CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Depuis le début des années 1970, la sociologie de la culture inspirée des travaux de Pierre Bourdieu a proposé, sur la question de l’histoire des idées, de l’analyse des œuvres et de la biographie, une interprétation originale dont les effets se font encore largement sentir aujourd’hui. Elle repose sur une triple critique des interprétations fondées sur l’hypothèse de l’autonomie totale : autonomie de l’évolution des idées, autonomie des œuvres à l’égard de leur auteur et de sa position sociale, autonomie d’une vie cohérente et orientée pouvant être racontée sous la forme téléologique d’une biographie. Elle leur oppose une vision théorique et empirique dans laquelle, de façon générale, les idées sont liées aux stratégies et aux intérêts de certains groupes dans leur lutte pour la conquête de capitaux spécifiques, littéraires, scientifiques ou politiques [1]. L’analyse des œuvres s’inscrit dans une démarche sociologique et historique particulière ne dissociant pas strictement la position sociale de l’auteur du style et du contenu des œuvres [2]. L’entreprise biographique est, quant à elle, considérée comme problématique [3]. Certaines de ces questions sont également, quoique de façon différente, au cœur d’autres conceptions épistémologiques comme celles de l’École de Cambridge [4] ou de la Begriffsgeschichte [5], et la pratique académique de l’histoire des concepts s’avère aujourd’hui plus que jamais à la mode, en France comme ailleurs [6].

2Pourtant, ces interrogations ne sont pas aussi nouvelles qu’on pourrait le penser de prime abord. Dans la France de l’après-guerre, un autre sociologue, Henri Lefebvre, se donne pour objectif de prendre à bras le corps les relations entre histoire des idées, analyse des œuvres et biographie littéraire. Entre 1947 et 1955, il écrit cinq ouvrages consacrés chacun à un auteur français, à savoir Descartes (1947), Diderot (1948), Pascal (deux tomes, 1949 et 1954), Rabelais (1955) et Musset (1955) [7]. Force est de constater que, exception faite des spécialistes de Lefebvre, personne aujourd’hui ne l’inscrit parmi les fondateurs de la sociologie de la littérature ou d’une sociologie de la connaissance appliquée à l’art et aux artistes, alors qu’à la fin des années 1950 et au début des années 1960, son nom était presque systématiquement accolé à ceux de Robert Escarpit ou de Lucien Goldmann qui, eux, sont encore largement associés à l’histoire de la sociologie de la littérature [8]. Par ailleurs, les ouvrages mentionnés ci-dessus présentent la particularité de constituer un pan méconnu et peu étudié de l’œuvre de Lefebvre. Dans les pages qui suivent, nous posons comme hypothèse que la prise en compte de ces ouvrages peut permettre de jeter une lumière intéressante tant sur Henri Lefebvre lui-même que sur un moment singulier de la sociologie de la littérature et des idées politiques.

3Pour cela, il importe tout d’abord de ne pas envisager ces ouvrages un par un, dans leur singularité, mais plutôt à l’intérieur d’un ensemble complexe. Ainsi, le politiste et géographe Stuart Elden y voit une étude d’« écrivains et penseurs français importants [9] » et s’intéresse avant tout au Rabelais, tandis que Rémi Hess voit plutôt dans cet ensemble de textes consacrés à l’étude de la littérature, une tentative de faire le bilan de la pensée « bourgeoise ». Comme il l’écrit par ailleurs, « ces livres sont le produit d’une conjoncture politique qui donna naissance à un projet, qui lui-même prit forme dans un programme [10] ». La question demeure néanmoins : quel projet ? Quel programme ? Et si l’on considère que le projet est précisément cet ensemble de textes, quel serait le programme qui le sous-tend ?

4Cependant, ce corpus offre plus qu’une entrée spécifique dans la trajectoire du sociologue à partir d’une facette oubliée de son travail : il permet de cerner les contours d’une entreprise épistémologique originale sur les relations entre histoire des idées, analyse des œuvres et étude biographique. Lefebvre se révèle particulièrement attentif à considérer les auteurs qu’il choisit sous un angle total, en ne cherchant jamais à gommer leurs contradictions et leurs incohérences. Au contraire, il cherche à les inscrire dans une trajectoire singulière et particulière marquée par la rencontre entre l’objectivité des structures sociales et la subjectivité de celui qui écrit. De manière analogue, nous posons comme hypothèse qu’il est impossible de circonscrire ces textes d’Henri Lefebvre sous une étiquette simple (études littéraires, sociologie de l’art et de la littérature, propagande marxiste, histoire sociale ou sociologie historique, vision personnelle …). Ils ne peuvent être étudiés qu’en acceptant leurs tensions et leurs contradictions, car ils relèvent de trois programmes différents bien qu’évidemment liés : le programme épistémologique du philosophe sociologue et historien des idées ; le programme scientifique du penseur marxiste ; et, enfin, le programme réflexif de l’homme Lefebvre.

