I – Introduction
1Depuis plus d’un demi-siècle, les organisations font appel à des consultants pour résoudre certaines difficultés de fonctionnement et maximiser l’utilisation de leurs ressources. Elles dépensent des sommes importantes à ce chapitre et espèrent des retours sur leur investissement. Plusieurs domaines professionnels se partagent ce marché : la psychologie, le génie, la gestion, le management, les finances, l’éducation et l’informatique. Les consultants sont d’abord des experts dans un secteur de l’économie, dans les fonctions organisationnelles ou dans un champ précis de connaissance (Bordeleau, 1986). Toutefois, tous se retrouvent dans les organisations à dispenser des conseils, à faire des diagnostics ou à intervenir auprès des membres du système client. Au-delà des cadres théoriques spécifiques de leur domaine d’expertise, ils empruntent une même démarche, la consultation.
2Cependant, Kendra et Taplin (2004) constatent qu’un grand nombre de mandats de consultation se soldent par un échec et que l’objectif d’efficacité dans la consultation n’est que trop peu souvent atteint. Mais, pour le consultant, la situation peut paraître pire encore, devant le défi concret d’évaluer sa pratique et la qualité de réalisation de chaque mandat. Selon Winum, Nielsen et Bradford (2002), peu de consultants analysent et évaluent leur mandat parce que : 1) la rentabilité d’une telle étape n’est pas évidente aux yeux du client ; 2) le consultant, happé par un autre mandat, manque de temps ; 3) l’intervention est considérée comme terminée lors de la mise en place du plan d’action et 4) le modèle de la mesure pré-post se défend difficilement auprès du client.
3De plus, du côté documentaire, le consultant ne trouve pas aisément d’indicateurs clairs facilitant l’évaluation de l’efficacité de sa consultation. Ainsi, avant les années 1970, la littérature ne faisait pas état des liens entre la consultation et ses résultats ou son efficacité (Medway & Updyke, 1985). Depuis, quelques auteurs (Block, 2000 ; Jones, 2009 ; Lippitt & Lippitt, 1980 ; Lescarbeau, 1996) abordent le critère de qualité des moyens et des activités de consultation. D’autres (Erchul, Hugues, Meyers, Huickman & Braden, 1992 ; Lescarbeau, Payette & St-Arnaud, 2003 ; Kellogg, 1984 ; Ridley & Mendoza, 1993 ; Stern & Tutoy, 2001) mentionnent aussi l’importance du synchronisme des actions pour maintenir la relation avec le client. Dans le tableau 1, les critères proposés par différents auteurs abordent des mesures objectives de la performance organisationnelle et de son fonctionnement (Ridley & Mendoza, 1993 ; Block, 2000) et subjectives, telle la satisfaction du client (Bordeleau, 1986). De son côté, Kurpius et Christie (1978) présentent aussi une variété de critères classifiée selon quatre types d’objectifs de résultats : cognitif, affectif, de performance et de conséquence. Pour d’autres (Kellogg, 1984 ; Schein, 1999 ; Lippitt & Lippitt, 1980 ; Block, 2000) qui considèrent avant tout la consultation comme un processus relationnel, le critère de la qualité de la relation client-consultant est prédominant. Les changements de comportements (Lippitt & Lippitt, 1980 ; Nelson & Shifron, 1985), d’attitudes ou de perceptions du client (Forman, 1995) constituent un autre type de critère mentionné dans la littérature. Cette multiplicité des critères à partir de points de vue conceptuels tout aussi variés ne facilite pas la tâche du praticien lorsque vient le temps de choisir ce qu’il doit considérer pour évaluer sa pratique et comment il doit le faire.
Critères d’efficacité de la consultation selon les auteurs
Criteria for effective consulting based on the literature
![Tableau 1](./loadimg.php?FILE=TH/TH_754/TH_754_0377/TH_id9782130594123_pu2012-04s_sa02_art02_img001.jpg)
Critères d’efficacité de la consultation selon les auteurs
Criteria for effective consulting based on the literature
4Identifier des critères de mesure de l’efficacité qui transcendent tous les types de mandats fournirait au consultant un guide des plus précieux tant pour lui permettre d’évaluer sa pratique que pour guider ses choix d’intervention et s’améliorer. Cette préoccupation est à l’origine de la présente recherche qui a visé à inventorier et définir les critères d’évaluation effectivement utilisés par les praticiens, en regard de l’efficacité de la consultation, pour ainsi, comprendre comment ils appréhendent la qualité de leur pratique. Mais auparavant encore a-t-il fallu définir ce qu’est l’efficacité de la consultation.
