CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Assainissement

Autorisation de rejet dans un réseau d’égout d’eaux d’exhaure en provenance d’un parking souterrain - Obligation de consultation du Haut Conseil de la santé publique (non) - Proportionnalité de la redevance tenant compte de la moindre pollution des eaux - Obligation de création d’un réseau séparatif (non).

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« Considérant que, par convention en date du 5 août 1994, la ville de Paris a concédé à la société Sogeparc, aux droits de laquelle vient la société Vinci Park France, la construction et l’exploitation du parc de stationnement souterrain “Sébastopol”, situé sous le boulevard Sébastopol à Paris, pour une durée de quarante ans ; que la présence d’une nappe phréatique sous ce parc de stationnement nécessite un drainage des eaux, lesquelles sont rejetées dans le réseau d’assainissement de la ville de Paris (...) ;
Considérant (...) que pour exploiter le parc de stationnement souterrain “Sébastopol”, la Société Vinci Park France doit rejeter les eaux souterraines qui s’infiltrent dans le terrain d’assise du parc de stationnement ; qu’il avait été décidé, en commun accord avec la ville de Paris, qu’elle le ferait dans le réseau d’assainissement de cette collectivité ; que le contrat de concession, qui ne reprend pas les modalités du rejet de ces eaux, ne faisait pas obstacle à ce que la ville de Paris prenne une décision expresse d’autorisation de rejet au réseau d’assainissement et mette à la charge de la Société Vinci Park France la redevance d’assainissement correspondant à l’utilisation de ce service ;
Considérant (...) que la consultation du Haut Conseil n’est prévue limitativement qu’en matière d’évacuation, de traitement, d’élimination et d’utilisation des eaux usées et des déchets ; que les dispositions du décret du 2 mai 2006 sur le rejet des eaux souterraines dans les systèmes de collecte des eaux usées ne nécessitaient donc pas la consultation du Haut Conseil de la santé publique ;
Considérant (...) qu’en tout état de cause, dès lors que les eaux du parc de stationnement utilisent le réseau d’assainissement de la ville indifféremment des autres eaux, leur transport représente un coût équivalent à celui des eaux usées ; qu’en outre, il ressort des pièces du dossier qu’un coefficient tenant compte d’une pollution, et par conséquent d’une nécessité de traitement moindre de ces eaux par rapport aux eaux usées domestiques, est appliqué pour le calcul de la redevance ; qu’aucune disproportion de la redevance ne ressort dès lors des pièces du dossier ;
Considérant que la société requérante (...), ne démontre pas, d’une part, que les eaux qu’elle rejette sont exemptes de toute pollution et, d’autre part, qu’une solution de déversement des eaux dans la Seine par la création d’un réseau séparatif devrait être prise en charge par la ville de Paris en l’absence de toute obligation résultant d’un texte quelconque. ».
CAA Paris, 8 avril 2010, Société Vinci Park France, no 08PA04819.

2Aux termes de l’article L. 1331-10 du Code de la santé publique, le déversement d’eaux usées, autres que domestiques, dans les égouts publics, doit être préalablement autorisé par la collectivité à laquelle appartiennent les ouvrages qui seront empruntés par ces eaux usées avant de rejoindre le milieu naturel. L’exercice de cette police spéciale à la diligence du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), auquel la compétence a été déléguée pour l’assainissement, peut impliquer la mise en œuvre d’une participation de l’auteur du déversement aux dépenses, notamment d’entretien et d’exploitation entraînées par la réception de ces eaux.

3Par ailleurs, si l’article R. 1331-1 du même code interdit d’introduire dans le système de collecte des eaux usées, notamment des eaux de source ou des eaux souterraines, une dérogation à cette interdiction peut être admise si les caractéristiques des ouvrages de collecte ou de traitement le permettent et pour autant que les déversements soient sans influence sur la qualité du milieu récepteur du rejet final.

4Pour fixer le montant de la participation, le juge vérifie sa proportionnalité au regard du service rendu, s’agissant en l’occurrence d’eaux dont le transport par le réseau représente un coût équivalent à celui des eaux usées, mais qui nécessitent un traitement moindre en tant qu’eaux d’exhaure que celui requis pour les eaux usées domestiques.

Réalisation d’une station d’épuration - Absence de valeur juridique du schéma directeur d’assainissement de l’agglomération - Défaut de transmission de l’étude d’impact à l’autorité compétente en matière d’environnement non constitué, faute de désignation de cette autorité à la date du déroulement de l’enquête publique - Obligation pour une étude d’impact réalisée au titre de la police de l’eau, de prendre en compte les effets sur la santé des risques cumulés de la station d’épuration et de l’installation d’incinération des déchets soumise à la police des ICPE (non) - Obligation de mener conjointement ou simultanément les enquêtes publiques prévues au titre de la police de l’eau et au titre de la déclaration d’utilité publique (non) - Indépendance des législations - Atteintes excessives portées à une ZNIEFF (non).

