s’est intéressé au poids de la connaissance, de la conscience et du vécu des phénomènes. Il a notamment cherché à comprendre dans quelle mesure les populations s’impliquent pour faire face à l’ouragan, comment peut-on se préparer à un tel évènement ?

Figure 5. Intensités des phénomènes induits localement (a), taux de destruction (b) et volume (c) du patrimoine bâti à la suite du passage de l’ouragan Irma sur Saint-Barthélemy

Figure 4

Figure 5. Intensités des phénomènes induits localement (a), taux de destruction (b) et volume (c) du patrimoine bâti à la suite du passage de l’ouragan Irma sur Saint-Barthélemy

F. Leone

Conscience du risque mais sous-estimation de l’aléa : quelle préparation à la crise ?

33 Cette approche auprès des populations sinistrées a eu vocation à renseigner leurs capacités en matière de préparation mais aussi de récupération face à un ouragan majeur. Des entretiens narratifs menés par interview directe ont alimenté les réponses à ces questionnements. Après de premiers échanges informels fin octobre 2017, soit moins de deux mois après le passage de l’ouragan, des entretiens narratifs ont eu lieu en mai 2018. Un appel à témoignage a été lancé par voie de presse et a permis de rencontrer 17 personnes soit à leur domicile ou dans un lieu public (café). L’enquête s’est poursuivie à T+ 18 mois et T+36 mois. L’échantillon ne prétend pas à la représentativité mais fixe une image du vécu d’Irma et informe sur la phase de reconstruction. Au total, neuf femmes et huit hommes ont participé à l’enquête, dont 5 natifs, 10 métropolitains et deux Guadeloupéens, issus de différents quartiers de Saint-Barthélemy (figure 6). La moitié avait déjà vécu un ouragan. Par ailleurs, les semaines de terrain sur l’île ont permis d’échanger sur le sujet avec de très nombreux interlocuteurs qui ont confirmé les propos assez unanimes (sur l’évènement et la reconstruction) des 17 personnes interrogées.

Figure 6. Quartier d’habitation des personnes interrogées

Figure 5

Figure 6. Quartier d’habitation des personnes interrogées

M. Gherardi et S. Defossez

34 Les échanges se sont déroulés en français sur la base d’une grille d’entretien construite autour des temps de la crise (figure 7), laquelle a été énoncée le moins possible pour laisser les individus s’exprimer spontanément sur leur vécu de l’événement et leurs comportements. La conscience du risque est analysée sur la temporalité de l’avant et pendant évènement (cf. infra) même si elle participe à gérer l’après (cf. 4.3).

Figure 7. Grille d’entretiens menés auprès des populations

Figure 6

Figure 7. Grille d’entretiens menés auprès des populations

S. Defossez, d’après Defossez et Gherardi, 2020

35 L’annonce d’un ouragan majeur mobilise les populations à se préparer à l’évènement. Toutes les personnes interrogées ont déclaré leur conscience du risque et la nécessité de se préparer à l’échelle individuelle. Les populations se sentent coutumières des ouragans, et disent se préparer « comme d’habitude ». Trois types d’actions ont orienté cette préparation, 1) l’information sur l’évolution du phénomène et notamment les phases de vigilance météorologiques, 2) le renforcement de la résistance de son habitation et 3) la prévision de réserves de nécessité. L’ensemble des personnes interrogées s’est considéré (et a paru) très sensibilisé au risque cyclonique et a affiché une bonne connaissance du phénomène et de la manière de se préparer. La préparation à l’évènement imminent a été guidée par la conscience et la connaissance du risque, mais apparaissent ici des différences entre les natifs et non-natifs et ceux qui ont vécu ou non une expérience antérieure, fondées sur divers canaux d’informations.

36 La caractérisation et le suivi de l’évolution de l’évènement a reposé sur les médias. Internet a été cité comme source principale d’informations, et la proximité géographique des États-Unis accorde aux sites internet américains (NHC [5]) une plus grande fiabilité et confiance de la part des interviewés sans toutefois délaisser les vecteurs français. « Je m’informe sur les sites américains NHC Intelicast (Miami), ils sont à côté de nous et envoient des avions dans le cyclone, donc deux jours avant on a des certitudes sur la trajectoire et l’intensité. Et quand le cyclone se rapproche, on écoute les consignes de la préfecture » (F., Gustavia). La connaissance et la passion de la mer ont aussi dirigé les personnes interrogées vers des sites spécialisés tels que Windguru ou Windy.