5La littérature classique en management et psychologie du travail, recensée par Morin, Savoie et Beaudin (1994), définit l’efficacité comme étant le jugement porté sur les résultats (ou conséquences) par ceux qui sont légitimés à le faire. Ainsi l’accent est mis sur les résultats plutôt que sur les facteurs qui y conduisent. Toutefois, en consultation, cette tendance est partiellement inversée. Malgré un manque de consensus, il faut constater que les rares auteurs qui conjuguent efficacité et consultation (Lescarbeau et al., 2003 ; Noell & Gresham, 1993 ; Ridley & Mendoza, 1993 ; Kellogg, 1984 ; Stern & Tutoy, 2001 Erchul et al., 1992) traitent bien sûr des résultats mais y ajoutent également, les moyens utilisés pour les atteindre. Cette particularité est conforme à l’esprit même du processus de consultation qui est une démarche structurée en vue de l’atteinte de résultats. L’analyse de leurs propositions (voir tableau 2) permet de convenir d’une définition combinant efficacité et consultation : « Une consultation est efficace dans la mesure où le consultant est apte à intervenir, établit une alliance de travail productive, choisit les méthodes, les outils de façon à adapter son intervention au milieu organisationnel qu’il considère dans sa totalité et où les résultats obtenus correspondent aux objectifs fixés dans un rapport coûts/bénéfices acceptable pour les deux parties, permettent à l’organisation un changement positif de sa performance et augmentent sa capacité à faire face à des problèmes similaires » (Roy, 2005, p. 20).
Définitions de l’efficacité de la consultation en psychologie du travail et des organisations
Definitions of effective consulting in work and organizational psychology
![Tableau 2](./loadimg.php?FILE=TH/TH_754/TH_754_0377/TH_id9782130594123_pu2012-04s_sa02_art02_img002.jpg)
Définitions de l’efficacité de la consultation en psychologie du travail et des organisations
Definitions of effective consulting in work and organizational psychology
II – Methodologie
6Les actions du consultant découlent de décisions elles-mêmes affectées par la situation et la représentation qu’il s’en fait (Lescarbeau et al. 1996 ; Blanton, 2000). Comme nous visons à explorer et documenter un contenu global et opérationnel sur un concept appartenant à un domaine de la pratique, à savoir l’évaluation que font les consultants de l’efficacité de leur consultation, ceci implique d’appréhender leur conception de l’efficacité et les critères qu’ils sont venus à appliquer, vraisemblablement via des illustrations concrètes de leur pratique professionnelle et des réflexions et conceptualisations qu’elles ont suscitées au cours des ans. Compte tenu du caractère particulier de l’exercice de la consultation, si résistant à la mesure ne serait-ce que par la multiplicité des natures et contextes d’intervention, la recherche descriptive et exploratoire s’avère incontournable afin de définir ce domaine et son fonctionnement (Poupart et al. 1997). Ainsi, cette recherche se positionne dans le paradigme du post-positivisme, lequel permet de mieux circonscrire cette réalité, tout en étant conscient des limites de la saisie de cette pratique complexe (Guba & Lincoln, 1994).
7Pour y parvenir, nous devons nous référer à l’expérience des personnes qui, dans le cadre de leurs activités professionnelles, ont acquis des connaissances, de façon plus ou moins consciente, sur les variables clés de la consultation. Ainsi, nous demandons aux sujets de réfléchir sur leur action de consultant à la manière de Schön (1983), cité par Bromme et Tillema (1995), pour qui une performance dans la pratique génère une connaissance dans l’action. D’après lui, les praticiens ont toujours révélé une capacité de réflexion sur leur savoir intuitif au cœur de l’action et utilisent quelquefois cette capacité à se débrouiller avec les situations de pratique uniques, ambiguës et conflictuelles.
II.1 – Participants
8L’approche méthodologique requiert de faire appel à des informateurs chevronnés, experts du champ de pratique à l’étude (Bordeleau, Brunet, Haccoun, Rigny & Savoie, 1982). Le premier défi est de repérer ces informateurs. Les références multiples fournies par des gestionnaires utilisateurs de services de consultation, des professeurs universitaires de la gestion et de la psychologie du travail et des organisations ainsi que des consultants ont permis l’identification de consultants chevronnés et reconnus pour leur compétence. La première liste comportait 29 noms parmi lesquels 21 ont été retenus parce que cités par plus d’une source. Après un premier contact par courriel et par téléphone, quinze d’entre eux ont accepté d’être interviewés. La saturation empirique des informations obtenues, au fur et à mesure de la compilation des données, a confirmé que ce nombre était suffisant (Poupart et al., 1997). Une description des informateurs en termes de domaine d’expertise et d’années d’expérience fait état de leur qualité d’expert de la consultation. Leur domaine d’expertise de base est la psychologie du travail et des organisations (n=11) et le management (n=4). Le nombre d’années d’expérience sur le marché du travail varie entre 13 et 45 ans pour une moyenne de 25 ans. Seuls deux des participants ont moins de 15 ans d’expérience et 8 en ont plus de 25. Le nombre d’années d’expérience en consultation en changement organisationnel s’étend de 7 à 32 ans avec une moyenne de 18,6 ans. Seuls trois des participants ont moins de 10 ans d’expérience et 8 en ont plus de 20.
II.2 – Procédure
9Puisque cette recherche fait appel à l’apprentissage que des praticiens ont retiré de leur expérience, la démarche suggérée par Tennant et Pogson (1995) dans leurs recherches sur les connaissances tacites semble pertinente. Dans cette perspective, des entretiens sont réalisés auprès de consultants expérimentés. Tel que le proposent ces auteurs, ils seront appelés à faire part d’abord de leurs expériences et puis par la suite, de leur apprentissage.