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« Considérant (…) que la communauté d’agglomération “Chartres Métropole” a déposé, le 26 septembre 2006, un dossier de demande d’autorisation, au titre de la législation sur l’eau, en vue de la réalisation d’une station d’épuration sur le territoire de la commune de Mainvilliers, au lieu-dit La Mare Corbonne, en remplacement de la station d’épuration actuelle située sur la commune de Lèves qui, sous-dimensionnée, connaissait d’importants dysfonctionnements, sources de diverses pollutions ; que, par arrêté préfectoral (…), le préfet d’Eure-et-Loire a, par arrêté du 26 octobre 2007, accordé l’autorisation sollicitée pour la réalisation d’une station d’épuration d’une capacité de 200 000 équivalents-habitants, destinée au traitement des eaux usées de l’agglomération chartraine et des apports extérieurs ;
Considérant (…) que les requérants soutiennent que le schéma directeur d’assainissement de l’agglomération n’est pas visé par l’arrêté attaqué ; que, toutefois, la seule circonstance que ce document, qui n’a au demeurant d’autre valeur que celle d’un document de travail et de planification, ne figure pas dans les visas de l’arrêté en litige est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision ;
Considérant que (…) le III de l’article L. 122-3 du même code renvoyant à un décret en Conseil d’Etat la désignation de l’autorité administrative à laquelle l’étude d’impact doit être transmise ; que faute pour ce décret en Conseil d’Etat d’être intervenu à la date de l’enquête publique en cause, ces dispositions législatives étaient manifestement inapplicables à l’arrêté attaqué ; qu’il en résulte que le moyen tiré du défaut de transmission de l’étude d’impact à l’autorité compétente en matière d’environnement ne peut qu’être écarté ;
Considérant (…) que, toutefois, les allégations relatives à l’insuffisance du volet paysager de l’étude d’impact sont très imprécises et nullement établies ; que l’étude d’impact qui a précisément décrit le tracé de la canalisation de transfert des effluents de l’ancien site de Lèves vers le site de la nouvelle installation, en évitant dans la mesure du possible toute zone habitée, a analysé les incidences possibles de ce dispositif et prévu des mesures compensatoires pour prévenir tout risque de dysfonctionnement et de pollution ; que l’étude d’impact, qui a été réalisée au titre de la législation sur l’eau, n’avait pas à prendre en compte les effets sur la santé des risques cumulés de la station d’épuration et de l’installation d’incinération des déchets, laquelle relève de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement, présente à proximité du site d’implantation de la station d’épuration ;
Considérant (…) que les requérants soutiennent que l’enquête publique réalisée au titre de la législation sur l’eau aurait dû, conformément aux dispositions des articles L. 214-1 et suivants du Code de l’environnement, être organisée simultanément ou conjointement avec l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique du projet ; que, toutefois, le régime d’autorisation administrative institué dans un but de police par la législation sur l’eau, d’une part, et les règles relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique, d’autre part, constituent des législations ayant des objets différents et qui donnent lieu à des décisions administratives distinctes ; que les dispositions des articles L. 214-1 et suivants du Code de l’environnement n’imposent nullement l’obligation de mener de façon conjointe ou simultanément ces deux procédures (…) ;
Considérant (…) que s’il est constant que le projet de station est prévu au sein d’une ZNIEFF de type 2 “Vallée de l’Eure de Chartres à Maintenon et vallées affluentes”, en raison notamment de la présence de prairies marécageuses, de boisements de fonds de la vallée, de peupleraies, aulnaies et de chênaies-charmaies, il résulte de l’instruction que la station d’épuration sera implantée sur des parcelles actuellement cultivées et que seules des formations boisées, qu’il est prévu de préserver, sont présentes en bordure du site ; que dans ces conditions, la décision contestée n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation au regard du classement du site en ZNIEFF de type 2. ».
TA Orléans, 15 juin 2010, Comité de hameau de Seresville et autres, no 0801649.

6Le juge rappelle le principe d’indépendance des législations qui ne permet pas d’imposer :

  • Dans l’étude d’impact réalisée pour une opération soumise à la police de l’eau, la prise en compte des effets sur la santé des risques cumulés de l’opération soumise à la police de l’eau et d’une opération connexe soumise à la police des installations classées ;
  • Le déroulement conjoint ou simultané des enquêtes publiques prévues respectivement au titre de la police de l’eau et au titre de la déclaration d’utilité publique.

Autorisations (police de l’eau)

Création d’un golf - Présence d’une zone humide - Incidence négligeable-Compatibilité avec le SDAGE (oui).

7

« Considérant (…) que le SDAGE du bassin Loire-Bretagne fixe sept “objectifs vitaux”, dont le quatrième s’intitule “Sauvegarder et mettre en valeur les zones humides”, et définit un certain nombre de “préconisations” visant à “la préservation et la protection” desdites zones, parmi lesquelles figurent la préservation de la diversité des habitats et des espèces, la “préservation de l’intégrité d’entités écologiques”, et une préconisation tendant à “interdire tous les travaux susceptibles d’altérer gravement l’équilibre hydraulique et biologique des zones humides” ;
Considérant, d’une part, que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, seule une partie de l’Ile Pinette, correspondant à une prairie humide du centre de l’île dans une dépression topographique naturelle et à une prairie mésophile, constitue une “zone humide” au sens du 1o du 1 de l’article L. 211-1 du Code de l’environnement (…) ; que, d’autre part (…), l’incidence de l’aménagement autorisé sur les eaux souterraines et superficielles est quantitativement et qualitativement négligeable dès lors que la surface irriguée est réduite à l’arrosage des greens, représentant 1,4 % de la surface du golf, que l’entretien du terrain par des moyens mécaniques est systématiquement privilégié, que l’article 3 de l’arrêté d’autorisation contesté interdit l’utilisation de produits phytosanitaires en dehors des greens, et en l’absence de tout rejet direct dans la Loire ou le Boireau ; qu’enfin, il ressort du document d’incidences (…), qu’aucun habitat ou espèce prioritaire du site Natura 2000 n’est touché par l’aménagement réalisé, que les zones du périmètre se trouvant hors du parcours de golf lui-même conserveront leur aspect naturel, que la zone de prairie humide située au centre du site, susceptible d’accueillir des oiseaux d’eau migrateurs, sera presque totalement conservée en son état naturel puisque, à la suite d’une étude complémentaire prescrite par l’article 5.2 de l’arrêté d’autorisation, le tracé du fairway no 8 a été modifié et seul un cheminement piéton entretenu par simple fauchage est maintenu dans ce secteur, et enfin que l’emploi des produits fertilisants et phytosanitaires étant limité à une faible superficie, leur impact est considéré comme peu dommageable sur le milieu ; que, dans ces conditions, les travaux d’aménagement du golf, compte tenu de leur faible impact sur la ressource en eau et sur la zone humide, ne peuvent être regardés comme incompatibles avec les objectifs et préconisations du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne ;
Considérant (…) qu’en vertu de la rubrique 4.1.0, devenue 3.3.1.0, de la nomenclature (…) annexée à l’article R. 214-1 du Code de l’environnement, doivent faire l’objet d’une autorisation, lorsqu’ils touchent une zone supérieure ou égale à un hectare, les travaux du type “assèchement, mise en eau, imperméabilisation, remblais de zones humides ou de marais” ; que, compte tenu du faible volume des travaux de terrassement et de la superficie peu importante touchée par de tels travaux dans les secteurs de l’Ile Pinette pouvant être qualifiés de “zone humide”, il ne résulte pas de l’instruction que l’aménagement du golf en cause aurait dû être autorisé également au titre de ladite rubrique. ».
CAA Nantes, 8 octobre 2010, Association pour la protection des sites Natura 2000 et autres, no 09NT01117.

8Faisant suite à la simplification de la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou déclaration au titre de la police de l’eau, aucune rubrique n’est désormais prévue soumettant les créations de golfs à autorisation.

9Toutefois, cet aménagement est pris en compte au titre de la police de l’eau par les impacts qu’il peut avoir en termes de prélèvement sur la ressource ou de rejets dans le milieu naturel, au travers des rubriques correspondantes (1.1.2.0 et 2.2.3.0).

Décision implicite du préfet refusant de mettre en demeure les opérateurs de randonnée aquatique de produire une autorisation ou une déclaration pour destruction de frayères - Référé - Activité entrant dans le champ d’application de la police de l’eau (oui) - Impact important de l’activité et fragilité du site fondant l’urgence (oui) - Erreur manifeste d’appréciation (oui) - Doute sérieux quant à la légalité de la décision (oui) - Suspension de la décision implicite de rejet (oui).

