CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Dans une période marquée par la mondialisation de l’économie et la mise en réseau des hommes et des organisations, les entreprises sont conduites à réfléchir très tôt à la mise en œuvre de solutions techniques innovantes pour obtenir des gains de productivité et jouir d’un avantage concurrentiel. Pourtant, ces enjeux stratégiques créent un empressement tel que les firmes cherchent bien souvent à s’approprier le plus rapidement possible ces techniques sans se soucier des implications humaines et sociales de leur assimilation.

2Quelles sont donc ces technologies qui intègrent le monde du travail ? Quelles sont leurs incidences sur l’activité professionnelle ? Comment l’individu réagit-il face à l’arrivée toujours plus massive de ces nouveaux outils ? Quels seront à l’avenir les contours de son activité ? Comment et jusqu’à quel point ces systèmes d’informations peuvent-ils modifier les dimensions collectives, cognitives et organisationnelles du travail ?

3Cet article se propose d’apporter un éclairage aux mutations actuelles du travail par une meilleure compréhension des innovations technologiques et de leurs incidences dans diverses dimensions du travail.

4Ainsi, après avoir rappelé les principales innovations technologiques liées au travail, nous examinerons les transformations qui s’exercent dans le cadre de l’activité professionnelle. Nous verrons notamment que, tout en modifiant les formes d’organisation du travail, les technologies affectent ses modes d’expression et transforment son contenu. Elles changent également les rapports entre l’individu et son objet de travail et peuvent, dans certaines situations, induire une charge de travail supplémentaire par la détérioration des conditions de travail. Toutefois, loin de présenter un réquisitoire à charge contre les technologies, nous signalerons aussi les nombreux services qu’elles peuvent rendre dans la gestion des activités humaines et professionnelles. Une discussion portant sur les paradoxes de ces systèmes viendra clore cet article.

I. LA NATURE DES CHANGEMENTS TECHNOLOGIQUES DANS LE TRAVAIL

5Le début des années 1990 a été marqué par l’irruption massive de (nouvelles) technologies de l’information et de la communication (TIC) [1] dans les différentes sphères de l’entreprise : du domaine de la gestion administrative, humaine et financière aux champs de la communication et de la formation, ainsi qu’aux secteurs de l’organisation du travail et des équipes de travail. Comme l’indique le tableau 1, c’est tout un arsenal de technologies qui se déploie dans l’entreprise pour répondre à des besoins de plus en spécifiques (Observatoire des NTIC [2], 1998 ; ANACT, 1999 [3], 2000 [4] ; Pierrou, 1999 ; Jacot & Duval, 2000 ; Gilbert & Gonzales, 2000). Par souci de clarté, nous avons choisi de regrouper ces outils selon différents registres d’action : (i) de communication, (ii) de collaboration, (iii) de gestion, (iv) de formation et (v) d’assistance.

Tableau 1
TABLEAU 1 :
Aperçu des principales technologies se déployant dans l’entreprise
Description of main technological developments in firms
Tableau 2

6D’après ce tableau, les technologies ont la capacité d’affecter avantageusement et positivement l’ensemble des modes de travail et l’organisation même de l’entreprise : rationalisation des processus, mise en réseau et création de pôles de compétences et d’excellence, mutualisation des ressources, flexibilité et souplesse du travail, assistance à l’utilisateur pour des tâches répétitives complexes et/ou rébarbatives, diminution des charges physiques... Selon certains auteurs (Champeaux & Bret, 2000 ; Gozlan, 2002), l’avènement de ces systèmes co ïnciderait même avec l’émergence d’un modèle de travail tourné vers l’excellence ; c’est-à-dire que les comportements professionnels seraient favorablement influencés par le fonctionnement des technologies elles-mêmes. Rapidité, autonomie, efficacité, curiosité, partage, initiative, responsabilité, apprentissage... seraient quelques-unes des compétences directement engendrées par l’usage des TIC. Ce qui expliquerait l’enthousiasme des entreprises pour ces dispositifs : « Les adopter ne représente plus une opportunité, mais une obligation. Il ne s’agit plus de savoir si on va y aller, mais comment on va y aller, c’est-à-dire avec quelle stratégie, quels investissements, quels objectifs » (Champeaux & Bret, 2000). Or la ferveur techniciste dont font preuve les entreprises peut sembler excessive, ou du moins partiale à certains égards.

7En effet si, convenablement pensées et implantées, ces technologies ont toutes les chances d’améliorer effectivement les conditions de travail et de favoriser le déploiement de nouvelles aptitudes (nous y reviendrons plus largement dans la troisième partie), elles peuvent aussi aboutir à des dérives lorsqu’elles sont mal conçues, appliquées ou utilisées. Ce sont ces dysfonctionnements qui vont plus particulièrement nous intéresser dans la partie qui suit.

II. LA NATURE DES MUTATIONS DANS LE TRAVAIL

II . 1. DE NOUVELLES MODALITÉS DE STRUCTURATION DE L’ACTIVITÉ ?

8L’impact des nouvelles technologies sur l’organisation du travail peut tout d’abord se mesurer par les degrés de liberté que ces dispositifs laissent à l’opérateur pour gérer son activité. Sur ce point, trois niveaux d’analyse peuvent être déclinés qui, sans s’opposer, soulignent toutefois différents aspects d’une réalité complexe [5] (fig. 1) :

91 / Pour les uns (Cavestro, 1987 ; Léchevin, Le Joliff, & Lanoë, 1993 ; Jeantet, Tiger, Vinck, & Tichkiewitch, 1996), ces nouveaux dispositifs réduisent considérablement les marges de manœuvre du salarié en accentuant les niveaux de contrôle et de régulation sur son activité. Ces systèmes peuvent alors être considérés comme hautement « prescriptifs ».

102 / Pour les autres (de Terssac, 1990 ; Maggi, 1996), ces systèmes laissent la possibilité d’un aménagement concerté de l’activité entre, d’une part, les aspirations de l’utilisateur et, d’autre part, un certain cadre de dépendance fixé par le dispositif. Ce sont les systèmes « discrétionnaires ».

113 / Pour une dernière catégorie d’auteurs enfin (Davezies, 1991 ; Bobillier Chaumon, 1999), les dispositifs sont suffisamment flexibles et ouverts pour laisser l’opérateur agir à sa guise ; c’est le cas des systèmes dits « flexibles ».

Figure 3
Fig. 1.
Les différents modes de structuration de l’activité par les technologies
Different models of structuration of activity by technologies

II . 1 . A. Les nouvelles technologies de travail : un retour à la prescription ?

12Pour une première vague d’auteurs donc, la multiplication des systèmes techniques est le moyen d’une « algorithmisation » du travail, c’est-à-dire d’une mise en forme des procédures ou des actes de travail et de description exhaustive des séquences d’opération (Léchevin, Le Joliff, & Lanoë, 1993). Pour sa part, Cavestro (1987) remarque que l’introduction d’une nouvelle technologie reproduit quelques grands principes du taylorisme en accentuant la spécialisation des tâches. Le process de travail serait ainsi décomposé, segmenté, remodelé en activités, en fonctions, en actes de travail.

13Le Worflow est l’illustration emblématique de ce processus de rationalisation. Sa vocation est en effet d’automatiser les flux de travail et d’information, en spécifiant les tâches et les fonctions de chaque opérateur dans un circuit de traitement prédéterminé (traitement des dossiers administratifs par exemple). Mulhmann (2001) a observé les usages liés à cette application concernant les pratiques commerciales des chargés d’affaires d’une grande entreprise de services. Il montre, qu’au-delà des discours sur la transparence, la souplesse et la décentralisation de ces systèmes, leur conception et leur déploiement ont pour projet de mieux contrôler l’activité commerciale en rationalisant davantage ses processus ; cette démarche contribuant de fait à rigidifier ces mêmes processus commerciaux. Toutefois, l’auteur observe également la présence de processus d’appropriation stratégiques de ces outils qui permettent aux commerciaux de réintroduire de la flexibilité dans leurs procédures de travail, notamment par le développement de circuits coopératifs parallèles (via des technologies telles que le téléphone cellulaire, la messagerie...). Autant d’observations qui l’amènent à reposer la question du déterminisme technologique et des modalités concrètes de l’appropriation par les acteurs.

14Pour Lasfargue (1995), les développements de l’informatique, en particulier de l’architecture client serveur et des réseaux, ont toujours servi de « cheval de Troie » pour une rationalisation progressive de l’activité et des rapports sociaux dans l’organisation. L’absence de règles et de procédures de travail clairement établies, mais aussi la constitution de castes d’experts autonomes et puissantes ont poussé les directions à profiter de la migration technologique (de systèmes centralisés vers des systèmes en réseau) pour imposer à leurs salariés des moyens de subordination et de contrôle légitimes (via des chartes graphiques, d’utilisation, de méthodes de conception...). Ainsi donc, associer habilement changement organisationnel et déterminisme technologique présente « l’avantage de dissoudre le politique dans le jeu des contraintes techniques et de canaliser l’initiative individuelle en la maintenant à l’intérieur des espaces normés, encadrés par les programmes » (Lacroix & Burnier, 1995, p. 44). Autrement dit, la stratégie de l’organisation en matière de choix technologique reposerait sur un paradoxe : si, d’une part, elle s’entoure de système technique pour réduire l’incertitude et l’ambigu ïté qui l’affectent, d’autre part, elle cherche aussi à tirer profit de l’incertitude que suscitent ces nouveaux dispositifs pour réorganiser et innover en profondeur dans ses structures.

15En définitive, dans cette première approche, l’informatisation par les TIC correspond à un processus de codification et d’inscription des savoirs, qui s’accompagnerait plus ou moins inexorablement d’une structuration des savoir-faire. Les TIC seraient un instrument de formalisation des règles de fonctionnement : les anciennes règles, souvent tacites et informelles, seraient déstructurées pour céder la place à des conduites de travail plus formelles et socialement acceptables par l’organisation.