10Les entretiens semi-structurés ont une durée variant entre 1 heure 30 et 3 heures 30, pour une moyenne de 2 heures 30. L’entretien a fait l’objet d’un enregistrement numérique et d’une prise de notes, en simultanée. L’entretien aborde plusieurs thèmes liés à la consultation, dont les critères d’efficacité. Ils sont traités dès le début et servent de points de référence pour le reste de l’entretien. Les questions de base utilisées pour connaître les critères d’efficacité qu’ils utilisent sont :
11Quels sont vos critères pour dire qu’une intervention a été un succès/un échec ?
12À quoi mesurez-vous l’efficacité de vos mandats de consultation ?
13Qu’est-ce qui a changé dans votre pratique au fil des années (comportements, attitudes, pratiques), ce que vous faisiez et ne faites plus, ce que vous ne faisiez pas et que vous faites maintenant ?
14En considérant les consultations que vous avez réalisées jusqu’à présent, certaines avec succès, d’autres plus difficiles, qu’est-ce que toutes ces expériences vous ont appris sur ce qu’il faut considérer pour réussir une démarche de consultation ?
15Après les deux premières questions, le consultant pouvait compléter l’information en se référant à des expériences spécifiques de succès et d’échec et se rappeler des critères alors utilisés pour les évaluer. Les deux dernières questions ont été posées à la fin de l’entretien et ont fourni aussi des informations sur les critères utilisés pour évaluer leur pratique par le biais des résultantes de leur expérience. Un résumé détaillé des réponses de chaque participant leur a été soumis par courriel pour qu’il puisse valider le contenu. Cette validation a permis de s’assurer de la justesse de compréhension de leur propos et d’enrichir les données par une réflexion supplémentaire si le participant le souhaitait. L’utilisation des résumés pour condenser les données, la présentation des données textuelles en tableaux, l’élaboration et la vérification des conclusions sont inspirées des travaux sur l’analyse qualitative de Huberman et Miles (1991).
II.3 – Analyse
16L’analyse qualitative de contenu, comme méthode de traitement des données, permet de comparer les expériences les unes aux autres. Cette analyse cherche à dégager du contenu et ce qui se cache derrière, donc interpréter le sens des éléments, leur fréquence, leurs agencements et leurs associations (Huberman & Miles, 1991). Chaque incident ou information cité par un consultant est répertorié dans un tableau. L’étape suivante consiste à procéder à une catégorisation des incidents selon leur similitude ou contenu apparenté. La fréquence des incidents par catégorie est aussi calculée. Deux experts en psychologie du travail ont établi séparément cette catégorisation des informations recueillies pour ensuite la comparer. Il se dégage ainsi trois niveaux d’information : les indicateurs pour l’information brute fournie par le consultant, les critères d’efficacité pour le regroupement de ces indicateurs et les composantes pour les subdivisions de ces catégories de critères.
III – Résultats
17Les réponses fournies par les consultants ayant participé aux entretiens permettent d’identifier les critères utilisés pour évaluer l’efficacité de leur mandat de consultation et aussi, comprendre comment ils définissent le succès ou l’échec de leur intervention.
18Au total, les 15 experts ont mentionné 131 indicateurs leur servant à évaluer l’efficacité de leur consultation. Les consultants ont identifié entre 4 et 18 indicateurs chacun, pour une moyenne de 8,7. L’analyse de contenu effectuée sur les 131 indicateurs a eu pour effet de réduire ce nombre à 31 indicateurs dont le sens est distinct. Une deuxième phase d’analyse des thématiques représentées par ces 31 indicateurs permet un regroupement selon les critères d’efficacité. Ainsi, ont été établies six catégories de critères, dominant le champ de la pratique en ce qui concerne l’évaluation de l’efficacité de la consultation tels qu’utilisés par les consultants rencontrés :
- Pertinence des objectifs et des résultats
- Appropriation du changement par le client
- Qualité de la relation
- Satisfaction du client et du consultant
- Qualité de la démarche
- Évolution du client et de sa performance
19Chaque critère est mentionné par au moins la moitié des consultants. Si aucun critère ne fait l’unanimité, trois d’entre eux (Satisfaction, Qualité de la démarche, Évolution) cumulent 73.2 % des mentions et sont privilégiés par un plus grand nombre d’informateurs, c’est-à-dire par treize ou quatorze consultants. En ce qui a trait aux composantes, seule la satisfaction du consultant n’est pas mentionnée par plus de 9 participants. De plus, ce critère diffère de ce qui est proposé dans la littérature. Toutefois, il a été retenu parce qu’il est mentionné par les plus expérimentés des consultants rencontrés.
20Par rapport à ce que la littérature laissait anticiper, la présente recherche introduit certains critères, pondère l’importance des critères existants, met en avant le fait qu’il y en a plus d’un à considérer, que certains sont liés aux résultats et d’autres aux moyens ainsi qu’à des mesures subjectives et d’autres objectives. La recherche permet aussi de préciser leur utilisation, suggère un nombre de critères à utiliser et surtout sur ce qui est pris en compte pour mesurer chacun de ces critères.
