CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Droits fondés en titre

Droit fondé en titre (oui) - Prise d’eau d’alimentation d’un bief ne faisant plus obstacle à l’écoulement de l’eau dans le lit du cours d’eau - Seuil constitué de roches désorganisées - Absence de dérivation de l’eau vers le canal d’amenée - Colonisation par la végétation du canal de fuite - Alimentation ponctuelle du bief en période de pluie ou de fonte des neiges - Ruine de l’ouvrage (oui) - Perte du droit d’utiliser la force motrice du cours d’eau (oui) - Légalité du refus préfectoral de reconnaître à l’ouvrage le caractère de droit fondé en titre (oui) - Soumission au régime de l’autorisation (oui) - Annulation du jugement annulant la décision de refus de reconnaissance du caractère fondé en titre (oui).

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« 6. Considérant, qu’il n’est pas contesté que le moulin de Venet existait antérieurement au 4 août 1789 et que son propriétaire, M. F…, est susceptible de bénéficier, dans ces conditions, d’un droit de prise d’eau fondé en titre ;
7. Considérant, toutefois, qu’il résulte de l’instruction, notamment d’un rapport de l’office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) (…), établi après une visite sur le terrain, que l’ouvrage de prise d’eau qui permettait l’alimentation du bief précédant le canal d’amenée du moulin de Venet ne faisait plus obstacle à l’écoulement de l’eau dans le lit de la rivière Le Fourzon et qu’une partie du canal étant complètement asséchée, aucun débit ne transitait par le moulin (…) ; que le seuil n’est plus constitué que de quelques roches désorganisées, offrant au mieux un dénivelé de trente centimètres en aval et que, même en période hivernale, il est totalement débordé et n’assure plus la dérivation de l’eau vers le bief ; que cet état est ancien (…), que le canal de fuite est totalement colonisé, depuis une longue période, par la végétation ; que les déclarations de M. F… comme le témoignage d’un propriétaire de parcelles riveraines du bief attestent de l’assèchement du canal d’amenée du moulin ; que si le bief recueille des eaux résiduelles, en particulier en période de pluie ou de fonte des neiges (…) une telle alimentation, au demeurant nécessairement ponctuelle, est étrangère à la force motrice du cours d’eau Le Fourzon ; qu’ainsi, cette force motrice n’est plus susceptible de faire fonctionner l’usine, du fait de la ruine du seuil de dérivation, élément essentiel pour l’utilisation de la puissance hydraulique ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que (…), la pose de quelques planches de bois sur les vestiges du seuil suffirait à rendre de nouveau utilisable, de manière suffisamment pérenne, la force motrice de l’eau (…) ; que, pour assurer sa fonction de dérivation, le seuil devrait être reconstruit sur une hauteur de presque un mètre ; que, dans ces conditions (…), M. F… ne peut plus se prévaloir d’un droit de prise d’eau fondé en titre ; qu’il suit de là que c’est à tort que le tribunal administratif a déclaré l’intéressé titulaire d’un tel titre et a retenu ce motif pour annuler la décision du 27 mai 2010 du directeur départemental des territoires de l’Indre ;
12. Considérant, (…) que dès lors que le moulin de Venet ne peut plus être regardé comme ayant une existence légale (…), l’exploitation de cet ouvrage est soumise, par application de l’article L. 511-4 du code de l’énergie, au régime d’autorisation dorénavant fixé par l’article L. 511-5 de ce code, mais qui était prévu par les dispositions précitées de l’article L. 214-3 du code de l’environnement à la date de la décision attaquée ; que, par suite, en soumettant les travaux envisagés par M. F… au régime de l’autorisation, le préfet de l’Indre n’a pas entaché sa décision d’erreur de droit ».
CAA Bordeaux 21 octobre 2014, Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, n° 12BX02766.

Demande de travaux de réhabilitation d’un seuil - Destruction du seuil de prise d’eau et comblement du canal d’amenée - Ruine des ouvrages empêchant l’utilisation de la force motrice du cours d’eau - Caractère indifférent du fait que la ruine ait été causée par un cas fortuit d’inondation et que les propriétaires aient manifesté leur intention de reconstruire l’ouvrage - Perte du droit fondé en titre (oui).

