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Terrorisme au Sahel. De quoi parle-t-on ?

1Depuis la prise d’otage survenue dans le Sahara algérien au début de l’année 2003 à l’initiative du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), le terrorisme a contribué à remettre les périphéries ouest-africaines au centre de l’actualité. De la Mauritanie au Tchad une vingtaine d’enlèvements, de meurtres et d’attaques revendiquées par des groupes islamistes ont eu lieu, avec pour conséquence que 10 touristes et travailleurs humanitaires occidentaux, au moins 55 militaires et policiers ouest-africains et au moins 73 individus assimilés à des terroristes ont été tués (voir annexe et Walther et Retaillé, 2010). Ces actes ont été rendus possibles par l’utilisation combinée d’une intense mobilité spatiale qui autorise une circulation continue au sein des espaces désertiques, et d’une bonne connaissance des réseaux sociaux qui permet aux groupes terroristes numériquement faibles et allochtones de s’appuyer sur la complicité de certains acteurs locaux. Jusqu’ici, la stratégie du terrorisme, fondée sur le mouvement et les réseaux, semble tenir en échec celle des États dont la maîtrise du territoire national et des réseaux sociaux est très imparfaite.

2Alors que les implications politiques et militaires de ces événements ont été largement discutées, une grande confusion règne sur les termes géographiques utilisés pour qualifier l’espace du terrorisme en Afrique de l’Ouest. Si certains auteurs identifient clairement quels sont les espaces sahéliens et sahariens concernés par le phénomène (Ellis, 2004 ; Antil, 2006 ; Keenan, 2004a, 2004b, 2007 ; Gutelius, 2007), d’autres utilisent indistinctement Sahel et Sahara pour évoquer le contexte géographique dans lequel se déroulent les événements militaires et terroristes (voir Radu 2004, Khatchadourian 2006). Très souvent, le Sahel est comparé à un vaste sanctuaire qui échappe à tout contrôle de la part des États, ces derniers étant généralement qualifiés de « sahéliens » (Cline, 2007 ; Zoubir, 2009). Selon Johnson (2009) par exemple, « much of the Sahel is vast, empty, trackless desert », une description qui conviendrait plutôt à caractériser le Sahara. Plus surprenant encore, certains auteurs évoquant les enlèvements et attaques survenues depuis le milieu des années 2000 dans la région suggèrent que le Sahel et non le Sahara constitue le véritable théâtre d’opération du terrorisme salafiste en Afrique de l’Ouest. Une vingtaine d’Occidentaux auraient ainsi été enlevés « au Sahel » par Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) depuis deux ans, selon Le Monde (Mandraud, 2010). Des « périls extrêmes localisés dans le Sahel » menaceraient aujourd’hui la vie des expatriés de cette partie de l’Afrique de l’Ouest, selon Jeune Afrique (Barrada, 2010), tandis que, de l’avis de Libération, « Le Sahel [serait pris] dans le piège de la guerre contre Al Qaida » (Ayad, 2010).
Cet article offre une alternative à ces interprétations. Il postule que la confusion actuelle entre Sahara et Sahel vient dramatiquement éclairer la défaillance d’une géographie académique ou commune qui n’a jamais réussi, malgré quelques tentatives, à sortir du monde de la sédentarité, des zones allouées et de l’ancrage, à concevoir autre chose que la revendication territoriale, ou encore à cerner quelques trous noirs ou anti-mondes : le Sahara extrême, par exemple. Il contribue à une compréhension géographique des lieux du terrorisme en Afrique de l’Ouest en montrant tout d’abord quelles sont les raisons qui expliquent la confusion actuelle entre Sahel et Sahara. Il expose ensuite comment la confusion née d’une vision territoriale de l’espace, proche du « piège territorial » d’Agnew (1994), a des conséquences importantes pour les activités économiques locales, et pour notre propre compréhension de la spatialité des réseaux en Afrique de l’Ouest. L’expertise est en cause.

Sahara et Sahel sont liés

3Au moins deux raisons principales expliquent le flou régnant actuellement dans l’interprétation géographique du terrorisme en Afrique de l’Ouest. La première raison se rapporte à la définition même du Sahel, tandis que la seconde relève de la construction historique des initiatives prises en Afrique de l’Ouest pour lutter contre le terrorisme.

Qu’est-ce que le Sahel ?

4En nommant Sahel ce « rivage » atteint après leur traversée de l’aridité saharienne, les marchands arabes précoloniaux étaient loin de se douter de l’usage qui serait fait de ce terme aujourd’hui. Après des semaines passées à cheminer au côté de leurs dromadaires, ces marchands, accessoirement prosélytes de l’islam, avaient pourtant une idée très précise de ce qu’était le Sahel, cette lisière du désert fluctuant au gré des épisodes climatiques. Ils y retrouvaient des marchés, comme autant de ports ouverts sur l’immensité saharienne vers le nord et reliés aux royaumes de la forêt vers le sud, mais devant passer sous le contrôle de ce que, faute de mieux, l’historiographie africaniste nomme « empires » quand il s’agissait du contrôle des routes. Aucun de ces caravaniers n’aurait alors confondu le Sahara qu’ils venaient de quitter avec le Sahel, pivot historique de ces « empires » contrôlant le mouvement, qui alimentaient l’Afrique du Nord en produits de luxe, à commencer par les esclaves.