III.1 – Les critères
21Les propos des participants permettent de mieux comprendre chacun de ces critères, de les définir et de fournir des pistes d’opérationnalisation pour chacun. Ces critères d’efficacité impliquent pour le consultant qui les utilise de bien cerner et contextualiser la cible de changement du client, de favoriser l’appropriation du changement par le client, de considérer la satisfaction des deux parties, la sienne et celle du client, d’établir une bonne relation avec le client et une démarche qui réponde aux exigences de la situation et finalement de constater un changement positif chez le client ou dans son organisation.
III.1.1 – Satisfaction du client et du consultant
22Le degré de satisfaction du client et du consultant est l’un des six critères incontournables pour les consultants rencontrés puisque mentionné 28 fois (voir le tableau 3). La satisfaction du consultant est une donnée nouvelle par rapport à la littérature. Le consultant évalue sa satisfaction selon que cette démarche lui a permis ou non d’évoluer au plan professionnel, s’il a acquis de nouvelles connaissances dans un domaine d’expertise, un secteur d’activité, un type de clientèle ou des habiletés d’intervention. Il peut aussi être satisfait s’il a le sentiment d’avoir contribué à l’atteinte des résultats, d’avoir pu travailler sur les causes du problème et non juste sur les symptômes de façon à toucher aux enjeux organisationnels et s’il constate l’engagement des membres de l’organisation à la solution de la problématique. Il semble aussi que le constat de changement, d’émergence de nouveaux comportements et d’évolution chez le client soit une source de grande satisfaction pour le consultant.
Critère : Satisfaction du client et du consultant et nombre de mentions
Criteria : Client and consultant satisfaction and frequency of mentions
![Tableau 3](./loadimg.php?FILE=TH/TH_754/TH_754_0377/TH_id9782130594123_pu2012-04s_sa02_art02_img003.jpg)
Critère : Satisfaction du client et du consultant et nombre de mentions
Criteria : Client and consultant satisfaction and frequency of mentions
23Bien que peu citée dans la littérature en consultation (Bordeleau, 1986), la satisfaction du client est l’indicateur majeur de l’efficacité utilisé par les consultants rencontrés. Pour connaître le niveau de satisfaction du client, le consultant utilise le plus souvent la rétroaction directe du client et des membres du système-client. Il peut le faire de façon spontanée, mais le consultant peut aussi encourager ces commentaires par des questions spécifiques lors de rencontres de bilan ou de suivi avec des individus ou des groupes ou par des questionnaires. Les thèmes abordés concernent des éléments de la démarche, les résultats obtenus ou les impacts de l’intervention selon les besoins établis dès le début de la démarche. Dans les grands bureaux de consultation, une pratique courante est l’envoi d’un questionnaire de satisfaction que le client remplit une fois l’intervention complétée. Cela s’inscrit dans un processus d’évaluation des services du secteur et des consultants. La multiplicité des critères évalués varie tout en comportant toujours les éléments suivants : qualité perçue, respect des contraintes telles les budgets et les échéances, niveau d’atteinte de résultats, compétence du consultant, relation établie et l’impact du processus. Par ailleurs, il convient de noter que ce critère ne peut se substituer à la satisfaction des besoins organisationnels qui peuvent parfois être différents de ceux du gestionnaire client.
III.1.2 – Évolution de l’organisation, du client et de la situation
24Le second critère dominant de la pratique des consultants ayant participé à l’étude concerne le degré d’évolution de l’organisation, du client et de la situation. Quand la littérature (Forman, 1995 ; Lippitt & Lippitt, 1980 ; Nelson & Shifron, 1985) fait mention de ce critère, il est question d’atteinte d’objectif, d’amélioration de la situation problématique, d’absence d’effets secondaires et de changement de perception, de comportement ou d’attitude chez le client. Pour les praticiens (voir le tableau 4), ce critère est la mesure de l’impact de l’intervention, c’est-à-dire l’écart entre la situation initiale et celle à la fin du mandat et les retombées du changement. Ils constatent un impact positif lorsque la situation initiale a évolué, lorsque la situation problématique est clarifiée ou corrigée ou lorsque des changements de comportements et d’attitudes ont été apportés. En regard de l’organisation, le changement peut se situer au niveau de la rentabilité, de la productivité de l’entreprise, des taux de maladie, d’absentéisme ou de roulement du personnel, des coûts d’exploitation et du niveau de satisfaction des clients de l’organisation. Ce sont des indicateurs recensés dans la littérature sur l’efficacité organisationnelle (Morin et al, 1994). Il se peut aussi que ce soit les individus, membres de l’organisation, qui ont évolué en termes d’attitudes ou de façons de faire. Par exemple, le client peut constater que son équipe est plus compétente et performante en tant qu’équipe. Les membres peuvent avoir amélioré leur esprit critique et ainsi contribué davantage à l’amélioration des processus organisationnels. Les équipiers consultent plus, exercent une plus grande influence, utilisent de nouveaux outils, assument mieux leur rôle, sont plus rigoureux, sont plus autonomes pour résoudre des problèmes similaires, etc. L’appréciation de changement au niveau du climat de travail constitue aussi un indice de l’évolution organisationnelle pour les praticiens. Par exemple, le client peut avoir plus de crédibilité à la suite des actions prises au cours de la démarche, l’inconfort des employés est moindre, il y a moins de conflits dans l’organisation, les membres de l’organisation ne voudraient pas revenir en arrière ou ne peuvent plus se passer des changements. Toute nouvelle pratique intégrée par le client peut être considérée comme un indicateur de cette évolution.