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« 4. Considérant, que pour prononcer l’extinction du droit fondé en titre du moulin du Martinet, le préfet du Cantal s’est fondé sur la circonstance que les visites effectuées (…) sur le site (…) ont permis de constater la destruction du seuil de prise d’eau et le comblement du canal d’amenée attestant de la ruine de l’ouvrage (…), que le barrage, qui a été entièrement détruit, n’existe plus et que le canal de dérivation, même s’il reste en partie tracé est entièrement comblé ; que si les époux V… produisent un constat d’huissier attestant de l’état général du moulin et de la présence notamment d’un canal d’amenée et de fuite, il n’est pas démontré que ces installations permettraient d’exploiter la force hydraulique du ruisseau ; qu’ainsi, et comme l’ont estimé à bon droit les premiers juges, les éléments essentiels de l’ouvrage sont dans un état de ruine tel que la possibilité, pour son détenteur, d’utiliser la force motrice ne subsiste plus ;
5. Considérant, toutefois, que pour déclarer les époux V… titulaires d’un droit de prise d’eau fondé en titre pour l’alimentation de leur moulin, les premiers juges ont pris en compte la circonstance qu’une des causes de la destruction de la prise d’eau résultait d’inondations survenues pendant l’hiver 2007-2008 et que les époux V… avaient manifesté leur intention de reconstruire le seuil de leur moulin en novembre 2011 ; que c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur ce cas fortuit et sur l’attitude des propriétaires, qui ne peuvent être considérés comme des éléments permettant de caractériser l’état de ruine de l’ouvrage, qui seul entraîne la perte du droit fondé en titre, la force motrice du cours d’eau n’étant plus alors susceptible d’être utilisée par son détenteur ».
CAA Lyon 21 octobre 2014, Ministère de l’écologie et du développement durable et de l’énergie, n° 13LY02124.

Persistance d’une prise d’eau permettant une dérivation suffisante pour utiliser la force motrice - Présence d’enrochements au droit de la brèche formant un seuil permettant l’alimentation du bief en toute saison - Ruine de l’ouvrage (non) - Caractère fondé en titre de l’ouvrage (oui) - Absence de preuves de modifications substantielles.

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« 3. Considérant, que le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui ne conteste pas que le moulin de Lagat, qui existait avant 1789, puisse être regardé comme fondé en titre, soutient que ce droit s’est éteint en raison de l’impossibilité d’utiliser la force motrice de la Dore à la suite de l’apparition d’une brèche sur la digue ne permettant plus d’alimenter le bief en permanence ; que toutefois, les clichés photographiques inclus dans le procès-verbal (…) témoignent de l’écoulement de l’eau dans les canaux jusqu’à la centrale hydroélectrique du moulin de Lagat (…) que de l’eau circule dans les canaux du moulin et que le procès-verbal de déplacement sur les lieux établi par le greffe du tribunal administratif (…), après avoir relevé la présence d’un débit d’eau de La Dore d’une valeur conforme au débit moyen annuel, a constaté que « la prise d’eau dérive toujours une partie importante du débit de La Dore vers le canal » et que « le débit d’eau est important dans le canal d’amenée » (…) ; la présence d’enrochements au droit de la brèche formant un seuil permet l’alimentation du bief en toute saison (…), il résulte de l’instruction et notamment du constat d’huissier précité en date du 21 mai 2010 que « l’essentiel de l’ouvrage est cependant en état, le barrage s’étendant sur environ soixante-quinze mètres et la brèche étant d’environ dix-sept mètres » ; que ce constat a été confirmé par le rapport d’expertise précité qui estime à dix-neuf mètres la longueur de la brèche sur une longueur totale de soixante-quinze mètres ; que dans ces conditions, la digue ne peut pas être regardée comme étant dans un état tel qu’il ferait obstacle à l’exploitation de la force motrice du cours d’eau, ou qu’il traduirait la volonté de l’ancien propriétaire de renoncer à son droit à l’usage de l’eau ; que par suite, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie n’est pas fondé à soutenir que M. M… ne pourrait être regardé comme étant titulaire d’un droit d’eau fondé en titre pour l’exploitation des eaux de La Dore ;
4. Considérant, que la consistance d’un droit fondé en titre est présumée, sauf preuve contraire, conforme à sa consistance actuelle ; que le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie soutient que l’installation litigieuse aurait fait l’objet de modifications substantielles (…) ; que toutefois la seule production d’une carte cadastrale établie en 1810 qui ne permet pas de localiser précisément les différents ouvrages sur les cours d’eau, ne suffit pas à établir l’existence des modifications alléguées qui auraient augmenté la hauteur de chute d’eau originelle du moulin de Lagat (…) ; que dans ces conditions, le ministre ne peut être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe que la consistance actuelle de l’installation litigieuse serait supérieure à sa consistance d’origine ; que, dès lors, la consistance légale du moulin de Lagat doit être considérée comme étant celle de la consistance originelle du droit fondé en titre ».
CAA Lyon 21 octobre 2014, Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, n° 13LY01945.

