CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Entretien des cours d’eau

Inondation de parcelles cultivées ayant entraîné une perte de récoltes – Défaut d’entretien du cours d’eau allégué à l’encontre de l’Etat, d’un syndicat mixte et d’une association syndicale constituée d’office – Existence d’une contre-pente sur le cours d’eau et d’une configuration favorable au freinage de l’écoulement des eaux – Risque d’importantes répercussions écologiques en cas de modification du régime des eaux – Champ d’expansion traditionnelle des crues – Absence de preuve établie que des travaux de curage du cours d’eau auraient permis de supprimer ou de limiter les inondations – Cause déterminante du préjudice à rechercher dans l’humidité excessive des terrains inondés de façon récurrente – Absence de lien entre une prétendue carence des personnes publiques mises en cause et l’inondation – Absence de lien direct et certain entre le défaut d’entretien du lit du cours d’eau et les chefs de préjudice dont il est réclamé indemnisation.

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« Considérant (...) que la société civile d’exploitation agricole (SCEA) Petit qui exerce une activité de pépiniériste, cultive des greffons de vigne en vue de leur revente sur les parcelles (...) situées en bordure de la Seudre qui est un cours d’eau non domanial ; qu’au printemps de l’année 2008, la conjonction d’un épisode de pluviosité exceptionnelle et d’une crue de la Seudre a entraîné la perte d’une grande partie des greffons plantés ; que la SCEA Petit, qui estime que cette perte résulte des fautes commises par l’Etat, le syndicat mixte de l’Union des marais de la Charente-Maritime (UNIMA), l’association syndicale constituée d’office de marais de la Haute-Seudre (ASCO) et le syndicat intercommunal d’aménagement hydraulique du bassin de la Seudre et de ses affluents (SIAHBSA) en n’entretenant pas suffisamment le lit de la Seudre, demande leur condamnation solidaire (...), en réparation des différents chefs de préjudice qu’elle allègue avoir subis du fait de ce sinistre et du préjudice moral subi par son gérant ;
Considérant qu’il n’est pas établi que les travaux que la SCEA Petit reproche à l’Etat, à l’UNIMA, à l’ASCO et au SIAHBSA de ne pas avoir réalisés en temps utile auraient permis de supprimer ou de diminuer l’impact des inondations de la Seudre sur la zone dans laquelle la SCEA Petit exploite les parcelles susmentionnées, compte tenu, d’une part, de l’existence d’une contre-pente de la Seudre sur le tronçon de ce cours d’eau se situant entre le pont de Saint-André de Lidon et le pont de Cravans et, d’autre part, de l’existence en aval de cette zone d’un seuil rocheux freinant naturellement et indépendamment de tout envasement et de tout embâcle ou atterrissement, l’écoulement des eaux ; qu’en revanche, il résulte de l’instruction que les terrains qu’exploite la SCEA Petit se situent au voisinage immédiat d’un secteur à forts enjeux environnementaux comprenant notamment la zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique de type 1 n˚ 699 dite du “Bois mou” dans laquelle toute modification du régime d’écoulement des eaux de la Seudre est susceptible d’avoir d’importantes répercussions écologiques ; que le secteur de ce cours d’eau se trouvant en amont du pont de Saint-André de Lidon constitue, de surcroît, un champ d’expansion traditionnelle des crues de la Seudre permettant naturellement d’atténuer l’impact des crues de cette dernière sur la zone inondable urbanisée de Saujon située en aval de ce secteur ; que, dans ces conditions, et alors même qu’au mois de septembre 2005, l’Etat, l’UNIMA, l’ASCO et le SIAHBSA n’étaient pas sans ignorer l’état d’envasement significatif de la Seudre et les conséquences aggravantes, en matière d’inondations, que pouvait entraîner cet envasement sur les terres agricoles situées à l’amont de Saint-André de Lidon, ils n’ont commis aucune faute en ne réalisant pas immédiatement des travaux de curage de ce cours d’eau qui pouvaient perturber l’équilibre du bassin versant de la Seudre dans son ensemble sans pour autant présenter aucune garantie de succès en matière de lutte contre les inondations et qui, en toute hypothèse, supposaient au préalable le montage d’un dossier complexe d’autorisation ou de déclaration de travaux au titre du Code de l’environnement ;
Considérant (...) que, dès lors qu’il n’est pas établi que, compte tenu du profil géologique et hydrologique de la Seudre, des travaux de curage de ce cours d’eau auraient permis de supprimer ou de limiter les inondations, il n’existe aucun lien certain entre la prétendue carence de l’Etat, de L’UNIMA, de l’ASCO ou du SIAHBSA dans la réalisation de ces travaux et l’inondation à laquelle la SCEA Petit impute les différents chefs de préjudice dont elle réclame l’indemnisation ; qu’en outre, (...) que la cause déterminante de ces différents chefs de préjudice n’est pas l’inondation des parcelles qu’exploite la société requérante, laquelle survient quasiment chaque année sans que l’intéressée se plaigne à ce titre d’un quelconque préjudice d’exploitation, mais de l’humidité excessive de ces terrains, entretenue par les fortes précipitations enregistrées au cours des mois de mars à juin de l’année 2008 qui ont représenté plus du double des chutes de pluie constatées en moyenne au cours des quarante années précédentes ; qu’il n’existe ainsi, en toute hypothèse, aucun lien direct et certain entre le défaut d’entretien du lit de la Seudre qu’invoque la société requérante et les différents chefs de préjudice dont elle réclame l’indemnisation. »
TA Poitiers, 9 juin 2011, SCEA Petit c/ Préfet de la Charente-Maritime et autres, n˚ 1000121.

2Si aux termes de l’article L. 215-14 du Code de l’environnement disposant que le propriétaire riverain d’un cours d’eau non domanial est tenu à un entretien régulier, en vue notamment de permettre l’écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique, on aurait pu dès lors admettre que le pépiniériste riverain avait lui-même contribué, en n’entretenant pas le cours d’eau au droit de sa propriété, à la production du dommage dont il réclame réparation…

3Toutefois, tel n’est pas la démarche qu’a pu retenir le Tribunal du fait de la qualité de locataire du requérant, pour écarter la responsabilité des personnes publiques (l’Etat au titre d’une éventuelle carence en matière de police de l’eau, le syndicat mixte, l’association syndicale forcée et le syndicat intercommunal pour un défaut de gestion) auxquelles la SCEA imputait le préjudice subi pour la destruction des plants consécutive à l’inondation.