Critère : Évolution de l’organisation, du client et de la situation et nombre de mentions
Development in the organization, client and performance and frequency of mentions
![Tableau 4](./loadimg.php?FILE=TH/TH_754/TH_754_0377/TH_id9782130594123_pu2012-04s_sa02_art02_img004.jpg)
Critère : Évolution de l’organisation, du client et de la situation et nombre de mentions
Development in the organization, client and performance and frequency of mentions
25Dans l’appréciation de ce critère d’efficacité, la notion de temps est primordiale et les consultants en tiennent compte opérationnellement. Les résultats peuvent s’observer à court, à moyen et à long terme à partir de la mesure d’indicateurs disponibles avant l’intervention. La progression et le maintien des résultats dans le temps sont des enjeux qui ne pourront se constater qu’à travers plusieurs mesures temporelles distinctes.
III.1.3 – Appropriation du changement par le client
26Le troisième critère utilisé réfère au degré d’appropriation du changement par le client. Seuls Lescarbeau et al. (1996) en ont traité, en termes d’enracinement et de transfert des responsabilités. Selon les participants, ce critère comporte trois composantes et a fait l’objet d’un total de 16 mentions réparties dans l’une ou l’autre d’entre elles (voir le tableau 5). Ainsi, l’une des responsabilités du consultant est d’habiliter le client à la résolution de problèmes similaires. Lorsque le consultant quittera l’entreprise, la seule condition qui l’assure du maintien des résultats obtenus est l’appropriation par le client de la situation et de sa solution. Une solution n’est valable que si, après le départ du consultant, les membres du système client l’utilisent encore et que les problèmes sont résolus sans le soutien du consultant. La composante majeure de l’appropriation du changement par le client est que ce dernier parvienne à cerner le problème, à définir un plan d’action, à prendre les décisions qui lui appartiennent, à assumer les coûts inhérents à la démarche, à mettre en place par ses activités de gestion tous les éléments du plan d’action, à se commettre dans l’atteinte des résultats et à en assurer le maintien et le suivi dans le cadre des systèmes organisationnels en place. En plus de sa participation active, tout au long du processus, le client encouragera la participation des membres de son personnel à la démarche. Certaines réactions du client, comme un changement de comportements ou l’acquisition d’une autonomie pour résoudre des problèmes similaires, sont aussi des indices fiables de cette appropriation. Il semble aussi évident que cette appropriation a un caractère graduel. Si elle n’est pas toujours acquise au début d’une intervention, elle devrait être de plus en plus visible en cours de démarche et complète à la fin du processus.
Critère : Appropriation par le client et nombre de mentions
Criteria : Ownership of the change and frequency of mentions
![Tableau 5](./loadimg.php?FILE=TH/TH_754/TH_754_0377/TH_id9782130594123_pu2012-04s_sa02_art02_img005.jpg)
Critère : Appropriation par le client et nombre de mentions
Criteria : Ownership of the change and frequency of mentions
III.1.4 – Qualité de la démarche
27Puisque la première responsabilité du consultant est d’établir et de mener une démarche d’intervention, un des critères d’efficacité (et le quatrième en importance selon les consultants rencontrés) réfère à la qualité de la démarche de consultation (voir le tableau 6). Plusieurs consultants traduisent leur préoccupation en regard de ce critère par l’appréciation a posteriori de leur capacité à exercer, selon les règles de l’art, les activités propres au processus de consultation telles que : connaître et comprendre le client et l’organisation, gérer la relation et cerner le type d’interaction à avoir avec le client, aller chercher l’engagement du client, influencer le client, identifier le besoin, les objectifs, utiliser les bons outils, structurer l’information, animer, impliquer les ressources concernées et soutenir le client au cours de la démarche. Ils constatent ainsi la qualité de leur appréhension de la réalité organisationnelle, le niveau et la constance de leur adaptation à la situation, à l’organisation et au client et l’adéquation des choix liés aux stratégies et moyens adoptés en cours de démarche. L’autre aspect de cette préoccupation à l’endroit de la qualité de la démarche concerne la gestion rigoureuse du processus et donc à l’efficacité technique du consultant. Outre ces éléments de compétences, la justesse de l’estimation des coûts en fonction des bénéfices anticipés, le respect du budget et de l’échéancier sont aussi associés à la qualité de la démarche du consultant. La qualité du choix des outils sera rapidement validée par les impacts qui en résulteront sur ceux qui en ont bénéficié notamment pour l’apport en connaissance ou le développement d’habiletés auxquels ils ont contribué. En regard de la littérature, ces sous-composantes liées à l’adéquation moyens-fins, à savoir la qualité des activités et le ratio entre les ressources investies et ce qui en résulte, bien que présentes sont insuffisamment explicitées.