4L’application de la jurisprudence Laprade (CE 5 juillet 2004, n° 246929) concernant les droits fondés en titre étendue aux installations hydrauliques autorisées ne dépassant pas 150 kW par l’arrêt CE 13 décembre 2013, Énergie verte de Teyssode (n° 356321), bat son plein. Pour conclure au maintien ou non de l’existence légale de l’ouvrage, le juge détermine l’état de l’ouvrage à partir des éléments de fait dont il dispose. La ruine de l’ouvrage entraîne en effet la perte du droit d’utiliser la force motrice du cours d’eau d’où la nécessité de vérifier si :

  • le seuil est en bon état ou si une brèche existante permet tout de même d’assurer une prise d’eau suffisante pour alimenter le bief ou canal d’amenée (TA Clermont-Ferrand 20 janvier 2015, FDAPPMA 63 c. Préfet du Puy-de-Dôme, n° 1301317) ;
  • le seuil est au contraire constitué de roches désorganisées ou à peine marqué, empêchant toute dérivation du débit, peu important que la ruine ait été causée par un cas fortuit d’inondation (CAA Lyon 21 octobre 2014, MEDDE, précité) ;
  • l’alimentation du bief est possible en permanence ou seulement de façon occasionnelle en période de forte pluviométrie ou de fonte nivale (CAA Bordeaux 21 octobre 2014, Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, précité) ;
  • les principaux éléments permettant d’utiliser la force motrice (canal d’amenée, turbines, chambre d’eau, canal de fuite) se trouvent dans un état de conservation convenable propre à assurer l’usage auquel ils sont normalement destinés.

5Toutefois, la reconnaissance d’un droit fondé en titre ou de l’existence légale d’une entreprise hydraulique de moins de 150 kW ne la dispense en aucun cas du respect des règles portant notamment sur le respect du débit minimal et de la circulation des espèces piscicoles migratrices.

Énergie (police de l’)

Cours d’eau dit « réservé » sur lequel aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour une entreprise hydraulique nouvelle et pour les entreprises existantes une autorisation ou concession peut être accordée sous réserve que la hauteur du barrage ne soit pas modifiée - Autorisation de réhabiliter et d’exploiter une centrale hydroélectrique - Triplement de sa puissance - Création d’un obstacle (non) - Modification de l’écoulement du cours d’eau portant atteinte à la continuité écologique (non) - Entreprise nouvelle (non) - Double erreur de droit - Annulation de l’arrêt de la Cour confirmant l’annulation de l’autorisation par le Tribunal.