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« Considérant (…) que l’administration n’entendait pas, à la date où est intervenue la décision attaquée, exiger des sociétés d’escalade, de randonnée aquatique et autres sports d’eau vive, qu’elles produisent l’autorisation ou la déclaration relative à leurs activités sur le fondement des dispositions du Code de l’environnement relatives à la police de l’eau ; que, par ailleurs, (…) une décision implicite ne revêtant pas le caractère d’une mesure préparatoire a bien été opposée sur ce point à l’association (…) ;
Considérant (…) qu’en raison de l’intermittence des lâchers d’eau pratiqués par le gestionnaire du barrage de Sainte-Croix pendant l’été, l’activité de randonnée aquatique s’est fortement développée au cours des dernières années, rassemblant plusieurs centaines de randonneurs par jour lors des périodes de plus forte affluence et, selon les données recueillies par l’association et non contestées par l’administration, environ 35 000 personnes au total entre mai et octobre (…) ; que cette activité, qui consiste à descendre une partie du cours de cette rivière en marchant dans la partie de son lit encore en eau, se traduit par le piètement des gravières et des radiers nécessaires au repos, à la croissance et à l’alimentation des espèces aquatiques ; qu’elle a donc un impact important sur l’environnement et plus particulièrement sur la faune aquatique et, en son sein, sur l’espèce apron ; que cet impact est renforcé par l’étroitesse du lit de la rivière, la fragilité de son équilibre écologique et son faible débit en période estivale ; que la reprise de cette activité au cours de l’été 2010, la perspective de la poursuite de sa croissance rapide et l’aggravation potentielle de ses effets sur l’environnement dans le site exceptionnel que constituent les Gorges du Verdon, objet de plusieurs mesures de protection édictées sur le fondement de textes internationaux, communautaires ou nationaux, caractérisent l’urgence à suspendre la décision attaquée en ce qu’elle refuse de mettre en demeure les opérateurs offrant un service de randonnée aquatique de produire la déclaration administrative de leur activité sur le fondement du Code de l’environnement ;
Considérant (…) que l’activité de “randonnée aquatique”, organisée par de nombreux opérateurs économiques dans les Gorges du Verdon, consiste à descendre une partie du cours de cette rivière en marchant dans les parties de son lit parcourues par un courant d’eau de faible profondeur ; que cette activité se traduit donc nécessairement, indépendamment de toute précaution prise par les organisateurs, par un piétinement des zones de galets et graviers couvertes d’une eau peu profonde (…) ; que cette activité emporte de ce fait, étant donné le faible débit du Verdon, l’étroitesse de son lit et la croissance de cette activité telle qu’elle a été décrite ci-dessus, une atteinte irréversible à court terme aux frayères et aux zones d’alimentation et de croissance du poisson apron et, plus largement, des autres espèces se nourrissant d’invertébrés, et ce sur un segment du Verdon long d’au moins 1 300 mètres ; qu’il en résulte que l’activité de randonnée aquatique proposée par les sociétés en cause doit être regardée comme entrant dans le champ d’application des dispositions combinées des articles L. 214-1, L. 214-2 et R. 214-1 précités du Code de l’environnement et soumise à autorisation ou déclaration en application de la rubrique 3.1.5.0 de ce dernier article ; que dès lors, les moyens tirés de ce que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a entaché sa décision de violation directe de la loi et d’erreur manifeste d’appréciation en refusant de mettre en demeure lesdites sociétés de produire ladite autorisation ou déclaration sont de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; qu’il y a lieu, par suite, de suspendre l’exécution de la décision implicite de rejet contestée en ce qu’elle refuse de mettre en demeure les sociétés et autres opérateurs pratiquant la randonnée aquatique de produire l’autorisation ou la déclaration prévue par l’article L. 214-1 du Code de l’environnement. ».
TA Marseille, 8 juillet 2010, Association interdépartementale et intercommunale pour la protection du lac de Sainte-Croix, de son environnement, des lacs et sites du Verdon, no 1003501.

11La rubrique 3.1.5.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du Code de l’environnement prévoit un régime d’autorisation ou de déclaration pour toute opération de nature à détruire les frayères, les zones de croissance ou les zones d’alimentation de la faune piscicole, des crustacés et des batraciens (lit mineur du cours d’eau), voire même les frayères de brochet dans le lit majeur.

12Dans le même temps, se développent certaines activités de loisirs nautiques dans certains cours d’eau considérés comme « sportifs » par leurs pratiquants et qui ont également pour caractéristique de présenter des biotopes particulièrement intéressants et de ce fait fragiles.

13Parmi ces activités, l’une d’entre elles, témoignant de l’imagination fertile de ses instigateurs, se révèle extrêmement prédatrice à l’encontre des milieux concernés, s’agissant de la randonnée aquatique, qui consiste à descendre ou à remonter les cours d’eau en marchant à pied dans leur lit et de ce fait à piétiner sans ménagement des zones de galets et graviers couvertes d’une eau peu profonde, constituant autant de frayères et zones d’alimentation des espèces autochtones, notamment piscicoles.

14La surfréquentation de ces espaces durant la période estivale aggrave les atteintes qui peuvent être irrémédiables, sachant que dans le cas du Verdon 35 000 personnes y pratiquent la randonnée aquatique de mai à septembre, soit de 1 000 à 1 400 personnes par jour si l’on y adjoint les autres sports d’eau vive et 2 000 personnes par le biais de l’ensemble des activités nautiques.

15Dans ce contexte, le juge des référés saisi par une association a prononcé la suspension du refus implicite du préfet, qui lui avait été opposé, de mettre en demeure les sociétés et opérateurs divers organisant la randonnée aquatique le long du Verdon, de déposer un dossier de déclaration ou d’autorisation en application de la rubrique 3.1.5.0 précitée.

16Ainsi, le juge considère que la condition d’urgence est constituée pour la pratique de la randonnée aquatique, eu égard au fort développement de cette activité, de son impact négatif sur les zones de repos, de naissance et d’alimentation des espèces aquatiques et de la particulière fragilité du site. S’agissant des autres activités aquatiques, sportives ou récréatives, leur impact sur le milieu n’apparaît pas suffisamment démontré.

17Par ailleurs, l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision préfectorale implicite est avérée, eu égard à l’atteinte irréversible portée à court terme aux frayères et zones d’alimentation et de croissance du poisson et des autres espèces aquatiques sur un segment de rivière d’au moins 1 300 mètres.

18Ainsi, les moyens tirés de la violation de la loi et de l’erreur manifeste d’appréciation du préfet, en refusant de mettre en demeure les opérateurs impliqués dans la pratique de la randonnée nautique de produire une déclaration ou une autorisation, créent un doute sérieux quant à la légalité de la décision préfectorale implicite de rejet et le juge prononce par conséquent la suspension de la décision implicite du rejet.

