CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1.  Introduction

1En 1978, le regretté Jean Marc Gastellu, socio-économiste de l’ORSTOM (devenu IRD), publie un article qui va faire date : Mais où sont donc ces unités économiques que nos amis cherchent tant en Afrique ? Ce travail est le fruit de réflexions entreprises dans le cadre d’AMIRA (Groupe de recherche pour l’amélioration des techniques d’investigation en milieux informels et ruraux d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine). Fédérant des économistes, géographes, sociologues et statisticiens de l’INSEE, de l’ORSTOM et du ministère de la Coopération, ce groupe de recherche informel et pluridisciplinaire s’est créé en 1975 pour dépasser l’approche monographique et tenter de généraliser à l’échelle du pays les observations effectuées à l’échelle du village. Il s’agissait de faciliter la compréhension des phénomènes économiques et sociaux en vue de leur mesure - « réfléchir pour mesurer » - (Dubois, 1989) - puis de l’action : « comprendre pour agir » (Charmes, 2006). Les travaux se sont structurés selon quatre grandes questions : quelles informations, pour quelles utilisations et quels objectifs ? Comment recueillir l’information ? Comment traiter et analyser l’information ? Comment utiliser l’information pour la décision ? (Winter, 1979). Aujourd’hui, qui s’intéresse encore à ces écrits, quand il est recommandé aux auteurs désirant publier dans les revues internationales à bon facteur d’impact de ne citer dans la bibliographie que les références inférieures à trois ans ? Pourtant cette « littérature grise » publiée par AMIRA s’avère intemporelle et constitue une source de réflexion féconde pour qui s’intéresse aux îles.

2Les études insulaires, telles que les pratiquent les membres de l’ISISA (International Small Islands Studies), dont la revue Islands Studies Journal est l’expression scientifique (Baldacchino, 2006), sont en effet encore largement des travaux de nature monographique. Pourtant, le besoin de dépasser cette dimension s’est clairement fait sentir à la fin des années 1980 quand J. Bonnemaison a créé au sein de l’Orstom (ancien nom de l’IRD) une unité de recherche nommée « îles et systèmes d’îles » et que C. Depraétere et G. Mac Call lançaient le concept de nissologie. Trente ans après cette aventure, il semble que le concept de système Île (terme que je préfère à système d’îles ou système insulaire) est perçu par la majorité des géographes français comme étant totalement obsolète et à ranger aux poubelles de l’histoire, voire que les îles ne sont plus un objet légitime de recherche mais simplement un cadre géographique dans lequel peuvent être conduites des recherches thématiques portant sur le littoral, le rural, l’environnement, le tourisme. Ce point de vue est très bien synthétisé dans la conclusion de la première partie du mémoire d’HDR de F. Taglioni (2003) intitulée : l’île est-elle un objet géographique spécifique ? Étude conceptuelle et critique. À la question finale qu’en est-il des spécificités insulaires ? La réponse est claire : « L'île n’est donc pas un objet géographique spécifique, mais les phénomènes géographiques, économiques, politiques et sociaux qui s’y déroulent sont souvent amplifiés par l'insularité, l'îléité et l'insularisme ; c'est peut-être là sa plus grande spécificité » (Taglioni, 2003, p. 114).

3Revenant sur cette question en 2006, F. Taglioni précise que : « l’approfondissement de la notion d’insularité permet de remettre certains déterminismes à leur place. Car, si les effets de l’insularité sur le peuplement animal et végétal sont admis depuis longtemps, il en va tout autrement quand on essaie de trouver à l’insularité des influences valides sur les sociétés insulaires » (Taglioni, 2006, p. 664).

4J’ai partagé de nombreuses années ce point de vue « orthodoxe ». Géographe de la mer de formation, j’ai étudié au début de ma carrière la place de la pêche dans la sécurité alimentaire de Vanuatu, archipel océanien. Très vite, il est apparu que dans ce contexte insulaire, les pêcheurs étaient tous pluri-actifs. La pêche devait donc être étudiée comme une composante économique, sociale et culturelle du système Littoral et non comme un système fermé ou un secteur d’activité spécifique. Mais, même cette perspective s’est avérée limitée. Compte tenu de l’intensité des relations physiques, biologiques, économiques et socio-culturelles avec l’intérieur des terres, le système Littoral devait être analysé dans sa globalité, en tant que sous-système d’un système plus vaste : le système Ile. C’est ainsi que de géographe des pêches, je suis devenu géographe des îles. Rentrant en France en 1997 après un long séjour océanien, j’ai rejoint à Montpellier le RITME (Réseau Interinsulaire Tropical et MEditerranéen), réseau informel sur les îles que le CIRAD venait de structurer pour répondre à une question qui en 1997 semblait pertinente : pourquoi le taux d’échec des projets de développement pilotés ou étudiés par le CIRAD semble-t-il plus important dans les îles que sur les continents ? Le RITME n’a fonctionné que deux ans mais la question initiale ayant motivée sa création demeure. S’il existe une spécificité insulaire en matière de développement, celle–ci ne peut uniquement relever des effets de l’insularité sur le peuplement animal et végétal, que les biologistes Mc Arthur et Wilson (1967) ont conceptualisé. Il existerait donc une influence de l’insularité sur les sociétés et économies insulaires.

5Ce point de vue est en complète opposition avec celui défendu par la quasi-totalité des géographes considérés par leurs pairs comme spécialistes des îles qui le jugent trop teinté de déterminisme géographique. C’est la raison pour laquelle, je l’ai qualifié d’hérétique, car s’il existe bien un terme honni par les géographes français c’est bien celui de déterminisme, tant le positivisme de Vidal de la Blache a irrigué la discipline. Cet article a donc pour ambition de faire un petit voyage autour de l’île en tant qu’hérésie géographique. Le propos s’articulera en trois points.

6Dans un premier temps, je reviendrai sur ce que disent des îles les géographes français, les fondements des principaux discours seront analysés. Constat étant fait que l’approche monographique et l’éloge de la diversité insulaire ne peuvent aboutir qu’à « des culs-de-sac » conceptuels, l’accent sera mis dans un second temps sur la quête des invariants permettant de caractériser un système insulaire océanien pour dans un troisième temps aborder le futur des îles océaniennes face aux changements globaux.