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« 1. Considérant, (…) que la société hydroélectrique du Pont du Gouffre a demandé au préfet des Vosges l’autorisation de réhabiliter les installations de la centrale et de procéder à divers travaux afin de porter sa puissance de 82 à 207 kW ; que, par un arrêté du 20 octobre 2008, le préfet lui a accordé cette autorisation pour une durée de trente ans (…) ;
4. Considérant, que les dispositions (…) de la loi du 15 juillet 1980 (…) s’opposent à la création d’obstacles nouveaux à la continuité écologique des cours d’eau ou sections de cours réservés au titre de la protection de l’environnement, que ces obstacles affectent le régime hydrologique, la circulation des espèces vivantes et l’accès à leur habitat ou l’écoulement des sédiments ; que ces dispositions interdisent la création de toute installation hydraulique nouvelle sur les cours d’eau ou sections de cours d’eau réservés au titre de la protection de l’environnement ; qu’enfin, elles font également obstacle aux modifications d’une installation hydraulique existante ayant pour effet de créer un obstacle nouveau ou de modifier l’écoulement du cours d’eau réservé dans des conditions portant atteinte à la continuité écologique ; que de telles modifications doivent être regardées comme portant création d’une entreprise nouvelle au sens de l’article 2 de la loi du 16 octobre 1919 et sont, en conséquence, interdites ;
5. Considérant, qu’exception faite du cas où la hauteur de chute est modifiée, ces mêmes dispositions ne s’opposent pas, en revanche, à ce que soient réalisées des modifications substantielles des installations hydrauliques existantes légalement autorisées sur ces cours d’eau, y compris lorsque ces modifications permettent d’augmenter leur puissance, et dès lors qu’elles n’ont pas pour effet de créer un obstacle nouveau à la continuité écologique des cours d’eau réservés ;
6. Considérant, que la cour a relevé que les travaux de réhabilitation de la centrale hydroélectrique du Pont du Gouffre, consistant notamment en l’élargissement du canal d’amenée, le remplacement d’une grande portion de ce canal par une conduite forcée et la construction d’un nouveau bâtiment en aval du bâtiment existant, s’ils ne rehaussaient pas la crête du barrage, aboutissant à accroître le débit d’eau prélevé et à presque tripler la puissance minimale de l’installation ; qu’elle en a déduit que ces travaux, eu égard à leur importance, devaient être regardés comme entraînant la création d’une entreprise nouvelle au sens des dispositions de l’article 2 de la loi du 16 octobre 1919 ; qu’en se fondant, d’une part, sur le critère de l’augmentation de la puissance pour apprécier si les modifications de l’installation étaient conformes à l’article 2 de la loi du 16 octobre 1919 et en retenant, d’autre part, la qualification d’entreprise nouvelle sans rechercher si les travaux dont elle relevait l’importance étaient, par leur nature ou leurs effets, susceptibles de créer un obstacle nouveau ou de modifier l’écoulement du ruisseau du Ventron dans les conditions portant atteinte à la continuité écologique, la cour a entaché son arrêt d’une double erreur de droit ; que par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la Société hydroélectrique du Pont du Gouffre est fondée, pour ce motif, à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ».
CE 23 décembre 2014, Société hydroélectrique du Pont du Gouffre, n° 361514.

Règlement d’eau d’une centrale hydroélectrique - Nécessité d’assurer la continuité écologique - Insuffisance des aménagements destinés à permettre le franchissement de l’ouvrage par les anguilles - Légalité des prescriptions modifiant en ce sens le règlement d’eau (oui).

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« 6. Considérant, (…) que les dispositions législatives et réglementaires permettent à l’autorité administrative d’imposer au titulaire d’une autorisation délivrée au double titre de la législation sur les ouvrages hydrauliques et de la législation sur l’eau, les travaux nécessaires pour assurer la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 214-1 du code de l’environnement et de la circulation des poissons migrateurs dans les cours d’eau classés en application de l’article L. 214-17 du code de l’environnement et définir les caractéristiques techniques de ces travaux ;
7. Considérant, (…) que si l’installation a déjà fait l’objet d’aménagement en vue de favoriser son franchissement par les espèces migratrices, elle n’est pas équipée d’une passe à anguilles sur la rive gauche ; qu’il résulte (…) du diagnostic réalisé en 2010, par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), compte tenu notamment de l’écartement des barreaux et de l’inclinaison des grilles, « la totalité du contingent d’anguilles argentées pénètre dans les turbines dès lors qu’elles sont en activité pendant la période de dévalaison » provoquant ainsi la mortalité des poissons ; qu’il n’est pas contesté, par ailleurs, que compte tenu du débit moyen de l’Orne en période de dévalaison des anguilles, en octobre et novembre, la totalité du débit du cours d’eau transite exclusivement par les turbines de la centrale ; qu’en se bornant à soutenir qu’il n’existe pas de « risque sérieux et effectivement identifié de mortalité des anguilles par passage dans les turbines de la centrale de La Courbe » (…), la société requérante n’apporte pas d’éléments de nature à remettre en cause les constatations du diagnostic réalisé par l’ONEMA et n’établit pas que les équipements existants de cette installation permettraient d’assurer, dans des conditions satisfaisantes, la circulation des poissons migrateurs dans l’Orne (…), que les mouvements vers l’aval des anguilles se produisent dans des conditions de faible luminosité, à savoir, outre la nuit, le jour par temps couvert et lors de l’élévation de la turbidité de l’eau ; qu’ainsi, le préfet a pu légalement définir dans le règlement d’eau du 21 novembre 2011 de l’usine hydroélectrique de La Courbe, les prescriptions litigieuses destinées à assurer la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement et la circulation des poissons migrateurs dans les cours d’eau classés en application de l’article L. 214-17 du code de l’environnement ».
CAA Nantes 24 octobre 2014, Société Hydroélectrique de la Courbe, n° 13NT00797.