19Dès lors, tout porte à croire que le recours au fond se conclura par l’annulation de cette décision.

20On notera que la mise en œuvre de la procédure d’autorisation ou de déclaration de destruction de frayères est loin d’être aisée et que les parties de cours d’eau susceptibles d’abriter des frayères doivent faire l’objet d’un inventaire à l’initiative du préfet conformément aux dispositions de l’article R. 432-1-1 du Code de l’environnement.

Travaux hydrauliques nécessités par le doublement d’une route nationale aménagée en remblai dans le lit d’un cours d’eau à régime hydraulique méditerranéen - Caractère insubmersible de la plate-forme routière objet du remblai - Atteinte au principe de précaution (non) - Suffisance des mesures prises en vue de la protection des captages d’eau destinée à la consommation humaine (oui) - Suffisance du document d’incidences (oui) - Suffisance des prescriptions prévues en cas de pollution accidentelle (oui) - Compatibilité avec le SDAGE (oui).

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« Considérant (…) que la plate-forme routière a été calée pour être insubmersible jusqu’à des valeurs de crue de 4 000 m3 à 4 300 m3 et que les ouvrages de franchissement du Var sont calculés pour laisser passer le débit extrême de 5 000 m3/s avec une marge d’un mètre cinquante au moins sous le tablier du pont ; que ces valeurs de débit sont supérieures à la valeur de la crue centennale de référence retenue dans le PPRN qui est de 3 800 m3/s ; que le fait que le dossier de demande retienne un débit pour la crue centennale de référence de 3 500 m3/s et non de 3 800 m3/s comme le PPRN n’est pas de nature à obliger l’administration à revoir les valeurs de crue retenues dans son projet compte tenu que ce projet a été établi sur les valeurs de la crue centennale maximale de 4 300 m3 et d’un débit extrême de 5 000 m3/s ; que l’application par anticipation du PPRN ne constitue dès lors pas une circonstance de droit nouvelle qui aurait rendu nécessaire la réalisation d’une nouvelle enquête publique (…) ;
Considérant (…) qu’il ressort de l’étude d’incidence produite par le pétitionnaire, que ce dernier, après avoir pris en considération les différentes pollutions susceptibles de survenir du fait de la réalisation et du fonctionnement de l’ouvrage routier prévu, a présenté les mesures de nature à réduire les incidences du projet en ce qui concerne la pollution liée aux travaux, la pollution accidentelle, la pollution chronique et la pollution saisonnière et le risque de crue ; que les études réalisées permettent avec une certitude suffisante d’établir que l’autorisation contestée de réaliser les travaux de la RN 202 bis n’est pas susceptible de créer un risque de dommage grave et irréversible à l’environnement et de méconnaître le principe de précaution (…) ;
Considérant que l’arrêté contesté contient dans son article 4.4 des mesures de protection contre les pollutions et de protection des captages d’eau potable ;
Considérant que la demande d’autorisation analyse la compatibilité du projet avec les dix orientations fondamentales du SDAGE du fait des mesures de protection et de compensation qui l’accompagnent et n’est pas incompatible avec les objectifs fondamentaux du SDAGE qui visent à lutter contre les pollutions, à respecter le fonctionnement naturel des milieux particulièrement dégradés, à s’investir plus efficacement dans la gestion des risques d’inondation, à préserver la gestion de l’eau, au renforcement de la gestion locale et concertée ; que l’étude d’incidence présente les conséquences en termes de risque d’inondation avant et après le projet et précise l’incidence du projet sur l’écoulement des crues ; que le dossier présente une étude générale sur le fleuve avec une justification des principes hydrauliques retenus, une étude du milieu et des conséquences morphologiques du projet sur le cours du fleuve ; que l’absence de la réalisation de l’étude sur le transport solide pour l’ensemble du fleuve, prescrite par le SDAGE dans un délai de cinq ans suivant son approbation, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée (…) ;
Considérant (…) que l’arrêté attaqué énonce de manière précise les prescriptions relatives à la protection contre les pollutions chroniques ou accidentelles, qu’il contient également, dans son article 5, des prescriptions précises permettant la protection du milieu lors de l’exécution des travaux et qu’il prévoit, dans son article 6.3, l’élaboration d’un plan particulier d’intervention préalablement à la mise en service de la RN 202 bis qui devra préciser toutes les dispositions à prendre en cas d’accident grave pouvant engendrer une pollution des eaux superficielles ou souterraines du Var (…). ».
TA Nice, 6 juillet 2010, Fédération d’action régionale pour l’environnement, Association de défense des riverains de la vallée du Var et autres, nos 0204731 et 0203793.

22Déjà en 1998, un aménagement routier – le doublement de la RN 202 bis devenue route départementale 6202 bis – à nouveau l’objet du présent panorama de jurisprudence, avait permis au juge de stabiliser la jurisprudence quant au contenu du document d’incidences.

23A l’époque, en effet, l’autorisation de remblai d’une partie du lit du Var par cet aménagement avait dû être annulée par un arrêt de la CAA de Marseille du 30 juin 1998 du fait de l’incomplétude du document d’incidences qui ne comportait aucune donnée sur l’importance et la récurrence des crues du Var, dont les variations de débit peuvent être spectaculaires. En tirant les enseignements, les services de police de l’eau ont intégré ces exigences dans la procédure. L’aménagement peut se poursuivre sans encourir de risque d’annulation pour l’autorisation délivrée au titre de la police de l’eau, notamment en décrivant dans le document d’incidences les risques d’une crue centennale et en indiquant les mesures pour en limiter ou en compenser les conséquences, procédure ainsi validée par le juge (TA Nice, 6 juillet 2010, précité).

24Le document d’incidences demeure la pierre angulaire de la police de l’eau tant pour le régime de l’autorisation que pour celui de la déclaration, qui permet au juge d’apprécier si l’opération prévue est bien conforme au principe de la gestion équilibrée au sens de l’article L. 211-1 du Code de l’environnement, tout particulièrement en cas de risques pour la sécurité civile.

Retenues de substitution - Incompatibilité du dossier de demande d’autorisation soumis à enquête publique concernant les canalisations et fossés de vidange des cinq réserves de substitution prévues - Insuffisance de l’étude d’impact concernant les espèces autres que piscicoles - Présence sur le site d’espèces protégées au titre des directives Oiseaux et Habitats - Carence non compensée par la jonction à l’étude d’impact d’une évaluation de compatibilité du projet avec la zone Natura 2000 - Absence de mention dans l’étude d’impact des effets prévisibles du projet - Insuffisance de l’étude d’impact (oui) - Irrégularité substantielle (oui) - Insuffisance de la motivation du jugement attaqué (non).