5Plus tard, le naturalisme géographique a neutralisé cette disposition en se référant à des zones climatiques et à des genres de vie qui tranchaient dans le vif de cette circulation vitale pour stabiliser, au moins dans la description, les manières d’occuper l’espace entre nomadisme et sédentarité, avec le pastoralisme comme intermédiaire. Selon cette conception zonale de l’espace, le Sahel constitue une large bande semi-aride qui s’étend de l’Océan Atlantique au Tchad, caractérisée par une végétation steppique. Il est compris entre le Sahara d’une part, caractérisé par des précipitations moyennes annuelles généralement inférieures à 100 mm et le Soudan des naturalistes, un domaine aux strates arborées rendues possibles grâce à des précipitations supérieures à 700 mm.

6L’irrégularité des précipitations dans l’espace et dans le temps rend pourtant très hypothétique toute délimitation spatiale des domaines climatiques calculés sur des moyennes, et notamment de celle du Sahel qui est fortement sujette aux aléas de la circulation atmosphérique régionale (voir Walther et Retaillé, 2008 et Retaillé et Walther, 2011 pour une discussion plus générale). Le recul des précipitations depuis les années 1960 a en outre pour conséquence que la bande sahélienne s’est considérablement déplacée en direction du sud du sous-continent, ce qui signifie que le Sahel d’aujourd’hui n’est plus là où il se trouvait auparavant. Cela explique que plusieurs cartes du terrorisme « au Sahel » popularisées par les médias, visiblement basées sur des moyennes datant des années 1960, situent le Sahel bien plus au nord que sa position actuelle (voir carte 1). Cela n’est pas sans conséquences pour l’interprétation de la spatialité du terrorisme en Afrique de l’Ouest.
Le Sahel bouge, ainsi que ses populations. Les sociétés ont en effet, depuis des siècles, adopté des schémas originaux qui leur permettent de répondre à l’incertitude (de Bruijn, van Dijk, van Dijk, 2001 ; de Bruijn, 2007 ; Lydon, 2005), bien avant que les pouvoirs coloniaux et post-coloniaux n’imposent leur logique territoriale dans la région. Loin d’être limité à un domaine climatique, le Sahel constitue avant tout un espace de circulation (Retaillé, 1993). Sahel et Sahara sont liés par un héritage historique dans lequel les routes trans-sahariennes et les établissements humains sont organisés du nord au sud, le long de lignes d’échange portées par un système de villes. Depuis qu’il porte ce nom, entre le xe et le xiie siècle, le Sahel est le rivage ou plus exactement une ligne de « villes-marchés » couplées parfois à des citadelles, où se rejoignent deux niveaux de circulation : des circulations à longue distance et des circulations ressemblant plus à des reptations d’accumulation (fourmilières). Cette ligne, qui figure sur la carte 2 en même temps que les routes transsahariennes précoloniales, guide un système de carrefours dont la régularité « zonale » a prêté à confusion, certains auteurs y voyant d’un côté la sédentarité, de l’autre le nomadisme, séparés par un front entre des genres de vie concurrents, le sens de la civilisation devant aller dans celui de la sédentarisation (Retaillé 2011). Cette opposition, ne peut pourtant se traduire par une exclusivité qui oppose spatialement nomades et sédentaires tant les peuplements et les circulations se recouvrent.

Carte 1

Domaines climatiques et localisation des attaques, kidnapping et meurtres survenus depuis 2003

Carte 1

Domaines climatiques et localisation des attaques, kidnapping et meurtres survenus depuis 2003

Note : des informations détaillées sur chaque événement figurent en annexe.
Sources : Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest et centre régional Agrhymet (biogéographie) ; Le Monde, Jeune Afrique, The New York Times, AFP, Ellis 2004, International Crisis Group 2005, Keenan 2004a, 2004b, 2006, 2007, 2009a, b, Cline 2007 (terrorisme). Cartographie : Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest/OCDE 2005, modifiée par les auteurs.

7Compte tenu des conditions climatiques, des cycles économiques ou des changements démographiques, les lieux organisés d’une manière linéaire sur la charnière sahélienne peuvent glisser vers le nord ou vers le sud. La colonisation a, par exemple, opéré une certaine réorganisation de l’espace, favorisant certains lieux au détriment d’autres et donnant naissance à de nouveaux marchés localisés proches des frontières ; cependant l’ensemble est demeuré remarquablement stable dans sa fonction d’articulation, contribuant à nourrir la théorie d’un espace « mobile ». Cette capacité de mouvement des lieux est rendue possible par le fait qu’ils ne sont pas prioritairement déterminés par l’existence d’infrastructures rigides. Ce qui compte le plus, au contraire, c’est le maintien d’une importante capacité de mouvement, une forme d’organisation plus subtile que le modèle zonal fondé sur une division de l’espace en plusieurs domaines bioclimatiques. Les circuits marchands qui alimentent les centres urbains en pleine croissance, les itinéraires nomades destinés à l’élevage bovin et camelin, mais aussi les flux migratoires ainsi que les trafics illicites témoignent tous de cette disposition à utiliser l’espace des flux au détriment de l’espace des lieux.