4Alors que, dans la plupart des cas, le juge n’hésite pas à retenir dans ce type d’affaire la responsabilité conjointe de l’Etat pour carence dans l’exercice de ses pouvoirs de police de l’eau et des organismes chargés de la gestion du cours d’eau et, de ce fait, de leur entretien par substitution aux propriétaires défaillants généralement dans le cadre d’une procédure de déclaration d’intérêt général (art. L. 211-7 du Code de l’environnement), en l’occurrence il a pris en compte, pour écarter ces responsabilités, l’ensemble des paramètres particuliers à la zone considérée, au nombre desquels un épisode de pluviomètrie exceptionnel (mais toutefois non qualifié d’épisode de force majeure), l’existence d’une contre-pente sur le tronçon considéré de cours d’eau, la faible capacité d’écoulement des eaux du fait de la présence d’un seuil rocheux, l’interdépendance avec une zone à fort enjeux environnementaux requérant ce type d’écoulement lent, le choix d’y maintenir une zone d’expansion traditionnelle des crues pour préserver une zone urbanisée des inondations…

5Dès lors, une opération d’entretien dans un milieu aussi particulier tant du point de vue hydrologique qu’écologique ne pouvait que se transformer en une opération d’entretien non plus au titre de l’article L. 215-14 du Code de l’environnement, mais nécessitait en fonction de l’importance de la quantité des sédiments extraits une déclaration ou une autorisation (rubrique 3.2.1.0 annexée à l’art. R. 214-1 du même code).

Périmètres de protection

Caractère indivisible de la déclaration d’utilité publique et de la décision portant autorisation sanitaire de distribuer l’eau à la consommation humaine – Absence de considération concernant l’utilisation de l’eau en vue de la consommation humaine – Défaut de motivation de l’arrêté (oui).

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« Considérant (…) que la déclaration d’utilité publique prise pour déterminer les périmètres de protection prévus à l’article L. 1321-2 du Code de la santé publique est indivisible de la décision portant autorisation sanitaire de distribuer de l’eau, d’autre part, que la décision intervenant sur leur fondement doit être motivée ;
Considérant qu’il suit de là que les dispositions de l’arrêté attaqué qui, d’une part, portent autorisation sanitaire de distribuer de l’eau et, d’autre part, déclarent d’utilité publique la dérivation des eaux souterraines et l’extension des périmètres de protection existants autour des captages de la communauté d’agglomération de Charleville-Mézières situés sur son territoire, sont indivisibles ;
Considérant qu’il ressort de la rédaction des motifs même dudit arrêté que (…), il n’apparaît aucune considération relative à l’autorisation de l’utilisation d’eau en vue de la consommation humaine ; qu’ainsi l’arrêté attaqué est insuffisamment motivé (…). »
TA Châlons-en-Champagne, 17 novembre 2011, n° 0801854.

Servitude portant interdiction de maraîchage dans un périmètre de protection rapprochée recouvrant une partie du lit majeur d’un cours d’eau – Nécessité de protéger le réservoir aquifère – Absence d’incidence de l’avis du commissaire-enquêteur favorable au maintien du maraîchage sur la zone considérée – Compétence liée du préfet par rapport à l’avis du commissaire-enquêteur (non) – Légalité de l’interdiction de cette activité dans le périmètre de protection rapprochée (oui).

7

« Considérant (…) que le préfet des Vosges a déclaré d’utilité publique les travaux d’aménagement des puits des Iles et des Haillotes sur le territoire de la commune de Charmes, a autorisé la dérivation des eaux souterraines pour l’alimentation de ces points de captage, a fixé les périmètres de protection autour de ces mêmes points et a autorisé l’utilisation des eaux qui en sont issues pour la consommation humaine ; que deux périmètres de protection ont été définis : un périmètre de protection immédiate et un périmètre de protection rapprochée (…) l’institution du périmètre de protection rapprochée recouvre la zone du lit majeur de la Moselle (…) ; que l’aire ainsi délimitée englobe la parcelle ZD n° 69 exploitée par M. Menzin en tant que producteur de pommes de terre, parcelle jouxtant elle-même un périmètre de protection immédiate ;
Considérant que la servitude de protection rapprochée ainsi créée a pour finalité de protéger les points d’eau vis-à-vis de la migration de substances polluantes et le réservoir aquifère de toutes dégradations physiques ; qu’il ressort de l’annexe 3 « tableau de servitudes particulières » de l’avis de l’hydrogéologue, régulièrement rendu en avril 2005, qu’elle préconise, pour la servitude de protection rapprochée, l’interdiction des maraîchages, serres, pépinières ; que, dans ces conditions, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet des Vosges, qui n’était pas lié par l’avis favorable rendu par le commissaire-enquêteur tendant au maintien de l’activité de production de pommes de terre sur la parcelle ZD 69, et qui n’avait pas à reconsulter l’hydrogéologue sur ce point, a pu légalement interdire de telles activités dans le périmètre dont il s’agit (…). »
CAA Nancy, 15 décembre 2011, M. Menzin, n° 11NC00301.

Inclusion pour partie d’une parcelle agricole destinée à l’élevage dans le périmètre de protection rapprochée – Absence de pollution des eaux alléguée du fait du caractère récent de cette activité – Caractère indifférent de cette allégation – Erreur d’appréciation du préfet (non) – Légalité de l’inclusion de la parcelle dans le périmètre de protection rapprochée (oui).

8

« Considérant que la commune de Saint-Julien des Points est alimentée en eau potable par le captage de Nogaret, (…) ; qu’une procédure de mise en conformité de captage a débuté en septembre 2007 ; que le préfet de la Lozère a alors délimité, par un arrêté en date du 12 avril 2010, un périmètre de protection rapprochée ; que ce périmètre inclut une parcelle cadastrée A 622 sur la commune de Saint-Julien des Points appartenant à Mme Foubet et à M. Bognon ; que les requérants ne contestent pas l’utilité publique de la protection rapprochée du captage, mais font valoir que le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation en incluant dans le périmètre de protection rapprochée la parcelle A 622 ;
Considérant (…) qu’il ressort clairement du rapport final de l’hydrogéologue agréé, établi après une nouvelle visite sur place, que cette parcelle doit, au moins dans sa partie délimitée dans la zone 1, rester dans le périmètre de protection rapprochée, alors que les prescriptions imposées dans la zone 2 permettent de tolérer l’exploitation de l’élevage ; que, d’autre part, la détermination d’un périmètre de protection rapprochée ayant pour objet la prévention de la pollution d’un captage, la circonstance que les activités d’élevage pratiquées jusqu’alors sur cette parcelle – au demeurant récentes – n’ont pas compromis la qualité des eaux n’est pas de nature à caractériser une erreur manifeste d’appréciation ; que le moyen tiré de l’existence d’une telle erreur doit dès lors être écarté. »
TA Nîmes, 10 novembre 2011, Mme Foubet et M. Bognon, n° 1101589.