25

« Considérant que, pour retenir le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 214-6 du Code de l’environnement, le tribunal administratif a relevé que les ouvrages de canalisation et les fossés de vidange, qui seront exploités par l’ASAI des Roches et qui sont indissociables du projet de réserves et de stockage d’eau, n’ont pas été examinés conformément aux exigences dudit article et que la seule mention concernant le tracé des amenées d’énergies et figurant en page 85 de l’étude d’impact ne pouvait pallier l’insuffisance sur ce point du dossier soumis à enquête publique ; que le Tribunal a ainsi suffisamment exposé les motifs de fait et de droit sur lesquels il s’est fondé pour retenir le moyen ; que, par suite, le jugement attaqué n’est pas entaché d’insuffisance de motivation ;
Considérant que l’autorisation litigieuse autorise la création de cinq retenues d’eau d’un volume global de 1,578 million de mètres cubes et d’une superficie cumulée de 33 hectares ; que le projet ainsi autorisé comprend la construction de réservoirs d’eau, mais aussi la réalisation de digues, de clôtures, de fossés de vidange, d’installations de pompage et d’alimentation en énergie électrique, ainsi que de canalisations, aériennes ou souterraines, d’amenée d’eau et d’irrigation ; que les réserves projetées se situent à proximité de la zone Natura 2000 du Marais Poitevin ; que l’une d’elles se trouve dans le périmètre de la ZNIEFF de la forêt de Benon ;
Considérant que si, en ce qui concerne l’état initial du site d’implantation du projet, l’étude d’impact comporte, en pages 38 à 40, des indications relatives à la flore et au milieu aquatique, elle ne contient, en revanche, en ce qui concerne la faune autre que piscicole, que de très rares indications éparses, alors qu’un constat d’huissier (…) révèle la présence, sur le site, d’espèces protégées au titre des directives européennes Oiseaux et Habitats dont l’étude ne fait aucune mention ; que cette carence n’est pas compensée par le fait qu’était jointe à l’étude d’impact une évaluation de la compatibilité du projet avec la zone Natura 2000 du Marais Poitevin dans laquelle étaient mentionnées les espèces protégées présentes dans cette zone, dès lors que le site d’implantation du projet n’est pas situé à l’intérieur de celle-ci ; que l’étude d’impact ne comporte pas, s’agissant des effets prévisibles du projet, lesquels doivent être appréciés en tenant compte des réserves proprement dites mais aussi des ouvrages et installations connexes, une analyse suffisante de ces effets sur la faune autre que piscicole située sur le site du projet, notamment les espèces protégées qui s’y trouvent ; que, dans ces conditions, l’étude d’impact dont il s’agit ne peut être regardée comme répondant sur ces points aux exigences de l’article R. 122-3 précité du Code de l’environnement ; que cette insuffisance, qui entache la procédure d’irrégularité substantielle, suffit à justifier l’annulation prononcée par les premiers juges (…) ; qu’il ne résulte pas en revanche de l’instruction que les réseaux d’irrigation et fossés de vidange auraient dû faire l’objet, dans l’étude d’impact, d’une analyse spécifique de leur incidence sur les eaux et le milieu aquatique. ».
CAA Bordeaux, 15 novembre 2010, Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer c/ Association Nature environnement 17 et Association Action information écologie en Charente-Maritime, nos 10BX00682 et 10BX0124.

26Cette affaire s’inscrit dans la contestation des projets de retenues appelées dans un premier temps « collinaires » puis « de substitution », dans un second temps « réserves de substitution » dont l’objet essentiel est de pallier dans certaines régions (essentiellement Sud-Ouest et Poitou-Charentes) la pénurie structurelle et chronique d’eau pour y cultiver des plantes grandes consommatrices d’eau.

27Il s’agit, en l’occurrence, du volet conséquent d’opérations de grande ampleur entreprises sur le département de Charente-Maritime qui consistent en la création de cinq réserves de substitution à usage d’irrigation agricole d’un volume global de 1,5 million de mètres cubes pour une superficie cumulée de 33 hectares, alimentées à partir de prélèvements d’eaux souterraines.

28Ces derniers temps, de nombreux projets se sont soldés par l’annulation des autorisations délivrées au titre de la police de l’eau, dans la majeure partie des cas pour vice de procédure et, de ce fait, par la mise en jeu de la responsabilité de l’Etat sur le fondement de la faute.

29Il s’agit normalement d’un ouvrage réalisé hors cours d’eau ou ne recourant pas à un prélèvement d’eau souterraine pour se remplir, qui recueille l’eau de ruissellement pendant la période hivernale afin d’éviter les prélèvements en période estivale dans les zones souffrant d’un déficit structurel et dans lesquelles on entend malgré tout poursuivre l’irrigation. Soumis à autorisation ou déclaration au titre de la police de l’eau (rubrique 3.2.3.0 de la nomenclature annexée à l’art. R. 214-1 du Code de l’environnement), ce type d’ouvrages implique la plupart du temps, eu égard à son importance, une étude d’impact et une enquête publique « lourde » prévues aux articles R. 11-14-1 à R. 11-14-15 du Code de l’expropriation, dès lors que leur coût excède le seuil financier de 1,9 million d’euros.

30L’intérêt de telles réserves pour les irrigants réside dans le fait qu’elles leur permettent de s’affranchir de la limitation des prélèvements, tout particulièrement dans les zones de répartition des eaux (ZRE).

31Le plus fréquemment, le juge a été amené à sanctionner davantage les erreurs de légalité externe (vices de procédure) que les erreurs de légalité interne (violation de la loi), mais toutefois sans exclure à l’avenir le recours à ce dernier fondement si les déséquilibres entre le volume des prélèvements autorisés et la disponibilité de la ressource venaient à s’amplifier.

32Ainsi, les motifs les plus invoqués ayant conduit à l’annulation sont les suivants :

  • Qualification erronée des ouvrages en tant que « réservoirs enterrés ou semi-enterrés », permettant d’échapper à l’exigence de l’étude d’impact, alors qu’ils ne présentent pas de telles caractéristiques (CAA Bordeaux, 7 mars 2006, Ministre de l’Ecologie et du Développement durable c/ Association Protection et avenir du patrimoine en Pays d’Aigre, nos 05BX01547 et 05BX01549), étant entendu que les réservoirs enterrés ou semi-enterrés ne figurent plus dans la nomenclature des études d’impact ;
  • Insuffisance de l’étude d’impact, de la notice d’impact ou de document d’incidences quant à l’inventaire de l’état initial du site (TA Poitiers, 31 décembre 2009, Association Nature Environnement 17, no 0801414) ou aux conséquences du projet sur la ressource en eau ou les autres usages ;
  • Absence d’analyse de la compatibilité du projet avec le SDAGE (CAA Nantes, 2 mars 2010, Compagnie d’aménagement des eaux de Gascogne, no 09NT0076) ;
  • Conclusions non explicites du commissaire-enquêteur (TA Poitiers, 31 décembre 2009, Association Nature Environnement 17, no 0801970 ; v. Eva Guyard « Les retenues de substitution : une solution écologique ? », Droit de l’environnement no 181, août 2010, p. 263).