Un programme épistémologique : l’histoire sociale des idées

5Le projet d’Henri Lefebvre est tout d’abord un projet épistémologique. Tout au long des ouvrages considérés, il se positionne radicalement contre plusieurs disciplines s’étant confrontées au travail sur les écrivains et les penseurs : contre la critique littéraire et les études littéraires telles qu’elles sont pratiquées ; contre l’histoire de la philosophie ; contre les historiens. Alors que les études littéraires et l’histoire de la philosophie privilégient généralement la critique interne, les historiens ont trop souvent tendance à se tenir du côté du seul individu. Dans tous les cas, l’accent est mis sur la nécessité de « classer » les auteurs selon une ligne et une seule, sans nuances, ce qui laisse la porte ouverte aux interprétations au détriment de l’analyse objective. Comme il l’écrit, « dès lors que l’historien interprète, il ne connaît pas. [11] »

6Ce constat d’échec de l’interprétation — par la critique interne ou l’interprétation subjective — débouche sur la nécessité de modifier les priorités :

7

« Nous devons supposer que les idées ne se suffisent pas, qu’elles ne flottent pas dans l’air, intemporelles, abstraites, détachées et dotées parfois d’une efficacité aussi miraculeuse que l’action de l’âme sur le corps dans certaines métaphysiques ! [12] »

8Les deux premiers ouvrages, le Descartes et le Diderot sont donc placés sous les auspices d’un changement épistémologique important, la proposition d’une vision nouvelle, le passage de l’histoire des idées sociales — unilatérale, ambiguë, flottante — à une histoire sociale des idées. Cette dernière implique la découverte de critères objectifs permettant de « situer », de « connaître » les auteurs et les pensées au lieu de les interpréter. L’analyse des textes ne peut être dissociée de celle du contexte de leur écriture, mais aussi du contexte social au sens large, ce par quoi Lefebvre entend l’examen des structures économiques et sociales. Ni analyse individualiste, ni théorie du milieu social, l’histoire sociale des idées repose prioritairement sur la notion d’objectivité qu’il faut entendre dans son double sens d’impartialité — l’analyse contre l’interprétation — et de prise en compte des fondements objectifs de la vie sociale — structures économiques, rapports de production, lutte des classes, etc.

9Cependant, cet accent sur l’objectivité ne permet guère de rendre compte exactement de ce que propose Lefebvre dans les trois premiers ouvrages. En effet, la description du « contexte » ou des « conditions historiques » ne supplante pas l’étude de la trajectoire individuelle : elle s’y ajoute ; elle s’y confronte. Au point que les critiques émises contre la persistance d’une vision subjectiviste dans la méthode de Lefebvre l’obligèrent à préciser son propos dans le deuxième tome du Pascal en 1954. Cette précision prend la forme d’une nouvelle notion, celle de l’objectivité approfondie, qui s’avère être la combinaison de ces deux dimensions pour atteindre la réalité de la rencontre — l’influence du social sur l’individu ; celle de l’individu sur le social. L’analyse impose le double regard ainsi que le va-et-vient entre les deux regards, « du dehors au dedans ; de l’externe à l’interne et réciproquement ; de l’objectif au subjectif et vice-versa [13] ». Lefebvre se défend ensuite de substituer une « méthode subjective à la méthode scientifique objective » :

10

« Non, puisque l’explication historique a le dernier mot et reste la suprême instance ; puisque non seulement on restitue le “contexte” historique et social de l’homme et de l’œuvre, mais que l’on se réfère sans cesse à la base économique et sociale. [14] »

11Cette « science nouvelle » relève-t-elle d’une discipline particulière ? Là-dessus, Lefebvre reste dans le flou voire multiplie les appellations. S’il se présente parfois comme philosophe tout en reniant l’histoire de la philosophie en tant que pratique autonome, ce sont ses rapports avec l’histoire et la sociologie qui nous paraissent les plus intéressants.

12Sa vision de l’histoire est compliquée. Il estime que ceux qu’il appelle « nos meilleurs historiens » (Marc Bloch, Henri Pirenne, Henri Sée) sont « très proches du matérialisme historique », mais que leur refus du marxisme les empêche d’aller jusqu’au bout du raisonnement [15]. Les autres historiens, ceux qui s’intéressent, comme Lucien Febvre, aux structures mentales, sont vus comme des tenants de la méthode psychologique, aussi qualifiée de « sociologique », celle qui oublie la « base économique et sociale » pour se concentrer sur la conscience des sujets au détriment de l’histoire réelle [16]. « Nous avons en effet à rétablir l’histoire au lieu de l’abolir. [17] » Cette abolition est la conséquence de l’objectivité psychologique, du subjectivisme, qui est une « pseudo-reconstruction du passé [18] ». Cette idée se paie d’une vision présentiste parfaitement contradictoire avec Lucien Febvre : pour Lefebvre, il est non seulement impossible de se mettre à la place des hommes du XVIe siècle, de restituer leur conscience, mais cela n’est pas souhaitable car ces hommes-là ne pouvaient pas savoir où ils allaient, alors que les penseurs actuels le savent.

13La posture qu’il revendique le plus est celle de l’« historien sociologue [19] », ou de « l’historien des idées ». Pour autant, il ne récuse pas le terme de sociologue mais la sociologie en question est spécifique et son sens doit ici être précisé. Sous sa plume, l’expression « sociologie scientifique » désigne une spécialité qui, à l’aide de la méthode du matérialisme dialectique, « s’efforce de retrouver la genèse des idées dans son mouvement, à partir de la structure sociale [20] ». Il précise bien « genèse » et non « origines », car la quête des origines constitue précisément, pour lui, l’erreur de la sociologie qui y cherche la vérité, « le secret du temps et du développement ultérieur », en étudiant les primitifs [21]. Cette sociologie-là, c’est celle de Lévy-Brühl par exemple, celle qu’il affuble du qualificatif de « bourgeoise » dans Rabelais[22], celle qui, comme les historiens, prend en compte « l’état d’esprit » et les « mentalités ». On note que même une certaine forme de marxisme est qualifiée de « sociologisme » [23], celle de Lucien Goldmann en particulier. La véritable analyse sociologique est donc celle qui restitue sa force au marxisme originel, dialectique, capable d’articuler l’objectivité des structures et la subjectivité des individus sans tomber dans l’impasse soit du déterminisme par les structures, soit du psychologisme des mentalités.