II . 1 . B. Le recours à un aménagement concerté de la tâche : la discrétion retrouvée ?

16Chez d’autres auteurs, le travail effectué avec des systèmes ne saurait être figé dans une représentation informatique stable et permanente de la tâche. Le travail doit « vivre », c’est-à-dire s’organiser et se développer autour d’un noyau logique dur (un certain niveau de prescription) à partir duquel peuvent se greffer des marges de manœuvre. On laisse ainsi la possibilité au travail d’évoluer et de se reconfigurer en fonction des multiples changements de l’environnement socio-économique et technologique.

17En effet, les instructions qui résultent de la définition de la tâche sont généralement établies pour un environnement donné, supposé connu et stable, compte tenu d’un certain niveau de connaissances probables des utilisateurs. Or, à cause des bouleversements provoqués, entre autres, par le changement technique, le travail s’enrichit de nombreuses zones d’implicite ainsi que de multiples événements aléatoires. Ces derniers constituent ce que de Terssac (1990) appelle des « contraintes invisibles », c’est-à-dire « des caractéristiques effectives du travail qui se dérobent à la description officielle » (p. 137). À ce titre, la gestion des aléas, de la dynamique temporelle d’un processus, la résolution de nouveaux problèmes, le choix entre plusieurs solutions admissibles deviennent des générateurs possibles de l’incertitude.

18Le principe d’organisation « un homme pour un poste regroupant un ensemble de tâches précises, prévisibles et programmables » est donc remis en cause. On passe d’un système intégré de tâches rigoureusement définies et réparties sur des postes fixes à une distribution flexible des missions à discrétionnalité croissante (de Terssac, 1990). La discrétion fait ici référence à « des espaces d’action dans un processus réglé de l’extérieur, où le sujet agissant est obligé de décider et de choisir dans un cadre de dépendance » défini par le système technique (Maggi, 1996, p. 14). Ce qui veut dire qu’en passant de la prescription des rapports de travail à leur discrétion, on est passé d’instruments techniques qui imposaient de ne pas choisir à des systèmes qui imposent choix et décisions.

19En interagissant avec de tels dispositifs, les utilisateurs se trouveraient en quelque sorte confrontés à une forme d’ « injonction paradoxale ». Ils seraient placés, pas toujours volontairement, devant l’obligation de faire des choix, de prendre des décisions dans un environnement bordé (espace « discrétionnaire »). Or, comme le soulignent de Terssac et Maggi, un réel danger existe pour ces employés qui doivent, généralement sans formation préalable et rémunération supplémentaire, assumer implicitement les conséquences de leur choix, surtout lorsqu’ils ont à interagir avec des systèmes à risque. A contrario, certains utilisateurs sauront tirer profit de ces espaces discrétionnaires pour obtenir davantage de marges de manœuvre et d’autonomie dans leur activité.

20Le cas des systèmes informatiques d’aide à la décision (SIAD) est particulièrement instructif. Ceux-ci proposent un certain nombre d’alternatives possibles pour l’action, compte tenu des informations dont ils disposent et des contraintes qui leur sont données. Ils n’ont généralement qu’une fonction d’assistance, puisque c’est l’utilisateur qui devra sélectionner la solution qui lui semble la plus appropriée au problème rencontré. Pourtant, malgré la souplesse apparente de cet environnement, de nombreux problèmes se posent, en particulier de dépossession du savoir-faire (Fischer & Brangier, 1990) et de répartition des règles d’action et de décision entre l’homme et la machine (Bobillier Chaumon, Hing-Ip, & Noceir, 2000). Dans l’étude que nous avions menée lors de la conception d’un SIAD dédié à la maintenance des réacteurs nucléaires, nous avions montré que ce dispositif s’imposait comme un nouvel acteur du processus de travail avec lequel les opérateurs devaient collaborer, échanger et négocier : il générait des contraintes, faisait des propositions, requérait des choix particuliers et exigeait des justifications sur certaines actions, etc. En somme, il devenait un partenaire à part entière du processus de travail. Objet de régulation et d’action, il portait et diffusait des moyens conceptuels, cognitifs mais aussi pratiques pour produire des programmes d’action. L’outil provoquait aussi un déplacement des pouvoirs et des capacités d’intervention des acteurs. Pour autant, ce n’étaient pas les opérateurs qui changeaient de comportement, c’étaient plutôt les contingences de l’outil qui offraient de nouvelles opportunités, et du coup, qui induisaient de nouvelles conduites d’acteur.

21Au final, dans cette forme de collaboration homme-machine, l’enjeu est de parvenir à une reconstruction négociée de la prescription dans laquelle les indications du système constituent, comme le remarquait déjà Dejours (1993, p. 55) pour des activités plus classiques, « moins une contrainte qu’un repère (c’est-à-dire) une référence commune » et partagée.

II . 1 . C. Une réappropriation nécessaire et complète de la tâche : dominer les automatismes ?

22Pour une dernière catégorie d’auteurs enfin, les nouveaux systèmes techniques doivent éviter de créer de nouvelles prescriptions qui pourraient contrarier l’utilisateur et menacer in fine l’appropriation et l’acceptation de l’outil. En effet, face à des systèmes trop compliqués ou trop contraignants, les opérateurs contournent, voire détournent la prescription pour mener à bien les tâches qui leur sont confiées. La réappropriation peut aussi être perçue comme une conquête volontaire, manifestation de l’autonomie des travailleurs et de leur participation paradoxale au système productif (de Terssac, 1992). De même, si le strict respect des procédures permet d’assurer la bonne exécution des tâches lorsque l’environnement est stable ou de rassurer des utilisateurs novices, il en va différemment lorsque le contexte est évolutif et que l’individu acquiert de l’expérience. La réappropriation devient alors une tricherie nécessaire parce que ces écarts permettent de combler les lacunes des système de travail (Davezies, 1991) et de s’impliquer efficacement dans le travail. Cette capacité de réaction/déviation par rapport à ce cadre prescriptif est également nécessaire pour assurer la pérennité de l’entité homme-machine et préserver l’intégrité sociale et mentale de l’utilisateur. Précisons que, si Davezies ne parle pas directement des effets des développements technologiques dans son article, les questions qu’il soulève sur la relation entre les canevas de travail (règles, procédures, outils...) et l’activité de l’individu apportent des éléments à notre problématique.

23Une étude réalisée sur l’activité des gestionnaires des fonds de retraite nous avait d’ailleurs permis d’appréhender ce phénomène (Bobillier Chaumon, 1992). L’application informatique était sous-employée car étant trop directive, elle se révélait incompatible avec la souplesse exigée par les activités d’examen et de traitement des dossiers. La mise en place de procédures officieuses et clandestines « court-circuitant » le dispositif représentait dès lors la seule alternative possible pour contourner ces prescriptions et progresser efficacement dans le travail, afin d’atteindre les objectifs de production.

24À l’inverse, trop de flexibilité peut également nuire au processus de travail et à l’épanouissement du salarié. Dans une autre recherche (Bobillier Chaumon, 1999) conduite sur le changement d’environnement de conception chez des informaticiens, nous avions décrit combien la transition d’un système prescriptif (architecture site-central, paradigme procédural et interface textuelle) vers un système flexible (architecture client-serveur réseau, paradigme orienté objet et interface graphique) s’était révélée déroutante pour des spécialistes habitués à travailler sur le même environnement depuis de nombreuses années. Les informaticiens avaient en effet développé un modèle mental de conception relativement sclérosé et rigide (fondé exclusivement sur le squelette de programmation procédural), incompatible avec la souplesse exigée pour développer dans le nouvel environnement de programmation. Les préconisations visaient dès lors à aménager le nouvel environnement vers un système de type discrétionnaire fournissant des jalons à l’activité du concepteur.

25En définitive, l’évolution des dispositifs de travail s’est donc caractérisée par de nouvelles formes d’articulation entre tâche et activité. Des changements sont intervenus sur la description du travail et se sont principalement manifestés :

  • 1 / soit par un renforcement de la prescription ; dans ce cas, le système technique est espace de contraintes et donc d’aliénation de l’individu par la technique ;
  • 2 / soit par l’émergence de systèmes discrétionnaires ; dans ce cas, le dispositif offre un espace de compromis entre les contraintes techniques et les aspirations de l’individu ;
  • 3 / soit par une réappropriation de la technique ; dans ce cas, le système technique devient « espace du possible » qui se met au service de son utilisateur.

II . 2. DE NOUVELLES FORMES DE GESTION DU TRAVAIL ?

26Il y a cent ans, en pleine ère industrielle, entretenir des machines était très important. De nos jours, ce qui devient prépondérant, et sans doute plus encore dans les années à venir, c’est d’entretenir les informations et de les bonifier. On enrichit l’information en la traitant, et non plus en l’accumulant. Stockée comme une marchandise, elle perd de sa valeur (Lojkine, 1992).

27Pourtant, fortes de ces principes, les entreprises peinent encore à maîtriser ces flux d’informations (données, connaissances...) alors que c’est une condition majeure de leur compétitivité et de leur efficacité (Ettighoffer & Blanc, 1998). Face à un volume de données exponentiel, il devient en effet très difficile de différencier l’essentiel de l’accessoire. Le problème n’est donc plus d’avoir accès à l’information mais de connaître sa valeur stratégique pour l’utiliser au bon moment. Pour prévenir ce risque d’entropie, l’entreprise s’appuie sur les nouvelles technologies (GED, intranet, groupware...) dont la finalité est de capitaliser le savoir et l’expérience de l’entreprise en reconstruisant le sens de l’information et en la repositionnant dans son environnement. On parle dès lors de Knowledge management (Prax, 2000). Mais quels sont les impacts de tels outils dans l’activité d’un groupe de travail, dans sa gestion et dans son organisation ? C’est ce que nous allons à présent aborder.