37 Les actions de préparation telles que la consolidation de l’habitation et la constitution de réserves se sont appuyées sur l’expérience vécue ou transmise. Tous les natifs ayant répondu à l’enquête ont déclaré avoir déjà vécu un ouragan et avoir baigné dans la culture du risque avec le savoir vernaculaire transmis par leur famille dans la prévention (construction adaptée) et la préparation à un évènement imminent. « Ma maison est bien construite, avec des volets en bois à l’ancienne, une citerne, des vannes en sous-sol, une douche à l’ancienne, je n’ai pas eu du tout de dégâts ». (J., Merlette). Les non-natifs ont témoigné quant à eux, d’une transmission du savoir vernaculaire des natifs, une solidarité mise en œuvre dès l’annonce de l’évènement. « Je suis martiniquais mais j’ai vécu depuis petit en métropole, je vis ici depuis 5 ans, j’ai vécu Gonçalo mais il était de faible intensité. Je ne savais même pas qu’il y avait des catégories, mes collègues m’en ont parlé et de Luis aussi (leur référence), alors j’ai fait des réserves d’eau et de nourriture et j’ai barricadé ma maison ». (G. Toiny) ; une autre interrogé a confié « Quand tu entends les Saint-Barth clouer, c’est que ça va arriver » (P. de Grand Cul-De-Sac).

38 Toutefois personne n’était en mesure d’estimer l’ampleur et l’intensité de l’évènement, « j’étais préparé, j’ai l’habitude, mais le présentateur météo a dit que c’était un monstre qui arrivait ». (p. , Camaruche). Ainsi la préparation à faire face à Irma a reposé sur l’évènement de référence, l’ouragan Luis qui s’était abattu sur Saint-Barthélemy en 1995. D’une part, l’absence d’évènement majeur durant 20 ans a participé à l’oubli du risque, d’autre part Luis n’avait pas atteint la même intensité, il s’agissait d’un ouragan de catégorie 4. « Les gens sont bien préparés mais la référence était Luis ». (J., Merlette). L’ensemble des personnes interrogées ayant vécu Luis en 1995 compare les deux évènements (Irma et Luis) au cours des entretiens tant sur le vécu que sur la gestion de la crise. Alors que certaines personnes interrogées ont affirmé avoir des réserves pour 10 jours voire un mois, d’autres ont sous-estimé l’évènement et constitué des réserves insuffisantes.

39 L’intensité de l’ouragan lors de son passage sur l’île a contraint les populations au confinement. Toutes les personnes interrogées sont restées dans leur habitation ou chez des proches mais aucune n’a eu recours aux abris sûrs mis à disposition par la collectivité arguant la résistance de leur logement. La pression ressentie (notamment des bourdonnements dans les oreilles) et le bruit du vent qualifié de « terrifiant » (p. , Lurin), a été comparé à « un animal féroce qui tentait d’entrer dans la maison » (X., Lurin). Le bruit et « l’eau qui entrait par tous les interstices » (F., Vittet) ont marqué les sinistrés durant cette phase de confinement. Mais leur connaissance a toutefois permis de sortir pendant le passage de l’œil (caractérisé par un retour au calme, sans vent ni précipitations). « Pendant l’œil on est sorti pour voir si l’on pouvait consolider car on savait que ça reviendrait de l’autre côté » (N., Saint-Jean). « Pendant l’œil on a récupéré un couple (femme enceinte) et un enfant désespérés ». (A., Flamands).

Figure 8. Kit constitué après le passage du cyclone Irma par une personne interrogée de Corossol, en préparation de la saison cyclonique 2018

Figure 7

Figure 8. Kit constitué après le passage du cyclone Irma par une personne interrogée de Corossol, en préparation de la saison cyclonique 2018

Cliché : M. Gherardi, 2018

40 Cette expérience de l’ouragan a servi les apprentissages des personnes interrogées et tous ont émis de potentiels ajustements ou améliorations dans leur préparation. « Je filme en faisant le tour de la maison la veille pour les assurances » (A., Flamands). « Pour la prochaine saison cyclonique, j’ai prévu une cyclone box et une check-list, je pense qu’on sera prêt, on a aussi acheté des cordes pour attacher ce qui est sur la terrasse ». (G., Toiny). « J’ai prévu une boîte à outils/kit cyclone et une liste des choses à faire […] dans tous les cas, il est urgent de prendre son temps avant » (M. de Corossol). Autant de conseils pour mieux faire face, ces deniers concordent avec des recommandations des instances gouvernementales ou d’ONG mais reposent aussi largement sur l’expérience d’Irma.

41 L’ouragan Irma qualifié d’exceptionnel, a causé de lourds dommages matériels (800 millions d’euros de dégâts estimés) et environnementaux (érosion et déstabilisation de la dynamique des plages) en plus de traumatismes humains apparus après l’évènement. « C’est maintenant que les gens ressentent le traumatisme [mai 2018 soit plus de six mois après Irma] » (J., Merlette). Toutefois les capacités territoriales ont impulsé la phase de reconstruction et des signes de résilience, moins d’un an après le passage de l’ouragan.