Carte 2

Sahara et Sahel : foyers de peuplement et systèmes de villes

Carte 2

Sahara et Sahel : foyers de peuplement et systèmes de villes

Source : Retaillé (1993). Cartographie : Retaillé et Walther 2011.

8En matière de terrorisme, une analyse purement zonale des activités n’a aucun sens. Une recension de la localisation des enlèvements, des meurtres et des attaques survenues en Afrique de l’Ouest depuis 2003 montre à ce propos que le Sahara a été autant affecté que le Sahel (carte 1). Le plus généralement, les terroristes opèrent dans les deux « milieux ». Très souvent, les Occidentaux enlevés à l’extrême nord de la bande sahélienne sont ensuite transportés dans le Sahara malien qui offre un réel « sanctuaire », contrairement au Sahel, plus fortement peuplé et parcouru. Ce fut notamment le cas des deux diplomates canadiens enlevés au nord-est de Niamey, du Français Pierre Camatte, enlevé à Menaka, du couple italo-burkinabé enlevé à N’Eissira à la frontière mauritanienne et, plus récemment, des deux Français enlevés à Niamey en janvier 2011.

9Les raisons qui font que le Sahara malien constitue une base de repli pour les preneurs d’otage sont liées à l’intensification de la lutte anti-terroriste en Algérie. Bénéficiant d’une armée plus nombreuse et mieux équipée ainsi que de services de renseignement plus développés, l’Algérie a progressivement repoussé les groupes extrémistes hors de ses frontières. Le nord du Mali a ainsi offert une certaine tolérance vis-à-vis des terroristes du GSPC, qui y séjournèrent plusieurs mois après leur prise d’otage (Keenan, 2004a) jusqu’au début de l’année 2004. Le nord malien est également soumis à des trafics illicites, notamment à Kidal et dans l’Adrar des Ifoghas (Gutelius, 2007). À cela s’ajoute le fait que la frontière entre l’Algérie et le Mali n’est plus gardée par des forts militaires, une conséquence des traités de paix conclus avec la rébellion touareg dans les années 1990 (International Crisis Group, 2005).

La Pan Sahel Initiative

10La seconde raison qui explique que les commentateurs du terrorisme ouest-africain confondent Sahara et Sahel se rapporte à l’histoire même de cette « nouvelle menace ». Tout commence après le 11 septembre 2001, lorsque le Département d’État des États-Unis met en place la Pan Sahel Initiative (PSI), un programme destiné au Mali, à la Mauritanie, au Niger et au Tchad (GlobalSecurity.org, 2010). L’objectif initial de ce programme était d’appuyer les capacités de régulation frontalières de ces États en matière de trafic d’armes et de drogues. Les prises d’otages survenues dans le désert algérien en 2003 à l’initiative du GSPC vont conduire le programme à se consacrer plus particulièrement à la lutte anti-terroriste (Ellis, 2004). Ce programme permet notamment d’entraîner les forces spéciales des États ouest-africains concernés depuis Bamako, Gao et Tombouctou au Mali et Atar en Mauritanie.

11À l’époque, le qualificatif de « Sahel » porté par le programme s’applique bien aux États dont une partie au moins du territoire est située dans le domaine sahélien mais principalement menacés par les mouvements qui animent le Sahara. Le Programme fut d’ailleurs remplacé par la Trans-Saharan Counterterrorism Initiative, qui concernait, en outre, l’ensemble des États du Maghreb, ainsi que le Burkina Faso, le Sénégal et le Nigeria (voir carte 3), puis incorporé dans le United States Africa Command créée en 2007.

Carte 3

« Corridor terroriste » et « Aire terroriste élargie » selon la Pan Sahel. Initiative (PSI) et la Trans-Saharan Counter-Terrorism Initiative (TSCTI)

Carte 3

« Corridor terroriste » et « Aire terroriste élargie » selon la Pan Sahel. Initiative (PSI) et la Trans-Saharan Counter-Terrorism Initiative (TSCTI)

Note : des informations détaillées sur chaque événement figurent en annexe.
Sources : voir Carte 1 et Keenan 2009b (PSI et TSCTI). Cartographie : Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest/OCDE 2005, modifiée par les auteurs.

12Il semble, dès lors, que les États-Unis aient pris conscience de l’ampleur géographique des mouvements terroristes, qui ne se limitaient plus aux seuls États « sahéliens » mais s’étendaient potentiellement à travers tout le Sahara jusqu’en Afrique du Nord. Le discours commun aura pourtant retenu que le Sahel était un espace « à risque », ce qui relève d’une erreur paradigmatique courante en géopolitique, quand le mouvement n’est que conséquence et non pas premier : une double faute, ici, où l’espace lui-même est mobile et pas seulement le peuplement « nomade ».