II . 2 . A. De nouveaux principes de coopération avec de nouvelles responsabilités pour l’individu

28L’essor du TCAO [6] place de plus en plus l’individu dans un maillage relationnel qui l’amène à multiplier les contacts et les échanges. L’acteur est alors moins confiné dans un département, dans une activité pour effectuer une tâche répétitive et clairement définie. Il est appelé à s’ouvrir sur les autres membres de l’organisation (internes ou externes à l’entreprise) pour travailler efficacement avec eux. C’est l’entreprise en réseau ; un système de répartition des tâches fondé en grande partie sur le relationnel et la compétence collective.

29L’équipe virtuelle en devient l’unité d’œuvre : la performance et l’activité naissent de la coopération de personnes communiquant, échangeant, partageant de l’information via un réseau numérique (Coat & Favier, 2000). Ces équipes de travail doivent concevoir leur propre organisation interne et gérer leur propre réseau externe. De même, la logique relationnelle hiérarchisée est progressivement remplacée par une logique relationnelle réticulaire fondée sur la complémentarité des compétences. Dans ce cadre, la gestion par projet, la transversalité, le décloisonnement ou encore l’organisation qualifiante sont autant d’illustrations emblématiques de ces nouveaux principes de coopération et d’organisation au sein des structures professionnelles (Kerjean, 2000).

30Les salariés interrogés par Lechevin, Le Joliff et Lanoe (1993) signalaient déjà que l’introduction des TIC dans leur entreprise avait non seulement conduit à la production de nouvelles informations mais avait également transformé plus profondément le flux des communications : des salariés autres que les hiérarchiques se trouvaient subitement au centre d’un réseau de communication varié et étendu, et se sentaient investis de nouvelles responsabilités. En décentralisant le pouvoir de décision par le partage des informations et des savoirs, d’une part, et la coordination des activités, d’autre part, l’entreprise invite les membres de son organisation à prendre des initiatives pour améliorer continuellement la performance des activités menées. Elle cherche aussi à valoriser les compétences des individus, à les responsabiliser et à les impliquer dans le développement de l’organisation. On parle d’ailleurs de « E-Management » [7] pour définir cette nouvelle forme de gestion du personnel dont l’une des principales caractéristiques est l’adoption d’une ligne hiérarchique plus courte. Chez General Electric par exemple, il n’y a plus que deux niveaux hiérarchiques entre le directeur et les vendeurs du groupe. Les procédés de diffusion et de traitement de l’information se sont substitués aux cadres intermédiaires pour répartir les données et les ordres, servant ainsi de mécanisme de coordination entre les différents éléments de l’organisation.

31Si les avantages d’une telle structure semblent, au niveau managérial, nombreux [autonomie relative des échelons inférieurs (pour valoriser la créativité et la responsabilité) ; rapidité et efficacité du système de prise de décision (pas d’intermédiaires ni de filtrages)] ; ses conséquences au niveau individuel sont plus discutables. Cette structure suppose en effet que les membres soient prêts à utiliser convenablement ces nouvelles responsabilités dans une organisation qui exigera beaucoup d’eux : apprendre, innover, collaborer, faire savoir... Pour ces derniers donc, il ne s’agira plus seulement de faire, mais de décider. Or ces acteurs ont-ils le choix, le souhait et/ou la capacité de prendre en charge ces nouvelles attributions ? Ont-ils seulement les aptitudes et les compétences requises pour agir convenablement dans cette nouvelle configuration de travail qui va s’imposer à eux ? L’enquête réalisée par Bellier, Issac, Josserand, Kalika et Leroy (2002) auprès de 3 000 salariés semble confirmer l’idée selon laquelle ces derniers se résignent à accepter ces responsabilités, puisque 60 % déclarent que ce sont eux qui doivent faire l’effort de s’adapter aux nouvelles conditions de travail. De même, 76 % pensent qu’ils doivent être davantage capables de diffuser l’information, 71 % qu’ils doivent davantage savoir où elle se trouve et 66 % qu’ils doivent davantage en contrôler la fiabilité. Tout se passe donc comme si, avec les mutations technologiques, les salariés devaient non seulement s’approprier les dispositifs mais intérioriser aussi leurs contraintes et leurs insuffisances, afin d’en assurer le bon fonctionnement selon un mode que l’on pourrait qualifier de dégradé.

32Enfin, avec la réduction de l’encadrement intermédiaire, disparaît aussi la fonction de filtrage qu’exerçait cette instance, et se profile ainsi le risque d’un accroissement des flux d’information transmis. Ce qu’illustre le « syndrome du parapluie » apparu avec la généralisation de la messagerie : pour se couvrir, les salariés adressent systématiquement une copie de leur courrier électronique (destiné à un collaborateur ou à un client de l’entreprise) à leur responsable.

II . 2 . B. De nouvelles modalités de contrôle et de régulation de l’activité

33Sur un autre registre, ces nouveaux outils de travail (collecticiel, workflow, ERP...) impliquent des automatismes de décisions qui régissent les rapports sociaux entre individus et groupes. Ils assurent en quelque sorte une régulation qui s’exerce au travers des règles de format, de contenu et d’échange d’informations, qui elles-mêmes organisent les processus de travail et les interactions entre les acteurs de ces processus.

Une redéfinition des règles d’exercice du pouvoir...

34En cherchant à optimiser ses processus de travail et à réguler ses circuits d’information, l’entreprise peut ainsi modifier le jeu organisationnel en vigueur dans ses structures.

35L’étude d’Alter (1996) dissèque finement ce processus en montrant comment l’introduction d’une messagerie électronique dans un service a pu remettre en cause certaines pratiques stratégiques (en termes de jeux de pouvoir, d’autonomie et de reconnaissance), pour y substituer d’autres formes de réglementation. Alter a ainsi repéré qu’une nouvelle caste – appelée innovateurs (cadres moyens et secrétaires) – avait réussi à s’arroger du pouvoir grâce au contrôle opportuniste des nouvelles ressources technologiques, et plus particulièrement par la maîtrise des circuits d’information. Face à eux, les gestionnaires (cadres supérieurs et hiérarchiques) avaient perdu du pouvoir car leur légitimité, fondée principalement sur la définition des règles et sur la maîtrise des informations plus classiques, s’exerçait hors des réseaux techniques. Aussi, pour accéder aux informations désormais véhiculées par le réseau, les gestionnaires devaient solliciter l’aide de leurs subordonnés (les innovateurs) ; ce qui les plaçaient en position de dépendance vis-à-vis d’eux.

De nouvelles modalités de contrôle sur l’activité...

36La vocation de ces outils est également de coordonner la répartition d’une tâche entre différents acteurs aux spécialités et aux responsabilités variées, tout en assurant l’articulation temporelle des différentes étapes de l’activité. Ce sont de puissants moteurs qui distribuent le travail et qui savent qui fait quoi, à quel moment et dans quel délai (Karsenty, 1994). L’individu se trouve dès lors situé à un carrefour où, à tout moment, les membres de son équipe, l’encadrement, voire ses clients ont la possibilité de contrôler ce qu’il fait. Il lui devient alors impossible de travailler indépendamment de ses partenaires : chacune de ses actions est conditionnée par celles des autres, mais affecte aussi celles de ses partenaires.

37Gilbert et Gonzalès (2000) ont réalisé une enquête auprès d’une dizaine d’entreprises utilisatrices de progiciels ERP [8]. Ils montrent que les utilisateurs ressentent une forte ambigu ïté inhérente à la tension contrôle/autonomie que suscite l’usage de ces technologies. En effet, ces ERP sont perçus comme offrant des facilités inexistantes jusqu’alors pour mettre l’information utile à disposition de tous les acteurs, et cela sans difficulté et sans délai. C’est la notion de « self-service » : chaque responsable opérationnel ou chaque salarié a la possibilité de consulter, voire de saisir les informations les concernant ou concernant leur groupe de travail ou son service. Mais la réalité montre une tout autre logique d’action, mue à la fois par les enjeux et les craintes des acteurs. L’ambigu ïté réside dans le fait que l’on ne mette en avant que le versant de la décentralisation (des informations) pour occulter son complémentaire : le renforcement de la prescription et du contrôle d’ensemble du système d’information. Cet outil devient alors une sorte de « cheval de Troie » ; c’est-à-dire un médiateur destiné à encadrer le développement d’autonomie du fait des organisations décentralisées, et à renforcer le contrôle par la maîtrise de l’information, de ses circuits et des processus de traitement. La structure de l’entreprise contrôle le respect des normes fournies par le progiciel qui les canalise en retour. En définitive, technologies et organisation se légitiment donc mutuellement avec cet outil qui porte une fonction hiérarchique occulte.

Moins d’autonomie et plus d’interdépendance...

38En intégrant ces réseaux techniques, le salarié perd aussi son autonomie pour cause d’interdépendance et de communications permanentes avec ses pairs. Toute intervention doit s’effectuer dans le cadre des contingences d’action préalablement fixées.

39De tels environnements peuvent alors être utilisés dans la régulation des échanges et des collaborations entre des groupes de travail, notamment lorsqu’ils servent à reproduire des modèles de subordination. C’est, par exemple dans l’étude menée par Jeantet, Tiger, Vinck et Tichkiewitch (1996), le cas du Groupware qui a la possibilité d’induire une certaine structuration des échanges entre les équipes de conception et de réalisation. Les seconds travaillent sur des objets fermés que les premiers leur remettent. Ils sont censés exécuter ce qui leur est prescrit, sans comprendre ce qu’ils font. Ils ne sont pas censés interpréter ni transformer les buts et les moyens, mais seulement s’y conformer. Dans ce cadre, le système technique devient un des leviers de contrôle et de restriction imposés par un groupe sur un autre. Il prescrit à ses utilisateurs des actions, ou une seule façon de comprendre l’objet et d’agir à partir de lui.