Inclusion dans le périmètre de protection de sources de parcelles situées en contrebas du point de captage – Nature karstique du terrain – Légalité de l’inclusion (oui).

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Considérant que (…), le préfet des Vosges a déclaré d’utilité publique les travaux de prélèvement et de dérivation des eaux des sources de la Dière et de Bugney et les périmètres de protection des sources de la Dière et de Bugney, régularisé la déclaration de prélèvement d’eau souterraine de ces deux sources et autorisé à continuer à utiliser l’eau de ces sources pour la consommation humaine (…) ;
Considérant (…) qu’eu égard à la nature karstique du terrain, à la complexité de la circulation souterraine des eaux, l’arrêté en cause, en incluant dans le périmètre de protection des parcelles situées certes en contrebas mais très proches du point de captage des sources, ne peut être regardé comme portant sur une surface plus importante que celle nécessaire ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, l’inclusion des parcelles dont il est propriétaire dans les périmètres de protection des sources a donc pu être légalement déclarée d’utilité publique. »
TA Nancy, 20 décembre 2011, M. Grivois, n° 1002264.

10Sans s’y référer de manière explicite et dès qu’il s’agit de sécurité alimentaire, l’administration intègre à ses décisions de manière innommée un principe de précaution, par exemple en interdisant le maraîchage, grand utilisateur de substances polluantes, dans le périmètre de protection rapprochée et allant de ce fait au-delà de l’avis du commissaire-enquêteur qui l’y avait maintenu ou encore en incluant dans le périmètre de protection des parcelles, fussent-elles situées en contrebas du captage, mais dans une zone karstique, sujette comme toute géologie de cette nature à recéler des failles susceptibles d’engendrer des écoulements aléatoires.

11L’administration est en cela suivie par le juge, qui par ailleurs n’omet pas l’importance de rappeler dans la déclaration d’utilité publique la finalité de celle-ci, qui est en l’occurrence l’utilisation de l’eau protégée et captée pour la consommation humaine, la DUP étant indivisible de la décision portant autorisation, au titre de la police sanitaire, de distribuer l’eau pour la consommation humaine.

Planification

Création d’un plan d’eau – Caractère fondé en titre (non) – Soumission à autorisation selon le régime du droit commun (oui) – Refus de l’autorisation – Incompatibilité avec le SDAGE et la charte d’un parc national régional – Légalité du refus (oui).

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« Considérant (…) que si Mme Werner se prévaut de l’existence d’un étang depuis la fin du XVIIe siècle, qui figurerait sur la carte de Cassini, et qui aurait été vidé au début des années 1900, elle ne l’établit pas ; que, par suite, l’étang ne pouvant être regardé, en tout état de cause, comme fondé en titre et réputé autorisé en application de l’article L. 214-6 du Code de l’environnement, sa création était soumise à autorisation dans les conditions de droit commun ; qu’en conséquence, c’est à bon droit que le préfet de la Moselle a soumis la demande de Mme Werner à la procédure d’autorisation ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 212-1 du Code l’environnement : “(…). – Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l’eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux.” ; que le SDAGE Rhin-Meuse énonce en son article B6.2 intitulé “Organiser la gestion et définir les objectifs de restauration des cours d’eau et des plans d’eau”, qu’il faut “maîtriser la création de plans d’eau pour éviter les nuisances que provoque leur multiplication (difficulté de gérer les débits, risques sanitaires, réchauffement des eaux, obstacles à la circulation des poissons, envasement de frayères…)” ; qu’en outre, en vertu de la charte du PNRVN : “compte tenu du nombre extrêmement important des étangs dans les Vosges du Nord, la création d’étangs en communication amont avec un cours d’eau de première catégorie piscicole devra être fortement dissuadée” ; qu’il s’ensuit que c’est à bon droit et sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le préfet de la Moselle a refusé d’autoriser la création de l’étang demandée par Mme Werner, en se fondant sur son incompatibilité avec la charte du PNRVN et le SDAGE Rhin-Meuse (…). »
TA Strasbourg, 19 octobre 2011, Mme Werner, M. Werner, n° 080229.

13Pour refuser une demande de création d’étang dont le caractère fondé en titre n’a pu être prouvé par le propriétaire, le préfet s’appuie par synergie à la fois sur les dispositions du SDAGE préconisant la maîtrise de la création des plans d’eau pour éviter les nuisances provoquées par leur multiplication et sur la charte d’un plan parc naturel régional préconisant de dissuader fortement la création d’étangs en communication en amont avec un cours d’eau de première catégorie.

Responsabilité

Insuffisance du réseau des eaux pluviales de la commune – Dommages causés à un immeuble – Dommages de travaux publics – Responsabilité du fermier gestionnaire du réseau (non) – Responsabilité de la commune maître d’ouvrage du réseau (oui).

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« Considérant (…) que le service de l’assainissement sur le territoire de la commune de Chauconin-Neufmontiers a été confié à la société Compagnie générale des Eaux, à laquelle a succédé la société Veolia Eau-Compagnie générale des eaux, par un traité d’affermage, (…) ; que ce service comprend la surveillance, le fonctionnement et l’entretien des canalisations destinées à la collecte et à l’évacuation des eaux pluviales et des eaux usées ; que la société Veolia Eau-Compagnie générale des eaux ayant en sa qualité de fermier reçu délégation de la seule exploitation de l’ouvrage, sa responsabilité ne peut être recherchée qu’au titre de cette exploitation, la commune de Chauconin-Neufmontiers demeurant responsable des dommages aux tiers imputables à l’existence de l’ouvrage, à sa nature et à son dimensionnement, dès lors qu’il ne résulte pas des contrats d’affermage précités qu’ils comportent des stipulations contraires ;
Considérant (…) que les inondations ayant affecté l’immeuble des époux A ont pour cause l’insuffisance de capacité des collecteurs d’eaux pluviales situés sous les rues (…) ; que l’expert explique que les eaux du ru du (…), rivière qui collecte les eaux de ruissellement d’un important bassin versant d’environ 157 hectares, qui se déversaient autrefois directement dans le ru (…), sont désormais collectées avant de rejoindre ce dernier cours d’eau, ainsi que, depuis l’urbanisation de ce secteur, les eaux d’autres rues recueillies en amont du carrefour des rues (…), dans des canalisations de diamètre 300 ; qu’il relève que la capacité d’absorption d’un collecteur de ce diamètre est insuffisante pour le débit de pointe des eaux lors de précipitations abondantes et indique que le réseau n’étant dans ce cas pas en mesure d’absorber les volumes d’eau, ceux-ci se déchargent dans la cour commune dans laquelle l’immeuble des époux A se situe ; que l’expert estime qu’une partie des eaux de la cour, lors des précipitations en cause, s’est infiltrée dans le sol pour rejoindre la nappe phréatique passant à 1 mètre sous l’immeuble des époux A et a entraîné les parties fines contenues dans les remblais supportant l’immeuble, diminuant la compacité de ces derniers et provoquant un tassement différentiel à l’origine des fissures constatées ; que dès lors qu’il est ainsi établi que les inondations dont ont été victimes les époux A proviennent exclusivement du sous-dimensionnement des réseaux collectifs, c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que ces derniers, tiers par rapport à l’ouvrage public, ne pouvaient rechercher que la responsabilité de la seule commune sur le fondement de la responsabilité sans faute, et non celle de la société délégataire. »
CAA Paris, 20 octobre 2011, M. Mme A. c/ Commune de Chauconin-Neufmontiers, n° 10PA5691.