Un programme scientifique marxiste : « frayer la voie juste » [24]

14Comme le remarque Michel Trébitsch,

15

« de 1948 à 1957, il [Henri Lefebvre] ne publiera plus aucun ouvrage de théorie marxiste, à moins qu’on ne sache découvrir que ses études “littéraires” sur Diderot, Pascal, Musset et Rabelais, sont autant de moyens détournés de réfléchir sur la dialectique de la nature, l’aliénation, l’individu. [25] »

16La publication du Descartes, en 1947, correspond tout à la fois au summum de la relation entre le PCF et Henri Lefebvre mais aussi au début de la détérioration de cette relation. Il est tout à fait possible de trouver le déclencheur à la rédaction du Descartes : ce serait la publication, en 1946, d’un Cours de l’université nouvelle, écrit par Cécile Angrand et Roger Garaudy, sur les origines françaises du matérialisme [26]. La publication du Descartes ne serait donc pas seulement l’acte fondateur d’une histoire sociale des idées, mais aussi, indissociablement, la réponse d’un philosophe marxiste à une lecture marxiste quasi officielle de Descartes. À en croire Lefebvre lui-même, son Descartes « se proposait de donner aux marxistes l’équipement théorique qui leur manquait, à un niveau situé entre l’étude d’accès facile et la technicité accessible aux seuls spécialistes. Il se proposait surtout de frayer la voie juste à la pensée marxiste et de la situer entre les abîmes et les écueils, éclectisme et sectarisme, matérialisme brutal et idéalisme inconsistant. [27] »

17En ce sens, le programme en question relève bien d’un projet d’« élargissement du marxisme » déjà évoqué par Lefebvre dans une lettre de 1936 à Norbert Guterman [28]. C’est aussi, plus largement, la recherche d’une méthodologie marxiste spécifique qui soit capable d’étudier les idéologies sans tomber dans l’étude idéologique des idéologies emblématique du jdanovisme en 1947. Le choix de mettre en œuvre une étude biographique sur des auteurs français est emblématique de la volonté de Henri Lefevbre de contrecarrer les effets du jdanovisme qui consistait à classer les écrivains dans un des deux camps : progressiste ou impérialiste. Il était donc inévitable qu’il se heurte à la section idéologique du parti, à la fois sur certains des auteurs (Descartes, Diderot, Pascal en particulier) mais aussi sur le projet général. Ainsi, la publication du Descartes engendre un soupçon d’idéalisme et le Diderot attend plusieurs années avant de pouvoir être publié au prix d’un certain nombre de compromis. Plus largement, la méthode suivie par Lefebvre heurte également l’orthodoxie du PC comme en témoigne la controverse avec Lucien Goldmann à partir de 1948. Cette controverse commence avec la publication du Descartes. Dès 1948, Goldmann s’en prend à la notion de « noblesse bourgeoise » introduite par Lefebvre pour lui préférer la notion plus classique de « noblesse de robe » [29]. La controverse est d’abord cantonnée aux textes de revues ou à l’intimité des rencontres académiques comme celle qui se déroule en janvier 1951 au Centre d’études sociologiques à propos de Pascal avec la participation de Paul Bénichou, Pierre Francastel et Lucien Goldmann [30]. Elle devient plus ouverte lors du colloque de Royaumont consacré à Pascal en 1954 [31], l’année même où Lefebvre publie son second tome sur cet auteur [32].

18De cette controverse, Lefebvre écrit qu’elle est « importante » et qu’« elle touche à l’essentiel du marxisme » [33]. Elle a trait à la question de la priorité méthodologique entre le conjonctural et le structural. Dans La somme et le reste, Lefebvre semble opposer frontalement ces deux méthodes en présentant la première, la méthode historico-sociologique, comme étant la sienne [34]. L’attention à l’historicité par opposition à la focalisation sur le jeu entre infrastructure et superstructure ouvre le champ à un ensemble d’autres oppositions : élémentaire contre global, dynamique contre statique, mais aussi structure de classe et conscience de classe contre individualité et subjectivité. Pourtant, contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’opposer une méthode simplement conjoncturale à une méthode structurale. La méthode de Lefebvre relève bien plutôt du tiers non exclu pour parler comme Stéphane Lupasco ou encore Immanuel Wallerstein, c’est-à-dire qu’elle refuse la pensée binaire [35]. Sur le plan épistémologique, elle se situe aussi bien contre la primauté du subjectivisme (Febvre) que contre celle de l’objectivisme réducteur. Sur le plan marxiste, elle fait front contre toute forme de réductionnisme et de schématisme. C’est parce que la méthode de Goldmann lui paraît a-historique, et donc réductrice, qu’il s’y oppose. En ne voyant que le structural, elle ne peut saisir les évolutions. Lefebvre plaide pour l’intégration dans l’étude des deux dimensions, de la conscience de classe et de la subjectivité. C’est ainsi qu’on peut repérer que « les idées d’une même classe […] changent au cours de son histoire [36] ».

19Si la direction est assez claire, le choix des cinq auteurs n’est jamais explicité. Lefebvre n’explique clairement ni les raisons de cette sélection, ni les relations que les auteurs en question entretiennent les uns avec les autres. On a du mal à percevoir, dans un premier temps, ce qui peut les réunir. Ils sont tous qualifiés de « génie », « grand homme », « grand écrivain » … Il déclare leur lecture passionnante (contrairement à d’autres tels que Rousseau et Voltaire qu’il juge ennuyeux, moins visionnaires, plus ancrés dans une pensée bourgeoise) et trouver un écho dans la période contemporaine : ils seraient actuels.