40Face à de tels systèmes, on comprend que l’individu n’ait de cesse d’agir pour conserver une zone de liberté ou une reconnaissance dans un processus de contribution collectif au travail. En effet, l’expertise, source traditionnelle de légitimité professionnelle, se trouve diluée dans un tel réseau. Elle devient accessible par tous et à tout moment via le réseau ; comme en témoigne l’étude effectuée sur les incidences socio-organisationnelles du changement technologique chez les développeurs (Bobillier Chaumon, 1998). La principale réticence de ces techniciens était d’accepter de rendre visible leur code de programmation sur des bibliothèques et des forums de l’intranet ; ce qui aurait permis de favoriser la réutilisation informatique et de diminuer les coûts de développement. Or, pour ces informaticiens, mettre à disposition leurs programmes revenait à livrer leurs « secrets de fabrication ». En d’autres termes, en exposant leur savoir-faire, ils craignaient de fragiliser leur rôle dans le processus de conception et devenaient du coup « interchangeables ».

En définitive : L’acteur dans le réseau ; entre dépendance et interdépendance

41Ces outils, chargés de contribuer à la réussite d’opérations collectives, connectent entre eux des individus par des réseaux informationnels, mais accentuent du même coup leur interdépendance. Ils mettent en place des structures réticulaires plus ou moins complexes, mais toujours organisées avec une autorité centralisée et une structure de contrôle clairement définie.

42En somme, la « collectivisation » du processus de travail permet à l’acteur de participer à un système de connaissances élargies. Dans ce cadre, l’accès au réseau technique devient une ressource essentielle à l’activité en offrant un espace d’échange et d’émulation. Il permet de faire face aux manques d’informations, de formation et/ou d’expériences en assurant le maintien du professionnalisme. Néanmoins, l’entraide qui existe ne peut se confondre avec un quelconque humanisme : il s’agit d’un négoce où les moins bien lotis en capital de connaissances vont devenir dépendants des autres. Si l’individu bénéficie d’une certaine assistance en intégrant ces nouveaux dispositifs techniques, le prix à payer est cependant élevé : l’autonomie devient collective et la tranquillité impossible. L’activité du sujet dépend alors étroitement des marges de manœuvre que le réseau est en mesure de lui octroyer, ou bien qu’il est capable de préserver ou de gagner.

II . 3. DE NOUVEAUX REPÈRES DE TRAVAIL ?

43L’arrivée de ces technologies co ïncide également avec un changement du contenu et des repères du travail. Manier davantage des abstractions, s’éloigner physiquement de son objet de travail, multiplier les opérations intellectuelles et gérer des astreintes mentales... sont devenus des caractéristiques du travail moderne. Cette partie se propose d’en détailler les aspects.

II . 3 . A. L’objet de travail se dématérialise...

44Nombre de chercheurs ont souligné la tendance à l’abstraction du travail par l’accession aux nouvelles technologies. Les opérations demandées aux salariés portent de plus en plus sur des signes représentant une information sur la production. Ils doivent traiter cette information et suivre des protocoles logiques pour contrôler des systèmes. Aussi, les tâches se vident-elles de leur signification intrinsèque. Elles perdent leur caractère visible et deviennent selon l’expression consacrée « immatérielles » et « virtuelles ». Dans ces conditions, la quasi-totalité des opérations de travail sont mentales (Sperandio, 1988) parce que le nombre d’actions des opérateurs ne porte plus directement sur des objets matériels, mais sur des données symboliques.

45Dans son étude sur les mutations de l’activité du secteur banque assurance, Malglaive (1994) montre que les obstacles au développement des compétences des salariés des banques résident moins dans la difficulté à intégrer des procédures ou à se familiariser avec des matériels informatiques que dans l’assimilation d’une série de représentations fonctionnelles de travail, sous-tendues par de nouveaux « référents immatériels ». La monnaie n’est plus une chose que l’on peut palper, regarder et manipuler ; elle devient un flux électronique virtuel.

46Certains indices significatifs de la qualité et du déroulement du travail disparaissent aussi : les bruits des machines, la couleur des copeaux sont remplacés par des courbes et valeurs numériques (Vergnaud, 1995). Les systèmes de présentation de l’information changent aussi rapidement et croissent en complexité. Il arrive fréquemment que ces systèmes rendent la tâche plus aisée, pour le contrôle de processus ou la surveillance de tâches complexes et/ou dangereuses (Prader, 1995), mais à condition toutefois que leur signification soit reconnue par le sujet.

47Ainsi, dans les avions de nouvelle génération, où l’informatique et l’automatique s’allient, on observe que l’équipage en arrive à piloter davantage les systèmes informatiques que l’avion lui-même. Ces systèmes informatiques (c’est-à-dire tout un ensemble de programmes et d’ordinateurs) dirigent l’avion et prennent des décisions qui sont du ressort de l’équipage dans les avions conventionnels. Il est donc incontestable qu’une part importante, en augmentation à chaque génération de nouveaux avions, de la charge de travail des équipages consistera à interagir avec les interfaces des systèmes informatiques plus qu’avec celles de l’avion.

II . 3 . B. Le rapport à l’objet de travail se transforme...

48Le développement des nouvelles technologies contribue également à un phénomène d’éloignement entre l’objet transformé et le travail ; le travail se définissant dorénavant davantage dans sa relation à l’outil que dans le processus de transformation de l’objet. La communication entre l’opérateur et son objet de travail est médiatisée par des dispositifs (écrans, systèmes de régulation...) qui transmettent l’information et la traitent en partie. En d’autres termes, l’individu n’agit plus directement sur son environnement, mais par l’intermédiaire de systèmes qui calculent, simulent et agissent en son nom (interface homme-machine). Ainsi, l’ouvrier ne structure plus directement la forme de sa pièce, c’est l’assistant informatique (machine-outil numérique) qui s’en charge. L’outil devient un instrument de contrôle, de présentation et de guidage de l’action et du travail (Karsenty & Brézillon, 1995). Dans le secteur manufacturier, le machiniste s’éloigne physiquement de sa machine. La connaissance perceptuelle qu’il avait de la pièce qu’il fabriquait, la dextérité et le doigté qui faisaient de lui un bon tourneur font maintenant place à une connaissance intellectuelle de codes de programmation abstraits qu’il doit transmettre à une machine-outil à commande numérique. Ce qu’il faisait lui-même auparavant, maintenant il le « fait-faire » par une machine.

49L’illustration la plus spectaculaire réside sans nul doute avec l’utilisation de l’image de synthèse et de la réalité virtuelle dans les technologies d’ingénierie assistée par ordinateur (AIO) (Ducau, 2000). La qualité majeure de la réalité virtuelle par rapport à l’image de synthèse est l’interaction : « avec le virtuel, l’homme cesse d’être le spectateur d’une image pour devenir acteur dans l’image » (Sénat cité par Ducau, 2000). Cela représente en quelque sorte une « immersion » de l’individu dans un environnement d’images 3D animées sur lesquelles il peut agir. Ducau a identifié un certain nombre de changements liés à la diffusion de l’AIO dans une équipe collaborant à la conception d’un nouveau véhicule : l’un des aspects de ces changements est la révolution du paperless qui fait passer tous les acteurs de la conception des plans papier et maquette 2D à l’image de synthèse 3D animée. Ce qui requiert à la fois d’autres représentations de travail et un rapport différent avec l’objet créé. Il leur devient par exemple plus difficile d’apprécier l’écart entre une portière et une aile dans une image virtuelle sur station de travail qu’en réalité par une mesure effective.

50En s’éloignant de son objet de travail, l’opérateur est également soumis à une profonde transformation de son « schéma corporel ». C’est alors tout un pan de son identité professionnelle, de sa représentation du travail et de ses compétences qui peut s’en trouver bouleversé. Déjà, la révolution industrielle avait réduit l’importance du corps dans l’activité de production matérielle par la réduction du rôle de la force physique. La mutation technologique en cours atténue encore ce rôle, en particulier dans les relations interpersonnelles. Les échanges par l’informatique sont appauvris et n’ont pas ou peu de dimension sociale. Les échanges de face à face diminuent ; ils passent par l’écriture ou d’autres formes abstraites de communication (visioconférence, messagerie asynchrone ou instantanée...), impersonnelles et privées de la nuance que peut apporter le non-verbal (regard, voix...) dans l’affirmation de son charisme et de sa personnalité. Des recherches effectuées à la demande de France-Télécom (Perrin & Gensollen, 1993) ont par exemple mis en évidence des différences dans les modalités de la communication entre des groupes « médiatisés » et en « face à face ». Ainsi :

  • la régression et les comportements ludiques sont plus marqués en audioconférence ;
  • l’impression de fatigue et la difficulté à se constituer en groupe sont plus fortes en vidéoconférence, quand est restituée à l’écran l’image des autres sans qu’on ait le contrôle de l’image de soi-même ;
  • la déresponsabilisation des partenaires est plus grande dans le cas (peu interactif) de la téléconférence assistée par ordinateur ou TCAO, où l’émetteur est dévalorisé et son message réinvesti.

II . 3 . C. Un travail plus vulnérable, plus fragile ?

51Autre caractéristique de ces nouvelles situations de travail informatisées, c’est le passage « d’une civilisation de la peine à une civilisation de la panne » (Lasfargue, 1993). Ce qui revient à dire que plus on s’entoure d’automates perfectionnés, plus il faut accepter le risque de l’incident dans le travail : « La panne est consubstantielle à l’automatisme robotisé. Plus un système est complexe, plus il est vulnérable » (Lasfargue, 1993, p. 44). Dans les secteurs comme l’aviation, l’industrie et le ferroviaire, on s’organise pour vivre avec elle. Il existe des systèmes de fonctionnement partiel dits « en mode dégradé » qui permettent de maintenir autant que possible la production en attendant la réparation. Il arrive pourtant que la conception n’ait pas prévu tous les cas de figure et que des incidents, plus ou moins irréversibles, se déclarent.