De la post crise à la reconstruction résiliente ?

Une gestion autonome ?

42 Si la reconstruction post-catastrophe s’organise en plusieurs phases assez bien définies (Moatty, 2015) sa temporalité reste largement dépendante des capacités territoriales (économiques, politiques, sociales, etc.). Cette phase se pose comme le reflet de la résilience. Ces capacités, le statut de l’île et l’identité Saint-Barth ont résonné dans la gestion post-Irma. Une volonté d’autonomie s’est affirmée notamment avec le statut de COM plébiscité lors d’un référendum (en 2003) par 95 % de la population, « la collectivité de Saint-Barthélemy a su créer sa propre identité, bien que française dans l’âme et européenne dans la culture » (Charron, 2016). Ainsi, à la suite du passage de l’ouragan, le président de la collectivité a déclaré « ne pas avoir besoin de l’État » [6]. L’organisation des phases d’urgence et de reconstruction s’est appuyée principalement sur la collectivité et les populations de l’île, bien que in fine, l’État a participé. Saint-Barthélemy a par ailleurs bénéficié d’aide extérieure, mais difficile à identifier puisqu’elle s’appuie sur des ressorts indirects. Quelques mois après la catastrophe, « l’île bénéficiait d’un regain de popularité auprès des investisseurs étrangers qui apprécient la façon dont la crise est gérée » (IEDOM, 2018). Les capacités internes (financières et humaines) se sont rapidement enclenchées comme le montre, par exemple, le montant alloué aux travaux publics. Près de la moitié a été investie les mois suivants Irma, « 2,7 millions d’euros ont été débloqués afin de réparer les dégâts causés par l’ouragan Irma, dont 1,3 million d’euros dépensés pendant l’exercice 2017 » (IEDOM, 2018). Cet investissement post-catastrophe est à nuancer puisque la collectivité avait investi avant Irma dans l’enfouissement des réseaux (lequel n’est pas encore achevé), ou encore l’entretien du réseau routier, etc., tandis que d’autres travaux étaient en projet. Même s’il « n’existe pas de façon consensuelle de définir, estimer ou mesurer la résilience » (Rufat, 2018 : 2), le RETEX scientifique apporte des éléments pour la qualifier tant dans l’analyse des milieux naturels que dans l’examen des enjeux anthropiques.

Une récupération au « coup par coup » des plages urbaines

43 Les relevés de terrain, sur trois ans, ont révélé une nette dichotomie dans la résilience côtière à Saint Barthélemy. En mars 2019, 18 mois après le passage de l’ouragan, les formes d’ablation n’ont pas été gommées. Seule la végétation composée d’espèces pionnières, tel le raisinier des plages et la patate bord de mer, ont commencé à recoloniser les hauts de plage sur les espaces les moins urbanisés. La récupération naturelle a été accompagnée par des apports anthropiques. Deux sites - les dunes de grande Saline et de Gouverneur - ont bénéficié d’un projet de réensablement, stabilisation et replantation de la dune (début 25 juin 2018), porté par la collectivité de Saint Barthélemy, l’Agence territoriale de l’Environnement, mais aussi les associations Make St-Barths Green Again et Coral Restoration St-Barth. Le projet a été prolongé à Toiny et Petit Cul-de-Sac. Il a été entièrement financé par la fondation allemande Hasso Plattner à hauteur de 75 000 euros. Les résultats observés lors des missions de terrain ont montré des signes encourageants de résilience, engraissement des plages et des dunes notamment). Ils démontrent tout l’intérêt du couplage ganivelles et végétation endémique dans la réhabilitation des cordons dunaires. Ailleurs, la « résilience » a surtout été assistée et ponctuelle, au gré des initiatives individuelles, comme la pose de géobags à anse Grand Cul-de-Sac. Cette démarche pro-active a exprimé là encore, la capacité des populations et des institutions locales à récupérer sans attendre les indemnités des assurances ou les aides de l’État. Cependant, la situation dévoile également des formes d’injustice. Contrairement à l’île de Saint-Martin où l’État a tenté de réinvestir les littoraux par le biais de la révision du PPR (procédure suspendue en raison de vives oppositions), Saint-Barthélemy n’a pas eu la volonté de finaliser un projet de PPR (cf. supra). D’ailleurs, de nombreuses villas et hôtels ont rapidement été reconstruits, à l’identique, par exemple à Baie Lorient et anse Flamands. Trois ans après Irma, la problématique foncière exerce une pression toujours palpable sur le littoral [7]. Cet espace supposé inconstructible, a subi avant et après la catastrophe une urbanisation dense, due à l’absence de réglementations. En effet, l’île a toujours été exempte de la règle des 50 pas géométriques et non assujettie à la loi littorale.