Appréhender les réseaux qui animent l’espace mobile

13En confondant Sahara et Sahel, le discours sur le terrorisme a tout d’abord d’importantes conséquences sur l’économie touristique ouest-africaine. Comparé à la période 1998-2003 pendant laquelle les voyageurs occidentaux pouvaient librement circuler de la Mauritanie au Niger, l’ensemble Sahara-Sahel est aujourd’hui presque totalement considéré comme une région « dangereuse » par les gouvernements occidentaux. Leurs messages d’alerte, qui se succèdent pour déconseiller aux touristes de se rendre en Afrique de l’Ouest en raison d’un « risque d’enlèvement très élevé » sur l’ensemble du territoire malien, mauritanien ou nigérien, ont fait fondre le nombre de touristes. Selon Freund (2010), le président de la compagnie Le Point-Afrique, 40 % des voyageurs initialement désireux de se rendre à Mopti ont annulé leurs vols. La compagnie a annulé ses vols vers Agades (Niger), Gao (Mali), Tamanrasset, Djanet et Timimoun (Algérie) et suspendu ses liaisons vers Atar (Mauritanie). Des destinations pourtant situées très au sud des lieux d’enlèvement comme le Pays Dogon au Mali ou le Parc du W au Niger, sont brusquement désertées, avec d’importantes conséquences pour l’économie touristique locale. Le tourisme n’est cependant pas le seul domaine d’activité affecté par le terrorisme. Les activités productives ont également souffert du climat d’insécurité, comme le montre la récente décision du groupe énergétique français Areva d’évacuer son personnel européen du site minier d’Arlit au Niger après que sept employés aient été pris en otage en septembre 2010.

14Plus généralement, la confusion régnant sur les termes géographiques utilisés pour qualifier la nature spatiale du terrorisme en Afrique de l’Ouest empêche d’en comprendre les mécanismes, qui sont avant tout fondés sur le mouvement. La plupart des médias qui évoquent la question du terrorisme en Afrique de l’Ouest font à cet égard figurer une carte présentant les « zones d’influence » ou « d’activité » d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique. Ces zones couvrent une large part de la Mauritanie, le nord du Mali, presque l’ensemble du Niger, le nord du Nigeria et du Tchad. Selon Keenan (2009b), ces cartes auraient été initialement produites par le United States European Command en charge de l’Afrique et servies pour justifier la création de la Pan Sahel Initiative (PSI) et de la Trans-Saharan Counter-Terrorism Initiative (TSCTI). Fondées sur une représentation territoriale, elles ne permettent guère de rendre compte de la circulation terroriste. De plus, la plupart des attaques, kidnappings et meurtres commis dans le Sahara-Sahel depuis 2003 sont intervenus en dehors de ces « corridors terroristes » ou « aires terroristes » comme le montre la Carte 2.

Réseaux sociaux, réseaux spatiaux

15Une alternative à ce genre de représentation cartographique consiste à utiliser l’analyse des réseaux sociaux (social network analysis ou SNA en anglais), qui forme un ensemble conceptuel et méthodologique basé sur l’étude des liens entretenus entre les acteurs sociaux et la manière dont ces relations influencent les actions terroristes. Plutôt que de s’attacher aux profils psychologiques des individus ou aux caractéristiques de leurs organisations, qui n’ont jusqu’ici généralement pas abouti à des conclusions satisfaisantes (Perlinger et Pedahzur 2010), l’étude des réseaux sociaux a pour objectif de comprendre quels sont les membres appartenant aux réseaux terroristes et quelle est la nature des liens qui les unissent. Cela permet ensuite d’identifier quels acteurs occupent une position centrale, périphérique ou au contraire une position d’intermédiarité dans le réseau et, éventuellement de parvenir à déstabiliser ces réseaux, en réfléchissant aux conséquences de la disparition d’un acteur dans le fonctionnement de la structure générale. Depuis l’article pionnier de Sparrow (1991), ces méthodes ont été de plus en plus utilisées d’un point de vue académique (Sparrow, 1991 ; Klerks, 2001 ; Carley, Lee et Krackhardt, 2002 ; Krebs, 2002 ; Carley et al. 2003 ; McCulloh, Carley et Webb, 2007 ; Morselli, Giguère et Petit, 2007) et militaire (US Army, 2006 ; Reed, 2007) pour étudier le terrorisme et mieux lutter contre.

16Parmi les auteurs utilisant l’analyse des réseaux sociaux appliquée au champ du terrorisme, seuls quelques-uns d’entre eux intègrent la dimension spatiale. C’est le cas de l’équipe constituée autour de Carley (2003, 2006) qui a mis au point une approche appelée Dynamic Network Analysis (DNA). Cette approche consiste à combiner plusieurs techniques qui auparavant étaient utilisées séparément : une analyse textuelle permettant de dégager la carte mentale des acteurs, une analyse statistique des réseaux et une simulation de la dynamique des réseaux. Dans cet ensemble, l’espace est considéré comme l’une des variables clés, en combinaison avec les informations relatives aux acteurs, à leurs organisations et aux événements auxquels ils ont pris part. Selon Carley (2006, 9), « if we look only at the social network then the focus of attention is on hierarchies, communication and other social relations. The addition of events and locations facilitates course of action analysis and enables linkage to various strategic planning tools ». L’intégration de ces outils permet, en dernier ressort, de tester la résistance des réseaux sociaux au changement, notamment l’ajout, la suppression d’acteurs (Carley, Lee et Krackhardt, 2002 ; Carley et al., 2003).