20Quels points communs peut-on tenter de dégager à partir de la lecture des ouvrages de Lefebvre ? Premièrement, pour Henri Lefebvre, ils appartiennent tous à une fraction de la bourgeoisie ou de la noblesse, mais leurs œuvres et leur vie sont marquées par la marginalité, l’isolement voire la solitude. Deuxièmement, ces auteurs et leurs œuvres s’inscrivent chacun dans un contexte historique et social particulier : ils s’inscrivent dans des moments historiques précis, qualifiés parfois même de « tournant » à la fois dans l’histoire des étapes de l’avènement de la société bourgeoise et du matérialisme et dans l’histoire de la connaissance. Ce sont des périodes marquées par le bouleversement des rapports sociaux, de transformation de la vie quotidienne … Troisièmement, ce sont donc des hommes de leur temps. Ils sont le reflet de leur époque, mieux, ils « expriment » leur époque [37]. En ce sens, la question classique du « reflet » superstructurel est détournée, car ils sont plus que le simple écho des rapports de production. La plupart d’entre eux sont même capables de voir au-delà de leur époque :

21

« […] l’historien doit montrer comment ces hommes découvrent l’horizon entier de leur classe et de leur temps, invisible et bouché pour les autres ; comment ils vont peut-être même au-delà ; en quoi ils anticipent génialement et font figure de précurseurs. [38] »

22Toutefois, cette capacité à anticiper ce qui va se passer ne signifie pas qu’on peut les considérer comme des visionnaires ou des prophètes. Ils sont aussi limités par leur époque, et il serait erroné de les transporter hors de leur temps, ou de leur « attribuer une vision surhumaine des problèmes ultérieurs, et une conscience claire et distincte — et intemporelle — de ces problèmes [39] ». Il n’y a que le « lecteur moderne » qui a la connaissance du déroulement de l’histoire, et qui bénéficie, de plus, de l’éclairage apporté par les travaux de Marx et des marxistes afin de débrouiller « cet inextricable enchevêtrement » [40].

23L’objectif d’Henri Lefebvre est de « rétablir » ces grandes figures, de « réparer » des « injustices » [41], de leur restituer la place qu’ils devraient avoir, leur vraie place. En un mot, il s’agit de « situer » chacun d’entre eux. En effet, ce sont des auteurs mal appréciés, malmenés, en tout cas mal compris aussi bien par la critique marxiste que par les pensées bourgeoise et universitaire qui ont essayé de les classer, de les ranger dans des cases, de les définir idéologiquement alors qu’ils sont avant tout complexes et contradictoires. Il est donc impossible de les « ranger ». Chacun d’entre eux est un homo duplex selon l’expression qu’utilise Lefebvre à propos de Descartes [42] et de Diderot [43]. Tous ne sont que « contradiction », « paradoxe », « déchirement ». Chez Diderot, « l’artiste et le philosophe tirent chacun de son côté [44] » tandis que « Pascal offre le cas, peut-être unique, d’un homme à l’intérieur duquel les conflits allèrent jusqu’au paroxysme, et qui en eut conscience [45] ». Lefebvre lit Pascal comme un « homme double, homme déchiré », avant d’ajouter plus loin « très double surtout, et déchiré » [46]. Rabelais est un « homme de science autant qu’un grand imaginatif et un grand artiste [47] ». Musset vit une contradiction entre sa réalité sociale et son « âme », dédoublement qu’il projette sur ses personnages de théâtre [48].

24En cela, chacun d’entre eux est très proche de l’homme Lefebvre, auquel on pourrait facilement appliquer la formulation qu’il utilise à propos de Diderot :

25

« Comment épuiser, comment juger sans s’y perdre l’œuvre touffue de ce génie “ondoyant et divers”, contradictoire, parfois inconsciemment, parfois assez consciemment pour masquer ses contradictions, les compenser ou jouer avec elles. [49] »

26On peut se demander si ce n’est pas aussi ce que sous-entend Lucien Goldmann lorsque, évoquant, en 1967, les réserves que peut susciter la pensée de Lefebvre, il affirme que « l’essentiel de ces réserves porte sur le fait que de plus en plus chez lui, le philosophe romantique [prend] le pas sur l’homme de science [50] ». L’accusation de romantisme vise en particulier la part que prend chez Lefebvre la dimension de la subjectivité.

Un programme réflexif : l’accomplissement par le combat avec « l’autre »

27Ces livres sont-ils seulement « le produit d’une conjoncture politique » comme l’écrit Rémi Hess ? Un petit détour par les années 1930 nous montre que ce n’est pas tout à fait le cas. Dans la logique du tournant antifasciste que prend le PCF à partir de 1934, le parti se lance dans une entreprise d’appropriation de l’héritage culturel français de manière à insister sur les éléments les plus « progressistes », « matérialistes » de cette histoire, de façon aussi à insister sur le rôle civilisateur du marxisme et du communisme par opposition à la barbarie nazie. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre, par exemple, la célébration du tricentenaire du Discours de la méthode par le PCF en 1937, mais aussi le lancement, un an plus tôt, au sein des Éditions sociales internationales, d’une collection éditoriale baptisée « Socialisme et culture », dirigée par Georges Friedmann, avec l’objectif de publier des études biographiques sur des grandes figures du matérialisme ou du progressisme. Henri Lefebvre et Norbert Guterman sont contactés dès 1936 pour faire partie des auteurs. Dans la lettre qu’il écrit à Guterman le 31 mars 1936, Lefebvre évoque non seulement cette proposition mais aussi les auteurs sur lesquels il aimerait travailler :