2.  Le géographe face à l’île

7Pour le navire qui cherche un havre pour accoster, aborder une île est souvent un exercice périlleux. Il faut naviguer de longues heures avant d’entrevoir la passe entre les brisants et la crique attenante. Aussi pour le marin originaire du continent, toute île est avant tout un long linéaire côtier, souvent hostile. Elle se laisse entrevoir mais ses réalités intérieures demeurent cachées. C’est donc par l’imagination, par le rêve qu’on aborde l’île, puisque les yeux sont impuissants, réduits à ne contempler que la lisière du monde : l’interface terre-océan. Serait-ce d’ailleurs cette nécessité du rêve pour appréhender les choses insulaires qui attire tant les continentaux ? F. Péron (1993) parle ainsi de « besoin d’île » et en 2008 la Société de géographie de Paris a intitulé « îles, ces étranges objets de désir » le premier numéro en kiosque d’une version renouvelée de sa revue La géographie terre des hommes.

8Bien qu’ils déclinent aisément aujourd’hui les îles sous l’angle du rêve ou de l’imagination, les géographes ont toujours essayé d’aborder les îles de manière objective, forts de leur savoir, de leurs outils et de leurs méthodes. Pourtant la tâche est rude et se heurte à trois problèmes,

9Le premier d’entre eux tient à la difficulté de définir l’île. Dans l’introduction de sa thèse sur la Nouvelle-Calédonie, A. Bernard (1894, cité par Germanaz 2005, p. 29) esquive d’emblée cette question : « Qu'est-ce qu'une île ? C'est là une question qui ne mérite pas une longue étude. [...] Les développements sur ce sujet ne peuvent mener qu'à des discussions purement formelles et scolastiques ». C’est également le point de vue d’Aubert de La Rüe (1935) qui, dans son ouvrage fondateur L’homme et les îles, préfère dresser une typologie des îles en espérant qu’elle éclaire la réalité insulaire.

10Le second problème tient à la diversité des méthodes mises en œuvre pour aborder les îles. Il n’existe aucun standard en ce domaine. Chaque chercheur rencontre l’île selon son propre vécu, que l’entrée soit le paysage et la diversité biologique (Brigand, 1995, 2002) ; la culture, la société et l’histoire (Péron, 1985, 1993, 2012 ; Bonnemaison, 1987), à moins qu’il ne s’agisse des relations homme-milieu que certains ont décliné à l ‘aune de l’écologie culturelle (Clarke, 1971 ; Waddell, 1972), des rapports population-occupation du sol (Ward, 1965), ou d’une approche plus globale qui relève de la synthèse régionale (Doumenge, 1966, Brookfield et Hart, 1971, Pelletier, 1992) ou se structure autour du thème de la viabilité (Doumenge, 1983). La généralisation de la télédétection satellitaire a permis des progrès spectaculaires dans la connaissance des paysages et de la dynamique de l’occupation du sol des îles. Aujourd’hui tout utilisateur du logiciel Google Earth peut observer de son ordinateur les atolls et îles hautes d’Océanie. Il s’agit là d’une formidable avancée dans la collecte de l’information géographique.

11Mais comme le souligne J. Blache (1948, p. 5) dans son article consacré aux particularités géographique des îles « Y a-t-il une géographie des îles qui soit autre chose qu’une énumération, un classement commode ? ». Déjà douze ans auparavant, il critiquait le caractère trop monographique de l’ouvrage d’A de La Rüe [1], à propos duquel J.-L. Tissier (1984, p. 5) parle de « vertige monographique ». Voilà bien le troisième problème auquel les géographes ont été confrontés, au-delà de la difficulté de définir l’île. La multitude des îles et archipels de la planète et leur hétérogénéité, tant en ce qui concerne leurs morphologies et paysages que la culture et l’organisation sociale des hommes qui les peuplent, conduisent à mettre en avant la diversité, intra-insulaire et inter-insulaire, à valoriser les particularismes et les différences et à se défier de toute généralisation, jugée erronée car ne rendant pas compte de cette diversité, notamment en Océanie insulaire. Renforcée par le morcellement géographique de la région et l’extrême morcellement culturel de la Mélanésie, cette défiance s’appuie sur le raisonnement suivant :

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  • a) La connaissance du tout exige de connaître la totalité des parties.
  • b) Toute île ou toute culture est unique.
  • c) Il est donc illusoire d’espérer connaître suffisamment dans le détail les îles et leurs cultures pour en tirer, après une approche comparative, des caractères généraux valables à l’échelle régionale.

13La monographie est alors privilégiée comme principal mode d’appréhension du monde insulaire. Comme le souligne G. Laserre (1987, p. 5) en introduction au colloque « Îles, insularité, insularisme » : « la géographie des îles se laisse mal réduire à des lois générales. L’étude des îles conduit à tenir compte de la spécificité de chaque territoire insulaire : situation, relief, végétation, histoire, peuplement, économie. Que l’on s’adonne à cet exercice, et l’on s’apercevra que les lois générales s’évanouissent, que toute généralisation est dangereuse. Affirmer une idée générale, c’est immédiatement voir surgir des dizaines d’exemples qui s’inscrivent en faux contre cette affirmation. Tout y est imprévisible, comme le rebond d’un ballon de rugby. La réflexion géographique la mieux étayée est comme prise à contre-pied par le fait insulaire ». Cet éloge de la diversité insulaire est souvent exacerbé par l’impression d’isolement que confère à toute île la mer, perçue comme une discontinuité majeure, empêchant les contacts inter-insulaires. Ce point de vue, fondé sur l’observation des paysages, des genres de vie insulaire ou des statistiques, conduit généralement à nier l’île comme une réalité géographique structurante, capable de générer des mentalités et des comportements spécifiques. C’est tout au plus un élément du paysage terrestre, mais en aucun cas elle ne peut être considérée comme un objet géographique à part entière. « La spécificité insulaire n’existe pas, sauf pour ceux qui y croient » affirme de manière abrupte R. Knafou (1996). Bien que plus nuancé dans son expression, le propos de D. Benjamin et d’ H. Godard (1999) est analogue : « l’île ne semble pas un objet d’étude en soi, nécessitant la mise en œuvre de problématiques particulières et de concepts spécifiques pour expliquer les dynamiques sociales, spatiales et économique ».