17Une autre approche se donne plus spécifiquement pour objectif de spatialiser les réseaux sociaux afin de connaître la position des acteurs sociaux dans l’espace géographique simultanément avec leur position dans les réseaux sociaux (Radil, Flint et Tita, 2010). Comme le montre la figure 1, cette approche nécessite tout d’abord de montrer l’étendue de l’espace topologique constitué de l’ensemble des acteurs sociaux (A, B, C et D) et de leurs relations de pouvoir, d’influence et d’allégeance par-delà les « territoires ». Dans ce type de représentation, les distances entre les acteurs du réseau se rapportent généralement à leur proximité topologique, différente de la distance topographique couramment utilisée en cartographie. La spatialisation des réseaux sociaux nécessite ensuite de connaître la localisation des acteurs, c’est-à-dire l’ensemble des lieux (1, 2, 3 et 4) qu’ils partagent à la faveur de leurs déplacements dans l’espace géographique. En combinant le réseau d’acteurs au réseau de lieux, on obtient alors deux types de représentations : la première conserve la structure topologique du réseau des acteurs sociaux et indique à quels lieux ils se rattachent ; la seconde conserve la structure topographique du réseau des lieux et indique quels acteurs y sont rattachés.

18Cette spatialisation des réseaux sociaux a été récemment utilisée par Radil, Flint et Tita (2010) dans leur étude des gangs de Los Angeles. La prise en compte conjointe de l’enchâssement social des acteurs (embeddedness) et de la localisation des événements violents qui se produisent sur le territoire de Los Angeles permet de montrer que la rivalité entre gangs urbains produit des modèles spatiaux distincts selon que les groupes sont proches du point de vue géographique, parce qu’ils partagent une frontière commune par exemple, ou proches du point de vue topologique, parce qu’ils s’affrontent régulièrement. Dans leur géographie de la Première Guerre mondiale, Flint et al. (2009) adoptent une perspective identique en montrant comment la position géographique et topologique des États contribue à expliquer leurs relations de pouvoir (alliances et rivalités).
Par rapport à ces deux applications permettant la spatialisation des réseaux, l’analyse des réseaux terroristes au Sahara-Sahel ajoute une difficulté supplémentaire. Dans les cas précédemment évoqués, en effet, il est supposé que les réseaux sont rattachés à un certain territoire : les gangs de Los Angeles délimitent leurs chasses gardées par la violence tandis que les conflits peuvent être associés très précisément aux territoires des États concernés. Le cas des réseaux terroristes au Sahara-Sahel ne peut présupposer d’une telle immobilité, dans la mesure où tant l’enchâssement (embeddedness) social que spatial des acteurs est mobile. Les terroristes entretiennent des alliances changeantes, qui dépendent souvent des sommes d’argent dont ils disposent pour acheter la complicité des autorités locales et du niveau de confiance qu’ils parviennent à instaurer avec les nomades sahélo-sahariens. Ces individus voyagent souvent sur de longues distances, afin d’échapper aux forces gouvernementales qui ont pour objectif de les appréhender, mais aussi pour chercher de nouveaux otages et communiquer avec d’autres cellules terroristes.

Fig. 4

Spatialiser les réseaux sociaux

Fig. 4

Spatialiser les réseaux sociaux

Source : Walther 2011.