52Selon une étude du cabinet Harris [9] effectuée en 1997 auprès de 400 utilisateurs dans des entreprises française, allemandes, italiennes et britanniques, les dysfonctionnements informatiques coûtent l’équivalent de 100 heures de travail par an et par employé. Ce temps perdu ou ce manque à gagner ont trois origines : 1 / le temps que passe l’utilisateur d’un ordinateur pour son usage personnel (surfer sur Internet, jouer à des jeux...) : 11 % du temps perdu ; 2 / la panne qui laisse complètement coi l’utilisateur : 33 % du temps perdu (le Messagelabs [10] estime d’ailleurs qu’entre mars 2001 et janvier 2002 la proportion de messages « virusés » est passée de 1 sur 1 400 à 1 sur 150 !) ; 3 / l’installation d’un nouveau système informatique qui crée la panique générale : 56 % du temps perdu. Sur ce dernier point, l’étude souligne que le premier mois d’installation est catastrophique : 1 h 45 perdue par semaine et par employé. Bien évidemment, l’impact sur les conditions de travail sera considérable.

II . 3 . D. Une dégradation des conditions de travail et une augmentation de la charge de travail ?

53Une particularité du travail d’aujourd’hui est la dégradation des conditions de travail : complexité, ambigu ïté et précarité du travail fragilisent les individus. Alors qu’à la fin des années 1980, l’entrée massive des technologies devait « idéalement » améliorer les situations de travail, une enquête sur dix ans de conditions de travail en Europe contredit cette version optimiste (European Fondation for the improvment of living and working conditions [11], 2001). Près de 21 500 salariés interrogés dans 15 pays de l’Union européenne ont ainsi témoigné de la lente dégradation du travail. Ce dernier s’est précarisé, complexifié et intensifié : les rythmes de travail sont plus élevés et les délais plus rigoureux. Ces nouvelles contraintes n’ont pas chassé les anciennes, au contraire. Un tiers des personnes interrogées sont encore soumises à un régime « taylorisé », notamment celles touchées par la flexibilité et par les nouvelles formes de travail médiatisé. Cette complexification de l’emploi fragilise les individus, psychologiquement et physiquement : les plaintes liées aux douleurs dorsales (33 %), à la fatigue générale (23 %), au stress (28 %) et maux de tête (15 %) sont en hausse constante depuis l’étude précédente de 1995 !

54Plusieurs facteurs favorisent l’apparition de ces problèmes de santé au premier rang desquels : un travail répétitif (57 % des salariés interrogés) ; la crainte de ne pas pouvoir suivre la cadence [12] (56 %), un niveau minimal de productivité requis (60 %), une augmentation du nombre d’opérations à effectuer simultanément en un temps alloué [13] (gérer de front plusieurs activités ou s’interrompre sans cesse pour entreprendre une autre tâche : répondre à sa messagerie par exemple) ; les dysfonctionnements techniques et aléas (déjà mentionnés plus haut), l’exigence de flexibilité au travail (de polyvalence - travailler sur différents outils aux logiques différentes -, d’autonomie, de responsabilisation, de travail en équipe) ; l’insuffisance de la formation et l’inadéquation des environnements aux activités professionnelles et aux opérateurs (Daujard, 2001, Merllié & Paoli, 2001) ; autant d’éléments déjà illustrés dans les parties précédentes.

55Le contenu des tâches a également évolué, puisque l’équilibre entre la routine et les problèmes à résoudre a été rompu. En effet, avant la dernière révolution technologique, la majeure partie du travail était routinière : cela donnait une certaine stabilité et une certaine identité au poste de travail et à son occupant. Aujourd’hui la partie routinière a été automatisée et déléguée à la machine qui est devenue, par la force des choses, la prothèse cognitive de l’individu ou son palliatif technique (Lecocq, Ledru, Sizaire, & Tiquet, 1991). L’opérateur n’a donc plus pour lui que la gestion des situations critiques, des incidents dont les raisons sont souvent très complexes compte tenu de la sophistication actuelle des machines (Merle, 1992). La variabilité des solutions s’est également accrue : là où il y avait deux solutions possibles, il y en a maintenant plusieurs dizaines. Le stress du diagnostic, de l’incident à anticiper ou de la réparation à faire en très peu de temps est devenu un aspect non négligeable du travail moderne (Leplat, 1985 ; Reason, 1993). Parmi les manifestations possibles de ce surmenage, Frese et Hesse (1995) font état du « syndrome d’épuisement mental », qu’ils décrivent comme le fait « qu’une personne se [sente] fatiguée physiquement, qu’elle [ne soit] plus capable de s’identifier avec son travail et qu’elle [ait] le sentiment que son idéal, ses idées ou son potentiel ne peuvent plus se réaliser » (p. 10). Cela peut s’exprimer par la baisse de motivation et de productivité et par l’augmentation du taux d’absentéisme et de troubles psychosomatiques (baisse de la vigilance, susceptibilité...).

56En somme, avec l’avènement des nouvelles technologies de travail, la charge de travail devient « de moins en moins physiquement exigeante, et de plus en plus mentalement contraignante » (Gaussin, 1993). L’opérateur est obligé de comprendre non seulement le fonctionnement du système dont il a la charge, mais également celui des outils qui l’assistent. De plus, le flux mais aussi la diversité des informations générées requièrent des traitements supplémentaires pour sélectionner, interpréter et harmoniser les données.

57En apportant de nouvelles perspectives, ces technologies créent aussi de nouveaux problèmes. Elles en changent la nature, les déplacent sur un autre plan et requièrent du coup des qualifications originales pour réguler les problèmes.

II . 4. DE NOUVELLES FORMES D’ORGANISATION DE L’ENTREPRISE

58Les technologies peuvent enfin accompagner ou accentuer certaines transformations organisationnelles majeures, tels l’éclatement de l’entreprise ou la mise à distance du salarié par le télétravail.

II . 4 . A. Vers une entreprise éclatée

59La mise en réseau de l’entreprise a pour effet d’élargir ses frontières virtuelles : on parle alors d’ « entreprise étendue », avec l’externalisation et la délocalisation comme conséquences possibles (Berard & Veaux, 1996). Son fonctionnement repose sur une organisation en réseau construite sur la base de partenariats et médiatisée par les technologies de l’information. Ce mode de gestion conduit l’entreprise à se recentrer sur certaines activités (en fonction de leur valeur et de leur coût) et à externaliser les autres. En d’autres termes, on cherche à alléger les salariés de tâches à faible valeur ajoutée, pour qu’ils se focalisent sur le cœur de leur métier.

60Dans une recherche effectuée sur l’évolution des compétences bancaires liées au développement des technologies, Bobillier Chaumon, Dubois et Retour (2002) montrent comment la banque électronique contribue à élargir les limites virtuelles des établissements bancaires pour faire du client un utilisateur final de ces systèmes d’information. L’objectif est de l’amener à réaliser sa propre prestation bancaire à la place du guichetier. Un transfert de compétences s’opère ainsi par le biais du réseau numérique entre ce dernier et le client : les opérations basiques sont déléguées à l’internaute (le virement, la consultation de compte, la collecte d’informations sur les produits financiers, la souscription, les simulations... tout se fait en ligne). Délesté des tâches opérationnelles de bas niveau, l’employé dispose de davantage de temps et de ressources pour s’investir dans de nouvelles compétences liées aux services : conseil commercial et relation clientèle. La réorganisation physique des agences (divisées en espace d’accueil et en automates bancaires) témoigne d’ailleurs de ces transformations.

II . 4 . B. Vers la délocalisation du salarié : le télétravail

61Autre conséquence possible de la numérisation de l’entreprise, le travail à distance (ou télétravail) qui conduit cette fois à une profonde intrication entre espace professionnel et espace résidentiel, avec des implications souvent difficiles à assumer pour le télésalarié.

62Kouloumdjan, Armellio et Montandreau (1997) ont suivi une dizaine de cadres télétravailleurs d’EDF-GDF sur plus de dix-huit mois. L’objectif était d’analyser dans quelle mesure le télétravail allait bouleverser l’organisation traditionnelle de leur travail ainsi que la construction du lien social. Pour cette enquête, les avis des collègues, des hiérarchiques et aussi de la famille (conjoint, enfants...) des télétravailleurs furent également pris en compte. D’une manière générale, les résultats indiquent que le télétravail induit une nouvelle organisation du travail qui modifie le processus de lien social en introduisant la nécessité de développer une « autonomie collaborative » pour le télésalarié. Il doit apprendre à se débrouiller seul, à distance, tout en maintenant un lien social avec l’entreprise pour garder le contact, obtenir les informations et s’inscrire dans un collectif de travail de plus en plus virtuel. En définitive, l’individu doit avoir le souci, à la fois de se réaliser lui-même et la volonté d’agir, avec d’autres, pour réaliser un projet.

63Outre ces impacts organisationnels, d’autres résultats insistent sur les conséquences psychiques et sociales de la vie du « télésalarié » (Cohen Montandreau, 2002).

64— D’abord, le télétravail bouleverse le rapport du salarié au temps et à l’espace. L’activité de travail qui était établie par un temps déterminé de présence dans un lieu symbolique, en l’occurrence les bureaux de l’entreprise, se confond maintenant avec l’existence personnelle de l’individu. La frontière entre domaine professionnel et territoire personnel se trouve dès lors brouillée et l’individu risque de sacrifier sa vie privée au profit de son travail.

65L’éloignement physique (du bureau) remet également en cause la visibilité de l’apport du télétravailleur à l’activité de l’entreprise. Le fait d’être présent dans l’entreprise permet bien sûr à l’organisation d’exercer un contrôle sur le salarié, mais, plus encore, cette présence donne le sentiment de contribuer effectivement au fonctionnement de l’entreprise. Dès lors, en prenant de la distance avec son entreprise, le salarié se soustrait au regard des autres ainsi qu’à une reconnaissance professionnelle qui est moteur de l’implication et de la motivation au travail.