14Dans le cas spécifique des géographes français confrontés à l’étude des relations nature/culture, cette défiance est renforcée par la crainte de sombrer dans un déterminisme géographique « de mauvais aloi » qui établit une causalité directe entre les facteurs de l’environnement et les activités humaines. Par extension, toute démarche nomothétique s’avère suspecte car dans sa recherche de lois géographiques, elle s’appuie obligatoirement sur deux postulats de type déterminisme : « a) tout fait géographique est explicable par des causes (on dit parfois : par des conditions [2]) ; b) lorsque les causes sont réunies, le fait se produit » (Bailly et Béguin, 1982, p. 42). Cette dérive conceptuelle, se défiant de tout déterminisme, a conduit nombre de géographes, dont la plupart des géographes tropicalistes, à ne pratiquer qu’une démarche idiocratique [3], souscrivant ainsi aux propos de P. Georges cités par F. Durand-Dastès, 1985, p. 105) selon lesquels : « Le principe fondamental de toute recherche géographique, comme de toute recherche historique, est que chaque situation, localisée dans l’espace et dans le temps, est unique en son genre. »

15Si les géographes ont une approche plurielle de l’île, tous s’accordent cependant sur un fait : probablement plus que dans tout autre lieu, le « terrain » est indispensable et nourrit la réflexion. Pour rencontrer les îles, il faut d’abord rencontrer une île, ce qui signifie y vivre suffisamment longtemps pour que le territoire devienne intelligible au géographe et qu’une connivence se crée peu à peu avec la société et la culture insulaires. Mais cette rencontre avec l’île laisse un goût d’inachevé. Comment monter en généralité et aller au-delà de l’approche monographique. Cette question je me la suis posée de maintes fois de 1983 à 1997 lorsque j’avais pour terrain de recherche Vanuatu et la Nouvelle-Calédonie.

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  • Quelle est la portée des informations acquises sur ces deux archipels ? Sont-elles suffisantes pour espérer avancer dans la connaissance des îles de l’Océanie insulaire [4] ? Ce qui suppose que ces deux archipels aient suffisamment de points communs avec les autres entités insulaires de l’Océanie pour que ces connaissances soient considérées comme représentatives.
  • Ou faut-il adopter un point de vue beaucoup plus pessimiste et considérer que chaque île et archipel est spécifique ? Il faudrait alors multiplier les études de cas pour espérer comprendre les îles ? Un tel point de vue revient à supposer que cette compréhension globale du fait insulaire résulte de l’addition des savoirs accumulés sur chaque île et archipel. L’Océanie insulaire compte 26 entités territoriales : les 22 membres de la Communauté Pacifique, auxquels s’ajoutent l’Irian Jaya, sous tutelle indonésienne ; Hawaï, dernier des 50 États d’Amérique à avoir rejoint l’Union (1959) ; l’île de Pâques (Rapa Nui) administrée par le Chili, Norfolk, île sous la dépendance de l’Australie. Cet ensemble de compose de plusieurs milliers d’îles. Réunir des informations sur chacune d’elles est possible mais requiert une équipe nombreuse, motivée et… du temps. En attendant qu’une telle base de connaissances soit disponible, combien de ces îles faut-il visiter pour espérer approcher les réalités insulaires : cent ? mille ? Une dans chacune des 26 entités politiques de la région ? Mais laquelle ? Celle qui abrite la capitale ? Une île tirée au hasard ? Pour éviter les biais d’un échantillon trop restreint, il est souhaitable d’aller au-delà d’une île par archipel. Mais dans le souci de ne pas gommer la diversité insulaire, ne risque-t-on pas, de fait, de s’épuiser dans une quête sans fin d’accumulation des connaissances ? Sans compter la difficulté d’intégrer cette information en un ensemble cohérent. La connaissance des îles de l’Océanie ne serait-elle alors qu’une vaine quête condamnée à être perpétuellement inachevée ? L’expérience montre que toute intégration de connaissances doit être conçue en amont de la collecte des données, sinon celle-ci risque de n‘être que peu productive. Mais qui dit intégration de l’information, dit sélection des données, au moins sur un critère minimal de compatibilité entre elles, ce qui suppose d’avoir établi au préalable une sorte de modèle intellectuel de l’île. En définitive, l’approche strictement intuitive de collecte exhaustive de l’information dans un nombre exhaustif d’îles n’est guère opérationnelle. Plus qu’une quête inachevée, c’est un cul-de-sac intellectuel.

17La quête des réalités insulaires demeure donc d’actualité mais la route est encore longue avant d’en préciser le contenu. Pourtant, quelques avancées substantielles sont à noter depuis une vingtaine années.

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  • La première d’entre elle porte sur la notion de perception des distances géographiques. Pour la sociologue A. Meistersheim (2001), la ligne droite exacerbe la taille réduite de l’île, c’est la raison pour laquelle dans un souci d’agrandir leur espace, les insulaires multiplient les chemins, y compris sociaux, et privilégient les itinéraires complexes pour rejoindre deux points proches « à vol d’oiseau », constat que J. Bonnemaison (1986 et 1987) avait également fait pour Vanuatu quelques années auparavant.
  • La seconde avancée émane d’une économiste spécialiste des PME et du développement régional, enseignante à l’Université de Corte, qui s’est permise d’appliquer aux petites économies insulaires la théorie des biogéographes R.H Mac Arthur et E.O. Wilson (1967) sur la biodiversité insulaire (Levratto, 2001) en s’appuyant sur une comparaison de deux économies de taille comparable, le Limousin et la Corse. La démonstration est lumineuse et prouve que dans le domaine de l’économie, il existe bien une spécificité insulaire. À ce titre, il convient de noter que comparer les îles et le continent est une proposition qu’avait formulée J. Blache dès 1936. Il concluait sa critique de l’ouvrage L’Homme et les îles en soulignant que « Les îles paraissent, à côté des continents lents à émouvoir, des organismes à sang chaud, plus vivants, susceptibles de briller rapidement d'un éclat extraordinaire, mais plus fragiles. Plantées en avant-garde, souvent disputées, théâtre d'expériences économiques précoces qui les absorbent toutes entières, elles peuvent faire figure de laboratoires du progrès ».
  • La troisième avancée porte sur l’application du concept de système à l’île. En effet, tout système se caractérise par une inégalité première : l’ensemble des parties qui le compose n’est pas égal à la somme des parties. L’île en tant que système n’est donc pas la somme de toutes les îles d’Océanie mais un modèle d’île, composé de l’ensemble des traits communs à toutes les îles, même s’ils s’y expriment avec des intensités différentes, auxquels s’ajoutent des paramètres remarquables, voire emblématiques qui, bien qu’ils ne soient pas partagés par toutes les îles, sont considérés comme représentatifs de l’Océanie insulaire.
  • La quatrième avancée prolonge cette dernière. Comparé à un système continental, tout système insulaire présente un nombre beaucoup plus réduit d’éléments. En revanche, à nombre d’éléments égal, le nombre de relations inter-éléments est nettement supérieur dans une île. Ce constat ramène à la réflexion de F. Perron (1993) selon laquelle… « la spécificité insulaire ne réside pas dans un ou plusieurs caractères qui seraient absolument propres aux îles, mais dans les interactions multiples de données hétérogènes ». Les humains sont bien entendu concernés au premier chef. Ainsi dans son ouvrage Figures de l’île, A. Meistersheim (2001) montre que dans toute île, chaque individu joue dans la société un nombre de rôles nettement supérieurs à celui qu’il serait conduit à assumer dans un espace continental de dimensions analogues.