Le suivi de la dynamique spatiale du relèvement révélateur de l’effort de reconstruction

44 Les données du programme « Copernicus EMS Risk & Recovery Mapping » (Copernicus, 2018), ont permis de suivre l’effort de reconstruction du bâti entre mars 2018 et juillet 2019 à un pas de temps variable de 1 à 4 mois. Ces données brutes issues de la photo-interprétation d’images satellitaires de haute résolution ont été commandées par le gouvernement français et mises à disposition gratuitement. Malgré les incertitudes liées à d’éventuelles couvertures nuageuses et aux techniques de photo-interprétation, leur qualité a semblé suffisante et adaptée à une reconstitution spatiale et temporelle de la dynamique de reconstruction des bâtiments les plus fortement endommagés, c’est-à-dire les plus facilement identifiables sur les images satellitaires. Le traitement cartographique de ces données a abouti à un taux de reconstruction de mailles de 100 m de côté et comportant au moins un bâtiment fortement endommagé (niveaux trois ou quatre de la typologie des dommages de Copernicus) (figure 9).

Figure 9. Dynamique de reconstruction du patrimoine bâti fortement endommagé

Figure 8

Figure 9. Dynamique de reconstruction du patrimoine bâti fortement endommagé

F. Leone

45 À travers la vitesse de reconstruction se dessine un indicateur de « résilience territoriale » (au sens de relèvement). Il s’exprime fortement sur Saint-Barthélemy. En juillet 2019 (22 mois après Irma), 40 % du bâti fortement endommagé de Saint-Barthélemy était totalement reconstruit. À titre de comparaison, ce taux de reconstruction était de 22 % à la même période à Saint-Martin. L’effort de reconstruction s’est par ailleurs avéré bien plus rapide à Saint-Barthélemy. En effet, 19 % du bâti était reconstruit (contre 11,5 % à Saint-Martin) en mars 2018, soit sept mois après le passage d’Irma. Ces contrastes se sont expliqués par un volume total de dommages bien plus faible à Saint-Barthélemy, mais aussi par une plus grande capacité de relèvement.

46 Le relèvement d’un territoire peut aussi s’apprécier à travers ses reprises d’activités, qu’elles soient économiques, commerciales, administratives ou de services. Ainsi, ce « réveil du territoire » a été cartographié après enquête systématique auprès des lieux d’activité de Saint-Barthélemy. Les données ont été recueillies sur le terrain en mars 2018 et mars 2019, avec pour principal objectif d’obtenir la durée de fermeture (en jours) et la connaissance ou non de pillages ou de tentatives de pillages. Les activités recensées (143 lieux à Saint-Barthélemy), recouvrent 10 classes de la nomenclature NAF/INSEE. L’analyse des données montre une reprise globale d’activité assez rapide à Saint-Barthélemy avec une durée moyenne de fermeture de 81 jours (figure 10). À titre de comparaison, elle a été deux fois plus lente à Saint-Martin pour la même période. Ces contrastes inter-îles s’expliquent par des constructions plus résistantes (qualité des matériaux, qualification des ouvriers) et l’absence de recours à l’auto-construction à l’instar de Saint-Martin. Les activités d’hébergement et de restauration ont été les premières à se relever, suivies des activités de transport. Saint-Barthélemy n’a pas eu à faire face aux pillages contrairement à Saint-Martin (respectivement un et 41 pillages déclarés).

Figure 10. Arrêt et pillage des lieux d’activité à la suite du passage de l’ouragan Irma

Figure 9

Figure 10. Arrêt et pillage des lieux d’activité à la suite du passage de l’ouragan Irma

F. Leone et A. Arnould

47 La résilience territoriale repose sur des acteurs publics et privés, institutionnels, gestionnaires ou citoyens. Les retours d’expérience laisse peu de place à l’analyse de l’implication des sinistrés alors qu’ils se sont engagés dans ce processus à Saint-Barthélemy.

Sinistrés mais acteurs du relèvement territorial

48 Impliqués à leur échelle dans la gestion de crise, les personnes interrogées ont montré leur rôle clé dans les processus de relèvement même si des mécanismes individuels enclenchés se sont inscrits dans des capacités organisationnelles qui rendent les populations dépendantes (remise en état des réseaux, disponibilité des matériaux, etc.).