28

« J’aurais voulu faire avec toi un Rabelais, un Diderot ou un Stendhal. Pas moyen. Le Rabelais est donné d’auto [sic] à un grand homme : Lucien Febvre, du Collège de France. Diderot est fait par un Russe (Luitpold ? [sic]). Friedmann ne veut pas Stendhal (qui n’est pas un classique socialiste n’est-ce pas) : il veut que nous fassions un Hegel. [51] »

29En définitive, ils n’écriront pas de Hegel et le Rabelais de Febvre paraîtra en 1947 chez Albin Michel dans la collection « L’évolution de l’humanité » [52]. Entre 1936 et 1939 paraissent dans cette collection plusieurs études de type biographique dont effectivement deux tomes sur Diderot [53]. C’est bien dans cette collection que paraît, en 1939, une étude quasi biographique de Lefebvre : l’ouvrage qu’il consacre à Nietzsche [54].

30La rédaction de cet ouvrage composé d’une longue introduction suivie d’extraits du penseur allemand est vraisemblablement liée de façon conjoncturelle à l’intérêt croissant du PCF pour l’Allemagne et pour le nazisme. D’ailleurs, la brochure de Lefebvre sur le bilan du national-socialisme après cinq ans signale une certaine forme de retour en grâce dans le cercle officiel des intellectuels communistes [55]. Pourtant, si le Nietzsche de Lefebvre paraît bien dans la collection « Socialisme et culture », s’il déclenche d’ailleurs des réactions violentes au sein du Parti, les motivations de Lefebvre semblent être aussi d’une autre nature. Il note ainsi dans La somme et le reste que, « après les grands bains de foule, dans les manifestations du Front Populaire […] j’avais besoin vitalement de fréquenter un penseur solitaire : un philosophe [56] ». Cette idée de besoin nous offre l’accès à une dimension supplémentaire des ouvrages qu’il consacre à ces auteurs, à savoir l’élément affectif, personnel, subjectif, de la confrontation à « l’autre » en relation avec l’idée d’aliénation. Il l’écrit explicitement à propos du livre sur Nietzsche, à savoir que « ce qui se cache dans cette étude et n’est jamais dit, bien que l’allusion parcoure le livre, ce sont mes relations personnelles (subjectives) avec la pensée de Nietzsche, avec sa poésie (subjective) [57] ».

31Si c’est en historien des idées, en sociologue scientifique, c’est-à-dire marxiste, que Lefebvre étudie Descartes, Musset, Pascal et les autres, c’est en philosophe qu’il se confronte à eux. Lorsqu’il décrit la philosophie, il l’évoque comme « une lutte, un combat, un duel acharné : pour aller plus loin en “l’autre” et me changer en lui. Où commence l’aliénation ? Si j’en crois mon expérience, elle commence quand cesse la lutte. [58] » Quand cesse la lutte, ce serait alors la rechute en soi, la fixation en soi. Au contraire, la confrontation est libératrice.

32

« Descartes, Pascal, Diderot, Nietzsche peuvent m’apporter une liberté ou plusieurs libertés. Chacun peut à partir de cette libération m’emprisonner et m’aliéner en moi-même. À un certain moment se passe un événement : connaissance et reconnaissance, reprise, dépassement ou chute. À cet événement je consacre un livre. [59] »

33Le point commun à tous ces auteurs, c’est bien évidemment Lefebvre lui-même, comme auteur et comme homme pour reprendre la formule qu’il utilise à propos de Pascal [60]. Sa philosophie est un sport de combat, de proximité et de distance avec l’autre, avec celui qui est l’objet de la recherche.

34

« Mais moi […] j’ai vécu Pascal ou Nietzsche ; je me suis battu avec eux. J’ai eu des rapports personnels avec eux. Je me suis arraché à leur étreinte ; j’y ai laissé des lambeaux de vêtements et peut-être de chair. J’ai atteint “l’autre” autant qu’il m’était possible. Donc jamais complètement. [61] »

35Où commence alors la perte, la négation de soi ? Quand se produit l’identification, la disparition du moi dans l’autre, quand on se contente de l’autre, au lieu de seulement s’y reconnaître ou, pour reprendre les mots mêmes de Lefebvre, « quand il s’identifie ; quand il coïncide avec l’image ou le concept ; quand il coupe ce qui dépasse (et il y a toujours quelque chose qui dépasse) ; quand il se fixe. Quand il bloque la situation [62] ». Comment se reconnaît-il en eux ? Qu’y voit-il ? Sans doute la figure même de l’homo duplex, double et déchiré. Comme les penseurs qu’il étudie, il est lui-même écartelé, entre surréalisme et philosophie marxiste ; entre les structures orthodoxes du Parti défendant l’idéologie dont il se revendique malgré tout et sa propre orthodoxie. Mais il se sent, et il est, comme eux tous, à la fois coupé en deux sans jamais cesser d’être dans le même temps la somme de ces deux parties. À l’instar du poète-penseur Nietzsche, du savant philosophe Descartes, de l’artiste-philosophe Diderot, du grand artiste et du savant Pascal, du romancier visionnaire et réaliste qu’est Rabelais, du penseur dramaturge et poète Musset, Lefebvre est également savant et poète — comme le montrent en particulier de nombreux passages de La somme et le reste —, un peu romancier si l’on considère l’aide qu’il aurait apportée à la fin des années 1930 à sa compagne d’alors, Henriette Valet, pour la rédaction de son roman Le mauvais temps[63], un peu dramaturge pendant la guerre [64]. La confrontation avec l’intimité déchirée des auteurs qu’il aime et dont il veut restituer la force, l’importance et le dédoublement constitue alors sans doute un miroir qu’il se tend à lui-même pour mieux s’accepter.