19L’exemple des preneurs d’otages du GSPC en 2003-2004 est particulièrement révélateur de cette capacité à circuler. Partis de la région d’Illizi-Amguid dans le sud algérien, les terroristes se sont rendus au nord du Mali où ils demeurèrent plusieurs mois et établirent des alliances avec les nomades locaux, avant de partir pour le Niger en passant par l’Azawagh, les montages de l’Aïr et le Ténéré. Ce périple les a ensuite conduits au Tibesti tchadien où ils furent tués ou capturés. L’ensemble représente un voyage évalué à plus de 3 000 kilomètres d’Algérie au Mali, selon les otages interrogés (Keenan, 2007, 33), suivi d’un second périple de plus de 2 500 kilomètres à travers certains des environnements les plus inhospitaliers de la planète. Depuis cet épisode, les terroristes de la zone Sahara-Sahel ont souvent démontré une impressionnante capacité de déplacement sur des distances considérables (à tel point que certains auteurs comme Keenan y voient la preuve de la complicité des services gouvernementaux). Ce fut notamment le cas des terroristes de Mauritanie ayant tué quatre touristes à Aleg en 2007, qui prirent la fuite au Mali et au Sénégal avant d’être appréhendés en Mauritanie en avril 2008, ou des preneurs d’otages venus à Niamey en janvier 2011 et dont la fuite a été stoppée par l’intervention des forces nigériennes et françaises, quelque part sur la frontière avec le Mali.
Il semble dès lors que le problème de la localisation des terroristes se pose différemment selon que l’on considère des acteurs sociaux installés dans une région bien délimitée, où ils ont développé des relations de parenté ou des alliances politiques de longue date, comme dans l’ouest du Pakistan par exemple, ou selon que l’on considère une région dans laquelle les terroristes ont récemment été repoussés, comme les salafistes du Sahara-Sahel. Dans le premier cas, la localisation des terroristes peut être déduite des liens entretenus avec leur réseau social. Dans la plupart des cas où il existe une base régionale, le recrutement dépend en effet de la proximité ethnique des acteurs, qui ont tendance à faire confiance à d’autres acteurs partageant la même appartenance qu’eux, et de leurs différentes alliances. Dans le second cas, ces réseaux sociaux sont moins faciles à inférer car les terroristes ne partagent souvent pas les mêmes origines ethniques, n’ont pas eu le temps de développer d’alliances matrimoniales ou de relations de confiance avec les tribus locales. C’est le cas des terroristes salafistes chassés d’Algérie, qui n’entretiennent pas de relations particulièrement stables avec les populations berbères du Sahara. Même lorsque les terroristes peuvent se maintenir quelque temps dans une certaine région, comme le nord du Mali après les enlèvements de 2003-2004, par exemple, ils sont exposés au risque de trahison de la part des populations qui les hébergent. L’argent constitue alors un argument clé de la durabilité de leurs alliances. En résumé, lorsque les terroristes bénéficient de l’appui de la population locale du fait de leurs relations de parenté dans un « sanctuaire », il est plus facile d’analyser leur réseau social que lorsqu’ils sont transportés dans un environnement social où ils font figure d’étrangers et où le soutien des populations locales est conditionné par le versement de sommes d’argent.

Savoirs nomades et terrorisme

20Au Sahara-Sahel, il devient impossible de s’en remettre à la distance physique, à la contiguïté, à des régions particulières ou à des lieux clairement identifiés pour comprendre la position relative des acteurs du terrorisme dans l’espace, dans la mesure où ces propriétés deviennent également mobiles. Ce problème est déjà apparu dans de précédentes études menées sur les sociétés saharo-sahéliennes, qui montraient que l’organisation des réseaux économiques ouest-africains ne pouvait être appréhendée par le biais des modèles statiques ou purement hiérarchiques utilisés habituellement par les géographes, tels que celui des lieux centraux (Walther, 2008, 2009). En particulier, ces études montraient que la position et l’importance des lieux d’échange ne correspondaient pas aux hiérarchies fondées sur des critères démographiques ou administratifs, ce qui a été expliqué par le fait que l’activité économique est sujette à des changements constants, du fait de l’incertitude climatique, économique et politique. Contrairement à ce qui avait été trouvé par l’analyse spatiale en Afrique de l’Ouest, la position et l’importance relative des marchés étaient fortement contraintes par la présence d’acteurs centraux ou assurant le rôle d’intermédiaires entre plusieurs espaces d’échange organisés sur des bases nationales.

21Des observations similaires ont été faites dans le domaine politique, par exemple en Mauritanie où Lechartier (2005) a montré que les réseaux politiques subissaient des changements fréquents à la faveur d’alliances changeantes entre tribus. Ce mode de fonctionnement ne conduisait pas, selon l’auteur, à la création de circonscriptions territoriales fixes mais à la création d’un certain nombre de lieux où les tribus pouvaient temporairement se rencontrer et négocier leurs alliances. Ces lieux sont rendus nécessaires par le fait que le pouvoir des tribus est plutôt basé sur le contrôle de la distance que sur le contrôle de la surface (Retaillé, 1993), ce qui constitue une illustration de l’idée de Castells (1996) selon lequel il est plus important de contrôler certains points stratégiques que de s’épuiser à vouloir s’assurer la maîtrise d’immenses territoires dans le monde contemporain.

22Naturellement, les réseaux marchands et politiques possèdent des propriétés et des objectifs très différents de ceux des terroristes (Morselli, Giguère et Petit, 2007). Alors que les premiers poursuivent des fins essentiellement monétaires et politiques, les terroristes sont poussés par des motivations idéologiques et ont pour ambition de diffuser la peur et, plus prosaïquement, à acquérir des ressources par la prise d’otages occidentaux. Cependant, réseaux marchands et politiques d’un côté et réseaux terroristes de l’autre partagent un certain nombre de lieux. Certains terroristes sont connus pour être investis dans le commerce transfrontalier, à l’image de Mokhtar ben Mokhtar dans le nord du Mali par exemple, ou ont établi des alliances avec les autorités locales et nationales des pays où sont localisées leurs actions.