Prolifération d’algues vertes sur le littoral breton – Obligation pour les maires des communes littorales d’en prendre en charge le ramassage – Augmentation des coûts financiers consécutive à l’augmentation des quantités d’algues – Aide compensatoire accordée par l’Etat – Requête en référé provision des communes pour la prise en charge par l’Etat des coûts supplémentaires – Condamnation de l’Etat dans une affaire distincte à indemniser le préjudice moral subi par des associations luttant en faveur de la protection de l’environnement pour carence fautive dans l’exercice de la police des installations classées et dans la lutte contre les nitrates d’origine agricole – Communes non parties à l’instance – Impossibilité pour elles de se prévaloir de la condamnation de l’Etat pour établir l’existence des créances dont elles se prévalent – Rejet.

15

« Considérant, que les maires des communes littorales doivent prendre en charge, au titre de leur pouvoir de police, le ramassage et l’évacuation des algues échouées sur le rivage de leur territoire ; que, par convention du 15 avril 2010, les communes de Tréduder, de Trédrez-Locquémeau, de Plestin-les-Grèves et de Saint-Michel-en-Grève ont délégué la mise en œuvre de cette compétence à la communauté d’agglomération Lannion-Trégor Agglomération, tout en supportant le coût final desdites opérations ; que l’augmentation progressive de la masse d’ulves, dites “algues vertes”, ces dernières années a engendré, pour les communes, une hausse considérable du coût de leur ramassage et de leur traitement ; que, face à ce constat, l’Etat a d’abord établi un plan de lutte contre les algues vertes, publié le 5 février 2010, afin de financer les dépenses engagées par les collectivités territoriales exposées à ce phénomène, puis octroyer une subvention de 279 928 € à la communauté de Lannion-Trégor Agglomération, par décision du préfet des Côtes d’Armor en date du 7 décembre 2010, à titre de compensation des dépenses liées au traitement des algues vertes par ladite communauté d’agglomération pour l’année 2010 ; que, toutefois, cette aide ne couvrant pas la totalité des dépenses engagées par celles-ci, les communes de Tréduder, de Trédrez-Locquémeau, de Plestin-les-Grèves et de Saint-Michel-en-Grève demandent au Tribunal de condamner l’Etat à leur verser respectivement les sommes de 9 930 €, 15 742 €, 72 074 € et 25 186 € à titre de provision, en raison du préjudice qu’elles allèguent avoir subi du fait du coût excessif de la prise en charge du transport et du ramassage des ulves resté à leur charge pour l’année 2010 ;
Considérant que pour demander la condamnation de l’Etat à leur verser une provision représentant le coût du ramassage et du transport des algues vertes resté à leur charge en 2010, les communes requérantes se fondent principalement sur l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt en date du 1er décembre 2009 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a, dans l’instance n° 07NT03775, condamné l’Etat à indemniser des associations luttant en faveur de la protection de l’environnement, sur le fondement de sa carence fautive dans l’application des réglementations nationales et européennes relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement et à la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole ; que cependant les présentes requêtes, qui tendent au versement d’une provision relative aux dépenses que les communes requérantes ont dû supporter en 2010 pour le ramassage et le transport des ulves échouées en baie de Lannion, présentent un objet distinct de celui sur lequel il a été statué par l’arrêt susmentionné, qui concernait la réparation du préjudice moral résultant pour lesdites associations de la prolifération des algues vertes dans les baies de Saint-Brieuc, Lannion et Douarnenez ; qu’en outre, lesdites communes n’étaient pas parties à cette instance et ne sauraient, dès lors, valablement se fonder sur cette décision pour établir que l’existence des créances dont elles se prévalent n’est pas sérieusement contestable ; que, dans ces conditions, les demandes de provision présentées par les communes requérantes doivent être rejetées. »
TA Rennes, 23 janvier 2011, Communes de Tréduder, Trédrez-Locquémeau, Plestin-les-Grèves, Saint-Michel-en-Grève, nos 1101991, 1101993, 1101995, 1101998.

16Dans le cas d’une délégation de service public limitée à l’exploitation de l’ouvrage (par exemple un affermage comme en l’espèce), la responsabilité des dommages imputables à l’existence, à la nature ou au dimensionnement de celui-ci, pèse sur la seule personne publique délégante alors que la responsabilité du fait des dommages imputables à son fonctionnement relève, sauf stipulation contraire, du délégataire.

17En revanche, dans le cas d’une concession d’ouvrage public, c’est-à-dire de la délégation de sa construction et de son fonctionnement, la seule responsabilité incombe au concessionnaire pour des dommages qui viendraient à être causés à des tiers, sauf insolvabilité de celui-ci.

18S’agissant des algues vertes, la cour administrative d’appel de Nantes, 1er décembre 2009 sur requête d’associations de protection de l’environnement (arrêt n° 07NT03775, voir RJE, n° 3/2010, p. 537) avait conclu à la responsabilité de l’Etat quant à leur prolifération sur le littoral breton, sur le fondement de sa carence fautive dans la mise en œuvre des réglementations nationales et européennes sur les installations classées pour la protection de l’environnement et à la protection des eaux contre la pollution.

19En revanche, est rejeté le référé provisoire introduit par des communes littorales sur le fondement du même arrêt pour obtenir le remboursement du surplus des dépenses engagées pour en assurer le ramassage de quantités d’algues croissantes, ramassage auquel elles sont tenues au titre de la police générale de la salubrité et de la sécurité. En effet, d’une part, leur requête présente un objet distinct de celui sur lequel la cour administrative d’appel de Nantes a statué qui concernait le préjudice moral subi par des associations, d’autre part, les mêmes communes n’étaient pas parties à l’instance.

Risques naturels

Aménagement en vue de la protection d’une zone urbanisée contre les inondations – Opération impliquant la mise en œuvre d’une DIG, d’une DUP et d’une autorisation au titre de la police de l’eau – Suffisance de l’étude d’impact (oui) – Obligation au titre de la Charte de l’environnement que le public soit associé à la décision finale (non) – Suffisance de la déclaration du projet (oui) – Utilité publique du projet (oui).