36Quel statut faut-il accorder à cet ensemble de textes ? Une passion parallèle, comme une fenêtre dans la carrière de Lefebvre ? Un exercice d’analyse biographique ? Des ouvrages marginaux, mineurs, bien loin des grands textes sur la ville ou la vie quotidienne qui semblent désormais être l’essentiel de la postérité lefebvrienne ?

37Une hypothèse apparaît tentante. Et si l’ensemble des cinq ouvrages était, à côté des « sommes » que représentent Critique de la vie quotidienne, La production de l’espace, De l’État et La somme et le reste, une somme cachée, le « reste des sommes » lefebvriennes, celle consacrée à la « science des idéologies » ? L’expression est de Lefebvre lui-même, dès l’écriture avec Guterman de La conscience mystifiée, paru en 1936. Cet ouvrage n’était pas conçu comme une île, mais comme le premier élément d’un archipel plus vaste intitulé Cinq essais de philosophie matérialiste devant comprendre quatre autre volumes : La conscience privée, Critique de la vie quotidienne, La science des idéologies, Matérialisme et culture[65]. Comme le rappelle Lefebvre lui-même en 1959, dans La somme et le reste, le texte sur la conscience privée ne vit jamais le jour [66]. Dans La conscience mystifiée, l’expression « science des idéologies » est utilisée pour décrire la série entière des essais [67]. C’est ainsi que le comprennent aussi bien Stuart Elden que les chercheurs ayant contribué à la réédition de l’ouvrage en 1999. Pourtant, sur la page de garde de La conscience mystifiée, on peut aussi lire que « la science des idéologies » est un des volumes prévus. Dans des textes ultérieurs, Lefebvre reprend cette expression. Dans le Descartes de 1947, il affirme la nécessité de substituer à l’histoire abstraite de la philosophie la « science des idéologies [68] », dont il précise qu’elle s’esquisse à peine. C’est le nom véritable de cette « science nouvelle » qu’il appelle de ses vœux. On peut se demander si, finalement, l’écriture des cinq ouvrages que nous avons étudiés n’est pas en définitive le texte même, fragmentaire et composite, inachevé et largement implicite, du volume prévu sur la science des idéologies.