Critère : Qualité de la démarche et nombre de mentions
Criteria : Quality of the consulting process and frequency of mentions
![Tableau 6](./loadimg.php?FILE=TH/TH_754/TH_754_0377/TH_id9782130594123_pu2012-04s_sa02_art02_img006.jpg)
Critère : Qualité de la démarche et nombre de mentions
Criteria : Quality of the consulting process and frequency of mentions
III.1.5 – Pertinence des objectifs poursuivis et des résultats obtenus
28Au cinquième rang des critères utilisés par les participants (9 mentions) vient la pertinence des objectifs poursuivis et des résultats obtenus. Le consultant détermine la valeur de sa consultation s’il peut constater la pertinence à la fois des objectifs de l’intervention et des résultats, c’est-à-dire si, avec le client, il a bien cerné l’objectif de façon à ce que la solution implantée convienne à l’organisation. Encore une fois, un seul auteur a traité de ce critère (Lescarbeau et al. 1996). Plusieurs consultants ont fait mention, par des propos comme « avoir la conviction de travailler sur la bonne chose », de l’importance de cette adéquation entre l’objet du mandat et les besoins ou enjeux de l’organisation. Les répondants constatent aussi la nécessité de recadrer le client lors de sa demande initiale pour s’assurer de cette pertinence, en questionnant ce lien entre la demande et les besoins organisationnels, entre les résultats attendus ou les solutions déjà envisagées et la problématique perçue.
29Pour établir la pertinence des objectifs et des résultats, les consultants considèrent leur contribution et leur impact sur les orientations et enjeux cruciaux de l’organisation. Il ne suffit pas d’atteindre les objectifs liés à la nature même du problème et d’en mesurer les indicateurs de succès définis au début de la démarche (résultats d’opération, rendement de l’organisation, taux de roulement et absentéisme), pour se considérer efficace. La reconnaissance de cette pertinence est la garantie pour le consultant que le client fait de cette intervention une priorité. Ainsi, le client établit le caractère crucial de la résolution de ce problème pour la survie et la croissance de son organisation.
III.1.6 – Qualité de la relation client-consultant
30Finalement, le critère qui semble faire l’unanimité chez les auteurs et les praticiens est la qualité de la relation client-consultant. Les consultants rencontrés constatent la nature même de cette relation à la fin de l’intervention qu’ils décrivent en termes de confiance et de partenariat (voir le tableau 7). Tout au long du déroulement et à la fin du processus, des indices permettront de porter un jugement sur le niveau d’atteinte de cet objectif de nature relationnelle, tels le ton des interactions, un certain niveau de complicité, les réactions positives de chacun des membres de l’organisation et les choix du gestionnaire en lien avec les recommandations du consultant, la qualité des informations échangées entre les membres de l’organisation et le client, le niveau d’implication des personnes concernées et la recommandation du consultant à d’autres clients. De plus, après l’intervention, le client n’hésitera pas à rappeler le consultant pour d’autres mandats. Cette relation s’établit auprès du client gestionnaire mais aussi auprès de l’équipe dirigeante et des autres membres de l’organisation impliquée dans la démarche. Parce qu’il appartient au consultant d’établir et de gérer cette relation de confiance et de partenariat avec le client, celui-ci devra respecter la confidentialité de ce qu’il reçoit comme information, respecter le rôle et la personnalité de chacun, accorder une attention constante au niveau de confort et d’inconfort du client pour réagir et adapter son intervention.
Critère : Qualité de la relation et nombre de mentions
Criteria : Quality of the client-consultant relationship and frequency of mentions
![Tableau 7](./loadimg.php?FILE=TH/TH_754/TH_754_0377/TH_id9782130594123_pu2012-04s_sa02_art02_img007.jpg)
Critère : Qualité de la relation et nombre de mentions
Criteria : Quality of the client-consultant relationship and frequency of mentions
III.2 – Caractéristiques de la mesure de l’efficacité de la consultation
31S’il est habituel de se référer aux résultats pour évaluer l’efficacité, la consultation semble se distinguer par l’ajout de critères portant sur les moyens utilisés en cours de mandat. La littérature orientait la recherche en ce sens. Ce constat est cohérent avec le fait que c’est uniquement la perspective du consultant qui est considérée dans cette recherche et qu’à ce titre celui-ci est d’abord et avant tout responsable de cette démarche. D’où, du point de vue des participants, l’importance de l’évaluation de la qualité des moyens et du processus pour statuer de son efficacité. De plus, le concept même de consultation réfère à un processus, ce qui implique la prise en compte des activités menées pendant l’exécution du mandat. Parmi les critères répertoriés dans cette recherche, trois d’entre eux relèvent des résultats (satisfaction, évolution et appropriation par le client) et trois autres des moyens (pertinence des objectifs, qualité de la démarche, qualité de la relation). Toutefois, la recherche laisse présager qu’au-delà des critères pris séparément, il est pertinent, pour conclure à l’efficacité de la consultation, d’évaluer aussi la combinaison moyens-résultats.