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« Considérant (…) que l’étude d’impact (…) comporte les analyses prescrites (…) envisage particulièrement deux scénarios : le scénario type crue 2003 et le scénario 6 de crue, qui est spécifiquement destiné à l’étude de la stabilité de l’ouvrage projeté dans l’hypothèse d’un évènement encore plus exceptionnel que celui survenu en 2003 (…) ; que contrairement à ce qui est soutenu, l’étude mentionne les impacts du projet en cas d’inondation, notamment dans le casier du Grand Trébon quant à la sécurité des personnes et envisage l’impact des dispositifs prévus pour le ressuyage du Grand Trébon en cas de crue ; que cette étude d’impact décrit, de manière exhaustive, les effets prévisibles du projet sur son environnement ;
Considérant que l’association Trébon-Campagne et autres soutiennent que les décisions attaquées méconnaissent le principe de participation à l’élaboration des décisions publiques résultant des dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004 dès lors que le public ne s’est pas prononcé sur le choix du tracé retenu, ni sur les modifications apportées au plan d’occupation des sols ; que, toutefois, les documents soumis à enquête publique étaient de nature à permettre au public de se prononcer en connaissance de cause sur le projet dont s’agit (…) ; qu’ainsi, les personnes intéressées ont pu présenter leurs observations ; que ces dernières ont pu participer à l’élaboration du projet, satisfaisant ainsi aux exigences des dispositions précitées ; qu’enfin, ces dispositions, qui permettent que le public puisse faire part de son opinion sur un projet ayant une incidence sur l’environnement, n’ont ni pour objet, ni pour effet d’exiger que ce dernier soit associé à la décision finale, notamment en ce qui concerne le choix d’un tracé ;
Considérant (…) que (…) le comité syndical du Symadrem a approuvé une déclaration de projet portant sur le projet du barreau de fermeture de la protection des quartiers nord d’Arles contre les inondations, a prononcé l’intérêt général dudit projet et a autorisé son président à demander au préfet des Bouchesdu-Rhône qu’il prononce la déclaration d’utilité publique du projet ; que cette délibération, adoptée à la majorité des membres présents, s’accompagnait d’un document exposant les motifs et considérations justifiant le caractère d’utilité publique de l’opération et mentionne qu’elle est prise en application des dispositions précitées à l’article L. 11-1-1 du Code de l’environnement ; que par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que l’article L. 126-1 du Code de l’environnement cité ci-dessus aurait été méconnu ;
Considérant (…) que l’objectif du projet est de construire une digue de protection reliant la rocade est d’Arles au nord de l’agglomération d’Arles, afin de protéger les quartiers nord de la ville et la zone industrielle contre les inondations particulièrement importantes dans ce secteur d’aléa fort, notamment après celles qui ont eu lieu en décembre 2003 ; que le projet concerne ainsi 7 000 habitants et 1 600 habitations, soit un tiers des quartiers d’habitation d’Arles, de nombreux établissements recevant du public pour une capacité d’accueil globale de 10 000 personnes et l’ensemble des activités implantées dans la zone industrielle nord pour 319 entreprises, soit 10 % de l’ensemble des activités d’Arles ; que l’impact hydraulique majeur du projet a pour effet la mise hors d’eau des quartiers nord d’Arles en cas d’inondation similaire ou plus grave que celle de décembre 2003 ; qu’au vu des avantages présentés pour la grande majorité de la population et des terrains concernés, le projet présente ainsi un caractère d’utilité publique ; que, si cet aménagement a un impact négatif sur le quartier du Grand-Trébon, dès lors que, en cas de crue type 2003, la réduction du champ d’inondation par la création du projet a pour conséquence l’augmentation de 1,5 à 2 mètres de la hauteur maximale d’inondation de cette zone, un accroissement significatif de la montée des eaux et une augmentation très sensible de la durée de submersion des parcelles concernées, il ressort de ladite étude que des mesures spécifiques sont prévues pour réduire le ressuyage des terres concernées, à savoir la réhabilitation de la martelière sous le remblai de la voie ferrée côté ouest et la régulation du débit du contre canal côté est ; que si les appelants soutiennent que le dispositif de ressuyage envisagé est inefficace, ils ne le démontrent pas (…). »
CAA Marseille, 5 décembre 2011, Association Trébon-Campagne et autres, n° 09MA01711.

Département d’outre-mer – Compétence des services de l’Etat pour assurer la police et la gestion des cours d’eau – Cours d’eau domaniaux – Obligation de l’Etat d’édifier des ouvrages de protection contre les inondations (non).

21

« Considérant (…) que le décret n° 73-428 du 27 mars 1973 relatif à la gestion des cours d’eau et police des eaux superficielles dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de la Réunion prévoit que, dans ces mêmes départements “le ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Equipement, du Logement et du Tourisme a dans ses attributions” notamment “le service des inondations et des annonces de crues, la protection contre les inondations, la protection contre la mer et l’aménagement des estuaires, les endiguements le long de tous les cours d’eau”, ainsi que, sur tous les cours d’eau qu’il définit, “la gestion et la police des eaux” ; que, toutefois et contrairement à ce que soutient la société, il ne résulte pas de ce texte, lequel définit une compétence d’attribution, une obligation pour l’Etat de réaliser des travaux d’aménagement hydraulique dans un endroit donné, alors même que des inondations s’y sont produites ; qu’en l’espèce, il ne résulte pas de l’instruction qu’en ne procédant pas à la réalisation d’un ouvrage hydraulique dans une zone essentiellement naturelle et humide, proche du rivage marin, permettant l’épandage naturel d’eaux de ruissellement issues de la Grande Ravine ou de l’expansion du cours d’eau dit du “Canal de Belle-Plaine”, l’Etat ait manqué à l’obligation de protection invoquée par la société requérante ; qu’en particulier, les risques d’inondations de ses propres terrains, inclus dans le secteur “Grand Baie” de cette zone naturelle, vierges de toute habitation, ne requerraient pas la construction d’un endiguement du “Canal de Belle-Plaine”, alors même qu’ils étaient classés par le plan d’occupation des sols de la commune de Gosier lors de leur acquisition par la société en zone naturelle d’urbanisation future et que leur constructibilité était subordonnée, aux termes du règlement de cette zone, à la création d’une zone d’aménagement concerté (…). »
CAA Bordeaux, 29 novembre 2011, SCI de la Grande Baie, n° 10BX02192.