23En dépit de différences majeures, le savoir en matière d’organisation spatiale mobilisé dans le commerce ou dans les alliances politiques peut être utile à la compréhension des réseaux terroristes, parce que ces réseaux produisent des lieux d’une manière identique. Au Sahara-Sahel, ces lieux ne doivent être considérés ni comme des sites chargés de sens ni comme des localisations réduites à leurs coordonnées géographiques. Dans un monde dominé par la mobilité permanente, les lieux sont produits par le croisement (souvent éphémère) de flux traversant le Sahara et le Sahel, plutôt que par un investissement durable et fixe dans le territoire, comme dans le monde « sédentaire » des États.
L’espace qui résulte de cette forme particulière d’organisation a été décrit comme un « espace mobile » (Retaillé, 2005 ; Retaillé et Walther, 2011), c’est-à-dire comme un espace animé en permanence (mobilité). Les lieux qui peuplent cet espace sont interconnectés par un système de circulation qui peut connaître de grandes variations temporelles, selon la saison comme dans l’exemple du Delta intérieur du fleuve Niger au Mali mis en lumière par Gallais (1984), selon la situation politique comme dans l’exemple des alliances mouvantes mauritaniennes, ou selon les opportunités économiques régionales, comme dans l’exemple du commerce transfrontalier. Dans l’espace de circulation, le territoire nomade est discontinu ; il est fait de routes et de points d’appui régulièrement visités par un système d’échanges rendant possibles les positions tenues au cœur même du désert. Comme le montre la figure 1, l’organisation des lieux et des relations sociales peuvent se retrouver à distance, ce qui signifie que la trame laissée par l’espace de circulation peut se trouver activée à tout moment sans qu’il soit possible de le prévoir par aucune détermination.
Le passage à l’espace mobile permet de raisonner autrement qu’en surface (Retaillé, 1989, 1993), de sorte à ne pas faire fausse route en territorialisant, sur le modèle de l’État, ce qui n’est que fluidité. On notera, au passage, que ce qui était le réseau de diffusion d’un islam rénové, très proche de populations désorientées par l’incapacité des États (et des institutions internationales, y compris les ONG) à sortir des conséquences d’une crise climatique et économique sans issue depuis la territorialisation des actions pour le développement, a pu réactiver des routes insaisissables parce que mobiles. C’est une très vieille histoire qu’il faudrait redécouvrir sans mélanger les registres. C’est ainsi que des représentations que l’on dit sociales, mais qui sont ici culturelles en relevant de la conception même de l’espace, conduisent à l’incapacité de saisir la nature d’une situation et, partant, de la traiter. Il faudra bien, un jour, s’adapter à la résistance d’une réalité qui prend en défaut les présentations que l’on s’en fait. La géopolitique devrait s’en inquiéter.

Conclusion

24Le développement du terrorisme constitue, pour les géographes, une incitation à revoir les outils usuellement mobilisés pour appréhender l’espace ouest-africain. D’une part, il n’est plus guère possible de s’appuyer sur les modèles zonaux pour expliquer la structure du Sahel et du Sahara, ces deux espaces étant intimement liés du point de vue des circulations humaines. Cet article suggère plutôt que le Sahel et le Sahara devraient être considérés comme deux espaces interconnectés par les circulations, le Sahara étant de plus en plus utilisé comme base arrière pour les preneurs d’otages. D’autre part, l’exemple du terrorisme montre qu’il n’est plus possible de s’appuyer sur des représentations cartographiques traditionnelles pour rendre compte de l’organisation des réseaux. Ces réseaux doivent être analysés par le biais de nouveaux outils capables de rendre compte des liens entretenus dans l’espace entre les acteurs sociaux. En considérant la circulation sahélo-saharienne, les géographes devraient avoir pour objectif de conceptualiser les réseaux sur base de leurs dynamiques propres et non sur le modèle territorial des États. L’espace mobile retrouve l’espace de la guerre quand le territoire n’est plus en jeu. Ce qui est le cas de la mouvance active du terrorisme (mondialisé) capable de mobiliser des formes spatiales et surtout de les concevoir. Ce que les États ne peuvent faire par nature.
L’étude des réseaux dans l’espace devrait également contribuer à réduire l’écart grandissant entre la géopolitique et la géographie, en ce qui concerne l’incorporation de l’espace dans l’analyse politique notamment (O’Loughlin, 2000). La contribution de la géographie, mise en évidence ici par le biais de l’exemple du terrorisme, est de suggérer que le mouvement constitue une force primordiale de l’organisation de l’espace et non seulement une conséquence de la dynamique des flux allant d’un lieu fixe à un autre, comme la géopolitique et l’analyse spatiale le considèrent habituellement. Dans un tel « espace mobile », le mouvement est premier. Les références géographiques et cartographiques fondées sur la primauté de l’ancrage ne peuvent en rendre compte, ce qui justifie de renouveler la théorie géographique, non seulement dans l’analyse des réseaux terroristes sahélo-sahariens, mais, plus largement, pour comprendre le monde au-delà de l’ordre des États et de leurs territoires.