19En tant que géographe, on peut s’étonner, voire s’attrister, que ces avancées majeures relèvent d’autres disciplines que la nôtre, d’autant que l’anthropologie et l’économie françaises se sont toujours moins intéressées aux îles que la géographie. J’avancerai comme explication que l’analyse de l’espace insulaire s’avère moins féconde que celle des logiques d’acteurs. La première a donc un impératif besoin de la seconde pour dépasser les inventaires de variables comparatives, qui ne débouchent que sur l’éloge de la diversité insulaire, et pour progresser vers la recherche d’invariants puis vers l’élaboration de modèles de logiques d’acteurs modelant l’espace. Dans cette perspective, la conclusion de la première partie de l’HDR de F. Taglioni (2003, p. 108) semble riche de recherches futures : « les phénomènes géographiques, économiques, politiques et sociaux qui s’y déroulent sont souvent amplifiés par l’insularité, l’îléité et l’insularisme ; c’est peut-être là sa plus grande spécificité ». Les raisons et les mécanismes de cette amplification constituent indubitablement une question qui devrait mobiliser les géographes travaillant sur le fait insulaire.

3.  À la recherche du système insulaire : la quête des invariants

3.1.  Questions autour de l’invariance

20Partir à la recherche du système Île revient à s’enquérir des caractères communs à toutes les îles, au-delà de leur diversité géographique. La tâche frise l’impossible si on ne restreint pas les champs géographies et thématiques.

21La solution a consisté à délaisser les espaces, à la trop grande diversité, pour ne considérer que les logiques d’acteurs. Ce travail s’est appuyé sur deux jeux de données : d’une part les observations de terrain réalisées dans le cadre de recherches successives sur l’exploitation des ressources naturelles, les risques naturels et le développement en Nouvelle-Calédonie et Vanuatu ; d’autre part, la compilation de la bibliographie portant sur les risques naturels en Océanie, notamment les cyclones, sur l’agriculture et l’exploitation des ressources naturelles insulaires, dont la pêche, et leur développement. L’accent a été mis sur l’identification des traits communs dans le comportement des communautés villageoises mélanésiennes vis-à-vis des rapports « milieu naturel-société » et du changement. En langage systémique, ces traits communs peuvent être qualifiés « d’invariants », terme qui correspond à des « principes généraux, structuraux ou fonctionnels pouvant s’appliquer aussi bien à un système qu’à un autre » (de Rosnay, 1975, p. 84). L’invariance exige la stabilité des formes et de l’organisation des composants (éléments et relations) du système Insulaire. Une telle stabilité est rarement un état statique, elle résulte plutôt d’un équilibre dynamique, appelé « état stationnaire » ou d’un processus plus complexe : l’homéostasie, correspondant à l’ensemble des processus internes au système qui concourent à maintenir son état stationnaire en dépit des perturbations extérieures. Assimiler à une invariance la manière selon laquelle les populations mélanésiennes de Nouvelle-Calédonie et de Vanuatu appréhendent les rapports « milieu-société » et le changement revient donc à postuler d’une part qu’il existe un système social ou culturel commun à ces deux populations ; et d’autre part, que ce système dispose de régulations homéostasiques concernant les rapports « milieu-société » et le changement.

22Ces régulations relèvent de ce que les océaniens nomment « la coutume » qui peut être définie comme « une production de règles non écrites, visant à assurer non seulement au quotidien la cohésion et la solidarité de la collectivité, mais également à lui assurer du sens et une légitimation » (de Deckker et Kuntz, 1998, p. 88). L’attachement à la terre et la relation aux ancêtres sont les deux piliers sur lesquels se fonde la coutume. Ils sont mentionnés dans nombre de constitutions des petits pays insulaires de l’Océanie, qui toutes font une référence appuyée à la coutume qui, à ce titre, peut être considérée comme le premier des invariants caractérisant les sociétés océaniennes.

23Selon la perspective fonctionnaliste de ces deux auteurs que je partage [5], la coutume a pour fonction principale de gérer les changements, que ceux-ci soient des processus internes à la société ou des processus externes, tels la mondialisation, qui lui seraient imposés par l’environnement du système. Comme le soulignent P. de Deckker et L. Kuntz (1998, p. 40) : « Le corps social de ces sociétés profondément cohésives fonctionne à l’instar du corps humain qui développe ses propres modes de compensation ou de réaction biologique à toute agression, sans que ceux-ci ne transparaissent nécessairement. Tel le système immunitaire chez les humains, le bloc constitué des systèmes et règles internes aux communautés océaniennes assure un rôle de filtre ». La coutume n’est donc ni hostile, ni perméable au changement, « Elle ne fait que ralentir ou accélérer les données allogènes nouvelles, selon une grille d’interprétation qui lui est propre, mais toujours avec la volonté de les assimiler, de les phagocyter pour mieux les faire siennes ». (Deckker et Kuntz, 1998, p. 104).

24Partout en Océanie, l’insularité accroît la vulnérabilité du système insulaire et donc aggrave les effets négatifs de tout aléa. Dans ce contexte, tout changement peut être considéré comme un risque potentiel qu’il convient donc de gérer pour en minimiser les conséquences négatives. Cette gestion coutumière du risque constitue un autre invariant majeur des sociétés océaniennes.

3.2.  La gestion du risque comme processus culturel relevant de l’invariance

25Dans la zone comprise entre les tropiques et les 5 ° de latitude, les cyclones sont sans conteste l’aléa naturel qui affecte le plus sévèrement les sociétés humaines, par la destruction des productions agricoles, par des accidents corporels pouvant entraîner la mort, par des dommages aux bâtiments. En Océanie, l’habitat pré-colonial était composé de matériel végétal poussant en abondance à proximité des villages (Boulay, 1990 ; Orliac 2000), il pouvait donc être facilement reconstruit, d’autant que les techniques architecturales étaient connues de tous. La famine occasionnée par les dégâts aux cultures constituait donc le principal risque associé à l’aléa climatique, qu’il s’agisse des cyclones comme des sécheresses occasionnelles (cf. Figure 1). Ce risque survenait dans un contexte de grande vulnérabilité des populations insulaires soumises à cinq puissantes contraintes :

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  • a) la forte variabilité spatiale et temporelle de l’environnement géologique (séismes, volcans, tsunamis) et de l’environnement climatique, induite notamment par le phénomène El Nino et par la diversité des formes du relief des îles hautes ;
  • b) la faible abondance intraspécifique des milieux terrestres et marins (peu d’individus au kilomètre carré pour chaque espèce animale ou végétale) ;
  • c) leur grande diversité interspécifique (nombre d’espèces au kilomètre carré), ces deux derniers facteurs (b et c) se conjuguant pour compliquer la recherche d’espèces cibles pour les chasseurs et les pêcheurs ;
  • d) les faibles densités de population ;
  • e) le bagage technologique limité des sociétés insulaires.