Classement de digues de protection contre les inondations – Digues constituant une dépendance et un accessoire indispensable à une route départementale – Appartenance des digues au domaine public fluvial de l’Etat (non) – Propriété départementale des digues (oui) – Appartenance au domaine public routier départemental à l’exclusion des tronçons de digues ne servant pas de soubassement à une route départementale.

22

« Considérant (…) que ces tronçons servent de soubassement à la route départementale 118 reliant Coursan à Cuxac d’Aude au soutien et à la protection de laquelle ils sont nécessaires ; qu’ils en constituent dès lors une dépendance et un accessoire indispensable sans que puisse y faire obstacle la circonstance que leur fonction initiale soit de protéger le territoire avoisinant de crues de l’Aude ; qu’il n’est pas ailleurs produit aucun élément de nature à établir que ces tronçons de digue en cause, dont l’édification remonte au XVIIe siècle sans qu’il soit possible de préciser la personne de l’Etat, appartiendraient à une autre personne publique que le département, la circonstance que des travaux d’entretien y aient été entrepris, dans le passé, par l’Etat, la commune de Coursan ou le département étant sans incidence sur le régime de leur propriété ; que n’étant, enfin, pas au nombre des ouvrages, mentionnés par les dispositions du 2° de l’article L. 2111-10 du Code général de la propriété des personnes publiques, qui sont destinés à assurer l’alimentation en eau des canaux et plans d’eau ainsi que la sécurité et la facilité de la navigation, du halage ou de l’exploitation, ils ne peuvent être réputés appartenir au domaine public fluvial ; qu’ils doivent dès lors être regardés exclusivement comme des parties du domaine public routier départemental ; que, par suite, c’est à bon droit que le préfet de l’Aude, dans son arrêté contesté, a attribué au département de l’Aude la qualité de propriétaire et gestionnaire légal des tronçons 10, 11, 12 et 13 des digues en rive gauche de l’Aude ;
Considérant qu’aucun élément (…) ne permet d’attribuer au département de l’Aude la propriété ou la gestion légale des tronçons 18 et 19, lesquels, contrairement aux tronçons 10 à 13, ne servent pas de soubassement à une route départementale ; qu’il y a, par suite, lieu d’annuler l’arrêté du 1er décembre 2009 en tant que qu’il concerne ces tronçons 18 et 19. »
TA Montpellier, 23 janvier 2011, Département de l’Aude, n° 1001444.

Construction d’une digue de protection contre les submersions marines – Absence d’étude d’impact – Suspension des travaux (oui).

23

« Considérant (…) que les travaux litigieux de réalisation d’une imposante levée de terre (…) ; que l’importance de ces travaux, attestée en particulier par la mise en place de palplanches en acier et la hauteur de l’ouvrage, excède celle d’un simple stockage et compactage de matériaux issus du reprofilage du fossé dont s’agit ou du confortement des berges du marais (…) ;
Considérant (…) que la commune de Loix a débuté au mois d’août 2011 des travaux de réalisation d’une levée de terre le long de la rue du Pertuis et du chemin des Martineaux en bordure duquel se trouve la maison d’habitation appartenant à M. et Mme Guérin (…) ; que la longueur de l’ouvrage est estimée à plus de 850 mètres, la largeur de son embase à 4,80 mètres, sa hauteur, d’une élévation variable, pouvant atteindre un maximum de 1,80 mètre rue du Pertuis ; que ces travaux ont pour objet la réalisation d’un ouvrage de protection des quartiers du Port et de Lavaud, secteurs exposés de la commune, contre l’action de la mer ; que l’ouvrage en cause, dont l’emprise totale est supérieure à 2 000 m2, constitue ainsi un aménagement public dont la nature, les dimensions et la localisation sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, particulièrement sur l’écoulement des eaux en cas de submersion marine des marais situés à proximité immédiate ; qu’il est constant que ces travaux n’ont pas été précédés d’une étude d’impact, alors que, par application des dispositions précitées du Code de l’environnement, la commune de Loix dût, préalablement à leur exécution, y procéder ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et Mme Guérin sont fondés à obtenir la suspension de l’exécution de la décision attaquée, révélée par l’exécution de travaux litigieux, au motif que cette dernière a été prise sur une procédure irrégulière. »
TA Nantes, 21 septembre 2011, M. et Mme Guérin, n° 1108692.

24Le juge est amené à rappeler et à fixer un certain nombre de limites dans le domaine de la protection contre les inondations ou les submersions marines :

  • En premier lieu, les limites des obligations de l’Etat, (y compris dans les départements d’outre-mer où les cours d’eau lui appartiennent en totalité) qui n’est pas tenu d’édifier des digues pour protéger les propriétés riveraines contre les inondations, obligation qui leur incombe pour autant qu’elles y soient autorisées ;
  • En second lieu, les limites des responsabilités incombant aux différentes collectivités territoriales y compris l’Etat dans la gestion d’ouvrages de protection contre les inondations en fonction de l’appartenance ou non de ces ouvrages à telle ou telle collectivité (ainsi une digue servant de soubassement à une route départementale acquerra-t-elle par attraction la qualification de digue appartenant au domaine public routier départemental) ;
  • Enfin, les limites à la participation du public, l’association du public au processus d’élaboration des projets ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire prévu au 4° du II de l’article L. 110-1 du Code de l’environnement et de l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004, n’imposant pas que le public soit associé à la décision finale.

Sanctions administratives

Edification sans autorisation d’un barrage sur un cours d’eau – Mise en demeure soit de régulariser la situation, soit d’exécuter des travaux pour faire cesser l’infraction – Obligation de mettre en demeure préalablement de déposer un dossier de régulariser la situation – Illégalité de la demande d’exécuter les travaux nécessaires pour faire cesser l’infraction (oui).

25

« Considérant (…) que par l’arrêté contesté le préfet d’Indre-et-Loire, au vu du procès-verbal dressé le 16 décembre 2005 constatant que M. Gourdet, gérant de la SCI Le Moulin du Pré, avait édifié en 2005 sans autorisation un barrage d’une hauteur de 1,60 mètre sur le ruisseau du “Puits Gibaut”, a mis en demeure l’intéressé et la SCI Le Moulin du Pré soit de régulariser la situation en déposant une demande d’autorisation de l’ouvrage litigieux, soit “d’effectuer les travaux nécessaires pour faire cesser l’infraction” ; que s’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 216-1 du Code de l’environnement que le préfet, lorsqu’il constate que des travaux ont été réalisés sans autorisation, peut mettre en demeure l’exploitant ou le propriétaire de déposer une demande en ce sens, ces dispositions ne lui permettaient pas de demander légalement aux intéressés d’effectuer les travaux nécessaires pour faire cesser l’infraction sans l’avoir préalablement mis en demeure de régulariser la situation en déposant une demande d’autorisation d’édification de l’ouvrage. »
CAA Nantes, 14 octobre 2011, SCI Le Moulin du pré et M. Gourdet, n° 10NT00982.

