Pour Freud, le complexe d’Œdipe se joue au stade phallique où les enfants n’accordent d’importance qu’à ce qui dépasse, à savoir le pénis du garçon, et celui du père en xxl. Le télescopage entre la vision de la différence des sexes et la rivalité avec le père amène l’enfant à confondre pénis et phallus, pour fantasmer une castration. Malgré le précieux éclairage que cette théorie apporte sur les perversions, j’y ai toujours adhéré avec réserve, surtout dans ses développements sur la fille. Son caractère systématique me dérange, surtout à une époque qui n’est plus celle de Freud. Les dernières décennies ont montré que les complexes d’Œdipe et de castration avec le père comme opérateur symbolique n’étaient pas les invariants rêvés par le structuralisme en psychanalyse. L’échange exogamique des femmes entre père et mari décrit par Lévi-Strauss, cet invariant anthropologique multimillénaire, a du plomb dans l’aile : la transmission du matronyme devient possible, la dot a disparu et les femmes financièrement autonomes choisissent leurs partenaires des deux sexes, sans mariage ni enfant obligé. Forts de ces constats, des chefs de courants comme Jean Allouch et Charles Melman ont proposé d’abandonner l’Œdipe, voire la psychanalyse, l’un s’orientant vers Foucault, le sm et le queer, l’autre prédisant, voire percevant la fin d’un inconscient déchiffrable. Plutôt que de renverser la table, voyons si un toilettage de la théorie psychanalytique suffirait à la prise en compte de la crise d’une masculinité étayée sur les valeurs patriarcale…