49 La sensibilisation au risque et les capacités individuelles des Saint-Barth ont largement participé à une auto-organisation dès les premières heures après le passage d’Irma. L’état de choc a laissé la place à une coordination implicite entre les populations et la collectivité de Saint-Barthélemy. L’absence de l’État a été systématiquement évoquée par les interrogés, alors même que tous ont approuvé la décision du président de la collectivité de se passer de l’aide gouvernementale. « C’est la mentalité Saint-Barth », même si « on a toujours besoin d’aides » (G., Toiny). Pouvoir communiquer et nettoyer sont apparues comme les deux préoccupations (simultanées) majeures des sinistrés. Les ruptures de communication ont été rapidement compensées par la mise en place rapide de bornes wifi « Irma » par la collectivité alors que « les infos sur les réseaux sociaux ont été traumatisantes pour les proches de la métropole sans nouvelles pendant 2-3 jours » (N. anse des Cayes). Dans le même temps, dans les heures qui ont suivi l’impact, les populations se sont investies pour « nettoyer les traces au plus vite » (J., Merlette), et « dès la première heure après Irma on entendait les tronçonneuses » (G., Toiny). Cette phase de nettoyage et de déblaiement a par ailleurs mobilisé les entreprises privées du BTP en concertation avec la collectivité grâce au pré positionnement d’engins et véhicules

50 « Les entreprises du BTP, surtout portugaises, ont travaillé de 6 heures à 22 heures sans relâche ! » (J., Merlette). Par ailleurs, des zones de collecte de déchets ont été rendues accessibles gratuitement. Pour certains, 24 heures à 48 heures après il était possible de circuler sur une partie de l’île. La solidarité s’est rapidement enclenchée, dans certains quartiers, des restaurants ont offert leurs stocks périssables, des boulangeries ont distribué pain et café, « on avait l’impression que c’était un trésor » (X., Caramuche). Ces besoins de première nécessité, constitués par les réserves individuelles, ont ensuite été abondés par des ravitaillements organisés par les institutions. Même si la diffusion des informations semble avoir été lacunaire dans certaines zones de l’île, comme le déplorent certains témoins. Puis l’organisation collective (institutions/entreprise) a repris le pas (paniers d’achats, rationnement de carburant, etc.). L’organisation interne à Saint-Barthélemy a bénéficié aussi d’une grande solidarité extérieure mobilisant des bénévoles en provenance des Antilles et de métropole, notamment pour la remise en état des réseaux (agents EDF, sécurité civile, etc.). L’ensemble des personnes interrogées a témoigné d’un rétablissement, somme toute rapide, et a considéré que la phase d’urgence pour l’île a pris fin au bout de quelques mois.

51 Après cette phase d’urgence, les démarches de remise en état des logements se sont engagées sur la base d’indemnisations des assurances (dont les délais sont très variables selon les interrogés -quelques semaines à plusieurs mois). L’ouragan a également révélé ou exacerbé des problématiques existantes sur l’île (logement notamment), selon les témoignages recueillis. Des changements temporaires ou définitifs se sont opérés comme les départs de certains habitants, la séparation de familles (scolarité des enfants, logements temporaires exigus pour une famille), les pertes ou opportunités d’emplois, etc.). Le traitement médiatique a également heurté les populations qui estiment que tous les regards se sont posés sur Saint-Martin, valorisant l’image jet-set, alors que l’île sœur de Saint-Barth a été délaissée.

52 In fine, la participation au relèvement a été expliquée par une forte volonté et la motivation de chacun à faire repartir l’économie de l’île. Ces actions dépassent bien souvent les besoins personnels et s’inscrivent dans une véritable volonté de devoir collectif, liée en grande partie à l’attachement territorial. Au-delà de l’évènement, l’ouragan Irma a engendré une remise en question sur les mesures de réduction des vulnérabilités et des enjeux. L’urbanisation du littoral (parfois sur la plage) fait partie de cette remise en question, tout comme les modes de construction avec de nombreuses constructions jugées peu adaptées au risque cyclonique (grandes baies vitrées peu résistantes, absence de citerne d’eau, etc.). « Les architectes qui construisent des grandes baies vitrées, ils sont barrés, et ont oublié ». (N., anse de Cayes). Même si la gestion de crise s’inscrit dans une dimension institutionnelle, à leur échelle, les populations développent des stratégies d’ajustements ou « coping », « notion introduite pour rendre compte à la fois des dispositions personnelles stables (ressources) et des modalités comportementales effectivement à l’œuvre dans différentes situations de stress (réponses) » (Paulhan, 1992 : 548).

53 L’implication des populations ne s’arrête pas à la gestion de l’impact, elle porte aussi sur la participation à la gestion de l’urgence et du relèvement du territoire.

Saint-Barthélemy, territoire résilient en marge des grands principes du Build Back Better ?