Mise en demeure de restaurer une zone humide – Soumission à autorisation (oui) – Incompatibilité avec le SDAGE de travaux d’assèchement de zone humide en l’absence de mesures compensatoires – Légalité d’une mise en demeure de supprimer des ouvrages non autorisés (oui).

26

« Considérant (…) qu’il ressort de l’étude effectuée qu’il existe une zone humide, d’une superficie totale de 21 ha (secteur défriché et prairies) située des deux côtés de la route communale, la partie Est étant en groupements herbacés, la partie Ouest en groupement artificiel (…) ;
Considérant (…) qu’il est constant que les travaux de drainage ont porté sur une superficie de 21 ha ; qu’ils étaient de ce seul fait soumis à déclaration ; que même si les travaux réalisés ont consisté en des opérations de drainage, ils se sont néanmoins traduits par un assèchement d’une zone humide de plus d’un hectare comme l’a constaté le jugement en date du 25 novembre 2005 du tribunal de grande instance de Besançon statuant en matière correctionnelle ; que c’est, par suite, à bon droit, que le préfet du Doubs a considéré que les travaux réalisés relevaient du régime de l’autorisation ;
Considérant (…) que le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) a notamment pour objectif la protection des zones humides ; que, par suite, les travaux réalisés qui se sont traduits par l’assèchement d’une zone humide sans mesure compensatoire n’étaient pas compatibles avec le SDAGE Rhône Méditerranée Corse ;
Considérant qu’en ordonnant à M. Bernard de restaurer le fonctionnement hydraulique de la zone humide en rendant inactif le réseau de drainage réalisé en 1998, le préfet s’est borné à ordonner la suppression des ouvrages qui n’avaient pas été autorisés ; que, par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la décision lui ordonnant la remise en état de la zone humide aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L. 216-1 (…). »
CAA Nancy, 4 août 2011, M. Bernard, n° 10NC01680.

Mise en demeure de procéder à l’enlèvement d’un batardeau sur un cours d’eau, de déposer un dossier pour des aménagements routiers comportant un pont, une voie d’accès en remblai de protection de berges en enrochement et de rendre transparente aux eaux de crues la voie d’accès en remblai – Procédure contradictoire (oui) – Opération soumise à la police de l’eau (oui) – Légalité de la mise en demeure (oui).

27

« Considérant que par l’arrêté attaqué (…) le préfet du Var a mis en demeure M. Calbat (…), d’enlever immédiatement le batardeau installé dans le lit mineur du cours d’eau de la Môle (…) au motif que ce batardeau était susceptible de gêner la libre circulation des eaux de ladite rivière et risquait de causer des dégâts à l’aval s’il était emporté par une crue ; de déposer un dossier loi sur l’eau pour les constructions d’un pont, d’une voie d’accès en remblai et de protection de berges en enrochement ; de rendre transparente la voie d’accès en remblai aux eaux de crue par des buses ou cadre béton, au motif que la construction de cette voie en zone inondable faisait également obstacle à l’écoulement des eaux de crue et aggravait les inondations (…) ;
Considérant que ces dispositions combinées impliquent seulement que l’intéressé ait été averti de la mesure que l’administration envisage de prendre, des motifs sur lesquels elle se fonde, et qu’il bénéficie d’un délai suffisant pour présenter ses observations ; que le moyen tiré de l’absence de procédure contradictoire préalable est inopérant au regard de la mise en demeure adressée à l’exploitant ou au propriétaire en vue de régulariser leur situation concernant la loi sur l’eau sur le fondement de l’article L. 216-1-1 du Code de l’environnement dès lors que le préfet ne disposait pas d’un pouvoir d’appréciation sur la nécessité de souscrire l’autorisation requise (…) ; qu’ainsi, les requérants doivent être regardés comme ayant été mis à même de présenter leurs observations (…) ;
Considérant (…) que si les requérants font valoir que le seul ouvrage nouveau mis en place consiste en une travée de pont sur des enrochements des rives sud et nord, d’un linéaire inférieur à 20 m rive par rive et ne correspond donc pas aux installations soumises à autorisation ou déclaration au titre des rubriques 3.1.2.0 et 3.1.4.0 auxquelles s’est référé l’arrêté querellé, il résulte toutefois du constat effectué le 23 novembre 2009 par les agents de la Direction départementale de l’équipement chargé de l’eau en présence de la brigade de gendarmerie (…), que les ouvrages en litige comportent une voie d’accès en remblai, un pont dont les piliers sont situés dans le lit mineur de la rivière de la Môle et des protections de berges en enrochement ; que, dès lors, les faits allégués par les requérants (…), ne permettent pas de considérer que les travaux en cours n’entraient pas dans les catégories d’ouvrages soumis à autorisation (…). »
TA Toulon, 10 décembre 2011, SCEA Domaine Decuers et M. Calbat, n° 1001018.

Mise en demeure adressée à un EPCI de procéder à des travaux de remise en état d’une station d’épuration d’eaux résiduaires urbaines – Affermage – Responsabilité de la seule autorité délégante pour réaliser des travaux liés à la conception et au dimensionnement des ouvrages – Compétence liée du préfet – Légalité de la mise en demeure (oui) – Légalité de la mise à la charge du maître d’ouvrage de la station d’épuration de la publication dans les journaux du contenu de la publication (non).

28

« Considérant (…) qu’il a été constaté l’état fortement dégradé de la station d’épuration des Sanguinaires ainsi que son dysfonctionnement ; que si le service d’assainissement collectif des eaux usées a fait l’objet d’une délégation de service public par affermage, le contrat signé le 29 décembre 2004 précise que l’exploitant n’a pas en charge les travaux structurels éventuellement nécessaires au respect des obligations qui s’imposent à l’ouvrage ; qu’ainsi, les travaux nécessaires à la remise en état de l’ouvrage hydraulique en cause, qui concernent la remise en service de la filière complète de la station d’épuration et sont donc liés à la conception et au dimensionnement des ouvrages et non à leur exploitation, sont à la charge de la Communauté d’agglomération du pays ajaccien ; que, par suite, le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, qui était tenu de faire usage des pouvoirs qu’il tient des dispositions de l’article L. 216-1 du Code de l’environnement, afin de prescrire les mesures nécessaires, dans un but de santé publique, au bon fonctionnement de la station d’épuration des Sanguinaires, a pu, à bon droit, mettre en demeure le propriétaire de l’ouvrage ;
Considérant (…) que la Communauté d’agglomération du pays ajaccien n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision en date du 13 août 2010 par laquelle le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, l’a mise en demeure de réaliser les travaux de remise en état de la station d’épuration des Sanguinaires ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 216-11 du Code de l’environnement : “En cas de condamnation pour infraction aux dispositions mentionnées à l’article L. 216-5, le Tribunal peut ordonner, aux frais du condamné, la publication intégrale ou par extraits de sa décision et éventuellement la diffusion d’un message, dont il fixe explicitement les termes, informant le public des motifs et du contenu de sa décision, dans un ou plusieurs journaux qu’il désigne ainsi que son affichage dans les conditions et sous les peines prévues à l’article 131-35 du Code pénal sans toutefois que les frais de cette publicité puissent excéder le montant de l’amende encourue” ; que ces dispositions ne trouvent pas application devant les juridictions de l’ordre administratif ; que, par suite, les conclusions du préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, tendant à la publication du présent jugement conformément aux dispositions de l’article précité, ne peuvent être que rejetées. »
TA Bastia, 7 avril 2011, Communauté d’agglomération du pays ajaccien, n° 1001038.