27Les trois premières contraintes relèvent de l’écosystème, les deux autres du socio-système. Toutes accroissent la vulnérabilité des populations insulaires vis-à-vis de l’aléa climatique comme de tout autre aléa générateur potentiel de famine. Afin de réduire ces risques, les Océaniens ont développé des logiques adaptatives qui, indépendamment des différences de cultures et de contextes écologiques entre les îles, traduisent une homogénéité dans la manière qu’ils ont d’appréhender et de concevoir leur milieu géographique et de le mettre en valeur pour en minimiser la vulnérabilité (cf. Figure 1). Ces logiques d’acteurs s’expriment par des savoirs naturalistes, des stratégies, des techniques et des construits géographiques, notamment des aménagements horticoles. Elles peuvent être considérées comme des réponses culturelles au risque climatique menaçant la survie des individus et la reproduction de la société. Selon une perspective systémique, ces logiques adaptatives forment un sous-système culturel spécifique dont l’unique finalité est de minimiser les effets négatifs des risques sur les populations insulaires afin que les communautés insulaires puissent préserver leur viabilité [6] et assurer le développement de leur culture dans toute sa diversité. Il sera qualifié ici de système culturel réduit.

Figure 1

Place de la gestion des risques dans les sociétés précoloniales de l’Océanie insulaire

figure im1

Place de la gestion des risques dans les sociétés précoloniales de l’Océanie insulaire

28Dans les sociétés pré-coloniales, ce système culturel réduit ne s’appliquait pas uniquement au risque climatique et au risque de famine qui lui est associé, mais à tout risque menaçant la viabilité des communautés villageoises insulaires, notamment les risques de guerre et de déstructuration sociale (cf. Figure 1). Les premiers étaient en partie « jugulés » en Mélanésie par la ritualisation de la guerre, les relations d’alliance et les combats par « procuration » (Bensa et Rivière, 1982 ; Bonnemaison, 1986, 87). Quant aux seconds, seule la forte cohésion de la société pouvait les minimiser car, du fait de son origine endogène, le processus de déstructuration, une fois enclenché, s’avérait difficilement réversible, aucune force collective suffisante ne pouvant lui être opposée. Auquel cas, il aboutissait inévitablement à la segmentation ou à l’atomisation de la communauté, évolution pouvant conduire à l’anéantissement physique d’une partie de la population concernée.

3.3.  Biodiversité et gestion du risque alimentaire

29Dans des espaces géographiquement limités et culturellement cloisonnés comme le sont les îles du Pacifique, assurer leur sécurité alimentaire a toujours constitué une des priorités des populations. Cette sécurité dépasse la simple satisfaction des besoins physiologiques. La survie de l'individu passe en effet par la survie de la société à laquelle il appartient. Les processus culturels d'échange et d'alliances intercommunautaires en constituent l'élément central. Assurer une production suffisante à la fois pour la nourriture quotidienne et pour les cérémonies est donc une condition vitale à la reproduction des sociétés insulaires. Pour minimiser le risque alimentaire, ces dernières ont élaboré une parade simple, qui s’accorde avec la grande diversité biologique des milieux : diversifier les ressources exploitées (cf. Figure 2).

Figure 2

Les savoirs traditionnels, réponse aux aléas et vulnérabilité des communautés insulaires du Pacifique pour gérer leur sécurité alimentaire

figure im2

Les savoirs traditionnels, réponse aux aléas et vulnérabilité des communautés insulaires du Pacifique pour gérer leur sécurité alimentaire

30Cette préoccupation est au cœur des stratégies de gestion du système alimentaire. Elle explique qu’à côté de l’horticulture, la cueillette, la pêche et la chasse assurent toujours une part importante de l’alimentation des familles, et que la forêt, la mer et les eaux douces sont sources de nourriture, au même titre que les jardins [7].

31S'appuyant sur la connaissance approfondie de leur environnement naturel, les Océaniens ont développé une utilisation très complète des ressources animales et végétales qui le peuplent. Elle sera qualifiée « d'exhaustive » en raison de la conjonction de trois paramètres :

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  • a) le nombre élevé d'espèces utilisées par rapport à l'ensemble des espèces présentes ;
  • b) la variété des organes végétaux utilisés, (branches, feuilles, fleurs, fruits, racines) ;
  • c) l'extrême diversité des formes d'utilisation.

33La richesse des nomenclatures locales des noms de plantes ou d'animaux traduit alors à la fois la grande diversité interspécifique du milieu insulaire et sa faible abondance intraspécifique (cf. Figure 2). Il s’avérerait en effet impossible de couvrir les besoins alimentaires quotidiens d’un individu en se limitant à la cueillette, à la chasse ou à la pêche d’un nombre très limité d’espèces animales ou végétales aux effectifs réduits. Seule la multiplication des sources de nourriture et l’utilisation exhaustive d’un milieu biologiquement très diversifié permet d’assurer la survie des communautés humaines. Lorsque la richesse interspécifique s’appauvrit, l’unique moyen est de tirer meilleur parti de la faune et de la flore locale en multipliant les types d’usages pour une même plante ou un même animal ; ainsi les usages mixtes sont-ils nettement plus fréquents sur le littoral qu’à l’intérieur des terres, nettement plus riche en nombre d’espèces, et les formes d’utilisation les plus exhaustives s’observent dans les atolls où le cocotier et l’arbre à pain sont les deux plantes « mères » de la survie.

34À la diversité des écosystèmes terrestres et à la richesse des nomenclatures classificatoires dont ils font l’objet correspond ainsi une extrême diversité des formes cultivées, fruit de la pression sélective de plusieurs générations humaines se succédant. Chaque cultivar d’une même espèce présente une période de maturité spécifique et parfois cette variabilité concerne également sa composition alimentaire. Plus le nombre de cultivars auquel un consommateur a accès est élevé, meilleure est la probabilité qu’il puisse absorber une quantité optimale de nutriments offerts par l’espèce consommée (Walter, 1994, 1996). La connaissance des cycles biologiques et de leurs relations avec les cycles saisonnier ou lunaire va de pair avec l’identification et la dénomination des éléments du milieu naturel.