54 Interroger les capacités de relèvement d’un territoire après une catastrophe éclaire la notion de « résilience », terme polysémique qui « nourrit de nombreux débats » (Barroca et al., 2013). Les temporalités du relèvement notamment expriment cette résilience, défini ici comme la capacité à absorber, rebondir, adapter et in fine retrouver un état d’équilibre qui n’est pas nécessairement celui d’avant la catastrophe (Dauphiné et Provitolo, 2007 ; Lhomme et al., 2010 ; Serre, 2011). L’approche développée dans cette étude rejoint le modèle développé par Cutter et al., 2008 (cité dans Rufat, 2018), pour au moins qualifier la résilience. Celui-ci nommé DROP (disaster resilience of place) « articule exposition, vulnérabilité, résilience sociale et résilience environnementale » (Rufat, 2018). La résilience à travers la reconstruction exprime également le jeu des échelles temporelles et spatiales (injonctions internationales vs application locale), en quelques années, la résilience est ainsi devenue le nouveau crédo de la communauté internationale (Quenault, 2015). Elle s’appuie par ailleurs sur la scène des acteurs de la gestion des risques et des crises, des institutions aux sinistrés. À Saint-Barthélemy, la gouvernance locale prend généralement le pas sur l’institution nationale, favorisée par le contexte historico-politique (Theng, 2014). Cette « ascendance » souvent évoquée dans la presse est également apparue dans la gestion de l’urgence post catastrophe et se reflète dans le relèvement. La résilience renvoie aussi selon nous aux notions d’adaptation et de changement, suite à une catastrophe qui constitue une « rupture » (UNISDR, 2009 : 11). En effet, si « le contexte post-catastrophe et plus particulièrement la sortie de crise est un moment de perte des repères familiaux, culturels et spatiaux » (Moatty et al., 2020 : 17), la catastrophe représente aussi une opportunité de redéfinir des stratégies d’adaptation et notamment reconstruire autrement en s’inscrivant dans l’approche Build Back Better.

55 L’approche Build Back Better est largement dépendante des ressources et capacités territoriales. Cette notion développée après le tsunami de Banda Aceh s’appuie sur la résilience, physique, économique et sociale (Clinton, 2006). Les objectifs de réduction des vulnérabilités et des risques de catastrophe restent toutefois des « directives théoriques que les pays décident ou non de suivre et d’adapter en fonction de leurs moyens » (Cosson, 2021 : 147). De plus, ce cadre international prône une attention particulière aux pays en développement, sous entendant que les pays développés saisiront l’opportunité de mieux reconstruire. Cependant, l’exemple de Saint Barthélemy montre qu’un niveau élevé de développement ne présage pas des réorientations de stratégies de reconstruction durable. Alors que le BBB prône notamment une adaptation aux prochains évènements, il apparaît que la reconstruction à l’identique prévaut particulièrement car elle s’inscrit dans une temporalité à court terme. En effet, « la reconstruction sur place et au plus proche de l’état ante-catastrophe est plus rapide qu’une reconstruction qui envisage un redéploiement des enjeux sur le territoire et le développement de mesures préventives » (Moatty et al ; 2017 : 179). Cela se vérifie à Saint-Barthélemy. Cette reconstruction à l’identique reproduit les vulnérabilités comme le soulignent « les tenants de la résilience écologique » (Reghezza, 2020 : 69). À Saint-Barthélemy, l’ouragan Irma est venu bousculer une trajectoire de développement territorial mais moins de trois ans après, l’île affiche sa résilience. Cela se lit sur la couverture du magazine d’actualité de la collectivité : « 2017-2020 : Saint-Barth une île résiliente » (Collectivité de Saint-Barthélemy, 2020).

56 Le contexte politique de Saint-Barthélemy, qui se traduit par une certaine autonomie, même s’il s’agit d’un territoire d’Outre-mer français, est également étroitement imbriqué à ses capacités. La collectivité de Saint-Barthélemy n’a pas sollicité de recours à une aide extérieure, y compris en provenance de l’État français, traduit une forme de résilience (Horne et Orr, 1998 ; Mileti, 1999). La gestion interne de l’île (par la collectivité) a été salutaire et s’appuie sur l’attachement territorial et l’identité Saint-Barth. L’implication des acteurs institutionnels mais également des populations dans le processus de relèvement découle de choix délibérés, a contrario d’autres territoires où les populations n’ont d’autres choix que de subir, à l’instar d’Haïti (Grünewald, 2010), notamment parce que le système politique ne peut ou ne veut pas mettre en œuvre des actions pour faire face aux crises.