32Les consultants, en explicitant la façon dont ils appréhendent cette efficacité, ont aussi proposé des modalités appartenant autant à des mesures de type subjectif qu’objectif et parfois aux deux types pour un même critère. La littérature traite aussi de ces deux types. Ainsi, l’évaluation de la satisfaction, de l’appropriation, de la qualité de la relation et celle de la démarche peut se faire à partir d’indicateurs qui relèvent de la perception des acteurs. Par ailleurs, les critères d’évolution, d’appropriation, de la qualité de la démarche et de pertinence peuvent bénéficier d’observations factuelles et même de mesures quantifiables. Cette recherche révèle que, sauf trois exceptions, les consultants rencontrés ont recours autant aux modalités objectives que subjectives pour l’appréciation du degré d’atteinte des critères. Ces trois exceptions sont la mesure objective pour la pertinence des objectifs poursuivis et les résultats obtenus, la mesure subjective pour ce qui est de la satisfaction du client et du consultant et pour la qualité de la relation.
III.3 – Nombre de critères à utiliser
33Jusqu’à présent, aucune recherche n’avait permis de statuer sur le nombre de critères à utiliser pour mesurer l’efficacité de la consultation.
34La grande majorité des consultants rencontrés (N=12/15) se réfèrent simultanément à au moins quatre critères pour évaluer cette efficacité et surtout jamais à un seul. Ainsi, chez ces 12 consultants, quatre font appel à six critères, six autres en utilisent cinq et deux se réfèrent à quatre critères.
35De plus, bien que le critère de satisfaction soit le plus populaire et le point de départ de la mesure d’efficacité de presque tous les consultants rencontrés, ceux-ci reconnaissent qu’il est insuffisant à lui seul. Les propos des consultants suggèrent que la facilité à obtenir les données relatives au critère, la nature particulière de l’intervention de même que l’objectif personnel du consultant par rapport au client et aux résultats organisationnels vont déterminer le choix et l’exclusion de critères. Le nombre de quatre critères à utiliser pour évaluer son efficacité implique aussi que forcément, le consultant devra se référer à la fois à des critères de moyens et à des critères de résultat.
IV – ?Discussion et conclusion
36La détermination d’un nombre restreint mais approprié, parce qu’applicable, de critères d’efficacité de la consultation est fondamentale pour le travail des praticiens. La littérature, autant celle qui définit l’efficacité de la consultation que celle qui discute des critères eux-mêmes, en présente une grande variété. Les résultats de cette recherche, menée auprès de consultants expérimentés, attirent l’attention sur les six critères les plus couramment utilisés par les praticiens. De plus, ils précisent de façon opérationnelle ce que certains auteurs ont mentionné au sujet de ces critères. Les résultats permettent également de positionner différemment certains critères, d’en exclure certains et d’ajouter une composante relative à la satisfaction du consultant. Ils suggèrent aussi l’utilisation d’au moins quatre critères pour statuer sur l’efficacité de la consultation.
37En plus d’une meilleure connaissance des critères utilisés par les praticiens, la comparaison des résultats de cette étude à ceux de la littérature portant sur l’efficacité de la consultation a permis de revoir la définition de ce concept. Ainsi, les critères Pertinence des objectifs et des résultats, Relation entre le client et le consultant et Évolution de l’organisation se retrouvent dans la définition initiale de l’efficacité de la consultation. Toutefois, trois autres critères en sont absents : la qualité de la démarche, l’appropriation du problème par le client et la satisfaction du client et du consultant. Pourtant, ils sont mentionnés par plus de 75 % des consultants-participants. Le fait que les consultants utilisent de quatre à six critères en dit long sur l’importance de considérer plusieurs critères d’évaluation avant de conclure à l’efficacité d’une intervention de type conseil comme la consultation.
38En faisant le choix d’inclure ces éléments, une nouvelle définition opérationnelle de l’efficacité de la consultation [1] est proposée. Il est considéré que la consultation est efficace dans la mesure où :
- le consultant est apte à définir la situation et à intervenir, et qu’il établit une alliance de travail productive, choisit les stratégies, les méthodes, les outils de façon à assurer la qualité de la démarche d’intervention et l’adapter au milieu organisationnel qu’il considère dans sa totalité ;
- le client s’approprie la situation problématique, le changement et le suivi ;
- les résultats obtenus correspondent aux objectifs fixés dans un rapport coûts-bénéfices acceptable pour les deux parties, satisfont le client et le consultant, permettent à l’organisation un changement positif de sa performance et augmentent sa capacité à faire face à des problèmes similaires.
39Le défi de cette étude est d’identifier, sur la base de l’expérience de praticiens, les critères de mesure de l’efficacité de la consultation. Toutefois, avoir un objet de mesure et des critères identiques (ou comparables) pour tous les mandats de consultation est un enjeu d’envergure dans le cadre des recherches sur la consultation. La complexité de la mesure de l’efficacité de la consultation explique en partie la rareté des recherches empiriques sur le sujet. Pourtant, la définition de ces critères permet de circonscrire le champ de recherche en ciblant les variables dépendantes, tout en suggérant des modalités et des indicateurs de mesure.