4.  Le futur des îles océaniennes face aux changements globaux

4.1.  Un monde de défis

35Depuis l’accès aux indépendances, les territoires océaniens se sont profondément transformés avec le développement de l’urbanisation, de la scolarisation et la globalisation des transports (Ward, 1993). En raison de leur tirant d’eau [8], les porte-conteneurs qui aujourd’hui ravitaillent les États insulaires ne touchent plus que les ports en eau profonde, ce qui correspond au mieux à un port par archipel. Beaucoup de petits États de Polynésie et de Micronésie ne disposent pas des infrastructures permettant d’accueillir ces navires. Reste la solution du cabotage mais le nombre de caboteurs disponibles sur le marché s’est singulièrement réduit depuis trente ans. On assiste ainsi à une périphérisation de nombreuses îles océaniennes, moins bien desservies aujourd’hui par le trafic maritime qu’il y a une cinquantaine d’années. Or sans une desserte maritime régulière, il est illusoire d’espérer développer la production de denrées périssables dans ces îles. Le développement du cabotage en Océanie insulaire constitue donc un défi majeur à relever pour l’insertion des îles périphériques dans l’économie nationale.

36La coutume n’échappe pas à ce processus et sa capacité à filtrer et à intégrer dans ses logiques propres les processus relevant de la globalisation des échanges, de « la lutte contre le changement climatique » à la généralisation du téléphone mobile, est de plus en plus réduite. Même l’image des îles rêvées et intemporelles tend à se fissurer. Dans les médias européens, l’archipel de Tuvalu n’est plus synonyme d’Eden fantasmé mais de submersion marine programmée et de futurs réfugiés climatiques et Vanuatu, pays composé d’îles hautes, est présenté dans les médias comme particulièrement vulnérable au changement climatique, devenant ainsi pour certains le pays le plus dangereux du monde (Demeure, 2017). Deux imaginaires, totalement antagonistes se rencontrent ainsi pour brosser un tableau dual de l’Océanie insulaire : d’un côté les îles paradisiaques des lagons aux eaux turquoise que borde un liseré de sable blanc et des cocotiers frémissant au gré de l’alizé, de l’autre côté le destin commun lugubre de la submersion marine qu’impose le changement climatique.

37Si toutes les îles océaniennes ne sont pas égales face aux effets du changement climatique, toutes doivent intégrer cette nouvelle donne dans leur stratégie de viabilité (David 2010a). Ce nouvel aléa majeur n’est pas uniquement synonyme d’effets directs qui risquent d’impacter gravement les écosystèmes comme les cyclones ou la sécheresse, l’acidification des océans et le blanchissement des récifs coralliens (Pendleton et al., 2016), il devrait également s’accompagner d’effets indirects, notamment d’ordres économique ou social, résultant des dysfonctionnements possibles qui accompagneront la mise en œuvre des stratégies d’adaptation des États et territoires insulaires (David, 2010b, 2012). Dans un demi-siècle, la planète abritera 11 milliards d’êtres humains, voire plus. Le défi est majeur. Il faudra concilier une production alimentaire de qualité et le maintien de forêts en bon état écologique suffisamment étendues pour assurer les fonctions de réservoir de la biodiversité et de puits de carbone.

38Ce défi devra également être relevé en Océanie. Sur une planète menacée par la pénurie de nourriture, les circuits de distribution alimentaire qui aujourd’hui irriguent l’ensemble des pays vont se resserrer et nombre de produits qui sont facilement accessibles deviendront rares et réservés à des clients disposant soit de ressources financières importantes, soit d’une armée imposante, soit d’une diplomatie persuasive. Il devrait donc devenir difficile pour les Océaniens de s’approvisionner en céréales, denrées qu’ils ne produisent guère, sauf si certains d’entre eux arrivent à préserver leurs ressources halieutiques, notamment les thons, pour en monnayer une partie sur le marché international, le Pacifique étant aujourd’hui le principal « réservoir » de thons de la planète (Fache et Pauwells, 2016). Dans ce contexte, la sécurité alimentaire devrait être un thème d’actualité majeur.

4.2.  Le défi de la sécurité alimentaire

39D’un point de vue quantitatif, le défi sera différent dans les îles de Micronésie et Polynésie, dont la taille réduite des terres émergées devrait à peine autoriser une production suffisante pour nourrir la population, et les îles de Mélanésie qui disposeront d’un espace cultivable suffisant pour satisfaire les besoins de la demande nationale et probablement exporter vers la Micronésie et la Polynésie dans le cadre d’une solidarité océanienne. Il convient donc d’envisager la sécurité alimentaire future des Océaniens dans un cadre régional, ce qui suppose de lever les contraintes pesant sur le transport maritime afin que la totalité des îles habitées puissent être desservies par la mer. Les systèmes de production devront également évoluer. Dans la quasi-totalité des îles océaniennes, l’absence d’espace pour la production céréalière – le riz est devenu un élément central de la ration quotidienne des insulaires – va conduire inévitablement les tubercules (ignames, manioc, patate douce, tarots) à nouveau sur le devant de la scène alimentaire. Le défi sera d’autant plus difficile à relever que les pratiques culturales et savoirs attachés à ces aliments se seront érodés. C’est donc dès aujourd’hui qu’il convient de construire la sécurité alimentaire future de l’Océanie insulaire, ce qui implique de stopper cette érosion (cf. Figure 3). Cet impératif vaut également pour l’adaptation des populations insulaires aux aléas climatiques, notamment aux cyclones, dont deux épisodes intenses ont frappé respectivement Vanuatu et Fidji en 2015 et 2016 avec à chaque fois des « pointes » de vent dépassant les 300 km/h. Chaque cyclone est à la fois un épisode très douloureux à passer mais aussi l’occasion de raviver et de maintenir fonctionnels des savoirs traditionnels comme l’usage des plantes de « famine », dont la consommation est occasionnelle lorsque la nourriture habituelle vient à manquer. Les espaces qui les abritent font l’objet d’une gestion sommaire, faiblement consommatrice de temps de travail mais tout à fait efficace sur le moyen et le long terme, consistant à protéger les plantes jugées utiles de la concurrence des adventices ou des espèces arbustives environnantes (A. Walter, 1994 et 1996). Le passage du cyclone Pam sur l’île de Tanna a été l’occasion de constater l’efficacité des modes traditionnels de réponse au risque cyclonique (Rey et al., 2017). Pour éviter que les bananiers soient déchaussés par les vents, la solution consiste à couper leur tronc à environ 1 mètre au-dessus du sol. La prise au vent est minimale et l’arbre va repousser immédiatement dès le retour des conditions météorologiques normales, assurant une récolte dans les trois à six mois. Dans chaque village de Tanna, la population peut s’abriter dans une case collective creusée dans la terre et surmontée d’un toit de fibres végétales en forme de carène de bateau peu bombé sur lequel le vent glisse [9].

