Le psychodrame propose un espace de création potentiellement jubilatoire, le plaisir de jouer ensemble, dans un temps retrouvé d’accordage possible. Monde mobile et magique de trouvailles et de retrouvailles, il remanie le traumatique dans une modalité qui s’apparente au processus onirique. Le trauma est ici celui qui résulte de l’effraction quantitative du pare-excitation chez le nourrisson, en état de détresse et de dépendance vitale. Les traumatismes peuvent être cumulatifs, à la suite d’intrusions ou de défaillances maternelles répétées. La discordance et la discontinuité excessives de l’entourage empêchent que se constitue un pare-excitation fiable, entravent l’intrication pulsionnelle, l’intériorisation de liens suffisants qui structure le moi en relation avec un objet, la possibilité de jouer et de symboliser. L’aire d’illusion nécessaire semble trouée, saccagée, et l’objet, perdu avant même d’avoir pu être trouvé-créé. L’expérience traumatique laisse des traces mnésiques non liées psychiquement. Ces parties clivées par mesure de protection restent en attente de représentation, comme des « pensées déjà là » (Bion) mais sans appareil psychique pour les penser, ou comme un « non-advenu de soi » qui reste à l’état potentiel dans la psyché, non inscrit dans la symbolisation ni dans le moi-sujet. Le patient fait alors éprouver au psychanalyste, ou fait voir ce qu’il n’a pas pu intégrer en lui de lui-même. C’est bien le projet du psychodrame de confronter le patient aux figurations juxtaposées ou successives d’éléments psychiques épars, que le jeu met en lien…