Travaux de modification du profil en long et en travers réalisés sans autorisation dans le lit d’un cours d’eau – Mise en demeure de régulariser la situation en déposant un dossier – Critères réunis de l’existence d’un cours d’eau – Compétence du maire pour signaler tout incident de nature à présenter un danger pour la conservation et la circulation des eaux sans nécessité d’une habilitation par le conseil municipal – Nécessité d’agir sous le couvert des dispositions du Code de procédure pénale (oui).

29

« Considérant (…) que, lors d’une visite sur place le 16 janvier 2006, deux agents du Conseil supérieur de la pêche ont constaté l’existence de travaux de modification du profil en long et en travers réalisés par la SCEA Domaine de Prilouze dans le lit mineur des ruisseaux de “la Grave de Lucpaille” et de “la Lande” sur le territoire de la commune de Lucmau sans que la SCEA Domaine de Prilouze ait préalablement obtenu l’autorisation prévue par les articles L. 214-2 à L. 214-6 du Code de l’environnement ; que, par arrêté du 3 juin 2009, pris sur le fondement de l’article L. 216-1 du même code, le préfet de la Gironde a mis la société en demeure de déposer une demande d’autorisation en vue d’une remise en état des ruisseaux ;
Considérant (…) que “la Grave de Lucpaille”, dans lequel “la Lande” se déverse, est clairement identifié comme ruisseau sur les cartes de l’Institut géographique national ; que ceux-ci présentent un lit naturel, font partie du bassin hydrographique “Adour-Garonne”, alimentent la Leyre et présentent, alors même que l’étiage n’est pas constant, une faune et une végétation caractéristiques d’un milieu aquatique ; que les ruisseaux de “la Grave de Lucpaille” et de “la Lande” doivent ainsi être regardés comme des cours d’eau (…) ;
Considérant qu’il ressort des termes mêmes de l’article L. 211-5 du Code de l’environnement que le mairie de la commune de Cazalis, sur le territoire de laquelle serpentent en amont les cours d’eau, avait compétence, comme toute personne ayant connaissance d’un incident présentant un danger pour la circulation ou la conservation des eaux, pour signaler au service de l’Etat les faits précités sans qu’une habilitation du conseil municipal soit nécessaire ;
Considérant que l’arrêté du préfet de la Gironde contesté a été pris sur le fondement de l’article L. 216-1 du Code de l’environnement précité sans préjudice des poursuites susceptibles d’être engagées à l’initiative du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux ; que par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde aurait méconnu l’article 41-1 du Code de procédure pénale ne peut qu’être rejeté. »
TA Bordeaux, 20 octobre 2011, SCEA Domaine de Prilouze, n° 0903082 (en appel).

30La jurisprudence relative aux sanctions administratives en matière de police de l’eau, et en particulier aux champs d’application respectifs des pouvoirs de l’administration et du juge judiciaire, apparaît désormais bien établie.

31Dans la mouvance de la jurisprudence Herrmann, le préfet est d’abord tenu de mettre en demeure l’auteur d’une opération réalisée sans autorisation ou déclaration au titre de la police de l’eau de déposer un dossier en vue de régulariser sa situation. Ce n’est qu’au terme de l’examen de ce dossier qu’il lui sera loisible si l’opération a fait l’objet d’un refus d’autorisation ou d’une opposition à opération soumise à déclaration, de lui adresser valablement une seconde mise en demeure de procéder à la remise en l’état du site, sans avoir à respecter d’autres formalités que celles afférentes à l’exécution des sanctions administratives prescrites par le Code de l’environnement, à l’exclusion de toutes règles qui émaneraient du Code de procédure pénale. Il est impératif que toute personne mise en demeure, exception faite des cas d’urgence avérée, ait pu bénéficier d’une procédure contradictoire lui ayant permis de présenter ses observations à l’administration.

Tarification et distribution de l’eau potable

Autorisation préfectorale dérogatoire d’appliquer le tarif forfaitaire sur une commune – Conditions objectives d’obtention de la tarification forfaitaire réunies (oui) – Absence d’incidence du coût proportionnellement plus élevé eu égard à la faiblesse de la consommation personnelle.

32

« Considérant (…) que le préfet du Haut-Rhin a autorisé la commune de Muhlbach sur Munster à instaurer un mode de tarification forfaitaire de l’eau (…), suite à la demande exprimée en ce sens par la commune de Muhlbach sur Munster (…) ; que M. Sihr n’établit ni même n’allègue que les conditions d’instauration de cette tarification forfaitaire n’auraient pas été réunies ; qu’ainsi et alors même que ce mode de tarification peut conduire, au regard de la faiblesse de la consommation personnelle de M. Sihr, à un coût proportionnellement plus élevé par unité d’eau consommée, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin a illégalement pris l’arrêté litigieux en date du 29 juin 1995 ; que sa requête susvisée doit donc être rejetée. »
TA Strasbourg, 7 décembre 2011, M. Sihr, n° 1003566.

33Il appartient à un usager du service de distribution d’eau pour contester l’instauration d’un mode de tarification forfaitaire d’apporter la preuve objective que les conditions pour ce faire (ressource en eau abondante, nombre limité d’usagers raccordés au réseau), prévue par cette procédure exceptionnelle par l’article L. 2224-12-4 du Code général des collectivités territoriales aux lieu et place de la procédure normale de tarification en fonction du volume réellement consommé par l’abonné, sont effectivement réunies, peu important par ailleurs que la mise en œuvre du système de tarification forfaitaire implique un coût proportionnellement plus élevé par unité consommée au regard de la faiblesse de la consommation personnelle d’un abonné.

Jacques Sironneau
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Mis en ligne sur Cairn.info le 13/08/2015
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