40L’érosion des connaissances villageoises concernant la biodiversité dépend de quatre facteurs qui déterminent la transmission du savoir des anciens chez les jeunes générations (cf. Figure 3) [10] :

41

  • la durée de la période séparant deux catastrophes naturelles, les savoirs sont en effet ravivés à chaque crise, du moins ce qui en demeure dans la mémoire collective et dans la mémoire de quelques initiés ;
  • les transformations de l’alimentation quotidienne, la part croissante de la nourriture importée dans la diète quotidienne s’accompagnant d’une réduction de la diversité des produits de la cueillette ;
  • l’importance de l’aide alimentaire internationale suite aux catastrophes naturelles. Si les victimes potentielles sont certaines d’être secourues et de pouvoir disposer d’une quantité de riz suffisante pour assurer leur ration quotidienne de calories, pourquoi continueraient-elles à maintenir des savoirs désormais inutiles pour la survie de la communauté et des individus qui la composent ?

42Le dernier facteur est tout simplement « l’appétence » des jeunes générations pour les savoirs « traditionnels » et la transmission des connaissances par les aînés. Un des effets pervers de la scolarisation généralisée est qu’un nombre grandissant d’élèves est persuadé que l’unique savoir qui vaille vient de l’école. Cette représentation est d’ailleurs au cœur des discours concernant l’adaptation au changement climatique diffusés par de nombreuses ONG internationales. Le degré de scolarisation des communautés villageoises y est souvent présenté comme étant un bon indicateur pour mesurer leur capacité d’adaptation au changement climatique. Le point de vue défendu ici est tout autre. Tous les Océaniens qui au cours des générations passées ont été confrontés au risque cyclonique ont développé des stratégies pour réduire leur vulnérabilité à cet aléa. Ces stratégies font partie du système culturel réduit à partir duquel les Océaniens ont fondé leur viabilité. Il convient donc de continuer à s’appuyer sur ces pratiques et savoirs, voir à en améliorer l’efficacité (cf. note 10).

Figure 3

Processus d’érosion des savoirs naturalistes dans les communautés océaniennes

figure im3

Processus d’érosion des savoirs naturalistes dans les communautés océaniennes

4.3.  Le défi migratoire

43Ce qui vient d’être dit concernant le défi alimentaire que les Océaniens devront relever concerne l’ensemble de la région et ne résulte que de la prolongation dans le temps de processus en cours. D’autres tendances sont actuellement émergentes. Si elles se confirmaient et se renforçaient, elles pourraient conduire à de profonds changements dans les 30 à 50 prochaines années.

44La première tendance est la généralisation de la migration internationale de travail dans l’ensemble de la région. Jusqu’à présent, seules les îles de Polynésie et de Micronésie étaient concernées. Le phénomène était si important que, au milieu des années 1980, il a conduit les économistes Bertram et Waters (1985) a théorisé une stratégie de développement centrée sur la captation de la rente issue, d’une part, des transferts financiers des migrants océaniens partis vendre leur force de travail en Australie, Nouvelle-Zélande ou aux USA et, d’autre part, de l’aide internationale. Cette rente assure à la fois la viabilité des communautés villageoises qui, déchargées pour une large partie de la nécessité de dégager localement des revenus monétaires, peuvent s’investir dans la coutume, et la viabilité de l’État qui dispose de suffisamment de ressources financières pour recruter une part importante de la population active qui en retour pérennise la classe politique à laquelle elle doit son emploi (Bertam, 1986 ; Poirine, 1994). Dénommé système MIRAB (Migrations, Remittances, Aid et Bureaucracy), ce modèle économique a été appliqué à la Polynésie sous l’acronyme ARABE : Aide, Rente administrative ou atomique, Bureaucratie d’État (Poirine, 1993). Depuis une dizaine d’années, cette spécialisation économique axée sur la migration de travail internationale et la rente gagne la Mélanésie, notamment Vanuatu dont les ressortissants ont un accès privilégié à l’emploi agricole en Australie et en Nouvelle-Zélande. En Polynésie et Micronésie, un moindre retour des migrants dans leur pays d’origine est observé, y compris au moment de la retraite. La migration de travail devient ainsi migration définitive. Cette évolution a un impact important sur la démographie de certains pays comme Cook, Samoa, Tonga, dont la croissance démographique est faible, voire négative pour Tuvalu, les Samoa américaines et Wallis et Futuna [11]. De manière concomitante, Vanuatu a modifié en 2013 sa constitution afin de favoriser la double nationalité et permettre ainsi l’arrivée d’investisseurs ou de résidents à hauts revenus. La vente de passeport est ainsi devenue la première source de devise du Gouvernement (P. Dumas, com. pers), un passeport étant vendu 150 000 dollars US. Si ce type de commerce se généralisait en Océanie insulaire, il pourrait conduire à l’installation de nombreux étrangers, notamment de citoyens chinois dépités de vivre dans des villes extrêmement polluées et attirés par la qualité de vie de l’Océanie insulaire. Le stock potentiel de citoyens asiatiques qui pourraient être tentés par la double citoyenneté est extrêmement important. Si cette immigration de binationaux se conjugue avec l’émigration définitive d’un nombre croissant d’Océaniens d’origine, il n’est pas exclu que certains pays insulaires voient la composition ethnique de leur population se modifier au détriment des Océaniens. À terme, cette évolution démographique pourrait déboucher sur une évolution politique majeure : la vassalisation/satellisation de certains États insulaires vis-à-vis de la Chine. Du moins, les problèmes de sécurité alimentaire seraient alors résolus, le gouvernement de Pékin, à la tête de la première puissance économique du monde, assurant l’approvisionnement de ces pays en nourriture.

5.  Conclusion

45Un tel scénario eut été inenvisageable il y a une vingtaine d’années, tant l’attachement des Océaniens au territoire de leurs ancêtres est fort. Mais face à la généralisation de l’économie monétaire et des téléphones portables dans les îles les plus reculées, de nouveaux besoins émergent chez les jeunes océaniens. La coutume sera-t-elle capable d’encadrer et de canaliser ces aspirations ? Probablement pas ! Cela ne signifie pas que la coutume va disparaître mais sa nature risque d’évoluer. Contenus jusqu’à présent en périphérie du sociosystème insulaire, les changements risquent de pénétrer au cœur du système et de modifier sa structure. La primauté accordée au social face à l’économique va s’estomper et les revenus monétaires risquent de devenir le principal vecteur de la promotion sociale, à l’instar des normes prévalant en Europe, aux USA, voire en Chine. Dans ce contexte, la coutume risque de devenir une sorte de folklore et se figer dans une apparence d’intemporalité ramenant à un passé révolu. Aujourd’hui, une coutume fonctionnelle autorise encore que tout bouge en surface pour que rien ne bouge au cœur de la société océanienne dont elle constitue l’émanation. Demain, une coutume folklorisée fera en sorte que rien ne bouge en apparence à la surface de la société océanienne alors que tout aura bougé à l’intérieur et que ladite coutume ne sera plus qu’un anachronisme dans la grande course de l’histoire et, faute de locuteurs, les multiples langues mélanésiennes qui sont autant de manières de voir et penser la nature, la société et le territoire auront achevé leur route vers la nuit de l’oubli.