40Cette étude peut aussi inspirer de futures recherches visant à enrichir les connaissances utiles à l’efficacité des consultants. Ainsi, pour ce qui concerne les informateurs, la présente recherche a ciblé les praticiens chevronnés. Il serait intéressant et utile de découvrir le fonctionnement de praticiens novices, de manière à documenter l’écart entre la naïveté des débuts et la sagacité de l’expérience. Ceci conduit à mieux structurer le développement de la formation en consultance organisationnelle. De même, des échantillons de praticiens exerçant dans d’autres domaines que ceux représentés par les participants à cette recherche pourraient enrichir l’étude de l’efficacité de la consultation. Pour ce qui concerne la nomenclature des critères d’évaluation de l’efficacité de la consultation, la perspective du consultant présentée ici pourrait être complétée par celle du client et des dirigeants de l’organisation qui embauche des consultants. En effet, une investigation de type socio-politique auprès des clients au sens large (celui qui paie mais aussi les acteurs du système client) permettrait de clarifier le concept clé « d’enjeu ». Comme le point de vue du client dans la recherche d’efficacité n’est évidemment pas neutre, il s’ensuit que la consultation se co-construit entre le consultant et « son » client, ce qui renvoie à la notion de service attendu, laquelle ne peut que contribuer à structurer la relation de consultation.
41La prise en compte du type d’organisation (organisation privée, publique, sans but lucratif, etc.) dans lequel se déroule la consultation pourrait mettre en exergue des variations significatives en ce qui concerne les finalités de l’intervention, le type d’intervention (conseil, accompagnement, audit, projet participatif, enquête, etc.) de même que les critères prépondérants d’évaluation.
42En termes de méthode, une recherche de nature quantitative pourrait aussi valider l’utilisation de ces critères et vérifier la nature du lien avec différentes variables, telles que les caractéristiques des consultants ou les différences selon le type de mandat. De même, des approches monographiques de cas réels (de la genèse de la demande à la clôture du mandat) pourraient permettre de contextualiser, de préciser, voire d’élargir ou élaguer l’appareil conceptuel actuellement en développement, en plus d’illustrer de façon encore plus concrète les différents contextes dans lesquels se réalisent les interventions et les méthodes et ressources pouvant les affecter
43Finalement, en regard de l’évaluation elle-même et au-delà de l’importance de développer des connaissances pratiques sur les critères d’efficacité, il faudra aussi identifier dans de futures recherches, les facteurs qui affectent les résultats de cette évaluation, notamment l’impact des personnes impliquées dans le processus de consultation, le moment et le nombre d’évaluations nécessaires, l’apport des aspects relationnels inhérents à la consultance ainsi que la méthodologie de traitement des données. Ultimement, la question éthique de cette pratique, de plus en plus mise en cause dans les médias, aura elle aussi à faire l’objet de recherche rigoureuse.
44Pour conclure, cette étude a permis d’identifier, du point de vue des consultants, six critères importants à considérer pour statuer de l’efficacité de cette pratique professionnelle. Par ailleurs, la complexité de la mesure de l’efficacité de l’activité conseil (la consultation) dépasse la seule connaissance de ces critères. En premier lieu, les préoccupations, les valeurs et les croyances de plusieurs interlocuteurs sont à considérer. Ainsi, le consultant, le client et chaque membre de l’organisation cliente peut interpréter ou accorder une importance différente à chaque critère. De plus, les modalités utilisées pour réaliser cette évaluation peuvent être de nature différente, soit objective ou subjective et de par le fait même être parfois difficiles à concrétiser. L’étude démontre aussi que la considération d’un seul critère de cette efficacité est insuffisante pour conclure au succès d’un mandat. Sur la base des critères définis par cette étude, une entente préalable à l’intervention peut être établie entre les parties, sur les critères, leur nombre et leur signification afin d’optimiser le niveau d’efficacité. Finalement, le temps de mesure est un autre enjeu de cette évaluation. Selon la durée et le type d’intervention, l’efficacité peut devoir être validée plus d’une fois sur un ou plusieurs critères. Les critères liés aux moyens utilisés, soit la pertinence des objectifs et des résultats, la qualité de la démarche et la qualité de la relation peuvent bénéficier particulièrement de plusieurs évaluations pour permettre ainsi au consultant d’adapter son intervention avant que la mesure des trois critères de résultat ne lui fasse constater un échec. L’efficacité de la consultation est un objectif en soi pour tous les consultants, tant pour des raisons économiques que pour la crédibilité et la survie de la profession. Pour l’atteindre, la compréhension de ses composantes et l’utilisation de critères de mesure sont fondamentales.
Notes
-
[*]
A. Savoie Département de Psychologie, F.A.S. Université de Montréal C.P. 6128, succursale Centre-ville Montréal, QC, Canada, H3C 3J7
-
[**]
F. Roy Département de psychologie, F.LS.H. Université de Sherbrooke 2500, boulevard de l’Université Sherbrooke (Québec) Canada, J1K 2R1
-
[1]
Cette définition est issue de la thèse doctorale de Francine Roy