Centrale hydroélectrique - Transfert d’une autorisation initiale et triplement de la puissance maximale sans autorisation - Dispense d’autorisation (non) - Modification substantielle entraînant des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 C. env. (oui) - Soumission à étude d’impact et enquête publique (oui) - Illégalité de l’arrêté autorisant l’exploitation par prescriptions complémentaires (oui).

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« 8. Considérant, que la centrale hydroélectrique de Pont-Sarrazin a été exploitée sur le Drac pendant près de trente ans par la SEHA (…), au moyen d’une autorisation délivrée, au titre de la police de l’énergie (…), pour l’exploitation d’une seule turbine d’une puissance maximum de 500 kW ; que la SEHA a irrégulièrement installé une seconde turbine lui permettant d’atteindre une puissance maximale de 1 647 kW ; que cette autorisation a été transférée, avant d’atteindre son échéance, à l’ASA du canal de Gap sans modification de l’installation et de la puissance maximale autorisée ; qu’une telle « usine destinée à produire de l’énergie électrique », qui était précédemment exploitée illégalement au-delà de la puissance autorisée par l’ASA du canal de Gap, ne saurait être regardée à l’issue de la période d’autorisation initiale comme entrant dans le cadre de la dispense d’autorisation prévue (…) à l’article L. 511-3 du code de l’énergie, pour l’exploitation accessoire de l’énergie hydraulique au moyen d’une petite turbine, qui aurait permis à l’ASA du canal de Gap (…), d’exercer, sur le fondement de simples prescriptions complémentaires, une activité secondaire de production d’énergie hydroélectrique avec deux turbines pour une puissance maximale de 1 647 kW (…), que les appelants ne peuvent utilement soutenir que la centrale hydroélectrique n’était pas susceptible d’entraîner des dangers ou inconvénients pour les intérêts protégés par l’article L. 211-1 du code de l’environnement ;
10. Considérant, (…) que le tableau figurant en annexe de l’article R. 123-1 du code de l’environnement prévoit que les travaux d’installation des ouvrages de production d’énergie hydraulique dont la puissance maximum dépasse 500 kW sont soumis à enquête publique ;
12. Considérant, (…) que dès lors que la puissance maximale brute hydraulique de la centrale hydroélectrique faisant l’objet de la demande était supérieure au seuil de 500 kW prévu par les dispositions du II de l’article R. 128-2 et du tableau annexé à l’article R. 123-1 du code de l’environnement, une étude d’impact et une enquête publique étaient requises préalablement à la décision de l’autorité administrative ; que, toutefois, il est constant qu’aucune étude d’impact n’a été réalisée et qu’aucune enquête publique n’a été organisée ; que ces omissions ont nécessairement eu pour conséquence de nuire à l’information complète de la population qu’ainsi, l’arrêté préfectoral du 1er décembre 2006 est entaché d’illégalité ».
CAA Marseille 2 décembre 2014, ASA du Canal de Gap, Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, n° 12MA02294, 14MA01040.

9Le triplement de la puissance d’une installation hydraulique sur un cours d’eau réservé n’entraîne pas forcément que celle-ci soit considérée comme une entreprise nouvelle s’opposant à sa réhabilitation dès lors qu’elle ne crée pas d’obstacle nouveau pour la continuité écologique, sachant que pour une entreprise existante la hauteur de la chute ne peut être augmentée.

10En dehors des cours d’eau réservés, un triplement de puissance ne peut être admis à l’occasion du transfert d’une autorisation initiale sans que soit sollicitée une nouvelle autorisation, s’agissant dès lors d’une modification substantielle entraînant des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 C. env.

11En l’occurrence, un simple arrêté complémentaire ne suffit pas.