Notes

  • [1]
    Voir notamment la critique qu’adresse Pierre Bourdieu à l’histoire classique des idées politiques dans ses cours du Collège de France consacrés à l’État. Pierre Bourdieu, Sur l’État. Cours au Collège de France 1989-1991, Paris, Seuil, 2012, notamment p. 424-426.
  • [2]
    Pierre Bourdieu, Les règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1992.
  • [3]
    Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, (62-63), 1986, p. 69-72. Récemment, deux études sociologiques sur Kafka ont présenté une conception différente des relations entre la vie et l’œuvre de l’auteur : Bernard Lahire, Franz Kafka. Éléments pour une théorie de la création littéraire, Paris, La Découverte, 2010 ; Pascale Casanova, Kafka en colère, Paris, Seuil, 2011.
  • [4]
    Voir Quentin Skinner, Les fondements de la pensée politique moderne, Paris, Albin Michel, 2001 (1re édition britannique 1978) ; John Pocock, Le moment machiavélien, Paris, PUF, 1997 (1re édition américaine 1975).
  • [5]
    L’historien allemand Reinhart Koselleck était le principal représentant de la Begriffsgeschichte. Voir en français Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Éditions de l’EHESS, 1990, et L’expérience de l’histoire, Paris, Gallimard-Le Seuil, coll. « Hautes études », 1997. Voir également Reinhart Koselleck, The Practice of Conceptual History. Timing History, Spacing Concepts, Stanford, Stanford University Press, 2002.
  • [6]
    Là encore, dans le sillage des travaux de Pierre Boudieu : voir notamment Gisèle Sapiro (dir.), L’espace intellectuel en Europe. De la formation des États-nations à la mondialisation, XIXe-XXIe siècles, Paris, La Découverte, 2009 ; Anna Boschetti (dir.), L’espace culturel transnational, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2010 ; Olivier Christin (dir.), Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Paris, Métailié, 2010.
  • [7]
    Les années 1947-1955 sont très riches dans la carrière d’Henri Lefebvre. Au cours de cette période, il publie cinq autres ouvrages : Critique de la vie quotidienne en 1947 (Paris, Grasset), Marx et la liberté la même année (Genève, Éditions des Trois Collines), Le Marxisme, dans la collection « Que sais-je ? », en 1948 (Paris, PUF), Pour connaître la pensée de Karl Marx encore en 1948 (Paris, Bordas), ainsi que Contribution à l’esthétique en 1953 (Paris, Éditions sociales). Dans l’espace des mêmes années, son statut académique se précise. Professeur de philosophie à Toulouse à partir de 1947, il entre au CNRS, au Centre d’études sociologiques en 1948 où il est en détachement jusqu’en 1953, avant d’être à nouveau professeur à Laon, puis réintégré et titularisé au CNRS en octobre 1954. Il soutient sa thèse d’État sur les communautés paysannes pyrénéennes en juin 1954.
  • [8]
    Voir Paul Aron et Alain Viala, Sociologie de la littérature, Paris, PUF, coll. « Que-sais-je ? », 2006 ; voir également l’entrée « Sociologie de la littérature », in Paul Aron, Denis Saint-Jacques et Alain Viala (dir.), Le dictionnaire du Littéraire, Paris, PUF, 2002, p. 559-561 ; Nathalie Heinich, La sociologie de l’art, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2001. Parmi les ouvrages de Robert Escarpit, citons Le littéraire et le social, Paris, Flammarion, 1970. Pour Lucien Goldmann, voir notamment Sociologie du roman, Paris, Gallimard, 1964.
  • [9]
    Stuart Elden, « Certains naissent de façon posthume : la survie d’Henri Lefebvre », Actuel Marx, (36), 2004, p. 181-198, p. 191. Elden oublie l’étude sur Diderot. Voir aussi, plus spécifiquement sur le Rabelais, Stuart Elden, « Through the Eyes of the Fantastic : Lefebvre, Rabelais and Intellectual History », Historical Materialism, 10(4), décembre 2002, p. 89-111, ainsi que Christine Delory-Momberger, « La littérature au risque du matérialisme historique … et à la lumière de Henri Lefebvre », in Henri Lefebvre, Rabelais, Paris, Anthropos, 2001, p. 20-28.
  • [10]
    Rémi Hess, Henri Lefebvre et l’aventure du siècle, Paris, Métailié, 1988, p. 141.
  • [11]
    Henri Lefebvre, Descartes, Paris, Éditions Hier et aujourd’hui, p. 12.
  • [12]
    Ibidem, p. 14.
  • [13]
    Henri Lefebvre, Pascal, tome II, Paris, Nagel, 1954, p. 9.
  • [14]
    Ibidem, p. 10.
  • [15]
    Henri Lefebvre, Descartes, op. cit., p. 52.
  • [16]
    Henri Lefebvre, Rabelais, Paris, Éditions Hier et aujourd’hui, 1955, p. 16. Voir aussi p. 108.
  • [17]
    Ibidem, p. 22.
  • [18]
    Ibid., p. 16.
  • [19]
    Henri Lefebvre, Descartes, op. cit., p. 50.
  • [20]
    Ibidem, p. 47.
  • [21]
    Ibid., p. 306.
  • [22]
    Henri Lefebvre, Rabelais, op. cit., p. 81 et 245.
  • [23]
    Henri Lefebvre, Musset, Paris, L’Arche, 1955, p. 23 et 24.
  • [24]
    Henri Lefebvre, La somme et le reste, tome II, Paris, La Nef de Paris Éditions, 1959, p. 504.
  • [25]
    Michel Trebitsch, « Préface », in Henri Lefebvre, Critique of Everyday Life. Volume I. Introduction, traduction anglaise, Londres, Verso, 1991, p. IX-XXVIII. Texte français disponible sur le site de l’IHTP à l’adresse suivante : http://www.ihtp.cnrs.fr/Trebitsch/pref_lefebvre1_MT.html
  • [26]
    Cécile Angrand et Roger Garaudy, Cours de philosophie. Les origines françaises du matérialisme, Paris, Éditions sociales, 1946.
  • [27]
    Henri Lefebvre, La somme et le reste, tome II, op. cit., p. 504.
  • [28]
    Michel Trébitsch, « Henri Lefebvre et le “Don Juan de la connaissance” », in Henri Lefebvre, Nietzsche, Paris, Syllepse, 2003 (1re édition 1939), p. 5-25, p. 19. De manière plus générale, voir aussi Michel Trébitsch, « Correspondances d’intellectuels. Le cas des lettres d’Henri Lefebvre à Norbert Guterman (1935-1947), in Nicole Racine et Michel Trébitsch (dir.), « Sociabilités intellectuelles. Lieux, milieux, réseaux », Cahiers de l’IHTP, (20), mars 1992, p. 70-84.
  • [29]
    Lucien Goldmann, « Matérialisme dialectique et histoire de la philosophie », Revue philosophique, (4-6), 1948.
  • [30]
    Henri Lefebvre, Pascal, tome II, op. cit., p. 45-51.
  • [31]
    Blaise Pascal, l’homme et l’œuvre, Paris, Éditions de Minuit, 1956.
  • [32]