57 Les Saint-Barth ont semblé très impliqué dans les processus de relèvement en s’appuyant sur leurs capacités à faire face. Ces stratégies de coping reposent sur les « ressources personnelles » et « les facteurs environnementaux » qui participent à l’« évaluation de l’évènement » (Paulhan, 1992). La conscience du risque, pour certains l’expérience, la comparaison sociale et le soutien social (Weiss et al., 2008), ou encore l’identité Saint-Barth et l’appui de l’institution locale ont participé à développer des stratégies individuelles et collectives. Toutefois si les relations entre sphère institutionnelle / sphère civile ont dominé pendant la phase d’urgence, la phase de reconstruction a éveillé les questionnements et révélé les dissensions. À Saint-Barthélemy, un collectif s’élève contre des projets d’urbanisation sur le littoral. Le tourisme haut de gamme de Saint-Barthélemy nécessite des constructions de haut standing, lesquelles ne répondent pas forcément à une architecture adaptée aux risques cycloniques (par exemple construction de logements avec de grandes baies vitrées). L’État français a estimé nécessaire de « conduire une reconstruction durable des territoires sinistrés », « agir pour un aménagement du territoire durable et résistant » (Arnell et al., 2019 : 8, 11) et « repenser les îles du Nord pour une reconstruction durable » (Gustin, 2017 : 1). De son côté la collectivité de Saint-Barthélemy argue en faveur de la mise en sécurité des populations face aux évènements extrêmes mais ne saurait (voudrait) stopper le développement territorial. Pour simplifier les démarches après Irma, les projets de reconstruction à l’identique étaient exempts de demande de permis de construire. Les orientations des politiques publiques reflètent une inadéquation entre les échelles de décision (État et COM). La catastrophe tendrait à recréer une relation plus hiérarchisée entre l’institution nationale et l’institution locale (même si la “pression” se fait moins ressentir à Saint-Barthélemy que sur l’île voisine de Saint-Martin). Les échelles spatiales s’expriment au travers de l’insularité et les relations des territoires d’Outre-mer avec la métropole, elles posent la question de l’adéquation et de l’application des politiques publiques nationales à l’échelle locale, dans le spectre des injonctions internationales.

58 En théorie, sur la base d’injonctions internationales, la résilience des territoires doit s’inscrire dans une dimension Build Back Better, de reconstruction durable (cadre de Sendai, UNISDR, 2015), mais en pratique la résilience se traduit plutôt par une urgence à revenir au point de départ, avant la catastrophe, une vision sur le court terme donc.

Conclusion

59 Les résultats du RETEX scientifique montrent que Saint-Barthélemy achève son relèvement amorcé rapidement après le passage de l’ouragan Irma. Moins de deux ans après la catastrophe, les résultats des analyses incluant la temporalité du relèvement mais aussi les indicateurs statistiques économiques publiés, montrent que l’île est bien engagée dans le processus de reconstruction. Les facteurs de résilience sont de nature financière (budget de la collectivité maîtrisé) et humaine (main d’œuvre notamment dans le secteur BTP), mais relèvent aussi de la stabilité politique ou encore de la conscience du risque. Le RETEX à long terme s’avère pertinent pour estimer la résilience du territoire après un évènement majeur comme Irma. La résilience s’inscrit ici dans la temporalité du post-évènement en ce sens qu’elle est estimée en fonction de l’état de reconstruction du territoire. Cependant le processus de résilience repose également sur une capacité d’adaptation qui s’insère dans un cadre général de durabilité. Or à Saint-Barthélemy, la reconstruction à l’identique a prévalu. Finalement les capacités de relèvement ont surtout servi à retrouver un état d’avant l’évènement notamment d’un point de vue économique. Ainsi la notion de BBB dépend plus encore de la volonté que de la capacité. La force de la gouvernance locale suffit dans le cas de Saint-Barthélemy à supplanter les injonctions nationales et internationales. Les stratégies institutionnelles de gestion du risque se sont déplacées sur la gestion locale de l’évènement (gestion de crise, évacuation, etc.) au détriment d’un cadre standardisé de gestion des risques (mitigation, prévention, etc.), pourtant attendu par les populations. Ces décisions déstabilisent les relations entre les acteurs et (ré) activent des tensions sur les choix de stratégies de gestion des risques. In fine, cette analyse montre qu’un territoire peu vulnérable et résilient ne trouve pas systématiquement dans la catastrophe une opportunité de reconstruction plus adaptée au risque.

Le grand nombre d’auteurs et d’autrices s’explique par le fait que cet article résulte de missions collectives de terrain auxquelles tous ces collègues ont participé tout comme à l’élaboration de l’article.
 
Cette recherche a été financée par l’AAP ANR OURAGANS 2017 / CATASTROPHE, RISQUE ET RESILIENCE, projet TIREX, pour « Transfert des apprentIssages de Retours d’EXpériences scientifiques pour le renforcement des capacités de réponse et d’adaptation individuelles et collectives dans un contexte de changement climatique (Petites Antilles du Nord – saison cyclonique 2017) ». 2018-2022 : https://anr.fr/Projet-ANR-18-OURA-0002. Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont accepté d’échanger sur Irma.