12Sur les cours d’eau classés au titre de la continuité écologique (article L. 214-17 C. env.), s’il incombe au pétitionnaire de démontrer que son projet n’est pas contraire à cette continuité, l’administration ne peut s’opposer qu’aux projets qui précisément y seraient contraires (TA Toulouse 5 décembre 2014, Société Olympe Énergie, n° 1104461). Sur ces mêmes cours d’eau, l’administration peut prescrire l’arrêt d’une exploitation dont les installations présentent un danger pour les espèces piscicoles migratrices qui y sont répertoriées, dans l’attente de leur mise en conformité, la remise en exploitation n’étant susceptible d’intervenir qu’après que l’exploitant ait porté à la connaissance de l’administration les éléments d’appréciation adéquats.

13Enfin toujours sur ces mêmes cours d’eau, la remise en fonctionnement d’une installation qui ne fait plus l’objet d’un entretien régulier de ses ouvrages peut être assimilée à la construction d’un nouvel ouvrage.

Périmètres de protection

Aire d’alimentation de captage (AAC) d’eau potable - Identification par le SDAGE comme captage prioritaire en raison d’une pollution diffuse par les nitrates - Suffisance du dispositif existant du périmètre de protection pour assurer la préservation de la qualité de l’eau (non) - Nécessité d’élargir la protection à la nappe d’accompagnement d’un cours d’eau et à l’un de ses bassins-versants - Erreur manifeste d’appréciation (non) - Détournement de pouvoir (non) - Légalité de l’arrêté interpréfectoral de délimitation de l’AAC (oui).

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« 8. Considérant, d’une part, qu’il ressort du schéma d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône-Méditerranée-Corse 2010-2015 que le champ captant de Port-Masson a été identifié comme un captage prioritaire compte tenu d’une pollution diffuse aux nitrates et aux pesticides ; qu’il n’est pas contesté que ce captage permet d’alimenter une population de 25 000 personnes et est exploité par quarante communes ; qu’en se bornant à faire valoir que les périmètres de protection déjà mis en œuvre suffisaient à protéger la qualité de l’eau les sociétés requérantes n’établissent pas que les préfets auraient entaché leur arrêté d’une erreur manifeste d’appréciation ;
9. Considérant, d’autre part, que si les requérantes font valoir que l’arrêté attaqué n’étend pas la zone de protection au-delà des berges de la Saône alors que celle-ci constitue l’apport principal du captage, il ressort des études versées au dossier, notamment celle réalisée en 2011, que le captage de Port-Masson ne sollicite pas majoritairement la Saône mais sa nappe d’accompagnement et les apports en eaux souterraines depuis le versant Est et que le risque de pollution se situe principalement sur ce versant ; qu’en défense, les préfets du Rhône et de l’Ain font en outre observer, sans que cela soit contredit, que la Saône est peu chargée en nitrates ; qu’ainsi, il ne peut être tenu pour établi que l’arrêté attaqué prendrait appui sur des données erronées ; qu’il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, compte tenu de l’importance de l’enjeu que représente la protection de l’aire d’alimentation du captage à l’Est de la Saône, que ledit arrêté procéderait d’une erreur manifeste d’appréciation ;
10. Considérant, (…) que si les requérantes soutiennent que l’arrêté attaqué a été édicté uniquement pour faire obstacle au projet d’hypermarché porté par la société de distribution Neudis, elles n’en justifient par aucun commencement sérieux de preuve, alors que l’arrêté attaqué, qui doit permettre la mise en place d’un programme d’action conformément aux dispositions de l’article R. 114-6 du code rural et de la pêche maritime, vise à remédier à la dégradation de la qualité du captage de Massieux, lequel, comme il a été dit, a été identifié comme prioritaire par le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône-Méditerranée-Corse ; que la circonstance que le syndicat intercommunal de distribution d’eau potable Dombes-Saône a déposé un recours tendant à l’annulation du permis de construire accordé à la société Neudis en vue de la réalisation de l’hypermarché projeté ne saurait suffire à caractériser le détournement de pouvoir allégué ».
TA Lyon 27 novembre 2014, Société du Grand Rieux et autres, n° 1208027.