Notes

  • [1]
    « On voudrait poser ici la question de savoir si cette exposition si vivante permet de répondre à toutes les questions que se pose le géographe, et même le public. L'échantillonnage a son prix, et même son attrait, parce qu'il permet de choisir les exemples les mieux caractérisés. Mais peut-on en rester là ? Qu'attendions-nous, en plus, sur les rapports des hommes et des îles ? E. Aubert de la Rue répond, en chemin, à la question de ces rapports généraux : « L'insularité est un fait complexe et essentiellement contradictoire. » Après L. Febvre, il déclare « illusoire d'établir une loi des îles pesant sur les hommes, car on ne trouve partout que variété et diversité ». Voilà l'auteur dispensé de synthèse après son analyse, et de conclusions générales. À peine dans le chapitre final rencontre-t-on quelques lueurs générales… Blâmable ou non, on ne peut cependant s'endormir sans regret sur cette moisson. On souhaiterait une construction, au lieu de matériaux posés çà et là. (Blache, 1936, p. 717-718).
  • [2]
    Rappelons qu’une condition est dite nécessaire lorsque l’évènement concerné ne saurait se réaliser sans elle. Une condition est dite suffisante si sa réalisation entraîne nécessairement celle de l’événement.
  • [3]
    Rappelons qu’à l’opposé de la démarche nomothétique, toute démarche idiocratique produit des descriptions et des explications de phénomènes uniques et, par la même, non répétables.
  • [4]
    Par Océanie insulaire, on entend l’Océanie moins l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
  • [5]
    Ainsi dans ma thèse, ai-je défini la coutume comme « un réseau de comportements culturels en interrelations visant à maintenir la structure communautaires des villages et à en assurer la reproduction » (David, 1991).
  • [6]
    Pour Doumenge (1983), la viabilité insulaire est la combinaison d’un état statique, « la réunion des conditions nécessaires et suffisantes pour exister et durer », et d’un état dynamique assimilable aux conditions « à réunir pour pouvoir se développer tant sur le plan de l’utilisation la plus complète des ressources naturelles que pour la progression du niveau de vie social et économique de la population ».
  • [7]
    En Océanie insulaire, les espaces cultivés à l’échelle villageoise sont dénommés « jardins ». La plupart des végétaux mis en culture sont issus d’une reproduction végétative par bouturage, marcottage, plantation de bulbilles ou du collet des tubercules. Ces pratiques relèvent de l’horticulture et se distinguent de l’agriculture proprement dite qui se fonde sur la reproduction sexuée des plantes (Barrau, 1955, 1956).
  • [8]
    Un navire portant 18 000 conteneurs atteint 400 mètres de long. Son tirant d’eau est de 16 mètres. Seuls quelques ports du Pacifique peuvent accueillir de type de bateau. Trop polluant, le fuel lourd avec lequel fonctionnent les machines des cargos disparaitra dans les dix prochaines années. Le renchérissement de la tonne transportée au km devrait conduire les armateurs à accroitre la taille de leurs navires pour accroitre leur capacité de transport. Déjà en juillet 2019, un navire de 24 000 conteneurs a pris la mer et des navires de 28 000 conteneurs sont planifiés. Seuls les quais disposant de plus de 20 mètres de profondeur pourront les accueillir.
  • [9]
    Appelés « Shelters », ces abris ont été expertisés par des spécialistes de l’école d’architecture de Grenoble. Leur conclusion est claire. Hormis le remplacement des lianes par des fibres de nylon pour assurer la solidité de l’ossature bois, rien n’est à changer. Ce type d’abri est peu couteux et tout aussi efficace qu’une maison en béton spécialement élaboré pour résister à des vents de plus de 250 km/h, sachant que la qualité du béton s’altère rapidement et que vingt-cinq ans après sa construction, ce type de maison sera incapable de résister aux vents pour la protection contre lesquels elle était initialement prévue.
  • [10]
    A. Walter, 1996, p.92 note ainsi que « la complexité et le degré de connaissance de la nomenclature témoignent de l’intérêt d’un individu ou d’un groupe pour le monde qui l’entoure et, par là même, de son investissement dans la protection et la diversification des espèces. Le nombre de jeunes, qui, dans un groupe donné, connaît la nomenclature complète du monde végétal est donc un bon indicateur du degré d’intégration actuelle de ce groupe dans son environnement et de son degré d’acculturation ».
  • [11]
    Dans le cas de Wallis, la migration internationale se fait vers la Nouvelle-Calédonie qui abrite plus de 20 000 Wallisiens et Futuniens qui ne sont plus que 11 600 à vivre dans leur archipel d’origine.
Français

Le présent traite de la recherche d’invariants pour qualifier les systèmes insulaires de l’Océanie. Cette approche se différencie de la plupart des études insulaires qui conduisent à multiplier les monographies d’îles sans qu’aucune loi générale ne puisse être identifiée. La coutume et la gestion coutumière du risque constituent les deux invariants de toute société traditionnelle en Océanie dont elles assurent la résistance face aux perturbations d’origine exogène. Mais la globalisation très rapide que connaît la région actuellement tend à émousser leur opérationnalité face aux deux défis majeurs qui s’affirment : le défi alimentaire et le défi migratoire.

Mots-clés

  • îles
  • invariants
  • risques
  • coutume
  • système culturel réduit
  • sécurité alimentaire
  • défi migratoire
  • changements globaux
English

A small Journey in Pacific islands as a geographical heretic experience

This paper deals with the common features (invariants) which can draw a generic model of island in Oceania. This approach differs from most island studies which lead to the multiplication of island monographs without any general law being identified. Custom and customary risk management are the two invariants of any traditional society in Oceania. They provide resistance faced to exogenous disturbances. But the very rapid globalization of South Pacific tends to reduce heavily their operationality faced two major emerging issues : food security and migratory challenge.

Keywords

  • Islands
  • invariant
  • risks
  • custom
  • reduced cultural system
  • food security
  • migration challenge
  • global changes
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Mis en ligne sur Cairn.info le 08/05/2020
https://doi.org/10.3917/lig.841.0012
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