Crise

Référé - Limitation et suspension provisoire des usages de l’eau - Urgence (non) - Légalité des décisions préfectorales (oui).

33

« Considérant que l’association requérante n’apporte aucun élément à l’appui de ses affirmations tendant à démontrer que les exploitations des irrigants, dont elle a la charge de défendre les intérêts, seraient dans une situation telle que l’application des arrêtés en cause, qui pour l’un attribue des volumes de prélèvements d’eau dans les nappes souterraines et pour l’autre porte autorisation de prélèvement d’eau dans les rivières et les nappes alluviales en relation avec l’évolution constatée de la ressource en eau au début de l’année 2010 ainsi que les années antérieures, entraînerait nécessairement un arrêt de l’irrigation de leurs cultures et mettrait en cause de façon directe leur pérennité (…) ; qu’à supposer que la tardiveté de l’administration à prendre ceux-ci ait contribué à rendre plus difficile la gestion de l’eau à disposition des exploitants représentés par l’ADIV, ce seul élément ne peut davantage suffire à établir l’existence d’une urgence à suspendre cette exécution ; que, par ailleurs, le directeur départemental des territoires de la Vienne représentant le préfet a fait valoir (…), et sans qu’il soit contredit, que, d’une part, les autorisations de prélèvements d’eau provenant des réseaux superficiels ou des nappes souterraines pour la campagne 2010 étaient globalement supérieures aux consommations observées en 2009 au titre des prélèvements aussi bien en rivière qu’en nappe et que, d’autre part, de nouvelles références de consommations d’eau au titre de l’irrigation de l’année 2003, année exceptionnelle, devaient être envisagées avec pour objectif un meilleur usage, nonobstant la reconnaissance des importants efforts déjà consentis et réalisés par les irrigants, et la pérennité de la ressource en eau et qu’une meilleure connaissance entre la liaison du débit des rivières et du niveau des nappes alluviales devait être assurée ; que, dans ces conditions, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, que l’urgence, qui doit s’apprécier objectivement et globalement, justifie la suspension de l’exécution des arrêtés du préfet de la Vienne (…). »
TA Poitiers, 5 août 2010, Association départementale des irrigants de la Vienne (ADIV), no 1001824.

Référé - Demande de suspension de la délimitation des zones d’alerte et des mesures de limitation provisoire des usages de l’eau - Zone de répartition des eaux - Caractère non significatif de la baisse des rendements agricoles et des risques pour la pérennité des exploitations - Urgence (non) - Nécessité de l’édiction de mesures permettant d’assurer la gestion équilibrée de la ressource en eau et des milieux aquatiques - Légalité (oui).

34

« Considérant que le bassin de la Seudre est classé en zone de répartition des eaux et se caractérise par des déséquilibres entre la demande et la ressource en eau depuis 2003 (…) ; que (…) la seule baisse des rendements à l’hectare, constatée en 2009 sur une exploitation agricole partiellement autorisée à ne pas restreindre l’irrigation, ne suffit pas à établir que les mesures de limitation et de restriction d’eau décidées en 2010 par le préfet de la Charente-Maritime seraient de nature à mettre en cause, de façon directe, la pérennité de l’ensemble des exploitations produisant du maïs sur les bassins concernés ; qu’en revanche, l’arrêté contesté fixe, dans l’intérêt général, des mesures de limitation des usages de l’eau susceptibles d’être rendues nécessaires pour la préservation de la santé et de la salubrité publiques, de l’alimentation en eau des populations, des écosystèmes aquatiques et pour la protection des ressources en eau conformément aux dispositions de l’article L. 211-3 du Code de l’environnement ; que, dans ces conditions, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, que l’urgence, qui doit s’apprécier objectivement et globalement, justifie la suspension de l’arrêté préfectoral du 15 avril 2010 susvisé ; que, par suite, les conclusions aux fins de suspension de l’exécution de cet arrêté doivent être rejetées. »
TA Poitiers, 27 août 2010, Association syndicale autorisée des irrigants de Saintonge Centre, no 1002241 et Association syndicale autorisée Boutonne, no 1002244.

Zone de répartition des eaux - Prélèvement en nappe profonde antérieur à la loi du 3 janvier 1992 - Bénéfice de l’antériorité (non) - Soumission au régime de l’autorisation - Légalité de la limitation dans le temps de l’autorisation et des prescriptions complémentaires (oui) - Méconnaissance des droits acquis (non) - Obligation de mesure des quantités d’eau prélevées (oui) - Dispositions du SDAGE reconnaissant à la nappe profonde une fonction de secours pour l’alimentation en eau potable - Légalité des prescriptions d’intérêt général imposant au permissionnaire l’alimentation des populations en eau potable en cas de crise (oui) - Obligation de mise en compatibilité avec le SDAGE (oui).