66— Ensuite, le télétravail pose un problème administratif aux entreprises : comment évaluer le salaire d’un individu ? Le concept de rémunération est en effet associé au temps passé à travailler (35 heures). La solution envisagée est de proposer un management par projet où l’individu gère librement son temps à condition toutefois qu’il achève le projet dans les délais impartis.

67Devenant plus autonome dans la gestion de son travail, le télésalarié doit aussi apprendre à nouer de nouveaux types de liens avec sa hiérarchie et ses collègues. Des compétences originales sont alors nécessaires pour mieux s’organiser, rester en contact avec son entourage professionnel et accéder à l’information nécessaire pour son travail. Souvent, comme le remarque Cohen Montandreau (2002), les télétravailleurs ressentent une frustration, parce qu’ils ont le sentiment de perdre une partie du message ou des informations transmises, et par-dessus tout, ils craignent de ne pas pouvoir remplir totalement la mission confiée. Ce qui montre aussi combien une formation préalable au tététravail se révèle nécessaire pour permettre au futur télésalarié d’assurer à la fois cette nouvelle activité et sa place dans cette organisation hybride (entre domicile et entreprise).

68— Enfin, le télétravail génère un sentiment d’isolement social chez le salarié. Ce sentiment est d’abord l’expression de la disparition du collectif de travail et des relations sociales qu’il implique. L’isolement est également lié à la perte du cadre spatio-temporel habituel du travail avec notamment l’absence d’horaires fixes, la nécessité d’une autodiscipline stricte pour l’organisation de son travail et la disparition d’un territoire marqué dans l’entreprise : « partager un espace de travail avec des collègues, un manager, avoir un espace de travail personnel, même extrêmement réduit (un casier où l’on range son manteau) impliquent symboliquement l’appartenance à une même structure, à une même organisation, à un même groupe de travail » (Cohen Montandreau, 2002, p. 77). Ne plus avoir d’espace à soi dans l’entreprise contribue en quelque sorte à accentuer le sentiment d’isolement et d’insécurité professionnelle de l’individu. Car l’entreprise représente aux yeux de beaucoup une sphère protectrice qui pourvoit aux principaux besoins sociaux : sécurité (protection financière et sociale), reconnaissance, estime, appartenance sociale...

69Finalement, bien qu’assez peu développé [14], le télétravail induit de profonds changements dans les manières d’aborder son activité et de vivre ses relations professionnelles et familiales. Délocalisé, le télétravailleur doit apprendre à la fois à occuper une nouvelle place dans l’organisation de l’entreprise et à développer de nouveaux modes de gestion et de relations dans son activité, tout en veillant à préserver sa sphère privée. C’est pourquoi l’accompagnement et la formation des télétravailleurs paraissent déterminants pour la réussite de cette « aventure ».

III. LES APPPORTS DES TECHNOLOGIES DANS LE TRAVAIL

70Nous avons dressé jusqu’à présent un tableau plutôt critique de la diffusion des technologies dans les organisations modernes, en soulignant les dérives auxquelles elles pouvaient mener. Pour autant, de nombreuses applications (dans les secteurs médicaux, bancaires, industriels...) attestent des différents services que peuvent rendre ces dispositifs dans les domaines de la supervision, de l’assistance ou du conseil. Plus que de simples outils, ces environnements technologiques permettent à leurs utilisateurs d’être plus efficaces, efficients et performants que dans des situations non informatisées.

71Les résultats qui vont être présentés soulignent les apports de ces technologies dans divers types d’activité : la prise de décision, l’assistance aux conduites humaines, le management des individus et la gestion de l’entreprise.

III . 1. UNE PRISE DE DÉCISION OPTIMISÉE

72La revue de questions réalisée par Cledy (2000) sur l’utilisation des technologies dans le secteur bancaire montre combien le format des données présentées aux utilisateurs, via le prisme du multimédia, peut s’avérer critique pour procurer une information pertinente à la construction de la décision. En aidant à mieux présenter l’information, les technologies de l’information agissent sur la conduite de la prise de décision. Celle-ci s’avère généralement de meilleure qualité que celle réalisée sans l’aide de SIAD. Ces systèmes permettent aussi des recommandations auprès du client plus pertinentes, une plus grande exactitude des réponses aux questions du client et une meilleure qualité des jugements portés.

III . 2. DE NOUVEAUX CHAMPS D’ACTION ET D’INTERVENTION

73La fiabilité des systèmes informatiques, même si elle n’est pas totale, se révèle souvent meilleure, voire supérieure à celle des systèmes mécaniques et humains auxquels les TIC se substituent. Les technologies contribuent à rendre l’individu plus efficace en le déchargeant de certaines tâches complexes ou difficiles et en l’assistant pour des activités plus sensibles.

74Les dernières innovations en matière d’assistance médicale témoignent du souci constant d’optimiser l’acte chirurgical mais aussi d’améliorer le soin et l’accompagnement auprès des malades. Ainsi, dans la télémédecine, de nombreuses innovations sont en passe de transformer certaines professions de santé, ou en tout cas d’induire de « nouvelles pratiques médicales qui, peu ou prou, supplanteront les anciennes » (Spérandio, 2000, p. 24). Parmi ces nouveaux dispositifs (téléconsultation, téléexpertise, téléformation... ; Sperandio, 2000 ; Picard & Herniote, 2002), la téléchirurgie ouvre de nouveaux champs d’action : cette intervention chirurgicale à distance implique la manipulation de matériel chirurgical, soit via un robot, soit via un autre chirurgien moins expert. L’objectif est d’opérer à distance tout en conservant une très grande précision dans l’acte chirurgical (un robot ne tremble pas !). C’est ainsi qu’en septembre 2001 eut lieu la première opération chirurgicale à très grande distance. Un chirurgien français, localisé à New York, a pratiqué une « téléintervention » sur la vésicule biliaire de sa patiente qui se trouvait dans un bloc opératoire à Strasbourg. L’équipe de médecins et infirmiers qui entourait la patiente a introduit dans son abdomen trois canules : l’une renfermant une caméra miniature, et les deux autres des instruments chirurgicaux (pincettes et ciseaux), actionnés par des bras manipulateurs guidés par le chirurgien distant (Libération du jeudi 20 septembre 2001).

75Cette solution présente plusieurs avantages par rapport à l’intervention humaine classique : une plus grande rapidité dans l’intervention (ne pas déplacer le malade ou le spécialiste), une précision et une maîtrise meilleures de l’acte chirurgical, un traitement intégré des données médicales par le système permettant au chirurgien de se concentrer exclusivement sur l’acte opératoire, des systèmes de sécurité encadrant l’opération, la possibilité d’une collaboration à distance entre plusieurs spécialistes pour des opérations longues et délicates, la formation à distance des personnes...

76Sur un autre registre, les conditions de vie des personnes handicapées, en matière d’insertion, de désenclavement et de communication, ont été considérablement améliorées grâce aux technologies. Par exemple, des applications visent à favoriser l’accessibilité des déficients visuels à différents types d’environnements : techniques comme les supports électroniques (tel l’assistant de navigation » pour l’internaute développé par Uzan, Michel et Bastien, 2000) ou physiques comme l’espace urbain. Gaunet et Briffault (2002) d’ailleurs travaillent sur un système informatique portatif de guidage verbal qui fournit aux déficients visuels des indications et des descriptions de déplacement en temps réel par synthèse vocale. À terme, un non-voyant devrait être capable de découvrir seul de nouveaux territoires.

77D’autres applications (comme le système « Edith » de Brangier & Pino, 2000) cherchent à offrir à de grands handicapés moteurs (atteints de locked in syndrom, de tétraplégie, de sclérose latérale amyotrophique) des possibilités d’interaction inédites avec leur environnement. Sans un tel système électronique, les tâches réalisées par l’individu (écrire, communiquer, ressentir, commander, agir...) seraient impossibles.

III . 3. FAVORISER L’IMPLICATION ET LA PARTICIPATION DES SALARIÉS AUX PROCESSUS ORGANISATIONNELS

78S’il est vrai, comme nous l’avons indiqué dans la partie sur les excès des TIC, que la mise en réseau d’une entreprise menace les marges de manœuvre de l’individu et soulève des questions sur le plan de son contrôle ; il est vrai aussi que les compétences et l’implication du salarié dans le travail peuvent être renforcées par un environnement technique adapté.

79Ces questions paraissent d’autant plus importantes que des problématiques récentes forcent les entreprises à réfléchir sur de nouvelles approches pour former et/ou accompagner leur personnel dans leur activité et leur parcours professionnel. D’abord, l’évolution rapide des systèmes de travail exige une mise à jour constante des compétences des individus. L’employabilité, valeur professionnelle contemporaine, sollicite un renouvellement constant des savoirs et des savoir-faire du salarié. La transversalité et le travail collaboratif impliquent une nouvelle forme de « pluricompétence ». Enfin, le vieillissement des salariés [15] menace la sauvegarde et la transmission des connaissances vers les jeunes recrues. Pour toutes ces raisons, les opérateurs ont besoin d’acquérir et de renouveler régulièrement leurs connaissances ou, à défaut, d’être mieux soutenus dans leur travail par tout un arsenal d’assistants techniques performants. Ces derniers ont pour objectif de réduire les temps d’apprentissage et de supporter le travail en fournissant des moyens (procédures, démarches, outils...) pour maintenir les situations de travail à un haut niveau de performance, d’efficacité et de sécurité.