    Henri Lefebvre, La somme et le reste, tome II, op. cit., p. 559-573.
  • [33]
    Ibidem, p. 562.
  • [34]
    Ibid., p. 560-561.
  • [35]
    Immanuel Wallerstein, The Uncertainties of Knowledge, Philadelphie, Temple University Press, 2004. Voir aussi Stéphane Lupasco, Le principe d’antagonisme et la logique de l’énergie, Monaco, Éditions du Rocher, 1987 (1re éd. Herman, 1951). Lupasco utilise la notion de « tiers inclus ».
  • [36]
    Henri Lefebvre, La somme et le reste, tome II, op. cit., p. 565-566.
  • [37]
    Henri Lefebvre, Rabelais, op. cit., p. 29.
  • [38]
    Henri Lefebvre, Pascal, tome II, op. cit., p. 14.
  • [39]
    Henri Lefebvre, Descartes, op. cit., p. 172.
  • [40]
    Henri Lefebvre, Diderot, op. cit., p. 176.
  • [41]
    Ibidem, p. 28.
  • [42]
    Henri Lefebvre, Descartes, op. cit., p. 173.
  • [43]
    Henri Lefebvre, Diderot, op. cit., p. 232.
  • [44]
    Ibidem, p. 232. Voir aussi p. 247.
  • [45]
    Henri Lefebvre, Pascal, tome II, op. cit., p. 18.
  • [46]
    Henri Lefebvre, Pascal, tome I, op. cit., respectivement p. 161 et p. 170.
  • [47]
    Henri Lefebvre, Rabelais, op. cit., p. 141.
  • [48]
    Henri Lefebvre, Musset, op. cit., p. 39 et p. 74-77.
  • [49]
    Henri Lefebvre, Diderot, op. cit., p. 303.
  • [50]
    Henri Lefebvre, « De la littérature et de l’art modernes considérés comme processus de destruction et d’auto-destruction de l’art », in Littérature et société. Problèmes de méthodologie en sociologie de la littérature, Bruxelles, Éditions de l’Institut de sociologie, 1967, p. 111-126, citation p. 119. Il s’agit des actes d’un colloque organisé à l’Institut de sociologie de l’université libre de Bruxelles du 21 au 23 mai 1964.
  • [51]
    Lettre de Henri Lefebvre à Norbert Guterman, 31 mars 1936, citée in Michel Trebitsch, « Henri Lefebvre et le “Don Juan de la connaissance” », art. cit., p. 8.
  • [52]
    Lucien Febvre, Le problème de l’incroyance au XVIe siècle. La religion de Rabelais, Paris, Albin Michel, 1947.
  • [53]
    Ivan Kapitonovitch Luppol, Diderot. Ses idées philosophiques, Paris, Éditions sociales internationales, coll. « Socialisme et culture », 1936 ; Jean Cassou, Cervantès, Paris, Éditions sociales internationales, coll. « Socialisme et culture », 1936 ; Paul Nizan, Les Matérialistes de l’Antiquité. Démocrite, Épicure, Lucrèce, Paris, Éditions sociales internationales, coll. « Socialisme et culture », 1936 ; Armand Cuvillier, Proudhon, Éditions sociales internationales, coll. « Socialisme et culture », 1937 ; Félix Armand et René Maublanc, Fourier, Paris, Éditions sociales internationales, coll. « Socialisme et culture », 2 tomes, 1937 ; Marcel Prenant, Darwin, Paris, Éditions sociales internationales, coll. « Socialisme et culture », 1938 ; Henri Mougin, Pierre Leroux, Paris, Éditions sociales internationales, coll. « Socialisme et culture », 1938 ; Jean Luc, Diderot, T. II L’artiste et le philosophe, Paris, Éditions sociales internationales, coll. « Socialisme et culture », 1938 ; Edmond Vermeil, Henri Heine, ses vues sur l’Allemagne et les révolutions européennes, Paris, Éditions sociales internationales, coll. « Socialisme et culture », 1939.
  • [54]
    Henri Lefebvre, Nietzsche, Paris, Éditions sociales internationales, coll. « Socialisme et culture », 1939.
  • [55]
    Henri Lefebvre, Hitler au pouvoir. Bilan de cinq années de fascisme en Allemagne, Paris, Bureau d’éditions, 1938.
  • [56]
    Henri Lefebvre, La somme et le reste, tome II, op. cit., p. 467.
  • [57]
    Ibidem, p. 472.
  • [58]
    Ibid., p. 475.
  • [59]
    Ibid.
  • [60]
    « Qu’apporte donc la lecture des Pensées ? Nous y rencontrons, non pas tant un philosophe qu’un auteur, mais un auteur qui est un homme », in Henri Lefebvre, Pascal, tome II, op. cit., p. 235.
  • [61]
    Henri Lefebvre, La somme et le reste, tome II, op. cit., p. 476.
  • [62]
    Ibidem, p. 475. Difficile de ne pas songer à ce que Lefebvre écrit en 1954 à propos de Pascal, estimant qu’il n’y a « rien de plus contraire à l’objectivité approfondie que de ranger une œuvre et une pensée géniales dans des cadres préétablis, en coupant ce qui dépasse », in Henri Lefebvre, Pascal, tome II, op. cit., p. 14.
  • [63]
    Henriette Valet, Le mauvais temps, Paris, Grasset, 1937.
  • [64]
    Voir Michel Trebitsch, « Correspondances d’intellectuels », art. cit., Trébitsch se trompe néanmoins sur le titre du roman d’Henriette Valet, qu’il nomme Le temps des méprises.
  • [65]
    Sur ce point, voir Rémi Hess, Henri Lefebvre et l’aventure du siècle, op. cit., p. 95, ainsi que Michel Trebitsch, « Henri Lefebvre et le “Don Juan de la connaissance” », art. cit., p. 19.
  • [66]
    Henri Lefebvre, La somme et le reste, tome II, op. cit., p. 555-558.
  • [67]
    Norbert Guterman et Henri Lefebvre, La conscience mystifiée, Paris, Gallimard, 1936, p. 70.
  • [68]
    Henri Lefebvre, Descartes, op. cit., p. 14. Voir aussi p. 22 où il propose l’équation entre « histoire sociale des idées » et « science des idéologies ».
Français

Entre la fin des années 1940 et la fin des années 1950, le sociologue Henri Lefebvre rédige cinq études biographiques sur des auteurs français (Descartes, Rabelais, Diderot, Pascal et Musset). Ce pan largement méconnu de son œuvre peut être compris dans son unité, et selon une triple logique. Il s’agit d’une approche épistémologique, celle de l’histoire sociale des idées, permettant de rendre compte des relations complexes entre les auteurs et leur époque. Ces écrits relèvent aussi d’une logique politique, par laquelle Lefebvre exprime sa différence par rapport au jdanovisme du Parti communiste français. Enfin, le caractère dual, voire déchiré, de chacun de ces auteurs, est un reflet dans lequel l’homme Lefebvre peut se reconnaître.

Valérie Foucher-Dufoix
École nationale supérieure d’Architecture Paris-Belleville (LAA-LAVUE)
Stéphane Dufoix
Université Paris-Ouest Nanterre (Sophiapol)
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Mis en ligne sur Cairn.info le 29/04/2013
https://doi.org/10.3917/lhs.185.0133
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