15La décision rendue par le Tribunal administratif de Lyon constitue l’une des toutes premières décisions sur les aires d’alimentation des captages d’eau potable instaurées par la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau afin de compléter le dispositif des périmètres de protection et au-delà sécuriser l’approvisionnement en eau potable des agglomérations (article L. 211-3.II.5°a) C. env.). En effet, de telles zones peuvent être délimitées par l’autorité administrative là où il s’avère nécessaire d’assurer la protection quantitative et qualitative des ressources en eau revêtant une importance particulière pour l’approvisionnement actuel ou futur des populations. Le dispositif a été complété par la loi du 12 juillet 2010 (« Grenelle II ») qui permet dans le cas d’une atteinte à la qualité des eaux conduisant ou pouvant conduire au non-respect des normes de potabilité, de délimiter tout ou partie de ces aires d’alimentation des captages pour y limiter l’usage agricole des terres à certains types de cultures moins polluants et y établir à cette fin un plan d’action (article L. 211-3.II.7° C. env.). Là encore, compte tenu de la grande technicité s’attachant à cette délimitation, l’administration n’est sanctionnée par le juge qu’en cas d’erreur manifeste d’appréciation.

16En l’espèce, le tribunal a reconnu nécessaire d’élargir la protection du cours d’eau à sa nappe d’accompagnement et à l’un de ses bassins-versants.

Responsabilité

17Contamination d’un cours d’eau par les PCB - Caractère diffus et ancien de la pollution - Limitation de ses effets par l’interdiction de curage et de dragage - Interdiction de la commercialisation des poissons pêchés dans le cours d’eau - Absence de responsabilité de l’État du fait de la contamination des poissons par le PCB et de l’arrêté pris d’interdiction de la commercialisation des poissons - Contrôle de l’élimination des appareils électriques contenant du PCB dans le cadre d’un plan national - Contrôle inopiné des sites industriels - Responsabilité de l’État en raison des fautes ou de carences (non).

« 1. Considérant, qu’à la suite d’analyses effectuées sur des échantillons de poissons et d’anguilles pêchés en Haute-Somme révélant des concentrations élevées en polychlorobiphényles (PCB) de type dioxine, les préfets de la Somme et de l’Aisne ont, par deux arrêtés conjoints (…), interdit la commercialisation et recommandé de ne pas consommer les poissons pêchés dans la Somme, ainsi que dans plusieurs plans d’eau (…) ;
2. Considérant, (…) que malgré une étude d’analyse des sédiments réalisée en 2006, il n’a pas été possible d’identifier la source de la contamination de la Somme par les PCB, en raison du caractère ancien et diffus de cette pollution ; que, s’agissant de la contamination des étangs de Haute-Somme, celle-ci provient de rejets anciens dont les effets ont été limités par l’interdiction, depuis 2006, de travaux de curage et de dragage des eaux en amont afin d’éviter la migration vers l’aval du fleuve des sédiments pollués ; qu’en outre, dès 1975, les services de l’État chargés de la police des installations classées pour la protection de l’environnement ont contrôlé l’élimination des appareils électriques contenant des PCB dans le cadre du plan national d’élimination (…), que les rejets des sites industriels font l’objet de contrôles inopinés afin d’en vérifier la conformité à la réglementation que le site de la société Spedilec a bénéficié de travaux de décontamination (…) ; qu’enfin, le rejet des eaux pluviales de l’agglomération de Saint-Quentin a fait l’objet de prescriptions techniques particulières ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’État a commis des carences constitutives de fautes de nature à engager sa responsabilité ».
CAA Douai 17 juillet 2014, Association syndicale des propriétaires et exploitants d’étangs de la vallée de la Haute-Somme et autres, n° 13DA00857.
Une fois n’étant pas coutume, la responsabilité de l’État n’est pas engagée au titre de la police des installations classées pour une faute qu’il aurait commise s’agissant de la contamination d’étang du fait de rejets anciens contenant des PCB. En effet, les conséquences de cette pollution ont été limitées par l’interdiction de travaux de curage et de dragage du cours d’eau à l’amont pour prévenir la migration vers l’aval de sédiments pollués, par le contrôle de l’élimination des appareils électriques contenant du PCB dans le cadre d’un plan national, par la mise en œuvre de travaux de décontamination et de contrôles inopinés des sites industriels, sans que l’on puisse par ailleurs reprocher à l’État de préjudice subi du fait de l’interdiction de la commercialisation de poissons d’eau douce.

Jacques Sironneau
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Mis en ligne sur Cairn.info le 07/10/2016
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