80Ces dispositifs, qui étaient surtout présents dans les tâches de supervision (salle de contrôle), de pilotage (avion, train...) ou encore de maintenance (pour l’aide au diagnostic technique) (Ribert & Brangier, 2000), tendent à se généraliser aux activité professionnelles plus classiques. C’est le cas du groupware qui cherche à améliorer le travail collaboratif. Ce collecticiel permet à des personnes associées dans un même contexte professionnel d’exercer un travail coopératif à distance, en mettant à leur disposition des méthodes, procédures et logiciels informatiques.

81Mais plus qu’un simple assistant fonctionnel et technique, cet outil est au cœur de profonds changements pour l’entreprise : le partage des connaissances, la transmission des savoirs et des informations et le décloisonnement des services et des individus. Il fournit un espace virtuel où des groupes de production, de réflexion transversaux peuvent interagir par un traitement et un partage efficace de l’information et de la connaissance (Duval & Jacot, 2000, p. 25). On parle alors d’entreprise « qualifiante » ou « apprenante ».

82Aussi, comme le remarque Sperandio (2000, p. 20), ces dispositifs ont le mérite d’avoir permis en quelques années « une diffusion ouverte de l’information sur le réseau [en donnant] un accès et une visibilité à des données et à des personnes qui, sans elles, n’auraient jamais été possibles ».

83Dans nos critiques, nous avions fait également état que l’usage d’assistants techniques pouvait réduire la part d’action directe que l’opérateur exerçait sur le processus dont il avait la charge. En effet, alors que la compétence de l’opérateur se construit au travers d’une pratique concrète du système, on risquait, en réduisant cette pratique, d’entraver l’acquisition d’expertise qui contribue pourtant à la sécurité et à un niveau d’efficacité (Grosjean, 1999).

84Pourtant, les récentes innovations en matière de formation professionnelle montrent que l’emploi des nouvelles technologies (avec la réalité virtuelle comme assistant à l’enseignement) participe au contraire à l’acquisition et au renforcement des savoir-faire : les opérateurs peuvent appréhender le geste avant de le pratiquer. Du plus, ils ont la capacité d’observer ce qui ne peut être vu dans la situation professionnelle effective (par exemple, le bain de fusion en soudure invisible à l’œil nu).

85Pour certaines activités, les enseignements en 3D se révèlent même moins chers, plus sûrs et plus efficaces que des méthodes traditionnelles. Surtout lorsque le métier implique la justesse du geste et la rapidité de l’exécution, ou que l’apprentissage doit se faire autour des erreurs et des tâtonnements. Le système FIACRE par exemple apprend aux conducteurs de TGV à changer les aiguillages dans un univers virtuel. Il vient en complément d’une formation traditionnelle qui s’avère coûteuse, laborieuse et risquée, car il faut bloquer une voie de TGV. On peut également citer le cas des technologies « haptiques » (technologies qui procurent des sensations par le toucher, et notamment par le retour de force) qui laissent les médecins s’entraîner à des exercices de réanimation sur des mannequins ou à des opérations sensibles.

86En faisant varier artificiellement les paramètres de la situation de travail, l’opérateur expérimente et perfectionne non seulement ses conduites professionnelles mais apprend aussi les limites de son métier.

III . 4. AMELIORER L’EFFICACITÉ AU TRAVAIL ET LA PERFORMANCE GÉNÉRALE DE L’ENTREPRISE

87Plus haut, nous avions relevé tout un ensemble de coûts possibles générés par les dysfonctionnements techniques (pannes, virus, courriels à traiter...). Or, bien utilisées, ces technologies donnent lieu à des gains de productivité importants pour l’entreprise.

88La mise en place de technologies (EDI [16], Worflow entre autres) est souvent l’occasion pour l’entreprise de repenser ses processus internes selon deux objectifs : d’une part, rationaliser, automatiser et si possible éliminer les fonctions répétitives et routinières dans le but de minimiser les coûts et de fiabiliser les fonctions ; d’autre part, contribuer à l’amélioration de la prise de décision stratégique (Duval & Jacot, 2000).

89L’enquête de l’ANACT (1999) auprès de plusieurs entreprises utilisatrices des systèmes EDI et Worflow indique que ces systèmes apportent une plus grande productivité de l’organisation administrative (saisie unique, diminution des dépenses de papier, de téléphone, de courrier, de télécopie, gain de place), qu’ils réduisent les délais dans la gestion de la trésorerie et des stocks (réactivité, suppression des pénalités de retard) et qu’ils diminuent les erreurs de ressaisie (qui peuvent s’avérer désastreuses pour la relation clientèle et coûteuses par les procédures correctives).

90De même, des enquêtes récentes commencent à chiffrer les gains obtenus avec les TIC dans les différentes fonctions de l’entreprise, comme la fonction ressource-humaine (e-RH) (Markess International [17], 2002). Les responsables RH interrogés signalent : une réduction des coûts liés à la recherche d’information (90 % des répondants), un allégement des coûts de gestion des demandes de congés (89 %), une diminution des coûts annexes (papier, distribution, déplacement, téléphone) à hauteur de 85 %, une simplification des cycles de recrutement (80 %), etc.

91En somme, pour peu qu’elles soient bien employées et acceptées par les salariés, ces technologies font émerger des sources de profit non négligeables pour l’entreprise. Seulement, se posera toujours le problème humain de la requalification et de la gestion prévisionnelle des personnels dont l’activité est prise en charge par ces dispositifs technologiques. En effet, que faire d’un agent administratif dont le travail de saisie des congés sera directement effectué par le salarié, via un Worklow ? L’organisation doit, dès lors, être capable de préparer ces mutations afin de proposer des parcours professionnels adaptés à chaque individu.

IV. LES TECHNOLOGIES : ENTRE RISQUES ET OPPORTUNITÉS ?

92Il est sans doute excessif de penser, comme ont pu l’affirmer certains auteurs, que la centralisation des données, l’automatisation du traitement et l’accélération des décisions suffisent à elles seules à accroître la performance de l’entreprise et l’efficacité de son capital humain. Adopter des technologies n’est pas un gage de performance. Elles y contribuent certainement en en déterminant certains effets.

93Stigmatiser les technologies est tout aussi abusif dans la mesure où, comme on l’a vu, elles peuvent améliorer l’efficacité et la performance de l’individu tout en favorisant son implication et son intégration dans des environnements variés. Ainsi, s’il est vrai que les charges sensorielles et mentales ont augmenté, il est vrai aussi que les charges physiques ont diminué. De même, si la mise en réseau de l’entreprise est, par certains aspects, contestable et dangereuse, il faut reconnaître aussi que les individus ont un accès ouvert à des sources et ressources variées de l’entreprise.

94Plus que les technologies elles-mêmes, ce sont surtout les conditions de leur développement, de leur implantation et de leur utilisation qui vont être responsables des effets plus ou moins bénéfiques sur l’organisation.

95Ces technologies ne sont en effet que de nouveaux tuyaux qui en remplacent d’autres : l’informatique classique et l’automatisation n’ont-elles pas déjà montré leur capacité à supplanter rapidement des services qui étaient assurés par d’autres voies traditionnelles ? Par ailleurs, l’accès (illimité et indifférencié) à l’information n’est synonyme ni de complétude, ni de maîtrise de cette information. C’est la manière dont elle est reliée, commentée, mise en scène, interprétée... en un mot contextualisée qui donne sens à l’information. Le contenant, si performant qu’il soit, n’assure pas la qualité du contenu. De même que ce contenant peut lui-même devenir une entrave au travail lorsqu’il se substitue à des processus qui, en temps normal, fonctionnaient déjà mal : ainsi, des gens qui ne voulaient pas communiquer entre eux ne le feront pas davantage sur le forum de discussion d’un intranet. De même que la formation assistée par ordinateur (E-learning) se révèle inefficace quand elle impose un intermédiaire technique (interface) peu ergonomique entre l’apprenant et la connaissance dispensée.

96On ne peut donc jeter l’anathème sur ces technologies. En dépit de certaines dérives observées dans leur utilisation et dans leur mise en œuvre, elles peuvent se révéler d’extraordinaires assistants qui vont non seulement optimiser l’activité humaine, mais offrir aussi de nouvelles opportunités à l’entreprise : réorganisation de l’entreprise, communication ouverte et simplifiée, simplification ou allégement du travail, développement des compétences et partage de l’information... À défaut d’être indispensable, l’apport d’une technologie peut être appréciable.

CONCLUSION

97Cet article proposait une réflexion sur les nouvelles modalités de travail médiatisé par les technologies de l’information et de la communication. Les transformations que connaissent aujourd’hui les organisations, sous l’effet de la médiatisation de nombreuses activités, initient de nouveaux usages, reconfigurent des pratiques préexistantes ou les transforment profondément.

98À partir des travaux de terrain, nous avons cherché à montrer comment et jusqu’à quels points ces mutations techniques pouvaient entrer en résonance avec différentes dimensions (collectives, cognitives et socio-organisationnelles) de l’activité professionnelle ; notamment, en jouant sur les marges de manœuvre des acteurs (par des systèmes prescriptifs, flexibles ou discrétionnaires) ; en requérant des modèles conceptuels et coopératifs inédits, en introduisant l’immatériel et le relationnel au cœur de l’activité et, enfin, en intensifiant, dans certains cas, la charge mentale des utilisateurs.

99Considéré souvent comme une voie ouverte pour trouver des réponses innovantes aux problèmes des entreprises (concurrence, internationalisation...), le processus de médiatisation engagé interroge inévitablement sur la place et le sens du travail dans l’organisation. Ce n’est donc pas la fin du travail qui est interpellée, mais son éclatement, l’accroissement de la diversité de ses formes, ses changements et ses représentations. De même, de nouvelles approches des rôles et des repères professionnels s’amorcent sous l’impulsion (mais pas uniquement) des TIC. Elles ont comme point commun de mettre l’être humain encore plus au centre de l’efficacité de l’entreprise qu’il ne l’a jamais été. Pour autant, toutes ces transformations ne sont pas automatiques. Il n’y a pas de déterminisme technologique : une nouvelle technologie n’impose pas en soi un seul type d’organisation ou de modèle du travail, mais en rend possible diverses formes. C’est bien l’usage et non pas les caractéristiques intrinsèques de la technologie qui va en déterminer les effets.