35

« Considérant que M. Dufus exploite depuis 1989 un puits de prélèvement d’eau à usage d’irrigation agricole dans la nappe de l’Albien sur le territoire de la commune de Dammarie-sur-Loing ; que cet ouvrage, qui ne relevait initialement d’aucun régime administratif d’autorisation ou de déclaration, s’est trouvé soumis au régime de la déclaration résultant des dispositions de l’article 10 de la loi du 3 janvier 1992 et du décret du 29 mars 1993 susvisés ; que M. Dufus a demandé le bénéfice de l’antériorité prévu par l’article 41 du décret du 29 mars 1993 en faveur des forages existant avant sa publication et le préfet du Loiret, par récépissé du 27 novembre 1995, lui a donné acte de la possibilité de continuer à exploiter son forage sans déclaration ou autorisation spécifique, tout en lui précisant que ce récépissé de déclaration ne faisait pas obstacle à la prescription des mesures nécessaires à la protection des éléments mentionnés à l’article 2 de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 alors applicable ; que, par arrêté du 23 mars 2009, le préfet du Loiret a imposé des prescriptions complémentaires à M. Dufus pour la mise en conformité de son ouvrage de prélèvement d’eau ; que cet arrêté, d’une part, au travers de l’autorisation d’exploitation qu’il accorde pour une durée de trente ans, soumet l’ouvrage concerné au régime de l’autorisation, d’autre part, assortit cette autorisation de limitations et prescriptions ; que M. Dufus demande l’annulation de cet arrêté ;
Considérant (…) que, à la date de l’arrêté attaqué du 23 mars 2009, l’ouvrage de M. Dufus, dont le débit est supérieur à 8 m3/h, ne relevait plus du régime de la déclaration prévu par les articles L. 214-1 et suivants du Code de l’environnement mais relevait du régime de l’autorisation prévu par les mêmes dispositions ; que, par suite, M. Dufus n’est pas fondé à soutenir d’une manière générale, au motif que la procédure appliquée par le préfet est celle relative au régime de l’autorisation, que l’arrêté qu’il conteste a été pris au terme d’une procédure irrégulière ;
Considérant que le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Seine-Normandie, (…) dispose (…) : “A l’intérieur du périmètre tel que défini sur la carte de l’annexe I, la nappe de l’Albien et la nappe sous-jacente du Néocomien doivent être exploitées de manière à assurer impérativement leur fonction de secours pour l’alimentation en eau potable. Les prescriptions suivantes sont applicables aux prélèvements : / (…) 5. Le niveau des pompes des forages actuels et futurs doit être tel que l’ouvrage soit opérationnel à tout moment pour faire face à une alimentation de secours, pendant une durée de trois mois, au débit de 150 m3/h ou, à défaut de pouvoir atteindre ce débit, au débit maximal exploitable connu lors des essais de pompage. Les forages actuels et futurs exploitant ces nappes doivent impérativement pouvoir être raccordés sous vingt-quatre heures aux dispositifs de distribution d’eau potable de secours ultimes quels qu’ils soient. Les ouvrages existants devront être mis en conformité avec ces prescriptions dans un délai de cinq ans à compter de l’approbation de la modification du SDAGE” (…) ;
Considérant, d’une part, que l’arrêté préfectoral attaqué a été pris, sur le fondement des dispositions précitées du XI de l’article L. 212-1 et de l’article R. 214-54 du Code de l’environnement, en vue de rendre compatible l’ouvrage de M. Dufus avec le SDAGE du bassin Seine-Normandie ;
Considérant (…) qu’en l’espèce (…) l’ouvrage de M. Dufus se trouve soumis au régime de l’autorisation depuis le classement de la commune de Dammarie-sur-Loing en zone de répartition des eaux ; que, par suite, le préfet a pu légalement, sans méconnaître les droits acquis de M. Dufus, qui ne saurait à cet égard se prévaloir d’un droit d’appropriation de l’eau, mentionner aux articles premier et 3 de l’arrêté attaqué que ledit ouvrage relève du régime de l’autorisation et accorder à l’intéressé l’autorisation de poursuivre l’exploitation de son puits sous réserve de prescriptions ; que, par ailleurs, en fixant, à l’article premier de l’arrêté une durée, en l’espèce trente ans, de validité de l’autorisation ainsi accordée, le préfet n’a pas entaché son arrêté d’erreur de droit (…) ;
Considérant (…) que les prescriptions de l’article 7 de l’arrêté attaqué, qui prévoient notamment une inspection périodique décennale de l’ouvrage, visent à la mise à disposition de l’administration des performances de l’exploitation, sont nécessaires à la satisfaction des objectifs généraux fixés par la réglementation et résultent de la soumission de l’ouvrage concerné au régime de l’autorisation ; que M. Dufus n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que lesdites prescriptions constituent un changement notable des conditions de l’autorisation initiale ;
Considérant (…) que, contrairement à ce que soutient M. Dufus, les prescriptions prévues à l’article 8 de l’arrêté attaqué, qui lui imposent d’utiliser une pompe dimensionnée pour fournir un débit de 150 m3/h placée à une cote suffisante pour permettre l’alimentation en eau potable des populations en situation de crise, ne peuvent s’analyser ni comme le dépossédant de son droit d’usage de l’eau à des fins d’irrigation agricole, ni comme une expropriation de son droit de propriété ; que le préfet a, par ailleurs, pu légalement fixer de telles prescriptions sur le fondement des dispositions législatives précitées de l’article L. 214-4 du Code de l’environnement ; que le volume maximal de prélèvement de 30 000 m3 par an, fixé dans l’arrêté attaqué, correspondant à la moyenne des prélèvements du puits de M. Dufus entre 2004 et 2007, que la prescription relative à l’installation d’une pompe d’un débit de 150 m3/h pour permettre la disponibilité de l’ouvrage est conforme au SDAGE et qu’au demeurant l’arrêté prévoit qu’à défaut de pouvoir atteindre le débit déterminé de 150 m3/h, un autre débit maximal sera déterminé lors des pompages d’essai (…) ; qu’enfin, M. Dufus n’est pas fondé à contester les prescriptions du même article 8 qui lui imposent de mettre en œuvre les dispositions prévues par le plan local d’alimentation en eau de secours, une telle prescription relevant de la nécessaire compatibilité de l’autorisation avec le SDAGE du bassin Seine-Normandie. ».
TA Orléans, 23 novembre 2010, M. Dufus, no 0901996.

36Si les régions céréalières – au premier rang desquelles la région Poitou-Charentes – continuent d’alimenter régulièrement la jurisprudence sur les pouvoirs du préfet de limitation et de suspension des usages de l’eau en cas de pénurie exceptionnelle, plus rares sont les décisions contestées prises dans le cadre de la législation sur la pénurie chronique et, en l’occurrence, leur rareté fait leur intérêt. Ainsi, à l’occasion d’une décision particulièrement motivée, le tribunal administratif d’Orléans reconnaît la légalité de la soumission au régime de l’autorisation d’un prélèvement en nappe profonde, existant avant la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau, du fait du basculement vers le régime des zones de répartition des eaux, qui permet de soumettre à déclaration dans la zone considérée les prélèvements exemptés antérieurement de toute formalité et à autorisation les prélèvements précédemment soumis à déclaration, dès lors qu’ils atteignent ou dépassent 8 m3/h. De surcroît, s’agissant de prélèvements sur les nappes de l’Albien et du Néocomien reconnues par le SDAGE Seine-Normandie révisé en tant qu’approvisionnement de secours pour l’alimentation en eau potable de la région parisienne, le juge confirme la légalité de prescriptions imposées par le préfet au permissionnaire en vue de permettre l’alimentation en eau potable des populations en situation de crise.

37Il rappelle, à cette occasion, que l’intérêt général, plus particulièrement l’alimentation en eau potable des populations, fondant l’article L. 214-4 du Code de l’environnement, permet à l’Etat de retirer ou de modifier sans indemnité toute autorisation non conforme à cet égard, dès lors que l’eau, patrimoine commun, ne saurait faire l’objet d’une quelconque appropriation génératrice de droits acquis inexpugnables.