Tab. 1 – Attaques, kidnappings et meurtres commis depuis 2003

Tab. 1
N Événement Localisation Date 1 32 touristes européens kidnappés1,8,9,10,11 Entre Illizi et Amguid, Algérie. Déplacés au nord Mali, puis Ténéré, Tibesti Entre 21.02.03 et 11.04.03 2 Touristes attaqués9 Timia, Niger 24-25.01.04 3 Touristes attaqués9 Temet, Niger 23.02.04 4 Affrontement entre armée nigérienne et GSPC8 Frontière Niger-Tchad Mars 2004 5 Affrontement entre armée nigérienne et GSPC8 Frontière Niger-Tchad (Tintiboriden) Avril 2004 6 Attaque de convoi humanitaire7 Bourem (100 km NW de Gao) Juin 2004 7 Poste militaire attaqué6 Lemgheyti, Mauritanie Juin 2005 8 23 touristes européens et brésiliens kidnappés5 Frontière Niger-Tchad, nord du Lac Tchad 21.08.06 9 Combats entre rebelles touaregs maliens et GSPC5 Nord du Mali, 400 km NW de Kidal 27.09.06 10 Touristes français attaqués1 Aleg, Mauritanie 24.12.07 11 Poste militaire attaqué12 El Ghallaouia, Mauritanie (50 km N Ouadane) 26.12.07 12 Patrouille militaire attaquée3 Tourine, Mauritanie 14.09.08 13 2 diplomates canadiens kidnappés4 Liptako (40 km N de Niamey) 14.12.08 14 4 touristes européens kidnappés4 Bani Bangou – Amberamboukane, Niger 22.01.09 15 Soldats maliens attaqués4 Tessalit, Mali 03-04.06.09 16 Officier malien impliqué dans l’arrestation de terroristes attaqué3 Tombouctou, Mali 10.06.09 17 Travailleur humanitaire américain attaqué3 Nouakchott, Mauritanie 23.06.09 18 Attentat contre ambassade de France3 Nouakchott, Mauritanie 08.08.09 19 Travailleur humanitaire français attaqué2 Ménaka, Mali 26.11.09 20 3 Espagnols kidnappés2 PK170 (170 km N de Nouakchott) 29.11.09 21 Couple italo-burkinabé kidnappé2 N’Eissira, Mauritanie 18.12.09 22 Travailleur humanitaire français kidnappé2 Inabangaret, Niger, puis Mali 20.04.10 23 Forces de sécurité attaquées2 Tinzaouatene, Mali 30.06.10 24 7 employés d’Areva kidnappés1 Arlit, Niger 15.10.10 25 Ambassade de France attaquée Bamako, Mali 05.01.11 26 2 Français kidnappés13 Niamey, Niger 07.01.11 Sources : 1 = AFP ; 2 = Barrada 2010. 3 = Schmitt and Mekhennet 2009 ; 4 = Keenan 2009a ; 5 = Keenan 2006 ; 6 = Cline 2007 ; 7 = Keenan 2004b ; 8 = International Crisis Group 2005 ; 9 = Keenan 2009b ; 10 = Keenan 2007 ; 11 = Ellis 2004a ; 12 = Choplin 2008, 13 = Le Monde, 14 = Jeune Afrique. Pour un descriptif plus détaillé des événements incluant le nombre de victimes et l’identité présumée des auteurs des attaques, voir Walther et Retaillé (2010)

Tab. 1 – Attaques, kidnappings et meurtres commis depuis 2003

Français

Résumé

Depuis le milieu des années 2000, le terrorisme a contribué à remettre les périphéries ouest-africaines au centre de l’actualité. Alors que les implications politiques et militaires de ces événements ont été largement discutées, une grande confusion règne sur les termes géographiques utilisés pour qualifier l’espace concerné. Terrorisme au Sahel, terrorisme au Sahara : où sont les bases ; où sont les terrains d’action ? Pis, la qualification « zonale » nuit à la compréhension de ce qui est au cœur de la capacité d’agir : des réseaux qui sont à la fois sociaux et spatiaux, passant à travers les limites qu’une géographie encore trop académique peine à transgresser faute d’avoir pleinement compris l’espace mobile des nomades.

Mots-clés

  • terrorisme
  • espace
  • réseaux
  • Sahel
  • Sahara
  • Afrique de l’Ouest
English

Abstract

Since the mid 2000s, terrorism has brought media focus on to the peripheries of West- Africa. Although the political and military implications of these events have been widely discussed, great confusion reigns over the geographical terms used to designate the space concerned. Terrorism in the Sahel, terrorism in the Sahara: where are the true bases? Where are the fields of action? What is worse, the qualifying term “zonal” is an obstacle to understanding what lies at the core of the ability to act: networks which are simultaneously social and spatial, extending across limits that a geography which is still too academic finds difficult to infringe for want of fully understanding the mobile space of nomads.

Keywords

  • terrorism
  • space
  • networks
  • Sahel
  • Sahara
  • West Africa

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Denis Retaillé
Denis Retaillé, Département de géographie, Université de Bordeaux 3 et CNRS, UMR ADES, France
d.retaille@ades.cnrs.fr
Olivier Walther
Olivier Walther, Département de géographie, CEPS/INSTEAD, Luxembourg
Olivier.Walther@ceps.lu
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Mis en ligne sur Cairn.info le 29/09/2011
https://doi.org/10.3917/lig.753.0051
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