Notes

Français

Cet article explore les relations entre les caractéristiques territoriales et les capacités de relèvement d’une petite île caribéenne, confrontée à un événement cyclonique exceptionnel : Saint-Barthélemy face à IRMA (sept. 2017). L’analyse repose sur l’acquisition de données récoltées in situ dans le cadre d’un retour d’expérience (RETEX) scientifique. Les capacités de l’île reposant sur des ressources humaines, financières et logistiques ainsi qu’un faible niveau de vulnérabilité, ont inscrit rapidement le territoire dans une dynamique de reconstruction visible quelques mois à peine après l’ouragan (mai 2018). Le territoire a affiché sa capacité de résilience qui n’a toutefois pas saisi les opportunités de nouvelles stratégies d’adaptation liées au contexte international de Build Back Better (BBB).

  • insularité
  • résilience
  • RETEX
  • Saint-Barthélemy
  • ouragan Irma
  • catastrophe
English

This paper explores the relationship between territorial characteristics and the recovery capacities of a small Caribbean island confronted with an exceptional hurricane event : Saint-Barthelemy in the face of IRMA (Sept. 2017). The analysis is based on the acquisition of data collected in situ as part of a scientific feedback (RETEX). The island’s capacities, based on human, financial and logistical resources, as well as a low level of vulnerability, quickly placed the territory in a visible reconstruction dynamic just a few months after the hurricane (May 2018). The territory displayed its capacity for resilience, but did not seize the opportunities for new adaptation strategies linked to the international context of Build Back Better.

  • disaster
  • Lessons learnt
  • Saint-Barthelemy
  • Irma hurricane
  • recovery
  • island context
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    • Weiss K., Colbeau-Justin L., Laurent A., Chahraoui K., De Vanssay B., 2008. « Aspects psychosociaux des stratégies de faire face à une inondation : soutien social, comparaison sociale et rumeur ». Revue Québécoise De Psychologie, 29(1), p. 1-25.
    • Wybo J.-L., 2009. « Le retour d’expérience : un processus d’acquisition de connaissances et d’apprentissage », in Specht M., Planchette G., Gestion de crise : le maillon humain au sein de l’organisation, Economica, 19 p.
Stéphanie Defossez
 Maître de conférences, UR LAGAM (LAboratoire de Géographie et Aménagement de Montpellier), Université Paul Valéry Montpellier 3. Courriel : stephanie.defossez@univ-montp3.fr
Tony Rey
 Professeur, UR LAGAM (LAboratoire de Géographie et Aménagement de Montpellier), Université Paul Valéry Montpellier 3. Courriel : tony.rey@univ-montp3.fr
Frédéric Leone
 Professeur, UR LAGAM (LAboratoire de Géographie et Aménagement de Montpellier), Université Paul Valéry Montpellier 3. Courriel : frederic.leone@univ-montp3.fr
Monique Gherardi
 Ingénieure d’études, UR LAGAM (LAboratoire de Géographie et Aménagement de Montpellier), Université Paul Valéry Montpellier 3. Courriel : monique.gherardi@univ-montp3.fr
Freddy Vinet
 Professeur, UR LAGAM (LAboratoire de Géographie et Aménagement de Montpellier), Université Paul Valéry Montpellier 3. Courriel : freddy.vinet@univ-montp3.fr
Thomas Candela
 Doctorant, Riscrises et UR LAGAM (LAboratoire de Géographie et Aménagement de Montpellier), Université Paul Valéry Montpellier 3. Courriel : candela@riscrises.com
Matthieu Péroche
 Maître de conférences, UR LAGAM (LAboratoire de Géographie et Aménagement de Montpellier), Université Paul Valéry Montpellier 3. Courriel : matthieu.peroche@univ-montp3.fr
Émilie Lagahé
Ingénieure d’études, UR LAGAM (LAboratoire de Géographie et Aménagement de Montpellier), Université Paul Valéry Montpellier 3. Courriel : emilie.lagahe@gmail.com
Raphaël Cécé
 Ingénieur d’études, EA LARGE (Laboratoire de Recherche en Géosciences et Energies), Université des Antilles, raphael.cece@univ-antilles.fr
Didier Bernard
 Maître de conférences HDR, EA LARGE (Laboratoire de Recherche en Géosciences et Energies), Université des Antilles, didier.bernard@univ-antilles.fr
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Mis en ligne sur Cairn.info le 13/06/2022
https://doi.org/10.4000/com.13368
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