100Il convient donc de mettre en perspective les déterminants humains, socio-organisationnels et technologiques pour appréhender les changements en œuvre dans les activités professionnelles.

101Manuscrit reçu : février 2002.
Accepté par G. Karnas après révision : octobre 2002.

Notes

  • [1]
    TIC : Technologies d’information et de communication.
  • [2]
    Observatoire des NTIC (1998), L’état des nouvelles technologies de l’information en 1998. Paris, ADBS Éditions.
  • [3]
    ANACT (1999), NTIC : de quoi parle-t-on ?, Lyon, ANACT.
  • [4]
    ANACT (2000), L’introduction des NTIC dans les organisations, Guide thématique IRS, 1, Lyon, ANACT.
  • [5]
    Précisons que la mise en opposition de ces thèses et de ces auteurs est purement théorique. Les idées et les concepts que nous exposons ne peuvent refléter entièrement les approches que les chercheurs ont développées à des périodes différentes et sur des mutations technologiques ou organisationnelles, elles-mêmes spécifiques et complexes. Leur point de vue serait plus nuancé et sans doute moins catégorique que ce que suggère notre taxonomie. Il faut plutôt voir ces emprunts comme des inspirations ou des cadrages théoriques qui nous permettent de proposer une grille de lecture des possibles effets des technologies sur l’organisation du travail.
  • [6]
    TCAO : Travail collaboratif assisté par ordinateur.
  • [7]
    Le E-Management peut se définir par l’intégration dans l’ensemble des processus de management (finalisation, organisation, animation, contrôle des impacts et des opportunités) des TIC.
  • [8]
    ERP : Enterprise Ressource Planning (Progiciel intégré de gestion).
  • [9]
    Source : http :// www. harrisinteractive. com/
  • [10]
    Source : www. messagelabs. com/ viruseye/
  • [11]
    European Fondation for the improvment of living and working conditions (2001), European Surveys on Working Conditions : 1990, 1995 and 2000. Available : http :// www. eurofound. ie/ working/ surveys. htm.
  • [12]
    Un sondage (Ifop-février 1998) sur l’impact des NTIC sur l’organisation du temps individuel et collectif indique que 31 % des personnes interrogées citent la course au temps comme première cause du stress. Le stress apparaît largement alimenté par l’émergence des nouvelles technologies qui incitent au « toujours plus vite », pour 63 % des personnes interrogées. On assiste en quelque sorte à une explosion de la temporalité : il n’y a plus de priorité, mais une succession d’actions difficiles à hiérarchiser qui entraîne une dispersion mentale.
  • [13]
    Dans l’étude conduite du 5 janvier au 4 février 1998 par l’Institut Gallup réalisée en 1998 sur les 1 000 plus grandes entreprises de Grande-Bretagne, les salariés passaient ainsi près d’une heure par jour à gérer les messages électroniques (169 courriels environ). 28 % des personnes interrogées se sentent submergées, et ce sentiment augmente à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie (près de 35 % des cadres et dirigeants). Ainsi, avec la multiplication de ces outils de télécommunication, « la grande majorité des gens est confrontée à un phénomène de zapping, consistant à passer d’un sujet à un autre, d’un interlocuteur à un autre, d’un problème à un autre » (Ettighoffer & Blanc, 1998). De la sorte, le temps de travail devient très fragmenté, la réflexion plus difficile à mener, la concentration impossible à trouver et les risques de superficialité, un vrai danger (42 % étaient interrompus dans leur travail presque toutes les dix minutes).
  • [14]
    Selon les services de la Commission européenne chargés des téléactivités, la France ne comptait en 1999 que 1,8 % de sa population active pratiquant le télétravail (source : http :// www. teletravailonline. com/ jtd. php? reference= 18).
  • [15]
    Ce que les spécialistes décrivent sous le terme de papy-boom : dans le secteur bancaire par exemple, les 40-54 ans représentent 61 % des effectifs, les moins de 35 ans ne sont que 20 %. Selon les projections de l’APEC (association pour l’emploi des cadres), entre 40 000 et 60 000 cadres pourraient faire défaut chaque année jusqu’en 2010, tous secteurs confondus. (Source : Entreprise et carrières (septembre 2002) « Papy Boom : À qui profiteront les départs à la retraite », no 635, p. 14-21).
  • [16]
    L’éDI (Échange de données informatisées) est le transfert de données structurées par des moyens électroniques entre les ordinateurs des partenaires de cet échange, sur la base de « messages » normalisés, prédéfinis par les partenaires.
  • [17]
    Markess International (2002), E-RH : Solutions et valeur ajoutée pour les entreprises, Available : http :// www. markess. fr/
English

TECHNOLOGICAL ADVANCES AND MUTATIONS IN THE WORK ENVIRONMENT : EMERGENCE OF NEW MODELS OF ACTIVITY

The aim of this paper is to describe technological advances that appear in the working world and to consider new approaches to work. These new technologies, which are appearing both in the industry and the service sectors, raise questions associated with the emergence of new working skills and new cognitive models.
After describing the main technologies deployed, we will try to show how these mutations start to affect the company at a number of levels : they transform the sector of activity, force the organisation to evolve towards an open model and make it necessary to redefine the working practices and the existing organisational model.
Without venturing into the realm of technological determinism, it is possible to say that the introduction of these systems into a company can lead to a questioning of the cognitive and operational assets of its employees, bringing about a change in their professional and organisational characteristics. These developments can, if badly prepared or managed, damage the efficiency of the process of technological change. Indeed, the employees will be obliged to learn or relearn their working habits, as well as their professional ways of thinking, in order to fulfil the requirements of these new ways of working. At the same time, they will also have to demonstrate a real capacity to integrate themselves into the new organisational models which appear ; otherwise, they risk exclusion from them.
Ultimately, in the current economic and competitive context, these transfers require the players to adapt rapidly, not only in the way they think and manage their actvities, but also in the way they interact with their socioprofessional environment.
The rest of this paper will seek to better identify these developments and understand the various influences (positive or negative) which these TIC could have on the different dimensions of professional activity.

Mots cles

  • Industrial Psychology
  • New Technology of Working
  • Change Management
Français

RÉSUMÉ

Cet article fait le point sur un certain nombre d’innovations techniques qui touchent le monde professionnel et insiste sur les nouvelles façons d’envisager le travail. Présentes à la fois dans l’industrie et le tertiaire, ces technologies posent des problèmes nouveaux liés à l’émergence de nouvelles pratiques professionnelles et au développement de conduites de travail originales. Nous tenterons de montrer comment ces mutations techniques peuvent entrer en résonance avec les différentes dimensions de l’activité du salarié ; en modifiant ses marges de manœuvre dans le travail et en requérant des modèles conceptuels, relationnels et organisationnels au travail d’un autre type.

Mots cles

  • Psychologie du travail
  • Technologies de l’information
  • Conduite du changement
  1. I. LA NATURE DES CHANGEMENTS TECHNOLOGIQUES DANS LE TRAVAIL
  2. II. LA NATURE DES MUTATIONS DANS LE TRAVAIL
    1. II . 1. DE NOUVELLES MODALITÉS DE STRUCTURATION DE L’ACTIVITÉ ?
      1. II . 1 . A. Les nouvelles technologies de travail : un retour à la prescription ?
      2. II . 1 . B. Le recours à un aménagement concerté de la tâche : la discrétion retrouvée ?
      3. II . 1 . C. Une réappropriation nécessaire et complète de la tâche : dominer les automatismes ?
    2. II . 2. DE NOUVELLES FORMES DE GESTION DU TRAVAIL ?
      1. II . 2 . A. De nouveaux principes de coopération avec de nouvelles responsabilités pour l’individu
      2. II . 2 . B. De nouvelles modalités de contrôle et de régulation de l’activité
        1. Une redéfinition des règles d’exercice du pouvoir...
        2. De nouvelles modalités de contrôle sur l’activité...
        3. Moins d’autonomie et plus d’interdépendance...
        4. En définitive : L’acteur dans le réseau ; entre dépendance et interdépendance
    3. II . 3. DE NOUVEAUX REPÈRES DE TRAVAIL ?
      1. II . 3 . A. L’objet de travail se dématérialise...
      2. II . 3 . B. Le rapport à l’objet de travail se transforme...
      3. II . 3 . C. Un travail plus vulnérable, plus fragile ?
      4. II . 3 . D. Une dégradation des conditions de travail et une augmentation de la charge de travail ?
    4. II . 4. DE NOUVELLES FORMES D’ORGANISATION DE L’ENTREPRISE
      1. II . 4 . A. Vers une entreprise éclatée
      2. II . 4 . B. Vers la délocalisation du salarié : le télétravail
  3. III. LES APPPORTS DES TECHNOLOGIES DANS LE TRAVAIL
    1. III . 1. UNE PRISE DE DÉCISION OPTIMISÉE
    2. III . 2. DE NOUVEAUX CHAMPS D’ACTION ET D’INTERVENTION
    3. III . 3. FAVORISER L’IMPLICATION ET LA PARTICIPATION DES SALARIÉS AUX PROCESSUS ORGANISATIONNELS
    4. III . 4. AMELIORER L’EFFICACITÉ AU TRAVAIL ET LA PERFORMANCE GÉNÉRALE DE L’ENTREPRISE
  4. IV. LES TECHNOLOGIES : ENTRE RISQUES ET OPPORTUNITÉS ?
  5. CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

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M. E. Bobillier Chaumon
Laboratoire ICTT, École centrale de Lyon, 36, avenue Guy de Collongue, BP 163, 69131 Ecully Cedex. E-mail : marc-eric.bobillier-chaumon@ ictt. ec-lyon. fr.
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