38Cette affaire est à rapprocher du jugement du tribunal administratif de Versailles du 8 octobre 1996, Société lyonnaise des eaux c/ Préfet de l’Essonne (no 945611), passé en autorité de la chose jugée, qui avait annulé un arrêté préfectoral autorisant le prélèvement et l’exploitation de la même nappe du Néocomien pour un usage industriel, pour incompatibilité avec le SDAGE Seine-Normandie dans sa version antérieure plus restrictive à cet égard, qui avait reconnu les nappes artésiennes du Néocomien et de l’Albien stratégiques pour l’alimentation en eau potable de l’agglomération parisienne en cas de crise grave, rendant impossible l’alimentation notamment à partir des eaux de surface et fixant un plafond maximal de prélèvements.

Déclaration

Référé - Opposition à la déclaration du projet communal de station d’épuration - Mise en conformité de la station d’épuration et du système d’assainissement - Urgence (oui) - Mesures compensatoires de mise en conformité proposées par la commune - Nécessité de procéder à leur examen - Suspension de l’opposition (oui).

39

« Considérant (…) que par arrêté du 6 avril 2010 le préfet du Vaucluse, après une première mise en demeure du 5 janvier 2010, a mis en demeure la commune de réaliser la station d’épuration avant le 1er mars 2011, ou de réaliser les travaux nécessaires pour faire traiter ses eaux usées par une station intercommunale dans le même délai ; que, par arrêté en date du 2 juin 2010, le préfet du Vaucluse a fait opposition à la déclaration, au motif, en premier lieu, que le dossier n’était pas complet, en deuxième lieu, que le choix de l’implantation de la station d’épuration en zone inondable n’était pas justifié par l’impossibilité technique d’implanter la station sur un autre site inondable, et que le projet ne respecte pas l’article 13 de l’arrêté ministériel du 22 juin 2007 et, en troisième lieu, que le projet ne respecte pas la plus grande transparence hydraulique comme demandé à l’article 4 de l’arrêté ministériel du 13 février 2002 (…) ;
Considérant que les décisions du 2 juin et du 13 août 2010, qui ont pour effet de placer à nouveau la commune de Lagarde-Pareol sous le coup de la mise en demeure du 6 avril 2010, avec des conséquences administratives et pénales, affectent sa situation de façon suffisamment directe et immédiate pour que la condition d’urgence soit tenue pour remplie et ce alors même, dès lors que l’urgence doit être appréciée de manière objective, que comme le fait valoir le préfet de Vaucluse, la commune serait, par son comportement, largement à l’origine de la situation actuelle ;
Considérant (…) que certaines prescriptions seraient susceptibles d’être adoptées, susceptibles de permettre de lever l’opposition au projet ; que ces prescriptions consisteraient notamment, selon la commune, à aménager la rive droite du ravin des Volonges sur 300 à 600 m3, selon des modalités plus protectrices des intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 que celles écartées par le préfet dans sa décision du 13 août 2010 ; qu’il n’appartient pas au préfet faisant application de la police des eaux d’écarter, au motif de leur coût excessif, les propositions de mesures compensatoires émanant du déclarant lui-même ; qu’il y a lieu dès lors pour le juge des référés d’inviter la commune de Lagarde Pareol à justifier sur le plan hydraulique, devant le préfet du Vaucluse, les mesures compensatoires évoquées par elle et de demander au préfet du Vaucluse de procéder à l’examen de ces éléments (…). ».
TA Nîmes, 29 octobre 2010, Commune de Lagarde-Pareol, no 1002479.

Création d’un plan d’eau piscicole - Possibilité pour l’autorité de police d’édicter des prescriptions au-delà du délai d’opposition - Incompatibilité avec le SDAGE au regard des objectifs de reconquête biologique qu’il prévoit.

40

« Considérant (…) qu’il ne résulte pas de la combinaison de ces dispositions [des art. L. 214-3, R. 214-35 et R. 214-39] une interdiction pour le préfet d’édicter des prescriptions particulières, alors que le délai d’opposition est expiré et alors que les travaux autorisés initialement ne sont pas encore effectués ; que M. et Mme Boutier ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que le préfet des Côtes d’Armor ne pouvait pas légalement édicter la prescription litigieuse ;
Considérant (…) que le SDAGE limite et encadre la création de plans d’eau dans le paragraphe 1C du premier chapitre de ses orientations fondamentales et dispositions intitulé “Repenser les aménagements de cours d’eau” ; qu’aux termes de ses dispositions 1C-2 : “La mise en place de nouveaux plans d’eau n’est autorisée qu’en dehors des zones suivantes : (…) les bassins versants où il existe des réservoirs biologiques” ; que le neuvième chapitre de ses orientations fondamentales et dispositions, intitulé “Rouvrir les rivières aux poissons migrateurs”, vise à identifier les critères et à définir des éléments de méthodes devant permettre au préfet coordonnateur de bassin d’établir le classement des cours d’eau à protéger prévu par l’article L. 214-17 du Code de l’environnement ; que les dispositions 9A-2 font ainsi apparaître, au nombre des éléments à disposition du préfet pour établir ce classement, la carte des réservoirs biologiques, comme le prévoient les dispositions précitées de l’article L. 214-17 du Code de l’environnement, et renvoie en annexe à la liste de ceux-ci (…) ; que parmi les réservoirs biologiques figurant sur ces carte et liste se trouvent le Trieux et ses affluents, la masse d’eau étant “le Trieux et ses affluents depuis Kerpert jusqu’à la prise d’eau de Pont Caffin” et les limites de ce réservoir allant “de la source à la confluence avec le Touldu” ;
Considérant (…) que l’exploitation se trouvant ainsi dans un bassin versant où se trouve un réservoir biologique, le préfet des Côtes d’Armor ne pouvait prendre une décision autorisant les époux Boutier à créer un plan d’eau sans qu’elle soit incompatible avec les dispositions 1C-2 précitées du SDAGE ; que le préfet des Côtes-d’Armor étant, dès lors, tenu de prendre une décision d’interdiction (…). ».
TA Rennes, 8 juillet 2010, M. et Mme Boutier, no 083502.

41Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que l’autorité de police puisse édicter des prescriptions une fois passé le délai d’opposition à opération soumise à déclaration.

42En tant que décision administrative, l’opposition peut bien évidemment faire l’objet d’une action en référé et son application être suspendue dès lors que l’urgence le justifie et qu’existe un moyen propre à créer un doute sérieux quant à sa légalité, conformément aux dispositions de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative. Toutefois, de façon pragmatique, l’urgence n’est pas admise pour suspendre un récépissé de déclaration assorti de prescriptions particulières lorsque celles-ci ont pour objet d’améliorer la situation initiale du point de vue de la qualité de l’assainissement des eaux usées et pluviales.

Jacques Sironneau
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Mis en ligne sur Cairn.info le 13/08/2015
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